Région. (Picardie, Wallonie)

A. -

"Essai, expérience, épreuve"

1.

"Opération qui consiste à vérifier la conformité de qqc. à une norme, la qualité de qqc."

-

"Vérification du titre d'une monnaie, des poids, des mesures" : Chi après s'ensiiet le manire coment ons doit faire l'assay de toutes mesures, et de tout che qui depent de dit assay. (HEMRICOURT, Patron Temp. B., c.1360-1399, 117). Item, quant ons fait l'assay des pois et des olnes (...), ly cherier doit avoir I oirfevre sermenteis, qui doit aidier remodrer les pois, soit de regrandier, soit del amenrir. (HEMRICOURT, Patron Temp. B., c.1360-1399, 120). Je l'aleue bien sans assai Ne sans envoiier au billon. (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 175).

-

"Vérification du poids (de qqc.)" : ...certain autre assay de pain eust esté fait a grant diligence (Mét. corp. Paris L., t.1, 1372, 202).

-

"Fait de goûter (un mets), d'en vérifier la qualité" : Gaston, son filz, avoit d'usaige que il le servoit de tous ses més de la premiere escuelle, et faisoit le premier assay de ses viandes. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 84). ...et le panetier doibt porter lesdictes saulses, et est la cause pourquoy le panetier baille l'assay au saulsier, et non pas le maistre d'hostel (LA MARCHE, Mém., IV, Pièces annexées, 1474,,, 23).

-

[À propos d'une pers.] "Occasion, possibilité de faire ses preuves" : Mes si gentil et si humain le sçai vos frans coers Que, se je puis venir jusqu'a l'assai Et vous monstrer mon desir et m'entente, Vous vos tendrés de moi assés contente (FROISS., Orl., 1368, 90).

2.

"Expérience (de qqc.)" : D'amours ce premerain assai En tres grant pensement passai. Mais jonece, voir, me portoit Et Amours ossi m'enhortoit Que je perseverasse avant. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 75). Car contre une a qui bien en vient d'aimer En sont .X. a qui en mesvient, Ce dist on. D'autre ne le sçay, N'oncquez mon cueur n'en fist assay (Livre amour. all. F., c.1398-1430, 64).

-

Mettre un assai avant. "Tenter une expérience, faire un test" : ...il se doubtoient des Parisiiens, et pour veoir quel contenance et ordenance li Parisiien feroient ne aroient à la revenue dou roi, il metteroient tel assai avant, et disoient chil varlet dou roi et des signeurs, quant on leur demandoit dou roi se il venoit : "Oïl, il vient voirement, il sera tantos chi." (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 75).

3.

"Tentative" : Pour ce que la ville de Douay, entre les aultres, avoit tousjours tenu pied ferme pour le parti du roy des Romains en livrant bonne guerre aux Francois, les Francois le coeullirent en grant hayne et firent pluseurs assais pour ravir par emblée ce qu'ilz ne povoyent concquerre par armes (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 545).

-

Assai du jour. "Première apparition du jour" : Dont alèrent couchier, tant qu'il virent le ray Du jour et du soleil qu'adont virent moult gay : Et Gaufer se leva, quant du jour vit l'assai, Et si homme autressi qui l'aiment de coer vrai. (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 192).

-

Assai(s) de + inf. "Tentative de" : Et en faisant de bien voller l'assay Mist, que bien sçay, plusseurs plumes au vent (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 278). Se les Francois, et bon nombre et par pluseurs fois, firent leurs assais d'entamer lesdis pietons ; mais iceulx, veans qu'ilz tenoyent bons termes, les leissèrent (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 316).

-

Par assai. "En faisant une tentative" : Sé li a dit : "biaus fiex, venés, je vous menrai A Gaufroi ; il vous mande." Et chuis a dit : "g'irai, Mais je vous ai couvent, si tost que le verrai, Que m'espée d'achier ou corps li bouterai ! Menés .J. de mes frères, si dites par assai Que che sui-je méismes, car aler n'i porrai." (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 192).

-

Faire assai + interr. indir. "Chercher à savoir" : "Seignor," dist li vassaus, "qui vorroit faire assais Dont hounor est estraite et tous bien est estrais, Reviaus, joie et jouvens, tornois, guerres et pais, On verroit que d'Amors vienent de plains eslais..." (BRIS., Restor paon D., a.1338, 124).

4.

"Épreuve" : Mes Orpheüs, sicom bien sçai, S'en mist toutes fois en l'assai (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 158). Maint philozophe ossi j'en sçai Qui encheïrent en l'assai Et furent feru de le darde (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 164-165). Quelle souchie ! Prophete, l'as tu point sentu ? Hau, prophete, fay moy beau jeu, Ve la mon cop et mon assay, S'il ne te siet, j'en referay. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 171).

-

Mettre qqn en assai. "Mettre à l'épreuve" : Car je t'ai mis en tamaint grant assai Par maintes fois, Mes onques jour, certes, ne te trouvai Fors tres loyal. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 137).

-

"Entraînement" : ...et si, y avoit aussi aucuns nobles hommes qui journellement faisoient leurs assais, qui de tout leur ceur desiroient estre avec le duc, ou cas que le duc de Clocestre vouldroit avoir compaignie d'un ou de deulx à combattre le duc (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 407).

B. -

"Affrontement, assaut" : Se ne fussiés mon sire, (...) Vous livrasse mon ghant pour faire à vous assay De vostre corps au mien (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 251). Sy trovat Charlez qui soy courosoit a son filz et le nommat : "Filz a putain, qui toy fist assay faire a ses paiens a ta grant honte et repreuve ?" (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 46). "...Prens ton harnois et sy faisons estour." Le roy rist et dist : "Foux, n'ai je(z) coure [de] ta pensee : se a l'ass[ay] n'esteiz ausy bien qu'al parleir, ne valeiz riens !" (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 189). "Sire, nous avons fait ung petit assay a la jouste ; or nous esprouvons aux trenchans des espees pour sçavoir qui est le milleur de nous deux." (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 96).

-

Mettre (des pers.) en l'assai. "Mettre en situation de s'affronter" : Il estoit deliés et menus de membres : si desplaissoit au conte de ce que il avoit à faire à un si fort et renommé homme d'armes comme Jehan de Castiel Morant estoit. Nonobstant il furent mis en l'assai, et vinrent l'un sus l'autre moult asprement. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 37).
 

"Essai" : Mais grief chose lui sembloit a acomplir ce que il leur avoit offert. Et nonpourquant le landemain se mist a l'assaiement. (Hist. anc. jusqu'à César O.C.-N., c.1330-1350, 428).

V. aussi assai
 

"Restes de fourrage, litière"

REM. Doc. 1376 (lesdiz fermiers nous doyvent bailler chascun an des litieres et assayes de cent bestes) ds GD I, 425c-426a.
 

Région. (Picardie, Wallonie, francoprovençal)

I. -

Empl. trans.

A. -

Assayer qqc.

1.

[Une chose concr.]

-

"Vérifier la qualité (d'un objet)" : Car, pour furnir ces ordenances, La damoiselle de Montrose Li avoit fait, c'estvraie [l. c'est vraie] cose, Pluiseurs fiers de glave assaiier (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 52). J'ay des chaines au fort aller Qui sont, mais que je les assaie, Fortes assés pour estrangler Lucifer au bout d'une haie. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 89). Certes, je suis d'oppinion Que ce fruit est a mengier bon, Car il est aux ieulx moult plaisant Et au regarder delitant. Pour tant en vouldray je ceulier, Affin que j'en puisse assaiier. (Myst. process. Lille K., t.1, a.1485, 141).

