C.N.R.S.
 
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     TENDRE1          TENDRE2     
FEW XIII-1 196a tendere
TENDRE, verbe
[T-L : tendre1 ; GD : tendant1 ; GDC : tendre2 ; DÉCT : tendre1 ; FEW XIII-1, 196a : tendere ; TLF : XVI, 56b : tendre1]

I. -

[Empl. trans. ; idée de tension, de traction exercée sur qqc.] Tendre qqc.

A. -

"Soumettre qqc. à une tension"

 

1.

"Déployer (une chose souple, un textile) en l'allongeant en tous sens" : ...mardi derrenierement passé, environ heure de vespres, il, à l'aide d'aucum de ses gens et serviteurs, tendi le drap entier de XVIIJ aulnes, duquel icelles quatre aulnes et demie sont yssues, et ont esté coppées, ès poulies communes (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 113). À Didier le fustier, qui a fait le boys sur quoy le paintre qui a fait Rome avait tendu sa toyle, II fo VI go. Au sarurier qui a fait les crampons pour assembler ledit boys, VIII go. (Roi René vie L., 1476, 366).

 

-

Part. passé "Sans plis" : ...Et puis quatre paires de chausses, Voire d'ung drap de fine laine Net, gent, saieux et bien tendu (HAUTEV., Invent. biens B., c.1441-1447, 62).

 

2.

"Tirer sur qqc. pour le rendre rigide"

 

a)

"Bander par un mécanisme de traction" : Jehan Brulé, demorant au Bois de Vincennes, pour don à lui fait par le Roy, pour ce qu'il tendoit illec l'arbaleste dudit Seigneur quant il tiroit aux buttes. (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1421-1422, 275).

 

b)

"Dresser, grâce à des cordes soumises à une traction (en partic. une tente)" : ...en son grant pavillon, que elle fist tendre au milieu de la grant place en ladicte cité. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 170). ...il [Saintré] vint descendre en sa grant loge, toute bien tendue, que le roy aux deux entrees, hors des lisses, pour chascun avoit fait faire (LA SALE, J.S. E., 1456, 180). ...le conte de Charrolois fit tendre ses tentes et ses pavillons sur la riviere de Saine, et sembloit que ce fust Remondin qui eust fait une nouvelle ville. (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 20). Et fut telle diligence faicte par tous les maistres de l'artillerie, que toute la dicte artillerie estoit environ huit heurers du matin au dict camp ou estoit les tentes et pavillons tendus ainsi qu'il appartient en tel cas. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 290).

 

-

MAR. Tendre une voile : [Cont. métaph.] N'est merveille se cil forvoie Qui veult entrer par double voie Et tent a chascun vent ses veles (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 104). Patron, vostre veelle grant erre Tendés et dressés aultrement, Affin que ayés assés vant Ou pays ou debvons aler. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 169).

 

3.

CHASSE "Disposer (des filets, un piège...) pour attraper du gibier" : LE PREMIER VENEUR. Ordener les alons au tiltre Tellement, et les raisieux tendre, Que beste n'y pourra descendre Qui ne soit prise. (Mir. st J. Paulu, c.1372, 100). Et les dains faisoie esveillier, Et par mes levriers traveillier, Qui chaçoient sanz sejourner, Tant qu'il les convenoit tourner Aux tiltres, où les attendoie Où mes engins contre eulx tendoie. (LE FÈVRE, Vieille C., a.1376, 46). Item, ont la chace et leur courir ou dit buisson à toute beste au pié clos, et peuent prendre du menu boiz pour leurs haiez à tendre leurs filléz. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R.B., 1398-1402, 90). J'advanceré ung peu mes pas Pour tandre sy nous rects et las, Et puis nous ferons vune trappe. (Pass. Auv., 1477, 140).

 

Rem. Nombreux ex. ds HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377 (gloss.) et ds GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389 (gloss.).

 

-

Inf. subst. : Le tendre des roiz se puet fere et drescier aux meins ou a une fourchete pour mettre sus les bastons, qui est plus legiere chose. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 254).

 

-

Empl. abs. : ...La beste savoir destourner (...) Et des vens savoir l'avantaige Quant vouldra tendre (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 305). ...et la première sepmaine qu'ilz tendent, paient quatre mauvis prins entre le jeudi et le dimence (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 58). Car je semble celluy qui tent Et qui chasse, et rien ne prent. (Pac. Job M., c.1448-1478, 356).

