C.N.R.S.
 
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     NATURE     
FEW VII 45b, 46, 48a natura
NATURE, subst. fém.
[T-L : nature ; GD : nature ; GDC : nature ; DÉCT : nature ; FEW VII, 45b, 46, 48a : natura ; TLF : XII, 14a : nature]

A. -

(La) nature

 

1.

"Principe actif, inhérent au monde créé (souvent personnifié), d'essence divine, qui agit à la naissance et qui est la source de l'innéité"

 

a)

[Ce principe agissant à la naissance] : [De] deux manieres de biens sont : Les ungs sont les biens de nature, Les autres, les biens de fortune. (Liber Fort. G., 1346, 62). ...la plus belle dame et la plus courtoise que mais feist nature. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 22). La seconde consideracion est que, selon le dit de Aristote, nature fait la phisonomie des princes dignes telle que elle esmeut les regardans a creme[u]r et reverence (...) La tierce consideracion est : es oeuvres de nature nous veons que le baselique par son regart seulement occit ung homme. Pourquoy ne pourroit nostre Dame par son regart estaindre mauvais et charnel mouvement et esmouvoir a chasteté (GERS., Concept., 1401, 425). Dieu et nature vous ont ils donné telle puissance que de prendre et mectre en voz las cuers de papes, d'empereurs, d'empereris (LA SALE, J.S., 1456, 300). ...entre aultres damoiselles, chambrieres et servantes de son hostel, celle ou nature avoit mis son entente de la faire tresbelle, meschine estoit (C.N.N., c.1456-1467, 115). ...pour la grand courtoisie que nature n'avoit pas oubliée en elle, elle passa legerement les requestes de ceulx qui mieulx luy pleurent (C.N.N., c.1456-1467, 327). ...et as les biens de nature amples en toy qui te donnent nobles meurs (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 189).

 

-

De nature. "De naissance" : Toute oevre acquise et de nature... (JEAN DE LE MOTE, Regr. Guill. S., 1339, 47). ...pas(t) chascune humaine creature disposee souffisamment pour veoir icy Dieu en telle maniere : les aucuns pour l'empeschement du corps qui oste l'usaige de raison, soit a cause de aage comme es enfans, soit a cause de maladie comme es demoniaques et hors du sens, et soit par mauvaise complexion comme es folz de nature (GERS., Trin., 1402, 153). Helas, que vous advés les yeulx Las et piteux, Moult fort lipeux ; - vous ne l'advés pas de nature. (Pass. Auv., 1477, 255). De l'artation et indisposition qui est en la femme, par quoy elles ne sont convenables a amplexemens viriles, il fault tenir, jassoit que ce viengne de nature, se on leur puet aidier et subvenir par benefice de medecine, il n'empesche pas le mariage. (Sacr. mar., c.1477-1481, 76).

 

-

Quant à nature. "Pour ce qui est de la naissance" : Le second remede ou consideration est penser a la povreté de ses propres subgietz et freres, quant a nature ["pour tout ce qui est dû à la nature, à leur état naturel, à leur naissance"], et seigneurs souvent, quant a bonté de grace. Comme disoit un empereur de Romme qu'il vouloit estre tel a ses subgietz comme il vouloit que un seigneur luy feust, s'il estoit subgiet. (GERS., Annonc., a.1400, 238).

 

-

P. méton. "Génération, lignée, famille" : Vostre amie sui je, sanz doubte, Et par nature ["par les relations de famille"] et par lignage, Quant seigneur m'est par mariage Vostre nepveu. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 132).

 

Rem. Scheler, Gloss. Geste Liège, 207 (II, 7471 : ...la grande mesprisure Que li sire d'Awans et chis de sa nature ("de sa famille") Ont fait en son paiis).

 

b)

[Ce principe comme force innée, contraignante, qui agit en qqn indépendamment de sa volonté] : Sire, ce sera grant foleur De vous mettre en doleur si dure. Je say bien qu'il fault que nature S'aquite, mais se m'en creez, Si grant dueil mie ne ferez Qu'en vailliez pis. (Mir. prev., 1352, 244). Sire, entendez. Ce vous enorte Nature pour soy acquitter Faire dueil pour lui [Theodore] sanz doubter ; Raison si vous dit du contraire Et que grant joie devez faire (Mir. Theod., 1357, 127). ...le dit chevalier qui n'estoit ne n'est pas en aucun lien de mariage, par esbatement et comme meu de jonesse, demanda à aucuns de ses diz serviteurs se ilz savoient aucune fillette, la quelle il peust bonnement aler veoir, et que nature le contraignoit à ce. (Doc. Poitou G., t.5, 1388, 357). ...jasoit ce qu'il eust en sa teste des sermons largement, si le contraignit nature qu'elle eust ses droiz, et de fait bien fermement s'endormit. (C.N.N., c.1456-1467, 86). ...si me fist jurer et promectre que quand nature me forceroit a rompre et briser mon entiereté, je eleusse homme sage et de haulte auctorité (C.N.N., c.1456-1467, 573).

 

-

"Force naturelle, innée" : ...les compressions ne doivent pas estre faictes jusques au derrenier, car elles sont decepvables, mais selon ce que la nature pourra soustenir. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 53).