-

P. ext. "Passer (un vêtement) pour voir s'il convient" : "Il vous fault assaiier cesti." Adont Melyador vesti L'abit qui estoit pour son corps. Lansonnès li a .I. peu tors Sus l'espaule par desghisance Et, quant il en voit l'ordenance, Si dist : "Bien samblés marcheans..." (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 79).

2.

[Une chose abstr.]

-

"Faire l'expérience de" : Pour le dolent, perdu homme me conte Qui nuit et jour vit pour vous en grant painne. Peu se cognoist qui n'assaiie tel painne (FROISS., Orl., 1368, 100). Et sachiés que jeune chevalier ne doit sejourner a esbatre le corps selon son pouoir. Si en veux assaier m'aventure, s'il vous plaist. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 62). Il leur fault [aux femmes], pour estre achemée, Couvrechief, miroir, espinchaux, Lin, laine, quenoulle, fuisseaux, Drap, velours, satin, soye et saye, Nul ne le scet qui ne l'assaye. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 828). Prenés plaisir de corps et d'ames Et vivés ou chasteau d'espoir, Mon espeuse et toutes vos fames, Je vois assaier mon povoir. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 107).

-

"Apprendre à connaître, tester" : Li gentilhomme, qui pour lors estoient en Bregerach, orent consel de euls rengier et ordonner (...) et asaiier la poissance des Englois (FROISS., Chron. D., p.1400, 604). O, mon filz, assaye et espreuve en ta jeunesse ton ame et, se perverse et malicieuse la treuves, ne lui vueilliez donner la puissance de mal faire. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 196).

B. -

Assayer qqn

1.

"Mettre à l'épreuve" : Par pluiseurs fois t'ai peüt assaiier Par refuser, sans toi riens otroiier, Par toi monstrer samblant cruel et fier, Plain de rigour ; Dont pluiseurs fois t'ai veü fretillier, Trambler, fremir, sanc muer et cangier. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 135). Et vous me trouverés, pour vrai, Tous jours en tele volenté Que jamais jour ne vous lairai, Tant que j'arai vie et santé. Or m'assaiiés, se je di voir. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 193).

-

[De Dieu] : Je m'aprouchay es portes de la mort, et tu, Sire, mon Sauveour, me delivras de griefs maladies et de diverses plaies et blesseüres et trops perills par mer et par terre et touz jours en moy present estant et misericordieusement assaiant. (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 65).

2.

"Tester, évaluer les connaissances, les aptitudes (d'un candidat)" : Item, que aucun barbier de quelconques condicion ne doit faire office de barbier en ladite Ville et banlieue de Paris, se il n'est assaiés par ledit maistre et les quatre jurez, en la manière et selon ce qu'il a esté accoustumé au temps passé, et est encore de present. (Mét. corp. Paris L., t.3, 1371, 645).

Rem. Le même texte présente essayé ds Ordonn. rois Fr. V.B., t.13, 1447, 507.

3.

Assayer qqn + interr. indir. "Chercher à savoir (auprès de qqn) + interr. indir." : Si pensa qu'elle iroit le sien pere assaiant S'il avoit riens de boin qu'au cuer li fust plaisant. (BRIS., Restor paon D., a.1338, 79).

4.

P. ext. "Essayer ses forces contre qqn" ; d'où "affronter" : Quant aucun homme a son ennemy assayé, il destruit premierement les edeffices et met le feu par ses biens. (Élucidaire V, K., p.1400, 533). Toutesfois, qant il les orent assaiiés et veirent et congneurent que tant de vaillans honmes i avoit, il se combatoient en passant ensi comme l'escoufle vole (FROISS., Chron. D., p.1400, 889).

5.

"Examiner, observer les réactions (d'un animal)" : Ensi com[me] j'ai dit devant, Vint Amours sa cache eslevant, Et ot [ja] ses chiens assaiés, Dont Regars s'en fuit esmaiés Et Oïrs, douteus d'estre pris (ACART, Prise am. H., 1332, 27). Crokars (...) cevauçoit un coursier (...) et l'avoit tout nouviel et le volt asaiier pour veoir (...) comment il s'en poroit aidier (FROISS., Chron. D., p.1400, 860).

C. -

Assayer + interr. indir.

-

[Introd. par si]

.

"Faire une tentative pour voir si" : Souvent regardoit son anel Et moult tenoit le don a bel, De fois a autre le baisoit Et a son coutel assaioit, Qui moult estoit de dur affaire, S'il y poroit le trache faire Ainsi que ly dyamant font Par dedens le fier quant vray sont. (Dit prunier B., c.1330-1350, 66). Et lors il seroit plus grant dommage qui le [l'épervier] perdroit quant l'en en a eu tant de peine ; et pour ce est il le plus bel et le meilleur et le plus seur d'aissaier sagement et cautement s'il se tendra paisible sur le poing et le paistre dessus (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 163). Aprés elle vient par grace cooperant ou par son aide et frappe a l'uys de son ame, temptant et aysaient se il lui ouvrera l'uys de son cuer par consentement. (Déclar. Hyst. S., a.1449, 174). ...et aussi assayoit s'il pourroit reduire le duc de Millan (COMM., III, 1495-1498, 219).

.

"S'enquérir, vérifier si" : Mallegorge, va assayer De par de la s'il y a rien. (Pass. Auv., 1477, 140).

-

[Introd. par un adj. interr.] "Goûter" : Au mains viendriez vous assaier quel vin je boy. (Path. D., c.1456-1469, 78).

D. -

Assayer (à) + inf. "Tenter de, faire des efforts pour" : ...et assoierent à brisier un coffre, mais il ne peurent. (Conf. Jug. Parlem. Paris L.L., 1336, 115). Sy jamès il est revenu [Desplaisir], J'asseray par Dieu a l'abatre, [Pour passer temps.] (Rond. poés. XVe s. R., c.1400-1500, 147). Et celuy qui pour les mondaines Choses terriennes et vaines Assaye verité taiser, Et qui veult vivre et s'apaiser Au monde pour dons qu'on luy fait, Dy hardiment qu'il se defait (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 700).

II. -

Empl. pronom.

A. -

S'assayer à qqc.

-

"Tenter, tâcher de réaliser [une entreprise, un projet]" : Mil le voient tout clerement [l'arche de Noé], Mais d'approchier est il noient, Combien que tous ceulx qui le voient Cuident qu'en demy jour y soient. Et pluiseurs s'i vont assaier, Mais ne se vont qu'esbanïer (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 84). Avoec ce, se Phebus m'aÿe, Elle [la statue] ara mouvement et vie, A moi parra et jou a elle. Ensi, en restorant la belle Que tant amai et tant prisai, Vis m'est q'un bon pourpos pris ai Et je m'i vorrai assaiier Apertement, sans delaiier. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 95).

-

"Faire une tentative militaire (contre un site fortifié)" : Gautiers de Manni (...) dist a ses compagnons : "il nous fault asaiier a ce chastiel, se jamais nous le porions prendre..." (FROISS., Chron. D., p.1400, 548).

-

"Faire l'expérience de qqc." : Pluiseur enfant de jone eage Desirent forment le peage D'Amours paiier, mais s'il savoient Ou se la congnisance avoient Quel cose leur faut pour paiier, Ne s'i vodroient assaiier (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 49).

-

S'assayer à/de/pour + inf. "Tenter de" : La ville fist ardoir et le fu y bouta, Dont li contes de Toulouse tellement s'aïra Que d'assaillier Garscongne diuement s'asaia (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 270). Toutteffois ne fus je pas tant esbahy, veu que pluiseurs et meilleurs de moy y avoient failly, que ne lui demandasse qui il estoit et a quoy ce tenoit que moy ne autres tant de bons chevalliers qui s'estoient assaiés pour lui adouber n'en pouoient aucunement venir a chief. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 865). Mes toudis, [comme] se vertu n'eust point de loy en attente d'aucune retribution et comme se toudis luitast contre vent et s'asaiast a transporter montaignes de lieu a aultre, toudis se treuve recullé en soy avanchant et du naturel cours de vertu en soy ensievir dont tous les haulx hommes du monde de jadis ont tiré aulcun fruit, ly seul en demeure frustré et n'en peut tirer effect. (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 139).