 

-

[Dans un cont. métaph.] : NOSTRE DAME. Or alez tendre ailleurs vo roit : A ceste prise avez failli. (Mir. enf. diable, c.1339, 45). Petis et grans, Bourgoix, marchans, Nobles, vilains [l. nobles et vilains] en ung tas, Jeunes, anfans, Sont tous nuysans Les ungs es autres en tous cas. En leur repas Tendent leur las Ad nuyre pour prandre vengence. (Pass. Auv., 1477, 110).

 

.

Tendre mal coup. "Tendre un piège, une embuscade" : Mais derriere lui et sa route Le suit, veoir s'il le peut prendre Despourveu, pour mal coup lui tendre. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 84).

 

.

Tendre tel fait. "Fomenter telle chose" : Quant envers le sien pere avoit tel fait tendu, Je l'ai mort pour ce cas (Bât. Bouillon C., c.1350, 149).

 

.

[Cont. érotique] : ...comme il avoit proposé et dit, il tendit son filé ou son las, lequel qu'on veult, tout a l'endroit de la partie ou maistre prestre avoit plus grand desir de hurter. (C.N.N., c.1456-1467, 456).

 

-

[L'obj. (les filets, le piège...) reste inexprimé] Tendre à + subst. désignant le gibier : Item, qu'ilz pevent prendre le chevreul en icelle forest à l'arq et au bougon, et tendre aux oyseaux en ladicte forest sans congié. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 10). Item, avoir raiz pour oyseller ou faire oyseller par un de ses varlés, et aller à la pipée par toute ladicte forest hors deffens, et faire haiez pour tendre aux lievres au vespre et au matin. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 49). Item, deux perquez pour tendre aux vitecos et aux mauvis es clers de ladicte forest, hors deffens, et en paient pour le premier vitecoq qu'ilz prennent V d. au roy (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 58). ...autrefois madame la royne eust donné et ottroyé congié et licence au sire de Laval que il peust chacier, tendre et thesner par lui, ses gens et officiers à toutes bestes rouges et noires en ses boys (Cartul. Laval B., t.2, 1399, 360). ...nous tendons aux butors et hairons (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 111). À René de Fleurenville, pour aller en Avignon quérir du gluz pour tendre aux oyseaux, III fo. (Roi René vie L., 1476, 371).

 

-

Tendre aux cocus : Il apprent a tendre aux cocus. (Sots, c.1480-1500, 270).

 

4.

P. anal. Tendre qqn. "Jeter son dévolu sur qqn" : Mainte dame j'ay voulu tendre Qui n'en a pas pourtant jouÿ (Narcissus, p.1426, 313).

 

-

Empl. abs. : TIERS BRIGANT. (...) J'ay en tous maulx trop consommé mon temps Tandis qu'estoye en la fleur de jeunesse ; Jeu n'esse pas, puis qu'anchor je pretens ; Prés tend de moy la mort dure et parverse, Par vers ce corps [;] en terre a la renverse Versé sera, car le cueur me deffault. (LA VIGNE, S.M., 1496, 324).

B. -

Tendre qqc. qq. part./Tendre un lieu

 

1.

Tendre qqc. (qq. part). "Disposer en étendant qqc. de souple qq. part, en guise de décoration" : ...10 sargotes vers, délivrées en ladicte chambre pour mettre et tendre aux huis et fenestrages d'icelle (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1352, 111). ...il wida la bourse de Perrin Le Boursier, varlet de garde-robe, qui tendoit tapis du roy en une sale (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 187). ...VI tapis à tendre. (Comptes roi René A., t.2, 1432, 246). Les fourriers d'Esté sont venus Pour appareillier son logis, Et ont fait tendre ses tappis, De fleurs et verdure tissus. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 307).

 

2.