 

-

"Ce qui est inné" : ...on ayme tousdiz mieulx ses enfans C'om ne fait les estranges, quar le cueur habundans Est tousdiz par nature ["de manière innée, spontanément"] par raison enclinans A ce qui se son sanc et de luy est yssans. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 44). Droit et nature donne c'om ayme ses enfans (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 204). Et par ce appert il que neis une des vertuz morales n'est en nous de nature ["de manière innée"] ou par nature. (ORESME, E.A., c.1370, 146). Et quant l'enfant senti la molece de la mamelle, ainsi come nature luy enseigna si alaita fort et bien. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 83). ...en la main de madame la nonnain [Frere Conrard] mist son bel et trespuissant bourdon, qui gros et long estoit. Et tantost comme elle le sentit, comme si nature luy en baillast la cognoissance, elle dist... (C.N.N., c.1456-1467, 108). ...ainsi que nature luy monstra, et a l'aide de la paciente il besoigna tresbien deux ou trois fois. [D'un homme "qui oncques sur beste crestiane n'avoit monté"] (C.N.N., c.1456-1467, 136). Dieu te seuffre par grace ce que faire tu ne peux par droiture [var. par nature]. (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 89).

 

-

Une autre nature. "Une seconde nature" : Coustume est une autre nature. La force de coustume est si grande que... (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 196).

 

-

Par nature. "Par un processus naturel" : Es turbacions qui par nature sont faictes par le ventre, [et] es vomites qui ainsi sont fais, se les choses sont evacuees comme elles doivent, elles conferent et font bien au corps (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 53). Nulz ne le veoit [un diable hideux représenté en image] que de sa forme ne fust esperdus par nature. (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 63).

 

-

Payer le tribut de nature. "Mourir" v. tribut : ...quant il vint à paier le tribut de nature, son ame fut pourtee en la gloire des cieulx. (MIÉLOT, Mir. N.D. L., 1456, 122). Helas ! combien que je decline Tous les jours a ma sepulture Et que ma vie si s'encline Payer le tribut de nature... (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 50).

 

2.

"Principe actif inhérent au monde créé (souvent personnifié), qui fait que le monde créé est ce qu'il est, ensemble des forces qui maintiennent l'ordre des choses et des êtres au sein de l'univers (en vertu de la création divine, en dehors du miracle et indépendamment de l'action humaine)"

 

a)

[Ce principe en tant que tel] : Mais mére et vierge fui par une Voie qui fu dessus nature, En tant que de ta creature Tu daignas nestre en humain corps (Mir. ev. arced., c.1341, 133). Dieu c'est fait homs dessous nature Pour ce que soient l'escripture Et tuit li prophéte acompli (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 217). Vierge mére dessus nature, Vez me cy prest. (Mir. parr., 1356, 56). Les hommes cras de leur nature meurent plus tost selon nature que les autres qui sont plus gresles. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 63). ...le medecin est ministre de nature il doit proceder petit a petit car c'est le plus certain. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 64). Mais se nature cognoissoit l'un avant que l'autre, elle cognoistroit premierement les causes que les effecs. (ORESME, E.A.C., c.1370, 110). Et je di que les simples [corps] sont ceulz quelconques qui ont principe ou cause de mouvement en eulz selonc nature, si comme sont le feu et la terre, et corps de leur espece et ceulz qui sont prochains de eulz. (ORESME, C.M., c.1377, 62). Un [mouvement] est naturel, si comme du feu droit en haut ; l'autre est pur violent contre nature, si comme du feu droit en bas ; l'autre est ne selonc nature ne contre nature, mais hors nature, si comme se le feu en son lieu ou en son espere estoit selonc partie meu en travers. (ORESME, C.M., c.1377, 72). Item, Dieu, qui est par sus nature, puet creer aucune chose de noient et la reduire en autre en noient. (ORESME, C.M., c.1377, 250). Sire Eufemian, li roys Des cieulx, de terre et de nature, Qui crea toute creature, Vous esleesse. (Mir. st Alexis, 1382, 335). L'autre tierce maniere de nature, c'est nature total qui comprent tout le monde et tout quanqu'il contient universelment, et de ceste nature universele entend l'acteur quant il faint que Nature s'apparu devant ly et quant il parle aussi de sa poissance. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 26). Nature, en ce propoz, est une vertu ou puissance que Dieux a créé ès créatures, et mesmement ès corps célestiaulx, par laquelle une créature fait engendrer ou corrompre ou autrement transmuer l'autre. (LA HAYE, P. peste, 1426, 215). Et a la loy Dieu fait injure Qui la veult soubzmetre a nature. (Cycle myst. prem. mart. R., c.1430-1440, 106). Eclisse ce fait par nature, Et au soleilh et a la lune ; Tramble-terre pareilhement Ce fait par la force du vant, Que dessoubz terre s'est inclus (Pass. Auv., 1477, 274). Quintement, les creatures clament que Dieu est. Toutes choses selon leur maniere de parler dient : "Il nous a fait et n'avons pas fait nous mesmes." Car il est Dieu, la voix de nature, par quoy toutes choses sont belles, le tesmoingne disant qu'il est tres bel. (Somme abr., c.1477-1481, 101). De retourner plus ne tardez, Car nous aurons bonne adventure De tout cela que pretendez, S'il plaist au hault Dieu de nature. (LA VIGNE, S.M., 1496, 506).

 

-

[Personnification] : Et vierge fu après l'enfantement, Dont nature s'en esbahy conment En vierge fu un itel fait assis (Mir. ev. arced., c.1341, 144). L'autre tierce maniere de nature, c'est nature total qui comprent tout le monde et tout quanqu'il contient universelment, et de ceste nature universele entend l'acteur quant il faint que Nature s'apparu devant ly et quant il parle aussi de sa poissance. Pour ceste cause aussi dit l'acteur que Nature est royne du monde et que elle fait mouvoir le ciel et les estoilles, et transmuer aussi les elemens en moult de diverses manieres, en la vertu de Dieu qui le regle et adresse. Et pour ce dit aussi uns philosophe que le euvre des estoilles est le euvre de Dieu, et que come vicaires et lieutenans de Dieu, elles euvrent et font toutes les choses qui aviennent en terre par nature, c'est a dire en cest monde elementaire cy dessoubz, lequel pour ceste cause l'acteur dont nous parlons appelle la forge de Nature. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 26). ...Dame Nature (CH. D'ORLÉANS, Ret. am. C., 1414, 1). Nature mist tout son entendement A la fourmer et faire proprement [ma Dame] (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 26). ...Dame Nature (HAUTEV., Compl. H., c.1441-1447, 61).

