C.N.R.S.
 
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     SEUL     
FEW XII 78b solus
SEUL, adj.
[T-L : sol1 ; GD : sol2 ; GDC : seul ; DÉCT : sol1 ; FEW XII, 78b : solus ; TLF : XV, 426b : seul]

I. -

Empl. adj.

A. -

[En fonction d'attribut ou d'apposition]

 

1.

"Sans compagnie, séparé des autres, solitaire" : SECOND HERMITE. (...) Dites moy, par vostre plaisir, Qui vous fait cy si seul venir En ce desert ? (Mir. st Guill., c.1347, 25). LA DAME. Certes, quant je suis a secré, Mon seigneur, et seule me voy, Je dy souvent : "E ! Diex, pour quoy Ne te plaist il que j'aie enfant ?" (Mir. enf. ress., 1353, 1). LE VALLET. (...) Seul ne vous lairay pas aler. Avant mouvons. (Mir. enf. ress., 1353, 27). Et sachiez, sire chevaliers, que je ne seray mie longuement seule quant il me plaira. Mais j'en ay envoyees mes gens devant pour le grant plaisir que j'avoye prins en ce bel lieu ou je me deduisoye maintenant, comme vous avez ouy. (ARRAS, c.1392-1393, 7). Si fus de grief dueil confuse Et devins comme recluse, Mate, morne, seule et lasse (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 6). Et y survint [à la cour] le duc de Bedford, frere du roy d'Angleterre derrenement et nagaires trespassé, lequel s'assist seul es haults sieges de ladicte Chambre de Parlement (FAUQ., II, 1421-1430, 73). ...sa trop grande diligence le fait souvent chevaucher seul devant ses gens (C.N.N., c.1456-1467, 111). Il la menassoit de la batre, de la laisser seule ou de la tuer (C.N.N., c.1456-1467, 518). Et puis ledit Edouart, voyant qu'il estoit seul demouré et du tout habandonné, s'enfouy et wida hors ledit royaume et s'en vint à recours audit duc de Bourgongne son beau frere (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 248). Or suis je seule demeuree, Maintenant, je n'ay point d'amy (P. moyne, a.1500, 45).

 

-

Seul d'homme. "Sans être accompagné" : [...le Blanc Chevalier]...se parti seul d'homme, car il ne mena avecq lui sy non sa dame en guise de serviteur (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 57).

 

-

"Sans troupe" : Quant à vous envoyer des gens d'armes, je vous en envoyray ce que je pouray, mais je n'entens pas à demorer seul, et ne say se vous entendez que je serve le roy sans gens et sans povoir aller de ville à autre sans estre acompaigné. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 296).

 

-

"Sans aide" : Adont respondy le duc de Glocestre et dist : "Biaux seigneurs, je vous oy bien parler, mais moy tout seul ne le puis faire ; (...) Et, se vous voulez venir à ce où vous tendez à venir, il vous convendroit avoir d'accort toutes les plus notables citez et bonnes villes d'Angleterre, et aussi aucuns prelatz et nobles du royaulme, et venir en la presence du roy" (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 25). Mes pour quoy ara ce prophete [Jésus] Plus grant puissance que vous tous, Veu qu'il est seu et entre vous Estes plus de douze ensemble ? [Réf. à Luc 9, 40] (Pass. Auv., 1477, 160). Quelcun pourra demander cy après si le roy ne l'eust sceü faire seul : à quoy je respondz que non (COMM., I, 1489-1491, 243).

 

-

Tout fin seul : Qu'elle poise ! Je ne puis pas Porter ceste croix tout fin seul. (Pass. Auv., 1477, 193). Le roy leüt la lettre seul, et puis se retira en une garde robbe tout fin seul (COMM., II, 1489-1491, 31).

 

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Seul de compagnie : Et pour tant, m'emerveil je de quel part si belle ne si gracieuse creature que ly corps de vous est, puet estre cy venue, si seule de compaignie. (ARRAS, c.1392-1393, 7).

