C.N.R.S.
 
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FEW IV gutta
GOUTTE, subst. fém.
[T-L : gote ; GDC : goutte ; DEAF, G1041 gote ; AND : gute ; DÉCT : gote ; FEW IV, 349b : gutta ; TLF : IX, 368b : goutte1]

I. -

Empl. subst.

A. -

Au propre

 

-

"Très petite quantité de liquide, goutte" : ...C'est li sires qui si bien nombre Qu'il scet des arainnes le nombre Et combien la mer a de goutes Et le nom des estoiles toutes. C'est cils qui nulle fois ne faut Aus siens, car de riens n'ont deffaut... (MACH., C. ami, 1357, 48). Son visage et ses mains lava Eu ruisselet de la fonteinne. Je la vi bele, clere et seinne, Si que je ne fis pas l'aver De mes mains et mon vis laver. Mais si sagement y alay Qu'onques goute n'en avalay. (MACH., F. am., c.1361, 233). A la riviére n'ay peu Puiser, pour pouoir qu'aie eu, Goute d'yaue (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 84). Vous ne devez vo cuer de moy retraire. Ne qu'on porroit les estoiles nombrer, Quant on les voit luire plus clerement, Et les goutes de pluie et de la mer, Et l'areinne seur quoy elle s'estent, Et compasser le tour dou firmament, Ne porroit on penser ne concevoir Le grant desir que j'ay de vous veoir. (MACH., L. dames, 1377, 209). Et pour ce, se une goute ou porcion de eaue estoit ou centre et autre chose plus pesante ne fust par desus elle et qui la compremsist ou pesast sus elle, ceste eaue reposeroit illeques naturelment, car a ce lieu pourroit elle estre meue naturelment selon le cas devant mis en la penultime rayson. (ORESME, C.M., c.1377, 706). Vous avez l'example du riche qui refusa une miette de pain, et on lui reffusa une goutte de eaue. (GERS., Annonc., a.1400, 238). Sercorius, consulle de Romme, qui constraint estoit en battaille contre grant puissance de ses anemis, fist secretement ensangleter, par rays et gouttes de sang, le bas de son escu (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 56). ...apparurent choses merveilleuses, entre lesquelles fut une qu'il apparut en plusieurs vestemens de hommes yssir pur et vray sang à grosses gouttes. Semblablement fut veu en une maison les murailles et paroys d'icelle, toutes espergées de sang dedans et dehors et en plusieurs vaisseaulx apparut gouttes de sang que nul ne povoit oster pour laver que l'on peust. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 102 r°). ...ce que sceut le roy Philippe qui y courut et le peuple de la ville, qui virent le Sacrement en maniere d'une piece de chair comme inde et dessus les corporaux apparoient goutes de sang. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 119 r°).

 

-

[En cont. métaph.] : La traÿson de mon couraige Ne ce peut oster ne refraindre : Le brasier n'en saroient estaindre Toutes les gouttes de la mer. Il le me convient consommer, Je ne me puis plus contrefaire. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 660).

 

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Goutte à goutte : ...La liqueur qui des yeus degoute Parmi sa face goute a goute... (MACH., R. Fort., c.1341, 63). Adont durement me doubtay Et dedens mon lit me boutay. Il sambloit que j'eüsse fievres, Car je sui plus couars qu'uns lievres, Et si trambloie, et goute a goute Suoie d'effroy et de doubte. (MACH., F. am., c.1361, 146). Li las Sera d'Amours si prins au las, Que ses corps tremblera de doubte, Et si suera goute a goute. (MACH., Voir, 1364, 108). Quant les hommes prent, il [Polyphème] les tue, Puis les deveure et les mengue, Si que li sans aval degoute Parmi sa barbe goute a goute. (MACH., Voir, 1364, 620). Strangurie signifie emission d'orine goute a goute (GORDON, Prat., c.1450-1500, VI, 14).

 

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Boire qqc. jusqu'à la derniere goutte : Je croy qu'elle [une bête à deux cornes] vint d'outre mer, Si vorroie bien qu'elle y fust Et que retourner n'en peüst, Et s'elle en voloit retourner, Que maus tempès telle atourner La peüst que, se la mer toute Jusqu'a la darreniere goute Ne buvoit, qu'elle y fust noïe Pour faire aus poissons compaignie, Et toutes les autres aussi, Si vivroie a meins de soussi. (MACH., D. Lyon, 1342, 173).

