Empl. trans. Demordre ses dents. "Grincer des dents" : [Estonné, pris dans les ronces] se mist hors au mieulx qu'il peult, demordant ses dents pour les poinctures [var. ms B] qu'il sentoit a sa char tellement que le sang en sailloit. (Percef. II, R., t.1, c.1450 [c.1340], 466).
 

Empl. pronom. réciproque.

-

[D'animaux] "Se mordre l'un l'autre" : Et se ainsi ne le faictes, vous pouez savoir que quant ilz [les chiens] ont traveillé et ont fain, pour ce qu'il est neccessité qu'ilz vivent, ilz quierent soubz la table et happent sur le dressouer ou en la cuisine une piece de chair ou viande, et s'entremordent et font des ennuiz pour pourchasser leur vie (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 145). Comme deux furïeux lïons Qui s'entremordent et dessirent, Tout ainsi ces deux champïons Des espees s'entresaillirent (Chev. dames M., c.1462-1477, 168).

-

Au fig. [De personnes] : Dont vient a l'homme l'appetit De machiner d'aultruy la mort ? Le menu peuple s'entremort, Et le grant mengut le petit. (ALECIS, Passetemps Alecis frères P.P., a.1451, 17). N'est dit, dea, que perpetuele discorde doye demorer entre les deux royames, ne que Franchois et Englés se doient entremordre toudis pour mien et pour tien. (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 163).
 

"Attaquer illégalement" : ...car tot ades al fort Venoit-ilh al desus, quant ons l'avoit formort, La venganche prendroit toudis en dois retort (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.3, a.1400, 469). [Scheler, Gloss., 158. Seul ex.]
 

A. -

Au propre "Capable de mordre, qui mord" : Mordax (...) : mordans, mordables, qui mort (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 310). Morsilis (...) : mordables, convenables a mordre (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 311). Morsatilis (...) : habiles ad mordre, mordables (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 311).

-

[D'une blessure] "Qui provoque une sensation de morsure, brûlant" : ...elles [les blessures corrosives] sont mordables (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 306).

B. -

Au fig.

-

[D'une pers.] "Acerbe" : Lors fut toute mon entencion Roupte d'aler et de venir, Je n'en os fors le souvenir. Ne cause m'admonnestoit D'aler au lieu où elle estoit [la femme aimée], N'osasse emprandre l'adventure, Tant estoit mordable nature. (LE FÈVRE, Vieille C., a.1376, 159).

-

[D'une chose] "Qui est source de tracas, de souffrance" : Tantdiz comme ceulx s'esbatoient Qui aux neuces venuz estoient, Le bruman ["nouveau marié"] pensa sagement Comment tout cel esbatement Repeire a dolour et poi dure, Et comment la garde et la cure Des biens de cest monde est mordable Et le delit escoulourgeable Et la glore tantost fenie (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 84).
 

"En mordant, d'une manière mordante" : Morsatiliter (...) : mordablement (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 311).
 

"Caractère mordant, piquant" : Mordableté : mordacitas (Gloss. gallico-lat. M.M., c.1425-1450, 237).
 

"D'une manière mordante, incisive, avec une violence qui blesse" : Mordaciter (...) : mordenment (Aalma R., c.1380, 263). ...et là fu moult detrait aus fais de messire George et parlé moult mordamment du gouvernement de Madame. (LE FÈVRE, Journ. M., c.1380-1390, 364). Mordaciter (...) : mordamment (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 310). Mordaument : mordaciter (Gloss. gallico-lat. M.M., c.1425-1450, 237). ...les reprenant mordamment de leur orgueil (MAMEROT, Romuleon D., 1466, 163).

Rem. Gloss. lat. fr. (Montp., c.1380, mordanment) et GARBIN 1487 (mordamment) ds GD V, 403a.
 

"Causticité (d'un propos)" : ...quelque belle vertu ou don de grace que aultre ayt plus que eulx, si le veullent ilz deprimer par une villaine mordance de langaige (TARDIF, Facéties Pogge D.H.-P., c.1490, 220).
 