 

-

Prov. : Plus trait bonne nature que chevaus, ne poullains. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 258). Car un proverbe dit, par vraie autorité : Nature fait le cerf tracier ou bois ramé. (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 441). Ilh est I proverbe qui dist : Nature trait plus que cent buef ; et ensi fist-il chi ["en est-il en l'occurrence"], quant at enameit I enfant qu'ilh ne conoiste ne li enfe luy, et si sont peire et filh [c'est la force de la nature qui seule explique cet amour]. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.3, a.1400, 167). Nature fait le chien tracer. (Doc. 1400-1500. In : E. Legris, Bibl. Éc. Chartes 60, 1899, 389). Plus trait Nature aux champs que cent chevaux. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 281).

 

Rem. Prov. H., 174, N4-7.

 

b)

[Ce principe régi et ordonné par les lois de la création] (Cours / loi / ordre de) nature : ...se il fust venu en aage et mort selonc le cours de nature (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 29). Et pour ce, je conclu et di que ceste consequence ou condicionelle : se generacion est, pluseurs mouvemens celestielz sont, n'est pas simplement neccessaire, mais elle est vraie seulement en tant que se generacion est de telle maniere comme elle est ici-bas selon le cours de nature, il convient selon l'ordenance de nature que pluseurs mouvemens soient ou ciel. (ORESME, C.M., c.1377, 376). Et très grant passibilité D'umaine et foible créature, Laquele, par loy de Nature, Prent son estre touchant le corps Des élémens qui sont destors En aucunes leurs qualitez (LA HAYE, P. peste, 1426, 64). Oultre plus nostre dit cousin ung jour lui dist que si nous allions de vie à trespas il lui donneroit cinq ou six confiscacions de ceulx qui s'estoient meslez du fait de la mairerie d'Angiers, et lui dist qu'il ne les oubliast pas en son memoire et que selon le cours de nature, ilz ne lui povoient eschapper ni fouyr (Doc. Poitou G., t.12, 1476, 133). Item affinité est contraite non mie seulement par matrimoniale copule. Mais aussi par copule charnele, qui est fornicaire, garde ordre de nature, car aultrement n'y auroit affinité. Car il fault avant que affinité soit contraite qu'il y aist habitation charnele. (Sacr. mar., c.1477-1481, 76). ...les choses qui se font selon le pareil cours et ordre de nature, mais pas toutevoies selon le commencement original de nature, come en la mutation des verges en serpens. Car ce eust peu estre fait selon l'ordre de nature par long pourrissement, car celles verges avoient en elles les raisons des semences pour produire serpens, toutevoies pour ce que l'operation de nature n'y fut a ce faire, ce fu miracle. (Somme abr., c.1477-1481, 162). A dire que aucune chose soit miracle, quatre choses sont requises. Premierement qu'elle soit de Dieu. Secondement qu'elle previengne nature contre l'ordre de laquelle se fait. Tiercement qu'elle soit evidente. Quartement qu'elle soit pour le fortefiement de la foy. Et pour tant, se l'un de ces quatre poins deffault, c'est merveille, non miracle. Notez que aucunes choses sont par dessus nature, aucunes contre nature, aucunes sans le cours de nature ou sans nature. (Somme abr., c.1477-1481, 162). Quant nature ne pourra plus courir [suivre son cours]... (Prières saints R., t.2, c.1480-1500, 268).

 

-

[À propos du Christ] De nature. "Selon les lois de la création" : ...disant et publiant celui jour haultement ou qu'il failloit que le Dieu de nature souffrist, ou que toute la machine du monde se disolvist. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 79 r°).

 

c)

[Ce principe comme norme] : Les loys qui sont voluntaires doivent ensuir nature laquelle encline voulenté bien ordenee a maittre loys telles ou telles. (ORESME, C.M., c.1377, 50). ...ce est signe que trinité est es natures des choses et est es creatures, et que nature nous enseingne a Dieu louer selonc cest nombre. (ORESME, C.M., c.1377, 50).

 

-

Droit de nature. "Ensemble des règles imposées par l'ordre des choses et qui régissent les rapports humains" : [C'est Nature qui parle] Je adjouste a ce, que mon droit, le droit de nature, est que le filz doit honnourer sa mere comme toudiz en mon escole l'ont presché mes disciples : philosophes et poetes. (GERS., Concept., 1401, 399).

 

3.

P. méton. "Le monde créé, visible" : Item ce se demonstre par exemple en nature. Car la clarté du soleil, combien qu'elle vient et procede du soleil, toutevoies se le soleil estoit eternel sans commencement et fin, se seroit sa clarté coeternele, c'est a dire qu'elle seroit eternele du soleil dont elle procede. (Somme abr., c.1477-1481, 128).

B. -

(La) nature de qqc. / nature + adj. "Ensemble des propriétés, des caractéristiques qui font qu'un être est ce qu'il est"

 

1.

THÉOL. Nature divine / humaine (de Jésus-Christ) : L'ange n'est pas a Marie venu pour li par le devin de decepcion decevoir (...), mais pour la coupulacion de pure condicion entre nature divine et nature humaine demonstrer et faire savoir (Mir. fille roy, c.1379, 7). Amés vertus et le filz de Dieu, Que a pris humaine nature Pour la tourner en son hault lieu. (Pass. Auv., 1477, 125). Telle puissance oncques n'eust Diable d'enfer ne aultre creature. C'est certes divine nature, Laquelle est en ce bon prophete. Guarison m'a donné parfaicte. (Pass. Auv., 1477, 163).

