C.N.R.S.
 
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     VOIR1          VOIR2     
FEW XIV verus
VOIR, adj., subst. masc. et adv.
[T-L : voir ; GD : voir2 ; DÉCT : voir ; FEW XIV, 329b : verus]

I. -

Adj.

A. -

"Vrai"

 

1.

[D'un dire, de ce qui est dit] : Vous avez dit parole honneste Et voire (Mir. ev. arced., c.1341, 121). ...avarice engendre haïne, Et largesse donne et rent gloire, Vraiement, c'est parole voire, Qu'on le scet et voit clerement Par vray et juste experiment (MACH., J. R. Nav., 1349, 139). Item, pour ce, afin que tele operacion ne soit empeechiee, celui qui est beneuré a mestier d'avoir les biens de corps et les biens de hors et de fortune. Car, combien que les Stoyciens dient que celui qui est tourné et cheü en tres grans infortunes soit beneuré se il est bon, telz gens ne dient rien de voir, vueillent ou non. (ORESME, E.A., c.1370, 405). On ne li peut puis faire entendre Qu'elle vosist mengier ne boire. Ceste matere est toute voire. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 43). Plus qu'onques mais vous desir à veoir, Dame, que j'aim, ser, desir et aour ; Car chascuns dit, et je le tien pour voir, Que vous estes la souverainne flour De quanque Diex et Nature et Amour Puelent creer. (MACH., L. dames, 1377, 234). Veoir mourir Puisse je ce biau Repertoire, Qui dit tel parole non voire ! (DESCH., M.M., c.1385-1403, 321). Et tout treuve l'en, es histoires De Romme autentiques et voires, Que ceulx de Romme conseillers, Ou avoit de bons chevaliers, Povres communement estoient, Car a nullui le sien n'ostoient (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 44). Si est voir ce que dient maint : "Des pensers du fol moult remaint !" (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 230). Dient que "honte est et pechié De croire viellars et provoires, En fait de guerre, ne que voires Prophecies soient et dis De divins, qui acreandis Sont et demandent le repos." (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 61). Nous avons penssé a l'erreur Du fait de Jhesus l'enchanteur, Ou rudement vous comportez En tant que vous nous rapportez Nouvelle de luy forte a croire, Que ne croyons pas estre voire Ne croirons tant que siecle dure. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 403).

 

2.

[D'un contenu propositionnel] : Et pour ce c'on me vueille croire Que ce soit chose toute voire, Saint pére, je vous fas savoir Maintenant vous feray veoir La dame des cieulx sanz mentir S'avecques moy voulez venir Ou vous mainray. (Mir. prev., 1352, 272). ...Pymalion fist l'image d'ivoire Que moult pria et ama sans recroire, Mais il n'ot pas si tres noble victoire Ne tel eür Comme j'aray, se Morpheüs avoire Ce que je tieng qui sera chose voire. (MACH., F. am., c.1361, 177). Chier sire, ce fait ce qu'ilz ont, Lui et touz autres (non pas un) Qui crestien sont en conmun, Une paroles si traittables, Si doulces et si amiables Qu'en parlant il semble qu'ilz oingnent Les cuers des gens, et ilz les poingnent Telement qu'il leur font acroire Ce qui n'est mie chose voire Ne ne peut estre. (Mir. st Ign., 1366, 88). Car soubz le ciel n'est, ce me semble, Chose plus voire. (Mir. st Val., c.1367, 147).

 

-

C'est chose voire : Et loiauté ja ne despite, Se sa jus n'en as la merite, Qu'elle ne puet estre perdue Qu'a cent doubles ne soit rendue. Se ci ne l'est, c'est chose voire, Se l'iert elle en siege de gloire. Je t'ai dit ce que tu feras Et qu'en verité trouveras ; Se tu le fais, bien t'en venra, Et se non, il te mescherra. (MACH., R. Fort., c.1341, 103). Ne lisez vous, c'est chose voire, Du resuscitement des mors, Que Dieu qui est misericors Si vous a escript a vos yex ? (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 237). Il est escript Que toutes tribulacions Et toutes les griefs passions C'om peut en ce ciecle endurer Ne se peuent amesurer N'estre dignes, c'est chose voire, N'equipoler a celle gloire Infinie que j'en aray Quant Dieu face a face verray, Ainsi qu'il est. (Mir. st Ign., 1366, 98). Car d'Eneas qui vint a nage En Ytale de la grant Troie, Ainsi com l'istoire l'ottroie, Est descendus, c'est chose voire, Et des haulz roys de grant memoire Qui tindrent la possession De Romme par succession, De Cesar, le grant conquereur, Et d'Octovien, l'empereur. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 134).

 

-

Chose est voire : Ainssi grant victoire Orent les Romains, chose est voire, Et a Hanibal meschay, Qui es las Fortune enchay (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 227). Chose est bien digne de memoire Que Dieu, par une vierge tendre, Ait adès voulu (chose est voire !) Sur France si grant grace estendre. (CHR. PIZ., J. d'Arc, 1429, 30). Besoing sera qu'on en ait la memoire Au dernier jour, quand nous vorrons retraire Dessus le val Josaphat, chose est voire, Pour condenner l'ancïen adversaire (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 454).

 

-

C'est voir : Je doy bien estre esmerveilliez De ce que cest escript me conte. Se c'est voir, je feray a honte Tantost la royne morir. (Mir. femme roy Port., c.1342, 193). ZEBEL. C'est mon, dame ; il a plus d'un mois Que vous acouchates, ce croy, Voire quarante jours, par foy : Bien m'en souvient. NOSTRE DAME. C'est voir, m'amie ; il vous convient Que vous m'alliez deux turtres querre Ou deux jeunes coulons bonne erre, Qu'avec moy seront apportez : Mon enfant en ert rachatez Après s'offrande. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 222). Cils poetes dont je vous chant Harpoit si trés joliement Et si chantoit si doucement Que les grans arbres s'abaissoient Et les rivieres retournoient Pour li oïr et escouter, Si qu'on doit croire sans doubter Que ce sont miracles apertes Que Musique fait. C'est voir, certes. (MACH., Prol., c.1377, 10). L'EGLISE. Elle parle comme enragee. CONCIL. C'est voir : "A peiori rota Semper sunt jurgia mota" - La pire roe tousjours brait. (Concil Basle B., 1434, 87).

 

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[En incise] : Ancor maintes choses trouva Celle dame, qu'elle esprouva Bonnes, prouffitables et sages, Et comment on fait mains ouvrages De fil, de soye, a quelque peine ; L'art trouva toute de la laine Filler, tissir, tieulx oeuvres faire, Si leur en apprist tout l'affaire ; Pour ce l'appellerent, c'est voir, Pallas, deesse de savoir. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 283).

 

-

Il est voir : Et pour savoir s'il est voir ou non, lui a esté monstré le Sautier, ouquel et sur lequel l'en a acoustumé de examiner et esprouver ceulx qui dient qui sont clers, pour savoir de lui s'il sauroit lire ou cognoistre lettre aucune. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 103). Tu es Cristus né de la vierge franche. Et qu'il soit voir, La voix du pere en fait signiffïance, Le Saint Esperit, de coulon en semblance, Le fait sçavoir. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 140).