 

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[À propos de vin] Miere goutte. "Premier vin qui coule de la vendange avant que le raisin commence à être foulé" : Pour faire vin cuit, prenez de la cuve ou tonne la mergoute [l. mer goute] (soit a dire la flour) du vin, soit blanc ou vermeil, et le mectez en ung vaissel de terre et le faictes boulir a petit et actrempé boullon et a feu de tresseiche buche (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 276).

 

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Avoir les gouttes. "Transpirer" : Sy tos qu'ils nous doibvent deffendre, Ils tremblent et sy ont les gouttes. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 551).

 

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Pleuvoir à grosses gouttes : Et du ciel plut a grosses gouctes Laict tout blanc (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 210).

 

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P. métaph. : Mais, lasse ! envers li [Marie] trop varie, Car ne sui pas de l'yaue a paine La goute dont elle est fontaine. (Mir. mère pape, c.1355, 359).

 

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Ressembler à qqn comme une goutte d'eau. "Ressembler à qqn comme une goutte d'eau ressemble à une autre goutte d'eau" : Par le pere, Veez vous la, vëez vostre pere : Vous luy resemblez mieulx que goute D'eaue, je n'en fais nulle doubte. (Path. D., c.1456-1469, 62).

 

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Loc. adj. Goutte de sang

 

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[D'une pierre] "Semé de taches d'un rouge intense" : À Gabilleau, orfèvre, le XXIe dudit moys, la somme de cinq escuz pour ung jaspe vert, goutte de sang (Comptes roi René A., t.1, 1478, 338).

 

Rem. Il faut peut-être lire goutté de sang.

 

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Prov. Goutte d'eau fait la pierre caver. "La goutte d'eau réussit à creuser la pierre, l'obstination peut venir à bout de tout" : Goutte d'yaue fait la pierre caver, Si fait aussi continuacion De poursir, retenir, demander (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 152).

B. -

P. méton. "Ivresse" : Assés tost vint le prestre, qui estoit si feru de celle forte goute que il ne se pouait soustenir. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 38). ...a l'essir de la porte, il cheoient les uns sus les autres de chelle forte goute (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 155).

C. -

Au fig. "Chose ou quantité minimale ; équivalent d'une négation"

 

1.

La goutte de qqc. "Ce qu'il y a de plus petit, de plus insaisissable, de meilleur en qqc." : Les bons gaigneurz font les froumens, Mais ja n'en macheront des dens ; Ilz n'en ont que les escoussures, Et de bons vins les aigoutures. Des bonnes laines les tissus, Toute le goute et tout le miex Ont les gentilz et le clergié (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 32).

 

2.

Goutte de qqc. "Très petite quantité de qqc." : Et d'yceste, nonobstant que nostre parole s'adrece a entre vous, religieuses, doit estre entendu que semblablement y peuent tendre l'oreille toutes femmes et en prendre ce qui puet touchier a leur prouffit, - et aussi, se aucune goute ou miete en puet cheoir sur les hommes, ne la vueillent pas par despris escourre ne gicter la aval (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 166). Helas, maistre, une seule goute De mercy pour tous noz rabas ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 1041).

 

-

N'avoir goutte de + partitif. "Ne pas avoir du tout de qqc." : ...Sa grant biauté, si dous riant vair oueil, Et ce qu'en li n'avoit goute d'orgueil, Le hardement De requerre merci couardement Me donnerent... (MACH., J. R. Beh., c.1340, 76). En m'amour n'a goute d'amer. (Mir. ev. N.D., c.1348, 75). Si que, dous amis, ne te doubte, Car tu ne dois pas estre en doubte Que je ne soie tienne toute Et sans partie, N'en moy n'a de traïson goute, Pour ce qu'elle est trop male gloute. Mieus ameroie avoir la goute Toute ma vie. (MACH., F. am., c.1361, 225). Li tiers [soleil] avoit coulour de sanc, En li n'avoit goute de blanc, Flame et feu sambloit, ce me samble ; Horribles yert et clers ensamble. Li quars estoit resplendissans, Et s'estoit rouges comme sans... (MACH., F. am., c.1361, 237). Baudoin, couchier me menez, Car en moy n'a de santé goute, Ains me sens malade sanz doubte, Amis, griefment. (Mir. emper. Romme, 1369, 256). Certes, dame, quant je vous voy, Amoureux vouloir me contraint, Et Desir m'enlace et estraint Si que je pers maniére toute, Ne de contenance n'ay goute. (Mir. emper. Romme, 1369, 263). Mon sac puis bien jus aler mettre: N'y est demouré d'argent goute Que tout ne soit donné sanz doubte. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 264). Chascun jour celle voye tire, Sans goute de repos avoir (COURCY, Chem. vaill. D., 1424-1426, 42).