 

Rem. CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, gloss.

 

-

Nature de la divinité : Comme dist Saint Leon pape : a la simple nature de la divinité riens ne puet estre adjousté ne diminué, car toudiz est ce qu'elle est. Ce qui est propre a aucune chose, cellui est estre perdurable, auquel une mesmes chose est vivre et entendre. Toutevoies combien qu'en nature et essence est simple, toutevoies en dons il est moult et pluseurs. (Somme abr., c.1477-1481, 147).

 

2.

[À propos d'un être animé vu dans ses propriétés génériques] : Les hommes cras de leur nature meurent plus tost selon nature que les autres qui sont plus gresles. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 63). ...et metray par chapitres de toutes natures de bestes et de leurs manieres et vie (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 51). Ce qui fait le lyon fort et hardy, c'est sa nature, et ce qui fait le lievre au contraire couart et paoureux, et prest de tost et legierement courre, c'est aussi sa nature. Ce qui nous fait aussi aler et parler et sentir et entendre, et aussi faire les autres operacions natureles qui deues nous sont, c'est nostre droitte nature ; et ainsi peut on dire de toutes autres choses natureles du monde. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 26). Vous avez l'example du riche qui refusa une miette de pain, et on lui reffusa une goutte de eaue. Nature de noble et royal cuer est d'avoir compassion des afflictz (GERS., Annonc., a.1400, 238). ...de sa nature elle [la bête] leur couroit seure et les estrangloit (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 216). Et pour ce en congnoissant ton ame, tu medites a congnoistre les anges qui sont de nature intellectuelle comme ton ame et plus parfais que ton ame. (CIB., p.1451, 186). Et combien que ceste matiere soit theologicale qui vouldroit enquerir de la maniere si dois tu sauoir que nature angelique quelle quelle soit a puissance sur lymaginatiue pour ce quelle est aucunement corporelle. (CIB., p.1451, 214).

 

-

[À propos d'une femme] : ...nature de femme est plus paoureuse et aussi de plus doulce condicion (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 35). [Allusion au fait que la personne en cause est une femme] De celle ne fault point parler, car combien qu'elle s'esforçoit, sa nature et la tresgrief passion qu'elle avoit en regardant Saintré, a bien peu que ne se panma (LA SALE, J.S., 1456, 203).

 

-

[À propos d'un homme] "Tout ce qui fait qu'un homme est un homme (un être de sexe masculin)" : Nouvelle char lui vint [à Blanchandine], en aultre se mua Et devvint ung vrais homs, car Dieu lui envoya Toute nature de home (Tristan Nant. S., c.1350, 537).

 

-

Nature de pere / de mere. "Ensemble des dispositions propres à un père / une mère" : MARIE. Helas ! Joseph, je sçay de vray Que Dieu et homme l'enfantay, Je sçay bien qu'il a le pooir De faire tout a son voloir, Mais neantmoins nature de mere Me met en doleur moult amere (...) Jusqu'a ce que trouvé l'aray Jamais joyeuse ne seray. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 70).

 

.

Par nature (de père) : Je voy que de mon propre pére Je sui condampnée a ardoir ; Celui qui plus deust avoir Par nature de moy pitié M'a en si grant ennemistié Qu'il conmande que je soie arse, Con fusse une murtriére garse. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 18).

 

-

[D'un être vivant] De nature. "Qui a toutes les qualités génériques attendues" : Puis une mulle m'amenez Ou quelque hobin de nature ! (FLAMANG, Vie Pass. st Didier S., 1482, v.885).

 

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[À propos d'une collectivité] : Noblesse fuit encontre sa nature, Le clergié craint et cele verité, L'umble commun obeit et endure Fains protecteurs lui faire adversité (BAYE, II, 1411-1417, 220).

 

.

[À propos de l'ensemble des êtres humains] : Du monde la nature est telle ; Traÿson y est et cautelle, Qui sans celle Vont a cheval par tout paÿs. (Pass. Auv., 1477, 111).

 

3.

[À propos d'une chose]

 

a)

[À propos d'une chose vue dans ses propriétés génériques] : C'est maladie non curable De sa nature. (Mir. emper. Romme, 1369, 297). La narde est une petite herbe et basse et de chaude nature (Mir. st J. Paulu, c.1372, 94). Mais des autres corps simples, c'est a savoir des ellemens, il n'est pas possible que quelconque ellement qui est meu en haut ne quelconque qui est meu en bas vers le milieu soit hors de ce monde, ne quelconque chose semblable, quar telz corps ne seroient pas la dehors selonc nature pour ce qu'il ont autres lieus propres a leur nature. (ORESME, C.M., c.1377, 158). ...ilz [l'eau et le feu] sont de descordant nature, Et l'en ne pourroit a paix traire Chose l'une a l'autre contraire. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 18). Et la matière du tonnoirre Souventesfoiz se tourne en pierre De dure nature ou substance (LA HAYE, P. peste, 1426, 7). Que Jupiter avecques Mars, Par leurs désordonnez regars Et mesmement quant ilz sont joins En aucun des signes ou poins Du Zodiaque et par droiture, Soit de chaulde et moiste nature, Fait avenir et apparoir Grant pestillence et mal en l'air (LA HAYE, P. peste, 1426, 27). Car Saturnus, je vous asseure, Trop froit et sec de sa nature, Pour tant nuisant à toute vie Et forment plain de villanie, Comme esméu de mau courage, Détesta moult Humain Lignage (LA HAYE, P. peste, 1426, 35). Est air infect empoisonné Pour ce qu'il est mixtionné Avec fumées venimeuses Et par autre fait vicieuses En leurs qualitez et nature (LA HAYE, P. peste, 1426, 47). Et la terre par sa droiture Est de froide et sèche nature (LA HAYE, P. peste, 1426, 64). Secondement fault varier Par bon art et rectifier L'air corrompu en sa nature (LA HAYE, P. peste, 1426, 74). Et se Aristote dit qu'elles n'ont point de sperme, c'est a entendre par comparacion aux hommes, car sperme de femme est indigest et aquatique, sperme d'omme est glanduleux et blanc, mais sperme de femme est trop loing de ceste nature (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 8). De la nature des cieulz et des corps souverains ou de deseure. (...) De la nature des estoilles en commun. (...) Cy parle des planettes en especial, chascune selon sa nature. (...) De la nature des quatre elemens. (Somme abr., c.1477-1481, 88). Cestui trouva la nature de l'eleborre blanc et noir et de plusieurs autres herbes et gommes. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 19 v°). Cestui perquist et ensercha studieusement les natures et proprietez d'aucunes estoilles, desquelles estoit escript moult bresvement, et fut finablement moult profond astrologien. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 19 v°). Cestui fut illustre medicin et très cler astrologien et sceut la nature occulte de plusieurs herbes, et fut lui qui premier inventa le degré et qualité de l'elebore en ses deux espesses, au moïen de quoy il fist subitement desenfler les filles du roy Proctis, qui, par enchentement ou autrement, avoient esté malefficiées. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 24 v°).