 

-

"Non accompagné"

 

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(Tout) seul : A vostre hostel vous en irez Et la tout seul vous armerez De haubert, de coiffe et d'espée, Puis revenez sanz demourée Tout seul a moy. (Mir. st Guill., c.1347, 25). LE MARI. (...) Tu t'en yras A mon cousin, tout seul devant (Mir. enf. ress., 1353, 52). Egar ! ou va la fille au roy, Ainsi seule, sanz compagnie ? (Mir. Amis, c.1365, 24). Il avint que il aloit une foiz tout seul par un bois, si trouva .I. grant arbre abatu que l'en avoit voulu fendre a coings. (ORESME, E.A.C., c.1370, 161). Armez vous et montez a cheval sur le plus ysnel que vous aiez, et venez cy devant mon logeiz et venez tout seul, et n'en dictez rien a personne. (ARRAS, c.1392-1393, 134). ...si print une chandelle et tout seul s'en va au retrait. (C.N.N., c.1456-1467, 428). Ce jour, se desloga de Beauté mondit seigneur de Berry pour aler à Saint-Denis, et depuis s'en retourna audit lieu de Beauté, pour ce qu'on lui dist qu'il seroit plus seurement audit Beauté, où près d'ilec estoient logez lesdiz ennemis, que d'estre seul audit Saint-Denis (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 93). Il vint tout seul par son oultrage Estrader par mont et par val (Fr. arch. B., c.1468-1480, 36). Avec moy je ne veulx nesung ; Seule veulx aler mon chemin. (Pass. Auv., 1477, 150). Helas, mon amoreux, mon filz, Demeurarey je seule en vie Sans avoir parens ne amis Demorant en ma companie ? (Pass. Auv., 1477, 220).

 

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[Dans le domaine de la filiation et de la succession] "Unique"

 

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Seul (en fait) d'enfants. "Enfant unique" : ...espoux de Madame Yolant, seulle en fait d'enffans du roy Jehan d'Arragon. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 5). ...Madame de glorieuse memoire Yollant, fille seulle d'enffans du tresnoble prince monseigneur Jehan, roy d'Arragon (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 207).

 

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(Tout) seul avec qqn. "En tête à tête avec qqn" : ...il se trouva tout seul avec sa dame (C.N.N., c.1456-1467, 186). Quand il se trouva seul avecques la gouge (...), il faindit, comme bien le savoit faire, une sure et matte chere (C.N.N., c.1456-1467, 231). Ce bon marchant (...) se trouva seul après souper avec sa femme en sa chambre. (C.N.N., c.1456-1467, 560).

 

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Entre qqn et qqn seul : En aprés convient avoir lieu, car se la coulpe est muchee, secrete correction est a faire, selonc ce qu'il est escript es Euvangiles saint Mahieu ou .XVIIIe. chapitre : «Corrige le entre toy et lui seul». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 194).

 

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Seul à seul. "En particulier" : ...hors sui de paine et d'annuy Quant avec vous ci endroit suy Seule a seul, sire. (Mir. Amis, c.1365, 25). ...j'aray l'accort D'elle a tout le premier recort Que seul a seul li pourray faire. (Mir. Oton, c.1370, 342). Et quant elle fut devant luy, toutes wyderent la chambre et les laisserent ambeduy seul a seul. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 96). Et s'il a deul, Sidone n'enn a pas mains, car elle entre en sa garde robe et appelle Elios. Et quant elle voit que eulx deux, seulles à seulles, si commenche son deul si grant et si merveilleux que c'est pitié à veoir, et dit : "Ha, Elios, ma doulce amie, il s'en va le beau, le bon, et meilleur des vivans..." (Ponthus Sidoine C., c.1400, 84). Romaraine et Meliadice furent grant piece seul à seul ensemble et de maintes choses deviserent (Cleriadus Z., c.1440-1444, 420). ...laquelle lui fit signe qu'il ysseist hors affin de parler à lui, seul à seul. (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 201). Se seul a seul la tien Aussi scauray je bien, Par Dieu, qu'elle a ou ventre. (Sots mal., c.1480, 91). Ledit Pierre Claret estoit très saige homme et eut communication bien privée avec ledit grand chambellan, en sa chambre, à Londres, seul à seul. (COMM., II, 1489-1491, 243). Et pourparlerent ensemble plusieurs fois seul a seul. Et aprés plusieurs parolles et devis, le dit marquis print congié du roy jusques aprés disner. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 309).