"Pièce de métal servant à mettre en place une courroie, une ceinture" : Car qui couvenances affie, Neccessitez est qu'on s'i fie. Et li mordans, pour ce qu'il poise, Sert d'abaissier tençon et noise, Si que jusqu'a ses piez li bat. (MACH., J. R. Nav., 1349, 278). Pour faire et forger la garnison toute blanche d'une espée dont l'alemelle estoit à fenestres. C'est assavoir, faire la croiz, le pommeau, la boucle et le mordant, et un coipel (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1352, 127). ...une grant ceinture d'or pour dame, garnie d'esmeraudes, de rubis d'Alixandre et de troches quarrées ; parmi le çaint a une longue boucle et lonc mordent de rubiz balais et de saphirs (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1352, 169). Encores, la dicte damoiselle estoit ceinte d'une ceinture riche et bien ouvree a X roles de vaislin qui estoient rempliz d'une gracieuse escripture. A ceste ceinture avoit une boucle bien ouvree, qui estoit appellee Obedience, et le mordent Preste Voulente. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 599). ...IIIJ onces d'argent doré fin vermeil, par lui mis et emploié ès blouques et mordans et en plusieurs clox d'argent dorez pour la ferreure de IJ jartières de satin azur, pour lier les chausses de madame la Royne. (Comptes argent. rois Fr. D.-A., II, 1387, 189). ...durant le temps que le roy a esté darrenierement logiez au Louvre, il, par plusieurs journées et diverses fois, a coppé le nombre de XIJ mordans de sainture, tant dorez comme à dorer (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 168). ...et en l'une de ses chauces fu trouvé le bout d'un mordant d'argent coppé, au bout duquel mordant avoit pendu une petite cheisne d'argent, et au bout d'icelle cheisne une sonnette d'argent. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 201). ...lui estant oudit Chastellet, en la grant sale où l'en plaide et au dehors du grant parc, coppa un mordant de sainture d'argent blanc à un homme qu'il ne cognoist. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 233). ...ledit escuïer portoit une sainture couvertes de pelles semez, à boucle et mordant d'argent, et quant il ne la portoit, il mettoit icelle en sa male (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 40). ...sur laquelle [cote] il seront cains d'une chainture de soie ou de cuir vermel, large de II doys ou ducas. Et sera la blouque ronde et de corne noir et le mordant aussi de corne noire, et la garnison des traus ou partuis sera de lecton. (MÉZIÈRES, Sustance H., 1396, 85). Item, une ceincture d'argent esmaillée sur un tissu de soye à XJ cloz, boucle et mordant d'argent. (BAYE, I, 1400-1410, 99). Une cainture qui pendoit Avoit cainte, dont les mordans Sembloient deux charbons ardans (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 105). ...un mordant et trois fermaux pour la sainture de ma dame de Clèves (Comptes Lille L., t.1, 1412, 59). ...il prist (...) six mordans avec les platines et fermans des mordans (Paris domin. angl. L., 1426, 218). ...à icelle assemblée furent emblez en la presse plus de XL chapperons, et coppés mordans de saintures grant nombre (Journal bourgeois Paris T., 1431, 277). ...lequel portoit en escharpe la grant espée de parement du roy, dont le pommeau, la croix ou croisée, la boucle, le mordant et la bouterolle de la gaine estoient de fin or (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.2, c.1437-1464, 163). ...les arrestes, les bossettes dessusdites, la boucle, le mordant et les cloux d'une autre espée et la pate dudit heaulme, pour tout ce XXII livres, à luy pour sa peine d'avoir pourtrait, à grandes lettres anciennes, ung heaulme pour tournoier, une espée, la croisée et le pommeau (Comptes roi René A., t.1, 1451, 360). ...pour avoir rabillé les bossectes du corset d'armes dudit seigneur et pour avoir rivé les chaples et les mordans (Comptes roi René A., t.1, 1452, 293).

