C.N.R.S.
 
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     TENIR     
FEW XIII-1 209a tenere
TENIR, verbe
[T-L : tenir1 ; GDC : tenir ; DÉCT : tenir ; FEW XIII-1, 209a : tenere ; TLF : XVI, 73b : tenir]

I. -

Empl. trans. dir. [Le sujet grammatical est un agent]

A. -

Au propre [Idée de maintien dans les mains, les bras...] "Maintenir qqc. avec soi, le garder (à la main, dans les bras... [d'où une idée de stabilité de l'objet, de dépendance par rapport au sujet]), pour en disposer [d'où une idée de maîtrise, de domination exercée par le sujet]"

 

1.

Qqn tient qqc.

 

a)

"Maintenir qqc. (en main)" : ...je n'ay pié qui me soustiengne, Ains me fault tenir deux eschaces Et mon corps trainer (Mir. st Panth., 1364, 330). Bremons une hache tenoit (MACH., P. Alex., p.1369, 73). Et tenoient grans lons leviers et gros de chene, que il avoient pris chiés un archier qui demoroit en celle rue. (FROISS., Chron. D., p.1400, 118). Femme, que par cy voy passer, Vuilléz ung peu vers moy venir. Ce drap me preste ung peu tenir, Mon visaige en tourcheray. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 206). ...entre bras en ceste plasse Nous tenons le corps de celluy Que pour nous a souffert enuy Et en celle croix mort onteuse. (Pass. Auv., 1477, 243).

 

-

Tenir qqc. à la main / en sa main : ...l'ardant sierge en sa main tint (MACH., J. R. Nav., 1349, 250). ...et, pour ce, descendi hastivement de la chambre où il estoit logez, tenant un badelaire nu en sa main. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 83). ...Griseldis tenant un balay en sa main (Gris., 1395, 91). Tenés vostre lance a la main (Pass. Auv., 1477, 230).

 

.

[P. méton.] La main tient qqc. : ...son espee tenue courte a ses deux mains (LA SALE, J.S., 1456, 184).

 

.

Au fig. Tenir la main / les mains à qqc. "Aider, favoriser qqc." : ...le duc dessusdit escripvoit que la Court tenist les mains à la besoigne devers le Roy (BAYE, I, 1400-1410, 182). Et pour ce la Court supplie à mondit seigneur le Dauphin et auxdiz autres seigneurs qu'ilz tiegnent la main à la justice (BAYE, II, 1411-1417, 42). ...que à ceste chose ycelle Court voulsist tenir la main (FAUQ., I, 1417-1420, 172). ...lui priant que il y voulsist tenir la main. (LA SALE, J.S., 1456, 247).

 

.

Tenir la main à faire qqc. "Faire effort pour, s'appliquer à" : ...afin que la Court, concordablement, voulsist tenir la main à soubstenir et entretenir les ordonnances et arrests dessusdis (FAUQ., I, 1417-1420, 266). ...et que ycelle Court voulsist tenir la main à entretenir lesdictes ordonnances (FAUQ., I, 1417-1420, 271).

 

.

Tenir la main que. "Faire en sorte que" : Audit duc de Lorraine promectoit tenir la main que ce siège ne s'avanceroit point (COMM., II, 1489-1491, 136).

 

-

Tenir qqc. au poing / en sa paume / en son bras / en son sac... : ...ce cuir de cerf que je tiens en mon sac (ARRAS, c.1392-1393, 33). ...Regnault de Lusignen (...) tenoit un gros baston ou poing (ARRAS, c.1392-1393, 174). Un anel tenoit en sa paume (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 43). ...le deslyer du bracelet que en son bras senestre il tient. (LA SALE, J.S. E., 1456, 108).

 

-

Tenir qqc. + adv. de manière/Tenir qqc. qq. part : ...monseigneur ; tenez aussi ce buleteau, dit elle, sur vostre teste, vous semblerez tout a bon escient estre une femme. (C.N.N., c.1456-1467, 119). Veille tost ces voirres saisir, Tiens les bien, car si tu les casses, A l'oste feras desplaisir. (LA VIGNE, S.M., 1496, 206).

 

-

Au fig. Tenir le dé. "Être le premier (comme est le premier à jouer celui qui tient le dé en main)" : Et les monnieurs le dé tenront. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 541).

 

-

Tenir le gouvernail : ...chil qui tenoient le gouvrenail de sa nef (FROISS., Chron. D., p.1400, 887).

 

-

[D'un animal] : L'aigle, qui l'entraille a tenue, En l'ost des Grieux l'a devoree (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 156).

 

b)

[À l'impér., pour présenter qqc.] : LE FILZ. (...) Faites moy voie, je vous pry : Chascun en arez deux ; tenez. PREMIER SERGENT D'ARMES. Il [les florins] sont bon, mon ami : passez. (Mir. enf. diable, c.1339, 31). NOSTRE DAME. Elle ne vault mie une poire. Baillez la ça, si la verrons. SECOND DYABLE. Dame, voulentiers le ferons. Tenez : regardez la par tout. (Mir. enf. diable, c.1339, 48). Retenez ce que je vous rue, Tenez, des dons de ceste rue. (Mir. parr., 1356, 16). Elle, voyant que la force n'estoit pas sienne, se desarma et de sa robe et de sa cotte simple, et demoura en chemise : "Tenez, dit elle, fays je bien ce qu'il vous plaist ?..." [Le mari exige de sa femme qu'elle lui remette tous ses habits] (C.N.N., c.1456-1467, 420). Tenés le livre, mes amis (Pass. Auv., 1477, 116). C'est tien pour tien. (Coust. Esop. T., c.1500, 184).

 

-

Empl. subst. prov. : J'aymeroye, pour le cueur mien, Mieulx que deux tu l'aras, ung tien (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 512). On dit que trop mieulx vault ung tien Que ne font deux foiz tu l'aras ! (Myst. Résurr. Angers S., 1456, 289). Tant vault «tien» que chose promise (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 53). J'aymeroye, par Dieu, mieulx ung tien La moitié que deux tu l'avras. (Menus propos P., 1461, 69). Tant vault tien que chose promise (Prisonn. desconf. C., c.1488-1489, 14).

 

-

[À l'impér., accompagnant un coup] : Or tien, Jhesus, prent ces deux noix Et ceste figue mal rostie ! (Pass. Auv., 1477, 189). Reçoy se coup dessus ta hanche Et cest aultre dessus la pance. Tien sur le dos ! tien sur la longne ! (...) Tien ce coup cy sur la fourcelle ! (Myst. st Laur. S.W., 1499, 224).

 

.

Empl. subst. "Coup" : Hen ! Pierre, je soye deffais Se vous n'avez .I. tien sans mouffle. En le frapant : Mais resgardez de cest escouffle, Comme il nous veult prendre a sez griz. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 141).

 

-

P. ext. [Pour attirer l'attention de l'interlocuteur, à qui on prétend présenter qqc.] : Tenez, regardez ma poitrine : G'y ay mamelle conme fame (Mir. Oton, c.1370, 386). Tenez, Uriien, ne refusez la requeste que je vous fay. (ARRAS, c.1392-1393, 120). ...lors se tourne vers son lit et leve la couverture et leur monstre et la mere et l'enfant. "Tenez, dit il, veez la vache et le veau : suis je pas bien party ?" (C.N.N., c.1456-1467, 200). Tenez, regardez, esse rien ? (Sots triumph., c.1475, 42). Or tenés, maulditz et felons ; Alés tost (Pass. Auv., 1477, 94). Et si aultrement pencïez, Tenez, regardez se je mens : Il luy monstre de l'avayne en ung crible. (LA VIGNE, S.M., 1496, 201).

 

c)

"Détenir qqc." : ...il se rapporte en ce que ledit Gieffroy Olivier dira sur ce que l'en accuse il qui parle de tenir, au temps dudit debat, cousteau, baton, hache ou harnois quelconques (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 408).

 

-

Au fig. Tenir un livre. "Mettre en bonne place" : Phillo, le disert philosophe, duquel les livres sont tenuz de l'Eglise, fut en ce temps moult renommé pour la science des estoilles. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 75 r°).

 

2.

Qqn tient un animal

 

a)

Tenir un oiseau de proie (sur le poing) : Car je me pris a avancier Dou gent esprivier mettre a plain. Et quant je le parvi de plain Et seur mon poing le pos tenir, Je congnus a son maintenir, Au plumage et a sa façon, Qu' il seroit de bonne duiçon, Car tout trés bien li avenoit. (MACH., D. Aler., a.1349, 275). Car j'y vi des oiseaus faitis, Grans et moiens et de petis, Trés tous gentis oiseaus de proie -- Et c'estoit ce que je queroie -- Et s'oy tenir parlement Moult bel et assentiement, Comment on les devoit tenir, Porter, garder et maintenir, Et norriture admenistrer (MACH., D. Aler., a.1349, 293). ...fors un gerfaut que souvent tint Seur son poing (MACH., P. Alex., p.1369, 46).

 

b)

Tenir un animal en laisse : Si venismes sus un buisson, La trouvames un compagnon, En laisse tenoit trois levriers. (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 62). L'ung tient un prisonnier par la main ; l'autre tient un cheval en leisse (BUEIL, I, 1461-1466, 145).

 

3.

Qqn tient qqn (par la main / dans les bras...)

 

a)

Au propre : Or est la nuittie venue Qu'il me devoit en ses braz nue Ennuit toute la nuit tenir Pour sa volenté acomplir. (Mir. femme roy Port., c.1342, 174). Adont se leva Attemprance Qui tenoit par la main Souffrance. (MACH., J. R. Nav., 1349, 198). En l'eure les verrez venir, Et chascun son prison tenir Et amener. (Mir. Amis, c.1365, 12). Dya ! je ne sui murdrier ne lierre, Seigneurs : menez me doulcement, Sanz moy tenir si lourdement (Mir. st Val., c.1367, 154). ...si comme Phalaris, qui tenoit un enfant et avoit concupiscence de le mangier et concupiscence de abuser en par delectacion de luxure inconveniente. (ORESME, E.A., c.1370, 382). Gardez, celui la bien tenez, Et gardez qu'il ne vous eschappe ; Je tenray cestui par la chappe, Et le menray a mon seigneur. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 233). Alors ladite Marion, qui tenoit un sien enffant entre ses bras, le baillia à elle qui parle (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 282). Quant Guyon oït ceste nouvelle, si a dit a la pucelle que il tenoit par la main : ... (ARRAS, c.1392-1393, 127). Alors lui, moy tenant par la main, nous agenouillasmes, et tous les autres aussi (LA SALE, J.S., 1456, 102). ...l'ermite, qui par la main la tient, en sa chapelle [la] convoye (C.N.N., c.1456-1467, 103). Après le soupper, la compaignie s'en alla a l'esbat ; le chevalier estrangier tenant madame par le braz, et aucuns aultres gentilz hommes tenans le surplus des damoiselles de leens. (C.N.N., c.1456-1467, 249). ...le mary entra le premier, et vit que monseigneur le curé tenoit sa femme entre ses braz (C.N.N., c.1456-1467, 494). Jehan, tien le bien. (Pass. Auv., 1477, 158).

 

-

Tenir la main à qqn : Si vous prie, messeigneurs, que chacun tienne la main a ce ribauld qu'il ne nous eschappe, car il est fort et roidde. (C.N.N., c.1456-1467, 383). [Ici, sens propre et fig.] Sirus, tenons ceste [main] cenestre, Et vous, trestous, alés es piés ; Vous de la destre ; sus, frapés ; Faictes qu'elle n'eschape pas. (Pass. Auv., 1477, 197). Or frape, donc, Maliferas, Et je luy tiendrey bien la main. (Pass. Auv., 1477, 197).

 

-

[P. méton. du sujet (de la main)] : Le [prieur], doubtant le cousteau et la main perilleuse qui le tenoit, ne sçet que dire. (C.N.N., c.1456-1467, 61).

 

-

Tenir qqn par les cheveux. "Saisir qqn par les cheveux" : ...icellui barbier la tenoit moult fort par lesdiz cheveulx, dont il la bleçoit moult (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 510).

 

-

[Cont. métaph.] : Si estoit l'autre en la pensee, Qui la tint entrelacee (CHART., L. Dames, 1416, 240).

 

b)

Au fig.

 

-

Tenir qqn par la main. "Guider qqn" : N'a el le roy mené au sacre, Que tousjours tenoit par la main ? (CHR. PIZ., J. d'Arc, 1429, 37).

 

-

Tenir la main à ce que + subj. "Veiller soigneusement à ce que" : ...si vous prie que ad ce tenez la main que je n'aye cause d'en trouver aucune matere de jalousie. (C.N.N., c.1456-1467, 95).

 

-

Tenir Dieu par les pieds. "Être au septième ciel" : La veille, de joye esprise, cuidant Dieu tenir par les piez, [se] leve de haulte heure (C.N.N., c.1456-1467, 101).

 

c)

En partic. [En vue d'un sacrement]

 

-

Tenir (un enfant) sur fonts. "Tenir un enfant sur les fonts baptismaux ; être parrain ou marraine d'un enfant" : ...et le tindrent sur les fons Rolant et Olivier et ot nom cel enfant Olivier (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 11). ...[le chevalier] fut requis d'ung son subject demourant en sa ville mesme d'estre parrain de tenir sur fons son enfant (C.N.N., c.1456-1467, 426). Item se l'enfant de ta femme qu'elle a engendré d'aultre espeux, aucune femme a levé de fons ou aura tenu au sacrement de confirmation devant l'evesque, celle femme est la commere de ta femme et non la tienne. (Sacr. mar., c.1477-1481, 58). Car par la main le roy tantost le print Et sur les fons humaynement le tint (LA VIGNE, V.N., p.1495, 243).

 

.

Tenir un enfant : Bien devez faire grant joye Comme le roy se resjoye De votre fruit a venir, Lequel il voudra tenir (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 21). ...trente paulmes de damas, que le roy lui a fait délivrer pour donner à sa commère Ellyonne Boucquine, pour ce qu'elle a tenu son enfant, en Avignon (Comptes roi René A., t.2, 1478, 92).

 

.

[Équivoque grivoise] Tenir une femme sur fonts : Noz mignons Vont quelque bourgoise hanter, Et la tiennent si bien sur fons Qu'ilz parviennent a habiter. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 239).

 

4.

Qqc. tient qqc. "Maintenir qqc., l'empêcher de tomber" : ...les chainnes qui le pont portoient et tenoient (FROISS., Chron. D., p.1400, 667). Mon ame est tant lasse de vivre Et tient mon corps a si grant charge Qu'il convient qu'elle s'en descharge. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 290). Vostre tissu ne tient il pas Ensemble vostre abillement ? (Droit actour dames M., a.1466, 490).

 

-

"Maintenir (en état)" : ...et ung pou de saffran soullement pour tenir la couleur des moyous des oefs (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 184).

B. -

P. anal. [Idée de possession, de domination (du sujet, exercée par le sujet)]

 

1.

Qqn tient qqc.

 

a)

"Posséder, détenir qqc., disposer de qqc." : PREMIER CHANOYNE. Certes, et je ne vueil jamais Tenir en eglise provende (Mir. ev. arced., c.1341, 140). ...celui preudoms (...) Ordena qui ses heritages Vouldroit possesser ne tenir Ces lampes devroit soustenir. (Mir. pape, 1346, 358). ALEXIS. (...) pour l'amour du roy celestre Vueil je si povre devenir Qu'avoir ne vueil riens ne tenir Oultre ma vie, et quant j'aray Riens oultre, pour Dieu le donray (Mir. st Alexis, 1382, 332). ...et on vous demande ce que ne tenez ne possidés, ne n'aurez jour de vostre vie, comme il est a croirre et presumer. (JUV. URS., Loquar, 1440, 400).

 

-

Part. prés. en empl. subst. "Celui qui possède beaucoup, qui est avare" : Et ceuls que nous appellons tenans ou espargnans ou avers ou chetifz ou semblablement, tous telz deffaillent en donacion. (ORESME, E.A., c.1370, 239).

 

-

Tenir de qqc. "Disposer de qqc." : Que vous vauldroit a tenir de ce long long prologue ? (ARRAS, c.1392-1393, 123).

 

-

Tenir une somme d'argent de qqc. "Obtenir une somme en échange de qqc." : La fu li queins de Tanquarville, Qui ne voulsist pas tenir mille Petis florins de celi vol (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 442).

 

.

Tenir grand chose de qqc. "Être grandement redevable de cette chose" : Or loé soit Dieu, dist de rechef l'espousé, de ce change ! Je n'en voulsisse pas tenir grand chose que Dieu vous a envoyée a moy, et je vous promet par ma foy de vous tenir bonne compaignie. (C.N.N., c.1456-1467, 340). [L'interprétation de cette phrase n'est pas évidente : à la suite d'une confusion, le curé a marié un vieillard à une jeune fille qui voudrait retrouver le jeune fiancé qu'elle devait épouser. Le vieillard refuse, feignant ironiquement de voir là un don de Dieu auquel il témoignera sa reconnaissance en traitant bien sa jeune épousée]

 

b)

Tenir qqc. de qqn. "Posséder qqc., disposer de qqc. par qqn" : De Jhesu Crist nous tenons la patenostre (Mir. fille roy, c.1379, 5). ...je ne suis pas celle qui vous vouldroye en maniere du monde desobeir, voire sans la promesse que j'aroie faicte a Dieu mon createur, de qui je tiens plus que de vous. (C.N.N., c.1456-1467, 170).

 

-

Tenir qqc. de Dieu. "Attribuer à la faveur divine ce dont on bénéficie" : ...Saintré, comme bon chrestien et qui tenoit de Dieu ses honneurs et ses aides, (...) a Dieu et a Nostre Dame fait devotement ses prieres et oblacions (LA SALE, J.S., 1456, 105).

 

-

En partic. [Du vassal] Tenir un fief de qqn (du suzerain) : Le vassal qui ne recognoit le fief tenir de son seigneur le doit perdre et en doit estre privé. (Songe verg. S., t.2, 1378, 57). A ceste parole respondi li rois et dist : " Contes, vous en dittes assés, mais je vous conmande sur qanq que vous tenés de nous, ne que tenir en poés ne devés, que vous ne vos departés de la chité de Paris jusques a .XV.. jours..." (FROISS., Chron. D., p.1400, 485).

 

.

[P. plaisant.] : Mon seigneur n'est ne mon evesque, Soubz luy ne tiens s'il n'est en friche ["si ce n'est des terres incultes"] (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 24).

 

c)

"Exercer le pouvoir sur" : ...pluseurs chasteaux, villez et fortessez (...) proufitablez de tenir (Mand. Ch. V, D., 1369, 325). ...il estoit bien dignes de tenir un grant pays. (ARRAS, c.1392-1393, 67). Ces deux princes sont bien tailliez de conquerir et tenir terre. (ARRAS, c.1392-1393, 187). Et sachiez qu'il tient moult belle terre et moult noble (ARRAS, c.1392-1393, 276). Et couroit secree renonmee que li rois, par ses mesusances et folies, n'estoit point dignes de tenir terre (FROISS., Chron. D., p.1400, 55). Mitridatés, qui tant de villes Tenoit (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 260).

 

Rem. Empl. abs., doc. 1440, ds G. Dupont-Ferrier, Etudes sur les institutions financières de la France à la fin du Moyen Âge, 1932, t.2, 252, n.731.

 

-

Tenir le resne de : Touteffois il tint le resne après le deluge IIIIcXVII ans, et après Belus regna Nynus, qui par force tint le resne et puis espousa Semiramis, royne courageuse. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 16 v°). ...pour ce qu'il fut incité de Dieu pour abaisser l'orgueil des Juifz en Babillonie, dont il tenoit le resne. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 44 r°).