B. -

S'assayer à qqn

-

"Éprouver ses forces, ses capacités en affrontant qqn (avec les armes)" : Et toutes fois sus une fie Je trouvai le bleu chevalier, Au quel je me veus assaiier. A li joustai et il a moy, Mais, par la foy que je vou doi, Je brisai contre li ma lance (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 270).

-

Empl. pronom. réciproque. "S'affronter" : - Sire chevalier, or voy je bien que vous savéz plus de joustes que moy, si vous pry que nous assayons des espees.- Et lors Cardenois li dist : - Sire, je acompliray voustre vouloir. - Et lors mirent mains aux espees (Cardenois C., c.1380-1400, 140).

.

S'assayer l'un contre l'autre : Si y euist on ses vertus Veües a ce chevalier Et l'un contre l'autre assaiier. Camelz est fols et oultrageus, Et cilz chevaliers corageus, Preus et hardis, et bien le moustre. Il euissent ci fait grant moustre Se il ne fuissent encontré. (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 198).

REM. Cf. FEW pour l'aspect régional.

V. aussi essayer
 

"Contrôleur" : ...et aussi que l'essay d'icelle boeste ne soit rapporté par le general essaieur et contressaieur d'accort (Ordonn. rois Fr. S., t.5, 1371, 402).
 

"Essai" : Lors a prins a chanter, cilx harpe par ensay. Et Hues a cantay d'ung melodïeux glay (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 155).

REM. MÉZIÈRES (laquelle monnoie fut mise a l'ensay) ds GD III, 226c.
 

"Action de goûter, d'essayer" : Degustamen (...) : gustemens, ensaiemens (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 111).
 

I. -

Empl. intrans. "Faire un effort, essayer" : Adnitor (...) : luy enforchier, ensaier, estre adjoint, estre apoié (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 9).

-

Ensayer si. "Tenter si"

Rem. EVR. CONTY, Probl. Aristote, 1380 (ms. du XV^e s., pource quierent ils autre chemin pour ensaier s'il en porroient mieuls venir a leur entente) ds GD III, 226c.

II. -

Empl. pronom. S'ensayer à qqn. "Se mesurer à qqn" : Porus, qui courut et racouroit de lieu en aultre, gaitoit et advisoit Emenidus, qui tant de damage faisoit aux siens, et pensoit que, s'il le pooit entrechevaulchier, que encore s'en ensairoit il a luy pour savoir s'il polroit ravoir son cheval. (WAUQUELIN, Faits conq. Alexandre H., c.1450, 168).
 

"Celui qui tente, essaye" : Tentator (...) : ensayeur (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 496).
 

Empl. pronom. réciproque. "S'attaquer" : ...et tellement s'entrassayerent qu'i n'y avoit cellui qui n'eust bon mestier de mire. Et grant merveilles avoient tous ceulz qui les regardoient comment ilz se pouoient si malement mener. (Erec Brux. C.T., c.1450-1460, 128).
 

Empl. pronom. réciproque. "S'attaquer l'un l'autre, se mesurer l'un l'autre" : Or querez une lance et j'en querray une autre, si nous entreassaions une autre fois. (Percef. VI, R., c.1450 [c.1340], 476). Il saillent apertement sur piés, et ja ilz se fussent oultreement entreessaiéz a l'espee se le roy Artus (...) ne eust fait sonner la retraite (Erec Brux. C.T., c.1450-1460, 167). A ces paroles, ilz s'entre essayerent moult durement. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 137).
 

A. -

"Action par laquelle on s'assure de la qualité de qqc., épreuve pour tester qqc., mise à l'épreuve"

1.

[D'un objet quelconque] : Les uns saillent, les aucuns luttent, les autres gectent la pierre ou la barre de fer ou la lance ou la darde. Les aucuns espreuvent leurs braguemars ou leurs pieces ou leurs bacinez de trait, de ject, d'espees, et d'autres pluseurs fors essays. Par mon chief, dist l'escuier, vecy bonne contenance de gens d'armes ; ilz ne sont pas apprentiz de leur mestier. (ARRAS, c.1392-1393, 178).

-

À tous essais. "Pour quelque épreuve que ce soit" : Je le vous baille [le harnais] a touz essais, N'en doubtez point. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 156).

-

Faire essai de qqc. "Mettre qqc. à l'épreuve" : Se ne fussiés mon sire, (...) Vous livrasse mon ghant pour faire à vous assay De vostre corps au mien (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 251).

-

Mettre qqc. à l'essai. "Mettre qqc. à l'épreuve" : [Dans un cont. allég.] "...Se doncques, Beau Filz", dist la royne, "pour ta haulte, indiscrete et jeune voulente, par tes appertisses et exortacions [mss B et C : exercitacions] perilleuses, sans tirer frain, comme tu as acostume, tu mectras a l'assay ceste pierre precieuse[c'est-à-dire ta personne royale], qui par miracle a este octroyee a la nef francoise, et il te adviegne mal, que respondras tu a Dieu au rendre compte du besant ?" (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 245).

2.

En partic.

a)

"À table, épreuve consistant à goûter les mets ou les boissons (tout particulièrement pour prouver qu'ils ne sont pas empoisonnés)" : Hannequin, l'orfèvre, pour refondre et refaire le henap de l'essay du Roy (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1359-1360, 207). "Gaston, son filz, avoit d'usaige que il le servoit de tous ses més de la premiere escuelle, et faisoit le premier assay de ses viandes." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 84).

-

P. méton. "Petit objet d'orfèvrerie (d'où pendent des pierres contre le venin), destiné, par simple attouchement des nourritures solides, à neutraliser le poison" : ...un essay d'or, à une chayenne d'or, au bout duquel essay a une fleur de lis (...) et au bout d'embas n'a point de lycorne. (Ch. VI, D., t.2, 1421, 387). ...un essay de licorne d'or (Comptes Lille L., t.2, a.1467, 121).

-

P. ext. Faire l'essai de qqc. "Goûter qqc." : Or ça, j'en vueil [d'une pomme] faire l'essay : De saveur est et de goust bonne. (Mir. Oton, c.1370, 348).

b)

"Opération qui consiste à apprécier la qualité d'une denrée, d'une marchandise" : Et en oultre la Court a enjoint audit prevost qu'il face diligence de faire faire pain de poix convenable, et qu'il face faire ung essay du blé et grain nouvel que on vend chascun jour. (FAUQ., II, 1421-1430, 215).

-

Faire l'essai du pain. "Vérifier que le poids correspond à ce qui est prescrit" : Item, les quatre preud'oumes dessusdits appelleront avec eulx le maire du Pennetier de France, et feront l'essay du pain deux foiz l'an (Mét. corp. Paris L., t.1, 1351, 4). ...certain autre assay de pain eust esté fait a grant diligence (Mét. corp. Paris L., t.1, 1372, 202).

Rem. "Pour réglementer la valeur du pain, on faisait, quand les circonstances l'exigeaient, un essai officiel du rendement de la pâte. Le prix restait fixe, mais le poids variait" (Éd.).

-

P. méton. "Petite portion de qqc. qui sert à juger du reste" : ...la Court avoit par avant mandé certains boulengiers de Provins qui avoient fait IJ essaiz de pain audit Troyes (BAYE, I, 1400-1410, 289).