 

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Ni grain ni goutte (de qqc.). "Pas la plus petite quantité ou partie (de qqc.)" : De pis en pis. Quelque vïende que je goutte, En moy ne remaint grain ne goutte. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 487). Quant tu m'as veu malade, plain de goute, N'ayant sur moy de robe grain ne goucte, De ton manteau doulcement m'as vestu. (LA VIGNE, S.M., 1496, 210).

II. -

[Adv. de nég.]

A. -

[Avec des verbes verbes de perception, particulièrement voir et ouir, dans une phrase nég.]

 

-

[D'un aveugle] "Ne rien voir" : Helas, et veulliez moy donner Ung nicquet ou quelque denier, Ou nom de Dieu le droitturier, Au povre homme qui ne voit goutte ! (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 98). Et pour ce dit Fulgencius que l'estat des richesces nous est segnefié par une dame avugle qui ne voit goute, come on faint de Fortune, laquelle porte une couronne ou chief et un ceptre en la main pour les causes dessusdites (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 281).

 

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Ne voir (nulle) goutte des yeux : Onques jour n'avoie veü Des biaux yeux que j'ay nulle goute. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 230). Amy, je voy bien a ta guise Que tu ne voy goute des yeulx. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 203).

 

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Ne voir ni grain ni goutte : JOAB. ...Je suis pasmé, je suis estaint ; Mes yeulx ne voient ne grain ne goute (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 312).

 

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[Le suj. désigne un objet inerte : une idole (cf. Ps. 135, 16 : Les idoles des païens (...) ont des yeux et ne voient point)] : ... ymages qui ont bouche et ne parlent point, qui ont oreilles et goute n'oient (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 247). Ce sont similacres confus [les idoles], Esquelx ne doit avoir fiance, Car ilz n'ont aucune puissance : Ilz ont beaulx yeulx et ne voient goute, Ilz ont bouche et riens ne gouttent ; Des pieds ont, point ne les remuent (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 127).

 

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Ne voir goutte de lumiere : Bouches ont [les idoles], or leur dis qu'ilz rient ! Oreilles ont et sy n'oyent goute, Et yeulx ouvers, mès ne voient gote De lumiere, tu le vois cler. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 103).

 

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"Ne rien voir (dans des circonstances particulières)" : Mais je m'avisay toute voie Que vers la compaingnie iroie, Pour ce que savoir de leur estre Voloie, et que ce pooit estre Dou damoisel qui se sëoit Seur l'arbre et goute ne vëoit. (MACH., D. verg., a.1340, 20). ...Et volentiers iroie en France Car moult desir que je vous voie. Mais deffendu m'i ont la voie Li pilleur, li vens et la pluie Et li yvers qui moult m'anuie, Et especiaument la goute Et mes chevaus qui ne voit goute ; Et j'y voy po, par saint Remy, Qui n'est mie trop bon pour my... (MACH., Compl., 1340-1377, 262). ... Car tu penses et ymagines, Ce m'est vis, songes ou devines, Qu'elle pas n'entende ou congnoisse L'amour qui en ton cuer s'engroisse, Et crois qu'elle ne voie goute. (MACH., R. Fort., c.1341, 66). Elle fait la sourde oreille a la vois du Saint Esperit, ou elle est si endormie qu'elle n'oït goute, ou elle tient ses portes fermees par les serrures et verrous de divers pechiez (GERS., Pent., p.1389, 76). ...une cave (...), en laquelle on ne veoit goute. (Doc. Poitou G., t.8, 1444, 174). ...en ce moustier, ou l'on ne voit goutte. (C.N.N., c.1456-1467, 218).