 

-

Tenir le royaume : LE ROY. (...) je vueil, Biau filz, crestien devenir, Ne jamais je ne vueil tenir Ce royaume, mais le vous quitte (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 298). Bellus, filz Assur, tint le royaume, dit Fricons, jaçoit ce que maistre Perre de Troye dit qu'il fut filz Nembroth. Touteffois il tint le resne après le deluge IIIIcXVII ans, et après Belus regna Nynus, qui par force tint le resne et puis espousa Semiramis, royne courageuse. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 16 v°).

 

.

En partic. [Le compl. d'obj. désigne le royaume de Dieu] : Jhesus, saulveur de bonté plain, Je te pry, bonté souveraine, Que, quant tu tiendras a ta main Ton reaulme comme souverain, Veulhe toy de moy souvenir. (Pass. Auv., 1477, 219).

 

-

Tenir (une terre) de Dieu et l'espee : LE ROY. (...) France sera dicte [ma terre] et nommee Une foys. De Dieu et l'espee La tiendray, non pas des Rommains. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 135).

 

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Empl. abs. Tenir de Dieu et l'espee : ...Il [le roi de Gaule] veult regenter. A ce fait il a prins journee Au jour que lui avés termee, Et m'a dit qu'il vous deffendra Ce truage et ne tendra Jamais que de Dieu et l'espee. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 140).

 

d)

"Occuper militairement (un lieu)" : ...à une certaine bataille ou assault qui fu au devant du fort de Macere en Lymosin, que tenoient lors et occuppoient les François, icellui messire Gouffier fu tué et occis d'une flesche qui lui fu traitte dudit fort (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 186).

 

-

Tenir les champs (les champs autour d'une cité, le champ de bataille...). "Se rendre maître du champ, occuper les champs" : ...les Anglois tenoient les champs (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 118). ...mais pensons, au plaisir de Dieu, a tenir les champs et faire bonne guerre a noz ennemis. (ARRAS, c.1392-1393, 99). Se ilz sont en une frontiere et ilz ont ung pou de mesaise, ilz s'en partent et vont tenir les champs pour piller et rober (JUV. URS., Loquar, 1440, 405). ...le duc de Sommerset, cousin dudit roy Henry d'Angleterre, acompaigné de plusieurs autres jeunes seigneurs, parens et heritiers des autres princes et seigneurs qui avoient esté tuez à la prinse dudit roy Henry de Lencastre, firent de grans amas de gens d'armes et vindrent tenir les champs à l'encontre du dit duc de York. (BUEIL, I, 1461-1466, 14). Et se ne fut l'yver qui approuchoit et les grans pluyes qui survindrent, par quoy on ne povoit tenir les champs, mener l'artillerie, ne les gens de piet... (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 162).

 

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Tenir les chemins. "Occuper les voies pour en contrôler l'accès" : ...ilz lui avoient mandé qu'il envoyast dix hommes legiers de harnoys pour garder et tenir les chemins, adfin que nul ne peust aller en la ville sans estre rencontré (BUEIL, I, 1461-1466, 86).

 

-

[Cont. grivois] : ...Car bien souvent le con tenir, Art le corps et la bource mine. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 205).

 

e)

"Être le maître de, occuper en dirigeant, en administrant"

 

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Tenir une terre / un heritage... : ...il avoit demoré et encore demouroit en la ville d'Aucerre, et s'estoit entremis tant de cherpenterie comme de tenir fermes et marchez du roy nostre sire (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 126). ...et lequel chastel tenoit feu son pere en foy et hommaige de l'evesque de Limoges qui lors estoit, et lequel de present il tient (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 184). Si aucun tient à moictié ou à ferme comme mestaïer ou fermier le dommaine ou mestairie d'autruy... (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.1, 1411, 570).

 

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Empl. abs. : Mon seigneur fu un vaillans homs Qui moult tenoit en sainte eglise. (Mir. prev., 1352, 244).

 

-

Tenir un commerce / un atelier... : En laquelle ville de Guerart sondit mary et elle ont demouré ensamble, et tenu taverne et hostelerie par l'espace de quatre ans ot à la Magdalene derrenierement passée ou environ. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 328).

 

.

Tenir forge. "Diriger un atelier (où l'on fond et travaille les métaux)" : Et ce fait, ceulz qui par lesdiz gardes seront approuvez et tesmoingnez loyaulz et souffisans pour tenir forge dudit mestier [d'orfèvrerie], seront receuz par les generaulz maistres des monnoies en leur baillant pleges (FAUQ., II, 1421-1430, 306).

 

f)

Au fig. Tenir un sentiment / la mémoire... "Dominer, maîtriser" : Et pour ce, est ce forte chose de tenir en subjeccion et de moderer telle passion laquelle nous avons des le commencement et persevere et dure tous les temps de nostre vie. (ORESME, E.A., c.1370, 154). Sathan, tiens ung pou ta memoire Et compte tes fais par maniere. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 141). Lors se print a la regarder, et quant il vist qu'elle tenoit son yre, alors lui dist : "Helas ! ma dame, veez cy pouvre nouvelle..." (LA SALE, J.S., 1456, 234).

 

-

Tenir sa langue. "Se taire" : Tieng ta langue, Benuicq (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 695).

 

2.

Qqn tient qqn

 

a)

"S'emparer de qqn, le maîtriser" : ...les serviteurs de leens (...) devoient tenir bon curé, qui n'avoient garde de le laisser [eschapper] [Avant une intervention chirurgicale] (C.N.N., c.1456-1467, 405). Quand les gens de la rue virent la bataille de ces deux compaignes (...) furent tous esbahiz, et les vindrent tenir et deffaire l'une de l'autre. (C.N.N., c.1456-1467, 524).

 

-

En partic. "Capturer qqn et le maintenir prisonnier" : LE ROY. Seigneurs, j'ay au cuer grant tristour De ce qu'a ce ne puis venir Que prendre peusse et tenir Gombaut qui me fait ceste guerre (Mir. Amis, c.1365, 11). ...leur hostages, Que tenoit Hasdrubal (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 224). ...ilz ne l'amoient gueres, mais le menassoient tousjours de pendre, s'ilz le povoient tenir. (C.N.N., c.1456-1467, 449). ...vous sauldrez sur l'assemblée, et en prendrez et tiendrez a vostre volunté (C.N.N., c.1456-1467, 450). ...s'ilz [les sergents] vous tenoient, vous n'eschapperiez de la prison devant [long] temps. (C.N.N., c.1456-1467, 509).

 

-

[De la mort] : La Mort me tient ja en ses las (LA VIGNE, S.M., 1496, 558). ...je voy que Mort en ses las Tient mon seigneur (LA VIGNE, S.M., 1496, 568).

 

-

[Un animal] : Souvent pestelent et hennissent, A peine les puet on tenir (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 250).

 

-

[D'un animal qui en accapare un autre] : Maiz le livre besse l'oreille Quant voit les deux levriers venir Pour le prendre et pour le tenir (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 399).

 

-

[D'un chien] Tenir une lisse. "S'accoupler avec la lisse" : ...quant il y a lisse chaudes et ilz ne les peuent tenir a leur ayse, celle volenté et humour leur descent aux coullons (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 124).

 

b)

"Maîtriser, dominer qqn" : [Personnification] Par moy le te demande raison, Que j'ay lessié en sa maison, Qui n'est voulue a toy venir, Car ne te scet par ou tenir ["qui n'a pas de prise sur toi"] Pour jovenece et pour delit, Qui te demainent jour et nuit. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 116). ...la deesse Venus, Par qui les amans sont tenus. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 63). ...tantost qu'il fut affublé du doulx manteau de mariage, jasoit que alors il fust yver, il fut si fort eschaufé que on ne le savoit tenir. (C.N.N., c.1456-1467, 87). ...ou qu'il rencontrast la gouge, de tant près la tenoit que contraincte estoit, voulsist ou non, donner l'oreille a sa doulce requeste (C.N.N., c.1456-1467, 455). ...n'avoient point les cappitaines de peine a tenir leurs gens (BUEIL, I, 1461-1466, 179). A ! mon tetin, m'amour, ma rose, Te tinsai-je à ma volonté ! (Gent. moun. T., c.1500, 350).

 

-

Au passif Estre tenu de qqn. "Être le jouet de qqn" : ...et,après ce qu'ilz orent longuement parlé ensemble, dist icellui menestrel à sondit mary qu'il se avisast et gardast bien de quele femme il estoit accointé, et qu'il estoit ensorcelé et tenu de femmes. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 317).

 

-

Tenir qqn au bas. "Réprimer qqn, empêcher qqn de se manifester" : ...disans que pour leur rebellion il est expedient qu'ilz soient tenuz au bas et rigoreusement chastiez (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 529).

 

-

Tenir qqn à fer et à clou. "Surveiller qqn de près, le retenir" : ...[elle] s'en alla bouter cy devant en l'ostel d'un tel marchant, qui la tient a fer et a clou. (C.N.N., c.1456-1467, 148). ...le comte de Charolois succédant, et qui estoit jeune et vert et dur malement à ployer, les eust pu tenir à fer et à cloux (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 342).

 

c)

"Avoir à son service, entretenir" : ...pour le paiement des gens d'armes que nous tenons. (Mand. Ch. V, D., 1370, 374). Mieulx vault seul estre Ou peu de gens tenir dedans son estre Que compaignie te face descongnoistre Perilleux pas qu'a passer doibs congnoistre. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 86).

 

-

Tenir (une femme) à pain et à pot. "L'entretenir" : Entre les aultres chevaliers de Bourgoigne ung en y avoit nagueres, lequel, contre la coustume et usage du païs, tenoit a pain et a pot une donzelle belle et gente, en son chasteau (C.N.N., c.1456-1467, 454).

 

-

Tenir qqn (de qqc.) "Entretenir, soutenir, gratifier qqn (de qqc.)" : Amours et elle [ma dame] m'ont appris Bien voie de monter en pris Et, se je n'ai pas retenu Tout le bien dont il m'ont tenu, A moy le blasme et non a euls. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 52). Mes en lamentant Et en languissant J'ai bouté avant Le tamps, qui noiant M'a tenu de joie ["qui, si peu que ce soit, m'a entretenu en joie"] (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 168).

 

-

[Un animal] "Avoir avec soi" : ...et si avoit ung chien que il tenoit avecques ses brebis pour les deffendre du loup (MACHO, Esope R., c.1480, 174). [Ou tenir un animal qq. part ?]

 

-

"Commander, diriger" : Duc d'Alanson, et vous, Vendosme, Vous tandrez l'elle de la destre. Richemont, et vous autres en somme, Vous tandrez le costé senestre, Qui garderont la ville champestre Que les Anglois ne s'i retrayent. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 650).

 

d)

Tenir une femme. "Entretenir une femme, avoir avec une femme des relations charnelles" : Et dit que un filz cognut charnelment une joenne femme que son pere tenoit afin que elle laissast le pere. Et que par ce le pere retournast a la mere de cest filz. (ORESME, E.A.C., c.1370, 300). ...icellui Perrin estoit un très-grant et fort larron, murdrier, houllier publique, qui tient une fille en Glatigny, nommée Lucete (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 164). L'ome est moult ahonté de sa feme qui est vulgaument affollee, car a l'aventure quelque gallant la tient a sa meson davant lui honteusement, et me semble que c'est ung des grans tourmens que home peut avoir. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 81). ...puis qu'el est telle, au dyable voit elle ! Je suis bien content que le marchant l'ayt et la tienne ; mais quant est de l'enfant, il est mien, et si le veil ravoir. (C.N.N., c.1456-1467, 148). Il la tint tant et si longuement avec luy (...) que le ventre luy commença a bourser (C.N.N., c.1456-1467, 103).

 

e)

"Retenir qqn, faire rester qqn auprès de soi" : AMIS. Ytier, pleust Dieu orendroit Que mais hui ne jeusse en ville, Et mon chier compaignon Amille Tenisse ci. (Mir. Amis, c.1365, 31). Et demain au soir tu avras compagnie de deux chevaliers qui sont tenus de deux gentieux damoisellles des forests. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 931). ...elle respondit que Fortune l'y avoit amenée. "Fortune ! dist il ; or Fortune vous y tienne !..." (C.N.N., c.1456-1467, 148).

 

-

"Retenir, importuner, tenir la jambe à" : Se tous les paÿs racontoie Ou nez furent, trop vous tendroye (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 200). Si concluray tout maintenant, Que trop ne vous voise tenant. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 324). (Se felon vilain boterel Me tient bien, ne me veult mot dire. Voir, il me fait au cuer grant yre ; Encore l'araisonneray.) (Vie st Fiacre B.C.P., c.1380-1400, 29).

 

-

Tenir qqn de + inf. "Retenir qqn de" : ...ung president saichant la deshonneste vie de sa femme, la fist noyer par sa mulle, la quelle il fit tenir de boire par l'espace de huit jours (C.N.N., c.1456-1467, 11).

 

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Tenir qqn : Je me tray pres de la fontaine, On m'en tenist a trop grant paine (Echecs amour. K., c.1370-1380, 110). ...en mer plungiee Je me fusse, et ja n'y faillisse, Qui ne me tenist, je y saillisse (...) mais fu tenue De ma meisgnïe (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 49).

 

3.

Qqc. tient qqn.

 

a)

"Dominer, empêcher, retenir qqn" : Cils brandons les tient et destreint, Le cuer leur art, le corps leur teint, Si que raison est oubliée Et mesure s'en est alée. (MACH., D. verg., a.1340, 32). Dy moy quelle achoison le tient, Ne qui le peut si occupper Qu'il ne venra pas a souper Avecques moy. (Mir. emper. Romme, 1369, 257). ...sy irai-je et ne m'en tenra riens nulle ["et rien ne m'en empêchera"] (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 4). Le sens m'est failly au besoing : Ne sçay qué gibet m'a tenu. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 826).

 

-

[Un animal] "Retenir, empêcher de s'échapper" : Et le fillé est le plus delié c'on peut, fors que il puisse tenir le chevreul (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 161).

 

b)

En partic. [D'un mal, d'une maladie] : Onques mais ne vi qu'avenist Que si sodain mal le tenist Conme il fait ore. (Mir. march. juif, c.1377, 202). ...les ducs Berry, Bourgoigne, oncles, et Orleans, frere du Roy nostre Sire, qui pour ce temps estoit tenu de grieve maladie (BAYE, I, 1400-1410, 24). Cedit jour, environ entre IJ et IIJ heures après minuit, survint au graphier un flux de ventre qui par V jours ensuivans l'a tenu avec une autre maladie du stomac (BAYE, I, 1400-1410, 178). O Luccifer, que mal foire Te puisse tenir sans cesser ! (Pass. Auv., 1477, 226).

 

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[De la soif] : ...donne la moy doncques [cette fontaine spirituelle] Si que la soif plus ne me tiengne (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 157).

 

-

[D'une chose plus abstr.] : Cent rimes ay mis dedens ceste rime, Qui bien les conte. Prises les ay en vostre biauté qui me Tient sans dormir dou soir jusques a prime. (MACH., F. am., c.1361, 332). Le roi leur quist qui les tenoit ["Le roi leur demanda ce qu'elles avaient sur le coeur"] (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 355). Mon segnieur, il se pourte tres bien, Mes villïesse de pres le tient. Toutes foys est il en sancté. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 53). Par mon serment, je ne vous ay pas oy lever. J'estoye entrée en ung songe qui m'a tenu[e] ainsi longuement. (C.N.N., c.1456-1467, 266). Tantdiz que quelque ung s'avancera de dire quelque bon compte, j'en feray ung petit qui ne vous tiendra gueres (C.N.N., c.1456-1467, 489).

 

-

[D'une chose que l'on a en soi] : De toutes pars me tient engoisse Qui mon cuer destreint et engoisse. (MACH., C. ami, 1357, 7). ...je n'ay mais nul reconfort en my De l'ardure qui me tient nuit et jour, Eins sui toudis de morir en paour (MACH., L. dames, 1377, 136).

 

-

Tenir qqn que... ne : Qui ["Qu'est-ce qui"] me tenroit que ne chantasse ? Nulz, car j'ay le cuer plain de joie. (Mir. nonne, 1345, 321). ...ne sçay qui ["ce qui"] me tient que je ne me leve et vous egratigne le visage (C.N.N., c.1456-1467, 244). Qui ["Qu'est-ce qui"] me tient, qui, que ne me fiere Et qu'a ce coup je ne me tue ? (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 52).

 

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Rien ne tient qqn que... ne... "Rien n'empêche qqn de... ne..." : Si n'a riens les Deduis tenu Que tost ne soient revenu (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 277).

C. -

P. ext. [Idée de stabilité (de l'objet)]

 

1.

"Faire rester qqc., maintenir qqc. (qq. part, dans une certaine position, une certaine attitude, un certain état...)"

 

a)

Tenir qqn / qqc. qq. part

 

-

Tenir qqn / un animal qq. part. "Retenir qqn / un animal qq. part" : Et d'autre part secretement fait querir chevaulx tous blancs (...) qui fussent menez et tenus en certain lieu secret. (LA SALE, J.S., 1456, 228). ...ce gentil homme consentit le mariage de sa seur et du bergier, et fut fait, et les tint tous deux en son hostel (C.N.N., c.1456-1467, 361). ...pour la grand joye et ardent desir qu'elle avoit de tenir son clerc en sa maison, trembloit et ne savoit tenir maniere. (C.N.N., c.1456-1467, 571).

 

-

Tenir qqc. qq. part. "Maintenir qqc. qq. part (au propre ou au fig.)" : Sire, je vueil d'or en avant Cest enseignement retenir Et mains m'affeccion tenir Es biens mondains c'onques ne fis. (Mir. st J. Cris., c.1344, 259). Quar mouvement violent est fait par vertu qui est hors le cors meu, et mouvement naturel droit suppouse autre puissance dehors laquelle a mis ou tenu le cors meu hors son lieu naturel ou qui a esté obstacle ou empeeschement qui tenoit tel corps hors son lieu naturel. (ORESME, C.M., c.1377, 126). ...[elle] prendroit icellui voult et le mettroit en une paile de fer ou d'arain, en laquelle auroit de l'eaue, sur le feu, et illec tendroit sur ledit feu icelle paile (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 324). ...si les mectés [les amandes et leur huile] en une tresbelle et bonne anmolle en quoy il le tieingne (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 192). Car en ce temps, sans nulle faille Mars, appellé Dieu de bataille, Tint longuement sa mansion, Dedens le signe du Lyon (LA HAYE, P. peste, 1426, 28).

 

-

Tenir qqc. en soi. "Garder secret, ne pas révéler" : ...ce que je vous vueil dire ne touche a vostre deshonneur ne dommaige : sy vous prie que le tenez en vous. (LA SALE, J.S. E., 1456, 361).

 

-

Tenir qqc. à / en memoire. "Retenir qqc." : Et apres je me esloingnie de la hautesse par une droite lingne a tant que je regardai la hautesse parmy les pertuis, et la riulle trencha trois pointes, les queles sont quatre fois en 12, les quiex 4 je tenoie en memoire, et est le nombre combien de fois de la seconde stacion. (PÈLER. PRUSSE, Astrolabe L.F., 1362, 60). ...aussi les mouvemens de terre, tonnoirres, tempestes, fouldres et choses semblables, dignes de avoir escout et tenir à memoire (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 10 r°).