REM. Forme morgant : doc. 1335 ds GD V, 403b ; aussi : ...la chainture qu'elle portoit estoit d'un tissu de laine, le boucle et le morgant estoit de cuivre ou de letton (Gérard de Nevers M., c.1451-1464, 161). Item pour deux paires de bloucques dorees et deux paires de morgans d'argent dorez, a 12 s. la paire font 24 s. (Comptes argentier Ch. le Téméraire B.F.L., t.3/2, 1470, 653). ...pour douze autres harnais de chevaulx (...) garnis de crochetz dorez, de boucles, de morgans et de grosses boches dorrees (Comptes argentier Ch. le Téméraire H.B., t.4, 1471-1475, 236).Dans l'ex. ci-dessous, l'éditeur, dans son glossaire, lemmatise la forme mordaux sous mordail "boucle" ; sans doute mauvaise lecture pour mordans : A Alexandre Lose pour avoir recouvert cent plates pour les waugueurs des galees (...) et mis boucles et mordaux noeufs la u ilz falloient (Clos galées Rouen M.-C., t.2, 1389, 195).
 

"Morsure, action de mordre" : Et par ses mordemens ou abouchemens souvent et plus souvent recommenciéz, amera le faucon plus homme et se acoustumera plus tost et plus volentiers a prenre viande de la main de l'omme et plus se tenra en paix (Chasse ois. II, T., c.1330-1360, 52.35). Morsus (...) : mordemens ou plaie (...) morsure ou morsel (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 311). Mordement : morsus (Gloss. gallico-lat. M.M., c.1425-1450, 37). ...plusieurs foys iay esté contrainct le extirper [l'abcès] avec cantere [l. cautere] actual. Et aussi ay ouy que avec le mordement de aulcune ville personne estoit osté. (PANIS, Guidon, 1478, tr.II, doct.1, chap.2).
 

"Qui mord"

REM. JEAN BOUTILLIER, Somme rural, 1393-1396 (éd. 1486, la Bible veult que s'il est beste qui fiere home ou feme, si que la personne voise de vie a trespas, que la beste soit destruite, n'en soit mengee la chair et le sire de la beste en soit quitte, si ainsi n'est que la beste fust accoustumee d'estre hurteur, mordeur ou getteur) ds GD V, 403c-404a.
 

"Action de mordre, morsure" : La sera l'abitacion et le lieu des plorans et les dens estraignans, la seront morsures ou mordimens de vers d'enfer (Mirouer pech. B., p.1400, 200).
 

"Morsure" : Tremeur en la leffre de mordissons de dessoubz signifie vomir (GORDON, Prat., c.1450-1500, II, 28).
 

A. -

"Saisir et serrer avec les dents"

1.

"Saisir et serrer avec les dents de manière à blesser, mordre" : Traïtres est de put affaire. C'est uns chevaus qui chascun blesse. Guillemin mordi en la fesse, Et s'a Garnier en bras si mors Qu'à po qu'il n'en a esté mors. (MACH., Compl., 1340-1377, 264). En tele maniere raconte Theodotus le poëte de Phylotecles qui avoit esté mors d'un serpent appellé vipere (ORESME, E.A., c.1370, 389). Ne veez la Oruble qui n'a pas VIJ. ans acompliz, qui a ja occiz deux de mes escuiers, et avant qu'il eust trois ans, avoit il fait mourir deux de ses nourrices par force de mordre leurs mamelles ? (ARRAS, c.1392-1393, 253). Je luy osteray, mais qu'il ayt Ung baillon, de peur qu'il me morde. (Roy sotz, c.1450-1500, 224). ...lequel seigneur par avant et n'avoit guieres avoit esté mors d'un chien malvais (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 103). ...Cleriadus l'envoya et ung nommé Estienne Bernard, page et serviteur de Raymonnet de Sainct Moris, son frere, à la mer, pour ce qu'ilz avoient esté mors d'un chien enragé, et leur ordonna y mener deux chiens qui pareillement avoient esté mors (Doc. Poitou G., t.12, 1481, 470). Du fons de l'eau sortit ung gros poisson Qui va cest homme mordre jusques au sang. L'omme voyant estre en ce point blessé Soy deffendant ung petit eschappa (LA VIGNE, V.N., p.1495, 177).

