C.N.R.S.
 
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FEW XIV videre
VOIR, verbe
[T-L : vëoir ; GD : veoir ; GDC : veeir ; DÉCT : vëoir ; FEW XIV, 421a : videre ; TLF : XVI, 1248a : voir]

I. -

[Domaine des perceptions physiques]

A. -

[Sens de la vue, idée de perception passive] "Percevoir par le sens de la vue"

 

1.

Empl. trans. dir.

 

a)

Voir qqn/qqc. : Donc tout ne soit ame visible A nous, quant est de sa nature, Dieu la peut en quelle figure Que mielx li plaist faire apparair, Si comme par terre ou par aer Ont esté les anges veüz Qui jamés estre apperceüz Pour chose mortel ne peüssent S'en corporel habit ne fussent. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 86). Quant il furent bien ordené, Le landemain se departirent, Si tost comme le jour veïrent. (MACH., P. Alex., p.1369, 134). Donc doit le veneur a matin quant il sera jour cler aler a la charoigne et lier son cheval bien loing d'iqui au dessoubz du vent et doit venir tout bellement la ou est la charoigne et esgarder s'il pourra veoir les loux. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 237). ...et illec samblablement mal print et embla l'autre desdites tasses, sans ce que aucunes des gens dudit hostel veissent ou apperceussent lui qui parle (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 135). Sa beauté veoir desira, Car onques on ne remira Plus bel homme, en toutes façons (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 65). ...et damp Abbés commença et dist : "Haro ! qui parle du loup, il en voit la queue. Les oroilles, monseigneur de Saintré, vous cornoient elles point ?" (LA SALE, J.S., 1456, 291). Qui vous esmeult A croire que [Jésus] filz de Dieu soit ? Come nous mange, dort et boit. On le voit ; Dieu est invisible (Pass. Auv., 1477, 161).

 

-

Voir qqc. à qqn : Et si y avoit encores trois bien belles filles, faisans personnages de seraines toutes nues, et leur veoit on le beau tetin droit, separé, rond et dur, qui estoit chose bien plaisant, et disoient de petiz motetz et bergeretes (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 27). Il luy monstre commant il est sans robe et qu'on luy voit la chemise. (LA VIGNE, S.M., 1496, 548).

 

-

[Suj. référant à l'organe de la vue] : Neantmoins quant je congnois nostre Dieu, je congnois une lumiere toute autre que n'est celle que les yeulz voyent (GERS., Trin., 1402, 157). L'ame respont : - Je sçay bien que l'eul voit toutes chouses fors soy meisme, car il ne se voit point ; pour ce les clers le nonment abscolor, qui vault autant a dire comme "sans couleur". (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 261).

 

-

Empl. pronom. Se voir

 

.

Empl. pronom. réciproque : Qant li doi chevalier se veirent, il se recongnurent assés, car aultres fois, il s'estoient veu. (FROISS., Chron. D., p.1400, 836). ...quant le jour fut cler et que on se veït l'ung l'autre, ilz furent reboutéz. (COMM., I, 1489-1491, 149).

 

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Empl. pronom. réfl. : O homme ! se tu te veoies quant yre te surmonte furieusement, grant orreur auroies (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 30).

 

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Prov. : Qui bien se voit, bien se congnoist (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 197).

 

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Empl. pronom. à sens passif : Desquelles ysles celle(s) de Estrongol art jour et nuit sans cesser ; dont, pour la clarté du jour, les flambes ne se puent veoir mais gette les grandes et merveilleuses flambes de fumees rouge(s), noire, verde, janne et de diverses coulleurs, qui semblent monter jusques au ciel. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 142). Et quant ilz furent ce soir ou preau pour deviser, Saintré ly monstra le bracelet a la clarté de la lune, mais bien veoir ne se pouoit. (LA SALE, J.S., 1456, 83). Il ne se tourna que ung homme à pied, qui lui donna d'un voulge parmy l'estomac, et au soir s'en veit l'enseigne. (COMM., I, 1489-1491, 30). Fist semblablement icelui Virgille, par son art mathematique, percer une montaigne pour abreger le chemin, si très avant que, à peine quant l'on est ou milieu, se peuvent veoir les deux boutz (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 70 r°).

 

-

[Empl. pronom. impers.] Il se voit : Comme tout fut assemblé auprès du roy, il se veoit encores hors de leur host grant nombre d'hommes d'armes en bataille, et s'en veoit les testes seullement et les lances, et aussi des gens de pied, et y avoient tousjours esté (COMM., III, 1495-1498, 194).

 

-

[En tournure factitive] Faire voir qqc. à qqn : ...et me fit-on veoir trois ou quatre chambres, les planchers richement doréz et les lits et ostevans (COMM., III, 1495-1498, 111).

 

-

[Au paradis ou dans les limbes] : Mais qui pis est, dont tout le corps me tremble, La chetive ame en grant peril seroit ; Pour ce est foulz qui telz crimes assemble Car il s'en fait partout monstrer au doit, Hair aussi ; pour ce faire ne doit Nulz telz meffaiz, se Dieu veult vir en face, Car a chascun fera justice et droit (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 54). L'ARME. A vous, sancts peres, je vien Et vous porte bonnes nouvelles, Car vostre saulveur et le mien Tantost viendré. Levés vous eles [les ailes avec lesquelles on se représentait les âmes des défunts] Pour ses prudences et cautelles. Il a les dïables deceu. Vous varrés lumieres fort belles ; Je vous dy, car je l'ay veü. (Pass. Auv., 1477, 113). Il te fault aux limbes venir, Ame sancte, a Dieu plaisent (...) Illecques varras Dieu vivent, L'ame Jhesus, plaine de gloire (Pass. Auv., 1477, 251).

 

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CHASSE ["Cri qu'adresse aux chiens pour les ranimer le chasseur qui a lui-même vu ou dont un des chiens sages a vu la bête ou les traces" (Éd.)] (Je) le vois : J'appellé tous les chiens a moy. Myraulde tantost en reprit. "Escoute, a Myraulde, le voy !" Chascun a rechasser se prit (BRÉZÉ, Chasse T., c.1481-1490, 40).

 

-

Faire beau/bon voir qqc./qqn : Ilz furent contens de prendre ces chemises de l'oste, qui estoient courtes et estroictes, et de dure et aspre toille ; et Dieu scet qu'il les faisoit bon veoir. (C.N.N., c.1456-1467, 399). ... et faisoit moult beau veoir ledict pavillon par dedans et les beaux carreaulx et oreilliers qui y estoient. Aussi faisoit beau veoir les ornemens de sa chappelle, qui estoient moult fort beaux et riches. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 37). Par le vouloir Madame la marquise Sortirent hors pour faire leur devoir Bourgoys, marchans et toutes gens d'eglise, Lesquelz faisoit terriblement beau voir. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 180).

 

-

[En tournure nég.]

 

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Ne pas pouvoir voir qqn. "Ne pas supporter qqn" : Car elle a si tres grant envie Sur ceulx qui mainent bonne vie Et qui sont riche et comble et plain Que veoir ne les peut a plain, Aussi est Envie appellee. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 112). Et lors Mons. de Lude luy respondit : "Sire, c'est de deux choses l'une, comme mon advis est : qu'ilz hayent tant voz ennemys qu'ilz ne les povoient veoir ou peult estre aussi que c'est de l'effroy d'avoir veu tuer voz frans archiers." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 393).

 

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[Exprimant l'hostilité] : Janus, accop, fay le tumber Abas, que jamaiz ne soit veu ! (Pass. Auv., 1477, 122).

 

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[Exprimant l'horreur, le dégoût] : Malliferas, sans plus parler, Reprent ce chief [la tête de Jean-Baptiste] ; va le tourner Pres de son corps, que ne le voye. (Pass. Auv., 1477, 108).

 

-

Voir de ses yeux. V. oeil

 

-

Voir à l'oeil. V. oeil

 

-

Voir qqn en face. V. face

 

-

Voir aux yeux/de ses yeux. V. oeil "Voir de ses propres yeux"

 

-

Ne voir soleil ne lune. V. lune "Être aveugle"

 

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[Suj. référant à une chose] "Rester caché" : Ilz ne verront soleil ne lune, Les escus qu'i me baillera, De l'an, qui ne les m'emblera. (Path. D., c.1456-1469, 80).

 

-

Voir tout. "Être au comble du bonheur" : "Sire", dit elle, "quant je vous voy, je voy tout, si ne vous laisseray, mais que je ne vous desplaise, jusques a la ville." (Jehan de Paris W., 1494-1495, 11).

 

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[Formule d'affirmation] Aussi vrai que je vous vois. V. vrai

 

b)

[L'obj. perçu par la vue est engagé dans un procès] Voir qqn/qqc. + relative, part. prés. ou inf.

 

-

Voir qqn/qqc. + relative : Nous avons veu chiens a monceaulx Qui s'enfuyoient devant les lievres. (Rapp., c.1480, 62). Aucuns de nostre costé desiroient que on recommençast, et par especial monsr de Hautbourdin, qui disoit qu'il veoit une fille de gens qui s'en fuyoient (COMM., I, 1489-1491, 33). Les chevaucheurs qui estoient enforcéz allèrent plus près de Paris et veirent plusieurs chevaucheurs qui venoient pour savoir ce bruyt en l'ost. (COMM., I, 1489-1491, 72).

 

-

Voir qqn + part. prés. : "Certes, dist il, se je eusse veu de mes propres iex le prestre de Dieu ou aucun de ceulz qui sont vestu de habit de prestre ou de religion pechant ou mal faisant, je eusse desploié mon mantel et l'eusse couvert a fin que personne autre ne l'eust sceu". (FOUL., Policrat., IV, 1372, 54). Quant ce fut fait il vint a l'un et lui demanda soubz quel arbre ce avoit esté fait et qu'il avoit bien veu l'omme et Susanne faisans leur pechié (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 50). Certes, s'en doit bien estre amee, Car c'est fait de tresbon enfant. Je l'ay veüe moult souvent Gardant brebis par mi ces champs. Maiz sa maniere est bien plaisans (Gris., 1395, 30). "Ho ! je vois une nef venant, et crei que elle soit d'Espagne." (FROISS., Chron. D., p.1400, 883). ...se aucun voit ung aultre faisant une roe, il est necessaire qu'il face la roe (Somme abr., c.1477-1481, 167).

 

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Voir qqn/qqc. + inf. : Si regarda en la mer un petit apriés solel levant, et vei flamboiier grant fuisson de voilles en nefs, et c'estoit la navie d'Engleterre qui venoit. (FROISS., Chron. D., p.1400, 524). Helas ! dit elle, et ne vous ay je pas bien veu après disner tenir voz longues parolles a une femme en la sale en bas ? (C.N.N., c.1456-1467, 71). ...il vit et apperceut souvent le galant entrer de nuyt (C.N.N., c.1456-1467, 378). Maintenant vouldroye fut nuyt, Qu'on ne me vist Porter ce chief tant gracïeux. (Pass. Auv., 1477, 109). Luy voy tu point les vaines batre ? (Pass. Auv., 1477, 250). J'ay veu roches et pierres fendre (Pass. Auv., 1477, 274). Après y avoir esté une longue pièce, veïrent venir quarante ou cinquante chevaulx (COMM., I, 1489-1491, 84). ...et la signifficacion d'une estoille que plusieurs virent entrer dedans la Lune, comme il sembloit. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 98 r°).

 

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[Voir à la 5e pers. du subj. impft., dans des adresses au lecteur/auditeur, pour mettre en évidence un fait extraordinaire] : Veïssez femmes grant deul faire, Hommes doloser, enfans braire Et faire a lor roi oraisons Que des greves chaistivoisons Donc cel roi les avoit grevez Fussent aucun poi relevez (Tomb. Chartr. Souvain S., c.1337-1339, 29). ...la veissiés dames, damoiselles, chevaliers et escuiers regarder par merveilles ces compaignons. (LA SALE, J.S., 1456, 238).

 

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Voir venir qqn. V. venir "Deviner les intentions de quelqu'un"

 

c)

[L'obj. est perçu dans une situation particulière ou comme pourvu d'une certaine caractéristique] Voir qqc. + adv. de lieu, groupe prép., part. passé ou adj.

 

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Voir qqc. + adv. de lieu : Il fut tout esbahy de veoir son eschelle ailleurs qu'il ne la laissa, et la cheminée lyée de sa corde (C.N.N., c.1456-1467, 276).

 

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Voir qqn/qqc. + groupe prép. : M'amye, dit il, je suis bien joyeux de vous veoir en bon point (C.N.N., c.1456-1467, 287). ...le marchant alla a l'ostel du pere et de la mere de sa femme et leur dist que si jamais ilz vouloient veoir leur fille en vie qu'ilz venissent hastivement en son logiz. (C.N.N., c.1456-1467, 380). Maintenant il fault que vous voye Tout mort en voye (Pass. Auv., 1477, 253).

 

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[voir est l'équivalent d'accepter] : ...je ne suys pas aussi digne qu'il me doye ou veille regarder, ne jamais veoir en sa compaignie ! (C.N.N., c.1456-1467, 425).

 

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Voir qqc. + part. passé : "Hé ! Dieu," dist le seigneur de Saintré, "que ce seroit belle chose que de vous veoir armé !..." (LA SALE, J.S., 1456, 292). ...ilz furent bien esbahiz de la veoir ainsi habillée (C.N.N., c.1456-1467, 322). ...[ils] furent bien esbahiz de veoir l'ostel d'un tel jeune gentil homme si bien fourny de vaisselle (C.N.N., c.1456-1467, 334). ...lesquelles [braies] je recouvray, et sont celles que veez la pendues (C.N.N., c.1456-1467, 336). Ledict duc, comme il veït les portes fermées, feït saillir les gens de sa chambre (COMM., I, 1489-1491, 134).

 

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Voir qqn + adj. : Quant Josep viut Marie grosse : "Ce n'ay je pas fest !" dist en ça complainte. (Noëls avign. A., a.1450, 365). Item, ma nominacïon, Que j'ay de l'Université, Laisse par resignacïon, Pour seclurre d'adversité Povres clercs de ceste cité Soubz cest intendit contenus ; Charité m'y a incité Et Nature, les voyans nudz. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 24).

 

d)

[Ce qui fait l'objet de la perception visuelle est un procès] Voir + inf.

 

-

Voir + inf. + à/par qqn : Et dit, sur ce requis, que en la compaignie et service desdiz Engloiz il a esté par l'espace de quatre ans continuelz, et que durant ce qu'il a chevauchié en la compaignie desdiz Engloiz, il a veu bouter feux par ses compaignons, et lui present, en plusieurs villes et villaiges du royaume (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 98). Et en devisant avec damp Abbés il vist en son doy le tresbel et gros rubi balay qu'il avoit a Madame autrefoiz veu porter (LA SALE, J.S., 1456, 259). Premier, quand il sent ceste ordure, La teste luy verrez tourner Deça dela et [de]mener, Sans dire mot en sa folie (Coust. Esop. T., c.1500, 173).

