C.N.R.S.
 
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     DÉVOYER     
FEW XIV via
DESVOYER, verbe
[T-L : desvoiier1 ; GD : desvoier1 ; GDC : desvoier ; AND : desveier ; DÉCT : desvoiier ; FEW XIV, 374a : via ; TLF : VII, 133b : dévoyer]

I. -

Empl. trans.

A. -

Au propre

 

1.

"Écarter qqn de la voie qu'il a prise"

 

-

"Écarter qqn (de quelque part)" : On vous doit bien, vierge, loer, Quant pour nous d'enfer desvoier Dieu se fist en vous homme (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 77).

 

-

"Écarter qqn (de qqn)" : A l'onneur, amour et reverence de vous, monseigneur Loÿs de Luxembourg (...) mon hospital, mon reffuge et de tous les nobles sans reproeuche desvoyés [on peut comprendre : "moi qui suis de tous les nobles écarté"] (LA SALE, Sale D., 1451, 1).

 

2.

"Détourner qqn ou qqc. de la droite voie, du bon chemin" : Belle Hero au gent atour Ot en sa maison une tour Ou toutes les nuis l'atendoit, Et un sierge ardant la tendoit, Auquel Leandus se ravoie Souvent, quant la mer le desvoie. (MACH., J. R. Nav., 1349, 249). Et y eut, si com je fui adonc enfourmés, par tempeste de mer, douze nefs peries et desvoiies, et les aultres retournèrent à Bervich. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 155).

B. -

Au fig.

 

1.

Desvoyer qqc. "Écarter qqc." : ...Affin que leur erreur s'efface Et que leur emprise on desvoye. (LA VIGNE, S.M., 1496, 442).

 

2.

"Mettre qqn ou qqc. hors de la droite voie, du bon chemin, détourner qqn ou qqc." : "Nous volons avoir compte dou grant tresor de Flandres que vous avés desvoiié sans nul title de raison." (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 101). C'est le vice qui tout desvoie. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 101). ...seront tous vous barons desvoyés (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 426). En son livre, non trop prolice, Ou parle de l'Apocalipse, Dit cil meismes que or est matiere De labour et de paine entiere, Peril du possesseur et voie Qui les vertus toutes desvoie, Et que or est mal seigneur a gent, Et qu'il est un traitre sergent. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 208). Et avec ces choses, pour ce que joennece nourrie en delices et aises aucunes fois puet de legier estre encline a trop grant gayeté de courage, laquelle gaieté pourroit desvoier la joenne personne qui n'a point de malice de ce garder, convient par especial mettre frain de longue main, si que ja est touchié cy devant, ains que l'inconvenient aviengne. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 96). ...le devision de l'églisse agensie, Qui avoit par errour et par simonnie Estet mout longement au siècle desvoïe, Fu par ces nobles prinches vaillanment radrecie, Tant que par vraie amour et par exscuse ounie Furent trestout d'acort le roi et la clergie (...) C'on envoiroit clers par deviers Rommenie, Et, par élecquesion de vois peupelye, Feront ung ciertain pape qui ara le mestrie De dominer au monde, sans mal et sans envie, Pour le sisme effachier d'orguel et de boidie (Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 358). ...je ne suis point venu en ce paÿs pour desvoier damoyselles (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 16).

 

-

Desvoyer la voie de. "Détourner la voie de" : Pour ce mesprendroie, S'en mon lay disoie Que j'oie De joie, Ou se de samblant joieus Faire le voloie, Qu'Amours qui me loie Desvoie La voie Des biens dont sui familleus. (MACH., Les lays, 1377, 322).

 

3.