[L'obj. désigne un lieu] "Orner (un lieu) de tentures, tapisser" : Item, cogneut ledit prisonnier, avoir emprumpté de la dessus dite Fremine Jehenne, environ la feste de Saint-Eustace derreniere passée, une paire de draps et une custode, pour aider à tendre et parer icelle eglise de Saint-Eustace (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 179). À Jehannin de Pames, ledit jour, cent IIIIxxXIIII l. six solz et huit deniers pour achat de IIIIcXXIIII aulnes de sarges et de bonneval (...), pour faire chambres pour tendre la chambre de la royne, dont Dieu ait l'âme ; la chambre dudit seigneur, son retrait, la grant chambre de parement et y faire cielz et dossielz et courtines (Comptes roi René A., t.1, 1453, 10). La chambre estoit tresbien tendue, nectee, tapissee et verree (LA SALE, J.S., 1456, 247). Quand elle fut arriere en la chambre a parer, qui estoit bien tendue de belle tapisserie, elle vit le beau grand feu (C.N.N., c.1456-1467, 339). Si fist sa bonne femme l'ostel apprester, tendre, parer, nectoyer et orner au mieulx qu'il fut possible. (C.N.N., c.1456-1467, 462). Le dit chasteau fut tendu et paré De draps de soye et de tapisserie (LA VIGNE, V.N., p.1495, 185).

 

-

Part. passé en empl. adj. [D'une tenture] "Disposé sur un mur" : ...une chambre de taffectas vermeil brodée à angelots, lesquelx ont depposé que l'iver devant la prinse de Jacques Cuer, ils la virent tandue ou grant hostel dudit Jacques Cuer (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 141).

 

-

Tendre une couche de / un cercueil de : Le cercueil si sera tandu D'un poelle de vert perdu (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 74). La couche de ceste chambrete Estoit toute tendue de noir (HAUTEV., Invent. biens B., c.1441-1447, 58).

 

-

En partic. "Recouvrir les façades d'une rue, d'une ville, de tentures en vue d'une fête" : Et furent les rues parées et tendues à grant solempnité, selon la possibilité et puissance dez bourgois, manans et habitans de ladicte ville de Paris (FAUQ., I, 1417-1420, 389). ...lesquelz [rois de France et d'Angleterre] furent moult joyeusement (...) receuz en la ville de Paris, et furent les rues parées et tenduez à grant solempnité (Ch. VI, D., t.1, 1420, 409). ...et tous nous accompaignèrent au palays, qui estoit bien tendu et tapissé (Doc. 1459. In : [Anonyme], Bibl. Éc. Chartes 3, 1841-1842, 187). Si furent les rues a tous léz, a destre et a senestre, tendues somptueusement, et y avoit a tous quarrefours des personnages et des misteres de grant entendement (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 220). ...car jamais je [Charles VIII] ne fus en pays où je fusse mieulx recueilly et tout plain de gens de bien venir au-devant de moy, clefz me présenter et joyaulx, les rues tendues. (Doc. 1494. In : L. Le Grant, Bibl. Éc. Chartes 55, 1894, 147). Si s'en allerent moult joyeusement en devisant de moult de choses jusques en la ville, laquelle fut toute tendue le plus richement que l'on peut faire. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 12).

 

-

[Un bateau] : ...leurs bateaulx, et tous couvers de tapisserie (...) ...en plusieurs bateaulx bien tandus. (Doc. 1459. In : [Anonyme], Bibl. Éc. Chartes 3, 1841-1842, 187).

 

-

Empl. abs. : Pareillement l'en y tendra [dans l'église] De rouge et de vert (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 70).

 

3.

P. ext. "Étendre, disposer (des objets) qq. part" : Item sur ung faitiz pulpitre Estoit tendue sa librarie Dont la couverture et le tiltre Estoit fait d'or, sans moquerie. (HAUTEV., Invent. biens B., c.1441-1447, 70).

C. -

[L'obj. désigne une partie du corps]

 

1.

Tendre le cou, la main, la jambe... "Allonger le cou, la main, la jambe..." : Et lors ledit Jehan de Bloys tendi la main en disant : Sà, l'argent. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 428). ...alors il abandonna sa prinse et se siet dessus l'erbe, et tend sa jambe ; et la belle fille luy oste l'esperon (C.N.N., c.1456-1467, 157). EMPEREUR. (...) Et de l'espee (...) Je vous donray devant tous la colee. (Il fault que l'empereur ait une moult belle espee toute nue. Et sainct Martin se mectra a genoulx devant, auquel il baillera trois coups du plat d'icelle sur le dox en disant ce qui s'ensuyt.) Tendez le col, haulsez ung peu la gorge, En vous mectant a genoulx, mon amy ; De ceste espee tout venant de la forge, Des coups aurez plus de deux et demy. (LA VIGNE, S.M., 1496, 173).