 

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Voir + inf. : Mais s'il estoit aussys enfrun Comme vous, j'aroie plus chier Que je le veisse escorchier (DESCH., M.M., c.1385-1403, 124). Or y venés tous sans mesprendre, Sur poine d' une esmende grande Arbitraire sur tous Juïfz Qui foulement aront mespris A veoir mectre Jhesus en croix. (Pass. Auv., 1477, 180). LA VERONIQUE. Vostre visacge est tout plein d'eau ; Pouvre homme, il le fault essüer. Je ne vis onc plus fort süer. Regardés, il est tout moulhé ! (Pass. Auv., 1477, 193). ...mais m'a esté compté de la mort dudict duc par ceulx qui le veïrent porter par terre et ne le peürent secourir pour ce qu'ilz estoient prisonniers. (COMM., II, 1489-1491, 153).

 

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[Voir à la 5e pers. du subj. impft., dans des adresses au lecteur/auditeur, pour mettre en évidence un fait extraordinaire] : La, veissiés palais craventer, Et les richeces emporter, Et li ancïen conseiller Occire, et trestout besiller. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 196). ...lors veissiés boire d'autant et mangier a l'avenant. (LA SALE, J.S., 1456, 253).

 

e)

[Avec un compl. propositionnel]

 

-

[Avec une prop. complét. en que] : Mais il fust entrez en mal an, Se Dieus ne l'eüst secouru, Car si anemi acouru Y sont pluseurs qui le gaitoient Et qui mortelment le haoient, Si virent par une fenestre Qu'il aouroit le Dieu celestre (MACH., C. ami, 1357, 38). ...et regardant que en icelle chambre n'avoit que lui seul, tempté de l'ennemi, et veant que icelle male estoit ouverte, print en icelle ladite sainture semée de pelles (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 40). Tant s'amusa le roy en la chambre que pour poy qu'il ne sommeilla. Mais il s'appercoit, et vint hors, et voit que le soleil estoit ja tout bas. (ARRAS, c.1392-1393, 304). Quant la royne et les autres dames virent que le seigneur de Loissellench estoit ainsin desarmé, acoururent toutes à Madame (LA SALE, J.S., 1456, 158).

 

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[Avec une interr. indir. totale] : Si ouvrirent une fenestre Pour mieux veoir et plus à plain S'il avoit nelui seur le plain. (MACH., P. Alex., p.1369, 150). Si vous prie et requier, pour la paix de mon cueur (...) que vous me laissez aller veoir s'elle dort ou qu'elle fait. (C.N.N., c.1456-1467, 118). ...il vouloit aller veoir se ce deable estoit encores ou son maistre l'avoit laissé (C.N.N., c.1456-1467, 430).

 

-

[Avec une interr. indir. partielle] : En la compaignie duquel Jaquet il chevaucha comme gros varlet par un an ou environ, et vit comme ycellui Jaquet se partoit de ladite forteresse en la compaignie de Pierre Le Biernois, Englois, chevaucherent par le pays, prindrent François, et yceulx admenerent prisonniers audit lieu de la Sousterrine. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 57). ..."ça ! maistre, ça ! nous voulons savoir et veoir quelle devise est que en voz chausses portez." (LA SALE, J.S., 1456, 55). Voiez vous point comme les aultres prestres s'abillent ? (C.N.N., c.1456-1467, 531).

 

f)

[Avec une prop. inf. à verbe estre] : Il veoit la mer estre par le mylieu partye et les ondes estre et demourer immobiles et fermes, comme deux murs, de une part et d'aultre, et chemyn, par le mylieu, par ou passoit le peuple de Dieu a piez secz. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 239).

 

2.

Empl. trans. indir. CHASSE Voir d'un animal/de qqn

 

a)

Voir d'un animal. "En prendre connaissance par les traces, les foulées, les fumées, le lit, ou par tout ce à l’aide de quoi on peut juger la bête sans la voir à l’oeil" (G. Tilander, HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T.) : L’autre maniere d’aler en queste (...). Et se tu y as esté a veue et tu n’i as rien veu, ne lesse mie pour ce a regarder en la talle, es carbonieres et partout ailleurs a l’ueil se tu pourras veoir de cerf. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 24). Et la partie que vous verrés que il [= la loutre] trera, si le parsuiez, mes il faut prendre garde a deus choses : l’une, que ce soit de bonne erre de la nuit, tant par les espraintes comme par les marches, l’autre, que, se il va amont l’eaue, que l’en praigne bien garde se l’en verra point de lui du ravaler. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 94). Et, quant il [le cerf] marche sus herbe et il n'en puet veoir a l'ueill, adonc doit il mettre sa main dedanz la fourme du pié. Et, s'il voit que la fourme du pié ait la largeur de quatre doiz, il le puet juger grant cerf par les foulees. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 155).

 

-

Voir d'un animal par qqc. : Et, s'il a loutres ou pays, li uns ou li autres en encontrera, car loutre ne puet tousjours demourer en l'eaue qu'il n'en saille hors la nuyt, ou pour esbatre, ou pour soy vuidier, ou pour pestre de l'erbe, ce que il fait aucunefoiz. Et, si son chien en encontre, il doit regarder s'il en pourra veoir par le pié, ou en sablon, ou en autre mol terrain pres de l'eaue. (...) Et, s'il n'en puet veoir par le pié, il en devroit veoir par les fiantes ou espreintes. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 247).

 

b)

Voir d'un oiseau/de qqn. "Voir les exploits, les hauts faits du maître ou de son oiseau" (Éd.) : Maiz, quant il a tres bien volé Et une foiz bien revolé Ou deux au plus, on doit vuidier L’oisel tout hors, a mon cuidier, Et puis volent les compaignons, Qui ont oiseaulx et beaux et bons. La voit on toudiz de nouvel Ou du maistre ou de son oisel, Si vous puis dire sans doubtance Que l’en n'a pas si grant plaisance Du chien ne si continuel Comme on puet avoir de l’oisel (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 488).

 

3.

Empl. abs.

 

a)

"Jouir du sens de la vue" : L'AVUGLE. Aussi ne cuiday je jamais Veoir, amis, n'a pas granment, Car les yex estains longuement Avoie euz, point n'en veoie (Mir. st Panth., 1364, 334). ...comme en cest gendre animal aiant ame sont contenues diverses especes, c'est a scavoir homme, cheval, beuf, asne et toutes bestes, qui ont ame sensitive par les sens corporelz, voyant, oyant, flairant, goustant, tastant. (Somme abr., c.1477-1481, 147). Mais contre nature sont les choses qui se font contre l'usage de nature, toutevoies elles se terminent et conforment selon nature, comme de illuminer et faire veir ung aveugle. (Somme abr., c.1477-1481, 162). Aucune fois la potence est miracle et le fait est naturel, comme quant ung aveugle est illuminé et voit. (Somme abr., c.1477-1481, 163).

 

-

[Avec un adv. exprimant la qualité de la vue comme sens, comme capacité]

 

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Voir clair/clairement : Les avugles fait veoir cler (Mir. st Panth., 1364, 338). L'AVEUGLE. (...) Je vouldroie bien avoir la fievre Et que je veisse clerement. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 166).

 

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Y voir clairement : LONGIN (...) Dieu, veez cy chose merveilheuse, Treshaulte, tresmiraculeuse ! Coment, dea ? Je y voy clerement ! (Pass. Auv., 1477, 231).

 

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Bien voir : Si comme la vertu de l'ueil, elle fait bon l'ueil en soy et fait son operacion estre bonne, car nous veons bien pour la vertu de l'ueil. (ORESME, E.A., c.1370, 159).

 

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Mal voir : Lievre ne vit gueres longuement, quar a grant paine passe lievre le VIIe an, pour quant que on ne la chasce ne preigne. Elle oit bien, mes elle veoit mal. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 79). On vous a baillé, mon filz, la femme d'un tel, et creez qu'il a la vostre ; et ceste faulte vient par nostre curé, qui voit si mal. (C.N.N., c.1456-1467, 341).

 

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Inf. subst. "Faculté de voir" : Je sui advuglé. Dieu m'a le veoir tout osté Par mon penser plain de haynes. (Mir. st Guill., c.1347, 41). Car je pers tout le veoir et l'oïr Et le parler, quant en pensant saveure Sa tres fine douçour que tant desir A reveoir (MACH., L. dames, 1377, 149). Aye de moy, Dieu, souvenance ! Je te rens graces et mercyz De ce que par ta grant clemence Tu m'as rendu le veoir ycy. (Pass. Auv., 1477, 232).

 

b)

"Faire usage du sens de la vue" : Ha ! sire Dyeu, mercy, quant j'ay Recouvré que je puis veoir. (Mir. st Guill., c.1347, 41). Et doit aler es basses tailles de la forest ou autre païs ou il puisse et doive veoir le cerf, et touz jours se garde qu'il se mette au dessoubz dou vent. Et puet monter sus un abre, affin que le cerf en puisse moins avoir le vent et qu'il puisse veoir de plus loing. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 161). ...illec enlumina Nostre Seigneur l'adveugle qui onques n'avoit veu des yeulx. (Voy. Jérus., c.1395, 20). ...et qui plus est, [par l'excellence] de ceste vertus et heritaige, Justice originele, l'omme eust toudis vray jugement sans errer, bonne voulenté sans pechier, la sensualité bien gouverne[e] sans mouvement ou passion detestable, en veoir, en oÿr, en gouster ou en toucher (GERS., Concept., 1401, 397).

 

-

Ne voir goutte. V. goutte

 

-

[Avec un adv. exprimant la qualité de la vision dans une circonstance particulière]

 

.

Voir clair : De Rochebrune yssirent ainçois c'on veïst cler. (Tristan Nant. S., c.1350, 141). Si ordonnerent li Englés entre euls trois batailles et se rengierent sus trois lieus devant leurs logeis, et fissent grant fuisson de feus pour veoir plus cler autour de euls. (FROISS., Chron. D., p.1400, 149).

 

.

Mieux voir : ...affin qu'il puisse mieulx veoir et a son aise, sans aller courre ça ne la son veau ou il est, comme il pense il choisist le plus hault arbre (C.N.N., c.1456-1467, 88).

 

.

Ne voir guère : La regle de ceste bonne bourgoise estoit [de] attendre toutesfoiz son mary jusques ad ce qu'on ne voyoit gueres (C.N.N., c.1456-1467, 507).

 

.

N'y voir aucunement : ...mais il ne scet ne n'est record par lequel de ses compaignons ledit prestre fu feru et navré, pour ce qu'il estoit nuyt, et n'y veoit l'en aucunement. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 237).

 

-

Voir + compl de lieu. "Pouvoir exercer le sens de la vue (sur un lieu)" : Et destournoit [et veoit de la] [Var. éd. Vérard] la dicte chambre sur la rue, sur la court, et par aucuns secrez pertus et treilliz regardoit en pluseurs aultres lieux et chambres de leens. (C.N.N., c.1456-1467, 319).

 

-

[Avec un compl. indiquant la limite de la perception] : Qant ce vint le dimence au matin, il fist grant brume, et tele que a painnes pooient veoir lonch un arpent de terre. (FROISS., Chron. D., p.1400, 737).

 

-

Inf. subst. "Vue, fait de percevoir par le sens de la vue" : Son douls veoir grandement me pourfite (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 148).

 

-

[En prop. participiale ; cf. aussi VI. - C. empl. prép. de voyant] : ...ont requiz que la cedule, dont la teneur est cy après enregistrée, fut leue en la Court et publiée tous oyans et voyans. (BAYE, I, 1400-1410, 34). Et devant elle vont fuyant Les ennemis, ne nul n'y dure. Elle fait ce, mains yeulx voiant, Et d'eulx va France descombrant, En recouvrant chasteaulx et villes. (CHR. PIZ., J. d'Arc, 1429, 35). De sa cruelle mort j'ay bien prophetisé ; Et qu'au tiers jour apres sera resuscité, Ses disciples voyans (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 146).

B. -

Empl. trans. dir. [Avec une idée d'attention ; sens de la vue, éventuellement lié à d'autres sens ou facultés]

 

1.

"Porter son regard sur qqc. ou qqn"

 

a)

Voir qqc./qqn : Resgarde moy, et de moy te souveingne. Ne pense pas, bele, qu'en vain me plaigne : Voy mes cheveus, voy ma barbe grifaingne ; Voy mon habit Qui de ma mort te moustre vraie enseingne ! (MACH., F. am., c.1361, 167). "Biaus amis, escoutés. Veés le dieu d'Amours, no mestre, Traiiés vous un peu sus senestre Et je vous ferai congnissable De lui et de cheuls de sa table." (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 65). Et quant les messes furent dictes, au retourner qu'ilz firent, Madame vist le petit Saintré, un peu loing, ainsin gracieusement abillié, lors en alant se avança et dist a la royne : "Hee ! ma dame, veez ce petit garçon Saintré, comment il est jolis !" (LA SALE, J.S., 1456, 54).

 

-

[Formule d'invocation] Dieu le voie ! : De toute rayson se desvoye. Dieu le voye Et le gart de desperacion ! (Pass. Auv., 1477, 108).

 

-

[Formule d'assertion] Se Dieu / Jésus me voie : PREMIER SERGENT D'ARMES. Mon amy, se Jhesu me voie, A chascun deux [florins] en baillerez Ou plus avant ne passerez (Mir. enf. diable, c.1339, 31). GUILLAUME LE CONTE. Nanil, sire, se Dieu me voie, N'en doubtez point. (Mir. st Guill., c.1347, 22). Je ne sui pas de tel valour, Dame, qu' à vous doie penser, Ne que souhaidier vostre amour Deüsse, à raison regarder. Mais plus vous aim, se Diex me voie, Que nulz, et puis qu' il est ainsi, Dame, com povres que je soie, J' ay bien vaillant un cuer d' ami. (MACH., L. dames, 1377, 26-27).

 

.

Se Mahon me voie : CLOVIS. (...) Par ceste voie aler nous fault : Gardez que n'aie pas deffault De large voie. PREMIER SERGENT. Non, non, que, se Mahon me voie, Ou vous ferez devant nous place, Ou vous sentirez se ma mace Sera ligiére. (Mir. Clov., c.1381, 250).

 

-

[Dans le récit, le nom étant suivi d'un inf. de narration ; cf. les emplois veez ci] : ...veez bon mary d'arriver, qui trouve la compagnie en besoigne (C.N.N., c.1456-1467, 290).