 

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Nature élémentaire / nature seconde. "Propriétés des éléments / des combinaisons d'éléments" : L'autre nature seconde est nature particuliere qui comprent les quatre elemens et toutes les choses aussi qui en sont composees ; et ceste nature aussi est appellee d'aucuns nature naturee, pour ce que cilz bas monde cy dessoubz est effects du hault monde et se despend de sa vertu du tout. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 26). Dont le très savant Aristote Escrit à cler, sans mettre note, En un livret qu'il voulut faire De la nature élémentaire (LA HAYE, P. peste, 1426, 26).

 

-

[Dans un cont. alchimique] : Cestui aussi s'entremist de alkemie et de composer divers metaulx ou transformer de nature en autre. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 107 r°).

 

-

"Composition (de qqc.)" : Et par ce appert que susposé que nul ne veist le ciel, nientmoins rayson naturele enseingne que aucun corps simple est de autre nature que les .IIII. elemens et qui est mouvable circulairement. (ORESME, C.M., c.1377, 68).

 

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"Sorte" : Et donques se les mouvemens sont d'une nature partout, il convient par neccessité que les elemens soient d'une nature partout. (ORESME, C.M., c.1377, 132). ...car ces seigneurs de la maison d'Arragon, dont je parle, perdirent honneur et royaulme et grant richesses et meubles de toutes natures (COMM., III, 1495-1498, 82).

 

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Au plur. "Propriétés qui font qu'une chose créée est ce qu'elle est ; choses créées" : Nous prïerons a diu qui est superlatis Par dessus les natures (BRIS., Restor paon D., a.1338, 128). Se on doubte se le Dieu est ou dyable, il est a scavoir que aucuns noms sont lesquelz emportent et signifient natures selon que les natures sont et en telles Dieu est. Les aultres noms sont par lesquelz sont entendues les difformités, les defaitures, qui sont ez natures, come ce nom deable. (Somme abr., c.1477-1481, 139). Pour tant dist ung philosophe apellé Mercucius : en la nature qui surmonte les natures celestiennes est unité. Es natures celestiennes est alterité, une maniere de diversité. Es natures et choses qui sont dessoubz les celestes est pluralité. (Somme abr., c.1477-1481, 147).

 

-

Quinte nature. "Éther, en tant que cinquième élément de la physique ancienne" : La seconde partie du grant monde comprent le ciel et les estoilles, laquelle Aristote appelle la quinte essence ou la quinte nature pour ce qu'elle est d'autre condicion que les quatre elemens devant touchiez ne sont. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 5-6).

 

b)

[À propos d'une chose spécifique, d'un objet, d'un lieu]

 

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"Manière d'être de qqc., configuration d'un lieu" : ...quant ilz eurent veu la nature du lieu, assirent leur embusche en une forest voysine. (JEAN DE ROUVROY, Stratag., c.1425. In : Chrestom. R., 102). Cy commence l'acteur a compter la condition et la nature [var. matiere] du temple aveucques les misteres qui s'y moustrerent (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 21). ...les Suisses selon la nature de leur lieu sont clos de tous costés, est assavoir d'une part de la tres large et tres spacieuse riviere du Rin... (GAGUIN, Comment. César, 1485. In : Chrestom. R., 251).

 

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En nature. "Dans son état d'origine, avec les qualités de fonctionnement qui lui sont propres, en bon état" : ...et que ou cas que elle ne cognoistroit autre chose que dit est dessus, attendu que lesdiz deux aneaux et verge d'or sont en nature et restituez à iceulx mariez, que, au jeudi absolu, elle feust eslargie de prison (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 196). Et, pour ce, fu fait traire à part sur lesdiz quarreaux, et remise en la prison de laquelle elle avoit esté attainte, et iceulx biens trouvez en nature, du consentement d'icelle prisonniere, rendus audit marchant. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 389). ...et leur rendront tous leurs biens, se aucuns en ont esté prinz, et se ilz sont en nature, ou sinon la juste valeur et estimation d'iceulx (BAYE, I, 1400-1410, 133). Ce jour, Geffroy des Molins, huissier de ceans, a esté commis à vendre au plus offrant certaine quantité de vins vielz de Bourgongne, estans en nature, contencieus entre Audry Viart et Jehan Bazin (FAUQ., II, 1421-1430, 193). Item, le procureur du Roy a requis, pour ce qu'il y a procès pendant ceans entre lui, d'une part, et le prieur de Saint-Denis-de-la-Chartre, d'autre, à cause du pressoir assis en la place Saint-Denis, que durant ce que ledit pressoir est en nature et que on pourra mieulx veoir l'empeschement que ledit pressoir fait à entrer en ladicte eglise, il plaise à messrs les presidens et à aucuns de messieurs de Parlement, en passant par devant, veoir et adviser l'empeschement et occupation dudit pressoir pour y avoir, en jugeant ledit procès, tel regart qu'il appartendra. (FAUQ., III, 1431-1435, 108). ...le seurplus de l'argent a esté employé en draps, garances et autres marchandises, lesquelles sont encores en nature et n'ont point encores esté vendues (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 39). ...et aultres bacgues qui estoient encore en nature (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 68).