"Égarer, troubler, bouleverser qqn, l'agiter (psychiquement)" : ...long de vous tout m'anoie Et desvoie Mon cuer et tient en irour. Dont pour vostre amour morroie, Se j'estoie Longuement en telle ardour. (MACH., Ch. bal., 1377, 602). Un souvenir qui dolereusement Est engendrés pour ma desconfiture. Cil souvenirs me ramentoit souvent Le dous viaire et la maniere coie Dont je ne puis attraire aligement. Helas ! dolans, c'est ce qui me desvoie Et qui me fait dou tout desconforter (MACH., L. dames, 1377, 58). Helas ! einsi languiray Tous seus, sans cuer et sans joie, Et en doubtance seray De vous qu'oubliés ne soie. Las ! c'est ce qui me desvoie Et qui durement empire Ma dolour et mon martyre. (MACH., L. dames, 1377, 105). Et si n'ay je mie matiere De moult grant joie demener, Car l'onnour que je tant compere M'estuet perdre et mort endurer ; C'est ce qui mon cuer desvoie. Mais bons cuers, pour riens qu'il voie, Ne se doit desconforter ; Pour ce fain je d'estre en joie, Et si langui pour amer. (MACH., L. dames, 1377, 124). Et ce disoit elle sur son cueur, mais c'estoit pour desvoier les parlans. (Ponthus Sidoine C., c.1400, 23).

 

-

Estre desvoyé de son entendement. "Avoir perdu l'entendement" : ...ou je suis desvoyé de mon entendement (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 209).

II. -

Empl. intrans. ou pronom.

A. -

Au propre

 

1.

"Se détourner de son chemin, s'égarer" : Et quant il l'apparceut, fist semblant de soy desvoier et prendre autre chemin. (LA SALE, J.S., 1456, 61).

 

Rem. Consol. Boèce C., c.1350, gloss.

 

-

Se desvoyer de. "Se détourner de" : Mais loing et prés tous ceulz qui l'oient [Polyphème] De son encontre se desvoient. (MACH., Voir, 1364, 622).

 

.

[Dans un cont. métaph.] : Mais une chose trop m'arguë, Qu'entre gent, partout et en rue, Quant vous dites : "Venés a mi", Vous m'appellez vo doulz ami Et volés bien que chascuns sache Que vous m'amés ; dont je me cache, Quant ensement parler vous voi, Que de vo voie me desvoi : Uns bien d'amours couvertement Donnés vault .C. ouvertement. (MACH., Voir, 1364, 254).

 

-

Part. passé en empl. adj. "Qui est à l'écart (de la voie ordinaire, de la voie ordinairement pratiquée)" : ...ce chemin va tout droit au chastel desvoyé (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 206).

 

2.

"S'écarter de la droite voie, du bon chemin" : Aler vueil encor ceste voie, Si ne sçay je se je desvoy. (Mir. st J. Paulu, c.1372, 107). L'estoile est qui puet adrecier Les desvoiés et ravoier ; Helas ! or me fait desvoier. C'est la fontainne douce et clere Qui puet dou tout assasier L'ardant soif de mon desirier Et tous mes griés maus alegier ; Mais trop m'en est Amours avere. (MACH., Les lays, 1377, 378). O quans en sont et perilz et noyés (...) qui l'aguille de leur boiste n'avoient pas touchie a la Pierre d'aymant, a la Vierge Marie, de ceste vertueuse Estoille tremontane doulcement ravoyans les maronniers desvoyans. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 321). Pour ce, volt toute creature, Par le grant Deluge noyer, Car trop les veoit desvoyer (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 140). Depuis les precedentes euvangiles est avenu que un homme et sa femme aloient de Lille a La Bassee, et environ Fournes les surprint la nuit moult obscure, et assez tost aprés ilz se desvoyerent par ce que a leur avis, tousjours veoient loing d'eulx une chandeille. Si sieuvirent icelle jusques au prez du jour qu'ilz s'apperceurent estre retournez ou lieu ou la nuit les avoit pris. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 141). Messeigneurs, on m'a adverti Que les François si sont en voye Et que des Anglois ont ouy Des nouvelles pour chose vraye. Adfin que l'oust ne se devoye, A La Hire convient mander Qu'i n'y touche par quelque voye, Et qu'i vueille l'armee tarder. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 334).