 

-

Tenir pied à boule. V. boule "Persévérer, tenir bon, tenir ferme, ne pas reculer"

 

Rem. Métaphore empruntée au jeu de boules (C. Buridant, R. Ling. rom. 55, 1991, 431). Fr. arch. B., c.1468-1480, 53 ; MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 262 ; 345.

 

b)

Tenir qqn / qqc. + attr. de l'obj.

 

-

[Qqn / une collectivité / un animal] : Je croy qu'elle me veult l'amande Faire de ce qu'elle m'a fait Tenir prison ["prisonnier"] et sanz meffait (Mir. emper. Romme, 1369, 273). ...vous me voulez tenir vostre subjecte et esclave, sans avoir loy de parler de deviser a autre que a vous. (C.N.N., c.1456-1467, 235). Damoiselle, je vous mercye de voz biens ; vous m'avez tenu bien aise, la vostre mercy. (C.N.N., c.1456-1467, 488). ...ilz vouloient avoir la ribauldelle qu'il tenoit fermée en sa chambre (C.N.N., c.1456-1467, 550). ...[l'évêque] estant arrivé par ung vendredy assez de bonne heure, vers le soir, ordonna son maistre d'ostel le faire souper de bonne heure, et le tenir le plus aise que faire se pourroit, de ce dont on pourroit recouvrer en la ville (C.N.N., c.1456-1467, 580). Que mauldite soit la cabasse Qu'est cause d'ung si grand peché ! Il n'est mal que palhart ne face Quant putain le tient estaché. (Pass. Auv., 1477, 100).

 

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Tenir qqn son pensionnaire. "Avoir qqn comme pensionnaire dans sa maison" : Toute sa vie ayma la science des estoilles et tint astrologiens ses pensionnaires et moult se appliquoit à investiguer et pratiquer à la verité les judices de la science (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 106 r°). [Att. pour la Suisse, FEW XIII-1, 216b, s.v. tenere]

 

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Tenir qqn prisonnier. "Garder qqn en prison" : ...dit fu et deliberé que (...) il soit condempné, mis et tourné ou pilory, ès hales, puis heure de prime jusques à heure de nonne, et d'ilec ramenez prisonnier oudit Chastellet, et tenu prisonnier au pain et à l'eaue (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 357).

 

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Tenir qqn cher. "L'aimer" : ...[sa soeur] faisoit compaignie a sa femme, qui beaucop l'amoit et tenoit chere. (C.N.N., c.1456-1467, 357). ...par les bonnes ellections qu'il lui donna, conquesta il Turnus et sa terre en Itallie, et, ce veu, par Astanyas qui lui succeda, le tint moult cher et le nommoit Polydomor et estoit prebtre en leur loy. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 40 r°).

 

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Part. passé en empl. subst. : ...estoit l'intencion de leur guide de les mener a l'hostel de la dame dont il estoit le cher tenu (C.N.N., c.1456-1467, 477).

 

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[Une chose concr., une partie du corps] : Si tenrons les fenestres closes De la chambre (...), Afin que ne soiez veue (Mir. Berthe, c.1373, 205). ...une maladie le print en l'oeil si greve, qu'il ne le povoit tenir ouvert (C.N.N., c.1456-1467, 502). ...en tenant son coeur et son poing fermé ["en restant insensible"] (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 339).

 

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[Une chose plus abstr.] : Je vous pri que vueillez tenir Secré cecy. (Mir. chan., c.1361, 149). ...pour cuider refresner l'ire, courroux et male volenté de ladite Marion, li dist que elle se appaisast, et que se elle li vouloit tenir verité et secret ce que elle li diroit et feroit faire, que sondit ami Hainsselin l'ameroit mieulx que femme du monde (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 355). ...que tout ce que elles feroient et diroient ensamble, elle tenist secret (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 305). ...l'autre tint si secret son cas que chacun en fut adverty. (C.N.N., c.1456-1467, 277).

 

c)

Tenir qqn / qqc. + adv. ou compl. adv. : Sire, Dieu vous vueille tenir En honneur et en bonne vie (Mir. emp. Julien, 1351, 177). Mes seigneurs, noz dieu Apolo, Tervagant, Mahon et Juno Vous vueillent en bien maintenir Et touz jours en joie tenir (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 248). Aussi doivent tuit li greigneur Princes leur peuple en paix tenir (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 141). ...car ledit Mainffroy tenoit a tirenie quasy toute Ytalie (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 174). ...voz yeulx (...) ne sont pas les plus eureux de faire les plus seurs jugemens, mesmes a ceulx qui sont tenuz en l'amoureux servage. (C.N.N., c.1456-1467, 165). S'il vous plaist me venir vëoir Et y prendre la pacïence, Selon ma petite scïence Je vous tiendray honnestement, Et vous pry amoureusement Que je ne soye point esconduyt. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 429).

 

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Tenir (un cheval, un chien... ou qqn) court. "Ne pas laisser libre de ses mouvements (au propre ou au fig.) ; harceler, surveiller de près" : ...il sembloit, tant les hot en grace Fortune, que, de droicte actrace, Fussent droiz signeurs du pays, Tant y estoyent obeys Et crains, car moult tenoyent court Leur sugiez (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 74). Nous avons .i. de leurs prescherres Tüé et lapidé a pierres. Les autres plus en doubteront ; S'en lez tient court, ilz cesseront. (Cycle myst. prem. mart. R., c.1430-1440, 86). ...du temps de feu son pere et sa mere avoit esté bien court tenu ; et sur toute rien luy estoit et fut defendu le mestier de la beste a deux doz (C.N.N., c.1456-1467, 132). ...[l'abbesse] fist tenir bien de court, a cause de ceste religieuse, toutes les aultres, fermer les huys des cloistres (C.N.N., c.1456-1467, 305). Je le tins court [mon chien] (BRÉZÉ, Chasse T., c.1481-1490, 27).

 

Rem. Concil Basle B., 1434, 86 ; 123.

 

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Estre tenu de court. "Être à l'étroit" : Puis gentilz hommes, tant long vestu que court, De logis furent tenuz assez de court Parmy la ville (LA VIGNE, V.N., p.1495, 383).

 

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Tenir qqn (de) près. "Suivre qqn de près, le surveiller, le talonner" : ...et [Yre] le tient de si de pres Qu'il semble un homme forsené (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 186). Elle aprandra a marchander, Des denrrées verra le pris, Et quant elle ara bien apris Des ventes l'us et la manniere, Son valet ou sa chamberiere Y pourra envoier après Et au retour les tenir près, Et enquerir de leur couvine : Neis jusqu' a une poitevine (DESCH., M.M., c.1385-1403, 114). ...tant près la tient son mary, qu'il ne la laisse d'ung pas sinon a l'heure de la messe (C.N.N., c.1456-1467, 257). Mon voisin, je me donne grand merveille (...) que vous ne mariez vostre fille, et a quel propos vous la tenez tant d'emprès vous (C.N.N., c.1456-1467, 295).

 

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Tenir qqn à grau. "Avoir qqn à sa merci" : Quelque refus que de la bouche elle m'ayt fait, si en cheviray je bien si je la puis a graux tenir. (C.N.N., c.1456-1467, 117).

 

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Tenir qqn à une cause. "Poursuivre qqn par un procès" : Lucius, son frere [de Scipion] comparut pour lui ; lequel prist pour excuse l'absence de Sipion pour maladie qu'il avoit. Adoncques les deux tribuns qui le tenoient a celle cause ne la vouldrent tenir a bonne. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 255).

 

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Tenir qqn en son service / en des charges... : Sire, Dieu vous vueille tenir Et la vierge en son doulx service. (Mir. enf. diable, c.1339, 29). ...affin qu'il peüst remectre l'Eglise, les nobles et le peuple en leur ancienne liberté et oster des grans charges et travaulx en quoy ilz estoient tenuz par le roy (LA VIGNE, V.N., p.1495, 324).

 

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Tenir qqn en estime. "Estimer" : Charlot du Rochier, Flagment, en ce temps tenu en bonne estime pour la science des estoilles. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 115 r°).

 

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Tenir qqn en parole. "Faire la conversation avec qqn" : ...ces fillectes Qu'en parolles toute jour tien (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 61).

 

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Tenir qqc. en autorité. "Attribuer de l'autorité à" : Et [la doctrine d'Aristote] a esté translatee en pluseurs langages et exposee a tresgrant diligence de pluseurs docteurs catholiques et autres, et receüe en toutes lays et sectes renommees et tenue en grant auctorité des devant le advenement Nostre Seigneur Jhesu Crist environ cinq cens ans, et depuis jusques a maintenant par l'espace de mil trois cens soixante et dix ans. (ORESME, E.A., c.1370, 97).

 

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Tenir le corps en santé : ...Diex si a donnee et trouvee une art, laquelle est appellee Medicine, pour le corps tenir en sancté et pour le ramener quant il est aucunement alteré (Songe verg. S., t.2, 1378, 168).

 

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Tenir qqc. en despit : C'est ce qui tenir en despit Me fait le monde et ma contrée (Mir. parr., 1356, 8).

 

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Tenir qqc. en sa grace : Le Dieu qui gouverne la nue, Sire Roy, vous tienne en sa grace ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 240).

 

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Tenir qqc. en suspens : Ce procés tant plaisant et nouveau, affin qu'il fust de pluseurs gens congneu, fut en suspens tenu et maintenu assez et longuement (C.N.N., c.1456-1467, 37).

 

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Tenir qqc. en usage. "Garder en usage" : ...oultre plus il composa le Kallendrier et Nombre d'or, lesquelles choses n'avoient esté ainsi devant lui faictes, ne si bien ordonnées, et que nous tenons encores en usage. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 3 v°).

 

2.

[Verbe support ou proche d'un verbe support ; l'objet désigne un lieu, une position, une attitude, un état, une activité...] "Demeurer dans (ce lieu, cette position, cette attitude, cet état, cette activité...)"

 

a)

[L'objet désigne un lieu] "Occuper un lieu, s'y installer" : Quand il fut heure, [l'espousée] fut couchée, comme il est de coustume, et tint le coing du lit, sans mot dire. (C.N.N., c.1456-1467, 299).

 

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Tenir (sa) residence qq. part. "Habiter qq. part" : ...ung bon homme, laboureur et marchant et tenant sa residence en ung bon village de la chastellenie de Lille (C.N.N., c.1456-1467, 289).

 

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Tenir prison. "Demeurer prisonnier" : Or est certain que il est plusieurs Crestians, et sanz numbre, qui sont debteurs dez Juys et lez font lez Juys tenir prison juques a tant que ilz aient plaine satisfaction (Songe verg. S., t.1, 1378, 358).

 

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Tenir un / son chemin / sa voie / la droite voie. "Ne pas quitter son chemin, avancer sans dévier" : Si ont tant le chemin tenu Qu'a la court du roy sont venu (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 274). Doulce mére Dieu, je regarde Quel chemin tenir je pourray. (Mir. chan., c.1361, 175). Aler puissiez vous en tel lieu Et tenir tel chemin et voie Qu'encore par vous mon filz voie Cy revenu ! (Mir. st Alexis, 1382, 327). La royne tint son chemin droit a Montpellier, Ardant Desir et sa suer tousjours moustrant le chemin. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 384). La royne et les dames a la requeste d'Ardant Desir et de Bonne Esperance sa suer se partirent de Pampelune et du royaume de Navarre, tenant leur chemin vers occident (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 393). Lesquelz compaignons et lui qui parle estans à ladite table, et aussi ledit varlet, ouyes ces chosses, distrent par entre eulx à icellui varlet qui les devoit conduire le chemin qu'il tendroit, et les meneroit, et qu'ilz seroient au devant d'eulx et de lui environ le point du jour. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 473). Si leur faut ce chemin tenir, Se ilz veulent tenir la vie De quoy nul preudoms n'a envie (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 150). Ce n'a esté qu'abusion, De leur imagination, Pour quoy ils n'ont osé tenir Chemin vers moi ne revenir. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 49). Tantost qu'elle fut partie, bon mary de monter a cheval, et par aultre chemin que sa femme tenoit, picque tant qu'il peut au Mont-Saint-Michel (C.N.N., c.1456-1467, 408). [il] chevauchoit a travers champs sans tenir voies ne sentiers (C.N.N., c.1456-1467, 547).

 

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Au fig. : Et pour ce fist bien Platon d'enquerir de ces choses, a savoir mon laquelle voie est a tenir, ou des principes as effecs ou la voie converse, aussi comme en cours de l'estade l'en va du terme a celui qui tient le louyer, ou de cest ici l'en va au terme. (ORESME, E.A., c.1370, 109). ...[elle] s'excusa si gracieusement que monseigneur en son courage tresbien l'en prise, combien qu'il amast mieulx qu'elle tenist aultre chemin. [Un cas de harcèlement sexuel] (C.N.N., c.1456-1467, 116).

 

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[D'un animal] Tenir une marche / une contree / un pays. "Rester, demeurer dans..." : ...se il avient que le goupil que tu cacheras tienne aucun tesnier que il se boute, je te diroy comment tu le bouteras hors. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 91). Et quant il sera anuitié, si te boute u bois et le quier [l'éparvier] tout belement parmi le bois, et se tu le treuves, si guete une nuit ou deus, savoir se il tendra son païs. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 277). Chevreul tient et demeure voulentiers en un païs en esté et en yver qui ne li fera annui. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 76). Lievre tient voulentiers un païs, et, si elle a compaignie d'un autre, ou de leurs enfanz y a cinq ou sis, jamés autre lievre estrange, fors que celles de leur nature, ne laisseront aproichier en toute la marche qu'ilz tienent. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 80).

 

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Tenir place. "Conserver (une position)" : Si ne porent mais tenir place, Fuyent, a qui qu'il en desplace. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 204).

 

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Tenir la place / le lieu de

 

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"Occuper la place de qqn" : Et s'il accepte la journée, dit madame, je viendray tenir vostre place ; et du surplus laissez moy faire. (C.N.N., c.1456-1467, 74). ...[il] vint a son compaignon, qui n'actendoit que l'heure d'aller aux armes, et luy dist qu'il aille tenir son lieu, mais qu'il ne sonne mot (C.N.N., c.1456-1467, 76).

 

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"Faire office à la place de qqn" : Et le juge, c'est le prince ou celui qui tient le lieu du prince et qui le represente. (ORESME, E.A.C., c.1370, 316). ...qui par environ IIJ ans avoit tenu le lieu de premier president ou lieu de messire Guillaume de Senz (BAYE, I, 1400-1410, 181).

 

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[Cont. métaph.] : ...quant il fut au lieu, il ne demoura gueres après, la semonce de son desir tenant le lieu de mareschal, qu'il ne mist main a la besoigne [Cont. érotique] (C.N.N., c.1456-1467, 89). ...plus luy nuysoit son bon mary, tenant le lieu en ce cas du tresmaudit Dangier (C.N.N., c.1456-1467, 182).

 

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Tenir lieu de qqc. "Remplacer, servir de qqc." : ...le courtois gentil homme, tenant lieu de bahu sur le doz de celle qui sur son ventre l'avoit soustenu, laissa couler ung gros sonnet (C.N.N., c.1456-1467, 124).

 

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Tenir lieu à qqn. "Valoir à qqn, être pris en compte dans l'intérêt de qqn" : ...par lequel [arrest] a esté dit que ladicte somme dudit remboursement tenra lieu audit maistre Laurens en deduction d'icelle amende de mil livres. (FAUQ., II, 1421-1430, 195).

 

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Tenir (sa) place : Je suys mesme venu pour y tenir ma place, mais c'est trop tard. (C.N.N., c.1456-1467, 212).

 

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Tenir tel degré. "Occuper telle ou telle place dans une échelle" : Or quant tu penseras bien quel degre tu tiens entre les creatures et comme toutes ces choses materielles sont faictes a ton usaige et que generalment toute creature est faicte pour toy (CIB., p.1451, 197).

 

b)

[L'objet désigne une réalité extérieure au sujet, une activité ou son résultat, une manière d'agir... (proche de l'emploi locutionnel ; on se borne ici à des exemples, il ne s'agit nullement d'un inventaire complet)]

 

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Tenir une assemblee / des assises / un parlement / une cour pleniere / les trois estats / un lit de justice... : L'ABBESSE. (...) Demain lever nous convenra Matin, pour ce que l'en tenra Ceens chapitre. (Mir. nonne, 1345, 332). ...car par ystoire Tient [le saint père] du collége consistoire (Mir. parr., 1356, 34). Messire Bernard, au jour de huy On tient chappitre ; je i voy. Venés vous en avesque moy ; Il nous fault fayre noz debvoir. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 103). ...les pouvres aveuglez cuidoient bien seulz estre empeschez de leur besoigne, et ne se doubtoient gueres qu'on en tenist conseil ailleurs qu'en leur presence (C.N.N., c.1456-1467, 164). ...monseigneur, son conseil et son peuple qui cy est, ont tenu a ceste heure ung petit chapitre du fait de leurs consciences (C.N.N., c.1456-1467, 222). Quand on eut grand piece tenu parlement de ces chemises perdues, dont Montbleru cognoissoit bien le larron, ces bons seigneurs dirent... (C.N.N., c.1456-1467, 398).

 

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Tenir un concile : ...fist aussi ung traictié sur les dirrections et predist la sterillité de la terre trois ans devant, au moyen de quoy les marchans firent grande dilligence et la distraicte de biens des autres parties et fut, ou premier consille tenu en France, moult estimé des prelatz et fut moult aymé du roy Clovis (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 91 v°).

 

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Tenir une journee. "Réunir une assemblée en une séance" : ...à ycelles causes ont esté assignées et tenues plusieurs journées audit lieu de Tournay par les dessusdis commis de monseigneur le Roy et de nous, aians puissance et auctorité plainement de traitiier, pacifiier, ordonner et accorder des cas et coses dessusdictes. (Ch. VI, D., t.1, 1407, 303).

 

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Empl. pronom. : Comme il fut proposé de ce chevalier amoureux et de ses compaignons, se partirent le lendemain, bien matin, de la bonne ville ou la court se tenoit, et, tout querans les lievres passerent temps jusques a basse nonne, sans boire ne sans menger. (C.N.N., c.1456-1467, 474).

 

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"Conduire une bataille" : ...et autres biens que nostre amé Pierre de Bar, escuier, a perdu, lui estant en nostre service à la journée de Saint Sauveur le Vicomte, laquelle journée a esté derrenierement tenue contre noz ennemis (Mand. Ch. V, D., 1375, 596).

 

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Tenir un avis / un conseil. "Suivre un avis, un conseil" : Puis que vostre conseil ay quis, Je le tenray, soiez en fis. (Mir. ste Bauth., c.1376, 110). Je vous conseille que tenez Son conseil, car grant sens ferez. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 54). Et quant mon conseil vous tendrez, les gens diront de vous, mort ou vif que soiez : C'est le preudomme et tresloyal chevallier. (LA SALE, Reconf. De Fresne H., 1457, 14).

 

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Tenir benefices : ...[le clerc] gaigna son maistre, lequel n'avoit pas pou de regret qu'il n'estoit habile a tenir benefices, car largement l'en eust pourveu (C.N.N., c.1456-1467, 285). M'amye, par ma foy, je ne me puis jamais marier, car je suis homme d'eglise et tiens benefices telz et telz, comme vous savez (C.N.N., c.1456-1467, 415).

 

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Tenir bande à qqn. "Résister à qqn" : Tu as enduré grant martire, Job, mon amy, mes ne te chaille, Car tu as gaigné la bataille. Sathan, ton adverse partie, S'en va desconfit, je t'affye. Pource que luy as tenu bande, O nous seras (Pac. Job M., c.1448-1478, 381).