.

"Amulette, pierre, corne ou dent d'animal susceptible de dénoncer la présence du poison dans les aliments" : Item une diapelée [chapelet] de essez D'argent et de petiz boutons. (Doc. 1407. In : F. L. Bruel, Bibl. Éc. Chartes 66, 1905, 222).

c)

"En monnayage, vérification du titre d'un métal destiné à faire de la monnaie" : De ladicte monnoye et des bes(s)ans fist tous les assaiz, ou chapitre du besant cy dessus declairez, c'est assavoir l'essay du feue, du marteu, du cyment et de toutes les autres choses qui appartiennent a assay. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 239). ...[icelui receveur] est alé à Lille devers messeigneurs des comptes, pour avecques eulx et autres officiers de mesdiz seigneurs estre present à la reddicion du premier compte du dessus nommé Buridam, maistre, et veoir faire les assaiz de la monnoye de Flandres (Comptes Etat bourg. M.F., t.3, 1416-1418, 241). ...c'est assavoir, à quans deniers et grains ilz doivent ouvrer, et s'ilz scevent aloyer leur argent et en faire essay, et qu'ilz sachent faire ung chief d'euvre (FAUQ., II, 1421-1430, 305). ...ung nommé Guillaume, du seurnom duquel n'est de present recors, et lequel se entremettoit comme lui du fait et science d'arquemie, (...) manda audit suppliant qu'il lui envoyast ou portast six marcs d'argent fin et il lui en rendroit douze, qui seroient de bon argent à tous essays et esperimens. (Doc. Poitou G., t.10, 1462, 395). ...ledit maistre Loys commança à dire audit suppliant que, s'il lui vouloit bailler une chambre garnie de lit, pour besongner, qu'il lui monstreroit à faire de cuivre fin argent à tous essaiz, examens et jugemens quelxconques (Doc. Poitou G., t.10, 1462, 399). ...lequel ledit Grant Jehan fist fondre et paravant que le marcher et mettre en forme, fist l'essay destaing et y fist deux ou trois formes de gros de Bretaigne, et après en fist dudit argent, mais il ne put riens faire et ne valut riens le tout de ladicte monnoye. (Doc. Poitou G., t.12, 1482, 530).

-

[D'un métal] (Estre) d'essai. "(Être) passé par la vérification du titre, (être) de qualité" : ...ledit suppliant (...) cuidoit certainement que icellui argent fust bon et d'essay (Doc. Poitou G., t.10, 1462, 397).

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[D'une chose quelconque] "De qualité" : Radus des Preis Portat blason de grant essay (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.4, a.1400, v.13957).

d)

"Opération permettant de contrôler la nature d'un minerai" : ...autres sept pièces de plomb pesans sept quintaux et demy que l'en dit avoir esté baillées par mon dit seigneur le procureur général et commissaire audit Jehan Chilin pour faire l'essay de certaine mine à luy baillée pour fondre en baing. (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 292). ...laquelle mine, veue et visitée par les dessus diz, ont dit et rapporté qu'il leur semble de prime face que la dicte mine ne vault gaires et qu'elle cousteroit plus à ouvrer que on n'en pourroit tirer, mais dient que si elle estoit leur, ilz feroient trier et séparer la dicte mine qui est de diverses sortes et en feroient faire des essaiz et celle qui trouveroient estre la plus prouffitable le mectroient en empure et que autrement ne le sauroient estimer ne apprécier. (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 325).

3.

"Mise à l'épreuve (d'une pers.)" : Mes Orpheüs, sicom bien sçai, S'en mist toutes fois en l'assai (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 158). Maint philozophe ossi j'en sçai Qui encheïrent en l'assai Et furent feru de le darde (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 164-165). Si n'en puis mais Qu'onques mais Nul si grief fais Com je fais Ne porta nuls amis vrais. Qu'à tous essais Sui detrais, N'en dis n'en fais Je n'ay pais Et au cuer trais ; Dont en plais Dolereus sont mes souhais. (MACH., Les lays, 1377, 320). Se drois chevaliers veulx cognoistre Et fussent ilz enclos en cloistre, L'essay c'on fist a Achiles T'apprendra a congnoistre les. (CHR. PIZ., Ep. Othea L., c.1400-1401, 250). Pour moy le dy purement, Car l'essay m'aprent comment, Soit dommage, soit injure : Qui bien ayme, tout endure. (CHR. PIZ., Cent ball. amant dame C., c.1409-1410, 97). Ung dur malheur ay pour essay Qui me tourmente amayrement. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 23). Quelle souchie ! Prophete, l'as tu point sentu ? Hau, prophete, fay moy beau jeu, Ve la mon cop et mon assay, S'il ne te siet, j'en referay. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 171).

-

D'essai. "Qui a été éprouvé, de qualité" : ...Por tant que me samblez ung hons de bon essai Vous tien a compaingnon, ne jai ne vous faurai (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 206). Et pour tous ces poins publier Et nostre ordonnance lier (...) Nous couvient envoier devant Gens saiges et de grant essay. (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 356). Ly canoinez sont noblez et puissans, bin le say : Ilh y en at pluseurs qui sont de teil essay Que pour moy decachier oultre les mons d'Assay Se ch'estoit par leur fait : ja ne le noieray ; Mais puis qu'il sont canoines, nulle rins ne forfay A leur grant nation ; partant ne moy lairay Que je ne moy defende (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.4, a.1400, 654).

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"Épreuve, exercice physique" : Du surplus, selon son aige de XIIJ ans, estoit tres habille et hardy valeton, fust pour chevauchier un bien rigoureux coursier, fust a chanter ou a dansser, a jouer a la paulme, a courir, a saillir, et a tous autres essais et esbas que il veoit aux hommes faire (LA SALE, J.S., 1456, 2).

-

Estre à l'essai de qqc. "Faire l'expérience de qqc." : Lors li dis je : "Biaus dous amis, Mais vous m'en faites le devis Qui congnoissez de moult de choses Les apparans et les encloses ; Souvent en estes a l'essay, C'est une chose que bien say." Se bien vous volez aviser, (MACH., J. R. Nav., 1349, 277). Et tant le monde ay hanté Que je vois, congnois, et sçay Vostre mal, car a l'essay Ay esté de tel malage. (CHR. PIZ., Duc vrais amans F., a.1405, 119).

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Estre à l'essai de + inf. : Par m'ame, je ne le sçay Ne saray, Lonteins de vous que j'aour, Pour ce qu'adès, sans delay, A l'essay Sui d'avoir toute dolour ; Car long de vous tout m'anoie Et desvoie Mon cuer et tient en irour. (MACH., Ch. bal., 1377, 602).

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Mettre qqn à/en l'essai. "Mettre qqn à l'épreuve, lui faire subir des épreuves" : Ne vueil pas qu'elle soit couarde, Car tous deus les pren en ma garde, Ne qu'elle soit de rien honteuse, Einsois doit estre humble et piteuse Pour son bon et son voloir faire Comme courtoise et debonnaire, Car je l'ay tant mis a l'essay Que fin et vray amant le say. (MACH., F. am., c.1361, 221). Il estoit deliés et menus de membres : si desplaissoit au conte de ce que il avoit à faire à un si fort et renommé homme d'armes comme Jehan de Castiel Morant estoit. Nonobstant il furent mis en l'assai, et vinrent l'un sus l'autre moult asprement. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 37).

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Prendre l'essai de qqn. "Mettre qqn à l'épreuve" : Mais auant ira demander A Martin quil verra passer Laumosne en lhonneur de moy De Martin vueil prendre l'essay Et quant retourne sen sera Aussi tost il [le pauvre] trespassera Lame de luy aporteras Et laumosne point ne laisseras Que Martin luy aura donnee (Myst. st Martin K., a.1500, 165).