 

-

Tendre la / les mains. "Allonger la main en direction de qqn pour recevoir l'aumône" : A ces trois povres donner vueil Qui ci viennent de mon argent. Tendez les mains, ma bonne gent (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 255). Je voy Clotilde qu'il attendent Venir a eulx ; et ilz li tendent Les mains touz pour l'aumosne avoir. (Mir. Clov., c.1381, 204).

 

-

Tendre la face vers qqn : DEUXIESME CHEVALIER. (...) il me semble Qu'il nous attendent. L'EMPERERIS. Au main les faces vers nous tendent ; Sire, je croy que dites voir. (Mir. emper. Romme, 1369, 303).

 

-

Tendre qqn. "Tirer la peau (pour en atténuer les rides)" : Vous estes laide et horrible a tous yeux : De vous caicher vous n'en vauldrés que mieulx, Si vous n'estes bien tendue [sans doute à l'aide d'une coiffe] et fardée (Chans. XVe s. P., c.1430-1500, 94).

 

2.

Au fig.

 

a)

Tendre la main. "Demander assistance" : Il est en vous de vous garir et sauver, et ne vous fault que tendre la main et requerre ayde, vous la trouverez preste. (C.N.N., c.1456-1467, 142).

 

-

Tendre les mains. "Prendre l'attitude du suppliant" : Mes bonnes seurs, dit madame, j'ayme mieulx a la mort voluntairement tendre les mains, soubmettre mon col et honorablement l'embrasser, que par la fuyr je vive deshonorée. (C.N.N., c.1456-1467, 143).

 

b)

Au fig. Tendre l'oreille. V. oreille "Écouter attentivement" : Ouvrez doncques les oreilles espirituelles de vostre cuer, tendez les en hault, et escoutez leur humble requeste et leur plainte doloreuse, pour les aydier, secourir et delivrer. (GERS., Déf., 1400, 226).

 

-

[Contexte métaph.] : Pour ce l'oreille du cuer tens Et ce que te dira entens. (Mir. march. juif, c.1377, 216).

 

-

Tendre l'oreille + interr. indir. "Être attentif (à ce qui peut se passer)" : ...monseigneur le curé tendoit tousjours l'oreille quand sa nouvelle mariée viendroit a l'eglise, pour luy ramantevoir ses besoignes (C.N.N., c.1456-1467, 301).

 

3.

Empl. intrans.

 

a)

[Du sexe masculin ; de l'homme] "Être en érection" : La force et pouoir sont perdus, Car tendre ne veult mes harnés (DESCH., Oeuvres Q., t.6, c.1370-1407, 229). ...par esclaves sont guardees [les femmes du sultan] Qui tous ont les coulles coupees Ensemble tout ce qui peut tendre. (GARIN, Compl., 1460, 120). J'ay ung ostil bel et droit, Une foiz crombe, l'autre droit, Dieu ! qu'il est bel quant il tent ! (Devin. R., c.1470, 55). Car mon aguille ["aiguille / membre viril"] ne veult tendre A perchier pel sy fort usee ["une peau ou une fourrure aussi usée / un sexe aussi fréquenté"] (Six dessins dialogués à double sens, éd. K. Baldinger, c.1470. In : Trav. Ling. Philol. 31, 1993, 23). [Doc. de 1333 ds le même sens]

 

-

Tendre le sexe : Margot, tu es sotte, Mon arc broye et frote, Mais ne le puis tendre. (BAUDE, Dictz moraulx S., p.1450, 94).

 

b)

[D'une veine] "Gonfler" : La mort le fait fremir [celui qui est en train de mourir], pallir, Le nez courber, les vaines tendre, Le col enffler, la chair moslir, Joinctes et nerfz croistre et estendre... (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 43).

D. -

[Doubles constr.]

 

1.