 

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Tenir bonne bouche. "Être discret" : ...elle luy promist que, s'il tenoit bonne bouche, elle luy donneroit de la char et de mouton pour fournir son mesnage pour toute ceste année (C.N.N., c.1456-1467, 277).

 

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Tenir compagnie à qqn : Lorens, et vous, Agnès, m'amie, Alez li tenir compagnie [à Estienne]. (Mir. prev., 1352, 260). ...il s'en vint devers Conrard pour luy tenir compaignie au disner (C.N.N., c.1456-1467, 173). ...je vous promet par ma foy de vous tenir bonne compaignie. (C.N.N., c.1456-1467, 340).

 

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Tenir compagnie à qqn à + inf. : ...affin que sa chambriere luy tinst compaignie a querir son mary, elle s'en alla en sa chambre pour la faire lever. (C.N.N., c.1456-1467, 367).

 

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Tenir compte de qqn : ...souvent faire la chose que savez fait oublyer et pou tenir compte de celle qu'on ayme, et dont on est fort feru. (C.N.N., c.1456-1467, 363). ...s'ilz monstroient semblant de peu tenir compte d'elles, elles monstroient tout apertement de rien y compter (C.N.N., c.1456-1467, 364). ...estoit l'intencion de leur guide de les mener a l'hostel de la dame dont il estoit le cher tenu, et dont mains de compte il tenoit que par raison il ne deust. (C.N.N., c.1456-1467, 477).

 

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Tenir compte de qqc. "Prendre qqc. en considération" : Je doubt (...) Se je le mande qu'il n'en deigne Tenir compte, et que point ne veigne (Mir. st Guill., c.1347, 6). Et semblablement en fortitude, par estre acoustumé de non tenir conte ou creindre trop choses terribles et de les soustenir forciblement, nous acquerons la vertu de fortitude (ORESME, E.A., c.1370, 151). ...comme fist le duc Charles de Bourgongne, qui ne voulut tenir compte du conseil de ceste science (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 7 v°). Ce fut lui qui predist la venue du prince de Galles et configura par astrologie la prinse du roy Jehan à Poitiers et en advertit plusieurs, mais on n'en tint compte. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 130 r°).

 

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Tenir le contraire. "Soutenir le contraire" : Je suis pour emboucher menteurs Qui, pour mensonge maintenir, Veullent le contraire tenir De ce dont ils sont inventeurs. (BAUDE, Dictz moraulx S., p.1450, 101).

 

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Tenir le cours (d'un corps céleste). "Le suivre, l'observer" : Touteffois cestui fut instruit en la science des estoilles et tint et observa, fist tenir et observer le cours de la Lune et autres corps celestes aux navigans de Phenice, de quoy ilz se trouverent bien et en fut moult estymé des seigneurs et du peuple car par avant plusieurs se perdoient et aloient si avant navigant, qu'ilz ne se sçavoient retourner. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 32 r°).

 

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Tenir diete : Quant la maladie est telle que les labours sont tres agues, il est neccessité de tenir tres estroite diete ; quant ilz ne sont pas si aguz, il esconvient user de plus grosse diete (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 54).

 

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Tenir erre. "Poursuivre sa route" : Flammes jaicta, qui si griefment Eschaufferent et mer et terre Que l'en ne pouoit tenir erre (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 261).

 

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Tenir son estat. "Vivre, se conduire conformément à sa condition" : ...on puet bien tenir estat mais que ce soit par mesure et humilité et sans autruy injure. (GERS., Noël, p.1404, 296).

 

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Tenir estude ouverte. "Avoir un cabinet de consultation publique" : Si prins femme et en eulz IIII filz et une fille. Tins estude ouverte de astrologie de parler et respondre de toutes questions, tant que le roy Charles VIIIe de ce nom fut meu ung jour de Toussains de venir veoir ma dite estude (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 156 v°).

 

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Tenir une feste. "Célébrer une fête" : ...et cil qui l'a mort Est evesque et tient la sa feste (Mir. ev. arced., c.1341, 131). Certes, Serpent, tu es mout saige. Mande a Orgueul, et a sa geste, Qu'il vienne vers moy tenir feste. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 20). Ouÿr, saichés qu'il veul tenir De sa nativité la feste. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 104).

 

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Tenir une leçon. "Retenir" : ...vous trouverez que la doctrine de vostre pere vous vaulsist mieulx avoir tenue. (C.N.N., c.1456-1467, 330).

 

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Tenir un jugement / un plaid : Lembert, alons nous ent bonne erre Nos plaiz tenir. (Mir. prev., 1352, 234). Dame, Dieux (...) Le vous rende au grant jugement Qu'il doit tenir ! (Mir. femme, 1368, 222). S'il ne te plait, pas ne sera Jusques a tant que ce sera Resurrectïon generalle Quil aux bons sera toute esgalle, Quant tu tiendras ton jugement. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 144).

 

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Tenir justice. "Rendre la justice" : S'il est preudoms et ait office, Ou lui faille tenir justice (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 89).

 

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Tenir (sa) maniere. "Se conduire de telle ou telle manière" : ...elle attendoit son mary (...), tresadvisée de son fait et de ses manieres qu'elle devoit tenir. (C.N.N., c.1456-1467, 27). ...il fut si honteux que a peine savoit il tenir sa maniere (C.N.N., c.1456-1467, 371). ...il estoit si tard qu'ilz ne savoient ou ilz pourroient oyr messe. Alors dist Montbleru, qui tenoit trop bien maniere : "Tant que d'oyr messe, il est meshuy trop tard..." (C.N.N., c.1456-1467, 399).

 

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Tenir magnificence à qqn : Pour ce est bien à noter que c'est de la maison de France, comme elle doit reluire par ung filz, quant à une fille est tenue si grande magnifficence. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 146 r°).

 

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Tenir menage. "Être installé dans la vie de couple" : ...entre ses autres biens que elle emporta pour leur mesnaige tenir en la ville de Guerart, où sondit mary aloit demourer, et menoit elle deposant avec lui, elle acheta, en ladite rue aus Lombars, environ demie-livre de cire blanche vierge (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 328). Quand les XIIJ jours furent passez que noz deux jeunes [gens] sont mariez, combien qu'ilz n'eussent encores ensemble tenu mesnage, la mere vint visiter son escoliere (C.N.N., c.1456-1467, 498). ...[le marchand] print desplaisance de demourer a l'ostel en oysiveté et d'y tenir mesnage en la maniere qu'il convient a ceulx qui y sont lyez (C.N.N., c.1456-1467, 558).

 

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Tenir monarchie. "Gouverner en monarque" : Car peut estre que en ce païs et en ce temps, il ne appelloient roys fors ceulz qui tenoient monarchie barbarique. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 150).

 

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Tenir le moyen. "Suivre une voie moyenne, observer la mesure" : Car comme la vertu de liberalité soit vers ces .II. choses, c'est exposer et recevoir et en ce tiengne le moien, il s'ensuit que le liberal face l'une et l'autre, si comme il appartient. (ORESME, E.A., c.1370, 235). Nous devons oultre aussi secondement savoir que des mouvemens de courage dessusdiz, ceulx sont bons qui tiennent le moien entre trop et trop peu, et ceulx qui nous esmeuvent a trop ou a peu faire, contre les circonstances de raison, sont malvaiz et dampnables. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 567).

 

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Tenir des paroles, des propos... : Vous savez puis que la bouche euvre Pour parole de Dieu tenir, Que la grace du saint espir En li parole. (Mir. st Sev., 1362, 223). DEUXIESME BOURGOIS. (...) Dites vous ma dame est perdue ? Mainte ame en sera esperdue, S'il est ainsi. OSTES. Quel parlement tenez vous ci, Seigneurs ? je vous voy, ce me semble, Tristes de cuer trestouz ensemble (Mir. Oton, c.1370, 359). Ma pensée onques ne m'entente Ne fu a ce. Lasse, dolente ! Certes, je seroie bien fole Se de ce tenoie parole. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 27). Mon treschier seigneur, s'il vous plaist, Ne vous puis longues tenir plait (Mir. roy Thierry, c.1374, 259). Je sçay bien qu'il n'a pas granment C'on en tenoit grant parlement Et disoit on d'elle merveilles De bien (Mir. ste Bauth., c.1376, 84). ...ne vous ay je pas bien veu après disner tenir voz longues parolles a une femme en la sale en bas ? (C.N.N., c.1456-1467, 71). ...ilz (...) tenoient termes comme s'ilz fussent mal contens (C.N.N., c.1456-1467, 263). Si conclud de luy tenir telz termes petit a petit qu'il se pourra assez percevoir, s'il n'est trop beste, que sa hantise si continuelle ne luy plaist pas. (C.N.N., c.1456-1467, 331). ...[il] ne sceut oncques tant faire (...) qu'il peust obtenir de sa dame le gracieux don de mercy, ainçois la trouva tout temps rigoreuse, puis qu'il tenoit langage sur ces termes. (C.N.N., c.1456-1467, 343). ...d'aultre chose ne tenoient leurs devises que de pourpenser et adviser moien par lequel leur souverain desir pourroit estre accomply (C.N.N., c.1456-1467, 546).

 

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Tenir halle de neant. "Tenir de vains propos" : ...affin que vous cognoissez ma volunté, sans tenir cy halle de neant, je vous conseille que me baillez ma part justement de la moitié, ou vous arez incontinent hutin. (C.N.N., c.1456-1467, 523).

 

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Tenir plait à qqn. "Adresser la parole à qqn" : Car aux estranges tenir plait En oy, qu'aloient disant Que le regne (...) S'estoit tout tourné en folour De nices meurs es nobles hommes (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 31).

 

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Tenir raison à qqn. "Adresser la parole à qqn" : Medee regarde Jason, Moult lui plaist ; lui tenir raison Lui plaist, et agree son fait (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 35).

 

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Tenir le parti de qqn. "Se ranger à qqn, le soutenir, être de son parti" : Item, il tint le parti du duc de Bretaigne, et fu à prendre soubz le viconte de La Belliere La Rochediré, qui tenoit le parti du Roy. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 29). ...et tant que il inclina icelui pappe à estre et tenir le parti dudict duc d'Orleans. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 148 r°).

 

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Tenir la bande de qqn. "Être du parti, des gens de qqn" : Je m'en voys porter les nouvelles A tous ceulx et a toutes celles Qui tenent la bande de nous. (Pac. Job M., c.1448-1478, 394).

 

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Tenir le pas. "Se déclarer, pendant un certain temps, disposé à combattre dans les conditions d'un pas d'armes" : ...la lectre contenoit que aprés son pas tenu, se il estoit chevalier ou escuier de nom et d'armes sans repreuche, qui le voulsist requerir de faire aucunes armes a cheval ou a pié (LA SALE, J.S., 1456, 185).

 

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Tenir pied à qqn. "Résister à qqn" : ...car les vaillans et povres gens affamez se remplirent en peu de heure de ces trespuissans coursiers (...) que n'y eust celluy que leur tenist pié. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 197).

 

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Tenir un registre : Et, quant à l'exercice de l'office dudit greffier, a esté appoinctié que, durant son absence ou jusques à ce que autrement y soit pourveu, le clerc principal dudit greffier tendra et fera le registre des plaidoyries et consaulx de ladicte Court pour et en lieu dudit greffier, son maistre (FAUQ., III, 1431-1435, 169).

 

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Tenir un secret. "Garder un secret" : ...estoit temps de soy eveiller à faire justice et soy garder de faillir contre conscience et contre son honneur, et (...) tenir et garder les secrez (BAYE, II, 1411-1417, 159).

 

-

Tenir (un) siège (à qqn). "Assiéger qqn" : Dont il estant es portes de Boulguerie et tenant siege a l'emperreur de Constantinople, il fut moult estroictement requis de secourir Pappe Gregoire (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 168). ...eulx estans devant Bisance où le roy Phelippe tenoit le siege. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 60 r°).

 

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Tenir le siège. "Présider la séance (au Palais de justice de Paris)" : ...monsr le premier president m'a defendu que de cy en avant je ne signe aucunes lettres de commission, sinon par le congié de cellui monsr le president qui au matin tendra le siege (BAYE, I, 1400-1410, 28). ...il [les maistres des requestes] disoient que en absence des presidens à eulx apartenoit de tenir le siege (BAYE, I, 1400-1410, 204).

 

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Tenir son siège à. "Résider à" : ...par ordonnance et voullenté de Pappe Boniface, au temps de la cisme tenant son siege a Romme, fut couronné en la cité de Gayette (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 189).

 

-

Tenir silence. "Garder le silence" : Il conclud toutesfoiz tenir silence et nul mot dire jusques ad ce qu'il verra mieulx son point. (C.N.N., c.1456-1467, 243).

 

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Tenir tort à qqn. "Avoir causé à qqn un préjudice non réparé" : Cha ! frere, frere, et quelle chose vous esmeut a si très deshonnestement pourchasser ma mort, et vous par convoitise si villainement deshonnester contre moy qui vostre frere suys et qui aucun tort ne vous tiens ? (LA SALE, Sale D., 1451, 209). ...mais bien ly vouloit remonstrer le villain tort qu'elle lui tenoit et avoit fait (LA SALE, J.S., 1456, 289).

 

-

Tenir telle voie à qqn. "Accorder telle issue à qqn" : Tiens nous la voie de clemence (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 35).

 

-

Tenir voir / verité. "S'en tenir à la vérité, à ce qui est juste" : Nul n'en puet jugier bonnement Que ma dame et vous seulement, A voir tenir. (Mir. ste Bauth., c.1376, 145). Ainsi convint, se son serment Vouloit sauver, que purement Laissast en paix celle cité. Et cil mieulx ama verité Tenir que son cuer alleger, Par soy de la cité vengier. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 26).

 

-

Tenir son + subst. désignant une saison + qq part. "Passer telle saison dans ce qu'elle a de propre à qqn à tel endroit" : Le roy sur les motz du chevalier respondy benignement : "J'en remercye beau frere, et m'y fie bien. Mes, en tant qu'il touche Loÿs, c'est une ordure de parler de ses oeuvres exquises (...). Je n'eulx onques intention de venir ou Daulphiné, mes avoye volenté de tenir mon yver vers Molins, et y avoie fait bastir..." (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 61).

 

-

Lequel tenir ? "Quel parti prendre ?" : Quant les pillars voient venir, Il ne scevent lequel tenir, Ou d'estre mors ou d'estre sers. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 74).

 

Rem. Peut-être faut-il placer ici l'ex. suivant : Venuz ["Vénus"] santé vous veille tiendre ! (Pac. Job M., c.1448-1478, 294).Le modèle de tenir santé à qqn serait tenir raison à qqn, tenir tort à qqn, tenir voie à qqn... Mais ce serait la seule attestation de cette forme d'infinitif (qui serait obtenue à partir du futur). Il devrait s'agir plutôt (comme le pense l'Éd.) de tendre "donner", quoique la forme soit tout à fait inattendue et inexplicable sous ce verbe ; on notera que ce tiendre rime avec rendre ; la bonne solution est donc sans doute d'imprimer t(i)endre.

 

c)

[L'objet désigne une réalité intérieure au sujet]

 

-

[D'un cours d'eau] Tenir son cours vers. "Se diriger vers" : Ou de rivière clere et saine, Courante, sur sablon ou pierre, Par descouverte et nete terre, Et mesmement celle qui tient Son cours vers North ou Orient, Car la propriété des vens, D'icelles parties levans, De sa nature appure et mue Toute eaue en mieulx qui contre flue (LA HAYE, P. peste, 1426, 101).

 

-

[D'une pers.] Tenir un sentiment, une attitude...

 

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Tenir un(e) amour. "Entretenir en soi un amour" : ...regardez laquelle amour est plus desirable ou a eslire : celle de Dieu ou celle du monde, laquelle a trabuchié a honte et tourment ceulz qui l'ont tenue jusques a la fin (...) ? (GERS., P. Paul, a.1394, 516).

 

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Tenir une opinion. "Avoir une opinion" : Emperiére, tu croiz et tiens Une tresfausse oppignion (Mir. st Ign., 1366, 96). Et ce est manifeste par l'opinion que tenoit Eraclitus le philosophe. (ORESME, E.A., c.1370, 371). Et toutevoies, aucune fois en tenant un faulz opinion l'en sent et est l'en aussi comme contraint a confesser aucune verité ; et pour ce, Aristote amaine cez ici en tesmoing de ce que il a dit. (ORESME, C.M., c.1377, 382). De l'opinion que tu tiens, Grand souspeçon en moy s'afonde. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 57).

 

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Tenir loyauté (à qqn) : Il est bien vray que ces Parthois Sy sont estez par maintez fois Rebelles a l'imperiaulté, Et a peinne oncques loyaulté Tindrent a l'empire romain. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 54). Si s'advisa d'un tresbon tour pour contenter tous ses parens, sans enfraindre la loyaulté qu'elle veult tenir a son serviteur (C.N.N., c.1456-1467, 170). ...puis à la fin, à chacun d'eulz appart les admonesta, tant dames que chevaliers, de mieulx tenir loyaulté. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 34 v°).

 

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Tenir rigueur à qqn : M'amye, dist il, je vous requier que vous me dictes la cause qui vous meut de moy tenir si grand rigueur quand je vous veil baiser. (C.N.N., c.1456-1467, 317).

D. -

Au fig. [L'obj. est de nature propositionnelle ; idée de vérité, de conformité]

 

1.

"Considérer comme vrai"

 

a)

Tenir que. "Considérer que, admettre pour vrai que" : Seigneurs, je tieng et croy que Dieux Lui enseigne a ainsi parler (Mir. emp. Julien, 1351, 189). Car tu doiz tenir et savoir Qu'il n'est qu'un Dieu (Mir. st Panth., 1364, 316). Item, quant Dieu fait aucun miracle, l'en doit supposer et tenir que ce fait Il sanz muer le commun cors de nature fors au moins que ce peust estre. (ORESME, C.M., c.1377, 536). ...et par creance Tenir qu'il ne sont qu'une essance (Mir. st Lor., 1380, 170). Je renvoye les peres et les meres et les autres a leurs consciences. Je tiens que la reformacion de l'Eglise se doit faire par eulz. (GERS., Concept., 1401, 429). C'est certain et pour regle generale a tenir que personne quelconque n'aime Dieu souffisamment, qui n'a en soy la vertus qui se nomme charité (GERS., Concept., 1401, 409). ...je tiens que Dieu misericors, qui scet la fragilité humaine, conservera son roy et son peuple vray crestien et non cruel (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 179-180). ...sy quist tant qu'il trouva le nom d'um scien frere escript. Duquel il tint fermement qu'il fust leans (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 115). ...non pas pour ce que les mariniers tenssent que le païs fust habité... (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 653). ...croy et tiens fermement que, si n'eust esté le veu du voyage, que chacun d'eulx eust couché avec sa chacune. (C.N.N., c.1456-1467, 201). ...qu'il y ait entretiennement, rien ; ains tiens que ce soit la maindre de ses pensées (C.N.N., c.1456-1467, 232). ...[je] tiens, qui en aroit a faire, qu'on la trouveroit aujourd'huy ou reng de noz cousines, en Avignon (C.N.N., c.1456-1467, 350). En bonne foy, je croy et tiens fermement que vous avez pour ceste heure tresbon et entier propos (C.N.N., c.1456-1467, 564). Il est a tenir et a croire que en cest voiage nous pouons congnoistre Dieu que il est et au pays du royaume des cieulz tel qu'il est et comme il est. (Somme abr., c.1477-1481, 134). ...car l'on tienne que cestui Abraham escripvit plusieurs livres et traicta de la quarte conjunction qui fut du commancement du monde 3200 ans et du deluge 958 ans ou environ (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 18 r°). ...dit ou livre des Jours cretiques : "Tiengne et sache chacun medicin que, la Lune jointe avecques les estoilles fortunées, les maladies sont terminées à bien, et par la conjuction d'icelles aux estoilles contraires sont faiz et causés effectz opposites et mauvais..." (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 77 r°).