B. -

"Action d'essayer, de tenter qqc., essai, tentative"

1.

"Première tentative d'une personne dans une activité pour juger si elle y est propre" : "Oncle," ce dist belle Aude, "tresbien me garderay, De moy n'en portera [Roland] neant pour son essay. " (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 159). Adonc pria le Roy Richart a l'escuier qu'il lui taillast a mengier et qu'il feist essay et son office (Chron. Rich. II, W., c.1400-1420, 94).

2.

"Action de faire une chose pour voir si elle amène le résultat escompté, premier acte d'une série destiné à tester le résultat qu'on peut attendre des suivants, tentative, essai" : Adonc haucha l'espee et en fist un essay (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 519).

-

Par essai. "En s'essayant à l'action, pour voir ; d'où d'une façon qui ne compte pas, pour rire, par jeu" : On cuidoit qu'[il] gabast et qu'il feist par essay, Mais oncq puis ne revint (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 211). REPISSE. Mais je m'apense qu'il veult faire De ceste ëaue. [Jésus, aux noces de Cana] REMUSE. Je ne sçay. REPISSE. La vueult il bailler, par essay, Pour eschauffer leur appetit ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 152).

-

Faire l'essai. "Être le premier à faire qqc. ou se mettre à faire qqc." : ...quand [le prêtre] vint a l'endroit du piege, il tumbe dedans, avecques le loup, dont il fut bien esbahy. Et le loup, qui avoit fait l'essay n'avoit pas mains paour du curé que le curé avoit de luy. (C.N.N., c.1456-1467, 354).

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[En cont. grivois] : ...le chapellain (...) se vint bouter auprès d'elle pour luy faire compagnie affin qu'elle n'eust paour, ou espoir pour faire l'essay (C.N.N., c.1456-1467, 333).

-

Faire l'essai de qqc. "Faire l'expérience de qqc." : JUDAS ...Que fais tu, Judas ? Je me nuys. Cherce tu le jour ? Mais les nuys. Que sera ce en fin ? Je ne scey. Je voys assés jussques a l'uys De repentance, mais je fuys Et n'en ose faire l'essay. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 271).

-

Faire essai + interr. indir. "Essayer si" : ...je vueil faire essay S'en pourroit estre despeschié Par le Dieu dont m'a tant preschié Ce bon prestre Hermolaus. (Mir. st Panth., 1364, 318).

-

Mettre un essai avant. "Tenter, faire l'expérience" : Il se doubtoient des Parisiiens, et pour veoir quel contenance et ordenance li Parisiien feroient ne aroient à la revenue dou roi, il metteroient tel assai avant, et disoient chil varlet dou roi et des signeurs, quant on leur demandoit dou roi se il venoit : "Oïl, il vient voirement, il sera tantos chi." (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 75).

-

Mettre en essai de + inf. "Tenter de" : "Sire, ne faittes nulle doubte, puisque vous avés ceste voulenté d'essayer la force de Mons. de Bourgoigne, qui n'est pas petite, mais grosse et puissante selon ce qu'il me peult sembler, que je ne mette ma vie et mes biens à vous faire service touchant la pescherie du duc de Bourgoigne de mettre en essay de l'aller pescher en son parc..." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 272).

-

Se mettre à l'essai. "Essayer, tenter" : La congnois tu ? Certes, nennil ; Car tu n'ies mie si soutil. Pour ce me vueil mettre a l'essay Dou dire, si com je le say. (MACH., R. Fort., c.1341, 67). Dont pluseurs y ot qui juroient Que le passage essaieroient, Car bien cuidoient estre tel Qu'il feroient tout autretel. S'il y passerent, plus n'en say. Mais tels se porroit a l'essay Mettre, qui s'en repentiroit Et qui jamais n'i passeroit. Car tels jure de son marchié Qui puis en laisse la moitié (MACH., D. Lyon, 1342, 235). ...luy estant en l'aage de XIII. à XIIII. ans, lors simple et ignorant, ung jour aux champs en gardant les bestes de Jehan Mathorry, son père, fut tempté par l'ennemy et enorté d'avoir habitacion charnelle à une jument appartenant à son dit père, et de fait se mit à l'essay et monta sur la dicte jument, en entencion d'acomplir le cas dessus dit (Doc. Poitou G., t.9, 1456, 424).

-

Se mettre en essai de + inf. "Tenter de" : ...S'elle m'aymera, je ne sçay, Mais je me mectray en essay D'acquerir quelque pou sa grace. (Au grey d'amours F.-H., c.1400-1500, 230). Et ledit Bordier lui respondit que par le sang Dieu, il feroit encores pis qu'il n'avoit fait et que, si le haseroit, que si feroit il à luy mesmes. Et de fait de rechief icellui Bordier se voulu mettre en essoy de frapper icellui Jehan Barraut, suppliant (Doc. Poitou G., t.9, 1451, 208).

-

Se mettre en essai + interr. indir.. "Essayer si" : Par Dieu, encore me mettray En essai se pourray passer. (Mir. nonne, 1345, 327).

-

Prendre l'essai de + inf. "Essayer de" : Je ne say Qui vous a fait prendre l'essay De mener vie si sauvage (Mir. st Guill., c.1347, 38).

3.

P. ext. "Acte, action"

-

D'un essai. "Dans un seul et même acte, en même temps" : "...Quant je verray le point, la jus me lanceray." Dont prendent a plourer trestous trois d'ung essay. (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 254).
 

"Essai" : On troeve de ces nois des fausses et des vraies ; A ces nois sont toudis malvaises les essaies. (GILLES LE MUISIT, Poésies K., t.1, c.1347-1353, 229). [aussi t.1, 296]

REM. Sens de "reste, relief" en afr., cf. T-L III, 1285, et GD III, 563c-564a.
 

"Tentation" : Si dirent [les moines] a Nicolas qu'il fust ferme, car il convendroit qu'il passast par moult de temptacions de [var. des essaiemens du] dyables. (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 364). [Var. ds VIGNAY, ms BNF fr. 241, a.1348]
 

A. -

Empl. trans. [En lien avec l'idée de mise à l'épreuve] "S'assurer de la qualité de qqn ou de qqc."

1.

Essayer qqc.

a)

"Faire brièvement usage de qqc. pour l'éprouver, avant de le consommer, de l'acheter, de s'engager..."

-

"Goûter (un aliment, une boisson)" : Et nonpourquant pourtoit cil periers beau fruit, mais bien veritez estoit que ja tant on ne le laissast meürer que nulz en peüst gouster ne essaier et, s'il advenoit par aucune aventure que un pou de ce fruit lui passast le col, tantost le convenoit estrangler ou mourir de male mort. (Bérinus, I, c.1350-1370, 140). Ce morsel ci essaieray ; Et puis j'en diray mon avis. (Mir. roy Thierry, c.1374, 305). C'est la fontainne douce et clere Qui puet dou tout assasier L'ardant soif de mon desirier Et tous mes griés maus alegier ; Mais trop m'en est Amours avere. Car ce m'art et me fait sechier, Qu'adès la voy, dont plus l'ai chier, Et goute n'en puis essaier. Pour ce à Tantale me compere (MACH., Les lays, 1377, 379). Nientmoins, ça ! j'en essaieray [d'un coulis] Et puis mon avis en diray. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 252). ...les diz mariez qui estoient taverniers, alerent boire et essaier en l'esglise d'Ardin, qui est forte, des vins de Mabile Rataude (Doc. Poitou G., t.5, 1385, 269).