 

b)

Veoir qqc./qqn + inf. : Li chevaliers a fait la grande porte ouvrir, Bruns a fait le cheval les esperons sentir, En la porte est entrés errant sans alantir : Au descendre le vint mainte dame veïr. (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 123). L'ONCLE. (...) Va, si li dy qu'ysnel le pas Viengne cy (...). L'ESCUIER. Sire, veez my la aler. (Mir. chan., c.1361, 142).

 

-

CHASSE [Cri adressé au chien] : Et, s'il voit qu'il fuye la voye, ou amont ou aval, au long du chemin, il doit geter ses brisees par tout la ou il en voit, en criant a ses chienz et disant : "Veez le fuir la voye ! Veez le fuir la voye !" (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 199). Et, s'il voit qu'il refuie sus soy arriere, il doit touz jours geter ses brisees et se tourner arriere en criant et disant a ses chienz : "Veez le fuir arriere ! Veez le fuir arriere !" (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 199).

 

2.

En partic.

 

a)

Voir qqn. "Rencontrer volontairement qqn, s'entretenir avec qqn" : ...ce dit elle affin qu'elle puisse veoir son serviteur en chemin et luy dire comment elle estoit forcée et menée contre son veil. (C.N.N., c.1456-1467, 170). ...s'en va vers son païs, et ne le quiert jamais ne veoir, ne rencontrer (C.N.N., c.1456-1467, 179).

 

-

[Dans un cont. amoureux] : Le soir du lendemain approucha tres desiré du pouvre Escossois amoureux pour veoir et joïr de sa dame (C.N.N., c.1456-1467, 50). ...il ne me sera possible a la longue de longuement vivre sans veoir ma dame ! (C.N.N., c.1456-1467, 175).

 

-

"Recevoir qqn" : ...il eut bien loisir de dire a sa dame ses doleances et regretter le bon temps passé. Et elle, qui beaucop l'amoit, le vit tresvoluntiers (C.N.N., c.1456-1467, 306). ...il fist tant qu'il fut en la chambre. Et ne fault pas dire qu'il y fut voluntiers veu. (C.N.N., c.1456-1467, 358).

 

-

Venir/aller voir qqn. "Aller chez qqn pour lui rendre visite" : ...le dit chevalier qui n'estoit ne n'est pas en aucun lien de mariage, par esbatement et comme meu de jonesse, demanda à aucuns de ses diz serviteurs se ilz savoient aucune fillette, la quelle il peust bonnement aler veoir, et que nature le contraignoit à ce. (Doc. Poitou G., t.5, 1388, 357). ...à un matin fu venue voir et visiter par une nommée Lucete, mere de Hennequin de Ruilly, demourant audit lieu de Guerart (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 303). A Bertault, le fourrier, ledit jour, la somme de douze escuz que le roy lui a donnez, pour avoir ung cheval, pour aller veoir ses amys à Paris (Comptes roi René A., t.3, 1480, 243).

 

.

Aller voir ses gens : L'OFICIAL entre. Il y a long temps que n'issy Hors du logis, pour aler veoir Mais gens et faire mon debvoir. Je m'y en voy tout maintenant. (Mère Ofic. T., c.1500, 95).

 

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[Avec une connotation érotique] : Et que scera vostre mary, quand il sera couché et endormy, si vous me venez veoir jusques en ma chambre ? (C.N.N., c.1456-1467, 247).

 

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"Attaquer qqn" : Moult maneche le roy qui estoit bons et biaus. "Ahi, chetis !" dist il, "qu’en vous a de chembiaus ! Je ne vous prise mie valissant .ij. naviaus. Je vous irai veoir ains qu’esconse solaus". (Bât. Bouillon C., c.1350, 53). Car li roys Corsabrins, qui tant est agencis, Jura au mariage, s’i qu’il fu bien ois, Ja ne sera li ans passé ni acomplis Qu’il vous (verra) venra veoir avokes ses subgis ; Car pour l’amour s’amie blanch[e] que flour de lis (...) Voa le vostre mort (Bât. Bouillon C., c.1350, 152).

 

-

En partic. Voir Dieu. "Assister à l'office" : ...pource qu'il avoit doubté de non povoir venir a la ville ou il contendoit en temps pour oyr messe, car l'heure estoit près de midy, il s'advisa qu'il descendroit audit hamelet pour veoir Dieu en passant. (C.N.N., c.1456-1467, 447).

 

-

Empl. pronom. à sens passif

 

.

Se voir entre gens. "Être vu, se montrer parmi les gens ; fréquenter la société" : ...fut maistre curé puny (...) et oncques depuis ne se osa veoir entre gens, mais comme reclus et plain de melencolie fina bien tost après ses dolens jours. (C.N.N., c.1456-1467, 406).

 

-

Empl. pronom. réciproque : Et deux grans princes qui se vouldroient bien entreaymer ne se devroyent jamais veoir, mais envoyer bonnes gens et sages les ungs vers les autres, et ceulx-là les entretiendroient ou amanderoient les faultes. (COMM., I, 1489-1491, 87). Pour continuer ce propoz que la veüe des princes n'est point necessaire, ces deux icy n'avoient jamais eu different ne riens à departir, et se veïrent une fois ou deux seullement sur le bort de la rivière qui depart les deux royaulmes à l'endroit d' un petit chasteau appellé Hurtebise, et passa le roy de Castille du costé deçà. (COMM., I, 1489-1491, 136).

 

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Se voir avec qqn : Le duc de Bourgongne Charles s'est depuis veü, à sa grant requeste, avec l'empereur Federic qui encores est vivant, et y feïst merveilleuse despence pour monstrer son triumphe. (COMM., I, 1489-1491, 138).

 

b)

[Avec un compl. désignant un spectacle, une représentation théâtrale] "Assister à" : ...elle s'en ala en la compaign[i]e d'icelle Jehennette veoir les jeux que les menesterelz fesoyent ès hales. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 265). ...ilz estoient venuz audit lieu d'Anthoigny, pour eulx esbatre et veoir la feste que l'en faisoit en icelle ville. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 236). Souverain Dieu, de cuer vous prie Pour ceulx qui sont mes amoreux (...) Et especïelment tous ceulx Qu'ont veu la passion vostre filz ! (Pass. Auv., 1477, 280).

 

c)

[Avec un compl. désignant un lieu] "Explorer afin de connaître" : Et, qui veult chascier pour les porcs, il est bon que sis ou huit jours devant on aille pour veoir le pays et pour veoir la couvine des bestes qui seront en la forest ou ou buisson, et pour veoir ou l'en pourra mieulx fere les hayes et asseoir ses levriers et mettre ses deffenses et ou les porcs sont plus demouranz. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 255).

 

-

Voir le monde./voir pays. "Parcourir le monde pour acquérir de l'expérience, pour s'instruire" : Sy advint ung jour que, le grant desir que ledit escuier avoit de veoir et serchier le monde, se partit de son frere et se mist en compaignie de aultres gentilz hommes querans leurs adventures en pluiseurs royaumes et estranges parties, comme a tous noble cuers, pour acroistre leurs honneurs, sont tenus de faire. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 116). ...d'un jeune gentil homme qui queroit adventure et demandoit a veoir païs. (C.N.N., c.1456-1467, 172). Ung certain temps après il luy print volunté d'aller voyager et veoir païs. (C.N.N., c.1456-1467, 332).

 

d)

[Le compl. désigne un écrit ou le contenu de cet écrit] "Lire, prendre connaissance par la lecture d'(un texte), du contenu d'(un livre)"

 

-

[Avec un nom désignant le contenu d'un écrit] : Je composeray davantage Subséquentement une table En commune prose, sans fable, Selon l'ordre de l'A B C, Par laquelle seront, pour vray, Lesdiz termes au long véuz Et déclarez et cognéuz (LA HAYE, P. peste, 1426, 171).

 

-

[Avec un nom désignant le support d'un écrit ou un écrit] : ...pour ce vueil Les registres aler veoir, Et sur ce pourray pourveoir A voz besongnes. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 129). "Ha, sire, ne me mescroiez Ne les dames semblablement, Se vous ne lisez et voyez Tout le livret premierement. (...)" (CHART., E. Dames, 1425, 366). Veés les cronicques, et regardés comme il est prins ou temps passé aux contes de Champaigne et de Dampmartin, de Flandres, de Corbueil, de Chartres, qui ont esté aucunes fois aliés aux ennemis (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 265). ...et qui voit la Bible, pour abbresgier, on trouvera que l'esglise et les prestres avoient congnoissance de toutes causes. (JUV. URS., Verba, 1452, 365). Ces lettres furent ouvertes par elle qui voluntiers les vit quand elle fut a part. (C.N.N., c.1456-1467, 257).

 

e)

[D'un médecin] "Examiner"

 

-

Voir qqn : Or sont venuz (...) tant de phisiciens que vous vouldrez, qui veullent veoir la patiente ensemble (C.N.N., c.1456-1467, 33).

 

-

Voir qqc. : Lors luy va dire tout au long comment le medicin avoit veu son urine, et les demandes qu'il fist de son eage (C.N.N., c.1456-1467, 140). ...le cyrurgien (...) vint a l'heure accoustumée veoir cest oeil malade (C.N.N., c.1456-1467, 504).

 

-

Voir un cas : Oy certes, m'amye, disoit il, il n'y a medicin ne cyrurgien en Paris qui n'ait veu mon cas. (C.N.N., c.1456-1467, 535).

 

3.

Empl. abs.

 

-

[Avec un complément de lieu] "Regarder" : Et, incontinent, elle ala veoir en sa chambre et trouva que de IIIJ hennaps d'argent que elle avoit laissiez sur son coffre, quant prinz avoit la tasse par elle mise au devant d'iceulz prisonniers, n'en avoit mais au lieu que deux (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 497). Il cei sus un toit couvert d'estrain et de terre. On i ala veoir ; on le trouva mort et la lettre loiie au col. (FROISS., Chron. D., p.1400, 615). ...elle s'avança de venir veoir et regarder par les crevasses des fenestres et secretz treilliz d'icelles, par lesquelles povoit tresbien veoir ceulx qui l'eussent plus voluntiers veue. (C.N.N., c.1456-1467, 567).

 

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CHASSE : La doit estre le veneur touz jours a la cueue des chienz, affin qu'il leur aide a le drescier, ou par veoir en terre, ou par prendre bons tours et raysonnables. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 219).

 

-

"Observer" : Car vous ne sçauriez envoyer espie si bonne ne si seüre ne qui eust si bien loy de veoir et d'entendre. (COMM., I, 1489-1491, 220).

 

-

Interj. [Pour attirer l'attention de l'interlocuteur] Vois : Voy, mon seigneur fut renommé, Ung des meilleurs que l'on veist oncques. (CHART., D. Her., p.1415, 422). "Voy", dist l'aultre, "Que vault avoyne Au jour d'uy pour les bons ? Trois soulz ?" (CHART., D. Her., p.1415, 423). Je vous diray, sans plus attendre, Pour qui [c'est que] (vous) me cuidés prendre : Est ce point pour Esservelé ? Voy, nennin : il n'est point pelé Comme je suis dessus la teste. (Path. D., c.1456-1469, 184).

C. -

[Lié à d'autres sens ou facultés]

 

1.

Empl. trans. dir.

 

a)

[Avec un compl. désignant une pers.]

 

-

Voir qqn. "Connaître qqn, avoir une idée de la personnalité, du caractère... de qqn (pour l'avoir rencontré, avoir été en sa présence, à son contact)" : Sire, certainement ce sont les gens que je veisse oncques qui plus font a prisier et a doubter. (ARRAS, c.1392-1393, 179). J'ay veü princes de deux natures : les ungs si subtilz et si très suspessonneux, que l'on ne sçavoit comment vivre avecques eulx et leur sembloit tousjours que on les trompoit ; les autres se fyoient de leurs serviteurs assez (COMM., I, 1489-1491, 93). Mais j'ay peu veü de gens en ma vie qui sachent fouyr à temps, ne cy, ne ailleurs (COMM., II, 1489-1491, 74).

 

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[Dans une phrase négative avec onque] : Oncques ne vis plus fole femme (Pass. Auv., 1477, 134). Oncques homme terrain n'a veu Homme si parfait, comme croy (Pass. Auv., 1477, 165).

 

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Prov. : Mal vous cognoist qui oncques ne vous vit. (C.N.N., c.1456-1467, 213). Auprés de Mars, voit on, grande et visible, Guerre nuisible, une laide chimere (...) ; Filz, pere et mere et compere et commere, Par mort amere, elle a souvent ravy : Mal le cognoit qui oncques ne le vy. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 68).

 

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[Empl. pron. impers.] Il se voit : ...car je ne veïz oncques homme ayant grant auctorité avecques son seigneur par le moyen de le tenir en craincte à qui il ne mescheüst, et du consentement de son maistre mesmes. Il s'en est veü assez de nostre temps, ou peu devant, en ce royaume : monsr de la Trimouille et autres en ce pays ; en Angleterre, le conte de Warvic et toute sa sequelle ; j'en nommeroye en Espaigne et aillieurs. (COMM., I, 1489-1491, 251).

 

-

Voir qqn + adj. ou + groupe nominal, prép. ou non

 

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Voir qqn + adj. : Ainsi luy en devoit advenir. Car, comme aulcuns escripvent de ses conditions, quant il estoit entre ses gens sans peril et sans pauour il estoit [e]stoit sus tous aultres eslevé en courage et enfflé en orgeul, mais se il se trouvoit en peril, on le veoit lasche, paoureux et esbahi. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 171). En effect, j'ay veü en ce temps, ou peu avant, le conte de Warvic si fort qu'il meïst le roy son maistre entre ses mains et feït mourir le seigneur de Scalles (COMM., I, 1489-1491, 193).

 

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Voir qqn + groupe nominal prép.. : ...car elle eut la tutelle de ses enffans, et l'ay veüe en grand auctorité, estant vefve, conduitte par ung appellé messire Cico (COMM., III, 1495-1498, 11).

 

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Voir qqn + groupe nominal non prép. : Le bon mareschal de Sancerre, Que je vis puis bon connestable, Faisoit bien gesir sur le feurre Vostre pere, et mangier sans table. (CHART., D. Her., p.1415, 422). ...et l'ay veü le plus pouvre roy, habandonné de ses serviteurs, que je veïz jamais. (COMM., I, 1489-1491, 138).

 

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Prov. : Entre les amoureux fourrez, Non pas entre les decoppez, Suis, car le temps sans refroidy, Et le cueur de moy l'est aussy : Tel me veez, tel me prenez. (CH. D'ORLÉANS, Chans. C., c.1415-1440, 239).