 

-

Si est voir : N'est ce le jugement des hommes que violence ne peut avoir durableté et que tout tortfait se pugnist tost ou tard par le meisme de sa nature ? Sy est voir, humain jugement doit cy estre conforme aveuc celluy de Dieu et se consentent Dieu et homme en ceste loy que ainsy se doit faire. (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 151).

 

-

Bien est voir : Ossi, par ordenance tele, Se Desirs, qui se tient sus ele Et qui est nostre marescaus, A plus de .XIIc. chevaus Venoit, il osteroit le perte, Qui est pour nous grosse et aperte. Bien est voirs, il nous est ensus. On le puet escuser la sus : Riens ne scet de nostre aventure (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 129).

 

-

Voir est

 

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[En tête de phrase, portant sur ce qui suit ou précède] : ...Par cest duc debonnaire (...) Vint en saincte eglise l'usage De chanter messes en memoire De ceulx qui sunt en purgatoire. Voir est, ou temps plus ancïen Chantoit l'en bien de requïem Pour ceulx qui en la foi moroient, Mais a commun pas ne savoient Des messes la grant efficace. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 85). L' ERMITE. Sire, la vierge souveraine En soit graciée et loée, Et l'eure qu'elle s'est monstrée A vous puist estre beneoite. Creature est trop maleoite Qui ne la doubte. LE LARRON. Voir est, sire, folz est sanz doubte Cil qui d'elle amer se desdit. (Mir. march. larr., c.1349, 117). LE BOURGOYS. Il me semble, conment c'on die, Gençon, nous ne pouons miex faire Que de nous vers l'ostel retraire ; Il en est huy mais heure et temps. Car il est, si com je pens, Pres de disner. LE VALLET. Voir est, combien qu'a desjuner Soie encore, mon chier seigneur ; Je vous dy bien, j'ay fain greigneur Que n'oy pieça. (Mir. enf. ress., 1353, 9). Voirs est, je ne le puis ravoir Ne pour argent ne pour avoir, Ne pour parolles ne pour sors, Ne pour mettre y travel de corps. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 94).

 

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[En incise] Et voir est : Chiers amis, il me samble, et voirs est, que j'ai ceste maladie concheüte par penser sougneusement a ma dame, ossi par regarder liement et volentiers sa douce phizonomie et la belle et plaisans maniere de li, dont tout le prisent (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 57). On dist, et voirs est, que il n'est chose si certaine que la mort, et chose si pou certaine que l'eure de la mort (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 185).

 

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[En comparative] : Pour ce me mis en ce recoy Et le disoie vraiement En celle heure et en ce moment Que la vierge venir veistes, Qui ce chapel, si com vous dites Et com voir est, me mist ou chief, Dont j'ay le cuer a grant meschief, Quant ne la vi. (Mir. march. larr., c.1349, 109).

 

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C'est voir que : Seulement de son dous regart, Me respondi : "Se Dieus me gart, Ceste aventure est gracieuse, Comment qu'elle soit mervilleuse. Mais de ce lay que vous me dites, Est ce voirs que vous le feïstes ?" L'AMANT. "Certeinnement, ma dame, oïl." (MACH., R. Fort., c.1341, 136). Par tout va la nouvele De la chose, qui est si bele, Que saint Evroul lez mors suscite Et si garde de mort soubite, Que c'est veir comme patenostres Que il fet lez euvres aus apostres. (Vie st Evroul S., c.1350, 98).

 

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Il est voir que : Sire, il est voirs comme evangile Que li contes de Tanquarville M'envoia une haguenée Sans selle, à bride renouée, D'un piet et d'un oueil desferrée, Qui est de tous poins aveuglée (MACH., Compl., 1340-1377, 262). LE CONTE. Tu diz bien, femme. Or dy conment Le fait avint, de point en point ; Et gardes que ne mentes point. Car de tant com plus nous diras Verité, plus tost grace aras D'entre nous touz. LA DAME. Certes, creez, mon seigneur doulx, Que ja de mot n'en mentiray, Mais verité pure diray. Il est voir que je me baingnoye, Comme acouchiee que j'estoye D'un filz qui tant m'a donné paine Que j'en travaillay bien quinzaine, Et fu de mort en aventure. (Mir. enf. ress., 1353, 46). ...mes tousjours n'est il pas voir que celuy qui plus reçoit face injuste. (ORESME, E.A., c.1370, 313). ...se il entent Dieu meïsme, il est voir que en Dieu cognoistre et amer est la felicité de vie contemplative. (ORESME, E.A.C., c.1370, 113). Et dit oultre, sur ce requis, que à sadite fille il ne bailla de ceste année presente, ne ne fist baillier, ne commanda ou ordonna à estre baillié à icelle sa fille, pour aporter vendre à Paris ou aillieurs, verjus quelconques, jà soit ce qu'il soit verité qu'il ait plusieurs vignes en icelle ville de Saint-Clou et territoire d'icellui, et aussi qu'il saiche bien que sadite fille, ne aussi son mary, ayent en la ville de Pacy aucunes vignes ; mais il est voir que, en ceste presente année, il a dit par plusieurs fois à sadite fille que elle ne se meist en aucun dangier envers personne quelconques pour avoir du verjus, se elle en vouloit avoir pour donner en aucun lieu, et que elle venist devers lui à Saint-Clou, et il lui en donrroit assez. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 249). Et lors luy demanda le roy pour quoy il avoit son amys mort, et le chevalier luy respondi : "Sire, ce vous diray je bien. Il est voir qu'elle est la plus belle dame du monde, si com vous pouez voir, et sa beauté m'amort ; car je l'ay plus amee que chevalier n'ayma oncques dame, et elle a plus amé autruy que moy, et pour ce la vouloye je destruire, car il ne luy plaist pas d'estre avec moy. Son amys occis je aussi pour ce qu'il la servoit maugré myen et sur ma deffence." (Chev. papegau H., c.1400-1500, 4).

 

Rem. Egalement : il est voire ; cf. T-L XI, 661-662.

 

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Il est bien voir que : Car ma dame est de tous costez En pais, preus, et haitie, et seinne ; Et que ce soit chose certeinne, Assez tost savoir le porrez, Selonc ce que dire m'orrez : Il est bien voirs qu'elle vous mande, Nom pas qu'elle le vous commande, Mais d'un mandement par tel guise Qu'il vaut auques près commandise (MACH., J. R. Nav., 1349, 159). A ce que j'ay dit tresamoureuse de vostre mary, il est bien voir que tout homme doit amer et cherir sa femme et que toute femme doit amer et cherir son homme : car il est son commencement. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 57).

 

-

Voir est que : Guillaume, or entendez : Pour la fin a quoy vous tendez, Fondez estes petitement ; Se vous diray raison comment. Voirs est que grans griés li avint Et en petit d'eure li vint. Mais tantost, celle heure passée, Sa grant grieté fu trespassée. (MACH., J. R. Nav., 1349, 225). ...mais la souverainneté de telz choses et amises mouvoient et venoient par les incitations des oncles du roy et le general conseil du pays, si comme il apparut depuis en Angleterre, car voirs est que le duc de Glocestre, quoyque ce fut le plus joenne des filz du bon roy Edouart, si estoit-il le plus ancien ens es besoingnes qui touchoient au pays et là où la plus sainne partie des nobles, des prelats et des communaultez se rapportoient et retraioient. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 36). Voir est qu'aucuns de leur folie Cuident resister, mais peu vault, Car au derrain, qui contralie, À Dieu compere le deffault. (CHR. PIZ., J. d'Arc, 1429, 38). Et cy finent les strantegemens que j'ay trais de Frontin, ouquel livre en a pluiseurs ; sy les porra la veoir qui vouldra ; car je n'ay peu tout extraire ; voir est qu'il y a aucunes tresnotables parolles que je ne vueil pas laissier, ou tous les princes et gouverneurs de guerre, se ilz les retiennent, y porront moult prouffiter. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 61).