 

-

Tenir que + subj. "Être d'avis que, soutenir que" : Dieu de bon haire - ne fist onc rien Que ne fut sien Et a son ayse ; Pour ce je tien - que tout luy plaise. (Pass. Auv., 1477, 242).

 

-

Tenir que oui : ...et se ung confesseur devroit assoldre telle personne ? Response : Je tiens que oÿ en aucuns cas comme pour feblesse de corps ou aucune telle raison (GERS., Déf., 1400, 232).

 

-

Tenir que non : La IXe question : Puet on acquerir pardons pour les mors ? Response : Je tiens que non, car pardons sont ordonnez a ceulz qui se soubmettent a la court de misericorde qui est icy et qui dure jusques a la mort, non pas aprés la mort. (GERS., Déf., 1400, 237). ...quand elle peut parler, crya mercy, et promist de non plus faire. Et je tiens que non fist elle de sa teste. (C.N.N., c.1456-1467, 411).

 

b)

Tenir + inf. : ...celle vierge de laquelle Jhesu Crist naistera, qu'on tient naistre de la semence de David (MIÉLOT, Spec. hum. Salv. L.P., 1448, 127). Il n'est oppinion qui mette Ne qui la tiengne estre comette (...). Par quoy fault dire par droicture Que ceste est d'une autre nature. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 73). ...combien que nous tenons assez estre en vostre memoire l'obligacion qu'avez a l'eglise, il ne vous desplaira pas pour plus grand seureté si je vous en touche aucuns des plus gros poincts. (C.N.N., c.1456-1467, 223). ...il tenoit fermement avoir laissé cheoir son dyamant ou le dit Thomas l'avoit trouvé (C.N.N., c.1456-1467, 394). Et ce se fait pour debouter l'entendement charnel, c'est assavoir qu'on ne cuide ce que le Pere pour l'anchienneté de lui ne soit reputé impotent, le Filz a cause de sa jonesse ne soit reputé moins sage et le Saint Esperit a cause de sa soudaineté soit tenu estre cruel. (Somme abr., c.1477-1481, 159).

 

-

Tenir de + inf. "Penser, estimer" : ...je desire moult de parler a ma dame, car je tiens de la reconforter du tout. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 57).

 

c)

Tenir qqn / qqc. + attr. de l'obj. "Considérer comme" : ...quant je repense a la joie Qui de mon clerc me peut venir Si me veult amie tenir... (Mir. abbeesse, 1340, 66). Et avecques ce, toute chose de quoy l'en a opinion est ja determiné et tenue vraie. (ORESME, E.A., c.1370, 349). Tous les haulx barons, qui tenoient De lui et seigneur le tenoient, Manda semondre a certain jour (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 260). ...Ihero fist comme saige roy par deux raisons : l'une pour estre doulx et piteux tenu aux poeuples (LA SALE, Sale D., 1451, 214). ...car a son trespassement de ce monde il fut tenu des chevaliers le plus vaillant (LA SALE, J.S., 1456, 2). Si se pensa qu'elle feroit mal de laisser son mary chargé de la pluspart d'eulx [ses enfants], car il n'en estoit pas le pere, combien qu'il le cuidast et que la tenist aussi bonne que nulle de Paris. (C.N.N., c.1456-1467, 327). ...des choses perdues on le tenoit vray enseigneur, et de toute science aussi le tresparfect docteur (C.N.N., c.1456-1467, 469). ...et escripvit sur les jugemens de astrologie, et fut tenu en son temps souverain astrologien et grant investigateur de toutes sciences. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 41 v°). ...ung quidam chevalier, son parant, en Picardie, près Saint Quentin, fut tenu mort plusieurs jours, puis ressucita et predist moult de choses et vesquit très longtemps après. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 120 r°).

 

-

Empl. impers. : ...il me samble que le tourier peut dire de nous ce que bon lui en tient (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 199).

 

-

Empl. pronom. à sens passif : ...et se tiennent leurs oppinions bien certaines en tous les jugemens de astrologie, et qui bien les entend et les suyt, il ne doit pas errer facillement. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 118 v°).

 

-

Tenir qqn / qqc. à : Quant cy avez deigné venir Et moy a vostre ami tenir, Je vous en aour et mercy (Mir. abbeesse, 1340, 89). O vray Dieu, pere, redempteur, O vray refuge de confort Tenir te dois bien a seigneur Et amer de plus fort en plus fort. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 102). ...elle a fait ung beau filz et a jeü leans, et l'a fait le marchant chrestienner, et le tient a sien. (C.N.N., c.1456-1467, 148). ...[il] tenoit a belle adventure que d'avoir eu cest eur et avoir joy de l'amour de sa dame (C.N.N., c.1456-1467, 393). Bien, Baudricourt, y me suffist, Et entend bien vostre parolle. Vous semble que mal je vous dis Et voy que m'en tenez a folle. Si n'estes pas en bonne colle De moy croire pour le present, Et le tenez tout a frivolle, Je m'en rapporte au Dieu puissant. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 297). ...[predist la prise de] l'arche federique par les Philistins, en laquelle estoient les livres Moyse, les tables des commandemens de la loy (...), illecques mises, selon le precept de Dieu, pour memorer leur yssue d'Egipte et autres choses, de quoy il fut tenu de plusieurs à prophete. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 28 r°).

 

-

Tenir qqn / qqc. de : Et si vueilliez tenir de vray Que j'ay grant fain. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 131).

 

-

Tenir qqn / qqc. pour : Trop m'a volu pour vil tenir (Mir. marq. Gaudine, 1350, 136). Si ne vous tenran [= tenra on] pas pour niche. (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 119). Donques, devons nous commencier par les choses que nous cognoissons, et pour ce convient il que celui qui doit oÿr ceste science soit bien duit souffisanment en bonnes acoustumances de bonnes oeuvres et de justes, car c'est le commencement, et souffist tenir telles choses pour vrayes, et que il est ainsi senz enquerir la cause pour quoy ce est. (ORESME, E.A., c.1370, 110). Et dist par son serement que c'est le premier meffait et larrecin qu'il commeist ou feist oncques ; et requist que de ce il fust tenu pour execusé, veu la petite valeur de la chose. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 394). Et maint homme, pour bon tenu, Trez mauvais larron devenu Par redoubtable despérance, Ou peut-estre pour indigence (LA HAYE, P. peste, 1426, 169). ...[le meunier] s'excusa treshaultement, mesmes osa bien demander a madame s'elle le tenoit pour larron. (C.N.N., c.1456-1467, 44). Desja j'en ay lavé mes mains, Car sur Jhesus ne treuve rien Et pour vray pardonné le tien. (Pass. Auv., 1477, 170). Viengne son Dieu pour le rescourre, Ou certes je le tiens pour mort. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 258).

 

-

Tenir qqn / qqc. comme : Mais aucuns sont comme se ilz fussent femmes, et se delictent et esjoïssent de ceuls qui se douloient et complaingnoient avecques eulz, et les aimment car ilz tiennent comme amis tous ceuls qui se douloient avecques euls. (ORESME, E.A., c.1370, 492). ...ycellui lieutenant declaira et par jugement que ledit prisonnier ne joyroit aucunement de privilege de clerc, mais le tenoit et reputoit comme homme lay (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 464). Et pour abregier la renommee est que plures avaricie student, aucunement pensans plus a leur proffit que ad ce quoy ilz sont appellés a cause de leurs offices, et y tient on les causes comme inmortelles. (JUV. URS., Verba, 1452, 336).

 

-

Tenir noir, tenir blanc. "Soutenir une chose et son contraire" : ...conme sont lez choses lezquellez dependent de la franche volanté d'onme, laquelle n'est pas determinee, mez est muable et aucune foys tient noir et aultre fois tient blanc, et si est aussi fallible (Songe verg. S., t.1, 1378, 370).

 

d)

Tenir qqc. de / en qqn. "Considérer qqc. comme réel, comme vérifié à propos de qqn" : ...le contraire on tenait en lui (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 432).

 

-

Tenir du bien de qqn. "En penser du bien" : ...tantost cogneut qu'elle aroit a la jouste failly, dont elle tint beaucop mains de bien du jousteur. [Connotation érotique] (C.N.N., c.1456-1467, 195). ...j'ay trop tost adjousté foy a voz semblans et decevables parolles (...) ; vous en tenez a present trop mains de bien de moy. (C.N.N., c.1456-1467, 235).

 

-

Tenir qqc. de qqc. "Savoir que qqc. relève, vient de qqc." : Or appert donques comment par philosophie l'en peut estre enduit a soy assentir a aucune chose que nous tenons de la foy. (ORESME, C.M., c.1377, 404).

 

e)

[En incidente] : Car, je tieng, tu es esperit De Dieu, bon, non mie mauvais. (Mir. emp. Julien, 1351, 218). Ceuls doivent estre comparez Aux ames Dieu, si com je taim, Du noble paradis mondain... (DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 40). ...il vous a, sire, envoié, Ce tieng, le plus de son tresor En vaisselle d'argent et d'or (Mir. Clov., c.1381, 239). Voicy Joseph, vostre mary, Qui l'a trouvé, comme je tiens. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 128). Bien l'ay desservy, je le tiens (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 335).

 

2.

Tenir un engagement pris ou l'objet d'un engagement. "Observer (cet engagement)" : Encore un autre veu feray, Doulce vierge, que je tenray Pour vostre amour toute ma vie (Mir. st J. Paulu, c.1372, 117). Je vous tenray ce que direz, Soiez certain. (Mir. march. juif, c.1377, 216). Et alors lui qui parle, cuidans que lesdites promesses tenissent, laissa aler ledit glesve et osta la main que il avoit sur ladite espée. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 414). Et ont juré aux Sainctes Euvangilles de Dieu (...) tenir, garder, entériner et acomplir fermement tout ce que par nous sera sur ce dit (Ch. VI, D., t.1, 1402, 222). ...je vous veil tenir sans faulser ma promesse. (C.N.N., c.1456-1467, 167). ...il n'en diroit mot si les dictes parties ne se soubzmettoient, en peine de dix nobles, que de tenir ce qu'il en diroit [Avant de rendre sa sentence, le juge exige la promesse des parties de s'y conformer] (C.N.N., c.1456-1467, 393). Sus, donques, je tiendrey ma foy ; Je veulx que descapité soit. (Pass. Auv., 1477, 97).

 

-

Tenir une loi : Domicïen, levez la main ! Vous jurez l'empire rommain Garder, deffendre et soustenir, Les loys et libertez tenir, Que les sages seigneurs ont mises ? (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 158).

 

-

Tenir une doctrine / une religion / une foi... "Observer..., y adhérer" : ...les articles Que vous tenez en vostre foy (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 19). Cestui fut disciple dudit Permenides en la science de astrologie, entre autres comme Mabillans et Jarrix, aussi disciples dudit Millesius, ou de ses disciples, ou tenant sa doctrine. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 49 r°). Mathurin de Jargueau, prebtre moult singulier, sçavant en la science des estoilles, lors residant à Paris et l'un des premiers delegué à fere le procès des Bernardins heretiques et tenant la secte des povres de Lion, desquieulx Bernardins en furent brullez cent XIIII, tous hommes de bonne estime (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 129 r°).

 

.

Tenir d'une loi : Le vray Dieu qui morut pour nous, Aveucque luy [mon mari] de sa loy tiens (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 220).

 

-

Tenir Dieu / Jesus Christ... "Être fidèle à Dieu, à Jésus Christ" : O doulx Jhesu que j'ayme et tien, En qui j'ay parfaicte fiance... (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 338). Seigneurs, reverence et salus Vous doint le Dieu que vous tenés ! (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 335).

 

-

Inf. subst. : Si n'estoit pas pas cose pour le roi d'Engleterre et les Englois legiere a esclarcir, car jamais li rois Phelippes, pour lors paroles, demandes ne manaces, ne s'en delairoit dou non tenir et remetre arriere (FROISS., Chron. D., p.1400, 235).

II. -

Empl. trans. indir.

A. -

Tenir à

 

1.

[Idée d'adhérence, de fixation]

 

a)

[D'une chose] "Être attaché, fixé qq. part" : Les cordes qui tiennent aus gielles devers le trait doivent avoir de lonc treize piés escarssement (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 284). ...[le] grant huys tenoit à une barre de boys que l'en reculoit dedens le mur quant l'en le vouloit ouvrir. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 32). ...dedens LX jours que les arbres furent coppez, il y ot cent et trente nefz flotans en mer et tenans aux ancres. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 33). ...ilz ne laisserent en l'ostel de Beauvais estant en la ville meubles quelzconques, et non mie les voirrieres qui ne feussent ostees et les bendes de fer a quoy elles tenoient. (JUV. URS., Nescio, 1445, 495). Il ne fault que deux chainnes parmy les paulx, qui passeront parmy anneaulx de fer qui tiendront aux paulx. (BUEIL, II, 1461-1466, 39).

 

-

Part. prés. en empl. adj. Tenant. "Qui est fixé, attaché" : ...les chausses destachees, qui en cellui temps n'estoient point tenans (LA SALE, J.S. E., 1456, 413).

 

-

"Adhérer qq. part" : ...la glu n'i peut tenir (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 300).

 

b)

[D'un mal, d'une maladie] "Être fixé" : ...combien que la maladie luy tenist en la teste et au debout de la langue (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 886).

 

c)

"Être attenant à" : ...sur une maison assise a Paris, en la rue Palee, faisant le coing de la dite rue Palee, tenant d'une part audit maistre Girart d'Orliens... (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1350, 166). ...une maison cheoite ou place wide, assise a Paris, hors la porte du Bourc l'Abbé, tenant d'une part a Hanequin le Mauvais, et d'autre part et aboutissant a la maison qui fu feu monseigneur Gaucher de Chastillon (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1360, 242). Le duc trouva en une marche Qui à Lubecque tient et marche. (MACH., P. Alex., p.1369, 29). ...sur une maison assise à Paris en la rue de la Voirrie, tenant d'une part à l'ostel d'Anjou... (FAUQ., III, 1431-1435, 154). Le prince qui vuelt estre roy de nouvel royaume doit avoir du moins quatre duchiez, l'une tenant a l'autre, ou aultrement quatre contez pour chascune duchié, et qui ne soient tenus de homme que de l'empire ou de luy. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 230). ...la maison du curé tenoit a la sienne sans moyen. (C.N.N., c.1456-1467, 493).

 

d)

[D'une pers.] "Se fixer qq. part, s'agripper qq. part" : ...[il] se prenoit et tenoit au chariot d'icelle damoiselle de Harecourt faignant qu'il feust son serviteur et lequel prisonnier ne s'estoit voulu departir de tenir à ycellui chariot, pour commandement que lui eussent fait yceulz maistres d'ostel (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 457).

 

-

[D'un animal] "Être attaché à" : ...et doit avoir en la ligne quatre pinchons ou cinc et doivent tenir a la ligne par les elles ou par les piés (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 302).

 

2.

Au fig. [D'une pers., idée d'attachement à qqn / à qqc.]

 

a)

Tenir à qqn. "Être attaché à qqn"

 

-

"Avoir pour favori (dans le combat chevaleresque)" : Belle, lequeil ameiz mieulx de noz IIII et auqueil vous teneiz de l'estour ? Celle respont : Mal seneiz, sy qu'il me semble, pau de vallour aveiz. Jamaiz a vous ne me veiréz tenir. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 51).

 

-

Tenir à qqn en qqc. "Faire confiance à qqn en qqc." : A moy vous en pouez bien tenir Car seans les feray venir Briefvement, ne vous en doubtés. (Pac. Job M., c.1448-1478, 229).

 

-

Tenir à qqn de lignage. "Être de même parenté" : Affin que me peusse chevir Elle me volt mettre servir Une dame de hault parage, Qui .I. poy lui tient de lignage, Mais ne s'entre ressemblent pas, Ne sont pas faites d'un compas, Trop sont dessemblans leurs figures, Leurs fais, leurs meurs et leurs natures. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 23).

 

b)

Tenir à + inf. "S'attacher à, vouloir + inf." : Carles de Blois (...) tenoit a avoir a fenme et a espouse la droite hiretiere de Bretagne (FROISS., Chron. D., p.1400, 474).

 

-

[Sans prép.] Tenir + inf. : Or revient par la voie active Pour esmouvoir ceuls de parler Qui tiennent volentiers parler Des biens de contemplation (MACH., J. R. Nav., 1349, 273). ...pour le meilleur de son party où il tient avoir bonne et juste querelle (BUEIL, II, 1461-1466, 205).

 

3.

[Idée de dépendance] "Dépendre de"

 

-

Qqc. tient à qqn : Mais, je me doubt, et il peut estre, Que la deffaute tint au maistre, Car bon loyer cellui actent, Qui service a bon maistre tend. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 11). Mais la deffaute tient a ceulx, Qui oeuvrent de mauvais conseulx (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 35).

 

-

Qqc. tient à qqc. : Enquerre vouldrent l'achoison Des choses faites et requises, A leur premiere cause quises, Lesquelles sont appertenans A Philosophie et tenans (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 105). Argent luy sera presenté, Car son salaire a rien ne tient ["n'a pas été convenu d'avance ?"] (LA VIGNE, S.M., 1496, 211).

 

-

Là tout tient. "Tout dépend de là" : Et en toutes ces choses et autres que on pourroit dire sont et en la main et en la gouvernance du bon sen et de la bonne raison du veneur, quar là tient tout. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 210).

B. -

[Idée de dépendance] Tenir de

 

1.

Tenir de qqn. "Avoir avec qqn (avec une lignée, avec l'écu qui la représente, avec la complexion d'une lignée...) des rapports de filiation qui entraînent une ressemblance" : Quant ung puceau prent une vesve a femme, le premier enfant qu'ilz auront, se c'est ung filz, pour aussi vray que euvangille, il tiendra de sa mere et sera sage (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 139). ...vous savés qu'etes mon parant et que tenés de la bande de gueules (Lettres Ch. VIII, P., t.1, 1488, 348). ...si ledict conte estoit suspessonneux, il ne le tenoit point de luy [son père], car il ne le fut oncques, mais le tenoit de sa mère, qui avoit esté la plus suspessonneuse dame qu'il eust jamais congneue (COMM., I, 1489-1491, 5). ...jamais depuis la mort du duc Galliace n'en estoit sorti ny ne fit de long temps après, jusques il fut prins par tromperie dudit seigneur Lodovic et par la folie de son maistre, qui tenoit de la complexion de la mère et n'estoit guère saige. (COMM., III, 1495-1498, 13).

 

2.