 

b)

[Le compl. désigne un fait, un évènement] "Être témoin de qqc." : ...Mathathias et ses enfans, qui se estoient retraiz es montaignes, recueillirent les fuitiz et les desolez en petit nombre et fermerent en leurs couraiges choisir la mort ains que veoir l'affliction et le declin du peuple et de leurs freres (CHART., Q. inv., 1422, 48). ...tu as laissé les veufves vuidez, et as debrisé les pupilles, et pour ce tu es avironnee de lyens, et doubte soudainne te trouble ; tu n'eusse jamais cuidé veoir telles turbacions et oppressions, et ne cuidoies pas a paine que Dieu le peut faire. (JUV. URS., Loquar, 1440, 427). Lors le roy, veant la trahison c'on avoit conspiree contre luy fut et non mie sans cause esbahi (JUV. URS., T. crest., c.1446, 149). Et par avant et depuis, durant ledit moys, furent faictes grandes et merveilleuses chaleurs et les plus extremes que homme eust veu en sa vie, qui sembloit chose moult estrange et desnaturée. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 187). Pour quoy, a ce propos, saint Ambroise conseille que on prengne vielles gens pour conseilliers, car ilz sont sages par la longue experience des choses qu'ilz ont veu en leurs temps. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 162). Je me suys mys en ce propoz pour ce que j'ay veu beaucoup de tromperies en ce monde, et à beaucoup de serviteurs envers leurs maistres, et plus souvent tromper les princes et seigneurs orguilleux, qui peu veullent ouyr parler les gens, que les humbles et qui vulentiers escoutent. (COMM., I, 1489-1491, 67).

 

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[Dans une tournure concessive]

 

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Quel qui le voie : Bien le baptray quelquil le voye, Reguardéz, fai ge bien besoingne ? (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 196).

 

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Qui que le voie : Vous viendrez qui que le voye Puis que monseigneur le vous mande (Myst. st Martin K., a.1500, 334).

 

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Empl. pronom. à sens passif : ...et tous les livres qui sont faitz ne serviroient de riens, si ce n'estoit pour ramener à memoire les choses passées, et que plus se veoit de choses en ung seul livre en trois moys que n'en sauroient veoir à l'oeil et entendre par experience vingt hommes de renc, vivans l'ung après l'autre. (COMM., I, 1489-1491, 130). ...le tout pour les vertuz qu'il avoit en la science des astres, par laquelle il prenostiquoit choses esmerveillables, qui se veoient. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 29 v°). Predist aussi plusieurs merveilles se devoir veoir que jamais veues n'avoient (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 107 r°).

 

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Voir qqn/qqc. + inf. : Tout li compagnon de Thun l'Evesque furent si esbahi, qant il veirent celle dure aventure avenir sur lor chapitainne, que depuis il ne tinrent point de conroi, mais se missent au retour. (FROISS., Chron. D., p.1400, 350). Item le mesmes Boece met ung aultre exemple : se aucun auroit l'ueil tant cler et tresperchant que il veist les choses advenir, non pour tant voit les choses quant a l'avenue (Somme abr., c.1477-1481, 167). Et ne compte pas ces choses pour donner charge à celuy ou ceulx dont je parle, mais seulement pour dire les choses comme les ay veü advenir. (COMM., I, 1489-1491, 222).

 

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[Avec un inf.]

 

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Voir + inf. +à/par qqn : Hardis estoit comme lyons, N'onques ne fu veüz li homs Qui onques en jour de sa vie Li veïst faire villonnie. (MACH., P. Alex., p.1369, 155). Et est chose neccessaire que qui se vouldra reformer de regarder et considerer les faultez horribles et detestables delitz que on a veu faire et commectre par aucuns en ce royaulme, et mesmement par deça (JUV. URS., T. rever., 1433, 56). Je ne me trouvay oncques en lieu avec ledict duc de Bourgongne où je luy veïsse donner bon ordre de soy, excepté ce jour. (COMM., I, 1489-1491, 106).

 

.

Voir + inf. : Car li cuers trop se destruit et mehaingne Qui en tel pleur et tel doleur se baingne ; Et recorder Voit on souvent qu'on doit tout oublier Ce qu'on voit bien qu'on ne puet amender, Ne recouvrer par pleindre ne plourer. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 131). ...durant lequel temps fist la plus grande et aspre froidure que les anciens eussent jamais veu faire en leurs vies. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 104). Car Dieu, souventesfois, revele a ceulz qui sont reputez les plus simples et moins sçachans ce que il muche a ceulz que l'on repute les plus sages. Et si voit on tres souvent advenir que l'entendement des plus simples comprent choses auxqueles les plus haulz et plus eslevez engins n'ont visé ne pensé. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 184). J'ay esté ung peu long à parler de ces ambassadeurs et comment on y doit avoir l'oeil, mais ce n'a point esté sans cause, car j'ay veü faire tant de tromperies et de mauvaistiéz soubz telz couleurs, que je ne m'en suys peü taire ny passer à moins. (COMM., I, 1489-1491, 221).

 

-

N'avoir rien vu. "N'avoir aucune expérience" : Et vallent myeulx pour ung jour en cest office ceulx qui jamais ne veirent riens que les bien excercitéz (COMM., I, 1489-1491, 26). Auprès de luy une aultre compaignée de quelque deux cens hommes d'armes, que conduisoit le filz de messire Jehan de Bentevoille, de Boulongne, homme jeune qui jamais n'avoit riens veü (COMM., III, 1495-1498, 179).

 

c)

[Avec un compl. désignant un espace de temps] "Vivre, traverser (un espace de temps)" : Car leur vueil ay fait sans sejour, à mon pooir, tres humblement, Ne ja Diex ne me doint le jour Veoir que le face autrement. (MACH., L. dames, 1377, 207). Chiers compains et amis, je voai une fois a Dieu, et ce veu je l'ai tousjours tenu en secré, que, se je pooie ja veoir le temps et les jours que le roiaulme d'Escoce je peuisse obtenir en paix a l'encontre des Englois... (FROISS., Chron. D., p.1400, 165). Je ne te crains, faiz du pis que tu sauras, Viens hardiement, ta proie sur moy est seure, Je suis tout prest de prendre l'aventure Et me tarde desja que je voie l'eure Quant de tes mains haves me saisiras Combien qu'a moy gueres ne gaigneras (HAUTEV., Compl. H., c.1441-1447, 62). Nous avons veu le temps que on vous tenoit pour un gracieux escuier : estes vous point a cause de voz vaillances et que l'en vous dit "mon seigneur" et de nouvel chevalier point changié ne mué ? (LA SALE, J.S., 1456, 224). Ny ne vey jamais une seulle journée qu'il n'y eust escarmouche, quelque petit que ce fust (COMM., I, 1489-1491, 70).

 

-

Jamais vous ne verrez demain. "Vous ne vivrez pas jusqu'à demain" : Je vous vueil jusques es os fendre De ce court baston que je tien. (...) Jamais vous ne verrez demain. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 239).

 

-

Ne cuider voir l'heure que + subj. "Avoir hâte de" : Et savez com je me chevi ? Celle part couri sans demeure, Car ja vëoir ne cuidai l'eure Que je fusse outre la riviere, S'entray dedens a lie chiere. (MACH., D. Lyon, 1342, 164). LE PÉRE. (...) d'ilec me vueil avoier D'aler droit en Jherusalem (...). PANTHALEON. Pére, vous a bien tant feru S'amour au cuer ? LE PÉRE. Je ne cuide ja a nul fuer L'eure veoir, a brief parler, Que meuz soie a y aler. (Mir. st Panth., 1364, 334).

 

d)

[Avec une sub. en que] Je vis, j'ai vu que... "Je vis, connus le temps où..." : J'ay veu qu'on estoit bien joyeulx D'avoir parens et grand lignage, Car on en souloit valoir mieulx, Mais a present g'y ay dommage. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 138). J'ay veu qu'on n'oyst pas Dieu tonner en une compaignie ou il fust ; et il se tient plus coy que ung feu couvert. (C.N.N., c.1456-1467, 199). Saincte Marie ! Guillemette, Pour quelque paine que je mette A cabasser n'a ramasser, Nous ne pouons rien amasser ; Or vis je que j'avocassoye. (Path. D., c.1456-1469, 48). Je vis que chascun vous vouloit Avoir pour gangner sa querelle ; Maintenant chascun vous appelle Partout advocat dessoubz l'orme. (Path. D., c.1456-1469, 48).

 

2.

Empl. abs. "Acquérir de l'expérience" : ...pource que nostre filz (...) est desja grand et habile et en point de veoir et d'apprendre, si bon vous semble, je l'emmeneray avecques moy. (C.N.N., c.1456-1467, 129). Car nul ne peult savoir les choses s'il n'est experimenté ; pour ce, desiroit le Jouvencel avoir en sa compagnie de ceulx qui avoient veu. (BUEIL, II, 1461-1466, 168). Aussi a ung fol, pour ceste meysme rayson, comme dit le sage Salomon, jamais on ne demande conseil. Mais, selon la dottrine que Thobie donnoit a son filz, on demande conseil, on donne charge et conduitte aux sages anchiens peres qui par longue experience ont veu, apris et retenu. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 165). ...mais, par faulte d'experience et de avoir veü, ilz n'entendoient point ceste matière. (COMM., II, 1489-1491, 5).

 

-

[Avec un adv. de quantité] : Le savoir raisonnable croist avecques les ans et la longue vie et grans experiences font les certains jugemens, si est la savance quise en ceulx qui plus ont veu et plus vescu. (CHART., Q. inv., 1422, 47). ...il n'avoit pas si peu leu et veu en son temps qu'il ne sceust vrayement que correction n'a point de lieu a femme de tel estat. (C.N.N., c.1456-1467, 310). C'est bon donc d'envoyer querir Anne, nostre predeccesseur : C'est ung tres bon conseil et seur, Et qui a moult veu en son temps (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 519).

D. -

Empl. trans. dir. rare [Sens de l'ouïe] "Percevoir par l'ouïe" : Nous avons desja fait le signe à ceulx de la ville, qui ont bien congnoissance de vostre venue et sont desja plus de cincq cens hors la porte aux champs et escarmouchant de bien prez ceulx qui se retirent au grant siège. Et ne veistes oncques le bruit ne le hu, qui est là devant, si grant comme il y est. Toutes les cloches de la ville sonnent ; tous crient : Parvanchières ! Sur mon âme, vous auriez grant plaisir, se vous les oyez. Marchez tousjours ; et nous en allons au bruit et vous rapporterons des nouvelles. (BUEIL, I, 1461-1466, 190). "Mareschal, dit ung compaignon qui fut là, despeschez vous ; car il y a le plus grant bruit que vous veistes oncques : canons petent terriblement ; tout crie, tout hue, tout bruit ; trompettes sonnent ; tout sonne ; et les cloches de la ville sonnent mesmement ; tout maine telle noise qu' il semble que tout doive fondre. Pour Dieu ! avancez-vous." (BUEIL, I, 1461-1466, 190).

E. -

Empl. trans. dir. p. anal.

 

1.

[Voir renvoie à l'imagination] Voir qqn/qqc. "Se représenter (par la pensée, au cours d'un rêve, sous l'effet d'une hallucination...) une personne ou une chose absente ou inexistante" : Trop l'aloit desirant. Si que Juno, la deesse, ot si grant Pité de li Qu'Alchioine vit Ceïs en dormant. (MACH., F. am., c.1361, 163). Ce fait, moult longuement pensa Et puis a dire commensa Tout ce qu'en songe avoit veü Et le bien qu'il avoit eü De Venus, et sa dame aussy Qui mis l'avoit hors de soussy. (MACH., F. am., c.1361, 233). En songe je veyes liompars, Chiens, chatz, loups et renars, Ouls, lions, colevres, sanglers, Noirs hommes et fort estrangiers, Trestous a l'environ d'un jucge (Pass. Auv., 1477, 167).

 

-

[Dans une vision prophétique] Voir qqn/qqc. en esprit : Mais on a trouvé en histoire Qu'à ce faire elle [Jeanne d'Arc] estoit commise ; Car Merlin et Sebile et Bede, Plus de Vc ans a la virent En esperit, et pour remede En France en leurs escripz la mirent, Et [leurs] prophecies en firent (CHR. PIZ., J. d'Arc, 1429, 34).

 

-

[Avec un compl. d'obj. interne] : ...aucuns vuellent dire que celle maladie lui fait veoir ces advisions. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 88).

 

-

Voir qqn + inf. : ...pour ce que les susdis serviteurs ne voloient pas ne ne veoient le Jouvencel estre tirant ne parvenu à estre seigneur et prince par tyrannie (TRING., c.1477-1483, 266).

 

-

Se voir + groupe nominal : ...se vooit ja vielle dame et foible de corps (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 143).

 

-

En partic. [Le compl. désigne un évènement à venir] "Prévoir" : Li ciel qui de leur haut vëoient Les meschiés qu'a venir estoient Au monde, en pluseurs lieus plourerent De pitié sanc et degouterent (MACH., J. R. Nav., 1349, 143). Et aussi au devant il ne consideroient pas ne ne veoient les perilz a venir. (ORESME, E.A., c.1370, 214).

 

2.

SPIRITUALITÉ "Être dans un état contemplatif et percevoir par les yeux de l'esprit, au delà du monde visible, Dieu et les choses de la foi" : Et quelle purté fut plus grande a autruy que en ycelluy qui tout estoit getté en l'ardent fournaise de vive amour ? Oncques or ne fut plus affiné ne plus purifié ; par quoy il [saint Paul] ot son entendement du tout esclarsy a veoir Dieu : souvent le vit et bien clerement quant il fut ravis jusques au tiers ciel et vit les secrez de paradis lesquelz ne puent estre dis par homme mortel (GERS., P. Paul, a.1394, 513). Ainsi est lame qui par contemplacion en ce pelerinage vient iusques a penser, a mediter et a veoir en esperit la grant gloire du vray Salomon en sa maison de paradis, a veoir la table et les refections qui sont en la viande des anges en la coniunction auecques Dieu ou est toute suauite et refection, a veoir lordre des sains et leurs vestemens de gloire tant en corps que en ame. (CIB., p.1451, 190). Item par les trois portes de la cité que le prophete Ezechiel vit par vision espirituele. (Somme abr., c.1477-1481, 125).

II. -

[Domaine de la pensée]

A. -

[Marquant une saisie intellectuelle]

 

1.