-

"Passer (un vêtement, un équipement) pour voir s'ils conviennent " : L'OSTE. (...) Je le vous baille [le harnais] a touz essais, N'en doubtez point. ANTHENOR. Or essaions s'il m'est a point (Mir. marq. Gaudine, 1350, 156). L'ESCUIER. (...) Un parement vous apport, sire : (...) Essaiez le premiérement S'il vous est bon (...) LE SENESCHAL. Sa, puis qu'il fault que je l'essaie, Il me semble que je suy bien (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 67). Quant vous faictes faire un habit nouveau, ne le faictes vous pas essayer savoir se il y a qu'amender ? (ARRAS, c.1392-1393, 157). Dame, prenez ces vestemens Et les essayez, s'il vous plaist ; Se faulte y a aucunement Je voi cy ung ouvrier tout prest. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 351). Dame, prenez ces vestemens Et les essayez, s'il vous plaist ; Se faulte y a aucunement Je voi cy ung ouvrier tout prest. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 351).

b)

"Vérifier la qualité de qqc."

-

[Le compl. d'obj. désigne un instrument] "Utiliser une chose dans le but d'en vérifier le bon fonctionnement, l'efficacité" : ...un petit coustelet, duquel il avoit essayé se icelui fer de plenne estoit bien (Doc. Poitou G., t.7, 1414, 269).

-

MONN. "Vérifier le titre d'une monnaie" : ...et ce fait s'en vindrent en nostre ville de Tours avecques ledit faulx argent, lequel ilz portèrent au maistre de noz monnoyes audit Tours et lui demanderent s'il voulloit poinct achepter ledit faulx argent lequel respondit qu'il l'achepteroit voulentiers, mais qu'il l'eust essayé. (Doc. Poitou G., t.12, 1482, 555).

-

"Vérifier la qualité (d'un minerai)" : Le second recuit a eu 30 feux et ne sauroit au vray ledit Jacquemont, dire s'il a eu assez feu ou non et le fault essayer avant qu'il en sache jugier. Auquel Jacquemont je ordonné faire ledit essay et m'en faire son rapport le plus tost que faire se pourra. (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 249).

-

"Sonder (une voie d'eau)" : Et en tant que l'ost estoit la ainsi amassez que dit est, il fist tanter et essayer la riviere pour sçavoir comment il pourroient passer oultre (WAUQUELIN, Faits conq. Alexandre H., c.1450, 378).

.

Empl. abs. : ANTHENOR. (...) A boire ! a boire ! L'OSTE. Tantost, sire ; vezcy un voire. Tenez ; essaiez, mon seigneur (Mir. marq. Gaudine, 1350, 155).

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Essayer à la dent : La salee [morue] peu trempee sent trop le sel, et la trop trempee n'est pas bonne. Et pour ce, qui l'achaicte doit essayer a la dent et en mengier ung petit. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 237).

-

"Éprouver (une chose abstr.)" : Et pour ce, en reprenant ce que dessus comment les mariz essaient l'obeissance des femmes, jasoit ce que ce ne soit que jeu, toutesvoyes a tous qui estoient desobeis et qui par ce perdoient, le cuer leur douloit de la moquerie et de la perte, et quelque semblant qu'ilz en feissent, ilz estoient tous honteux et moins amoureux de leurs femmes qui leur estoient peu humblement craintives et obeissans, ce qu'elles ne devoient pas estre en tant soit petite chose. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 82). Et ne creez ja conseil de garcon, ne ne trayez ja trop privé de vous homme que vous n'aiez bien essayé ses meurs et ses condicions. (ARRAS, c.1392-1393, 85).

c)

"Expérimenter qqc." : Si leur ay toute m'aventure Compté, sans nulle couverture, Ce qu'avoie oy et veü. S'en ont trop grant merveille eü ; Dont pluseurs y ot qui juroient Que le passage essaieroient [var. assaieroient], Car bien cuidoient estre tel Qu'il feroient tout autretel. S'il y passerent, plus n'en say. (MACH., D. Lyon, 1342, 235). Comme esmaié, Tous maulx fors mort a essaié (CHART., L. Dames, 1416, 239). Vouldroit aucun changer sa vie A moy, pour essaier mon aise ? (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 457). [Un mari a empêché sa femme de s'assurer de la grande virilité d'un aubergiste] ...s'il vous eust voulu croire, et je n'y eusse contredict, vous aviez bonne devocion d'essayer sa puissance. (C.N.N., c.1456-1467, 411). [Un médecin pense à utiliser un nouveau remède] "Nous l'essayerons", dit le cyrurgien. (C.N.N., c.1456-1467, 504). Oudit an LXXVIII, le lundi devant les Roys, advint que pluseurs officiers du roy en son artillerie firent assortir une grosse bombarde, qui en ladicte année avoit esté faicte à Tours, pour illec l'essaier et esprouver. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 81). Ha ! dea, beau maistre, Vous aurés absolution Après votre confession. C'est bien raison que vous l'aiés. LA LAICTIERE. Dea, il fault que vous essaiez Aussi bien du mal que du bien. LE SERGENT. Maugré ma vie, je le scez bien. LE SAVETIER. Escoutés là, il veult prescher. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 36). Et, depuis ledit d'Ardaine, en essayant ung cheval à courre contre le prince d'Orenge, qui avoit mis ses gens en embuche dedans ung boys, et, quant ilz eurent couru jusques audit boys, incontinant les gens dudit prince sortirent, le prindrent, luy allerent incontinent faire copper le col. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 397).

-

"Mettre à l'épreuve qqc." : Li Sampnicien, perdu leur empereur et essaiees leurs forces par bataille de cheval, comme il veissent que c'estoit pour noyent et que deffendre Satricule ne povoient, il s'en tournerent au siege de Plistie. (BERS., I, 9, c.1354-1359, 22.11, 41). ...adonc Milions voult essaier sa force, et ses .II. bras en la fente estendi si que les coins cheirent, et l'arbre se rejoint, et il demoura en la fente et ne se pot ravoir, et ainsi là moru, et des bestes fu devorez. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 62). ...dez sa jonesse, par grant curiosité, le noble conte frequentoit et sievoit tournois, joustez et fais d'armez en tous lieux ou il mieulx cuidoit son corpz essayer et faire valoir (Comte Artois, c.1453-1467, 2).

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Empl. abs. : Et pour ce je dy que le cappitaine de Crathor est bon et gracieux et scet bien que prisonniers coustent: car beaucoup de foys il a essayé et en a prins, qui luy ont cousté bien chier. (BUEIL, II, 1461-1466, 13).

-

Essayer que. "Constater que (après avoir fait des tentatives)" : Quant li sains peres a veü, Essaié, tempté et sceü Que li bons roys qui tant valoit Nul acort faire ne voloit, Il a dit qu'il le mandera Et de la pais le priera, Et qu'à ce vuet mettre grant peinne. (MACH., P. Alex., p.1369, 236). Car sachiez que j'ay essayé que quant les couvertures, pennes, ou robes ou il a puces sont enclos et enfermez secretement, comme en male bien lyee estroictement de couroyes, ou en sac bien lyé et pressé, ou autrement mis ou compressé, que icelles puces soient sans jour et sans air et tenues a destroit, et ainsi se periront et mourront sur heure. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 101).

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Essaier comme + interr. indir. "Faire l'expérience de la façon dont..." : Maiz je pry a Dieu qu'Il la gart Et lui en doint Tel joie qu'il ne faille point Qu'elle essaie com Amours point Ceulx a qui n'en va pas a point, Comme je l'ay Essaié. (CHART., L. Dames, 1416, 208).

-

Essayer comment : Saint Jehan ! dit l'aultre, j'essaieray comment je pourray faire. (C.N.N., c.1456-1467, 136). ...je m'en voys essayer comment je passeray par ceans (C.N.N., c.1456-1467, 437).