"Dépendre de, relever de"

 

-

"Relever de (un homme ou une puissance à qui on est redevable des biens dont on jouit), être vassal de, avoir un ou des fiefs relevant d'un suzerain" : LE CHASTELLAIN. Je croy que vous ne savez mie, Dame, quel hoste nous avons. C'est li roys de qui nous tenons Ce dont nous sommes honnoré. (Mir. femme roy Port., c.1342, 158). Ors n'oit en Espaingne roy qu'il ne tenist de Charlez, fors que Amoradins, le sovrain roy d'Espaingne. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 114). Et fist li rois faire un mandement que toutes gens tenans de li, portans armes, fuissent, le premier jour d'aoust, a Evruich. (FROISS., Chron. D., p.1400, 208). Les hommes du Roy ne sont pas tenuz de respondre aux cemonces des barrons ne des valvasseurs si ilz ne sont levans et couchans aux cours du chastel, et si ilz ne tiennent d'eulx (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 149). Et a Saint Ambroise de Millan, present iceulx prelas, princes et communes, [l'empereur] se foit [l. doit] fere couronner par l'archevesque de Millan (...) et après tout ce fait, doit prendre les hommaiges d'eulz et des aultres qui tiennent de la couronne de Millan (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 228). [Messire Jehan de Croy, ambassadeur du duc de Bourgogne, au roi de France :] ...c'est celui [le dauphin], se vous deffailliez - que Dieu ne vueille ! -, qui doit estre son souverain seigneur [du duc de Bourgogne] et de qui il doit reprendre et tenir. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 183). Ce petit bourg, a ce que je congnois, Tient et despend de quelque baronnie Appartenant a monsieur de Dunoys Ou il y a moult belle seigneurie. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 155).

 

-

Tenir de Jesus Christ. "Se réclamer de Jésus Christ" : Or donc maintenant à Jhesus Ne fault viser ne parler plus, Il est mort, mais il fault viser A ses erreurs cy extirper Par voie d'ammonestement, Remonstrant à ceulx doulcement Qui vorront tenir de Jhesus Qui ont tort, et se eulx abstenir (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 209).

 

-

"Reconnaître l'autorité de qqn" : Manda aux barons que de lui Tenissent, mais n'y ot cellui Qui ne lui nyast sa demande. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 214).

 

3.

Au fig. Tenir de qqc. "Participer de qqc." : Pur homme ne pouoit de fait Amender a Dieu le meffait Qu'avoit fait l'omme premerain, Car tuit tenoient du levain Du pechié de leur premier pére (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 267).

 

-

Tenir du costé de. "Se situer de ce côté" : ...entre eulx avoit conversé ung compaignon a demy fol, non pas qu'il eust perdue l'entiere cognoissance de raison, mais a la verité il tenoit plus du costé de dame Folie que de raison (C.N.N., c.1456-1467, 449).

 

-

Tenir du mince. "Relever de la minceur, maigrir"

 

Rem. MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 31.

C. -

Tenir contre./Tenir vers

 

1.

Tenir contre (un ennemi). "Résister à" : ...cognoissans bien que ne pourroient tenir contre luy, à la puissance que avoient (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 132). Et volut avoir avecque lui gens expers en toutes sciences et, par l'espasse de XL ans, tint contre les Romains, jassoit que la fin de lui fut piteuse et, après plusieurs victoires, tant pour lui que contre lui, il extaignit femmes et filles par venin. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 68 r°).

 

2.

Tenir contre une opinion. "S'opposer à" : ...par quoy aucunes foys ilz semblent dire choses contraires, et non font. Et si puet on tenir en tel cas contre leur oppinion, sans errer perilleusement. (GERS., Concept., 1401, 422).

 

3.

Tenir vers qqc. "Être porté à qqc." : Tout aussi chier s'a il tenir Vers le tort comme vers le droit (MACH., J. R. Nav., 1349, 188).

D. -

Empl. impers. [Idée de dépendance]

 

1.

"Dépendre de"

 

a)

(Il) (en) tient à / en qqn de / que. "Cela dépend de qqn de / que (ce qqn pouvant faire difficulté, pouvant s'y opposer)" : ...et en euls en tient, ce m'est avis, dou faire et dou laissier. (FROISS., Chron. D., p.1400, 842). ...pourquoy protestent que se par lesdiz procureurs ou leurs maistres tenoit que il ne peussent ordonner desdiz debas, que ce ne leur soit imputé (BAYE, I, 1400-1410, 228).

 

-

Il tient à qqn de qqc. "Cela dépend de qqn" : Souverain a a cui en tient ["de qui cela dépend"] (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 95).

 

-

Il ne tiendra pas en qqn. "Ce qqn ne sera pas la difficulté, l'obstacle" : L'EXECUTEUR. (...) Puis qu'a ce li convient venir ; Delivrez vous. DEUXIESME SERGENT. Or ça ! ne tenra pas en nous : Faites besoingne. L'EXECUTEUR. Si vueil je faire sanz eslongne (Mir. ste Bauth., c.1376, 148).

 

-

Il ne tient pas à qqn que ... ne. "Cela ne dépend pas de qqn (ce n'est pas grâce à qqn / ce n'est pas à cause de qqn) que ... ne" : Faulse et desloyale que vous estes, il n'a pas tenu a vous que ung tel et moy ne nous sommes entretuez et deshonorez ! Et je tien, moy, que vous l'eussiez bien voulu, a ce que vous en avez monstré (C.N.N., c.1456-1467, 239). ...[il dit à son compagnon] qu'il ne tiendroit pas a luy qu'il ne soit curé de leur ville, dont il fut beaucop mercyé. (C.N.N., c.1456-1467, 286).

 

-

Si à qqn ne tient. "Si cela ne dépend pas de qqn (qui ferait difficulté, qui s'y opposerait), s'il ne fait pas difficulté, s'il ne s'y oppose pas, s'il ne l'empêche pas (la non réalisation de la chose serait de son seul fait)" : ...c'est le Saint Esperit et ses messagés qui vient a grant son, comme au jour d'ui, pour entrer en l'ostel de voz ames, se a vous ne tient. (GERS., Pent., p.1389, 78). Peuplë, eslieve donc ta face A Dieu et requiers ceste grace : Tant clement vers toy se maintient Que tu l'aras s'en toy ne tient. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 170). ...et pour ce sera ce grant fait de vostre personne se a vous ne tient. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 330). ...de fait, si a elle ne tenoit, elle seroit cause d'enrichir et honorer tout son lignage. [Promesse d'un séducteur à une jeune fille] (C.N.N., c.1456-1467, 155). ...le bien amé serviteur, si a luy ne tenoit, tiendra la nuyt le lieu de celuy qui ou bahu fait maintenant sa penitence. (C.N.N., c.1456-1467, 185). "Or ça, Jehan, vous ne ferez pas pis que les aultres, tout est pardonné a ce pouvre larron de chemises, si a vous ne tient. - A moy ne tiendra pas, dit il. Je luy ay pieça pardonné, et luy en baille de rechef absolucion..." (C.N.N., c.1456-1467, 401). ...elle le commença a desirer et ficha tout son amour en luy, disant qu'il seroit celuy, si a luy ne tenoit, qui luy feroit garder la lecçon de son mary [Avant son départ le mari a conseillé à sa jeune femme, si elle devait prendre un amant, de le choisir honnête. Elle l'a trouvé] (C.N.N., c.1456-1467, 569).

 

-

À qui il tiendra. "Quel que soit celui qui y fasse obstacle, qui cherche à s'y opposer" : Pendu soit a qui il tiendra : Nous sommes las oultre mesure. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 266).

 

-

Il ne tient qu'à qqn. "Cela ne dépend que de qqn" : Croy conseil, que sage feras : A grant honneur venir pourras, Ne tient qu'a toy. (Mir. st Ign., 1366, 99). LE ROY. (...) Avançons nous. DEUXIESME CHEVALIER. Chier sire, il ne tenra qu'a vous : Alez si tost que vous voulrez, Touzjours emprès vous nous arez (Mir. fille roy, c.1379, 34).

 

Rem. DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 89.

 

.

Il ne tient qu'à qqn que ... ne. "Cela ne dépend que de qqn que ... ne" : ...a l'ostel de l'homme au gros membre se logeroit ; et ne tiendra que a luy qu'elle n'espreuve si le bon bruit qu'on luy donne est vray. (C.N.N., c.1456-1467, 407).

 

b)

Il tient à qqc. "Cela dépend de qqc. (ce qqc. peut faire difficulté)" : Pleust a Dieu, dist la vieille, qu'il ne tenist a aultre chose, vous seriez tost garie, ce me semble. [Réponse à une jeune fille atteinte de la peste qui pense que seul l'amour peut la sauver] (C.N.N., c.1456-1467, 348).

 

-

Il ne tient à qqc. "Cela ne dépend pas de cette chose, cette chose n'est pas la difficulté" : Je les tiens ja tous pour pendu. Au[x] gibés ne tendra il mie, Par Jhesu Crist, le fis Marie ! ["Ce n'est pas le gibet qui fera difficulté !"] (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 233). CENTURÏON. Sergens, hastez moy ce Jhesus Et ces deux larrons aux costéz. S'ilz ne veulent, si les batez Si bien qu'il n'y ait que redire. CLAQUEDENT. A cela ne tiendra pas, sire ; Nous en faisons nostre pouoir. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 327). Je le feray voulentiers, sire ; A mon devoir pas ne tiendra. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 347). "...il ne les peut avoir de droit ; aussi ne les demande il pas a ceste intencion, mais il les a bien deservies en aultre maniere. - A cela ne tiendra pas, dit elle, je feray voluntiers finance de la toille..." [Bien que leur maître ait perdu son pari dont les chemises neuves constituaient l'enjeu, les servantes demandent à leur maîtresse de les lui donner] (C.N.N., c.1456-1467, 189).

 

-

Il ne tient pas à qqc. "Ce n'est pas la difficulté, rien ne s'oppose à qqc." : Il ne tendra pas a bien battre ["rien ne s'oppose à ce que je le batte bien"], Entré est en malle sepmaine. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 256). [Même ex. ds Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 714]

 

-

Il ne tient pas à qqc. que ... ne. "Cela ne dépend pas de qqc. (ce n'est pas à cause de qqc.) que ... ne" : Son compaignon le chevalier de Haynau, qui savoit tout son cas, le servoit au mieulx qu'il povoit ; et ne tenoit pas a sa diligence que ses besoignes ne fussent bien bonnes et meilleures qu'elles ne furent. (C.N.N., c.1456-1467, 343). [Litote]

 

-

Il ne tient fors que. "Cela ne dépend que d'une chose, à savoir que..., il suffirait que..." : ...car grant bien seroit se le païs estoit restauré de villes et chasteaulx. - Sire, dist Blanor, il ne tient fors que les menues gens qui se tiennent es forests eussent cappitaines pour les conduire (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 866).

 

-

Il tient à qqn. "Cela fait difficulté à qqn" : "Helas ! m'amye, et qu'avez vous ? Et n'estes vous pas bien vestue, bien logée, bien servye - Ce n'est pas la qu'il me tient, respondit elle. - Et qu'est ce donc ? dictes le moy, ce dit il, et si je y puis remede mettre, pensez que je le feray..." (C.N.N., c.1456-1467, 470).

 

-

À quoi / où il tient. "À quoi cela est dû" : Mais je voy bien a quoy il tient : ... (DESCH., M.M., c.1385-1403, 55). Si ne scet le bon home ou il tient et vient a pouvreté et ne scet que penser, fors seullement qu'il dit et conclut a lui mesmes qu'il est ainxin maleureux et que c'est Fortune qui lui court sus et qui regne contre lui (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 60). Je ne scay pas a quoy il tient Ne së en toy tient la demeure (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 54). Scavez vous point a quoy il tient Que France a tant d'aversité ? (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 64). Et mout fut le chevalier esbahi qu'il ne pouoit donner la colee au damoisel, dont sa soeur lui demanda a quoy il tint. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 910). A quoy tient il ne a quel point Que je ne puisse ferir a point En vostre escu (Six dessins dialogués à double sens, éd. K. Baldinger, c.1470. In : Trav. Ling. Philol. 31, 1993, 20).

 

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À peu ne tient que. "Il s'en faut de peu que" : A peu ne tient que je ne dye Que mauvais doye devenir (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 114).

 

-

Peu s'est tenu que. "Il s'en est fallu de peu que" : Peu s'est tenu que ne l'ay esnasee (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 8).

 

2.

"Importer à"

 

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Il tient à qqn de + inf. : D'avoir soulas de fame a nul d'eus il ne tint. (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 96). En tel parti les vouldrent mectre Qu'a tousjours leur en souvenist, Ne d'eux rebeller ne tenist (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 238). Oncques ne distrent chançonnete, Ne de cueillir la vïolete Ne leur tenoit (CHART., L. Dames, 1416, 209). Disoit cellui qu'Amours tenoit En telle pensee amoureuse Que de dormir ne lui tenoit Ne de faire chiere jouyeuse (CHART., D. Rev., a.1424, 306). Quant en mesnaige fus entrés, Et je me fus bien avisés, Il ne me tint de rire. (Compl. nouv. mar. N., c.1490, 124).

 

.

Il en tient à qqn : Il ne nous en tient Ne de toy ne nous doit challoir. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 289). Si ton cueur dolent pas sera Quant de mort le pas passera, Qui est plus qu'autre riens horrible. T'esbas tu bien present ? Or rible, Car adoncques ne t'en tendra, Lors qu'envers toy ses las tendra. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 38).

 

.

Il n'en tient pas à qqn. "Il n'en a pas envie" : Tournez vous vers moy et je feroy ce que vous vouldrés. -- Pour Dieu, fait elle, lessés moy ester, car, par ma foy, il ne m'en tient point. Pleust a Dieu qu'il ne vous en tenist jamés ne qu'il fait a moy ! (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 9). Or rible, Car adoncques ne t'en tendra, Lors qu'envers toy ses las tendra ["Livre-toi à la débauche, car tu ne t'en préoccuperas plus quand..." (éd.)]. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 38).

 

-

Il tient à qqn que. "Il importe à qqn que, cela affecte qqn que" : Monseigneur le bastard est un chevalier de haut courage, et luy tient moult que son voyage n'est de grand effet. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 57).

 

-

Il tient au coeur à qqn : Et pour ce qu'au cuer li tenoit... (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 75).

 

3.

Il tient pour. "Cela tient lieu de" : [Le souteneur] Sa robe prens, demy seint et seurcot, Sy lui jure qu'il tendra pour l'escot. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 125).

E. -

[Idée d'obligation] Estre tenu (à / de / en / pour)

 

1.

[À qqc.]

 

a)

Estre tenu à / en qqc. "Être obligé à qqc." : Et l'omme qui a ce tenuz Estoit est si frans devenuz Que le basme plus ne querra (Mir. pape, 1346, 364). Faites li biau semblant, sanz faille : Tenue y estes. (Mir. Amis, c.1365, 57). ...et dist a l'evesque et as chevaliers qui la estoient, que il obeiroit volentiers a tout ce que on li avoit escript, car il i estoit tenus de foi et d'onmage. (FROISS., Chron. D., p.1400, 156). Chascun doncques se doit a la fois et souuent retourner sur soy en pensant les choses deuant dictes, et comme on fait ce a quoy on est tenu, en pensant aussy a quels vices on est enclin et les autres enfermetez. (CIB., p.1451, 199).

 

-

"Être soumis à une obligation relative à qqc." : ...tout ainssy que les subgez sont tenus au bien de leur seigneur, sont les seigneurs tenus au bien de leurs subgez (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 20).

 

b)

Estre tenu (à / de / pour) + inf.

 

-

Estre tenu faire qqc. "Être obligé de faire qqc." : ...car chascun est plus tenu secourir et aidier a celuy que il aime plus. (ORESME, E.A.C., c.1370, 460). ...et sera tenus et promist le dit Guillaume moudre pour les bonnes gens du pays, pour bon et raisonnable pris (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1375, 453). ...et est et sera tenus ledit Jehan, par chascun an du dit temps, mettre et espandre tout le fiens es dites vingnes (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1380, 498). ...et sera tenus Pierre de Brecourt, son oncle, rendre compte par devant maistres Guillaume de Celsoy et Guillaume Le Clerc des choses par lui administrées (BAYE, I, 1400-1410, 197). Pour lesquelles vous estes bien tenu remercier et recongnoistre Dieu... (JUV. URS., Verba, 1452, 194). Et pour plus tost soy acquictier des pris qui seroient perdus, chascun de nous sera tenu, avant le commancer des armes, les mectre es mains du prince, pour en ordonner a son bon plaisir. (LA SALE, J.S., 1456, 146).

 

-

Estre tenu à faire qqc. "Être obligé de" : ...Quant l'en doit au service entendre Que touz sommes tenus a rendre (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 52). Homme est bien tenu a servir chelui qui a pourveu suz toutes ses neccessités (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 229). Car celui qui doit est tenu a rendre, et se il ne puet faire chose condigne ou rendre equivalent selon ce que il a receü, donques il demeure tousjours debteur. (ORESME, E.A., c.1370, 451). ...car tous ceulx d'ung party sont tenuz à le faire les ungs pour les aultres. (BUEIL, II, 1461-1466, 94). ...et lui dist que tous les bons serviteurs du Roy estoient tenuz à lui faire honneur. (BUEIL, II, 1461-1466, 142).

 

-

Estre tenu de faire qqc. "Être obligé de faire qqc." : Pour quoy es tu tenu de faire De baume celui luminaire Nient plus que d'uille ? (Mir. pape, 1346, 357). Sire, je seroie tenue De vous faire honneur, se savoie (Mir. mère pape, c.1355, 357). Et, quant il refuseroit et inconvenient adviendroit au soubdoyer, à qui seroit le prisonnier, le cappitaine seroit tenu et obligé de le lui reparer. (BUEIL, II, 1461-1466, 11). ...car le pere arrogateur est tenu de laisser au filz arroginé la quarte partie de tous ses biens par testament (Sacr. mar., c.1477-1481, 60). ...mais le pere adopteur n'est tenu de riens laissier au filz adoptif se il ne lui plaist. (Sacr. mar., c.1477-1481, 60).

 

-

Estre tenu pour faire qqc. : Aussi vous estes ci venu Disans que vous estes tenu Pour faire son très dous service, Dont le partir yert trop grant vice (MACH., P. Alex., p.1369, 107).

 

c)

Estre tenu que + subj. : Aymerigot, vous estes bien tenu que vous fachiez aucune chose pour la dame, car vous eustes, n'a pas encoires troix ans, de son argent, V. mille frans pour le rachat du chastel de Merquel. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 210).

 

2.

[À qqn]

 

a)

Estre tenu à / envers qqn. "Être lié à qqn, lui être obligé, lui être redevable" : Je suis moult tenu a ceste dame qui c'est tant travaillee pour moy. (Veng. Nostre-Seign. F., t.1, c.1300-1400, 82). De tant que pour moy plus ferez, Tant plus tenue a vous seray (Mir. emper. Romme, 1369, 253). Et donques qui resgarde a ceste raison, le filz semble estre plus tenu au pere que a soy meïsmes. (ORESME, E.A.C., c.1370, 456). Si comme a ceulz qui sont d'un lignage, il est legier a savoir que l'en est plus tenu a celui qui est le plus prouchain. (ORESME, E.A.C., c.1370, 459). ...car je n'estoie en riens tenus envers vous, ou cas que, sans mon sceu, vous estiez alez chevaulchier à l'aventure. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 205). ...une obligacion par laquele Almaurry Noël, carrier, demourant à Gentilly, est tenuz et obligiez envers messire Florimont de Guise, chevalier, en la somme de IIJcXXXV frans (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 494). ...et vous, qui estes tant tenu a Dieu et auquel il a fait tant de graces, ne devés pas souffrir que on les empesche ainssi en leurs jurisdictions. (JUV. URS., Verba, 1452, 368). ...et comment vous pourray je jamais servir a la milesme partie de ce que a vous suis tenus ? (LA SALE, J.S., 1456, 73). C'est ung des hommes du monde à qui je suis le plus tenu et que j' ayme plus. (BUEIL, II, 1461-1466, 221). Et alors le seigneur de Buoeil, ammiral de France, qui aultreffois avoit esté principal gouverneur du daulphin, prist la parolle et dist ainsi : "Je suis serviteur et bien tenu a monsr (...). Mes, a parler a la verité, il s'est mal conduit envers le roy ..." (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 51). Et alors le duc, la tirant a part emprés un banquet [ou] il alla seoir, l'assist emprés ly, et la, entre aultres devises joieuses et de pluseurs manieres, lui va dire par son nom : "Madamoiselle, (...) m'avez fait honneur en mes vieulx jours, et m'en repute bien tenu..." (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 239).