Tendre qqc. (à qqn). "Présenter, offrir qqc. (à qqn)" : Plaise vous cest anel a prendre Que par fine amistié vous tens (Mir. nonne, 1345, 318). Dont li tandit sa foid et li ot fiansie. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 28). Il [Dieu] meismez de sez mains fourma L'omme, qui si bele fourme a, Et si noble don li tendi Que l'ame ou corps li espandi (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 41). A painnes puet son droit deffendre Povres homs, quant il n'a que tendre. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 79). Lors tire une petite boyte pendant a sa couroye, ou son saufconduit estoit, et a l'Anglois le tendit (C.N.N., c.1456-1467, 55). Mais, se chanvre broyes ou tilles, Ne tens ton labour qu'as ouvrez ["le produit du travail que tu as effectué"] Tout aux tavernes et aux filles ? (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 131).

 

-

Tendre un gage contre qqn : La dame, quant elle vist que il tendoit son gage contre le Chevalier du Papegau, elle preist son gage et le bailla a quatre barons du lignage le quens Doldoys. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 32).

 

2.

Au fig. Tendre qqc. sur qqn. "Déployer, faire porter qqc. (d'abstr.) sur qqn" : LE POVRE. (...) Pour ce en l'onneur de haulte Trinité Et de Jhesus qui fut en crois pendu, Pour satisfaire a la divinité, Vostre pouoir soit desur moy tendu ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 196).

 

-

Empl. abs. Tendre sur qqn. "Chercher à atteindre qqn, chercher à s'emparer de qqn" : ...je tendray sur luy ; et fust il plus grand maistre cent foiz, si je l'y puis rencontrer je luy osteray la vie du corps (C.N.N., c.1456-1467, 234). ...desjà il avoit entendu que les Anglois de Calais tendoient sur elle [la reine] et taschoient à la prendre (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 285). ...le roy fit tendre sur ledit messire Jasques, et pareillement sur son lieutenant ledit Antoine, pour leur faire mauvaise compagnie ; et en furent en tel danger, tel fois vis-je, que ne se fussent osé trouver au royaume (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 15).

 

.

Au fig. "Chercher à exercer son emprise sur qqn" : ...pour donner coeur à cestuy escuyer sur qui il tendoit pour cause de sa ribaude, luy dist que : qui luy sauroit avancer son désir, jamais ne l'abandonneroit, ni povreté n'auroit, ains l'esleveroit en gloire et en estat semblable à luy. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 240).

 

3.

Au fig. Tendre qqn à qqc. "Exposer qqn à qqc." : LE PERE SAINCT MARTIN. (...) Temps est qu'il soit desormais aux vacarmes ; Carmes, moynes, pour ses rudes alarmes Larmoyer face, a cela je pretends ; Tendre le vueil a noyse et a contens Tant qu'il ait fait plusieurs gens mal contens, Tendis qu'il est en la fleur de jeunesse. (LA VIGNE, S.M., 1496, 142).

II. -

[Empl. trans. indir. ; idée de visée, de tension vers]

A. -

Tendre qq. part, tendre à / en / sur / vers / jusques à...

 

1.

[D'une pers.] "Se diriger quelque part ; se diriger, venir, aller vers qqn" : LE DYABLE. Haro ! haro ! grant despit ay De ce larron Jehan, (...) Qui si ensus de lui me boute Que je ne say tant a lui tendre Qu'en aucun mal le puisse prendre. (Mir. st J. Cris., c.1344, 293). ...le pacient tent a la mort ["se dirige vers la mort"] (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 346). ROY DE GRENADE. Revas a eulz, et dy qu'il tendent Et chevauchent sur Rommenie Chascun atout sa baronnie (Mir. Oton, c.1370, 366). CLOVIS. Seigneurs, je vous vueil mon courage Descouvrir. Touz a moy tendez, Et ce que diray entendez (Mir. Clov., c.1381, 196). La mort eust en cendre Mué ma chair tendre Et peché fait tendre Aux enfers hydeux ["le péché m'aurait dirigé vers l'enfer"] (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 89). JESUS. (...) Et retournons droit en Judéee La parolle Dieu denoncer. S. PIERRE. Il est temps de nous advancer Si nous y voulons meshuy tendre. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 142).

 

-

Au fig. "Diriger ses désirs (qq. part)" : Et pour vous monstrer et aprendre Par quel voie nous devons tendre Es vroiz biens qui ne faillent mie... (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 95). La doit tendre humaine pensee Ou touz vroiz biens sunt a plenté. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 102). ...croire en Dieu en le amant et tendant en lui par amour, apartient seulement aux bons. (Somme abr., c.1477-1481, 100).