Empl. trans. dir. Voir qqc./qqn. "Comprendre, se faire une idée claire de la nature de qqc./qqn" : Et la cause est car telz genz ont acquis par experiences vray jugement par quoy il voient clerement les principes de teles choses. (ORESME, E.A., c.1370, 354). Les figures des corps pesans et celles des legiers ne sont pas cause de telz corps estre meuz simplement ou en bas ou en haut, mais elles sont bien cause d'estre meuz plus isnelement ou plus tardivement. Et n'est pas fort de veoir les causes pourquoy ce est. (ORESME, C.M., c.1377, 712). Le seigneur de Saintré, qui tout cler veoit la chose telle qu'estoit, ne desiroit pas en sa grace retourner, ne a la requeste d'elle ne l'eust daignié jamais plus amer ne servir (LA SALE, J.S., 1456, 289).

 

-

Voir qqn/qqc. à qqc. "Se faire une idée claire de la nature de qqn/ qqc. grâce à qqc." : Riche qui laisse honneur pour les despens, Tout bien lui faille et son avoir lui fonde. A Largesce voit on le cuer des gens ; C'est l'enseigne des vertuz en ce monde (CHART., B. Nobles, c.1424, 406).

 

.

Prov. : A nul ne cuide avoir forfait, Mais ains qu'il soit la sainct Remy, Je congnoistray l'amy parfait, Car au besoing voit on l'amy. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 97).

 

2.

Empl. abs.

 

-

Voir clair. "Être perspicace" : ...l'abbesse qui veoit cler et estoit bien percevant, cogneut tantost a ses responses et excusances (...) qu'elle estoit coulpable du fait (C.N.N., c.1456-1467, 305). ...si elle accordoit au prestre sa requeste, son maistre, qui veoit cler, et quelque moien qu'elle trouvast, s'en donneroit bien garde (C.N.N., c.1456-1467, 454).

 

.

Voir clair en qqc./y voir clair : Il ne fu pas si tost delivrez, car les seigneurs, qui cler y veoient et qui telle maniere de gens de compaingnons sont resongnoient, escrutinoient sus cest estat et ces traittiez (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 136). Et les haulx princes veoient plus cler en leurs affaires par les sciences qui lors estoient aprinses en temps deu, que s'ilz feussent innocent des sciences (ARRAS, c.1392-1393, 17). Et d'autre part, je sens et congnois que vous, qui estes mes hommes, qui veez plus cler en mes besoingnes que je ne fais, ne me conseilleriez chose qui ne feust mon prouffit et mon honneur (ARRAS, c.1392-1393, 170).

 

.

Voir clair en l'eau trouble : ...[messire Simon et Toison d'or] veoyent aussi cler en l'eaue trouble de la comme les aultres [messire Jehan de Croy et maistre Jehan Lorfevre], toutevoyez, pour resister a l'agreté et l'aigreur des deux aultres que bien cognoissoient, se contindrent tousjours sur leur bride afin de les tenir en train tousjours de doulceur et d'amiableté et de fuyr guerre et tribulation par souffrance. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 155).

 

-

Voir du guin de l'oeil. V. guin "Voir en un clin d'oeil, être perspicace"

 

-

Ne voir goutte en qqc. : Las ! si n'est riens qui ne me soit contraire Et si ne voy mais goute en mon affaire, Si me couvient mes maus souffrir et taire. (MACH., F. am., c.1361, 157).

B. -

Empl. trans. dir. [Marque l'acquisition d'une connaissance]

 

1.

[Avec une complétive en que ou une constr. équivalente]

 

a)

Voir que... : Et se ti drapel sont tous rous, Je te pri, n'en moustre courrous Et si n'en fai samblant ne chiere, Car s'on vëoit a ta maniere Que fusses mas et desconfis, Pis t'en seroit (MACH., C. ami, 1357, 62). ...et veoit bien par les apparans des François que point de la ne se departiroient, si averoient tout (FROISS., Chron. D., p.1400, 560). Se je veisse que par chevalereuses hardiesses de la guerre, dont vous faictes le bruit, les ennemis sentissent la perte et le dommaige, le mien en seroit plus aisié à soustenir, mais tousjours mal souffrir, quant il ne redonde a aucun bien, fait le couraige cheoir en desespoir et perdre pacience entierement. (CHART., Q. inv., 1422, 23). Mais quelle doubte povés vous faire que le roy Charles ne soit roy de France ? Vous avés veu devant que France vous a dit qu'elle le tient pour roy et contredit Angleterre, et pareillement Saincte Esglise vous a dit qu'elle le tient pour vray roy (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 265). ...il n'est tour ne engin que les dictz medicins sachent pour alleger quelque pou de ce destresseux mal. En leurs livres n'ont veu ne accoustumé que si tresfort la pouvre fille empire avecques l'ennuy (C.N.N., c.1456-1467, 33). ...la gouge en ce lieu avoit bien des estouppes en sa quenoille, qui veoit et savoit tres bien que ceulx qu'elle entretenoit se doubtoient et percevoient chacun de son compaignon. (C.N.N., c.1456-1467, 236). Ce peuple voit qu'il peuent grever leur annemy et estre seigneurs de la mer, a la seureté d'eulz et de leur province, mais il ne leur semble honeste dominer en la mer sy non par ouvertement combattre et subjuguer leur annemy, non pas par bruler la navire ou par aultre subtilité couverte. Par ces choses, voyons que honesteté a tousjours par les vertueux esté preferee a utilité. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 215). ...mais, depuis que je suis né, j'ay veü en beaucoup de lieux qu'on disoit, pour ung homme qu'on avoit tué, cent, pour cuyder complaire (COMM., I, 1489-1491, 107). ...mais vous povez veoir en lisant ces choses, avecques ce que vous en sçavez davantaige, que de ces mauvais princes et autres ayans les auctoritéz de ce monde et qui en usent cruellement et tyranniquement, que nul ou peu n'en demeure impugny. (COMM., I, 1489-1491, 192).

 

-

Empl. impers. : Jamaiz ne fut veu que homme de mauvaise foy se ressourdist de affaire qu'il eust ; car jamais on ne se fie plus en lui. (BUEIL, II, 1461-1466, 182).

 

.

[Empl. pronom. impers.] (Il) se voit par qqc. que : ...lesdits sieurs prieur, religieux et pauvres produisent un ancien contract de fieffe, passé devant les tabellions du siège de Coutances, le trente novembre mil trois cents quatre vingt unze, par lequel il se voit que Jean de la Lande dit Le Canetier et Guillot Duval, de Grimouville, ont pris à fieffe des religieux de l'hostel Dieu une pièce de terre (Cartul. Hôtel-Dieu Cout. L., 1391, 196). Et par ceste conclusion se peult veoir que ceulx qui avoient conduict ceste grant oeuvre ne l'avoient point faict d'eulx (COMM., III, 1495-1498, 101).

 

-

Voir à l'oeil que. "Apprendre, acquérir la connaissance de qqc. par des indices visuels sur lesquels se fonde une opération mentale" : ...affin que vous voiez a l'oeil que je suis celuy qui veil emploier et corps et biens en vostre service, vous verrez comment je me conduiray en ceste besoigne. (C.N.N., c.1456-1467, 294).

 

-

Voir (au subj. impft ou plus-que-parfait ou au cond.) volontiers/envis que : Et volentiers veïsse qu'elle Me deïst la signefiance De l'escripture et la substance, Mais jamais ne li demandasse, Car certeinnement je n'osasse. (MACH., F. am., c.1361, 200). Moult volentiers euist veu li rois d'Engleterre que li jones Lois de Male et hiretiers de Flandres euist pris a fenme sa fille Issabiel (FROISS., Chron. D., p.1400, 797). Et que diroient de ce fait les aultres anges, Les cherubins et les haulx seraphins (...) ? Ce leur seroit chose trop admirable Et qui, peult estre, verroient bien envis C'une seulle eust trop plus d'andivis En paradis qu'elles toutes ensemble (LA VIGNE, S.M., 1496, 339).

 

-

ASTR. "Avoir connaissance d'un évènement futur par la configuration du ciel" : ...et, durant sa vie, experimenta les nativités de plusieurs et veriffia lesdicts periodes moult à la vérité et precisement, et par ce il carcula le sien et vit qu'il devoit vivre très longtemps. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 17 v°). Echilus, homme très cler et pur astrologien fut en ce temps, duquel raconte Valere en son IXe livre comme cestui Echilius eust veu par la revolucion sur sa nativité qu'il avoit à mourir de cop de perre ou semblable (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 40 v°).

 

-

[Dans un discours, en résumé de ce qui précède ou en introd. de ce qui suit] : Nous avons veu de pluseurs et en pluseurs que pour demonstrance de miracle quelconque ilz n'ont point esté faiz meilleurs mais plus parvers et obstinez (GERS., P. Paul, a.1394, 497).

 

b)

[En constr. imbriquée] : ...sur le saulvement ou condempnacion que l'arme de lui attent aujourd'uy à avoir et recevoir après sa mort, qu'il voit qu'il convient qu'il sueffre presentement (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 92). Par ce appert que hayne tenue ou courage couvert procure a celluy que on hait dommage et desplaisir. Si ne doit donques arrester le prince au conseil qu'il voit qui procede de courage hayneux. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 250). ...car il avoit conceü une très grande hayne contre le peuple d'Angleterre, pour la grant faveur qu'il veoit que ledict peuple portoit au conte de Warvic, et aussi pour autres raisons. (COMM., I, 1489-1491, 215).

 

c)

[Avec une prop. inf. à verbe être] : Et combien que aulcuns ayent voulu dire qu'on ne treuve point en la Loy sallicque que la dicte clause y soyt expressement contenue, on doit considerer que ceulx qui l'ont escript et allegué ou temps passé ne l'ont pas fait sans ce qu'ilz l'eussent veu et sceu estre vray (JUV. URS., T. crest., c.1446, 22). ...ouquel lieu madame la duchesse de Bourbonnois et d'Auvergne, sa seur, s'en ala pour parler à lui, comme desplaisant du discord qu'elle veoit estre entre le roy son frere et monseigneur de Bourbon, son mary (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 47). La seconde chose qui fait acquerir glore au prince, c'est foy que l'en voit estre en luy, tele qu'il se fye en son peuple et que son peuple se peut fier en luy. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 230). ...mais le conte ne la contesse n'y voulurent aucunement entendre, pour ce qu'ilz veoient le mariage non estre sortable (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 163).

 

-

Au passif : Et ce que demandez et enquerés je respondray, par telle convenance que tout ce que je diray soit entendu que, se par majour auttorité n'est confermez, combien qu'il soit veu estre prouvé par raison, toutesfois je le dis selon mon bon advis et selon qu'y me samble, et aultrement ne le devez entendre jucques a tant que Dieu en mieulx le revelle. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 167).

 

d)

[Avec un inf. équivalant à une complét. dont le suj. serait le même que celui de voir] : Venue à la congnoissance du roy la mutation faicte en Normandie, se delibéra d'avoir paix, voyant ne povoir donner remedde à ce que jà estoit advenu. (COMM., I, 1489-1491, 81). L'omme voyant estre en ce point blessé Soy deffendant ung petit eschappa (LA VIGNE, V.N., p.1495, 177). ...parquoy ceulx de dedens voyant estre si de pres chassez, chargerent ung mortier, puis mirent le feu dedens (LA VIGNE, V.N., p.1495, 252). ...et, voyant ne pouvoir parvenir à nulle paix ne appaiser l'estat de Milan, print une maladie, dont il mourut (COMM., III, 1495-1498, 84).

 

e)

[Avec le neutre] : Et que ma parolle soit voire, Tu le verras d'experïense S'il ne faut par ta negligense Ou par fole hastieueté (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 73). Dont il s'ensuit, chascuns le voit, Que vous estes tresneccessaire, Et que chascuns par son contraire Est congnuz en l'art dont il use (DESCH., M.M., c.1385-1403, 320). Car s'il en prent un a l'aventure qui ne lui sache donner le remede de sa garison, il s'ensuit mort. Et vous le veez par exemple : car, quant ung aveugle maine l'autre, ce n'est pas de merveille se ilz cheent tous deux en une fosse. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 17). Pas ne veulx estre entre les vifz Au monde maulvaiz et maligne, Car si estoye, feroye pis Que oncques ne fis, si ta doctrine Et ton pouvoir doulx et benigne Ne me gardoit, je le voy bien (Pass. Auv., 1477, 252).

 

f)

[La sub. est effacée]

 

-

[En comparative] : C'est assavoir, que en toutes teles choses ceuls qui les sceivent les font et emprennent forciblement et hardiement, si comme nous veon des mariniers, des chevaucheurs, de ceulz qui montent es arbres ou es lieux perilleus. (ORESME, E.A.C., c.1370, 212). ...mes l'alteracion des premieres qualités qui dispose a generacion et corrupcion est causee par les lumieres des corps du ciel, si comme nous voions par experience. (ORESME, C.M., c.1377, 258). Et contre tel desir ne resiste richesse. Comme nous voyons par Cesar qui, pour son prouffit particulier, opprima la chose publique, dont la hayne qui contre luy en fu conceupte le mist a mort, ne sa richesse ne sa puissance ne l'en sceurent garder. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 221). Encor ne say-ge où j'en suy. Atendés, monsieur, je disoys Que le monde est cru de dix foys Plus grand qu'il n'estoyt de mon temps. Et pource que bien je n'entens, Car tout est changé, comme on voyt, Sy on le faict comme on souloyt, Je ne say que je vous doys dire. (Mère Ofic. T., c.1500, 118).

 

.

[Dans une comparative renvoyant à ce qui suit ou précède dans le texte] : ...[il] se voulut marier ailleurs ; mais elle l'en garda bien, comme vous pourrez veoir cy dessoubz plus a plain. (C.N.N., c.1456-1467, 14). ...on luy disoit bien (...) que c'estoit de luy mal cogneu, et a sa femme pou d'honneur porté, et que c'estoit bien aultre chose, comme cy après il pourra bien veoir. (C.N.N., c.1456-1467, 27). Ceste seulle villanie et oultraige bien tost dicte cousta depuis la vie audict connestable et ses biens perduz, comme vous verrez. (COMM., I, 1489-1491, 246).

 

-

[En tête de phrase, pour attirer l'attention de l'interlocuteur] : Veez vous ? Suis je bien assené ! Il en cessera huy de braire. (Path. D., c.1456-1469, 176). Vees tu, Natort, c'est nostre foy, Pour ce qu'il ressussite les mortz, Aveugles, bossus, ladres et tors Guarit et toutes maladies. (Pass. Auv., 1477, 161).

 

2.