-

[Des puces] : He ! les puces me mordent fort et me font grant mal et damage (Man. lang. G., 1396, 86).

-

Empl. abs. : Car volentiers fui et m'estrange Des bestes qui ne sont privées, Pour ce que condicionnées Sont de si divers esperis Qu'il y a tout pleins de peris ; Car l'une mort, l'autre esgratine, L'autre point, l'autre a mal s'encline, L'autre regibe, l'autre brait, L'autre envenime de son brait ; Et on doit l'erbe a son ueil mestre Qu'on congnoist, ce dient li mestre. (MACH., D. Lyon, 1342, 227). ...s'il [un cheval] veult reculer arriere Ou s'il se couche ou s'il se cabre, Ainsi com cilz qui fait la cabre, Ou s'il fiert et regibe ou mort, N'avant n'iroit .I. pas pour mort (MACH., Voir, 1364, 322). En fleuve qui dort, En serpent qui mord, N'a point d'asseurance. (Rapp., c.1480, 69). Tel rid qui mord. (Copp. lard., a.1488, 161).

-

Rage mordant. "Rage qui se propage par la morsure"

Rem. HENRI FERR., Modus et Ratio T., c.1354-1377, gloss.

-

[Cont. métaph.] : N'a mon las cuer jamais bien ne vendra, N'a nul confort n'a joie n'ateindra, Jusques atant que la mort me prendra, Qui a grant tort Par devers moy, quant elle ne s'amort A moy mordre de son dolereus mort, Quant elle m'a dou tout tollu et mort Mon dous ami Que j'amoie de fin cuer et il mi. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 65). Lors estoit mors d'amoureuse morsure Mes cuers et poins de joieuse pointure Et repeüs de douce nourreture Par Dous Penser Qui ma doleur faisoit toute cesser Et garison me faisoit esperer. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 75). La sont les vers de conscience Qui mordent et donnent offence (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., App., p.1358, 364). Vostre honneur perist puis que voz vaillances s'esprennent a mordre et a abayer l'un l'autre en travers et en tapinage, comme chiens et chas de chetif courage, et laissiez la protection de commun salut (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 82).

-

[Cont. métaph.] Se mordre : RUSTAULT. (...) Mauldit soit ma vie tresorde ! Mauldit soit ma naissence infame ! De raige fault que je me morde Puisque je pers ma bonne fame. (LA VIGNE, S.M., 1496, 411).

2.

"Entamer (la nourriture) avec les dents" : De ce que ou fruit deffendu Mordi Adam, furent tuit descendu En enfer nostre ansien pére. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 215). INFERNUS. (...) Oncques mais ne m'eschappa homme, Des qu'Adam mordit en la pomme. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 146). Je doy petit amer la pomme En quoy mordi le premier homme Car par le fait de son pommier, Il fault que je soye sommier Pour pourter le pesant fardel Du rachat del homme mortel (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 11). ...mais pource qu'il n'avoit mie moins fain que son compaignon, il mordit dedans, et en mengerent tout leur saoul. Mais ilz en eurent assez de pou, car trop estoit aspre et dure a avaler, sicque a male paine leur passoit le neu de la gorge (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 49). Et entre autres vindrent et arriverent ausdiz vivres plusieurs liffreloffres Calabriens et Suisses, qui avoient telle rage de fain aux dens qu'ilz prenoient frommages sans peler et mordoient à mesmes, et puis buvoient de grans et merveilleux traiz en beaux pos de terre ; et Dieu scet en quelz nopces ilz estoient, mais ilz ne leur estoient pas franches, pour ce qu'ilz paioient bien leur escot. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 124).

-

[P. exagér., pour évoquer l'excellente qualité d'un vin] : Et voicy du vin, Dieu scet quel ! Il semble qu'on morde dedens. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 928).

3.