 

2.

[D'une chose] "S'étendre, se diriger, aller vers, jusqu'à" : Chis messires Wilhelmes est ensevelis en l'engliese des Freires Meneurs ... Liege, al devant delle porte qui tent vers l'enclostre (HEMRICOURT, Miroir Hesb. B.B., 1353-1398, 251). ...car ilz [les mouvemens] different en espece selon les termes dont ilz sont et es quelz ilz tendent et selon diverses especes et manieres de mouvoir, comme sont voler, aler, saillir et teles choses. (ORESME, E.A., c.1370, 505). Et je di celui estre en montant qui est en soy esloingnant du milieu, et celui estre en descendant qui est en soy approchant du milieu. Et donques est neccessaire que tout mouvement local simple soit : un en soy esloingnant du milieu, autre en tendant a milieu et autre environ le milieu. (ORESME, C.M., c.1377, 60). ...lequel hostel joint d'un costé à la rue qui tent de la rue Saint Pierre es Pilliers (Cartul. Hôtel-Dieu Cout. L., 1453, 280). ...si Adam leur monstra comme la premiere et plus haulte spere mouvoit sur deux poins (...) et, comme elle estoit divisée en deux parties, l'une depuis le sercle de la Lune, (...) tendant jusques à la dixieme spere (...) et l'autre partie seconde d'embas il comprint depuis ledict cercle de la Lune jusques au centre de la terre (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 11 v°).

 

-

Tendre en bas / tendre en haut : Et la chose est tres pesante qui est en bas dessous toutes autres qui tendent en bas, et celle est tres legiere qui est sus toutes choses qui tendent en haut et tent en haut. (ORESME, C.M., c.1377, 78). Et est neccessaire que toute chose qui monte ou tent en haut soit en ce lieu, quar se non, il convendroit que aucune telle chose fust dehors. (ORESME, C.M., c.1377, 150).

 

-

Au fig. : Donques s'ensuit il que vertu resgarde et conjecture et tent et s'adresce au moien. (ORESME, E.A., c.1370, 161). En tele resolucion l'en commence a la fin, car elle est premiere proposee et descent l'en par les moiens de l'un a l'autre siques au derrenier et ileques ou derrenier commence l'en execucion en retournant ou tendant vers la fin (ORESME, E.A.C., c.1370, 191).

B. -

P. anal. [D'une chose] "Tirer sur, s'approcher de (sans atteindre)" : ...c'est a dire apostume enflambee tendant a couleur rouge ou de sang qui soit frez (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 83). ...l'orine qui doit tendre a rougeur... (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 346). Quant nous semble le corps célestre, Habitué de grant douleur, Maintesfoiz de rouge couleur, Ou de jaune à rougeur tendant, Pour la vapeur en l'air pendant, Entre lui et nostre véue (LA HAYE, P. peste, 1426, 53). Qui peut avoir provision Face sa fumigation, En temps d'iver et de froidure, Qui soit redolent par nature Et tendant à stipticité Sans excès de calidité (LA HAYE, P. peste, 1426, 80).

 

-

[D'un oiseau (de son plumage)] : Austour tendant à noir et qui a plume superflue sur la teste... (TARDIF, Art faulconn. J., t.1, 1492, 26).

 

-

Au fig. "S'approcher de (sans atteindre)" : Mes aucunes autres [policies] sunt appellees aristocracies qui ont differences et propretés tendentes a celles qui sunt olygarchizees et a celle que l'en appelle policie (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 179). ...une inclination ou une aptitude ou disposition estant es choses corporeles et materieles, par quoy elles tendent a corruption. (Somme abr., c.1477-1481, 165). Et par ainsi entre deux nombres entiers prochains innumerables moyens se pevent trouver les ungs declinans au mineur extreme et les aultres tendens au maieur (NIC. CHUQUET, Triparty M., 1484, I, 653).

C. -

Au fig. [D'une pers. ; ce à quoi on tend est une chose abstr., un état, un résultat] Tendre à qqc.

 

1.