 

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N'y voir goutte : Elas ! de ruses trop appertes Me debat, quant je n'i voy goute (Mir. emp. Julien, 1351, 223). ...Et je le tesmongne encor tel, Qu'onques en un pechié mortel Ne se volt couchier ne armer. Devoit on bien tel homme amer ? Fait einsi, si feras que sages, Car c'est uns bons et biaus usages, Et cils qui a Dieu souvent compte, Il li rent bon et juste compte. Mais viez pechiés et vieilles debtes Font a Dieu compter a clingnettes, C'est a dire qu'il n'i voit goute. Non fait cils qui le compte escoute. (MACH., C. ami, 1357, 122). ...Pour ce te requier, alume y, Car goute n'i voy... (MACH., C. ami, 1357, 142). Le lendemain, par matin, s'arma Gieffroy a cheval, et ala tant qu'il vint en la montaigne, et treuve le pertuis. Lors descent du cheval, et prent la lance et vint au pertuis, et regarde dedens, mais il n'y voit goute ne qu'en un puys. (ARRAS, c.1392-1393, 265). ...meseür, qui n'i voit goute (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 83). ...a l'exemple du chat huant qui ne puet riens veoir sans aucune lumiere du soleil, non pourquant ne puet il veoir le soloeil en sa pureté, et ne juge riens du soloeil, ainsoys luy est le soleil comme tenebres et obscurté, car y[l] n'y puet goutte veoir. (GERS., Trin., 1402, 159). MATHATIEL. Jamais [l'argent] ne se rendra sans perte. Le grant Dieu, mon maistre est bien fol, Il en est sanglé jusqu'au col. Parjurer les voy [les chrétiens] tous les jours. Il a mys ses yeulx a rebours, Il n'y voit goutte, le bon homme (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 91).

 

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Prov. Tel parle de theologie Qui n'y voit goutte sans lunettes : Tel parle de theologie Qui n'y voit goutte sans lunettes (ALECIS, Faintes monde P.P., c.1460, 109).

 

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Loc. Ne voir goutte en qqc. "Ne pas y voir clair, ne pas savoir ce qu'il convient de faire" : ...en mon cuer porte celeement L'amour de li trop plus couvertement Que li charbons n'art par dessous la cendre ; Et ne m'en puis ne sçay ne veil deffendre. Si ne voy goute en moy n'en son affaire ; Car il nous faut et l'un et l'autre taire, Et tout adès plus fort nous amerons Que ja samblant ne chiere n'en ferons. (MACH., Compl., 1340-1377, 250). Or avint que la mer s'enfla Pour le fort vent qui y souffla (...). Leandus se tient a la rive, Qui fort contre son cuer estrive : Qu'Amours li enjoint et commande Et ses cuers, qu'a passer entende, Et la plus belle de ce mont Voit d'autre part qui l'en semont ; Si que li las ne sot que faire, N'il ne voit goute en son affaire. (MACH., J. R. Nav., 1349, 249). La regne et vit com roïne et maistresse, La tient mon cuer en trop mortel destresse Et la depart et donne a grant largesse Jouiaus de mort. Las ! si n'est riens qui ne me soit contraire Et si ne voy mais goute en mon affaire, Si me couvient mes maus souffrir et taire. Et en ostage Suis, ou petit puis de mon honneur faire, Car juenes sui, si me deüsse traire, Pour mieux valoir, ou vaillance repaire. (MACH., F. am., c.1361, 157).

 

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Ne voir goutte sur qqc. "Fermer les yeux sur qqc." : Justice voit sur les petis (...). Les grans et les gros trop redoupte Et sur leurs meffais ne voit goutte. (ALECIS, Passetemps Alecis frères P.P., a.1451, 17).

 

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N'ouïr goutte. "Ne rien entendre" : Bouches ont [les idoles], or leur dis qu'ilz rient ! Oreilles ont et sy n'oyent goute, Et yeulx ouvers, mès ne voient gote De lumiere, tu le vois cler. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 103). En Jhesus nous voulons fïer, Car il l'a [l. Car ill a] planiere puissance De procurer nou delivrance Plus que non [l. que n'on[t]] pas voustre ydolles, Que adorés comme gens foulles, Qui n'oyent goute et sont mues Comme pierres parmi les rues. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 82). J'o tresbien quant on me dit : "Tien", Mais au "Preste" je n'y os goutte. (Menus propos P., 1461, 81).