 

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[Dans un affrontement] "En combat singulier" : ...il avoit assemblé grant ost contre les Philistiens, entre lesquelz estoit icelluy Goliast qui aloit disant, chascun jour, et criant aux Ebrieux que, s'il y avoit nul Ebrieu qui vousist combatre a lui, seul a seul, cellui d'eulx qui auroit victoire, l'autre partie seroit serve et subjecte au vainqueur. (Voy. Jérus., c.1395, 4). Encore, Monseigneur, je dy bien que ung homme, qui a affaire à ung aultre homme seul à seul, fera que saige de fraper le premier, s'il peut. (BUEIL, I, 1461-1466, 201). ...Je me sens de corpulance (...) De le combatre a oultrance Seul a seul, bien et vaillamment (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 298).

 

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[D'un animal] : C'est la beste dou monde qui a plus forz armes [le sangler] et qui plus tost tueroit un homme ou une beste, ne il n'est nulle beste qu'il ne tuast seul a seul plus tost que elle ne feroit luy ne lion ne liepart (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 88).

 

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Seul contre + adj. num. : Encontre tous me veil offrir A combatre seul contre trois, Disant que vous estes Vaudois De soustenir une querelle, De croire une fille des bois Et que vous ahourez Pucelle. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 556).

 

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En partic. "Non marié, sans compagnon ou sans compagne" : ...elle est femme seule, non mariée, et qui a acoustumé querre et avoir sa vie pour Dieu en alant par le païs d'environ la ville et parroisse d'Aveisié (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 475). ...[il] dit et afferma qu'il estoit nez de la ville d'Esclusiers sur Somme, et qu'il estoit homme et compaignon seul, et desnué de femme et enfans, ne n'avoit oncques esté mariez (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 29). Il n'est pas bon ne convenable Que l'homme soit tout seul ainsy ; Faisons luy aÿde semblable Qui soit conforme avecques luy. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 32). [Réf. à Gen. 2, 18]

 

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[Sentences bibliques] : Au contraire du solitaire, c'est de chelui qui est sans compaignie, dist Salomon : «Mauldit est chelui qui va seul car, s'il chiet, il n'a qui le relieve» (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 257). Bonne chose, dist Dieu, n'est pas que l'omme soit seul. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 57). Et auxi mettons le cas que tu feusses tout seul et que toutes les ricesses fussent tes possessions : et seroie tu plus felix, plus joyeulx, plus exellent ? Certes je di que non, quia ve soli ! c'est a dire «maleureux est cil quy est seul !». (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 267).

 

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Seul + adj./part. passé : ...il n'a pas esté seul entaché de ce mal (C.N.N., c.1456-1467, 255). ...je ne suis pas seule deceue en celle maniere (C.N.N., c.1456-1467, 375). ...et pour n'estre seul rez et desnué de ses cheveulx, il fit un edit que tous les nobles hommes se feroient resre leurs testes comme luy (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 421).

 

-

[D'une chose]

 

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[D'une construction] "Isolé" : Et mesmement la personne du roy, qui pour ceste nuyt en une petite maisonnette qui estoit la toute seule, pour cause de la pluye et du mauvais temps s'estoit retiré. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 290).

 

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[D'une région] "Désert, inhabité" : ...pour lors les provinces estoient encores moult seulles et y trouvoit l'en pou de gens (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 57).

 

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[D'une chose abstr.] "Non accompagné d'autre chose" : ...et combien que soit grant ton los et ta gloire, ce ne vault rien seul, car avecquez ce te fault il du pain (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 9).

 

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Prov. Un mal ne vient jamais seul : Ung mal ne ung peril ne vient jamais seul. La fortune de ce roy estoit bien changée, et ses pensées. Il n'y avoit que quinze jours qu'il eust esté bien esbahy qui luy eust dit : "Le conte de Warvic vous chassera d'Angleterre..." (COMM., I, 1489-1491, 203).

 

2.