 

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[Au passé simple] Voir fu que : Quant Hanibal vit qu'il furent yssu, il appella sa gent et dist : "Beau seigneur, traions nous arriere, car il me semble que nous avons tort quant ainsi nous sommes venu en ceste gent, car il m'est avis qu'il n'aient encore nulle voulenté de laissier ce païs, jusques a tant qu'il avront plaidié et droit fait, et me semble qu'il sont tous prestz de respondre a ce que on leur demande. - Voire", dist Berinus, "sachiez que nous en sommes moult esbaÿ. - Par ma foy", dist Hanibal, "je vous en diray l'achoison. Voirs fu que je vous oÿ huy matin plaidier et faire grant noise et si vi vostre tref drecier. Et pour ce je cuiday que vous voulsissiés errer et fuïr (...)" (Bérinus, I, c.1350-1370, 78). Lors dist Orchaz : "Pour Dieu, or m'entendez, seigneurs, s'il vous plait. L'emperiere est meü et courroucié contre moy, mais sachiez que c'est sanz raison, car oncques riens ne lui meffiz. Voir fu que je fu commiz a garder le corps et plusieurs autres avecques moy, mais, par ma foy, s'il est nul qui vueille dire qu'il fust par moy tollus ne emblez, vez cy mon gaige ; m'en deffendray, que je n'y ay coulpe, mais que je puisse avant garir de mes plaies. (...)" (Bérinus, II, c.1350-1370, 19). Trouvé ay, en une autre page, Qu'au lonc de la cité s'en vint, O lui, gent millers plus de .XX. De ce ne sçay comment ala, Mais voir fu qu'en l'ost s'en ala. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 101).

 

-

Bien est voir que : Bien est voirs qu'elle se debat Pour eaus avancier, et combat, Et leur preste honneur et estat Ne sai quens mois. (MACH., R. Fort., c.1341, 43). Ces ci ne li donerent nule resistence. Bien est voir que le fluye prochain les gardoit par detrés que il ne fuissent. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 27.10, 47). Bien est voir que c'est dit a aucune probabilité, mais il semble que il descorde a ce que l'en fait en toutes sciences. (ORESME, E.A., c.1370, 116). Bien est voir, comme dit le prealigué livre, que, pour ce que ceulz du peuple sont duis des dictes peines, proffitables sont es batailles à pié, et, pour ce, en telz fais, les sages ordeneurs des batailles les mettent devant et les premiers à l'assemblée. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 201).

 

-

Et est voir que : Pluseurs de grant auctorité dient que felicité est delectation corporel, et pour ce aimment il vie voluptuose plainne de tels delis. Et est voir que trois manieres de vies sont qui sont moult excellentes. (ORESME, E.A., c.1370, 110). Et est voir que, ou jour d'ier, icellui marchant la trouva sur le pont de Paris, où elle faisoit changer de l'or que elle avoit en ses mains (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 388).

 

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Si est voir que : Si est voir que la cité noble Qu'on appelle Constantinoble, Pour sa valeur, par l'ordenance Du roy francois, en gouvernance A eue et a com chevetaine De la gent loial et certaine Francoise qui la sont commis Pour deffendre des anemis Mescreans la cité nobille. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 193).

 

-

[Après ou avant une prop. exprimant un souhait] Si voir com. "Aussi vrai que" : E ! tresdoulx glorieux Jhesus, Soiez hui a m'ame confort, Si voir com vous savez qu'a tort Sui comdampnez. (Mir. st J. Cris., c.1344, 275). Sy voir con vous naquitez de la virge pucelle, Veilliez moy donner grace que j'oe tel nouvelle De ma gentil moulier qui me soit bonne et bele. (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 144).

 

Rem. Même emploi pourvoirement.

B. -

"Véritable, véridique"

 

1.

[D'une personne]

 

-

"Qui dit la vérité" : Et d'especial je craing tant Le pechié d'ire, car duré A trop en moy vers le curé De la parroisse dont je sui, Pour ce que durté et ennuy Et cruauté par folle envie Li fis tant qu'il estoit en vie ; Car toutes foiz qu'il m'encontroit, De mes oultrages me monstroit Le meschief qu'en pouoie avoir : Mais pas ne le tenoie a voir, Ains voulsisse c'on l'eust detrait (Mir. parr., 1356, 32).

 

-

"Sincère"( (Éd.)) : Non pour quant je m'en voel taire Et au douls penser retraire De ma dame debonnaire, Comment en son douls viaire Je sui tous embus, Car la douche, simple et vaire A .I. droit regart pour traire Un coer, retraire et attraire, Car Nature y volt pourtraire Moult de ses virtus. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 178).

 

2.

[D'une chose] : Ma prison me soit victoire, Sainne et voire, Contre mes pechiez mauldis (Prisonn. desconf. C., c.1488-1489, 68).

 

-

"Juste, qui se révèle conforme à ce qui est" : À ces mots monta l'escuier amont, pour lui encoires mieulx adviser, et le salua et vey tantost que sa entente ["pressentiment, intuition"] estoit voire (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 54).

 

-

"Qui peut atteindre la vérité"( (Éd.)) : Lors je sentis dame Memoire Reprendre et mectre en son aulmoire Ses especes colaterales, Oppinative faulse et voire Et autres intellectualles (VILLON, Lais T., c.1456-1457, 83).

II. -

Adv.

A. -

"Vraiment, assurément, en vérité" : Ton samblant, contenance et dit Sont sans bien estre et sans savoir ! Oncques saige homme ne vy, voir, Qui vers autrui venist criant, A gorge estendue riant. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 12). Car, voir, c'est le lieu et le tiltre Dont jamais vous ne pouez ystre (Mir. st J. Cris., c.1344, 275). ...trop me senz voir De mal ataint. (Mir. st Guill., c.1347, 49). "...Mais di sous quel arbre il estoient, Quant veïs qu'ensamble parloient." Cils respont : "Sous un lentillier." - "Tu mens, voir ! Pour ç'apparillier Voy l'angle de Dieu sans doubtance Qui tient l'espee de vengence Dont en deus pars te partira, Ne jamais ne se partira, Se soiez vous mors et peris En biens, en corps, en esperis." (MACH., C. ami, 1357, 15). Lors prist a rire Venus et dist : "Je diray : Voir ! Dieus et deesses ont pooir Tel qu'il faut faire leur voloir Sans contredire." "Si que, dous amis, je t'aporte Joie et mercy. Or te conforte..." (MACH., F. am., c.1361, 226). Mais qui pourroit par sens attaindre, Pour leurs gangleries estaindre, Ung lay par vers sy soufissant Que le sens n'en sceüssent faindre, Plus feroit voir proesse graindre Que Hector qu'on va sy prisant. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 276). ...pour quoy et tu donc qui es de la mesme nature comme eulx et as les mesmes instrumens pour te deffendre et glorifier comme eulx, ne doibz et porras faire honneur a la nature dont tu es du nombre et vaincre vice et mollesse de ceur par courage, passion et merancollie par sens et toute mutation temporele qui te seiche et murdrist contempter mesmes jusques a mieulx avoir ? Il me semble voir et sy est vray que tu vois que les aultres en ont obtenu gloire et los, pourfit et fructueuse fin... (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 143). ["Je pense que oui" (Éd.)] Tu as grief importable et je le confesse, mes a mesure que aultres ont porté pareil fardeau, ne porteras tu le tien, vaillant championne, par condition pareille ? Sy feras voir et au fort, se tu as perdu ton royame et qu'on le t'a rosté par ton tortfait, ung aultre vendra qui le rostera au rosteur et te vengera par semblable. (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 147). N'as tu pas povoir sur le corps, Voir, aussi bien comme sur l'ame ? (Prisonn. desconf. C., c.1488-1489, 48).