 

-

[Dans un cont. métaph.] : Estoile clere qui ravoie Les cuers desvoiez a droit port (MACH., R. Fort., c.1341, 84). ...il desvoie comme aveugle et ist hors tant de la purté de la foy comme de la sente de raison. (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 155).

 

-

Part. passé en empl. subst. : L'estoile est qui puet adrecier Les desvoiés et ravoier (MACH., Les lays, 1377, 378).

B. -

Au fig.

 

1.

[De choses] "S'écarter (de la voie ordinaire, de sa condition naturelle)" : Et s'il t'eust baillé de fait par luy mesmez ce qu'il mist en ton povoir d'aquerir par ton industrie, tu ne fussez pas si parfaictement creé que tu es. Car les bestes et lez plantes ont l'estat de leur estre et perfection ordonnee de nature, laquelle ilz suyvent sans devoier par statut necessaire, et tu as en ta franchise et en ton povoir le conduit de ta vie, et l'election de ton bien ou de ton mal. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 151).

 

2.

[D'une pers., d'un aspect de la pers.]

 

a)

"S'écarter de la droite voie" : Quant par ce se sent refusez, Pas ne se tient pour abusez De son droit ; car il voit la voie Qui droit le conduit et avoie, Si qu'il ne se puet desvoier, De li doucement reprier Par Amours, de tous biens habonde, Une fois qu'on dit la seconde Qui vient après la fois premiere. (MACH., D. Aler., a.1349, 305). Je preng tres bien en pacïence Che que Dieu me veult envoyer : La persone n'a pas scïence Que pour mort se veult desvoyer. (Mors de la pomme, 1400-1450, 60).

 

-

(Se) desvoyer de. "S'écarter de" : ...et follement errent et desvoient de la sente d'equité et de justice. (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 407).

 

-

(Se) desvoyer à/de + inf. "(Se) détourner de" : Se le justicier aperçoit que les jugeurs desvoient à faire jugement par ignorance ou par malice, jasoit ce que touz s'i consentent, il doit delaier son jugement et avoir conseil devant (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 108). ...envers vous je ne feray enchantement nul qui vous puist desvoier de vostre propre voulenté faire. (Percef. I, R., t.1, c.1450 [c.1340], 232). Et que poinct tu ne te desvoye De demander ce que voulras, Car, en effect, mais qu'il te voye, Fera ce que demanderas. (LA VIGNE, S.M., 1496, 505).

 

-

Part. passé en empl. adj. "Détourné du droit chemin, dévoyé" : Vous faites moult pou de services Au bas monde, a ce que je voy, Quant il est ore en tel desvoy Qu'a paine sera ravoié : Tant est infect et desvoié. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 129).

 

-

Inf. subst. : Rien n'y vauldra le desvoier ; On ne pourra rien renoier. (Myst. st Clément Metz D., p.1439, 567).

 

b)

En partic. "S'égarer moralement, s'écarter du droit chemin" : Sains Pierres tant se desvoya Que par trois fois Dieu renoya (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 132). Mon oncle, qui tant desvoya Que mon pére occist, et noya Ma mére pour le regne avoir (Mir. Clov., c.1381, 231). Qui voeult que son mari point ne se desvoie vers autres femmes, si face par trois lundis chanter messe de sainte Avoie. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 121).

 

-

Part. passé en empl. adj. "Moralement égaré, dévergondé" : ...il luy print volunté de soy marier ; si le fut, et a la plus devoiée femme qui fust (C.N.N., c.1456-1467, 489). Quand elle vit qu'il la fuyoit ainsi, et qu'elle n'avoit a qui tencer ne monstrer sa devoiée maniere, elle se mist en la queste de luy (C.N.N., c.1456-1467, 489).

 

-

Part. passé en empl. subst. : Mére Dieu, royne de gloire, Qui les desvoiez ravoiez (Mir. ste Bauth., c.1376, 137). Dieu qui tous temps les desvoyez avoye Et qui secours doulcement leur envoye (LA VIGNE, S.M., 1496, 348).