 

-

Empl. abs. : Et pour monstrer que il [Don Henry] l'amoit [son ancien précepteur, mort pour lui sauver la vie], et que tenu en estoit (...), il vault trois mois, sans faire barbe ne cheveulx, le noir porter. (LA SALE, Reconf. De Fresne H., 1457, 30).

 

-

Part. passé en empl. subst. masc. "Celui qui a des obligations morales, de gratitude" : ...nostre Saint Pere prist la parolle (...). Et remerciant pareillement le noble prince son nepveu de si longtaine venue et tous les aultres, leur dit et monstroit signe qu'il estoit moult haultement joieux de leur advenement, qui leur avoit esté penible, ce dist, et de grans despens, dont il se reputoit moult leur tenu (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 251).

 

b)

"Être lié à qqn par une obligation juridique" : Toutesvoies, le beneficié n'est pas tenu au bienfaicteur par obligacion legal et de justice, mes seulement par obligacion moral et d'amistié. (ORESME, E.A.C., c.1370, 473). Et fu compté et sonmé a tous barons, chevaliers et equiers de Hainnau, en conbien, tant pour cevaus que pour gages, li rois estoit tenus envers euls. (FROISS., Chron. D., p.1400, 153). ...ung detenteur de heritages, chargiez de rente, est tenu aux rentiers ypothecairement et personnelment des arrerages d'icelle rente escheuz de son temps. (FAUQ., III, 1431-1435, 119).

 

-

Estre tenu à qqn 1 pour qqn 2. "S'être porté garant auprès d'une personne pour une autre" : Ho ! dist Ysabel, ma dame, or sommes nous desobligees, car nous vous estions tenues pour lui que a ceste foys il avroit dame choisie. (LA SALE, J.S., 1456, 49).

 

-

Part. passé en empl. subst. masc. "Débiteur" : Jehan de Reneufves, demourant à l'Estoile et au Croissant en la Cité de Paris, est son tenuz et obligiez en la somme de XX frans (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 495).

 

c)

Tenu envers qqn. "Qui a une obligation de respect, de considération envers qqn" : PREMIER CURÉ. (...) Tu scés bien qu'envers moy tenuz Es, et conment t'es maintenuz En rigueur d'orgueil paroutré (Mir. parr., 1356, 12). ...et recongnoys que mout suis tenu envers toy (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 744).

F. -

[Idée de dépendance] Tenir sur qqn. "Surveiller qqn" : ...et de fait hier, n'a pas plus loing, je teins sur vous, et d'un lieu ou j'estoye, je vous y vy entrer ; vous savez bien si je dy vray. (C.N.N., c.1456-1467, 229).

III. -

Empl. intrans. [Empl. intrans. (ou empl. trans. avec objet "interne"). Proche d'un emploi "symétrique" (le sujet grammatical est un "objet profond") ; idée de stabilité]

A. -

"Ne pas céder, résister"

 

1.

[D'une chose] "Être solide, ne pas céder" : JOSEPH. Cilz qui ce clau cy vuelt ferir Avoit en lui peu de pité. (...) Or ça, mon clau est esrachié. NICODEMUS. Li miens tenoit fort, mais je l'ay. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 213). ...il s'apperceut, ne sçay comment, que mon devant ne tenoit comme rien, et qu'il estoit en trop grand adventure de cheoir. (C.N.N., c.1456-1467, 41). Hurtons de poittrine de cheval à la barrière ; car vous savez bien qu'elle ne tient point. (BUEIL, I, 1461-1466, 139). Malegorge, prent tes ostis Et clouerons les piés ensemble. Il en tiendré mieulx, si me semble. Or frape, car je tien les piés. (Pass. Auv., 1477, 198).

 

-

Qqc. tient qq. part. "Qqc. est solidement accroché, attaché qq. part" : Maiz, quant les aguilles leur viennent, Qui dedens l'eschine leur tiennent, N'essaiez pas a les garir (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 331).

 

-

[Du mariage] "Être valide" : Je sui filz de roy ou de prince ou de duc, et la femme n'aura nulle congnoissance de lui, et il contrait avec celle femme, et elle cuide qu'il soit filz de roy, pour tant elle ne sera pas deceute. Et tendra le mariage, ce ne sera pas erreur de personne, mais erreur de qualité qui n'empesche pas le mariage. (Sacr. mar., c.1477-1481, 50). Et se les espousailles n'ont pas tenu, car ilz ne sont pas de droit, mais de fait, ilz sont tant seulement contrais. (Sacr. mar., c.1477-1481, 72).

 

-

[D'un argument, d'un jugement, d'un serment...] "Rester valable" : Pour ce qu'as fait un serement Qui ne peut tenir bonnement Que ce ne soit contre la loy (...), Dieu te mande qu'en brief termine Seras mesel. (Mir. Amis, c.1365, 44). Tiercement, ont esté mises raisons au contraire et que il n'est pas ainsi meu, et nientmoins touz tiennent et je cuide que il est ainsi meu et la terre non (ORESME, C.M., c.1377, 536). ...mon jugement est vrai, il tenra et ne sera point subverti. (Internele consol. P., 1447, 204).

 

-

Au fig. "Résister" : ...mon heur est tel aujourd'huy ou que je suis banny du royaume, ou que je le seray dedens une heure, et n'est riens de ma vie qui me tenra. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 178).

 

-

Tenir longuement. "Durer, résister" : Dyarrie quant elle a longuement tenu, et vomite survient de son gré, c'est cause de garison. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 91).

 

-

Part. prés. en empl. adj. V. tenant

 

2.

[D'une pers.]

 

a)

"Différer de satisfaire ses besoins naturels ; se retenir" : Ly malignes esperis fuyent la pierre [de sayete]. Ly ayghe de ly boulte garist estorsions el ventre. Se vous donnés l'ayghe de luy boyre une femme : se elle est virge, elle tenra, et se elle est corrupte elle pissera tantost. (MANDEVILLE, Lap. M., c.1350-1390, 184).

 

b)

"Résister" : L'empereur mande que venez A luy et que point ne tenez. (Myst. Incarn. Nat. L., t.2, c.1454-1474, 420). Warwyc ne tenroit point de pied, qui estoit lâche et couard (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 486). Sur ceste question il fault tenir. Il fault regarder se la commaternité precede mariage ou ensieuve mariage (Sacr. mar., c.1477-1481, 56).

 

-

Sans tenir. "Sans résistance" : Les chrestiens viennent devant vous et vous veulent assegier et sont bien cent mille et ont prise la cité de Bethleem sans tenir. (Baud. Flandre P.-M., c.1443-1452, 84).

B. -

Tenir dans tel ou tel état. "Se maintenir dans tel ou tel état" : En ce party que vous ouez tint Remondin Olivier grant espace de temps. (ARRAS, c.1392-1393, 63).

 

-

Tenir + compl. prép. : Ne me puis sur piez tenir, mais Pasmer me fault. (Mir. st Alexis, 1382, 366). Ma foy, dit elle, il m'est prins ung tel mal de teste que je ne saroye tenir sur piez (C.N.N., c.1456-1467, 242).

 

-

Tenir + adv. (ou adj. en empl. adv.)

 

.

Tenir bon / tenir ferme. "Résister" : Et se en devant il avoit tenu bon, encoires le tenoit-il meilleur aprez, car il avoit moult bien de quoy. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 151). ...ce devant fut trestout asseuré et tenoit tresferme et bien. (C.N.N., c.1456-1467, 41). ...la petite bataille, qui estoit derrière, tint ferme (BUEIL, II, 1461-1466, 202).

 

-

Sans long tenir. "Sans tarder" : Sire, j'y voix sans long tenir Et leur diray tout a present Qu'il viegnent bien hastivement (Pac. Job M., c.1448-1478, 241).

 

-

Tenir ensemble. "Se maintenir ensemble" : Et tenez, mon amy, a nostre amour commencier, je vous donne ces deux verges d'or qui tiennent ensemble (ARRAS, c.1392-1393, 27). Mon doulz amy, veez cy deux anneaulx qui tiennent ensemble, dont les pierres ont une mesme vertu. (ARRAS, c.1392-1393, 259).

 

.

"Être consistant" : Et nientmoins, quant la liquer est forment continue et tenante ensemble... (ORESME, C.M., c.1377, 718).

C. -

[D'un chanteur] "Faire la teneur (dans un motet)" : SAINT JEHAN. Ensemble (...) Nous fault d'un motet le recort Chanter : bon fol, a nostre accort Tost vous mettez. LE FOL. Mes amis, de ce ne doubtez : Conmenciez, et je vous suivray. Je tenray ou je trebleray, Quel que vouldrez. (Mir. parr., 1356, 58). Se prudence qui tient cessoit, Le chant tost se descorderoit (LE PETIT, Champ d'or L., c.1388-1392, 81). ...l'en puet aprandre a chanter, acorder, doubler, quintoier, tierçoier, tenir, deschanter, par figure de notes, par clefs et par lignes, le plus rude homme du monde (DESCH., Art dictier R., 1392, 270). Et sur la nuyt va chantant a voix basse, Et s' entretient Par soubz les braz a quelque autre qui vient Avecques lui, qui bien chante ou bien tient (CHART., D. Fort., 1412-1413, 169).

D. -

[Empl. trans., mais avec un objet "interne" (espace, mesure...)]

 

1.

Tenir un certain espace "Occuper un certain espace" : ...dont cilz qui livroient la place furent moult esbahiz, tant du ruissel qu'ilz virent courre soubdainement comme de l'enceinte que ly cuirs de cerf tenoit, car il comprenoit deux lieues de tour. (ARRAS, c.1392-1393, 34). Et sur celle mesmes riviere estoient les Sarrasins logiez, et n'avoit entre eulx deux que une montaigne qui tenoit enuiron une lieue de tour (ARRAS, c.1392-1393, 134). Tant y veissiés de nefs floter Que de la mer grant part tenoient (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 244). Cestui recite en ung sien traicté qu'il vit, aucun peu après le consille, une merveilleuse multitude de oyseaulx incongneux en l'air, pres de Berne et venoient de devers les parties de France, qui tenoient d'espasse de plus de ung mil de Almaigne de long et ung quart en large, et voloient moult espées (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 151 v°).

 

-

Tenir toute la voie. "Occuper toute la largeur de" : Des royseulz doit on avoir de granz et de petiz, quar le royseul doit tenir toute la voye. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 285).

 

2.

Tenir tant, telle mesure... "Contenir tant, telle mesure" : ...une aiguière d'or tenant une pinte, semée d'esmaux de plicte, de rubis, d'esmeraudes, et de perles d'Orient, et sur le couvercle devoit avoir 1 saphir pour le fritellet, lequel saphir le dit Estienne avoit osté pour ce qu'il estoit desrivé (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1353, 305). Sire, Alixandre est une ville Qui tient de tour plus de X.. mille, Car elle est grant et plate et lée, De tours et de haus murs fermée (MACH., P. Alex., p.1369, 61). ...il tenoit bien VII piés de grant adonc (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 20).

 

3.

Tenir un certain contenu. "Contenir" : Ceste nef tient infinie abondance : Touz biens y sont puisiez sanz descroissance (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 301). Aler au puis me conviendra Querre ëaue pour mon mesnaige Et ceste cruche en mon voyaige Porteray, qui tiendra assez. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 156).

 

-

Au fig. "Contenir qqc., comporter en soi" : La loy tient que le hault regnon De celuy dont mencion faictes, Qui nous est promis des prophetes, Sera de si grande crïee Qu'au monde n'y aura contree Qui ne saiche parler de luy. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 116). Ce me semble un estrange fait : Grant signe de charité tient. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 239).

 

4.

Empl. impers. "Trouver place" : Lequel pillier est encore en icelle eglise en une petite tournelette ou il ne peut tenir que deux personnes a une fois (Voy. Jérus., c.1395, 22).

E. -

Part. prés. en empl. subst. V. tenant

IV. -

Empl. pronom. [Idée de stabilité]

A. -

Se tenir qq. part

 

1.

[D'une pers., dun animal]

 

a)

"Se trouver, rester qq. part" : Lors quant il [le coucou] sent yver venir, Si s'en va en son creux tenir (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 14). ...Et me chargea, quant je vins cy, Que de par li vous die ainsi Que ceans vous vueillez tenir, Car il veult cy demain venir Pour visiter. (Mir. abbeesse, 1340, 83). [Personnification] Et quant Espoir qui en mon cuer se tient Fait dedens moy si grant joie venir... (MACH., R. Fort., c.1341, 111). NOSTRE DAME. Je ne me vueil ci plus tenir. Venez vous en, biau filz Jhesus. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 230). En maint divers estre M'a convenu querre et tracier L'ermitte que le penancier Me dit qu'en Egipte manoit Et en un desert se tenoit. (Mir. parr., 1356, 40). Et dist, icellui Thevenin, à lui qui parle, qu'il se tenist en bas par terre à l'uys, et regardast que ledit Godeffroy, leur maistre, qui estoit alez à une frarie en ladite ville, ne venist. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 370). ...ne se volt tenir En cel pays, ainçois s'en part (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 253). ...Et se tenir celle saison Communelment en sa maison (LA HAYE, P. peste, 1426, 79). ...de la partie en laquelle il estoit ordonné en la bactaille des Rommains, il [Metius Suffetius] se party et s'en alla mener ses gens ou pendant d'une montaigne, qui estoit assez prez de la, affin que, après la battaille, ilz se tenist devers les vaincqueurs. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 37). ...il m'ont ceans amené, ou il me faut tenir aucune espace de temps (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 65). Et se tu me demandes par quoy ilz se tendront en hault et ne cherront point en ceste tristesse melancolieuse, ie tay respondu deuant que ce sera par leesse spirituelle par laquelle ilz se soustendront. (CIB., p.1451, 219). ...dist le compaignon a sa femme qu'il s'en alloit (...) et la chargea de bien se tenir a l'hostel et garder la maison (C.N.N., c.1456-1467, 24). Le jour qu'elle y vint, [le curé] se pourmenoit et se tenoit près du benoistier. (C.N.N., c.1456-1467, 301). Maulbec, tien toy tousjours darriere. (Pass. Auv., 1477, 139).

 

-

Se tenir à qqn. "Fréquenter qqn" : ...ce sera bien (...) Que plus avecques nous ne viengnent [ces gens], N'en nulle maniere s'y tiengnent, Et qu'a tous temps maiz de leurs viez D'avecques nous soient bannies. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 197).

 

-

Se tenir avec qqn. "Demeurer avec qqn" : Lonc temps avec elle se tint. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 22). ...a la fin l'engroissa, Puis, longuement, avec elle se tint. (BAUDE, Dictz moraulx S., p.1450, 83). ...quand il cogneut que par beau ne par lait il ne la povoit oster de sa mauvaiseté, il la abandonna, et ne se tint plus avec elle, mais la fuyoit comme tempeste (C.N.N., c.1456-1467, 489).

 

-

Au fig. Se tenir derrière. "Se montrer discret" : Or avoit le roy anglois bien entendu piéçà la mort de son frere (...), dont il se tenoit bien derriere, mais en porta du desplaisir assez (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 236).

 

b)

"Habiter qq. part" : ...[il] s'advisa ung jour (...) d'aller esbater, voler et querir les lievres en la marche du païs ou sa dame se tenoit (C.N.N., c.1456-1467, 474).

 

2.

[D'une chose]

 

a)

"Se trouver qq. part, subsister, rester, se maintenir, exister (qq. part)" : Si se tient plus escharceté En richesse qu'en povreté (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 207). Ceste couleur se tient moult fort ou elle se prent et ne l'en puet on oster que il n'y pere tousjours. (CORBECHON, Couleurs S., 1372, 378). Une seule maison puet enseignier que la court demande, que le pueple espoire et où les vertus du royaume tiennent. (FOUL., Policrat. B., I, 1372, 91). Dame, et comment que moult fort me destraingne Li souvenirs qui en mon cuer se tient, Ne pensés ja pour ce que je me feingne D'amer (MACH., L. dames, 1377, 48). Item, pourquoy aucunes choses terrestres pour leur petite quantité, si comme poudre, et aucunes autres pour la tenuité ou tenüece de leur figure, si comme fuilles d'or, se tiennent en l'aer sanz estre meues en bas ? (ORESME, C.M., c.1377, 712). ...et que l'on ait La congnoissance du bon lait Et du maintien de la nourrice, Qu'elle ne soit sote ne nice, Mais ait bon pis, soit lie et gaie, Juene, jolie et se resgaie, Que son lait sur l'ongle se tiengne (DESCH., M.M., c.1385-1403, 101). Et se icelle goucte de miel se tient en l'eaue sans espandre, il est cuit. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 279). Saichiés que, par ces desers, ce ne sont pas fonteines sourdans, mais sont lieux bas entre grans roches ou l'eaue se tient et arreste apprès une grant pluye. (Voy. Jérus., c.1395, 45). Il est force qu'adés il m'en souvieigne, Quel que je soye et quel que je devieigne, Tant que l'ame dedans le corps se tieigne (CHART., Compl., 1424, 325). Se ceste rigueur se tenoit Et pitié n'y contretenoit... (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 43). ...car la vie se tient et est conseruee en chaleur et en moiteur. (CIB., p.1451, 218). Mais l'arain, pour ce qu il a en soy plus de moitteur que le fer, mieulx se tient en l'eaue et plus longuement sans pourrir. (BUEIL, II, 1461-1466, 52).

 

b)

[D'une action, d'un événement] "Avoir lieu (qq. part)" : Tandis que ce parlement se tenoit va venir - ainsy le vost Dieu - de terre ca jus, de la cité de Nazareth es parties de Galilee, une damoiselle, fille de vertuz, qui Oroison se nommoit. (GERS., Concept., 1401, 395). ...dont pluiseurs malfaiteurs se sont avanciez (...) a faire homicides, traysons et tous aultres griefz, malefices et excez, pour ce que, quant ilz les avoient faiz couvertement et en repost, ilz ne povoient estre convaincus par tesmoings ; dont par ainssy le malefice se tenoit. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 208).

B. -

[D'une pers. ou d'une chose] "Se maintenir, se montrer (dans un certain état, une certaine position, une certaine attitude, une certaine activité...)"

 

1.

[Avec un attr. de l'obj.] : ...touz jours seult honneur venir A l'enfant qui se veult tenir Obediant et doubtant pére (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 280). La malade faire me fault, Puis que mon gendre voi venir ; Le chief enclin me veil tenir Et clos les yex. (Mir. femme, 1368, 189). Par la vile aloit et venoit, Et entre les gens se tenoit Sain et haictié. (Mir. femme, 1368, 198). Et se tint la feste grande et belle (FROISS., Chron. D., p.1400, 458). ...pour soy tenir bien abilié, bien monté, et toutes ses gens, selon son estat. (LA SALE, J.S., 1456, 22). ...present celle de qui vous vous teniez si fier, par laquelle avez si deshonnestement menty et parlé contre les chevaliers et escuiers (LA SALE, J.S., 1456, 298). J'ay veu qu'on n'oyst pas Dieu tonner en une compaignie ou il fust ; et il se tient plus coy que ung feu couvert. (C.N.N., c.1456-1467, 199). [Montez en hault,] en ce petit grenier, et vous tenez tout coy, sans mouvoir (C.N.N., c.1456-1467, 243). Si s'en tenoit trop plus fiere, et se faisoit acheter. [Son ami est de plus en plus épris d'elle] (C.N.N., c.1456-1467, 414).