 

-

Voire voir : Et ceulz qui, par bonne prudence, Enclinent leur loyal coraige Au bon lïen de marïaige, Que vous dites estre si fort, Ont avis et meilleur ressort. Que n'ont les jeunes folz volages ; Folz, voire voir, que c'est folaiges De soy arrester en jeunesce, Que cil qui attent la viellesce Ains que son cuer face meurir, Avant ses jours se fait morir, Car au retraire vient a tart, Si n'a qui de meschief le gart. (Gris., 1395, 15).

 

-

[Dans une réponse]

 

.

Nennil voir : Cuidiez vous qu'elle vosist dire Qu'on meïst la dame a martyre De la mort, qui se mefferoit Envers celui qui l'ameroit ? Nennil ! voir ! ce seroit folie. (MACH., J. R. Nav., 1349, 199). Se tu me fais atormentez Pource que tes dieux point n'adore, Cuide tu que pour ce encoire Je laisse a dire verité ? Nany, voir, car plus tormanté Tu es que ne me cuide faire. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 128).

 

.

Oïl voir : Or regardés s'en sifaite prison Il fait plaisant ne joli herbergier. Oïl voir ! mentir n'en quier, Pour cheuls qui ont volenté d'ensieuir D'armes les fes (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 107). Oïl voir, vecy ung tourteaul Ou il n'y a ne seel ne sauge, Je l'ay petry dedans ung auge. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 166).

B. -

[Introduisant une rectification] : Et encors le [l'écu d'argent] portent, on le voit cleirement, Tanneurs, pesseurs et aultres trestot comunalment, En toutes leurs ensengnes, voir cheauz tant soilement Qui sont gens de mestiers, je ne dis aultrement (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.4, a.1400, 622). [L'ordonnance concernant le murmure]fut de teilh rigour Que IIJ hommes ensemble, voir dou peuple menours, En maisons ou dehors (che sevent li plusours) N'oisoient parlement faire par nenson jour (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.6, a.1400, 677). ["bien entendu, des gens du commun" (Scheler, Gloss., 309)] Je saray, se lontemps je vis, Dont elle vient et qu'elle veut, Voir se saiens humaiens par avis Naturel(le) comprendre le peult. (Jeu Etoile T., c.1400-1500, 104).

 

Rem. Emploi comparable chez Froissart, cité dans T-L XI, 659.

III. -

Subst. masc.

A. -

"Vérité" : Mais si trés aviseement Le faisoit et si soutieument Que je ne pos onques le voir De la mansonge concevoir. (MACH., R. Fort., c.1341, 153). Je ne scay se c'est voir ou guille. (Mir. ev. arced., c.1341, 126). Si te pues bien appercevoir, Se tu veulz recongnoistre voir, Par les paroles que j'ay dites Qui sont si en mon livre escriptes, Qu'il n'a pas d'oiseaux la maistrie Qui a orgueil et felonnie. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 109). Tu vois entre mençonge et voir, Mais qui denier pert mal sequeure. (Myst. Adv. N.D. R., c.1360-1365, 69). Encore y a un autre point Que je ne vous celeray point, Car ci doy dire verité, Qu'amour, haine n'amité Ne me puissent ad ce mouvoir, Que mensonge face dou voir. (MACH., P. Alex., p.1369, 259). ...car a chose vraie toutes choses s'acordent et a chose fausse le voir se descorde bien tost (ORESME, E.A., c.1370, 124). Item, un autre principe est que impossible et falz n'ont pas une significacion, quar possible et impossible et falz et veir sont .IIII. intencions. (ORESME, C.M., c.1377, 208). Or pense et songe, Ses mains detort et ses levres deronge, Et ne choisist le voir de la mensonge. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 183). Quant nous vendrons la, Le voir en seray confessant. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 390). Je demeure en mon peu de savoir, En mon petit estroit de concevoir, Et en un rien de ma grasse ygnorance, Et si ne sçay de riens m'appercevoir Que à grant paine de mensonge ou de voir Non ygnorant ma petite sçavance Et neantmoins à escrire m'avance Soubz grant crainte de peur de me mesfaire, Car fais humains sont toujours à reffaire Se divin euvre n'y joinct ou participe. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 133).

 

-

"Réalité"( (Éd.)) : Se souhedier pooient estre voir, Vous me veriés trente fois la sepmainne. (FROISS., Rond. B., c.1365-1394, 80).

 

-

Savoir le voir (de qqc.) : ...je ne savoie Du fait le voir, ains m'en doubtoye (Mir. marq. Gaudine, 1350, 160). Et vues tu clerement savoir, Sans riens enclorre, tout le voir, Dont viennent richesse et noblesse ? Resgarde eu livre de Boësse Qui te dira, s'oïr le vues, Que tous les biens que perdre pues Sont de Fortune (MACH., C. ami, 1357, 68). Si leur fu raporté et dit Par un qui les congnut et vit Aler en la place premiers, Que c'estoient les maronniers Monstry qui font une esquermuche. Et Monstry un sien vallet huche, Et l'i envoie pour savoir De l'esquermuche tout le voir. Et tantost li a raporté Et dit que c'estoit verité, Et que tuit s'effréent forment Et s'arment tuit communement (MACH., P. Alex., p.1369, 151). Vous vous excusez beaucop de ce dont sçay tout le voir (C.N.N., c.1456-1467, 245).

 

-

Dire le voir (de qqc. ou sur qqc.) : Ma dame, refuser ne puis Vostre commandement, et puis Qu'il vous plaist, je vous en diray Le voir, ne ja n'en mentiray, Qu'a vous verité n'iert couverte De moy, pour gaaing ne pour perte ; Mais volentiers m'en deportasse, S'il vous pleüst, dame, et j'osasse. (MACH., R. Fort., c.1341, 130). ...Jusqu'a tant qu'a touz ses amis Ait dit le voir (Mir. st J. Cris., c.1344, 276). Or vous ay dit le voir sans fable De la fonteinne delitable, Se vous pri que sus vous levez, Amis, et que vous en buvez. (MACH., F. am., c.1361, 193). Car mon corps tout anienti Devint, si qu'a pou nel veoient La gent, mais ma voix ilz oyoient, Qui trop durement leur plaisoit Pour le voir qu'elle leur disoit. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 26). Puis que c'est vostre voulenté Que je vous die, a mon savoir, Se de nulluy serez blasmez Pour avoir mis a non chaloir Celle ou estoit tout vostre espoir, Qui des faulses a prins la voie, Si vous diray sur ce le voir : Comme avés fait, je le feroie. (LANNOY, WERCHIN, Ball. P., 1404, 355).