 

c)

"S'égarer, se troubler (psychiquement)" : ...si est l'opinion des hommes de petite consideracion et de petit sens et qui desvoient et s'esgarent aus grans choses (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 347). Car tant desir vostre corps gracieus, Vo dous viaire et vo maniere coie Et vos regart plaisant et savoureus à reveoir que mes scens se desvoie Par force de grant desir, Ne de mon cuer ne puet dolour partir, Einsois y tient si longuement sejour Que pour vous sui de morir en paour. (MACH., L. dames, 1377, 134).

 

-

"S'égarer, devenir fou, perdre la raison" : Vostre niez Espaigne en perdy (...) Et de dueil si se desvoya C'on ne scet ou il s'avoya (Mir. Oton, c.1370, 377). Et puis qu'il ne vous plaist que j'oie Solas et joie Qui me resjoie, Ne que je joie De nul bien, ains y estes joieuse Quant pour vous si fort me desvoie Que je m'avoie De mort en voie, Bien me plaist, dame savoureuse (MACH., Les lays, 1377, 291). Si m'en desvoy, Car plus le desir, moins le voy, Quoy que de cuer lui faiz convoy Et mes pensees lui envoy. (CHART., L. Dames, 1416, 251). Ha ! Leauté c'on ne puet trop loër, comment poëz tu veoir ceste dolente dame soy degaster et baignier en larmez et pourquoy ne reprens tu aigrement celuy quy sans raison ainsi se desvoye et auquel j'ay fait tout le plaisir c'on porroit faire a homme vivant (Comte Artois S., c.1453-1467, 116).

 

Rem. Jourd. Blaye alex. M., a.1455, gloss.

 

-

Part. passé en empl. adj. "En mauvais point, troublé" : Lors m'acola, Maiz le mal gueres n'affola Son cuer qui bien loing s'en vola. Ainsi de moy se rigola, Qui effraiee Fuz pour lui, triste et esmaiee, Plaine de päour, desvoiee ; Et së il m'eust veü noiee, Ne l'eust chalu. Or fuÿt quant ferir falu ; L'amour de moy riens n'y valu Et son honneur fut nonchalu. (CHART., L. Dames, 1416, 288). ...pour la joye qu'elle eut de ce que son mary n'estoit point si mal ne si desvoyé qu'elle esperoit (...), elle s'en alla querir ses enfans [Le mari a feint d'être malade] (C.N.N., c.1456-1467, 367).

 

Rem. Percef. I, R., c.1450 [c.1340], gloss.

 

-

Desvoyé de sens/d'entendement... : Aussi fui com tous desvoiez De scens, de memoire et de force Et de toute autre vigour. Pour ce Estoie je cheüs en transe Aussi com cils qui voit et pense Sa mort devant li toute preste. (MACH., R. Fort., c.1341, 54). Quant tout le sens de lui perdi Pour le mal qu'a lui s'aërdi, Qui dou tout le deshonnoura, Plus perdi, meins li demoura. Vous dites que mal ne sentoit, Pour ce que desvoiez estoit De maniere et d'entendement ; Mais il est bien tout autrement : Car avant que homs son sens perde, Ne que forsens a lui s'aërde, Le prent et seurprent maladie Qui le trait a forcenerie. (MACH., J. R. Nav., 1349, 227).

 

-

Part. passé en empl. subst. "Fou, insensé" : Sus ! avant ! valetons. En debvoir nous mettons, Tant qu'il soit definé. Frapez fort a tastons, Roullons et combatons Dessus ce desvoyé. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 232).

 

d)

En partic. "Faire fausse route, se tromper" : Las ! Trop fort m'ennoie Que bannie en soie, Et qu'el se desvoie Du tout et forvoie (CHART., L. Paix, a.1426, 415). L'autre doubte [à la cour] est la paour qu'on a de mesprendre. Car, à faire diverses choses et à complaire aux seigneurs, il y a bien manière de y tenir le moyen ; et est plus aisé de desvoyer que de tenir le droit chemin ; et advient souvent que, par cuider complaire, on desplait. (BUEIL, I, 1461-1466, 48).

V. aussi dévier1
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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