"Sans aide, sans avoir recours à d'autres personnes"

 

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(Tout) seul : ...et vouloient iceulx Hays et Thevenin que elle qui parle ensevelist icellui defunct ; ausquelz elle respondi et dist que non feroit pas toute seule (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 84). Et comment diable, dist Gieffroy, mes deux freres et moy avons tant fait que nous avons treu du soudant de Damas et de ses complices, et ce mastin puant, qui est tout seul, tendroit le pays de mon pere en patiz ! (ARRAS, c.1392-1393, 239). Jhesucrist prist tous seulx la guerre pour nostre salvacion, et par sa digne mort seront tous crestiens sauvez qui ses commandemens tendront. (ARRAS, c.1392-1393, 108). Puis te convient il laisser ahurtees voulentés et opinatives esperances, pour ce que celuy qui suyt son propre conseil se prive d'aultruy suyte, et seul doit fourvoier qui tout seul se guide. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 132). ...[ses amis] luy dirent qu'il estoit temps qu'il se mariast, et que bonnement il ne povoit seul conduire son fait. (C.N.N., c.1456-1467, 131). ...je vous bouteray ung quarteron d'enfans ou ventre (...) et les vous lairray seulle nourrir. (C.N.N., c.1456-1467, 519).

 

-

Seul de + subst. "Privé de qqn" : Madame, qui est ainsin demeuree seule d'ami, ne voit bahours, joustes, dansses, chasses ne autres deduis ou son cuer puist prendre plaisir. (LA SALE, J.S., 1456, 240). ...si je y alloye vous demourriez icy toute seule de femmes, et pourroit monseigneur demander pour moy, et l'on ne me saroit ou trouver. [Une servante refuse de faire une démarche qui laisserait seule sa maîtresse] (C.N.N., c.1456-1467, 269).

 

-

[D'une chose]

 

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"Qui n'a besoin d'autre chose, à soi seul" : ...[le sacrement de baptême] est tel et si ferme que seul il vault sans aultre aide, voire accompaigné de vraye foy. (C.N.N., c.1456-1467, 428).

 

-

[D'un testament] Seul pour tout. "Seul valable pour l'ensemble des dispositions qu'il contient" : Pour ce que foible je me sens, Trop plus de biens que de sancté, Tant que je suis en mon plain sens, Sy peu que Dieu m'en a presté, Car d'autre ne l'ay emprunté, J'ay ce testament tres estable Fait, de derreniere voulenté, Seul pour tout et inrevocable. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 28).

 

3.

[En apposition après un pron. pers. ou relatif...] "À l'exclusion de tous les autres" : LA DAME. (...) Doulce vierge, par ta merite, Estain mon dueil et mon ennuy. En toy me fy ; en toy m'apuy. Toy de cuer lo et loeray. Toy seule gloriffïeray, Car seulement par ta puissance J'atens a avoir delivrance (Mir. enf. ress., 1353, 42). ...Dame, qui seule renlumines Et a droit sentier ramaines Les orphelins desconseilliez Et les esgarez essilliez (Mir. emper. Romme, 1369, 282). Car, dame, tu es m'esperance, Et en toy seule est ma fiance. (Mir. emper. Romme, 1369, 282). ...et illec cogneut et confessa que, ou jour d'yer, à la grant boucherie de Paris, il, seul, avoit coppé lesdiz deux mordans de sainture (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 206). Et disoit, ycellui prisonnier, que plus ne autre chose il n'avoit meffait que les larrecins dessus declarez, lesquelx il avoit faiz lui seul, et sanz ce que sa femme ne autre personne en sceust oncques aucune chose. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 223). Lequel jeu finé, eulz deux seulz, après ce qu'il ot donné un blanc audit joine filz pour son salaire, s'en alerent boire à l'Escu de France près de la Croix du Tirouer (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 478). ...vous suffise que vous seul cognoissez ma folie (C.N.N., c.1456-1467, 124). Vous seule savez mon cas, et malgré moy. (C.N.N., c.1456-1467, 537). LE JUIF. Je ne vueil cy nulz advocatz Que moy seul pour tout mon conseil, Car oncques ne vy cas pareil. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 118). O roy du ciel, digne de regenter Les estoilles et tous celestes corps, Vous seul povez lumiere au monde enter Et expulser l'ombreux broullas dehors. (Cene dieux, c.1492, 114). SAINCT MARTIN. (...) Pour tant vous prie, chier seigneur, Que par vous me soit relaté La bonté de Nostre Seigneur. SECOND PRESTRE. C'est celuy seul qui enseigne heur Et toute chose pardurable, Desquelles je suis enseigneur Et a tous humains doctrinable. (LA VIGNE, S.M., 1496, 150).