"Saisir, attaquer avec les dents, comme avec les dents" : Mais afin que vers Dieu m'amende (...) Et qu'enfer ne puist m'ame mordre, Maintenant m'en vois rendre en l'ordre De ces chartreux. (Mir. ev. arced., c.1341, 140). Mais certes, combien qu'il [l'annemi] m'ait mors, Encore ne suis je pas mors, Si que c'est bien m'entencion De faire ent satisfacion Par penitances et priéres. (Mir. st J. Paulu, c.1372, 121). Ainsy font les folz mondains qui ayment l'imaige de Dieu en lieu de Dieu, et en ce pechent et sont deceuz. Notez de celuy qui fut roy pour ce que premier il vit le soleil en la haultesse de la maison, en tournant le dos contre Orient. Notez de celuy qui se espinoit pour mordre l'ombre des pommes. (GERS., Trin., 1402, 169).

-

[De la mort] : Dieu, qui me souffri estre née, Face que male mort me morde Avant qu'a tel pechié m'amorde (Mir. Theod., 1357, 71).

B. -

P. anal.

1.

"Entamer qqc." : Et tant allerent par leur continuacion qu'ilz approucherent d'une lieue d'Escallon, sans que le Jouvencel ne homme de sa compaignie y peussent riens mordre, tant estoient serrez et alloyent en belle ordonnance (BUEIL, I, 1461-1466, 215).

2.

[D'une chose] "Piquer, produire une sensation de brûlure" : Es constitucions cotidianes borrealles, les corps sont plus fors, bien mouvables, bien coullourez, et les font mieulx oir ; font les ventres secs, mordent les yeux, font douleur en la poitrine (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 68).

3.

[De tenailles] "Saisir et retenir qqc."

Rem. MOND. ds TLF.

C. -

Au fig.

1.

[D'une pers., de ses paroles] "S'en prendre à qqn, critiquer, blâmer qqn ou qqc." : Mais ce n'est pas de mon conseil, Ne telle ouevre pas ne conseil, Qu'adès doit estre sus sa garde Dame, comment elle regarde Si qu'on n'i puist pinsier ne mordre, Ne que nuls ne se doie amordre A parler en, fors en tout bien. Facent einsi, si feront bien. (MACH., D. Lyon, 1342, 206). Neponcian a eu soing de soy tellement conduire que personne ne eust cause de sur lui quelque chose mesdire, affin que cheulx qui mordoient par detraction sur son eage fussent esmerveilliés a veoir sa continence. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 298). ...des estranges envieux qui sans cesser avisent comment pourront autrui mordre (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 131). Les gens le fuyent, Ses dis mordent, ses parolles ennuyent (CHART., D. Fort., 1412-1413, 186). Je ne rapporte que derriere, Car ilz me mordent droit devant. (Roy sotz, c.1450-1500, 218). ST LUC. (...) La [Jésus] nous commença a Moÿse, De la il vint a Ysaÿe Et d'Ysaÿe a Jheremie, De Jheremie a Danïel, A David et Ezechïel, Et tout couché en si bel ordre Qu'il n'est homme qui sceust que mordre. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 935). Angelot (...) tousjours (...) mordoit et deprimoit aucun en son langaige (TARDIF, Facéties Pogge D.H.-P., c.1490, 219).

-

Mordre qqn en + subst. désignant une qualité. "Atteindre qqn dans une de ses qualités, dans une de ses valeurs morales" : ...et comme de tout temps [le duc de Bourgogne] avoit esté plus curieux de son honneur, d'autant plus lui faisoit mal quand, contraire de son deservir, il se sentoit mors en icelluy. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 153).

-

Mordre sur qqc. "Réagir contre qqc." : Item, doit regarder s'il puet aucune chose pincer ou mordre sur le propos contre lui fait par le demandeur et redarguer tout ce qu'il pourra, afin que gage de bataille ne chee point sur le propos du demandeur. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 305).

-

Se mordre l'un l'autre : Ces deux n'avoyent garde de se mordre l'un l'autre. (COMM., I, 1489-1491, 33).

2.