 

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Dire le voir de qqn. : Or me dis le voir du chevalier cui furent ses armes. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 69).

 

-

[Compl. d'un inf. régi par la prép. à] : Car sa fille qui est pucelle, Qui tant est gracieuse et belle Et plaisant, au voir recorder, C'on ne peut sa pareil trouver, Si m'a a mon diner servi, Et je li ay bien desservi : Ma foy a que l'espouseray Tout le plus tost que je pourray Pour sa bonté. (Mir. femme roy Port., c.1342, 168). Tu scés bien qu'envers moy tenuz Es, et conment t'es maintenuz En rigueur d'orgueil paroutré Toutes foiz que je t'ay monstré Les offenses et les pechiez Dont surpris es et entechiez, Si que tu viz, a voir retraire, Conme personne a Dieu contraire. (Mir. parr., 1356, 12). Noble chose est, au voir considerer, De ce que Diex ains le conmencement Du siécle voult en pensée ordener Un saint vaissel, precieux, noble et gent, Ouquel il mist par divine maistrie Grace a donner sanz ce c'on l'escondie A homme humain qui repentant seroit (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 302). Biau signeur, chi sommes Assamblé, au voir regarder, Pour Justice et Raison garder. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 125). N'y a nul qui soit si estouz Qu'il s'ose ne vueille entremettre De jugement sur voz filz mettre, Qui sont estraiz de sanc royal. Qui le feroit, il feroit mal : Ce sont noz seigneurs par droiture, Et que subjet se desnature Tant que jugement doie rendre Contre son seigneur, ou emprendre A ce faire, il ne li loit point, Si que, sire, quant a ce point, Nul n'en puet jugier bonnement Que ma dame et vous seulement, A voir tenir. (Mir. ste Bauth., c.1376, 145). "(...) Il a occis Doon et en champ conuis chevalereusement devant le roy et les barons d'Angleterre, qui tant de bien en dient que de proesse il est digne de porter la banniere et estre d'honneur chevetaine ; et croy", fait il, "que si est il, au veoir juger, des pieça. (...)" (Beufves Hant. I., c.1499-1503, 156).

 

Rem. Voir aussi infra, B. - 3.au dire voir.

B. -

Loc.

 

1.

Mettre qqc. en voir. "Montrer la vérité de qqc." : ...Maiz, s'il est qui me contredie Que les maulx ne faille endurer Que cy m'avez oÿ nommer, A ceulx qui Deduit de Chiens ayment Et qui maistre et seigneur le claiment, Je suy prest de le mettre en voir. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 422). Et toutevoies, il ne s'ensuit pas que telle chose puisse avoir estre et non-estre ensemble, quar en [mettant] en voir un des contradictores, l'en depouse l'autre ; mais elle a bien ensemble possibilité a estre et a non-estre, [et] non pas ensemble. (ORESME, C.M., c.1377, 240).

 

2.

S'en aller par mi le voir. "Être dans le vrai" : Donc di je que, puis que veneur n'est oyseus, il ne peut avoir males ymaginations, et, s'il n'a males ymaginations, il ne peut fere males euvres, quar l'imagination va devant, et, s'il ne fet males euvres, il faut qu'il s'en aille tout droit en paradis. Par moult d'autres raysons, qui seroyent bien longues, proveroye je bien ceci, mes il me suffist, quar chascun qui a bonne rayson scet bien que je m'en vois par mi le voir. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 54).

 

3.

Dire voir

 

a)

"Dire la vérité" : DIEU. Or me dites voir sanz mentir De ce que bien say comment va (Mir. enf. diable, c.1339, 47). Mais encor plus me deceüsse Assez, se menti li eüsse ; Car mentir ne doit a sa dame Amans pour mort de corps ne d'ame, Eins li doit toudis dire voir Au plus près qu'on le puet savoir. Et certes, si bonne et si sage Est ma dame, qu'a mon visage Sceüst tantost se je bourdasse, Ja si bien ne li coulourasse. (MACH., R. Fort., c.1341, 27). Car quant grans Desirs par son art Sage et soutil un fin cuer art Ou loiauté est enfermée, Il art sans feu et sans fumée Et le keuve, tapist et cuevre Si sagement, que de son ouevre Ne se puet nuls apercevoir. Et qui vuet dire de ce voir, Tel feu celéement s'avive Et est pleins de chalour si vive Que li cuers qui enmi demeure Bruïs et esteins sans demeure Seroit, s'il n'estoit aaisiez De souspirs, en parfont puisiez (MACH., D. Lyon, 1342, 194). Or disons donques quant est en voir dire ou signifier de soy meïsme, celui qui tient le moien soit apellé veritable et telle vertu soit dicte verité. (ORESME, E.A., c.1370, 167). Et, ce fait, après ce que par ledit lieutenant ot esté demandé audit prisonnier se ladite Marion disoit voir, icelli prisonnier dist et afferma par serement le cas estre tel comme icelle Marion dit et afferme (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 382). Ainsi com li prestres absouldre Seult le pecheur qui se confesse, Tout ainsi Boece confesse En la fin son dit, car voit bien Qu'elle lui dit et voir et bien. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 12). Et se nous disons voir, l'experience commune le certifie. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 87). Envoiez les querre sur piéz Et, s'ilz sont bien interroguéz, Ilz diront voir si feront sens. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 191). Je cognois, dist il lors, que vous dictes voir. (C.N.N., c.1456-1467, 267). Tel dit : "Je vous vueil aller veoir", Qui ne vient que pour veoir ma fame ; Tel cuide mentir qui dit voir ; Tel s'excuse qui se diffame (ALECIS, Faintes monde P.P., c.1460, 87).

 

Rem. Egalement : dire voire ; cf. T-L XI, 662.

 

-

Dire voir comme Évangile : Li roys, qui bien l'a entendu, Longuement n'a pas atendu, Eins respondi courtoisement : "Seigneurs, je say certeinement Que il dit voir comme evangile..." (MACH., P. Alex., p.1369, 82).

 

-

[Par substantivation du syntagme dire voir] : Ung coeur, ung voeul, ung souhait, ung desir, Ung Dieu, ung temple, ung penser, ung voir dire, Un port, ung fort, ung repos, ung choizir (...) Estoit d'eulx deux, sans y riens contredire (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 402).

 

-

Estre voir disant : Je di encor que mesdisans, Qui po souvent sont voir disans, Sont en amours tres pourfitables Et que leurs jangles et leurs fables Einseingnent tout ce qu'on doit faire Qui d'amours vuet à bon chief traire. (MACH., Compl., 1340-1377, 268). Et treuve l'en qu'enciennement pour mort ne quelconques perte, un roy ou prince jamais ne faulsast sa parolle ne feist au contraire, et à bon droit que ainsi doye estre fait, car comme tiltre de seigneurie et prince soit le plus hault estat qui au monde puist estre, est bien raison que cellui qui tient si magnifié lieu soit creu devant tous autres et adjousté foy à sa parolle si que il a la prerogative, mais se tel homme estoit trouvé de commun cours non voir disant, mençongier, et sa parolle et promesse non estable, ne en quelconques fermeté, qui le croiroit ? (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 163). En devisant S'en vont ces deux, contredisant Et a leurs desplaisirs visant ; Chascune se tient voir disant. (CHART., L. Dames, 1416, 263). Loyal cuer et voir disant bouche Sont le chastel d'omme parfait, Et qui si legier sa foy couche, Son honneur pour l'autruy deffait. (CHART., B. Dame, 1424, 344).