2.

Essayer qqn./un animal

a)

"Faire subir une épreuve à qqn pour vérifier ses qualités, ses aptitudes, ses réactions" : Lors fu en grant merencolie Comme cils qui pense et colie, Contrepense, estudie et muse, S'a certes estoit, ou par ruse, Ou se ses cuers einsi plaier Me voloit, pour moy essaier. (MACH., R. Fort., c.1341, 153). Mes doulz amis, Qui vous a en cest estat mis ? Ne vous devés pas esmaier, Car ce fu pour vous essaier Quant je vous fis petite chiere. Ne veuil pas estre envers vous fiere, Car vous estes mon ami vrai, N'autre de vous jamais n'aurai. (MACH., Voir, 1364, 108). Si ne sçay, s'Amours m'essaie, Qui tant me grieve et esmaie, Ou s'il li plaist que je traie Toudis mal qui me detraie. (MACH., Les lays, 1377, 319). ...ne autrement en quelque maniere ne vous vueil je point essaier, car a moy souffist bien l'espreuve ja faicte par la bonne renommee de vos predecesseurs et de vous, avecques ce que j'en sens, et voy a l'ueil et congnoiz de vraye experience. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 73). ...c'est grant simplece a vous de ainsi faire traveillier voz gens d'armes pour neant. Comment ! dist Anthoine. Quant vous faictes faire un habit nouveau, ne le faictes vous pas essayer savoir se il y a qu'amender ? Et ceulx respondent : Par foy, monseigneur, c'est raison. Dont, dist Anthoine, ay je droit d'avoir essayé mes compaignons, pour savoir comment je les auray prests a mon besoing, veu que nous approuchons de noz ennemis. Au moins, se aucune faulte y eust eu, nous y eussions pourveu de remede a moins de dommage que se besoing y feust. (ARRAS, c.1392-1393, 157). ...ne sçay se querez voye Pour m'essayer (CHR. PIZ., Cent ball. amant dame C., c.1409-1410, 105). ...aulcun barbier, de quelque condicion qu'il soit, ne pourra ne devra faire office de barbier en nos diz pays ne aucun d'iceulx, s'il n'est essayé et eprouvé par les diz maistres et jurez. (Doc. Poitou G., t.7, 1420, 357). J'ay bien oÿ que aucunes desplaisances amours leur ont donné pour les essaier, mais ce n'estoient pas yres se ilz n'estoient ferus d'autre mal que d'amours. (LA SALE, J.S., 1456, 18).

-

"Tenter qqn, mettre qqn à l'épreuve (pour voir ses réactions, pour lui faire faire qqc...)" : LA FILLE AU ROY. Meschant prestre, je t'essaioie. Cuides tu que tant m'avillasse, Que je mon corps t'abandonnasse, Fol malostru ? (Mir. st J. Cris., c.1344, 269). Adont Dieu se mist en conroy, Et lui respondi [à Satan] par mesure : "On list en le Sainte Escripture Que ton Dieu et ton droit Seignieur, Qui dessus tous est le grenieur, Ne dois essaaier ne tempter." (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 104). ...Madame ne le fait que pour m'essaier et pour me bailler encombrier ou cas que vouldroye faire telle faulte vers Monseigneur et telle deshonneur (Nouvelles inéd. L., p.1452, 21). Et toy, en sces tu riens, Sathan ? Sy bien l'as espïé tousjours Et essayé par tant de tours, Tu en dois sçavoir quelque chose Ou, quant est a moy, je suppose Que deable n'y scet bouter groing. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 384). Et trouva Charles maniere de parler a la royne, sa damme, et luy dist : "Ma damme, vous plaist il bien que je soye a ce tournay ? Et aussi de quel couleur voulez vous que mes armes soient ?" Ores la royne savoit bien qu'il ne voulloit estre houssé que de bleu ; si luy dist pour l'essaier : "Charles, mon amy, je vouldroye que vous fussiez housé tout de blanc." (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 43).

-

"Observer, voir les réactions de qqn, faire parler qqn" : ...se elle est en aucun doubte ou avis que elle entrepregne aucun fait, essaie ses gens et sache de leurs courages et voulentez ains que trop s'y fie, regarde quelle poissance elle a de gens et quel secours puet avoir se besoing en a (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 151).

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"Tester la valeur de qqn (ici, en se battant avec la personne)" : C'est Roulant, nepveu Charles, je le vien d'essayer, Aujourd'ui m'a donné assez de son mestier ! (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 202).

-

Part. passé en empl. adj. "Éprouvé, vaillant" : Qu'il vous plaise de vostre grace Prendre chevaliers essayés Des plus hardis que vous ayez (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 436).

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[Avec une connotation sexuelle] : Par Dieu, elle [ma femme] vous actendra bien, Car elle a esté bien essayee. Montés dessus plan et valee, D'elle vous serés tous reffés. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 48).

b)

Essayer un animal "Faire faire un galop d'essai (à un cheval)" : ...le seigneur de Charny essaya son cheval deux courses avant ce qu'ilz besongnassent (LEFÈVRE ST-RÉMY, Chron. M., t.2, c.1462-1468, 315).

B. -

[En lien avec l'dée de réussite] "Tenter, risquer qqc. sans être sûr de réussir"

1.

Empl. trans.

a)

Essayer qqc. "Mettre à l'épreuve (la force de qqn) en l'affrontant" : "Sire, ne faittes nulle doubte, puisque vous avés ceste voulenté d'essayer la force de Mons. de Bourgoigne, qui n'est pas petite, mais grosse et puissante selon ce qu'il me peult sembler, que je ne mette ma vie et mes biens à vous faire service touchant la pescherie du duc de Bourgoigne de mettre en essay de l'aller pescher en son parc..." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 272).

-

Essayer son corps à l'encontre de qqn. "Se mesurer à qqn pour éprouver sa valeur" : Or fault parler du duc de Bourgoingne qui grant desir avoit de essayer son corps allencontre du duc de Cloceste (LEFÈVRE ST-RÉMY, Chron. M., t.2, c.1462-1468, 54).

-

Essayer sa fortune. "Tenter sa chance" : Leur fortune encor essayer Veulent, riens n'y vault l'esmayer. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 215).

-

Essayer à/de + inf. : Et pour ce que ainsi est, il nous convient essaier vraysemblabement et grossement a comprendre ceste chose et a savoir que ce est. (ORESME, E.A., c.1370, 105). ...après pluseurs journées, et que aucuns des seigneurs de ceans et le graphier eussent essayé, chascun en son endroit, d'accorder les parties (BAYE, I, 1400-1410, 273). Ce jour, aucunes gens d'armes (...) essayerent et s'efforcerent de prendre et escheller le pont de Charenton (FAUQ., I, 1417-1420, 278). Et dudit Sainct-Denis s'en ala au pays de Picardie et Flandres, pour cuider communiquer avecques les Flamens et Picars et essaier de faire aucun accord entre le roy et eulx sur leurs differens (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 102). Et le duc d'Autriche, congnoissant que ses ennemys se deliberoient de essayer à luy mal faire ses besongnes, se getta aux champs luy et son armée, qui estoit grosse et puissante, deliberé de leur offrir le combat. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 391).