 

-

Mettre en nature. "Remettre en état" : ...pour avoir aguisié, reparé et mis en nature le grant fer du molin (Doc. 1460. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 772). ...mais demeurent iceulx heritages comme vacans et si ne les oze icelui aumosnier exposant applicquer a soy ne bailler a autres pour doubte de ce que quant il les auroit fait labourer ou mectre en nature ou baillees a autres, aucuns voulsissent dire iceulx a eulx appartenir (Doc.1469. In : Brunel-Tardy, Paris, l'Église et le roi, 2016, 155).

 

-

[À propos d'une chose naturelle (de l'univers, du firmament...)]

 

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Estre en sa nature. "Être dans son état originel" : Voire, quant monde et firmament Ne seront plus en leur nature, Verité, pardurablement, En soy demourra nette et pure. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 86).

 

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Se remettre en sa nature. "Retrouver son état originel" : Adont la mer se reserra et se remist en sa nature, et illec demoura Pharaon et tout son ost ensepveli es ondes et en la tempeste des eaues. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 240).

 

c)

[Dans le fonctionnemet de l'image et de la ressemblance] "Réalité initiale, reflétée ou représentée" : Mais pour mieulz entendre, il convient noter que "ymage" veritablement se dit et raporte a ce, dont elle porte la similitude et samblance, et pour poursieuvir ou ensieuvir ce pour quoy est faite. Et ce se puet faire et advenir par deux manieres. L'une au regard de la nature specifiee et du signe du specifiement, et par ceste maniere l'ymage de l'homme est en son filz, lequel ensieut par ressamblance de forme et figure humaine son pere, et ceste est parfaicte ymage. Secondement se doit entendre quant au signe seulement et non pas a la verité de nature, comme nous disons que une statue, c'est a dire une ymage painte en une paroit ou entretaillié de pierre ou de boiz, est l'ymage d'aucun homme, et tele ymage est apellee ymage imparfaitement. Selon la premiere maniere, le Filz est ymage du Pere, car il participe et communique en nature avec son Pere. (Somme abr., c.1477-1481, 111).

 

4.

[À propos d'une chose abstr.] : ...de la venue de ceulx qui vindrent à son hostel, il n'en scet rien, ne n'en fit rien, ne ne doit point estre dit receptateur, attendu la nature de receptation, où science est requise et communication (BAYE, I, 1400-1410, 108). ...pour mieulx cognoistre la qualité ou nature de ceste fausse envie, est a aviser de quel chose ne a quel cause elle naist et vient. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 134). ...je voulsisse faire aucun petit traittié de fortune et prenant pié sur son inconstance et deceveuse nature... (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 5). ...comment j'aproprieroye langage a la nature [var. matere ; a la matiere et nature du cas] du cas qui m'estoit revelé (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 7). ...la nature de son cas (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 43). Entre tous les aultres empeschemens impossibilité de habiter charnelement obtient tres grant lieu, car de sa nature et de la constitution de l'eglise il empesche mariage, comme il soit ainsi que tout mariage soit a cause de lignie estre procreé ou cause de incontinence et impossibilité de cohabiter oste l'une et l'aultre cause. (Sacr. mar., c.1477-1481, 76). Qualité et quantité sont de la nature de substance, comme equalité et similitude sont apellees relations, mais substance est comme aux trois personnes. Et la nature des relatifz est d'estre ensemble. (Somme abr., c.1477-1481, 128). Ne par participes puet on declarier Dieu, car ilz sieuvent la nature des noms et des verbes, ne par aultres parties d'orison qui pas sont subjectives ne predicables, c'est a dire qui ne puet estre subject ou predicat. (Somme abr., c.1477-1481, 156). Quant les deux parties sont semblables si elles sont egales en nombre comme .121. et .121. ou .151. et .151. etc., cest signe que tous nombres sont de la nature et propriété a cellui que lon quiert (NIC. CHUQUET, Triparty M., 1484, II, 743).

 

-

[Dans une circonstance particulière, comme occurrence et non comme type] : ...et comment la Court, par bonne deliberacion et pour justes et raisonnables causes, oy le procureur du Roy, veue la nature du procès, avoit receu ledit accord (FAUQ., III, 1431-1435, 63).

 

-

Selon nature. "Par définition" : Et est assavoir que rue semble meisment selon nature estre la voisineté de maisons de ceulz que l'en dit estre nourris d'un lait et qui sunt enfans de uns parens et les enfans de leur enfans. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 47).

 

5.

ASTR. "Ensemble des propriétés attribuables à une planète ou à un signe du zodiaque" : Les estoilles qui sont ens u [l. le] couperon desure dou Mouton sont de le nature Saturne et Mars (Compil. sc. étoiles C., a.1324, 62). ...li astronomiiens si prent le nature des planettes en lor propreté et le singneur du signe de cescun d'iceus et de l'exaltacion et de le triplicité, et les lieus des angles et des desous angles et des maisons caians... (Compil. sc. étoiles C., a.1324, 88).

 

6.