 

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[Empl. subst.] Voir disant : Mais souvent a oreilles sourdes Est escouté le voir disant, Qui de vertu va devisant (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 150).

 

b)

[Syntagmes prépositionnels à valeur d'adverbe de phrase ("à vrai dire")]

 

-

[Avec la préposition à]

 

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Au voir dire : N'on ne poroit mettre en ung raulle Ses grans nichetez, au voir dire. (Dit prunier B., c.1330-1350, 48). Apriés venoit li arriere-garde, que li sires de Couchi, li sires de Castellon, li sires de Montmorensi, li sires d'Estouteville et pluisseur aultre menoient ou bien avoit .II. mille armeures de fier. Au voir dire, il estoient gens assés pour combatre tous cheuls de Hainnau, grans et petis. (FROISS., Chron. D., p.1400, 379). Sire, il vous fault brisier de ce Englois qui vous tenés en prison, car monsigneur de Normendie vostres fils, l'a encargiet. Et au voir dire et a comsiderer raison, petit puet il faire ne avoir en Franche, se il ne puet donner un sauf conduit. (FROISS., Chron. D., p.1400, 758). ...et sa fille le sievoit de prez, acompaignié de grant, de damez et damoisellez ; mais au voir dire, sa fille estoit entre lez aultrez comme le soleil entre lez estoillez, lequel quant il se monstre, ellez perdent leur lumiere et clarté (Comte Artois S., c.1453-1467, 5).

 

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A voir dire : ...tout aussi com li solaus la lune Veint de clarté, Avoit elle les autres seurmonté De pris, d'onneur, de grace et de biauté, Et tant estoit humble et simple, a mon gré, Car, a voir dire, On ne porroit en tout le monde eslire Sa pareille, ne tous li mons souffire Ne porroit pas, pour sa biauté descrire Parfaitement. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 68). Tousjours enforcez son tourment, Et puis soit pendu par la langue Vistement, et que on l'estrangle ; Et luy faictes du senglant pire Que vous pourrez, car, a voir dire, Il a tant faict de mal au monde Qu'il n'y avoit homme en la ronde Plus de cent lieues a l'environ : Tout a mys a destruction. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 277).

 

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Au dire voir : ...il m'est avis, au dire voir, Que le cuer me doie partir (Mir. enf. diable, c.1339, 20). Ce bon homme n'est fel n'estouz, Ains a le cuer plain d'amistié. Par foy, il m'a fait grant pitié, Au dire voir. (Mir. ev. N.D., c.1348, 68). Briefment, qui voelt bien parler par raison, Le coer loyal est la droite maison, Au dire voir, et la principal loge Ou quel Amours plus volentiers se loge. (FROISS., Orl., 1368, 84). DIEU LE PERE. Caÿm, ou est ton frere Abel ? Presentement le vueil sçavoir. CAYM. Je ne sçay, sire, au dire voir ; L'ay je prins en garde en son fait ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 24).

 

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A dire le voir : Jhesus, c'est a toy grant simplesse, Ce me semble, a dire le voir, Que pieça ne m'es venu veoir (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 296).

 

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A dire voir : ...qui d'autrui grever se peinne, Certes, il doit porter la peinne. Si que, ma chiere damoiselle, Qui moult amez honneur la belle, Vous devez bien, a dire voir, De ce cop ci honneur avoir. Car bien et bel et sagement L'avez dit ; et certeinnement, Dieus pour moy dire le vous fit, Car j'en averay le profit. (MACH., J. R. Nav., 1349, 252). Qui dont veïst gens esmouvoir, C'estoit merveille, à dire voir. Chascuns disoit : "Se Dieus me faut, Jamais ne l'ariens par assaut, Ne par siege, ne par famine, Par angien, par trait, ne par mine..." (MACH., P. Alex., p.1369, 79). Et elle est, à dire voir, Pleinne de si grant savoir Et si bien veut son devoir Faire leur elle est tenue Qu'on ne lui pourroit mouvoir À mal ne li decevoir (MACH., Lays, 1377, 471). LE SECRETAIRE. C'est fait, monseigneur. LE CHANCELIER. Monstre veoir. C'est bien escript, a dire voir. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 34). Mom chier frere, a dire vouer J'ey ouÿ parler bien avant (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 154).

 

-

[Avec la préposition pour]

 

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Pour voir dire : Estes vous seurs qu'il n'y a plus, Car il nous touche, pour voir dire. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 89).

 

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Pour (vous) dire le voir : Vous cuidiez bien qu'apercevoir Ne sache vostre moquerie ; Si fais, pour vous dire le voir. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 137). Guerre ne sert que de tourment : Je la hé, pour dire le voir ! (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 139).

 

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Pour le voir dire : Et encores, pour le voir dire, Trueve femmes en leur martire Avoir esté cent mille tans Plus devotes et plus constans Assez que les hommes ne furent, Qui trop plus constans estre durent Des femmes, veu et recité D'elles la grant fragilité. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 293).

 

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Pour dire voir : Mais en la fin, pour dire voir, Quelque mal que doye porter, Je vous asseure, par ma foy, Que je n'en sauroye garder Mon cueur qui est maistre de moy. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 23). Alors mon cueur, pour dire voir, De joye souvent soupiroit, Et, combien qu'il portast le noir, Toutesfoiz pour lors oublioit Toute la doleur qu'il avoit, Pensant de recouvrer briefment Plaisance, Confort et Liesse. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 57). Maiz la guerre, pour dire voir, Comme chascun peut concevoir, Est effect assez voluntaire Touchant iceulx qui la vont faire (LA HAYE, P. peste, 1426, 10).

 

-

Quant a voir dire : Seigneurs, je fas ainsi mon compte : Puis que Diex tant misericors Nous a esté que sains des cors Nous a d'Espaigne ramené Et nous a empereur donné Catholique et bon crestien, C'est pour nous grant grace et grant bien, Quant a voir dire. (Mir. st Lor., 1380, 129).

 

4.

[Prép. + voir]

 

a)

[Avec la prép. à]

 

-

A voir. "Véritablement, vraiment" : Le desleal serjant a veir Repreneit qui ne veut pas estre En la presence de son mestre. (Vie st Evroul S., c.1350, 103).

 

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A faute ou a voir. "Faussement ou véritablement" : Je ne m'outrecuide ne vante, Mes je jur, se jamés je cante Ou je fai virelay nouvel, Soit par courous ou par revel, J'en ferai et chanterai un Si entendable et si commun Qu'elle pora bien percevoir Se c'est a faute ou s'est a voir Que merancolie me touce. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 52).

 

-

Au voir. "Vraiment, en vérité" : Puet on au voir plus noble cose emprendre Que d'avoir coer amoureus et joli ? Certes nennil (FROISS., Rond. B., c.1365-1394, 71).