 

-

Se tenir comme : ...il ne sonnoit pas ung mot, mais se tenoit comme une droicte statue ou ung idole entaillé (C.N.N., c.1456-1467, 199).

 

2.

[Avec un adv. ou un compl. adv.] : L'ABBEESSE. (...) Je vous y mettray en tel tiltre Que vous devra bien souvenir De vous plus simplement tenir Une autre foiz. (Mir. abbeesse, 1340, 64). Car nulz n'y peut a droit venir, S'il ne se veult mettre et tenir En solitude. (Mir. emp. Julien, 1351, 213). ...donques, aussi comme seürmonter et avoir victoire est meilleur chose que n'est soy tenir senz estre vaincu, semblablement il s'ensuit que continence est meilleur et plus eslisible que n'est perseverance. (ORESME, E.A., c.1370, 389). ...et contenoient icelles lettres, si comme il se recorde, que il qui parle se tenist bel et bien, ainsi qu'il avoit acoustumé de faire, et se gouvernast et gardast ses forteresses au mieulx qu'il pourroit (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 196). ...sa moulhier (...) se tenoit simplement et sainctement comme beghine (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 128). Ceulx de la cité moult doubterent, Mais soubtilment Rommains manderent Que fort se tenissent, car tost Aroyent secours de grant ost (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 12). ...a lui il appartenist Que plus fierement se tenist. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 254). ...comme cellui qui bien aise et joieusement se tenoit et comme tresbon compaignon dist a chascun : "Saillons tous hors et laissons Madame chauffer et soy un peu aisier a son privé" (LA SALE, J.S., 1456, 247). Sans dormir ne se tint gueres l'orfevre (C.N.N., c.1456-1467, 66). ...pour quoy requist a Dieu qu'il lui ostast et Dieu ne le voult faire, afin qu'il fust tousjours sur sa garde et tant plus humble se tenist en humilité considerant sa fragilité. (Somme abr., c.1477-1481, 177).

 

3.

Se tenir à / en / pour / vers

 

a)

[Qqn]

 

-

Se tenir à qqn. "Être du parti de qqn, être fidèle à qqn" : A Jhesucrist son Fil me vueil prendre et tenir. (Pleur ste âme B., c.1375-1425, 59). Et de la il vinrent devant Hainbon, et se requellierent toutes les gens d'armes et les capitains françois de tout le pais, qui pour lors se tenoient a mesire Carle de Blois, et vinrent tout au siege de Hainbon. (FROISS., Chron. D., p.1400, 549). Et ja soit ce que monseigneur vostre nepveu soit chevalier souffisant et digne de delivrer le meilleur chevalier du roiaume de France, toutesfois, puis que mon aventure m'a a vous adressé, je me tiens a vous et arreste (LA SALE, J.S., 1456, 107).

 

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Se tenir de qqn : Mais Fortune se tient de ceulx Qui emprennent a conquester. (Cent ball. R., c.1388-1396, 17). Et (...) vequit longs ans neutre, sans savoir desquels il se vouloit tenir (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 134).

 

.

Se tenir pour qqn : Lequel roy Lancelot estoit nourry en ladicte cité de Gayette et en grant destresse et neccessité, pour ce que les troiz parties ou environ dudit royaume se tenoient pour le roys Loÿs second (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 189).

 

b)

[Qqc.]

 

-

Se tenir à qqc. / à faire qqc. "S'arrêter, se maintenir à qqc." : L'ABBEESSE. Est ce bien fait, quant vous devez A la parole Dieu entendre (...), Que ne vous y deignez tenir, Ains vous en alastes le pas Ne say ou ? (Mir. abbeesse, 1340, 64). ...Nompourquant je me vos tenir De tous poins a fermement croire Qu'elle disoit parole voire. (MACH., R. Fort., c.1341, 155). Et donques est il manifeste et certain que l'en se doit aherdre et tenir au moien. (ORESME, E.A., c.1370, 263). A vostre oppinion me vueil Tenir, sire, qu'elle me semble La meilleur (Mir. ste Bauth., c.1376, 109). A chascun de son fait couviengne, L'obscur laist, au certain se tiengne (DESCH., M.M., c.1385-1403, 289). Pour l'amour de Dieu, qui s'en sent coulpable - il m'entent bien ! -, corrige soy, et, quoy que ce soit du temps passé, tiegne soy ou temps advenir. (GERS., Pent., p.1389, 78). ...mais te tenisses purement a ma volenté et de mon Pere (Internele consol. P., 1447, 166). Bon Jhesus, quant me tenray je a toy veïr ? Quant contempleray je la glore de ton regne ? (Internele consol. P., 1447, 210). Mais a ses dits ne se tenoit ["il n'en tenait pas compte"] (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 352).

 

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"Se conformer à qqc., respecter qqc." : Et se aucunes personnes privees ou un peuple ou communité ne se tient et obeïst a leur decrés et jugemens, il leur entredient que il ne soient as sacrefices. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 313).

 

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À quoi se tenir. "À quoi s'attendre, comment se comporter" : Je m'en say bien a quoy tenir, Car seulement dou souvenir De ses assaus, de ses estours, De ses faus ris, de ses faus tours Ay tel paour que tuit mi membre En fremissent, quant il m'en membre. (MACH., R. Fort., c.1341, 86). Bien m'en sçay à quoy tenir, Car tel assaut Tous les jours souffrir me faut Et soustenir. (MACH., Lays, 1377, 360). Si ne say plus a quoy me doy tenir, Et ne me puet de confort souvenir, Quant j'ay perdu sans jamais revenir De tous les biens ce qu'estoit plus parfait. (CHART., Compl., 1424, 322). Je m'en scay bien a quoy tenir, Mais ma douleur fault retenir Sans prendre courroux ne tenson. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 94). Je l'ay veu en ceste advanture, Car Herodes a fait murtrir Jehan batiste, personne pure, Pour faire a Herodias plesir. On ne scet a quoy se tenir Pour soubstenir Nostre pouvre vie mortelle. (Pass. Auv., 1477, 111).

 

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À quoi / où s'en tenir. "Être fixé" : Je sçay bien a quoy m'en tenir (Au grey d'amours F.-H., c.1400-1500, 253). Mais nul ne scet ou s'en tenir (Abuzé D., c.1450-1470, 45).

 

-

Se tenir en qqc. "Se maintenir en qqc." : Voir, elle scet bien c'on doit faire, Et touz jours se tient en simplesce (Mir. emper. Romme, 1369, 290). Et Socrates se tenoit fort en cest argüement et se combatoit en soustenant du tout que il n'est nulle incontinence. (ORESME, E.A., c.1370, 366). ...mais celui est simplement continent qui demeure et se tient en vray opinion, et celui est simplement incontinent qui s'en depart. (ORESME, E.A., c.1370, 395). Breton, mons. messire Olivier, mon maistre, vous mande que vous vous teniez bien en vostre bonne verité, et que, pour chose qu'il soit du monde, vous ne chargiez homme se il n'y a coulpe (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 538). ...et celluy qui est semé en aoust est le meilleur, car il n'espie point et se tient en vertu toute l'annee. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 120). Je suis bien beste De moy tenir en ce party : Tous mes compaignons sont party A dueil et a confusion. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 427).

 

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"S'arrêter à qqc. (dans le discours)" : En ceste matire tenir Ne me veul plus, Mais revenir Au propos que premier traitoie (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 150).

 

-

Se tenir vers qqc. "Être attaché à qqc., y être porté" : Item, soy tenir vers delectacions est empeschement au prudent. (ORESME, E.A., c.1370, 401).

C. -

Se tenir (à / de / contre)

 

1.

"S'abstenir (de), se passer de"

 

a)

Se tenir de qqn. "Se passer de qqn" : Et semblablement se tendra bien de baillifs, de prevosts, et de toutes gens de justice. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 69).

 

b)

Se tenir à / de qqc. "S'abstenir (de qqc.), résister (à qqc.)" : Puis qu'avoir ma voulenté puiz (,) D'elle [la pucelle], tenir ne m'en deusse (Mir. chan., c.1361, 174). ...il ne se volt lors tenir de pechié (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 167). Et car de nostre temps les pluseurs sont habendonnez a tous pechiez dé leur junesse, et a tous vices et a toutes vilaines ordures plus que bestes, et faingnent que ilz ne s'en peuent tenir, et ne s'en repentent point (GERS., Trin., 1402, 154). De ce grant deul vous fault tenir. Pour Dieu, ma dame, cessés vous. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 227). De cela (..) ne me pourroy je tenir, et me deust on trenchier la teste. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 353).

 

-

S'en tenir. "S'en abstenir" : Més vous estes si bien apris De gens injustement punir Que ne vous en sçariés tenir. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 400). ...Madame merci, disant que vraiement il avoit eu grandement a faire. Madame, qui darriere lui veoit ses femmes rire, s'en tenoit le plus qu'elle pouoit (LA SALE, J.S., 1456, 12).

 

-

Se tenir (de / à) faire qqc. "S'abstenir de, se retenir de" : Comment vous estes vous tenus, Beau sire, tant de cy venir ? (Dit prunier B., c.1330-1350, 50). De plourer ne me puis tenir Quant mon seigneur voy mettre en terre. (Mir. ev. arced., c.1341, 121). Encor vueil autre chose dire, Mais que vous vous tenez de rire. (MACH., P. Alex., p.1369, 198). Tenus me sui longuement de chanter (MACH., L. dames, 1377, 50). De vous servir loyaument et amer, Douce dame, tenir ne me porroie, Pour ce que je me puis moult amender De vous servir loyaument et amer. (MACH., L. dames, 1377, 88). ...ycellui Dymenche lui a donné congié, si comme elle a oy dire, pour ce que il ne se povoit tenir de la maudire pour ce qu'elle ne faisoit pas bien la besongne aval l' ostel. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 528). Par ypocrisie je me suis fait le saint homme ou sainte femme et monstré grant semblant de l'estre, et mis grant paine d'acquerir le nom devant les gens, et toutesvoies ne me suis je point tenu de pechier (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 24). Je me sui longement tenus a parler des gerres de Bretagne et de mesire Carle de Blois et de la contesse de Montfort. La cause pour quoi je m'en sui sousfers, ç'a esté pour les trieuves qui furent prisses devant la chité de Vennes, lesquelles furent moult bien tenues et gardees (FROISS., Chron. D., p.1400, 810). Ne me poz je tenir d'embler Des racleures et des paillettes (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 22). ...je ne m'en peuz tenir d'en rire. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 696). ...lors veissiez de regret et de pitié tous souspirer, plaindre et plorer, et n'y avoit cellui ne celle qui tenir s'en peust a mains joinctes et a haultes voix crier (LA SALE, J.S., 1456, 205). ...quand il vit ce, il se ne peut plus tenir de demander la cause pour quoy on le servoit plus de pastez d'anguilles que les aultres (C.N.N., c.1456-1467, 82). ...monseigneur, (...) quand il les vit rire en ce point, ne se peut tenir de les contrefaire. (C.N.N., c.1456-1467, 188). ...luy sembloit bien qui n'estoit pas seulement difficile de soy tenir de navier (...) mais aussi chose la plus impossible de ce monde. (C.N.N., c.1456-1467, 558). Tenir ne me puis de plorer, Quant je voy la piteuse teste Que souloit le corps honnourer De noustre meistre tant honneste. (Pass. Auv., 1477, 104). ...a venir me suys tant tenue ! (DU PRIER, Songe past. D.-M., c.1477-1508, 117).

 

-

Se tenir que ... ne + subj. "Se retenir de, s'empêcher de" : A pou me tieng que ne vous art En ce lit ou estes couché. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 192). Ne me tenroye que n'y queure. (Mir. Amis, c.1365, 65). Lors la royne, hastee de Madame et du desir qu'elle en avoit, ne se peust tenir que au roy ne deist la venue des destriers couvers. (LA SALE, J.S., 1456, 92). Elle ne se peut gueres tenir qu'elle ne demandast a son mary qu'il avoit fait de leur filz. (C.N.N., c.1456-1467, 129). ...s'il en estoit rien a Gerard, il ne se pourroit tenir qu'il n'en demandast [D'un amant qui ne demande pas des nouvelles de son amie] (C.N.N., c.1456-1467, 174). Et pense-tu donc qui se tienne Qui ["qu'il"] ne luy face comme a l'aultre ? (Gent. moun. T., c.1500, 382).

 

c)

Se tenir. "Résister, faire face" : Mais de la mort doubtay un poy De Julien ; si ne me teing Plus, mais au secretain m'en veing, Si lui dis que (...) Me monstrast le fer de la lance (Mir. emp. Julien, 1351, 203). ...vif enragier Cuida Metridatés, qui voit Que plus tenir ne se pouoit (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 21). Se tu n'as esté secourue Ainsi que l'on t'avoit promis, Tu ne t'es pas assés tenue Comme cuidoient bien tes amis. (Compl. Dinant T., 1466, 34).

 

2.

S' (en) tenir à qqc. "Se contenter de qqc., sans chercher à aller au-delà" : Et ne se tindrent pas a tant, mais retournerent de rechief le lendemain a l'ostel dudit Guillaume (Chancell. Henri VI, L., t.2, 1428, 99). Arfaxat fait tres bon rapport Et a luy nous voulons tenir. Adrascus, faictes les venir Ung petit pour les introduire. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 104). Vous venez trop tard : chacun se tienne a ce qu'il a. (C.N.N., c.1456-1467, 342). ...mais par cestes nouvelles maintenant venues telles, on s'en tint à tant. (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 34).

 

3.

Se tenir contre qqn / qqc. "Résister à qqn ou qqc." : Et l'incontinent ne se peut tenir contre concupiscences lesquelles pluseurs pourroient vaincre, car il sont mendres. (ORESME, E.A., c.1370, 398). Faisons leur un bon poindre et nous tenons ensemble et tantost les verrez desconfiz se nous nous povons un pou tenir contre eulx. (ARRAS, c.1392-1393, 161). ...contre l' effort de ce deable ne me puiz je tenir. (ARRAS, c.1392-1393, 206).

D. -

[Avec un compl. de nature propositionnelle ; idée de vérité, de conformité] "Se considérer" : Mais cil de quoi a messervi Se tient qui maladie endure ["Celui qui endure la maladie se considère comme celui qui a démérité en qqc."] (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 115). Vous vous devez tenir plus chiére Pour tant que vous un fil avez. (Mir. enf. diable, c.1339, 15). Si se pot tenir pour conclus, Car affoibli fu durement. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 241). ...car peupple est de telle condicion que moult se tient agrevez seullement de leurs despences neccessaires. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 15). Joseph de nostre loi se tient Et nostre ordonnance entretient (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 370). ...il se tenait sur tous les autres amans du monde le plus eureux (LA SALE, J.S., 1456, 96). ...il loa bien sa tresloyalle et bonne maistresse, disant que sur tous aultres il l'avoit belle et bonne, et qu'il s'en devoit tenir content. (C.N.N., c.1456-1467, 96). ...une tresbelle damoiselle (...) dont le bruit n'est pas si pou cogneu que le plus grand maistre de ce royaume ne se tenist treseureux d'en estre retenu serviteur (C.N.N., c.1456-1467, 182). O vierge Marie ! veillez mon cueur rejoyr, et que par ma cause il n'ayt nul mal, car je me tiendroye coulpable de sa mort ! (C.N.N., c.1456-1467, 367). ...si, que Dieu ne veille, il m'advient le contraire, tenez vous tout asseur, et je le vous promectz, je tiendray la regle et doctrine que m'avez donnée [Elle a promis de rester fidèle à son mari parti en voyage] (C.N.N., c.1456-1467, 566). Et vous, qui vous tenez si fors, Ne savez quieulx gens y viendront [à la joute], Agilles et puissans de corps. Incontinant vous abatront, Et ne pourrez leur orions Soustenir, ne leurs coupz de lance (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 304). Vous avez veu la sumptueuse Deffence qu'Anglois nous ont faicte, Qui a esté moult merveilleuse Et encontre nous mal extraicte, Et dont y se tennent si fors. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 542).

 

-

Se tenir certain de + inf. "Être assuré de" : Si j'en treuve ung de ma maim, De moy se peust tenir certaim D'estre galé a l'avenant. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 70).

 

-

Se tenir à : Et de ce se tenoient tout a segur et a conforté mesires Joffrois et ses consauls. (FROISS., Chron. D., p.1400, 862). Qui leur donne un denier ou maille, Ilz se tiennent a bien payez (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 100). Car ne voloit celi de Saint Pol que le mariage se fit de sa fille au filz de Croy pour mort ne pour vie, et cely de Croy, qui avoit norry la fille par longs ans et par l'aggreement du pere, ne se voult deffaire du mariage ne de la fille, car s'en fut tenu a perpetuelement foulé et ahonty (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 81). ...pour non souffrir sourdre division en sa maison (...), [le duc de Bourgogne] ordonna que l'un ne l'aultre n'aroit ce plat (...). Si s'en tint tresbien a content le linaige de Croy et ne demanda mieulx. Mes cely de Hemeries, qui estoit monté en l'escuelle et avoit le don de son maistre, icely s'en tint a grevé (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 107). Car y avoit discord entre Saint Pere Pius et le roy de France a cause de la Pragmatique sanction que le roy tenoit devers lui et ne s'en voult deffaire, et secondement a cause du roy Ferrant de Naples que ledit nostre Saint Pere soustint alencontre du roy Renier et son filz le duc de Calabre, dont ledit roy des Frans se tint a mal content de nostre Saint Pere. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 259).

 

-

Se tenir pour : Si ne se tindrent pas pour sage (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 270). Je les tiens ja tous pour pendu. Au[x] gibés ne tendra il mie, Par Jhesu Crist, le fis Marie ! (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 233). Je ne scé se pour mal content Se tenra de nous Valentin. (Mir. st Val., c.1367, 136). ...veu l'aage et povreté d'icelle prisonniere, et que partie c'est tenue pour contente ; delibererent et furent d'oppinion que elle feust menée ou pillory, tournée illec (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 309). "...faites, comment qu'il soit, que demain vous soiez es galleries a l'eure que vous y ay trouvé, et que je vous y treuve, ou autrement tenez vous pour salué." (LA SALE, J.S., 1456, 10). ...le bon bourgois (...) n'estoit point si mal logé en la dicte ville que ung bien grand maistre ne se tenist pour content et honoré d'avoir ung tel logis. (C.N.N., c.1456-1467, 23). ...pour les causes dessus dictes, elle se tient pour acquittée et desobligée de son serment et promesse qu'elle jadiz luy fist. (C.N.N., c.1456-1467, 179). ...nullement m'est possible (...) d'abandonner cest honneur et avancement, dont la plus femme de bien de ce royaume se tiendroit pour bien eureuse et honorée (C.N.N., c.1456-1467, 192).

REM. Pour d'autres ex., cf. aussi Robert Martin, Vox rom. 51, 1992, 129-163. Sur le parfait tinve, cf. Scheler, Gloss. Geste Liège, 294.
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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