Par nature. "Du fait de ses propriétés" : Et par ce appert il que neis une des vertuz morales n'est en nous de nature ou par nature. (ORESME, E.A., c.1370, 146). Et n'est pas a entendre que toute magnitude ou tout continu soit divisible en la premiere maniere, quar ce est impossible par nature que deviser le ciel aussi comme l'en devise une busche en separant une partie de l'autre. (ORESME, C.M., c.1377, 44). Et quoy que toute personne mortelle soit par nature encline a pechié, se gardera a son pouoir par especial de pechié mortel (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 29). Et ad ce doivent aviser principaulment les dames, car les hommes sont par nature plus courageux et plus chaulx, et le grant desir que ilz ont d'eulx vengier ne leur laisse aviser les perilz ne les maulx qui avenir en peuent. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 35).

C. -

En partic. (La) nature (humaine)

 

1.

"Ce qui est propre à l'espèce humaine, ce qu'elle a d'inné (p. oppos. à la norreture, qui vient de l'éducation)" : ...pour ce que nostre nature n'est pas une chose simple, mais elle est composee d'une chose et avecques ce d'une autre chose qui est corrumpable. (ORESME, E.A., c.1370, 410).

 

-

Nature humaine : ...car ja soit ce que en chascun art ait une propre fin, toutesvoies, pour cause de l'unité de nature humaine, il est une fin commune et derreniere a laquelle chascun homme tent et la doit desirer par raison. C'est bien vivre en felicité. (ORESME, E.A.C., c.1370, 117). Tu trouueras en toy matiere et cause dumilite quant tu penseras la fragilite de nature humaine. Tu trouueras matiere de magnanimite quant tu penseras la dignite de humaine nature. (CIB., p.1451, 196).

 

.

P. méton. Nature (humaine). "Les hommes, l'humanité" : ...la redemption Dont nature humaine est garye. (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 195). La Saincte Escripture dit que c'est estre privee a tousjours sans fin de la vision de Dieu, en tenebres espouentables en la compagnie des horribles deables, anemis de nature humaine (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 21). ...Facin Kan, qui est un grant tirant et meneur de compaignes de gens d'armes ou pays de Lombardie, ennemi de Dieu et de nature humaine (Bouciquaut L., 1409, 383). C'est por rechater [la] nature humaine (Noëls avign. A., a.1450, 364). ...lez maulditz dempnez dyables et ennemiz de nature. (Abuzé D., c.1450-1470, 25).

 

-

Raisonnable nature : O Adonaÿ, quel tempeste Et quel meschief vient de luxure ! Le plus saige en devient beste, Layssent raisonnable nature. (Pass. Auv., 1477, 110).

 

-

De bonne nature. "Raisonnablement" : C'est jugié de bonne nature (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 77).

 

-

En nature. "Raisonnable, bien fondé" : C'est une maxime en nature. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 41).

 

-

Prov. : Nature passe norriture. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 138). [Autre ex. p.214]

 

2.

"Ensemble des traits qui font que l'individu est ce qu'il est"

 

a)

"Ensemble des penchants, des instincts propres à un individu" : Ce dit il pour aucuns qui sont de si perverse nature, ou perverse acoustumance, que il ne pensent en rien de felicité. (ORESME, E.A.C., c.1370, 108). ...[elle] gardoit observance [de son jeûne] en la façon que promis l'avoit, tant estoit loyale et de bonne nature. (C.N.N., c.1456-1467, 577). Par le sang Dieu, c'est la nature De tous ces jeunes coquardeaux (B. veoir, p.1480, 16).

 

-

[Avec le poss.] : Ce gentil conte, de sa bonne et doulce nature estoit et fut tout son temps amoureux. (C.N.N., c.1456-1467, 154). ...pource que je suis de ma nature ["par nature"] et propre coustume honteux, j'ay mieulx amé endurer et seuffrir jusques cy les maulx que j'ay porté que en rien dire a personne (C.N.N., c.1456-1467, 537). C'est bien mon plaisir que vous vous accordez ad ce ou vostre nature vous forcera et contraindra (C.N.N., c.1456-1467, 562). Entre eulx tous, vous en choisirez ung seul, et vous en tiendrez contente et assovye pour faire ce ou vostre nature vous inclinera. (C.N.N., c.1456-1467, 563). Avant son partement me dist que quand il seroit absent, il se tenoit tout seur que ma nature me contraindroit a briser ma continence (C.N.N., c.1456-1467, 573). Si vostre nature est foible, vaincquez la par roiddeur et constance de cueur (C.N.N., c.1456-1467, 577).

 

-

Avoir à nature que. "Avoir pour trait caractéristique de / que" : Avoit de nature que nul n'eust voulu souffrir régner en son lieu (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 330).

 

-

Se remettre à nature. "Redevenir soi-même, retrouver son état naturel" : ...petit a petit son troublé cueur se remist a nature, et pardonna, combien que a grand regret (C.N.N., c.1456-1467, 30). Et, quant ses petis furent eslevez, il se remist a nature tant qu'il fut mieulx que devant. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 182).

 

b)

"Manière d'être d'un individu" : Ce fait, soit [le prince] de douce nature Aux vaincus et aux exilliez (DESCH., M.M., c.1385-1403, 77). ...et à l'heure qu'on luy avoit bandé les yeux, tourna à parler à Dieu en sa grosse naturelle langue bourguinotte, la plus grosse et rude qu'oncques on l'avoit oy, formant ses mots en sa grosse primitive nature (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 263).

 

-

"Goût propre à un individu, tempérament" : ...leur vin (...) Qui point plus que ronse ou espine Et plus vert que nulle verdure Ennemi de toute nature (DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 7).

 

-

De propre nature. "D'une manière qui est propre à qqn" : Je l'ayme de propre nature, Et elle moy, la doulce sade (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 124).

 

c)

"Réalité corporelle d'un individu" : Moult souffrant d'annuy et de povreté estoient les assiégés dedans Meaux (...) ...à peine trouvoient lieu dedans leurs murs pour garantir leurs corps, ny heure de jour, ny de nuyt pour eux reposer leur traveillée nature (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 297).