"Avoir en vue (une certaine fin), aller intentionnellement vers (tel but)" : Si appella sa baronnie : "Seigneurs, dist-il, or entendez, Vous qui haux ["aux"] grans honneurs tendez..." (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 7). Et qui au contraire veult tendre Conme mauvaix fait sanz entendre : C'est ma sentence. (Mir. st Guill., c.1347, 9). LA MÉRE. Sire, ne suis pas appensée A quoy il tendent. LE PÉRE. Je vous diray. Il me demandent Nostre fille par mariage Pour un homme de leur lignage (Mir. chan., c.1361, 157). C'est malice simplement quant raison et l'appetit tendent a mal. (ORESME, E.A.C., c.1370, 377). Sur quoy s'excuserent les presidens par la bouche de messire H. de Marle, premier president, en disant qu'il ne tendoient tousjours que à paix (BAYE, I, 1400-1410, 152). ...laquelle ordonnance leur sembloit estre à eulz moult prejudiciable et tendant à la dissolution, deffondation et dissipation desdis colleges et Université. (FAUQ., III, 1431-1435, 123). ...quant sera faicte La redempcion ou tendons... (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 34). Le vray et loial amoreux qui est gentil homme, sain et net de sens et de corps et qui jour et nuyt tent a l'amoreuse queste et grace de sa tresbelle dame (LA SALE, J.S., 1456, 29). Oyés du meschant desvoyé Les grans blasphemes ou il tend ! (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 122).

 

-

Tendre à une fin. "Viser un but" : ...a autre fin ne doit vraiz amans tendre Qu'a ceste vierge et son chier filz amer (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 247). Mais la fin a quoy il [un tyrant] tent, c'est soy enrichir et son peuple mectre en servitude et non pas au bien commun. (ORESME, E.A.C., c.1370, 191). Et est accident et, comme dit est, honme a pluseurs telles actions tendantes a une fin principal qui est felicité. (ORESME, C.M., c.1377, 504). ...lesquelz advis semblerent à la Court estre bons, bien deliberez et tendans à bonne fin. (FAUQ., I, 1417-1420, 341). ...la fin principale a quoy tendoit son exercice et tout son estude estoit de savoir et cognoistre les façons et manieres et quoy et comment femmes pevent decepvoir leurs mariz. (C.N.N., c.1456-1467, 255). ...car je ne tends que à une seulle fin principalle, c'est, Sire, que vous puissez congnoistre clerement et evidemment que la science de astrologie est vraye et certaine science (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 5 v°).

 

-

Tendre à fin de + inf. "Avoir pour but de" : ...foison d'aultres raisons luy amena (...) tendans a fin de l'oster de son propos. [Le maître veut dissuader son clerc d'entrer en religion] (C.N.N., c.1456-1467, 95). ...ce fist il tendant afin d'estre mieulx premuny et sur sa garde si sa femme a l'adventure vouloit user de telles querelles (C.N.N., c.1456-1467, 256).

 

.

"Chercher à obtenir en justice de" : Ouye laquele confession et requeste faite par ledit maistre Simon Foison, soy portant comme heritier dudit defunct maistre Jehan Soulas, tendant à fin d'estre restituez dudit larrecin en et sur les biens quelconques dudit prisonnier (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 88).

 

-

Tendant à fin que. "Visant à ce que" : Si comme l'armeürier tent afin que le chevalier soit bien armé, et le chevalier le veult afin que il se combate et se combat afin d'avoir victoire. (ORESME, E.A.C., c.1370, 104). Et si fut tel du bon seigneur le gré Que Florentins tous les premiers marchassent Affin que nulz les Françoys n'empeschassent, Mais fust a tous ceste entree famee, Tendant affin que Florentins goutassent L'excellence de sa pompeuse armee. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 210).

 

-

Tendre haut : Ainssy fina roy Alexandre, Que Fortune fist si hault tendre Que tout le monde avoit soubz soy (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 66).

 

-

P. méton. [D'une action humaine] : Car j'en vorrai .I. faire [un preu, un profit] Qui tendera a toute honnour (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 56).

 

2.

Tendre (à / de / pour) + inf.