B. -

[Avec d'autres verbes trans.] : ...se jeuneray la quarantaine Sans mengier goucte ne demye, Comme fit le prophete Helye (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 141). Et si n'espargne - en mordant - grain ne goute. (Lyon cor. U., 1467, 33). Il y a deux jours et demy Que de pain je ne mengay goute. (Pasté T., c.1475-1500, 191).

III. -

Empl. adv.

 

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"En rien, pas, aucunement"

 

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Ne ...goutte/sans ...goutte : LE JUGE. (...) Ne me mens goute. (Mir. enf. ress., 1353, 37). Mon seigneur, oil vraiement, N'en doubtez goute. (Mir. chan., c.1361, 158). ...si gardes Que leur maintien (...) Me saches dire a ton retour Sanz mentir goute. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 248). Il semble qu'il ne sente goute Mal c'on li face. (Mir. st Ign., 1366, 88). Il raint, il plaint, il ne repose goute. (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 20). Je m'en vois : ne te bouge goute. (Mir. Berthe, c.1373, 169). Je ne sui goute traveillié, De ce ne fault il pas parler. (Mir. roy Thierry, c.1374, 294). PREMIER BERGIER. (...) N'a voz diz goute ne m'aioque. (Gris., 1395, 45). ...ceulx, qui ne se meslent goute De gouvernemens temporeulx (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 45). Ce buysson rougist, somme toute, De feu, et si ne brusle goutte (Myst. Viel test. R., t.3, c.1450, 269). ...Et, quant vois a la court du roy Goutte ne tient compte de moy. (Myst. Viel test. R., t.6, c.1450, 95). LE CHANCELIER. Meilleur remede n'y voy goute, Fors que de les fere amener Par devant vous, et que mandez Soit par vous a vostre grant juge Que briefment et sans nul refuge Les vous amainne attivement, Prins et liez estroictement (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 141).

 

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Ni grain ni goutte. "Aucunement" : ...il vous fault avoir, Se voulez parler du passage, Un homme parlant son langage, Car il n'entent ne bien ne mal Le langage de ci aval, Ne grain ne goute. (Mir. fille roy, c.1379, 57). Pour ce veult Dieu que prestement Nous pugnissions luy et ses gens, Soyent conseilliers ou sergens, Sans les espargner grain ne goutte. (Myst. ste Agathe B., c.1450-1500, 192).

 

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Ni peu ni goutte : Las ! mon mal m'est plus angoissant Qu'avant ce que fusse a confesse ; Par ce buvrage point ne cesse Ne po ne goute. (Mir. emper. Romme, 1369, 305).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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FEW IV gutta
GOUTTE, subst. fém.
[T-L : gote ; GDC : goutte ; DEAF, G1044 gote ; FEW IV, 350a : gutta ; TLF : IX, 371a : goutte2]

A. -

"Maladie des petites articulations caractérisée par un gonflement et de vives douleurs et due à la fluxion d'humeurs âcres non évacuées" : ...Et volentiers iroie en France, Car moult desir que je vous voie. Mais deffendu m'i ont la voie Li pilleur, li vens et la pluie Et li yvers qui moult m'anuie, Et especiaument la goute Et mes chevaus qui ne voit goute ; Et j'y voy po, par saint Remy, Qui n'est mie trop bon pour my... (MACH., Compl., 1340-1377, 262). J'ai au cors une goute qui trop m'a malbailli (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 407). ...tu ne dois pas estre en doubte Que je ne soie tienne toute Et sans partie, N'en moy n'a de traïson goute, Pour ce qu'elle est trop male gloute. Mieus ameroie avoir la goute Toute ma vie. (MACH., F. am., c.1361, 225). ...la pierre qui guérist de la goute, en laquelle est entaillé ung roy et lettres en ébrieu, d'un costé et d'autre (Invent. mobilier Ch. V, L., 1379-1391, 93). ...hier je l'oÿs ung petit dolouser Qu'elle avoit une goute dont ne pouoit aler. (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 174). ...pour ce que aisieement pour cause de sa goute ne se povoit l'Empereur soustenir, le roy fist estre preste sus le dit perron une chaiere couverte de drap d'or (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 103). Arthethica ou goute est douleur de joinctures engendree de flux de humeurs es joinctures. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VI, doct.1, chap.1). Quelconques podagre, goute et arthetica sont veuz une mesmez chose reallement (PANIS, Guidon, 1478, tr.VI, doct.1, chap.1). Le premier est qui engendre maladies, humidités, comme goutte [et] paralisiees a cause que les humidités qui ont acoustumees de estre consumees par la chaleur du souleil et du veillier sont retenues dedans le corps. (Rég. santé corps C., 1480, 8).