 

3.

En partic. [Domaine de la sexualité, de la procréation]

 

a)

"Instinct sexuel" : JEHAN. (...) En mon lit dormir pas n'yray Puis qu'i a femme. L'ENNEMI. Est nature en vous si grant dame ? (...) Mais tant vous dy je, folz serez Se pour doubte de tel delit Vous ne gisez en vostre lit, Puis qu'avez de repos besoing (Mir. st J. Paulu, c.1372, 113). Lequel Guilleme fut ingenieulx et moult serf a nature. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 167).

 

-

[À propos d'un animal] : Perdris est vng oysel qui souuent est quis d'oyseaulx de praye pour la bonté de sa char mais est mont luxurieux que pour la challeur de sa luxure s'emtrebatent dessus leurs femelles et en oublient la connoissance de leur nature en telle maniere que les masles gisent ensemble cuidant estre auec leurs femelles. (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 484).

 

.

Accomplir sa nature. "S'accoupler" : Le bouc est vne beste iolye qui tous iours desire luxure et d'acomplir sa nature selon ce que dit Ysodore en son XIIme. liure (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 472).

 

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Estre en nature. "Être en rut" : ...adonc elles [les bestes mues] sont en nature et moult esmues a expeller les superfluitez spermatiques (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 308).

 

-

Chaleur de nature : à un matin, ainsy comme il vouloit mener ses bestes aus champs, tempté de l'ennemi, et par la chaleur de nature qui estoit en lui, print une desdites brebiz par derriere (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 566). ...il, par temptacion de l'ennemi, ala à icelle vache, à laquelle, par l'aide d'une petite haye et fossé qui estoit illec, il ot une fois compaignie charnelle à icelle, et en laquelle il mist son membre en sa nature, et par derriere, pour la très-grant chaleur de nature qu'il avoit en lui. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 566).

 

-

Fait de nature. "Acte sexuel" : ...la cité (...) Ou Amours voult un saint temple sacrer Pour espouser no vierge suer piteuse, Qu'il fist joindre par euvre vertueuse A son doulx filz sanz le fait de nature. (Mir. Theod., 1357, 129). ...Et le tourment qu'ont les mariz Qui sont de leurs femmes haiz, Si tost que ilz laissent la cure D'exercer le fait de nature (DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 12).

 

-

Faute de nature. "Défaut de vitalité sexuelle" : Cestui, comme avoit de constance pour son maistre en lui faisant la revolucion de sa nativité, congnoissant faulte de nature et de challeur naturelle, pour la grande aage qu'il avoit, se aida de la signifficacion des estoilles fixes (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 151 r°).

 

-

Jeu de nature. "Activité amoureuse" : Entre nous deux selon droicture Jouasmes des jeuz de nature. (B. veoir, p.1480, 17).

 

-

Oeuvre de nature. "Acte sexuel" v. oeuvre : Dieu scet qu'a mon corps n'a touchié Au moins pour euvre de nature, Ne li ne autre creature, Ne ne fist onques vraiement Que mon chier seigneur seulement. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 138).

 

-

Peché contre nature. "Sodomie" : La .Ve. [[fille de luxure]] est la pire, si est le pechié contre nature, qui tant desplait a Dieu et est de si grant ordure que selonc ce qu'il se dit, pour le seul parler l'air en pourrit. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 292).

 

b)

P. méton. "Organes de la génération, sexe" : De sa main contre lui couvroit Se honteuse et povre nature. (Dit prunier B., c.1330-1350, 83). Et si tost comme il fu couchié, sondit maistre se traist par devers li qui parle (...). Et touchia tout li qui parle par les cuisses de sa nature (Conf. Jug. Parlem. Paris L.L., 1333, 82). Le .IIIe. jour li fist bouter [à la duchesse violée] .I. peel parmi la nature et jusques parmi la bouche (FERRON, Jeu eschaz mor. C., 1347, 178). [Même texte ds Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 52] ...en cul et es natures desous. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 197). Et lui, retourné par temptacion d'ennemi, la print et la coucha sur une table et lui mist la main à sa nature (Ch. VI, D., t.2, 1410, 220). Icy [Adam et Ève] assemblent des fueilles de figuier et en couvrent leurs natures. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 19). ...elle print vng coutteaul et se fendit le corps tout ens depuis sa nature jusques a sa poitrine (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 44). Lors le sot estourdy [nouvellement marié] luy demanda (...) se elle avoit deux natures (TARDIF, Facéties Pogge M., c.1490, 21).

 

-

[À propos d'une femelle] : ...si li fetes bien ouvrir la nature [d'une chienne] aux doiz (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 122). ...il, par temptacion de l'ennemi, ala à icelle vache, à laquelle, par l'aide d'une petite haye et fossé qui estoit illec, il ot une fois compaignie charnelle à icelle, et en laquelle il mist son membre en sa nature, et par derriere, pour la très-grant chaleur de nature qu'il avoit en lui. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 566). Quant la chiene ne peult chiener, le remede est : (...) pouldroye ung peu la cher que luy donneras de hellebore noir, et trempe en vin temperé d'eau cendre passée, et metz sur la nature d'elle. (TARDIF, Art faulconn. J., t.2, 1492, 9).

 

.

[À propos d'un sanglier] : ...troiz levriers (...) Qui le cenglier aux naches [var. natures] prindrent (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 421).

 

.

"Ventre (d'un dauphin)" : Et quant ilz sont bien iennes [les jeunes dauphins] il les acueillent dedens leur gorge pour mieulx garder et viuent bien XXX. ans selon ce que les mariniers dient et a sa bouche en bas plus pres de sa nature que n'ont aultres poissons (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 493).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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