[D'une chose] Mordre qqn. "Ronger, tourmenter qqn" : Amis, mi confort, Mi joieus deport, Ma pais, mi ressort, Et tuit mi amoureus sort Estoient en ty. O ray un remort De toy qui me mort Et point si trés fort Qu'o toy sont tuit mi bien mort Et ensevely. (MACH., L. plour, 1349, 287). C'est ce pourquoy tristece a moy s'amort ; C'est ce qui fait que tuit mi bien sont mort ; C'est ce qui tant au cuer me point et mort Et tant me blesse Que riens ne voy ou je pregne confort (MACH., F. am., c.1361, 156). Car retenir d'autrui l'argent Met conscience en si mal point Que touz jours le mort et le point Le ver de remors (Mir. ste Bauth., c.1376, 94). Helas ! pour ce que Fortune m'est dure, Ce que plus aim n'a mais cure de my. Langue poignant, aspre, amere et aguë En traïson souvent me mort et point ; Mais riens ne doubt que die ne arguë, Ne l'aguillon de son venimeus point, Car je me vueil gouverner si à point Que par souffrir et estre de bonne aire Je la feray morir de dueil ou taire. (MACH., L. dames, 1377, 171). Plus sans pité que nul peril de mer, Pour ce qu'einsi m'assaut, me point et mort Vostre durté sans merci ne remort. Quant je vous voy autre que my amer, Vo plus loyal amy, dame, avez mort. (MACH., L. dames, 1377, 187). Pour ce qu'on puist miex retraire Qu'Amours pour amer m'a mort, Je vueil faire avant ma mort Un lay dou mal qui me mort, Si qu'à moy Mors s'en amort, Sans mais garison attraire. (MACH., Les lays, 1377, 300). Hé ! fonteinne de concorde, La duis de misericorde, Ruissiau qui leve et racorde Mains pecheurs, fluns de douçour, Oy ma clamour : Fais que pechiés ne me morde, Si qu'ennemis ne m'encorde De ses craus et de sa corde, Car en toy sont tuit mi tour Et mi retour. (MACH., Les lays, 1377, 413). ...ces dures passions Qui tant mon cueur cruellement mordirent Que suffoquer et endormir le feirent (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 160). Je suis pecheur, je le sçay bien, Pourtant ne veult pas Dieu ma mort, Mais convertisse et vive en bien, Et tout autre que pechié mort. Combien qu'en peché soye mort, Dieu vit, et sa misericorde, Se conscïence me remort, Par sa grace pardon m'acorde. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 30).
 

"Action de mordre dans qqc. ou fait d'être mordu" : ...et le peril de mort en qoi jeo siu, ceo n'est mye la commune mort, einz est escomyné mort : c'est la male mort d'enfer qi est la mort [qe mourt qi mort est en] pecché. De celle mordure et male mort nous en garde touz Celuy qi outre touz est tout puissant (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 130). Et pur ceo qe jeo dis devant qe de nostre frele coer sourdy primes et corust celle preciouse eawe, ceo estoit de la mordure de Adam de la pome q'il priste de Eve ; et de celle mordure vient la mort dure a le douz Jesus. (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 146).
 

"Pierres ou briques formant une dentelure qui dépasse la maçonnerie d'un mur afin qu'on puisse y raccorder éventuellement une maçonnerie nouvelle"

Rem. Doc.1429 (Béthune, morses) et 1446 (Tournai, morses) ds GD V, 414a.
 

"S'attaquer à" : ...le dyable le permort Pour luy mettre à sa pilhe. (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 566).
 

"Mordre de part en part" : ...sy avoit [un serpent] la gueule tant grande comme pour transmordre la teste d'un cheval (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 663).

V. aussi tresmordre
 

I. -

Empl. trans.

A. -

"Mordre de part en part" : ...tresmors De morsure vilaine (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 716).

B. -

"Pénétrer, remplir" : Loyalteit et honour todis son cuer tresmort (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.1, a.1400, 609). [Autres ex. v.9102 et 9461, cf. Scheler, Gloss., p.300]

II. -

Part. passé en empl. adj. Tresmort de. "Acharné à" : Li homme (...) que tresmort Est de meffaire à Dieu (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 566). [Autres ex., cf. Scheler, Gloss., p.300]

V. aussi transmordre