 

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[D'une chose] : Car il est d'elle seule [la loy de Jhesu Crist] escript Que qui y perseverera Jusqu'en la fin sauvé sera (Mir. st Ign., 1366, 76).

 

-

[Dans une formule relative à un haut personnage et indiquant sa toute-puissance] Seul et pour le tout : ...tant l'essausserent [Jean Corvin Huniade, voïvode de Transylvanie] ses vertus et ses haulx fais que ses merites le menerent jusqu'a haulte felicité de fortune et jusqu'au gouvernement de tout le royamme seul et pour le tout, la ou avec l'onneur et la large portee avoit grant acquest et grant domination. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 83).

B. -

[En fonction d'épithète]

 

1.

[Postposé]

 

a)

[D'une pers.]

 

-

"À l'exclusion de tout autre" : La creation de l'omme proceda de celuy seul qui fist toutes choses de neant. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 150). Comme ce propoz avoit ung peu duré ou semblable, le roy, qui se monstroit avoir auctorité en ceste compaignie, nous feïst retirer et nous dist qu'il vouloit parler au roy d'Angleterre seul. (COMM., II, 1489-1491, 66). SAINCT MARTIN. De honneur ne me soyez donneur : Honneur a Dieu seul appartient. (LA VIGNE, S.M., 1496, 413).

 

-

"Non accompagné, sans aide" : Sarrasin, tu es faulx et recreuz, quant tu es si bien montez et si noblement armez, qui t'en fuiz pour un homme seul. (ARRAS, c.1392-1393, 230).

 

-

[Dans le domaine de la filiation et de la succession] "Qui n'a ni frère ni soeur ; qui est l'unique héritièr(e)" : Et se pourroit faire que une fille seule d'un roy se marieroit a ung homme de basse condition : il faulroit qu'il feust roy, et qu'il feust enoint et qu'il portast les armes. (JUV. URS., T. crest., c.1446, 45). Ce fut le premier fait d'armes où jamais fut le Daulphin, filz seul du roy. (RAOULET, Chron. Ch. VII, V., c.1461-1467, 156). Madame Marguerite a esté mariée au prince de Castille, filz seul des roy et royne de Castille et de plusieurs aultres royaulmes, lequel prince mourut au premier an qu'il fut marié, qui fut l'an MCCCCIIIIxxXVII. (COMM., III, 1495-1498, 27).

 

.

Fils seul né. "Fils unique" : Le tiers, de l'immolation de son filz disant, ou dit livre ou .XXIIe.. chapitre : «Prens ton filz seul né que tu aimes, Ysaac, et me fais sacrefice». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 216).

 

b)

[D'un lieu] "Solitaire" : En un lieu seul et desert sui Et ne voy entour moy nullui. (Mir. march. larr., c.1349, 103).

 

c)

[D'une chose]

 

-

"Au nombre de un" : ...au matin, quant elle qui parle ala en la chambre où il avoit jeu, pour faire son lit, ne trouva en icellui lit que un drap seul, qui bien valoit VJ s. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 176).

 

-

"À l'exclusion de toute autre chose" : A voustre honneur seul entendez Pour voustre temps mieulx employer : Du mien a moy vous atendez Sans prendre peine a foloyer. (CHART., B. Dame, 1424, 347).

 

2.

[Antéposé]

 

a)

(Un) seul + subst.

 

-

[D'une pers.]

 

.

"Solitaire, sans personne" : ...je sui une seule femme à point de fait ne de deffense, et veve de vif mari (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 116).

 

.

"Unique" : Par Dieu, Olivier, ce n'avendra, tant comme je vive, en ma court, que ung seul chevalier combate deux autres pour une mesme querelle. (ARRAS, c.1392-1393, 60). ... par un seul couart failly est aucunesfoiz une besoingne perdue. (ARRAS, c.1392-1393, 109). Se pour un seul homme vous en fuiez, ce sera grant honte. (ARRAS, c.1392-1393, 184). SECOND PRESTRE. (...) Il te fault desormais induyre De croire que Dieu a tout fait. En luy n'y a rien imparfait ; Il est seul Dieu, vray Createur, Qui a son gré fait et reffait Et qui est du monde inventeur. (LA VIGNE, S.M., 1496, 150).