[Avec une interr. indir. totale] : Mais dame sage et seüre, Qui de s'onneur cure, Voit sens couverture S'il quierent laidure, Si que bien se gardera De leur desir (MACH., Lays, 1377, 453). ...[ils] delibererent et furent d'oppinion que l'en feist venir icelui prisonnier, et sur icelles confessions feust examinez, pour veoir s'il perseverroit en icelles confessions, ou non. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 390). ...si conclud qu'elle ira veoir s'elle orra nulles nouvelles et tire païs vers l'ostel du curé. (C.N.N., c.1456-1467, 355). Or dictes moy que c'est, et vous verrez si je vous aideray (C.N.N., c.1456-1467, 536). Mes seurs, restons ung peu ycy Pour veoir si nous varrons Jhesus. (Pass. Auv., 1477, 265). Mais, nonobstant, messire Charles d'Amboise et quelques autres se misdrent plus avant que leur armée, pour veoir s'ilz rencontreroient riens et prindrent plusieurs prisonniers (COMM., I, 1489-1491, 41).

 

-

[Voir à l'inf., compl. de but non prép.] : Mais derriere lui et sa route Le suit, veoir s'il le peut prendre Despourveu, pour mal coup lui tendre. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 84). Il y feït deux ou trois logeïs, disant qu'il tenoit les champs, veoir si le roy le vouloit venir combattre. (COMM., I, 1489-1491, 185).

 

3.

[Avec une interr. indir. partielle] : Et cel Vaudeis en son vergier Trop volentiers se delitoit Et souvente foiz visitoit Son gardinier en son repaire Pour voier comme il savoit faire Le mestier ou commis estoit. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 114). Or en soit la venjance prise, Dame en qui toute grace habonde, Si que veoir puisse le monde Et congnoistre quel bien dessert Celui ou celle qui vous sert (Mir. ev. arced., c.1341, 131). Veoir ne puis ne bien considerer Comment je puisse appeller proprement Les medisans qui tant peuent grever, Et qui d'amours font le departement. (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 316). Si jura que "jour de sa vie, Comme royne n'yert servie, Ains de tous poins la laisseroit, Ne plus avec lui ne seroit, Pour aux autres faire veïr Comme on devoit desobeïr Son seigneur !" (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 262). Et a diverses manieres de jugement de proces. Les ungs se fondent en droit escript, selon lequel on pourroit veoir pour laquelles partie le droit fait, combien que aucunefois en ymaginacions ou oppinions de droit les docteurs ont diverses oppinions, voire contraires (JUV. URS., Aud. illos, 1432, 34). ...nous verrons sur ce qu'elle fera et dira et arons advis du surplus. (C.N.N., c.1456-1467, 231). Il vint veoir qu'on disoit en la cuisine (C.N.N., c.1456-1467, 397). Ceste joye ne leur dura guères, mais par là povez veoir quelz sont les broulliz en ce royaulme à toutes mutacions. (COMM., I, 1489-1491, 41).

 

-

Envoyer qqn voir + int. ind. : Le mary, qui mouroit de faire ung cop de sa main, trouva façon d'envoyer son cousin veoir que faisoient leurs chevaulx (C.N.N., c.1456-1467, 355).

 

-

Aller voir à qqn + int. ind. "S'informer auprès de qqn" : ...allez veoir a ceste pouvre fille qu'on luy doit, et la paiez si largement qu'elle n'ayt cause de soy plaindre (C.N.N., c.1456-1467, 371).

 

-

Au besoin voit-on qui ami est : ...sy te prie et requier que tu ne me failles mie a ce darrain besoing. Au besoing voit on qui amis est ; prie pour moy, ayes cuer doloreux pour moy. Je ne te requier chose que tu ne puisses. (GERS., Déf., 1400, 228).

 

4.

[Avec le relatif que ayant pour antéc. le pron. neutre ce] : A ce que je puis veoir et percevoir, en Engleterre il ne desirent que la gerre. (FROISS., Chron. D., p.1400, 265). ...mais de son nom et seignorie l'istoire s'en tait, a cause de ce que aprés pourrez veoir. (LA SALE, J.S., 1456, 3). Et est, ce me semble (ad ce que j'ay veü par experience de ce monde, où j'ay esté autour des princes l'espace de dix huit ans ou plus [...]), l'ung des grandz moyens de rendre ung homme saige d'avoir leü les hystoires anciennes (COMM., I, 1489-1491, 128).

C. -

Empl. trans. dir. [Marquant un constat]

 

1.

Voir qqc.

 

a)

"Constater ce qu'est/quel est ..." : "Hélas, ma dame, est ce a bon essiant, ou pour moy essayer, que si feible response m'avez faite, qui suis cellui qui tant vous ay amee, et suis cellui qui onques ne vous desobey ? Hé, ma dame, est il nulluy qui vous ait dit le contraire ? Se il est aucun, vous en verrez la verité." (LA SALE, J.S., 1456, 273). Ce gentil compaignon, tout aultrement habillé [ et ] en point que le jour precedent, vint rencontrer sa dame, qui tres bien le cogneut ; et au passer qu'il fist assés près d'elle receut de sa main sa lettre dessus dicte. S'il avoit faim de veoir le contenu, ce n'estoit pas de merveille. Il se trouva en ung destour ou tout a son aise et beau loisir vit et cogneut l'estat de sa besoigne, qui luy sembloit estre en bon train. (C.N.N., c.1456-1467, 258).

 

b)

"Constater l'existence de qqc" : L'Istoire dit que la maledicion ne fust pas pour l'enfant, mais de la doleur que femmes ont a l'enfanter. 15. Aussi veez vous la maledicion que Nostre Seigneur volt donner pour la desobeissance quant de celle Lucifer. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 75). D'une chose tant seulement estoit noté dont il n'estoit pas cause, mais estoit celuy a qui plus en desplaisoit ; et la raison y estoit bonne. Et pour dire la note que de luy estoit, c'estoit qu'il estoit coupault par faulte d'avoir femme aultre que bonne. Le bon seigneur veoit et cognoissoit la desloyauté de sa femme, et la trouvoit encline de tous poincts a sa puterie. (C.N.N., c.1456-1467, 310). [Devant le Christ en croix] CAYPHAS. Annas, sire, tresnoble presbtre, Maintenant veyons sa foulie. L'omme est bien foul quant il s'oublie. Il soloit malades guerir, Les mors en vie revenir ; Maintenant ne ce peult saulver Ne d'entre noz mains eschaper. Il monstre qu'il est bien beste ! (Pass. Auv., 1477, 211). Et à toutes choses povez bien veoir le bien qui advient d'estre vainqueur et aussi le dommaige d'estre vaincu. (COMM., I, 1489-1491, 121). Icy voiez vous la miserable condicion de ces deux princes, qui pour nulle voye ne ne se sceürent asseürer l'ung de l'autre. (COMM., I, 1489-1491, 158).

 

-

En partic. [Grâce à des indices visuels] : Mon maistre, vous veez mon infortune [Il vient de lui montrer qu'il est privé de virilité] (C.N.N., c.1456-1467, 94). "Et affin, dist il, que j'en soye mieulx creu, et vous voiez son tort evident, je vous monstreray tout." Il mist sa denrée avant sur la table, devant tous et toutes, et dist : "Veez cy de quoy." (C.N.N., c.1456-1467, 471).

 

-

Voir son coup/son point/son bon/son opportunité. "Constater que les circonstances sont favorables" : ...[les "muyers de haie"] souvent moustrent courtoisie A leur maistre par tricherie, Et semblent si bien afaitié, Si leurré, si bien entachié Que sans lisense de leur maistre Ne se vouldroient jamais paistre, Maiz tout ce font par traïson, Car s'en vont quant voient leur bon (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 332). Et quand il vit son point, il donna la bonne nuyt a madame et a sa compaignie, et s'en retourne a son molin (C.N.N., c.1456-1467, 44). Et, quand il vit son cop, il luy osa bien dire son gracieux et piteux cas. (C.N.N., c.1456-1467, 163). Et aprés qu'ilz eurent mengié et que Ismaël vit son opportunité, tyra son espee et tua Godolias... (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 201).

 

2.

Voir qqc. + part. passé, adj. ou groupe prép. "Constater que qqc. est..."

 

-

Voir qqc. + part. passé : Mais, affin de non occuper temps, je laisseray ceste partye. Car assez y est respondu par ce que cy dessus en est escript, par quoy est monstré que c'est esreur, en bonnes meurs, revoquer en doubte que honneste conseil ne soit a preferer au proufitable - quelque prouffit qui en adviengne au prince - se on voit par ce prouffit honesteté blecee. Mais se honnesteté et utilité conviennent ensemble, c'est conseil louable et a ensievyr. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 234).

 

-

Voir qqn/qqc. + adj. : Desquelles choses les Angloiz n'estoient pas deliberez de jamais le faire, et pour ce que mesdis dame et seigneur veoient les choses ainsi difficiles et perplexes ilz aviserent ung expedient (JUV. URS., Loquar, 1440, 422). ...comme il estoit en chemin, fut par un Anglois sur les champs rencontré, lequel, le voyant François, tantost luy demande dont il venoit (C.N.N., c.1456-1467, 54). Pour tant se resolut Seneque a non vouloir complaire au peuple, car il veoit le peuple non enclin a vertus par le infection de son [maistre] Neron le tyrant qui, par ses vices, corrompoit toutes bonnes meurs - et voulentiers le peuple ensuit les meurs du prince. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 252). Ce mauvais riche, ainsi disant, Estoit penitence faisant ; Mais inutile la veoit. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 266).

 

-

Voir qqc. + groupe. prép. : Mais grand doubte faisoient ses subjectz, et, pour plusieurs raisons, de se mectre en ceste subjection où ilz veoient le royaulme de France, à cause de ces gens d'armes de France. (COMM., I, 1489-1491, 188).

 

3.

Voir qqc. en qqn/qqc. "Constater l'existence de qqc en qqn/qqc." : Et n'est pas chouse possible que Jhesu Crist eust fait tant de chouses et sy prudentement et merveilleusement et en sy soubtille opperacion, se il n'eust souverainne science en lui, qui est contraire a ignorance. Et aussi comment eussent creu les disciples de lui a lui, se ilz eussent veu ou aperceu ignorance en lui, laquelle leur eust esté nocive et sans utillité ? (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 229). Teles oeuvres sont les oeuvres de prudence et par teles oeuvres sont les princes reputez prudens et sages. En eulz franchement se peut fier le peuple et, par l'effect que le peuple voit en leurs oeuvres, ilz le honnourent et glorifient. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 231). ... vous n'avez point veu en nous Desloyaulté, et sommes tous Voz serviteurs en toute terre. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 172).

D. -

Empl. trans. dir. [Marque un jugement]

 

1.

"Estimer, juger"

 

a)

[Voir au fut. ou ou cond., avec un compl. à valeur propositionnelle signifiant une évaluation]

 

-

[Voir en constr. imbriquée] : ...ledit maistre Jehan de Cessieres dist que ce que il avoit ouy cognoistre audit prisonnier il reporteroit et diroit de bouche à mesdiz seigneurs de parlement, afin qu'ilz en ordonnassent comme il verroient que bon seroit à faire. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 297). ...ont dit, ordonné, deliberé et commandé audit mons. le prevost, que le jugement dessus dit, par lui donné et fait contre ledit Ernoulet, prisonnier, ou autre tel, comme bon lui semblera, il face et execute comme il verra que à faire fera de raison (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 301).

 

-

Voir qqc. + être à inf. ou + être adj./part. passé : ...pourquoy fut prins et saisy et mys en justice et gardé jusques à ce qu'il fut delivré de son postume, pour, après icelluy venu, estre fait dudit religieux ce que justice verroit estre à faire. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 80). ...car je sçay bien que, aprez disner, il s'en veult aller devers ses gens, et doresnavant il faut qu'il ait auctorité d'ordonner par tout ce royaume tout ce qu'il verra estre bon à faire (BUEIL, II, 1461-1466, 185). ... touteffoiz pour povres femmes veufves, orphelins et pour povres mineurs, ou autres telles miserables personnes [...] , et autres cas ou le juge verra estre requis et expedient de faire prompte et briefve justice, et aussi en toutes matieres de provision qui requierent sommaire cognoissance, n'est besoing d'impetrer abreviation (Ordonn. roy., c.1493. In : Chrestom. R., 268). ...et prandre telles seuretés d'icelluy de Nemours qu'il verra estre licites, utilles et convenables, et soubz telles peines et censures qu'il verra bon estre (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 245).

 

-

Voir qqc. + à inf. : ...et ce seroit signifié au Chancellier pour avoir audience à tel jour que plairoit au Roy et qu'il verroit à faire. (BAYE, II, 1411-1417, 48). Et que, à la premiere venue in transitu sur les champs, le premier president pourra dire en brief de par la Court au Roy, pro salutacione, congratulacione et recommendacione, ce qu'il verra à dire selon l'oportunité de l'eure et du temps. (FAUQ., II, 1421-1430, 342).

 

-

Voir qqc. + groupe prép. : Ancores, a ce propos, rengne aujourd'huy ou courage de pluseurs cest appetit de dominer, qui pour gouverner princes, pour gouverner citez, royaulmes et provinces, regardans a leur proufit particulier plus que a honesteté ne au bien de la chose publique, plus tost conseilleront ce qu'ilz verront au proufit - sans considerer honesteté - qu'ilz ne feront honesteté, sans avoir regart au prouffit. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 212).

 

b)

[Avec une complét. par que au subj., voir étant sous négation ; ne pas voir que... marque que le sujet juge la proposition fausse] : Adonc le confesseur vint a elle et luy dist comment il s'estoit conseillié de son cas, et ne veoit mye que Dieu luy donnast santé se elle ne cryoit mercy a son mary du tort qu'elle luy avoit fait. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 108). Briefment, tout comsideré, je ne puis veoir que li demorer chi et atendre la quinsainne me soit pourfitable. (FROISS., Chron. D., p.1400, 487). Tout comsideret, il ne peurent veoir que par nul asaut legierement il le peuissent conquester, et trop lor cousteroit de lors gens. (FROISS., Chron. D., p.1400, 610). Vous avez bien et honnourablement executée vostre commission. Si vous entreprenez plus avant qu'il ne vous est commandé, et il vous avenoit aucun hazart, vous en pourriez avoir blasme. Je ne vois point que vous ayez artillerie pour mettre siège ; je ne scay comme vous estes fondez d'argent. Le duc Baudouin est aussi puissant que vous estes. Il est en son païs, en fortes villes et fors chasteaux. La saison est morte. Je ne congnoys point que puissez rien besongner. Vous mengez yci voz vivres et ne vous peut plus la ville soustenir ; et ne voy point pour ceste heure que vous puissez riens entreprendre. Et me semble qu'il est force que vous emmenez voz gens et vous retirez devers le Roy. Et là conclurez quelque bonne chose pour la saison nouvelle. (BUEIL, II, 1461-1466, 2).

 

c)

Voir qqc/qqn + groupe prép. "Juger qu'il y a..."

 

-

Voir qqc. en qqc. : ...veritablement, je ne voy remede en voz fait que [ne] soiez prins (C.N.N., c.1456-1467, 509).