 

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Au plur. : Et Ghombaux, li larons, qui la dame livra, Fu malades des ghouttes : a potencez ala. (Flor. Rome W., c.1330-1400, 274). ...et estoit raides, hardis et de bonne volenteit, anchois qu'il awist les gottes d'article, dont ilh est forment traveilhiez et alieneis (HEMRICOURT, Miroir Hesb. B.B., 1353-1398, 472). En celle saison le conte de Fribourg, pour lors gouverneur et mareschal de Bourgoingne, pour ce qu'il estoit jà viel et travaillé de gouttes, se tira à Dijon devers le duc, et remonstra son impotence, et qu'il ne povoit porter le faiz et le travail de la guerre, suppliant que l'on le voulsist depporter et dechargier de son office, et y pourveoir d'homme pou exercer la peine et le labeur pour l'utillité du pays (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 268).

 

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Maux d'amours sont plus forts que gouttes : On dist qu'amours ne voient goutes ; Li mal en sont plus fort que goutes. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 11).

 

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Male goutte

 

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[Dans une imprécation] : Vulcains, li viés et li despis, Que male goute fiere ou pis, Qui forge foudres et tempestes Par jours ouvrables et par festes, Et pour mal faire seulement, Ama Pallas si ardamment Qu'il la requist de puterie. (MACH., Voir, 1364, 692). Tu riffles comme ung droit porceaulx. Esgar quel lanssiés de sangler ! Quant sera plain vostre peut ventre ? Que male fievre vous y entre, Et mal farsin et male guoute ! (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 77). De male goute soit il oint ! (Narcissus, p.1426, 309). Vous avez tout beu. Malle goute Vous puist estaindre le gosier ! (Myst. st Laur. S.W., 1499, 176).

 

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[D'une pers.] Mangé de goutte : BRIET. Au povre homme qui ne voit goute Donnés une aumosne fleurie Ou non de Dieu, le filz Marie, Hault empereur que l'en redoubte. RICHART. Et a cestuy, mengé de goute ; Par amour, ne l'oubliez mye. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 177).

 

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Au fig. N'avoir pas la goutte aux bras. "Ne pas être impotent, être en mesure d'agir" : Je non ay pas aux bras la goute. (Pass. Auv., 1477, 231).

 

Rem. Cf. n'avoir point la goutte es dents "manger avec avidité" (1533 Rabelais, Pantagrueline prognostication, chap. 5), «n'avoir pas la goutte aux pieds "être tout prêt à courir, à s'enfuir" (ca1560-1866)» (FEW IV, 350a, s.v.gutta). V. également pouacre.

 

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[Types de goutte]

 

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Goutte aigre. "Crise de goutte (?)" : Item a egre gotte, R. sieu de monton et harpois ana et rachinne de parelle ; en fai enplastre, se le mes sus. (Méd. nam. H., c.1400-1500, 204).

 

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Goutte artetique. "Rhumatisme articulaire" : ...lors le phisicien, pou expert en pratique, non ayant regart au fondement de la maladie, pour les froiz signes dehors apparans a son pacient usa de chaudes medicines et d'un oygnement chault, qui a nom marcyaton. Et en un bref temps la gouthe colique fu muee en aretique [var. artethique/arthetique], par telle maniere que les os ensailloyent et fu comme incurable. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 398).

 

Rem. DEAF, G 1046 : «forme arthritique de la gote».

 

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Goutte colique. "Goutte qui paralyse les membres (?)" : ...son pacient, feru d'une goute colique es os et es nerfs engendree d'une chaude et rouge cole ardant, par telle maniere par dedans que toutes les vertuz du corps pour secourre le membre, jambe ou pie, y estoient assemblez, et les membres dehors en signe apparoient tretous froys (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 398).

 

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Goutte crampe. "Goutte qui provoque des contractions" : J'auray la goute crampe ou chief, Se je ne dors trestout mon saoul (Jeu st Den. S., c.1380-1400, 134).

 

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Goutte culaine. "Goutte qui touche les parties basses de qqn" : ...Je croy que la goute culaine Vous deveroit tantost passer, Car on vous menera dancer [Jezabel] Tantost une nouvelle note. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 159).