 

a)

Tendre à + inf. : ...car le politique hors son accion, qui est converser civilement ou ordener la policie, il tent oultre a querir autres choses, si comme sont puissances et honeurs. (ORESME, E.A., c.1370, 521). Et la cause est, car justice tent a ramener ou remectre en equalité les choses inequales. (ORESME, E.A.C., c.1370, 427). Il est meshuy temps que je tende A aler oir le sermon (Mir. st J. Paulu, c.1372, 91). ...ceulz qui honeurent pecunes et qui tendent a les aquerir (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 69). ...a tout povoir, chascun tend a garder son droit (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 20). A bien morir doit chascun tendre. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 192). Je laisse de peur de estre trop prolix, fors que iceulx susnommez personnages augmenterent si haultement la science de astrologie que chacun tendoit à y mectre ses enfans (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 27 v°).

 

-

Part. prés. en empl. adj. Tendant à. "Désireux de" : PREMIÉRE NONNE. Dame, alons ; j'ay le cuer tendant A faire vostre voulenté. (Mir. nonne, 1345, 312).

 

b)

Tendre de + inf. : Lez Apostres tendoient, et estoit tout leur desir, d'atraire et de ramener lez princes seculiers a la voie de verité et a la foy catholique et non mie de lez retraire de la foy. (Songe verg. S., t.2, 1378, 45). Et quant Saintré fut en l'aige que j'ay dit, Madame, a qui tous ses esperilz tendoient de le faire homme de bien et renommé, se appensa que vraiement il il avoit [l. il avoit] cuer et corps assez pour faire parler de lui. (LA SALE, J.S., 1456, 79).

 

-

[D'une pers.] Estre tendant de + inf. : ...Or suis tendant De vous dire ma voulenté Sur ce que m'avez relaté. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 135).

 

-

[D'une chose] Tendant de. "Susceptible de" : Les rues furent tendues et parees Si bien ou mieulx que ay dit ici davant : Es grans maisons tendant d'estre emparees Drap d'or fut mis par despit a l'esvent (LA VIGNE, V.N., p.1495, 220).

 

c)

Tendre pour + inf. : Long temps y a que j'ay tendu Pour le cuyder prandre en ma tente (Pac. Job M., c.1448-1478, 230). Nous tendons et serons tout ung Pour porter bende a tous venans. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 353).

 

d)

Tendre + inf. : Compere, entendez, Qui bons morceaulx mengier tendez (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 26). LE BOURGEOIS. (...) Moussé, je te pri qu'a mes diz Un po entendes. LE JUIF. Voulentiers, mais que tu ne tendes Moy decevoir. (Mir. march. juif, c.1377, 190). Sire, quel part aler tendez ? Dites le moy. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 269). Bien regarday, puis descendismes, Car autre part aler tendismes. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 55). ...l'expedicion du roole que mondit seigneur avoit fait faire pour beneficier aucuns de ses serviteurs qui estoient et tendoient estre d'Eglise (Comptes Etat bourg. M.F., t.2, 1418, 114). Cestui Alpetragius contredit aucunement aux supposicions de Ptholomée "de ecentricis et epiciclis" et tend monstrer apparantes causes. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 100 r°). DIEU. (...) Pour ce, Martin, desormais te fault tendre, Commant qu'il soit, et vivement pretendre, Pour mieulx ton cueur en ma loy atiser Et pour aussi quelque bon chemin prandre Dorenavant et en ma foy contendre, Dedens brief temps te faire baptiser. (LA VIGNE, S.M., 1496, 210).

 

3.

Tendre que + subj. "S'efforcer d'obtenir que" : Or voy que Justice tent Et Droit que Gracë et Pitié N'aient en rien auctorité Avec [moi], mais soient privees De mon conseil et deboutees (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 145). ...le duc dessusdit escripvoit que la Court tenist les mains à la besoigne devers le Roy, et ly voulsist remonstrer pour l'onneur et prouffit du Roy et du royaume, et tendoit que chascun moiz eust cent mil frans pour les gens d'armes paier. (BAYE, I, 1400-1410, 183).

 

-

Tendre que + indic. "Prétendre, exiger que" : Or quant veint a l'ame juger Le dyable tendoit instantment Qu'on la luy devoit adjuger Tant par lettre que instrument. (MART. D'AUV., Mat. Vierge L.H., c.1477-1483, 128).

 

4.

[Suivi d'une prop. interr. indir.] "Chercher" : Mais je ne vois conment l'approuche, Se n'est par la mort de mon gendre. Certainement il me fault tendre Conment je la puisse approuchier. (Mir. femme, 1368, 186).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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