-

Essayer si + interr. indir. : Si me pensai que j'escrisisse Et que devers elle envoiasse, Pour essaier s'en li trouvasse Par qu'elle y peüst conseil mettre ; Si fis escrire ceste lettre. (MACH., Voir, 1364, 586). ...recordant en soy et considerant que partie des choses à li dites par sesdites voisines de Rilly en Anjou, elle avoit trouvées vrayes, voulant aussi essayer et savoir se les autres choses cy-dessus escriptes, par elles à li dites, estoient vrayes mesmement (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 329). ...et sera essayé se l'en pourra trouver aucun apaisement et traictié entre lesdictes parties (FAUQ., II, 1421-1430, 228). Aprés elle vient par grace cooperant ou par son aide et frappe a l'uys de son ame, temptant et aysaient se il lui ouvrera l'uys de son cuer par consentement. (Déclar. Hyst. S., a.1449, 174). Toutesfois à ce conseil fut conclud que on tireroit devant Paris, pour essayer se on pourroit reduyre la ville à vouloir entendre au bien de la chose publicque du royaulme, pour lequel disoient estre tous assembléz (COMM., I, 1489-1491, 43).

b)

Essayer qqn. "Faire une tentative auprès de qqn" : ...c'est bon que nous essaions le roy de Castille ; espoir aura-il si grande affection de nous veoir yssir hors de Castille que legierement il nous accordera à passer parmy son royaulme (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 102).

2.

Empl. pronom.

a)

S'essayer à qqc. "Tenter qqc." : La, a plusieurs fais s'essayerent Les chevaliers, qui s'esgayerent (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 182).

-

Empl. abs. "Faire une tentative" : Il cuidoient certeinnement Que nostre crestienne gent Fussent si fort et si yniaus Qu'il fussent jà sus les creniaus. Pluseurs des nostres s'essaierent Au pertuis, mais pas n'i monterent, Pour ce qu'il estoit si estrois Qu'il n'en y pot monter que trois. (MACH., P. Alex., p.1369, 89). ...et dit que depuiz il a veu aller et venir et s'essoier et labourer en un sen courtel pres du boys de Chalamon (Doc. 1391. In : M. Bubenicek, Entre rébellion et obéissance, 2013, 584). [Est-ce bien ce verbe ?]

-

S'essayer à/de + inf. "Faire une tentative pour, s'employer, s'appliquer à" : ...Car maint aimment - et j'aussi l'aim - Trop plus le printemps que l'iver, Car neis les bestes et li ver Qui contre lui de la terre issent De sa venue s'esjoïssent, Et li oisillon s'en esgaient, Qui a faire joie s'essaient... (MACH., D. Lyon, 1342, 159). ...mais que t'essaies A ta char pugnir et purgier Pour gairir t'ame et alegier. (Mir. parr., 1356, 26). David sourmonta l'ennemi de Saul, c'est a savoir Golias le gayant, et touteffois Saul se essaya tousjours de l'agaittier pour le faire morir comme son ennemi. (MIÉLOT, Spec. hum. salv. L.P., 1448, 137).

-

S'essayer si + interr. indir. "Mettre à l'épreuve ses capacités pour vérifier, pour voir si" : Si montai sur ma haguenee Grosse et grace et bien reposee, Si m'en alai par mi le[s] champs Pour oÿr des oisiaus les chans Et pour avoir l'air - quar, sans fable, Chose m'estoit moult profitable - Et aussi pour moy essaier Se je porroie chevauchier. (MACH., Voir, 1364, 130).

b)

S'essayer à qqn. "Mettre à l'épreuve sa force en se mesurant à qqn, se battre avec qqn" : ...qui veult estre homme d'armes se doit acoustumer aux choses, qui s'ensuivent, c'est assavoir (...) souventes fois à aultres hommes soy essaier (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 207).

-

Empl. factitif Essayer qqn contre qqn. "Faire se battre qqn contre qqn" : Il prist en luy penssement que par adventure le dieu des crestiens estoit plus certain et feal que celluy des payens, mais avant qu'il declinast de ses dieux adourer, il eut desir de essayer encoures une fois nombre de payens contre nombre de crestiens. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 189).

C. -

P. ext. empl. trans. [Sans idée de mise à l'épreuve ou d'éventuelle réussite] "Faire l'expérience de qqc., vivre qqc." : Et sachez que a Romme l'en ne mesprisoit point la bataille des Ombrez et aussi leurs menacez les avoient effraiez comme ceulz qui avoient experi et essaié la desconfiture des Gaules dedens les murs de leur ferme cité (BERS., I, 9, c.1354-1359, 41.11, 77). Et vous di que j'ay tousjours ouy dire aux anciens gens de guerre, qui ont essayé beaucoup de choses, que ce sont les deux plus perilleuses besongnes et qui sont en plus grant hasard à la guerre, qui y peussent gueres estre. (BUEIL, II, 1461-1466, 245). Et dit Valere que la plus grant inimittié que puisse avoir ung empire, cité ou pais c'est injustice (...). Et dit aussi monsr. saint Augustin (...) Remota iusticia quid sunt regna nisi latrocinia ["Sans justice que sont les royaumes sinon affaire de brigands"] ? On l'a bien essayé en ce royaume. (JUV. URS., Verba, 1452, 297).

V. aussi assayer
 

MONN. "Celui qui vérifie le titre d'un métal destiné à la fabrication des monnaies" : ...sanz sur ce estre tenu de paier ou donner quelque chose à la garde, assaieur, tailleur ou quelque autre officier ou serviteur de ladicte Monnoye, pourveu que se ledit pié de monnoye se muoit dedens ledit terme de trois ans ledit Buridan seroit lors tenu de baillier caucion et de rappleger lesdictes monnoyes et paier les officiers d'icelles comme il appartiendra (Comptes Etat bourg. M.F., t.3, 1416-1418, 193). ...la somme de vint frans en deniers paiez à Jehan de Vivier, assaieur de ladicte monnoye (Comptes Etat bourg. M.F., t.2, 1418, 77). ...Huguenin de Boussenon, essayeur de la monnoye de Cusery (Comptes Etat bourg. M.F., t.2, 1420, 883).
 

"Essai"

REM. Doc. 1346 (Meuse, faire lou say dez viandes de charnage) ds GD VII, 283b.

V. aussi sayer
 

Région. (Nord)

I. -

Empl. trans.

A. -

"Essayer" : Et toutes les mesures deseurescript doyent eistre sayés et mesuréez al anchien bichiers que ons dist le bichier ["mesure pour liquide"] Sains-Hubier. (STAVELOT, Chron. B., a.1447, 212).

-

Sayer si + prop. interr. indir. "Faire un essai pour voir si" : Atant s'avisat la femme Ferolas, et vot ["voulut"] saier se ly venyn astoit vraie ; si en mist en la viande son marit, qui tantoist que ilh en oit gosteit morit. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.1, a.1400, 364). Ilh [Saladin] avoit oiit parleir de la grant cariteit del hospitaile Saint-Johans d'Acre, et oiit dire que tous mesasiés estoient là aidiés et li donoit-ons tout chu que li estoit mestier (...). Si pensat Saladin qu'ilh saieroit se ch'estoit voirs ou non ; si prist bordon, esquerpe et esclavine, et s'en vint tout droit al hospitale (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.5, a.1400, 181).

Rem. Boece en rime A., c.1350-1375 (J. K. Atkinson, R. Ling. rom. t.75, 2011, 485 ; saier).

B. -

"Goûter" : ...si tost que li conte de Dommartin en saiat [du fromage qu'on venait d'apporter au roi], ilh sentit le venien, et escriat le roy qu'ilh n'en gustate nient : et tantost ilh morut sens confession de preistre. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.6, a.1400, 212).

C. -

"Se mesurer avec" : Quant Liegois l'entendent, se dient que ilh yront et saieront l'evesque. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.6, a.1400, 289).

II. -

Empl. pronom. "S'éprouver" : Et quant Tritan l'oÿ, couleur print a muer ; A soy meesmes dist : ".I. cor me fault trouver Ou ly plus couars homs qu'au jour d'ui puist regner Se puist par couardise saier et esprouver..." (Tristan Nant. S., c.1350, 321).