 

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Goutte en os. "Forme de la goutte qui se manifeste dans les os" : Item por gotte en osse, vraie medicinne : oindeis premierement le gotte de cleir miel, et puis depechies le blanche pois en poure, se l'enchafeis et meteis sour le mal et deliees estoupes asseis, et loies en lonc drap ; se porte celle enplaste tant qu'ele chie par soi, se garira. (Méd. nam. H., c.1400-1500, 199). Item por gotte en osse et por gotte volage, R. semenche de lin, et le cuiseis en eawe tant qu'ilh soit bin espes, et puis le stoirdeis fourt, et puis le broies bien, et puis prendeis fres fin de brebis, se le trileis avuec et jus de cheneilhe, s'en faite une enplastre et le meteis sus tout chaut, si garira. (Méd. nam. H., c.1400-1500, 200).

 

Rem. Cf. AND, s.v. enosser ; DEAF, G 1047 : gote enossee.

 

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Goutte palasine. "Goute qui paralyse" : Je te di tu as une goute Que nous appellons palasine, Contre laquelle medicine Nulle ne vault. (Mir. st Panth., 1364, 331).

 

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Goutte paralytique. "Goutte qui paralyse les membres (?)" : C'est assés convenablement la dame malcontente de son mariage et ferue de goute paralitique, plaine de toute envie. Et se la maladie procede de colere chaude et de repletions d'umours et la lune soit plaine, s'il avera aucun bien a son mari et qu'il ait aucune bonne fortune, sa femme, a qui trambleront les membres, en avera grant envie et dolour jusques au cuer, car elle het son mari. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 275).

 

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Goutte en pied/ès pieds. "Goutte qui rend podagre" : Maudis de Dieu, de tous sains condampnés, De la clarté des estoiles bannis Puist estre li mois de Mars Et de mal feu d'enfer brulés et ars, Li et si jours et sa puissance toute, Quant il m'a fait avoir en piet la goute. (MACH., L. dames, 1377, 222). ...et aussi que seroie subject à gravelle, dont bien gueriroye, puis auroye excoriacion et finablement goute ès piez, ce que tout ay trouvé et je loue Dieu qui a fait le ciel et tel regime, au moïen de quoy je obvie à mes contraires. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 156 v°).

 

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Goutte sciatique. "Sciatique" : Le lieu en est plus rumatique, Mauvais a goute siatique (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 127).

 

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Goutte volage/goutte volante. "Goutte qui se manifeste par intermittence" : Item por gotte en osse et por gotte volage, R. semenche de lin, et le cuiseis en eawe tant qu'ilh soit bin espes (Méd. nam. H., c.1400-1500, 200). Item a gotte volant, ana Rachinne de livesche cuis en vien et le beus. (Méd. nam. H., c.1400-1500, 204).

B. -

Goutte rose. "Rougeur du visage accompagnée de boutons dispersés sur la peau en forme de petites gouttes ou tubercules rougeâtres" (FEW) ; "forme atténuée de la couperose" : Item por gotte rose, R. II oncez de safran et vies oint et soufre et onghons de lis et semence de neelle et blanc ginginbre et vin, et broies tot ensemble tres bin, et en faitez ongement (Méd. nam. H., c.1400-1500, 201).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

 Article 3/4 
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     GOUTTE1          GOUTTE2          GOUTTE3     
FEW IV gutta
GOUTTE, subst. fém.
[FEW IV, 350b : gutta]

[Sur goutter] "Canalisation" : ...les cleifs des gotes et cours de l'eaue fressche a Link et a Watees (Ordonn. Ph. le Hardi, Marg. de Male B., t.1, 1391, 427).
 

DMF 2020 - DMF 2015 Hiltrud Gerner

 Article 4/4 
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     GOUTTE-CRAMPE     
FEW IV gutta
GOUTTE-CRAMPE, subst.
[GD : crampe ; DEAF, G1047 gote ; FEW IV, 350a : gutta ; TLF : IX, 371a : goutte2 (goutte-crampe)]

MÉD. "Crampe" : Le quint [signe équivoque de la lèpre] insensibleté et endormissement et goute granppe des dernieres parties. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VI, doct.1, chap.2).
 

DMF 2020 - Synthèse Hiltrud Gerner

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