 

-

Y voir qqc. : Pour ce ne poet amans par droit souhet Pour son pourfit mieulz prendre ne cuesir Que d'un regart, mes que telement l'et Qu'on doit tels biens donner et departir : A point, sans outrage y vir, Car, quant il sont pesé a le balance, Dame s'aquite, et amans voelt servir (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 154). Liquel cardinal trettoient et parlementoient entre ces parties paix ou concordance se il peuissent ; mais il les trouvoient si durs et si hausters et si mal entendans a lors remonstrances et volentés que il n' i veoient moiien ne conclusion. (FROISS., Chron. D., p.1400, 591). Au fort tout luy accorderay. Je n'y voy point de meilleure voye. (Obstin. femmes T., c.1480-1500, 55). Ausquelz le grant maistre fist responce qu'ilz estoient assez puissans pour lever l'un des sieges, et qu'ilz ne povoient estre emportez d'assault au nombre de gens qu'ilz avoient ; et aussi leur dist : "Fortune ne nous sauroit desdire en façon que nos ennemys n'eussent doloreuse victoire ;" en disant par luy sur ce propoz qu'il y vouloit vivre et mourir et qu' il n'y veoit apparance nulle que la ville se peust perdre. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 289).

 

-

Voir qqc. pour qqc. : Helas ! maistre Jehan, ne voiez vous aultre fasson pour la recouvrance de la santé de madame ? (C.N.N., c.1456-1467, 140).

 

-

Voir qqc. de + inf. : Il eut bon jugement de la personne dudit de Lescun, disant qu'il ne veoit nul peril de luy mectre entre les mains ce qu'il y mist et l'estimoit homme d'honneur (COMM., I, 1489-1491, 241).

 

d)

Inf. subst. "Façon de penser, de juger" : Souvent et assez naissent discencions entre amis et citoiens pour les diversitez de sens et d'opinions, et aussi fait elle entre religieux et devots. L'ancienne coustume est a grant paine relenquie et n'est nul qui soit volentiers mené oultre son propre veïr. (Internele consol. P., 1447, 306).

 

2.

Au passif Être vu. "Paraitre, sembler" : Et souvent avient que un homme orgueilleux semble estre hardy et faint avoir en soy la vertu de fortitude. Et en la maniere que le fort ou le hardy se contient et se porte en choses terribles ; et tel comme il est, l'orgueilleus veult estre veü tel et sembler et apparoir tel. Et ensuit le fort et fait comme fort et comme hardy, la ou il peut et la ou il ne voit peril. Et pour ce, moult de telz orgueilleus semblent estre fors et hardis et il sont vrays couars et paoureus (ORESME, E.A., c.1370, 208). Je entens ja que chose neccessaire est que Dieu face ce qu'il a encommenché, adfin que aultrement il ne soit veu indeuement falir en la chose encommencee - que dire ne debvons en Dieu, que riens ne fait sans cause. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 210). Mais je di que chose neccessaire seroit de veoir se le Pere doit retribuer au Filz, qui soy meisme agreablement tout se tribue a Pere. Car aultrement il seroit dit estre veu injuste, se il ne lui vouloit retribuer, ou non puissant de retribuer ; lesquelles deulx chouses sont trop alienees et estranges de Dieu. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 251).

E. -

Empl. abs. [Marque une prévision] "Prévoir"

 

-

Voir de loin : Vous voyez selon mon propoz tous ces seigneurs icy bien empeschéz ; et avoient de tous costéz tant de saiges gens et qui veoient de si loing que leur vie n'estoit point suffisante à veoir la moytié des choses qu'ilz preveoient. (COMM., I, 1489-1491, 225).

III. -

[Domaine de l'attention]

A. -

Empl. trans. dir. [Marque l'attention portée à un objet]

 

1.

"Porter son attention sur" : Jugez, amans, et voiez ma dolour ! Comment Amours et ma dame ensement M'ont fors bani de leur plaisant sejour Et esloigné de merci durement, Sans avoir fait ne pensé Envers ma dame que bien et loyauté (MACH., App., 1377, 653). Hommes failliz, bersaudez de raison, Desnaturez et hors de congnoissance, Desmis du sens, comblez de desraison, Folz abusez, plains de descongnoissance, Qui procurez contre vostre naissance, Vous submettans a detestable mort Par lascheté, las ! que ne vous remort L'orribleté qui a honte vous maine ? Voyez comment maint jeunes homs est mort Par offensser et prendre autruy demaine. Chascun en soy voye sa mesprison ! (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 62). Et tout consideré ce qui fait à voir et considerer à grant et meure deliberacion, il sera dit que ladicte court a declairé et declaire ledit messire Loys de Luxembourg crimineux de crime de leze magesté (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 352).

 

-

En partic.

 

.

[Le compl. désigne qqc. qui sera l'objet d'un développement, d'une réflexion] : Voyons maintenant son humblesse, Sa doulceur et sa pacïence, Luy qui estoit chief de noblesse Et connestable d’excellence. Fortune par sa violence Le mist en sy petit degré, Et toutes foiz il print en gré. (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 308). Voyons la monarchie qui fu si grande et qui si longuement dura en la main des Rommains. Qui la fit si longuement durer si non doulceur, benignité, honnesteté, justice et bones meurs ? (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 226).

 

.

"Porter son attention sur qqn/le cas de qqn afin de le prendre pour exemple" : Se tu dis que toutes choses sont tiennes, se ne peulx tu dire veritablement. Et se tu dis que toutes choses sont tiennes et a aultres, toutevoiz toutes choses ne sont point tiennes, car nulz ne puet dire veritablement "tout est mien" ; et bien savons que charité est originallement fontainne de tous biens. Nous veons deulx enfans quy n'eussent que une mere, et d'une nobilité, et toute en une heure. Toutevoiz l'ung sera humilié en povreté, l'aultre sera eslevez en grans richesses. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 285). O genre humain qu'est ton peché horrible Devant les dieux, puant et detestable, Voyés juïfz, regardés ce notable Tout a part vous. (Cene dieux, c.1492, 115).

 

-

Voir qqn en pitié : Ha ! vierge qui es cieulx habites Conme souveraine royne, Dame, par ta doulceur benigne, Voy en pitié moy, ton sergent, Qui ta presence cy attent. (Mir. ev. N.D., c.1348, 77). Seigneur d'onneur qui en bruyt et haultesse Instituer veult sa haulte noblesse, LOnguement estre de louenge auctentique, Avoir doibt l'ueil sur ses subgectz qu'on blesse, Voir en pitié estrangiers c'on abbesse, DEsirant estre leur secours princiffique... (LA VIGNE, V.N., p.1495, 124).

 

-

N'avoir que voir dans/en qqc.

 

.

N'y avoir (plus) que voir. "N'y avoir rien à faire, n'y avoir aucun rôle" : Se tu as chiere ta santé, et maladie ou viellece ressongnes, où la quiers-tu ne mais ou ciel ? - où n'a maladie n'enfermeté quelconques n'aucune dueillance, meismement mort n'y a que veoir, ains toutes choses y vivent et sont en prosperité. (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 44). Oultre plus, saillist une question d'aucuns qui mirent leurs prisonniers à finance sans le congié de leur cappitaine. Et fut dit par sentence que le cappitaine les povoit prendre pour la finance à quoy ilz estoient myz. Mais, s'ilz eussent congié du cappitaine de les mettre à finance, le cappitaine n'y avoit plus que veoir. (BUEIL, II, 1461-1466, 214).

 

.

N'avoir (rien) que voir en/dessus qqc. "Ne pas avoir à y intervenir, à s'en occuper" : ...et est chose merveilleuse que il fault que l'esglise ait par la main laye ce qui est syen et qui lui compette et appartient, et en laquelle le juge lay a riens ne que veoir ne que congnoistre. (JUV. URS., Nescio, 1445, 497). Je croy que l'on vous en dira De tresgracieuses nouvelles. (...) Oncques n'en oystes de telles Ne n'orrez d'icy a dix ans : Sans vices sont et sans cautelles, Dessus n'ont que voir mesdisans. (LA VIGNE, S.M., 1496, 399).

 

.

N'avoir que voir à qqn. "Ne pas être concerné par qqn, n'avoir aucun droit sur qqn" : Mais vous sçavez que la coustume est telle en vostre royaume que se vous avez fille a marier, il convient que le chevalier qui la veult avoir aille garder l’isle icy dessoubz vostre chastel par soixante jours entiers. Et se aucun chevallier l’en met dehors par force d’armes, il n’a que voir a la pucelle, et ainsi des autres. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 120).

 

2.

"Examiner"

 

-

Voir qqn

 

.

Empl. pronom. réfl. Se voir : Chouse dont neccessaire est que ung chascun premierement se considere et se voit. Et en soy bien regardant, il trouvera que la chose plus neccessaire pour amer parfaitement et pour parvenir a amour infaillible est de soy congnoistre. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 262).

 

-

Voir qqc.

 

.

Voir ses besognes/ses choses. "Examiner l'état de ses affaires et s'en occuper avec soin" : ...si conseille Que tousjours soies diligens D'enquerir l'estat de tes gens Et souvent veoir tes besongnes, Et oultrageus despens ressongnes. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 116). ...sondit feu mary, pour veoir ses choses, ala audit lieu de Saint-Pol, et, en s'en revenant, fu encontré par le dessus dit prisonnier, lors estant monté sur un cheval (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 176). C'est a dire, mon ami, que reveoir ses choses, quelles et comment sont, est souveraine prudence. Et ne dist pas seullement veoir ses choses, mais reveoir ; et ce reveoir s'entend que nul ne les puet trop veoir. (LA SALE, J.S., 1456, 24).

 

.

Empl. pronom. à sens passif : Car il regarde au conseil que on luy baille et, pour ce, ne attent pas la fin ne le inconvenient, mais y pourvoit. Et, pour ce, toutes choses qui se peuent preveoir se doivent veoir et contempler par conseil avant qu'elles adviennent. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 149).

 

.

Au passif : Puisque tu entens la matiere, disons dont que, veues et entendues les chouses dessus dictes, legierement on peult congnoistre et entendre sans difficulté que Dieu, ou il perfera ce qu'il a encommencié de humainne nature - c'est assavoir la restauracion de ceulx qui sont cheuz -, ou il a fait en vain sy grant et sy noble euvre que de humainne nature et si hault et si grant bien comme lui avoir donné son ymage et samblance. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 209).

 

3.

DR.

 

-

Au passif : ...fu veu et leu ce present procès ; et, après ce, par ledit lieutenant fu demandé ausdiz conseilliers leurs advis et oppinions qu'il estoit bon de faire et comment l'en procederoit contre ledit prisonnier. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 486). ...fu veu, leu et recité l'accusacion, confession et denegacion cy-dessus escripte, faites contre ledit de Breyne, prisonnier, et demandé ausdiz presens conseilliers leurs advis et oppinions comment l'en procederoit contre icellui prisonnier. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 142). Ce jour, n'a point esté la Court ou Chastellet juxta morem solitum, mais ont esté ceans veues aucunes requestes d'aucuns prisonniers. (FAUQ., I, 1417-1420, 20).

 

-

[En participiale] : Lesquelz oppinions ouyes, et consideré aussi ladite confession, et veu ce present procès, icellui Thomassin fu ad ce, par ledit mons. le prevost, condempnez. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 149). Ouyes lesqueles oppinions et veu ledit procès, icelle femme fu condempnée ad ce par ledit mons. le prevost. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 307).

 

.

Tout vu : Ausqueles oppinions, tout veu, icellui mons. le prevost se conforma et ainsi le prononça. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 159). En oultre, emploient ce que autrefois ont escript et produit en la matiere des admortissemens. Sur quoy la Court a appoincté que le procureur du Roy mettroit lesdictes lettres et ce qu' il vouldroit devers la Court, et tout veu au Conseil, ycelle Court fera droit. (FAUQ., III, 1431-1435, 113). Tout veu et bien consideré Qu'i sont bien de VII a VIII mille, En eux ont mal deliberé Et ont bien le corage ville, Veu aussi qu'i tenoyent la ville, Puis a noz gens traicté donner. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 645).

B. -

[Marque la réflexion en vue de qqc.] Voir + sub.

 

1.

[Avec une interr. indir. totale] "Réfléchir pour savoir si" : Retournons a nostre propos et veons se par seulle misericorde, sans aucune solucion, soit a Dieu convenant de pardonner pechié. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 181). Pour tant se resoult Ciceron a ce que revoquer en en doubte se honnesteté a ung conseiller est a preferer a proufit, ceste doubte est vice et crime execrable. Mais Mai[s] voyons s'il est cause qui puist advenir qui nous doive mouvoir a conseiller utilité en postposant honesteté. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 212).

 

2.

[Avec une interr. indir. partielle]

 

-

"Porter son attention sur (une question)" : Je croy que Dieux est Sarrazins ; S'il estoit leurs germains cousins, S'est il assez de leur partie ? Veez comment il nous guerrie. (MACH., P. Alex., p.1369, 113). Or veulent mon eage moien Lier en puissance d'autrui ! Voiez en quel point je me trui ! Mais ce n'est pas lien de paille, Ainçois est gaiges de bataille (DESCH., M.M., c.1385-1403, 20). Treschier filz, enten que tu fais Et des nopces le grant dommaige Qui puet venir par mariaige ; Voy que phillosophes en dient Et comment ce grief lien nient, Et pran garde aux divins escrips Et aux exemples que j'escrips. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 41).

 

-

"Réfléchir à (une question)" : Anselme : - Il [nous] convient voir et entendre quant grande et quant souverainne et juste est la misericorde de Dieu. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 254). Il fault veoir que c'est de divorce. Et quant l'homme et la femme sont separéz, divorce puet estre celebree, quant impuissance de habiter est allegimé ou a cause de frigidité ou de malefice (Sacr. mar., c.1477-1481, 78). Or fault maintenant veoir comment changea le monde après ceste bataille et comme leurs parolles furent muées et comme nostre roy conduysit tout saigement. (COMM., II, 1489-1491, 108).

 

3.

[Avec une complétive par que]

 

-

[Avec une complétive au subj.] Voir que... "Faire en sorte que..." : Elle gouverne son hostel Et son bestail d'autre costel ; Elle est guettant, saige et apperte, Et voit que rien ne voist a perte (DESCH., M.M., c.1385-1403, 11).

 

-

[Avec une complétive à l'ind.] Voir que... "Se montrer attentif afin de constater que..." : O roys de terre, qui seez en chaire tremblant, et commandés par auctorité decepvable sur peuple pervertible, retenés ceste leçon du roy des cieulx (...). Eslevés vos yeulx, et humiliés voz cueurs a retenir de sa doctrine (...). Voyés que au premier roy par lui establi il retolli le ceptre, et au tiers amendrist son obeissance, et subtraist ses subgeitz (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 41). Vela ung aultre sot, vrayement ; Voyez qu'il faict layde grimasse. (Roy sotz, c.1450-1500, 217).