 

b)

De voir

 

-

[La loc. porte sur le verbe] "De façon vraie, certaine"

 

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Savoir de voir : Mon chier seigneur, sachez de voir Je ne le feray mie envis. (Mir. enf. diable, c.1339, 6). Mais en la fin de ce livret feray Que qui savoir Vorra mon nom et mon seurnom de voir, Il le porra clerement percevoir En darrein ver dou livret (MACH., J. R. Beh., c.1340, 134). Il est mien, saches le de voir (Mir. ev. arced., c.1341, 135). Et, tres bele, que j'aim sans repentir, J'espoire tant de bien en vo douçour, Que vos frans cuers en lairoit convenir Grace, pité, franchise et vraie amour, Tant qu'il aroit pité de la dolour Qui me destreint, se vous saviés de voir Que je vous aim de cuer, sans decevoir. (MACH., L. dames, 1377, 21). Mais ce qui plus me faisoit resjoïr Et qui espoir me donnoit de joïr En regardant, sans plus dire ne faire, Fist departir de moy ; puis en prison Elle me mist, où j'euç ma livrison D'ardans desirs qui si mestient [me tient ?] contraire Que, s'un tout seul plus que droit en eüsse, Je sçay de voir que vivre ne peüsse Sans le secours ma dame debonnaire Qui m'a de ci, sans morir, respité. Et c'est bien drois, car douçour en pité Et courtoisie ont en li leur repaire. (MACH., Motés, 1377, 493). Dame, se vous n'avez aparceü Que je vous aim de cuer, sans decevoir, Essaiés le ; si le sarés de voir. (MACH., Rond., 1377, 574). ...pour vous mectre hors de suspection, sachez de voir que je vins ennuyt a l'heure que luy aviez mise, et ay tenu son lieu (C.N.N., c.1456-1467, 411). LE PERE. Si desormais mieulx tu ne t'entretiens, Saiche de voir que tu nous courceras. (LA VIGNE, S.M., 1496, 167).

 

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Savoir tout de voir : ...et soies asseür que tuit y verront encorenuit, et comptera chascuns au roy par quel raison ilz t'ont occoisyonné, mais bien sachiez tout de voir qu'il ne diront pas qu'il aient tort vers toy ne mauvaise querelle, car pour certain ilz seroient tout honny. (Bérinus, I, c.1350-1370, 70). Si saiches tu bien, tout de voir, Que tout le mieux que je pourray Ma vie durant te feray. (Gris., 1395, 87).

 

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[Avec un verbe de croyance] : Je croy, damoiselle, qu'il soit Temps de raler en no manoir, Car il est, je le croy de voir, Bien hault diner. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 131). Sainte femme, je tien de voir De toy ne vient pas ce conseil, Mais de Dieu, et pour ce je vueil Qu'a ton plain pouoir en ordaines, Et que les enfans tu demaines Ainsi com bon te semblera (Mir. ste Bauth., c.1376, 157). En l'eure, sanz plus plait tenir, Sera ci, de voir le tenez. (Mir. Clov., c.1381, 235). Bien sieent elle et Retentive Et, s'une personne soubtive Avoit ces deux, je croy de voir Que, s'il faisoit bien son devoir, Qu'il acquerroit honneur et sens, Si com je voy d'elles et scens. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 28).

 

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[Avec un verbe de parole] : Sire, par la vierge pucelle, Nanil de certain, fors que tant C'on me fait de voir entendant Qu'en Jherusalem est hermite (Mir. st Guill., c.1347, 36). Sire, je ne say ou avez Esté, mais li peuple trestous S'est moult esmerveilliez de vous Pour ce que nulz ne savoit dire De voir ou vous estiez, sire, Ni en quel lieu. (Mir. prev., 1352, 267). Donques puis je dire de voir Qu'aussi grant dame ou plus puis estre Que la mére au doulx roy celestre. (Mir. mère pape, c.1355, 355). Me ferez vous de voir entendre De mon filz chose ou puisse prendre Leesce aucune ? (Mir. st Alexis, 1382, 335).

 

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[Avec un autre verbe] : Et se vous n'avés bien le hardement de li dire, si acquerés aucun moiien en qui, et de voir, vous aiiés grant fiance et chils ou celle li die vostre besongne, ou vous li envoiiés lettres bien amoureuses et bien piteuses comprendans vostre entente, ou faites alefois ou faites faire aucun virelay, rondel ou balade, si li donnés ou envoiiés, et moult vous avanceront. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 62).

 

-

[La loc. porte sur la phrase] "En vérité" : Fortune, de voir, A moy decevoir Si fait sa puissance, Quant ne puis avoir Or, argent, n'avoir Pour ma delivrance. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 97). JUSTICE. Se j'ay ce que je dois avoir, Ne vous poise : c'est mon usaige. Et encor vouldray je bien veoir Qui pourra paier si fier gaige. Lors je le pourray recevoir Et encore, puet estre, diray je Que cil qui a mal fait, de voir Repare mesmes son oultraige. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 41). Dictes moy, sans attandre plus, Ce qu'en avés sur vostre cueur, Car l'emperere mon seigneur Le veult savoir, Et pour ceste cause de voir M'a cy devers vous envoyer. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 93).

 

Rem. Egalement : de voire ; cf. DI STEF., 905a, et GD, VIII, 286a.

 

c)

En voir. "En vérité" : Et a fin que veons en voir Ce que vous faites a savoir, Que, soit ou a .I. ou a deus Chevaliers bien chevalereus, Vous vodrés vo corps esprouver, A fin c'on vous puist tel trouver Que ci nous avés mis avant, Nous retenons ce couvenant... (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 364).

 

d)

Par voir. "En vérité" : Quant couché fu, sur le lit estendu, La teste bas pour le repos avoir, A tous les fais que j'avoye entendu Conter le jour, fis de pencer devoir ; Et tant m'en vint en mon cerveau, par voir, Que souvenir ne m'en peut a demy (DU PRIER, Songe past. D.-M., c.1477-1508, 97).

 

e)

Pour voir

 

-

[La loc. porte sur le verbe] "De façon vraie, certaine"

 

Rem. Avec certains verbes (savoir, affermer......), pour voir pourrait également être interprété comme un attribut de l'objet

 

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Savoir pour voir : Car puis que vous venistes ça Angoisse amére ne laissa Sa fille, ce sachiez pour voir, N'elle ne peut enfant avoir, Et jour et nuit adès travaille (Mir. st J. Cris., c.1344, 281). Sire, ainsi est que Oursaire vous demande droit et vous a requiz que vous lui vueillez droit faire, maiz je vueil que vous sachiez pour voir, comment qu'il en aviengne de son filz, soit de mort ou de vie, que le tort en est sien, et que il mesmes l'a fait par son orgueil et par son oultrage. (Bérinus, I, c.1350-1370, 374). Je sçay pour voir par ton visaige Qu'es gens as fait maintes miracle. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 93).

 

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Savoir tout pour voir : Mais je te dis, et saiches tout pour voir, Que tu peulz bien a tous ces cas pourvoir, Quant tu vouldras de moy, Raison, user (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 22).

 

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[Avec un verbe de croyance] : Je croy pour voir Que Dieu li avoit fait savoir. (Mir. ev. N.D., c.1348, 80). En celez permutacions Et de temps et de regions, Poent estre aucun deceüz Qui de folour sont esmeüz Et cuident pour voir et si faillent ? - Par ou elz veulent, si en taillent - Que cest Anbert, qu'ert hom boen, Fust arcevesque de Roën ; (Vie st Evroul S., c.1350, 126). ...et tantost qu'il fu eslongnié, ilz furent tuit triste et esbaÿ et demenerent grant dueil, car Berinus et si compaignon cuidoient pour voir que Gieffroy les eüst moquez et truffez, ne ilz n'avoient nulle fiance en chose qu'il leur eüst dit ne promis. (Bérinus, I, c.1350-1370, 72).