 

.

En partic. [À propos de la Trinité] "Qui constitue une unité dont les éléments sont inséparables" : Sainte et seule Trinite [l. Trinité], edificient bonté, soyes, si te plaist, present a mes supplications (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 30). O trinité glorieuse, une seule deité inseparable que les angelz louent incessanment (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 58). Ung seul Dieu en trinité, Ung bien, une essance... (Pass. Auv., 1477, 225).

 

.

"Peu nombreux" : Qant li rois Phelippes fu partis dou chastiel de la Broie, ensi que chi desus est dit, a moult seule gent, ils et sa route qui n'estoit pas grans, cevaucierent celle nuit tant et le dimence au matin, que il vinrent en la chité d'Amiens. (FROISS., Chron. D., p.1400, 742).

 

-

[D'une chose]

 

.

Un seul + subst. "Unique" : Biaux seigneurs, or ne vous mouvez Tant que j'aye un tout seul mot dit. (Mir. ev. arced., c.1341, 122). Car l'en ne puet faire science ne donner regle d'un seul fait singulier. (ORESME, E.A.C., c.1370, 149). Lundi, VJe jour de ce mois [de juin], la femme d'un laboureur, demourant à Haultbarviller-leiz-Saint-Denis en France, enfanta une fille gemelle, ou deux filles joingnans ensemble en ung seul ventre (FAUQ., II, 1421-1430, 310). ...vous n'avez garde que j'en deisse oncques ung seul mot a ma mere. (C.N.N., c.1456-1467, 72). En ce temps fut tirée de la ville de Lestaure une grosse serpentine en l'ost des gens du roy estans devant, laquelle d'un seul cop tua le maistre de l'artillerie du roy et quatre autres canonniers. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 290). Car, raby, je ne suis pas digne Qu'ad ma maison, sire, veignés. Car par ung seul mot que dirés, Mon enfant recepvra sancté. [Réf. à Luc 7, 7] (Pass. Auv., 1477, 128). LE JUIF. Comment dea, n'ont il [les chrétiens] rien payé Au terme ? MATHATIEL. Une seulle maille. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 105).

 

.

Un tout seul + subst. : ...garde bien que, quelque chose qu'il face, que tu ne dies ung tout seul mot (C.N.N., c.1456-1467, 249).

 

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Une seule fois : ...l'en ne povoit espargnier ledit prisonnier à estre mis à question afin de savoir la verité de ses autres mesfaiz, sauf tant que, pour sa vieillesce, il feust une seule foiz et doulcement traitié et questionné. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 523).

 

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[Pour exprimer l'absence de qqn ou de qqc.] Ne (...) un (tout) seul + subst. : N'onques je ne l'oÿ [Griseldis] parler De sa fille un tout seul parler (Gris., 1395, 59). Maiz ja maiz un seul mouvement Ne un seul semblant de tristece Il n'y trouvast, maiz que lÿece (Gris., 1395, 70). ...car audit jour et heure avoit moult peu de gens, et n'y avoit un seul gentilhomme, ne en son hostel n'y avoit armeures, ne ars, ne saiettes (BAYE, I, 1400-1410, 107). Pour abreger, rien ne luy vault. Il ne peut obtenir ung tout seul mot (C.N.N., c.1456-1467, 116). ...de ceste cy on ne pourroit ung seul bon mot a son avantage compter. (C.N.N., c.1456-1467, 254). Et lors monseigneur du Maine, monseigneur l'admiral de Montauban, le seigneur de la Barde et autres cappitaines qui bien avoient de VII à VIIIc lances, se retrahirent et s'en alerent et habandonnerent ainsi le roy, et, à ladicte journée, nul des dessusdiz n'y frapa un seul cop (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 67). Ha seurement g'iroye marchant Parmy les rues de Paris, Faisant monsieur du gros bis, Fouré de robes de regnars, Comme font ung tas de cornars Qui n'ont vaillant ung seul denier, Ilz la doybvent au peletier, Mais cela ce n'est que du moins. (S. fol, c.1480-1490, 7). Et, combien qu'il n'eust un seul vouloir de conclure ce marché et que la chose du monde que plus il hayoit en son cueur estoit la maison d'Yort, si fut tant demenée ceste matière que, plusieurs années après, elle fut conclue (COMM., I, 1489-1491, 44). ...et la femme son homme La mort desire, et n'y a ung seul joxte D'amour entre eulx (Cene dieux, c.1492, 114).