C. -

Empl. trans. indir.

 

1.

Voir à

 

a)

Voir à qqc.

 

-

"Porter son attention sur qqc." : Or vëons a une autre chose Qui contre le premier s'oppose (MACH., D. Aler., a.1349, 241). Or verron a ce qui avint u païs de Bretaigne, ou l’aigle d’Ocident retourna aprés le fait de Cocherel... (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 211). Certes le las de cuer me fent, Quant je resgarde, pense et voy Aux faiz et aux parlers que j'oy ! (DESCH., M.M., c.1385-1403, 24). Mon seigneur, se je ne vous paye A vostre mot, ne me croiez Jamais ; mais, je vous prie, voiez Diligamment a ma besongne. (Path. D., c.1456-1469, 152).

 

-

"S'occuper de qqc." : S'il ne sont loiaus et preudommes, Hardi, large comme Alixandre Pour leur grant richesse despendre, Et sages aussi pour vëoir A leurs grans fais et pourvëoir, Sans gieu de dez, sans taverner, Il ne puelent bien gouverner. (MACH., F. am., c.1361, 185).

 

b)

[Avec un inf.] Voir à savoir. "Réfléchir pour savoir" : Mais pour mieulz entendre nostre matere, voyons a sçavoir quele chose est honesteté. Aristote le nous ensengne... (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 206).

 

2.

Voir de qqc./qqn. "Réfléchir au sujet de qqc" : Or avons donques comment conseil est partye de justice, que le prince doit avoir conseilliers et quelz ilz doivent estre, et comment il en doit user. Reste a veoir de ceulz qui la justice ont a conduire et soubz ycelle regir et gouverner le peuple, come sont les bailliz et les prevostz et aultres juges. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 255). Nous avons veu de naturele impuissance de habiter ensemble, il nous fault veoir de castration. (Sacr. mar., c.1477-1481, 78). Cestui, après qu'il eut beaucop veu de astrologie, se mist à fere sa collecte sur les Hystores de Richard et Martin. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 103 r°).

 

3.

Voir sur qqn

 

-

"Veiller sur" : Oo, la fleur de virginité, Oo, support de viduÿté, Pere de puerilité, Roy souverain, Voy sur ton pouvre peuple humain, Estens luy ta grace et ta main. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 221).

 

-

"Surveiller" (?) : LE PRIEUR. Justice voit sur les petis : Tousjours se prent aux plus chetifz. Les grans et les gros trop redoupte Et sur leurs meffais ne voit goutte. (ALECIS, Passetemps Alecis frères P.P., a.1451, 17).

IV. -

[Par affaiblissement sémantique]

A. -

[Au passé simple, avec l'adv. mar ou mal]

 

-

[Mar voir l'heure, le jour que... indique que le procès siginifé par la relative est préjudiciable au référent du sujet de voir] : Vous dites voir, sire ; mais trop mar vi L'eure et le jour Qu'onques amay de si parfaite amour, Car je n'en puis eschaper par nul tour ; Eins y congnois ma mort sans nul retour. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 66). Se pour longue demourée Sui mis en oubli, Certes, mar vi la journée Que premiers vous vi ; Car je vous aim si Que jamais entroubliée Ne serez de mi. (MACH., L. dames, 1377, 30-31).

 

-

[Mal voir + fait préjudiciable au référent du sujet ou de l'objet de voir] : Las ! mal me vit on d'Adam né, Dame, s'ensement en estoit. (Mir. enf. diable, c.1339, 29). Hellas ! tant mal veismes la cruaulté de nostre seigneur, quant par luy fault que nous morons. (LA SALE, Reconf. De Fresne H., 1457, 26).

B. -

[Avec un inf. : voir qqc./qqn + inf. équivaut à un passif] : ... aucunesfois iceulx delinquans, craignans estre contumacez et condempnez en l'interest de partie et de justice, voulans empescher les procedeures faictes contre eulx, presentent ou font presenter lettres royaulx de grace ou de remission ou autres, et font bailler assignation pour icelles lettres veoir enterigner par devant icelluy juge ou autre (Ordonn. roy., c.1493. In : Chrestom. R., 269).

 

-

Se voir + inf. : Pourveance, qui est en tous sens preste, Au vrai amant un si grant bien preste Qu'il n'oseroit penser ne souhedier Ce dont se voit a son besoing aidier. (FROISS., Orl., 1368, 93). Aussi, se dame honnorer De vray ami et douter Se voit humblement, El doit, ou elle mesprent, Son bien desirer (MACH., Lays, 1377, 388). Quant le seigneur de Saintré se voit ainsin villener et menassier a la faveur et pour l'amour de damp Abbés ly dist... (LA SALE, J.S., 1456, 295).

C. -

[Se voir + part. passé, adj. ou groupe prép. : équivaut à être]

 

-

Se voir + part. passé : Einsi sa parfaite biauté, Fresche et douce com fleur d'esté, Et la mervilleuse clarté De son viaire Dont je me vi enluminé, Le ray de son oueil que plus n'é, Mes cinc sens orent tost maté ; Plus n'en pos faire. (MACH., R. Fort., c.1341, 46). ...on fera ce povre roi d'Engleterre oultrequidiet tout despendre et alever le sien, et li tellement endebter deviers ces Alemans que jamais n'en se vera delivrés. (FROISS., Chron. D., p.1400, 337). Mais vous devez oultre avoir Attrempance ou Esperance, et est moult neccessaire, car supposé que on se voye aucunement irrité par aultruy la maniere attrempee de respondre adoulcist la personne et le fait contenter et dominer les ymaginacions vicieuses (JUV. URS., Nescio, 1445, 474). Helas, que je me vis coursé De la mort d'ung de mes nepveux ! (Fr. arch. B., c.1468-1480, 31).

 

-

Se voir + adj. : Plus n'en di ; qui vuet, si l'entende, Car dès ore est temps que je tende A l'esprivier ou j'entendi, Quant la prise pour li tendi. Je me vi la en ce lieu seuls. Bon fu ; que po amasse ceuls Qui vers moy se vosissent traire, Car trop me feïssent contraire. (MACH., D. Aler., a.1349, 269). Mais par ces trois a rebours descompter Puet on en enfer cheir Et soy meschant a tousjours mes veir Ou feu ardant, penible et tourmentable. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 102).

 

-

Se voir + groupe prép. : Et trop grant temps avoit que point il ne s'estoient veu en parti de bataille avoir, si apparans conme ceste estoit, et cose si notable que la poissance d'Engleterre et la poissance de France ensamble l'un contre l'autre (FROISS., Chron. D., p.1400, 724). Quand il se vit a part avec madame, il luy dist qu'il se doubtoit tresfort (C.N.N., c.1456-1467, 45). Je vifz en grant desplaisance Qui suis des haults princes de France, Et me voy en captivité. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 101). Pour la doubte en quoy il se veoit, il fut contraint de leur accorder toutes leurs demandes et telz privileiges qu'ilz voulurent. (COMM., I, 1489-1491, 119).

D. -

[En fonction adverbiale, après un verbe qu'il renforce] : Nous verrons vouer qu'il nous dira. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 255).

 

-

[Après un verbe à l'impér.] : Dia ! seray ge ainsin rusé ? Monstrés voir ces mains que vous dictes. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 203). LE SECRETAIRE. C'est fait, monseigneur. LE CHANCELIER. Monstre veoir. C'est bien escript, a dire voir. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 34). Moustre moy vouer que tu sces feyre. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 192). Tenés, demandés luy vouer Se il cognoit que ma maim poyse. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 273).

V. -

Part. passé [Empl. comme subst., comme prép., ou entrant dans une loc. conj.]

A. -

Empl. subst.

 

-

De vu et de su : Si j'ay prins usure d'autruy, J'en rendray le double au jour d'uy ; Et si j'ay fraudé ou deceu Mon proesme de veu ou de sceu, Je le rendray quitte et indampne, Car, se autrement fais, je me dampne. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 56).

 

-

Au vu et (au) su de qqn. "En présence de qqn, ouvertement" : Lesquelles saisine et possession yceulx religieux avoient gardé et continué depuis le temps dessus dit, et par tel et si long temps qu'il n'estoit memoire du contraire et qu'il souffisoit et devoit souffire a bonne et souffisant saisine et possession avoir acquise, au veu et sceu dudit deffendeur et de tous autres qui veoir et savoir l'avoient voulu, sans contredit, debat ou empeschement qui oncques leur y eust esté mis (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1330, 470). ...et lui dist que pour les avoir il forgeroit monnoye, et en forga jusques à la valeur de six frans ou environ de la monnoye ditte, au veu et sceu dudit Jehan, en ladite ville de Terrouane (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 483). ...[il] lui a donné à boire et à mengier des biens de sondit maistre, au veu et au sceu d'icellui et de tous ses gens et familliers, et aussi a couchié avec lui en l'ostel dudit sire de Roussay. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 133).

B. -

Prép. "Étant donné" : Tous lesquieulx, veu l'estat dudit prisonnier, furent d'oppinion qu'il estoit prenable de justice, et oultre, veu la confession cy-dessus escripte, (...) delibererent que l'en ne le povoit espargnier qu'il ne feust excecutez comme un très-fort larron. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 497). Et au jour d'ui eust requiz que, veu ce que dit est, la Court lui octroyast et donnast adjornement en cas d'apel (BAYE, I, 1400-1410, 20). ...lesdictes lettres ne devoient estre enterinées, veu le jeune eage du Roy (FAUQ., III, 1431-1435, 113). Vous deussiés aler a l'encontre, Veu ce que tousjours il vous monstre Signe de grant dilection. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 498). Je ne sçay comment il dura, Veu le sang qui de luy courut. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 914).

C. -

Loc. conj. Vu que + ind. "Étant donné que" : L'un ne l'autre en ce cas n'aquiert Sanz plus que pechié veniel Que l'en appelle originel. Donc veu que ceste chose est voire, Pues percevoir que Repertoire Ne tient pas vraie oppinion, Et que mieulx vault conjunction De marier qu'avoir a creche Femme sanz loy, ou chascun peche. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 313). Et après ce qu'il orent longuement parlé ensemble, ledit Perrin Amiot lui dist qu'il faisoit que fol qu'il ne portoit tonsure, veu que souvent il se entrebatoit avecques compaignons, et que se d'aucune aventure il estoit prins par la justice laye, qu'il seroit perdus (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 80). Ma cousine, fait l'autre, je me merveille bien, veu que vous estes sage femme et de bon lignage et qu'il n'est pas vostre paroil, chacun le sceit, comment vous le lui souffrez ; et il nous porte a toutes grant prejudice. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 19). ...et requierent, veu qu'il est malade, que la Court veulle ordonner que on eslargisse ledit Blanche (FAUQ., I, 1417-1420, 363). ...il se doubta beaucop de point parvenir a son intencion, veu qu'il ne povoit obtenir d'elle ung seul baiser. (C.N.N., c.1456-1467, 316). Comment ceux de Melun se rendirent au roy anglois, vu que de vivres ny de secours ne leur estoit riens apparant. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 180). Mes veu que la nuyt si s'aproche (...) Que chacun s'en aille et se couche (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 635). ... se Joseph nous faisons prendre Si brief, nous pourrions bien mesprendre, Veu qu'il est ung homme bien creint (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 772).

VI. -

Part. prés. [Empl. comme adj., subst. ou comme prép.]

A. -

Empl. adj.

 

1.

"Visible" : Or escoute c'on te fera : Sur toy [Caïn] mectrons signe voiant Car toujours tu seras trenblant Et seras paralitique. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 24). [Réf. à Gen. 4, 15]

 

2.

Non-voyant. V. non-voyant "Aveugle"

 

3.

Clair voyant. "Qui a du discernenent" : Certes, dire aussi le vouloie. Il est subtilz et cler veant, Bien entendant et argüant, Il a biau lengage en la bouche Et si est sanz nul mal reprouche, Dont miex le pris. (Mir. enf. ress., 1353, 14). Mais qui plus est, les povres et petis compaignons de sa court, le bon roy qui estoit piteux, et en toutes choses circonspect et cler voyant, cuides tu que il les oubliast ? Certes, non faisoit. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 155).

B. -

Empl. subst. masc.

 

-

"Celui qui voit quelque chose, spectateur" : Et comme je formay et figuray le corps du grant roy Priant tel que par sa chiere et regart tant seulement on le disoit estre digne d'avoir empire - Species Priami digna est imperio -, plus excellemment de cestuy le feray si que les veans, tant soyent envieux, diront : "Veez la dame digne d'estre emperesse et royne couronnee". (GERS., Concept., 1401, 392). Son ascension glorieuse Est aux veans moult merveilleuse. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 277). Le lundi aprés (...), le duc de Milan avoit fait appointier ung disner en la grant salle du palais, le plus somptueux qui jamés avoit esté veu au pays et de plus grant magnificence, car y avoit de ricesses et de somptuositéz jusques a esmervellier les voians (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 245).

 

-

Clair voyant. "Celui qui a du discernement" : Et pour ce, le mauvais conseilleur plain de convoitise ne sera pas sans blandisses et flaterie et soubz ce vice seront couvers ses faiz voire aux non cler voyans, car pour venir à la conclusion où il tent, se soubtillera à toutes flateries. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 78).

C. -

Empl. prép. "En présence de" : Recorde toy de moy, Sire, recorde toy, si que je soye en l'eritaige de ton regne et, veant ta gloire, te puisse aourer de bouche et puisse dire : Gloire au pere, qui m'a fait ! (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 34). Ouquel lendemain, ainsi comme environ midi, il monta en la chambre où il avoit geu la nuit precedent, veans son hoste et hostesse en laquelle chambre où ledit coffre estoit, il entra, et, d'unes tenailles de fer qu'il portoit communement avecques lui, et, à l'ayde d'icelles, ouvry la serrure d'icellui coffre (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 91). Comment ause une creature faire, veant toute la court de paradis, ce qu'elle ne oseroit faire veant un homme estrange ? (GERS., Annonc., a.1400, 237). ...et, au retour que fist a Romme, mena avec soy Pillate, qui pour ce temps estoit officier en ladicte cité de Jherusalem pour le peuple de Romme, et, voyant tout le peuple, il le fist morir (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 64). ...Vostre filz cher, Que vous m'avez baillé en garde, Est occis. Il n'est qui l'en garde, Voyant plusieurs hommes et femmes. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 366).
 

DMF 2020 - Synthèse Corinne Féron

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