 

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Tenir tout pour voir : Chier sire, tenez tout pour voir Qu'ains demain nonne partiray A tout ce que de gens aray. (Mir. st Lor., 1380, 127).

 

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[Avec un verbe de parole] : Car especialement la vie De l'abbesse voulray savoir Qui est, ce m'a l'en dit pour voir, D'un enfant grosse. (Mir. abbeesse, 1340, 90). Chastellain, pour voir vous affi Qu'ilz ont un grant lievre esmeu, Ne sçay s'il l'ont aconseu: Après vont les levriers courant, Je n'en vi puis pié retournant. (Mir. femme roy Port., c.1342, 157). Mais j'ay oy pour voir retraire Que de deux folies emprendre Doit on pour soy la meilleur prendre. (Mir. femme roy Port., c.1342, 185). Salomé, pour voir vous creant Que trop a tart vous y venez: Car li enfes si est ja nez Et vezla la mére couchie (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 213). Je di pour voir certeinnement, Et croy qu'il ne soit autrement, Que ce qu'il fait, c'est aventure Et vient de sa propre nature. (MACH., D. Aler., a.1349, 242). Damoiselle, je vous dy pour voir que il a bien vint ans ou plus que j'ay cy aval demouré entour l'empereur. (Bérinus, II, c.1350-1370, 11). Car se fortune bien li chiet Et a port de salut eschiet, Telz denrées pourra avoir Qu'il fera, ce vous dy pour voir, D'un denier quatre. (Mir. march. juif, c.1377, 198). Si dit pour voir qu'il mourra d'yre S'il tant ne fait qu'il l'ait a femme. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 238). La seconde cause peut estre le redoubté vent, qui seult naistre Es lieux et mètes de Medi Dont apporte, pour voir le di, Grosses vapeurs, de leur nature Disposées à pourreture. (LA HAYE, P. peste, 1426, 48). Mon seignieur, je vous dist pour voir Que j'ay passé par la Val d'Oste, Et m'a contez ung trés bon hoste De mervilieux et grant miracle Qu'a fait la ung archidyaque. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 161).

 

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Affirmer / dire tout pour voir : Combien que le roy Gondebault Occeist Chilperic son pére, Non obstant que il fussent frére, Vous affermé je tout pour voir Qu'elle est digne d'un roy avoir Par mariage. (Mir. Clov., c.1381, 196). Sire, vueillez vous apaisier : Par trop se traveille de yre homs. C'est tout pour voir que nous dirons : Il se joue que vous penssez. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 399).

 

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[Avec un autre verbe] : ...Et puis que j'aim, il faut qu'aie desir Qui ne se puet deporter ne souffrir D'esperance ; et si ay souvenir Qui esmouvoir Me fait souvent a maint penser avoir. Certes, dame, ce vous ottroi pour voir, Fors seulement que je n'ay point d'espoir. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 93). Nous devons esperer pour voir Que cest enfant de par lui vient, Puis qu'après l'enfanter il tient Vierge la mére. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 219). ...or voy je tout pour voir, Biau pére, qu'a mort avez trait. (Mir. st Guill., c.1347, 52). En ma vision l'ay veu, Ce m'est avis, estre pour voir. (Mir. emp. Julien, 1351, 200). Si que je vous puis faire entendre Pour voir, sire, que vostre gendre C'est une femme. (Mir. fille roy, c.1379, 95).

 

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[La locution porte sur la phrase] "En vérité" : S'en y avoit d'un autre affaire Dont je ne me vueil mie taire, Car bien font a ramentevoir: C'estoient une gent, pour voir, Dous, humble, courtois, amiable, Entreprenant et veritable, Po emparlé, fier et hardi. (MACH., D. Lyon, 1342, 206). Et pour voir telle l'ay trouvé A l'enfanter. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 214). Ce n'est pas ce que vous querez, Sire, pour voir. (Mir. nonne, 1345, 318). Et que ces anges me convoient Et ces deux vierges, car pour voir Il fait tant qu'il doit bien avoir Confort de nous. (Mir. st Guill., c.1347, 45). Honnesté, pour voir, non feray. Encor un po en parleray, Car je m'ay bien de quoy deffendre, Mais que vous le vueilliez entendre. (MACH., J. R. Nav., 1349, 227). N'est pas hide seule, mais rage, Quant ton saint moustier, ton ymage A proposé de faire ardoir L'empereur, et nous touz pour voir, Se longuement vivre le lait L'amoureux Dieu que de ton lait Norresis sa jus en ce monde. (Mir. emp. Julien, 1351, 193). C'est il pour voir. (Mir. prev., 1352, 235). Celle bataille fu [prospere] et [seconde] auz pueples des Latins, mais pour voir elle fu a Enee la derreniere de sez euvres morteles, car [il] morut illequez, et fu creu qu'il fust translatés avecques les dieux et fu appelé Jovis Indigeces (BERS., I, 1, c.1354-1359, 2.6, 6). Chils, pour voir, A bien le force et le pooir De vous deffendre Et que de chiaus donner voloir De moi rendre sans remanoir, Ou de tout ce qu'il ont ardoir Et mettre en cendre. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 138). Ne soiez mie envers moy orguilleuse, Car ja de vous mon cuer ne quier mouvoir, Qu'en monde n'a nulle si savoureuse Ne si douce com vous estes, pour voir. (MACH., L. dames, 1377, 127). O mon vray Dieu, fay leur langaige avoir, Tant que sçavoir puist ung chascun et voir Comment, pour voir, je suis au vif atainte (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 11). Je suis bien de ceste acordance Que Orleans il nous fault avoir, Qui vouldra avoir toute France, Que Orleans en est ung manoir, Et est une ville, pour voir, Qui nous pourra bien contredire (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 126). ARCEDIACRE. (...) Ou est vostre robe ? SAINCT MARTIN. Pour voir, A ung povre je l'ay donnee (LA VIGNE, S.M., 1496, 549).

 

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Bien pour voir : Je vorroie, Bien pour voir, Mort recevoir ; Ne souhaideroie Ne querroie Plus avoir De tout avoir. (MACH., Lays, 1377, 389).

 

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Tout pour voir : AVEUGLE. Quant en ce poinct je le feray, Je pry Dieu qu'il me puist meschoir. Mais conduys moy bien. BOITEUX. Tout pour voir, A cella j'ay le serement. Tiens cecy, je feray debvoir De te conduyre seurement. (LA VIGNE, Aveugle boiteux D., 1496, 60).

 

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Pour tout voir : "Les umbres et les ames, Qui pas ne sont de leur segond corps dames, Et qui actendent aultre corps a avoir, Icy viennent estancher pour tout veoir Leur soif loingtaine au fleuve d'oubliance, Dedans Lethes es eaues d'asseurance (...)" (SAINT-GELAIS, Enéide VI, B., c.1500, 355).

 

Rem. Egalement : pour voire ; cf. T-L XI, 666 et DI STEF., 905a.
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Corinne Féron

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