 

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[Pour renforçer une restriction] Ne ... que un seul + subst. : Et n'avoit cellui roy plus de hoirs que une seule fille, laquelle estoit moult belle. (ARRAS, c.1392-1393, 81). Car bien semble certainement Que eulx deux [le marquis et la marquise] n'aient seulement En tout que une seule pensee (Gris., 1395, 71). ...et n'avoit en ce parc que une seulle entree. (FROISS., Chron. D., p.1400, 718). ...tant furent conjoinctes les voluntez, desirs et pensées de luy et d'elle, qu'ilz n'avoient pour eulx deux que ung seul cueur. (C.N.N., c.1456-1467, 147).

 

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[Unicité déterminée et exclusive] Déterminant défini + seul + subst.

 

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[D'une pers.] : LE MARQUIS [à Griseldis]. Pour ce, m'amour, t'embraceray je, Qui tant es bonne et vertüeuse, Comme ma seule et vraye espeuse (Gris., 1395, 95). ...quoy que soit, vous estes celle et la seulle vivante que je veil obeyr (C.N.N., c.1456-1467, 167). ...ay baillé part et porcion a aultry de ce dont il estoit et devoit estre le seul seigneur et maistre ? (C.N.N., c.1456-1467, 424). Faulx Judas (...) Tu me faiz souffrir ce martire, Cuidant nuyre A ton seul maistre pour ton ayse. (Pass. Auv., 1477, 246).

 

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[Dans le domaine de la filiation et de la succession]

 

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[D'un fils de roi de France] : ...moy estant en grans pensees (...), me sembla que a moy vint une voix (...) en disant, "(...) Et toutes lesquelles quatre vertus sont au roy Charles ton souverain seigneur (...). Se tu consideres les fortunes diverses et adversitez que il a eues depuis que il fut daulphin et seul filz du feu roy Charles son pere (...), tu peux bien dire que il a eue grant pacience (...)". (JUV. URS., Verba, 1452, 189).

 

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[En coordination ou en association avec son synon. unique] : [Jean Juvénal des Ursins au roi Charles VII :] Helas, quel povre confort a ce esté a nous voz povres brebis qui sommes cy en frontiere d'unes lectres qu'il vous a pleu a envoyer faisant mencion de une assemblee que on dit avoir esté faicte de mon tres redoubté seigneur monseigneur le daulphin vostre seul et unique filz et autres voz parens dont vous avez prins desplaisance (JUV. URS., Loquar, 1440, 346). [Jean Juvénal des Ursins au roi Charles VII :] En quel peril fustes vous a Paris (...), qui eschappastes (...), qui estiez seul filz unique et heritier du roy et du royaume (...) ? (JUV. URS., Verba, 1452, 192).

 

Rem. Dans les deux exemples tirés de Verba, la personne en question est le fils de Charles VI, futur Charles VII. Il devient le dauphin après la mort de ses deux frères aînés : Louis en 1415 et Jean en 1417 (cf. J. Favier, Dict. de la Fr. médiév., 1993, 248, s.v. Charles VI). D'après une note de l'éditeur, l'épisode périlleux à Paris date de 1418. À signaler qu'à cette date, le futur Charles VII a encore des soeurs. Dans l'exemple tiré de Loquar, il s'agit du dauphin Louis, futur Louis XI. D'après une note de l'éditeur, le roi a envoyé des lettres aux habitants de Reims (ce dont il est sans doute question ici) en février 1440. À cette date, Louis est le seul fils survivant – il a des soeurs – de Charles VII et son frère Charles n'est pas encore né. Ce dernier naît en 1446 (cf. J. Favier, Dict. de la Fr. médiév., 1993, 251, s.v. Charles de France ; Note de M. Moulin).

 

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[D'une chose] : ...car ceste Court estoit le seul refuge de justice qu'on peust de present avoir en ce royaume. (BAYE, I, 1400-1410, 246). ...ce vient non pas de noz propres vertuz, mais de la seulle large et liberale grace de noste benoist redempteur (C.N.N., c.1456-1467, 223). ...[il] fut contraint d'estre notaire du plus grand desplaisir que au monde advenir luy pourroit, et dont la seule pensée en son pouvre cueur remirée estoit assez et trop puissante de le mettre en desespoir (C.N.N., c.1456-1467, 254). Jhesus, m'amour et ma plaisance, Ne prenés pas en desplaisance Ma seule joye, si vous touche. (Pass. Auv., 1477, 152).

 

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"Unique, simple, sans rien qui s'y ajoute" : ...la maniere et propos de l'Université n'est pas accoustumée, c'est assavoir que la Court à la seule denunciation d'une partie face droit (BAYE, I, 1400-1410, 111).

 

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Ne autre chose que le seul + subst. "Rien d'autre que seulement + subst." : Et euls meismes n'eurent, le jour ne la nuit, aultre pitance que le seul pain que il avoient toursé derriere euls (FROISS., Chron. D., p.1400, 133).

 

b)

Déterm. + seul + subst. "Qui est capable, sans l'intervention de quoi que ce soit, de qqc." : Se tu as habondance de richesses, se tu as saigesse, se tu as noblesse et toute perfection de corps, le seul orgueil, se il est en toy, destruit toutes tes vertus. (LA SALE, J.S., 1456, 18). Combien que tu soies bon, se tu es orgueilleux tout est gasté : ton seul orgueil te dampne. (LA SALE, J.S., 1456, 18). ...et celle seulle penser est souffisant a desconfire un jayant (LA SALE, J.S., 1456, 82).

II. -

Subst.

 

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Un seul. "Une personne unique" : SECOND CURÉ. (...) Si vous pri, s'entredit ["pesonne frappée d'interdit"] savez, N'en registre nulz en avez, Que je le sache. LE CLERC. (...) Je n'en say en tout le conmun De ceste parroisse c'un seul (Mir. parr., 1356, 20). Aprés je di que selon raison naturel et selon droit qui est naturel et convenable a toute bonne policie, il est juste que un seul ait par mariage une seule. (ORESME, E.A.C., c.1370, 444). Et pour ce compare il les secrez jugemens de Dieu es abismes sans fons et sans rive, combien que toutes choses sont sceues non par un seul, mais par pluseurs. (ARRAS, c.1392-1393, 4). Tous maulx suy contant de porter, Fors un seul, qui trop fort m'ennuye, C'est qu'il me fault loing demourer De celle que tiens pour amye (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 61). Tant habondoient Mes plaisirs, qui d'un seul sourdoient Et en un mesmes redondoient, Que tous les ennuis confondoient (CHART., L. Dames, 1416, 243).

 

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[Renforcé par tout] : Car se le bien d'un tout seul est chose qui fait a amer, il est certain que ce est meilleur chose et plus divine amer et procurer le bien de toute une cité, et encore plus le bien de tout un paÿs ou d'un royaume ou il a pluseurs citéz. (ORESME, E.A., c.1370, 105).

 

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[À propos d'une pers. déterminée] Le seul : ...elle estoit aussi bien femme pour les fournir tous deux et mieulx trop que nesung d'eulx a part n'estoit pour la seulle servir a gré. [La femme aux deux amants] (C.N.N., c.1456-1467, 237).

III. -

Adv. "Seulement" : Mais il [le marquis] avoit son deduit mis Seul en chacier et en voler ; Seulement se voult deporter En oyseaux et en chiens chassans (Gris., 1395, 3). Car jalous a le coer si tendre Que il ne voet a riens entendre Fors seul a sa merancolie. (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 57). Et demeura seul la foy audit seneschal, dont l'ay prisé et prise (COMM., III, 1495-1498, 35). SATHAN. (...) Je regarde que se lyés Aveons tous les pecheurs du monde Que seul par celle faulce onde Du baptisme il sont sauvés (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 75).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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