C.N.R.S.
 
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     ROMPRE     
FEW X 565b rumpere
ROMPRE, verbe
[T-L : rompre ; GD : rout ; GDC : rompre ; DÉCT : rompre ; FEW X, 565b : rumpere ; TLF : XIV, 1229a : rompre]

I. -

Au propre [Idée de séparation en deux ou plusieurs morceaux, à la suite d'un choc, d'une torsion, d'une traction...]

A. -

Empl. trans.

 

1.

"Briser, mettre en pièces, mettre en morceaux"

 

a)

[Une chose] : Et [un cheval] s'a Garnier en bras si mors Qu'à po qu'il n'en a esté mors. Le mareschal a defoulé, Et s'a son vallet affolé ; Et à la force de ses reins Ha rompu .IJ. travaus à Reins, Dont le mareschal ha juré Que, foy qu'il doit saint Honnouré, Ja mais il ne le ferrera Ne près de lui n'aprochera, Qu'il a paour qu'il ne le tue. (MACH., Compl., 1340-1377, 264). Herculès par le destre cor Le prist et si fort le hacha Qu'il li rompi et arracha, Dont Atheleüs desconfis Fu et son cor pris et confis. (MACH., C. ami, 1357, 95). Ouquel petit coffre, le lendemain matin, il rompy et despeça ou boys et en la place où il avoit lessiez les diz gobelez et tasses d'argent par lui mussées, prinses et emblées (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 32). ...et quant ilz virent qu'ilz n'y pourroient entrer, ilz despecerent et rompirent ladite eschiele en quatre ou cinq tronçons. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 223). ...lesquelz [presidens et conseilliers de ceans] m'ont commandé d'escripre ce que dit est au dos d'icellui testament, et en ce escrivant, par moy a esté rompu ledit seel en partie, et l'autre partie est demourée atachée sur ledit testament. (FAUQ., II, 1421-1430, 254). Il convient que l'on me mette dehors, ou je rompray tout, car je n'en puis plus endurer. (C.N.N., c.1456-1467, 381). Rompés le bois sur le Turcq infidelle. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 15). ...et, pour chacune diversité de maladie, mist epithaphes et tiltres, pour advertir que l'un ne se print pour l'autre. Mais l'envie des escoles de Salerne fist rompre iceulx epithaffes, à cause de quoy sont hors usage. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 70 r°).

 

-

Rompre (un oeuf). "Casser (un oeuf pour le faire cuire)" : Et [les oeufs] se boullent en deux manieres, ou avec leurs escorces ou rompu en l'eaue. Boulliz avec l'escorce sont les pires, car les escorces defendent a saillir les fumees, mais des rompus en eaue, la chaleur de l'eaue attrempeement penetre et suptile la grosseur de l'euf et hoste la mauvaise odeur (Rég. santé corps C., 1480, 26).

 

-

[D'une chose, des éléments] : ...la pierre qui rompt la substance des rains (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 333). Et voions que quant une chose moiste se evapore et enfle, elle rompt ["elle fait éclater"] le vaissel ou elle est. (ORESME, C.M., c.1377, 634). Et les glaces firent de grans dommaiges, car ilz rompirent et emporterent grant quantité de basteaulx, dont partie s'en alerent frapper contre les ponts Nostre-Dame, Sainct-Michel, d'icelle ville de Paris (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 104). ...et trouva que, au moïen de la pluye, ledit sel se augmente et croist et devient si très dur que nul acier trempé à peine le peut rompre. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 85 r°). Cestui predist les eaues et les glaces qui rompirent en plusieurs lieux plusieurs ponts (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 114 v°). ...predist les horibles innondacions de eaue, qui fut en divers lieux ou mois de mars, au moïen desquelles plusieurs villes furent gastées ès lieux maritins et paludeux, et plusieurs pons sur la riviere de Seine rompuz. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 120 r°).

 

.

[D'un phénomène météor.] Rompre une forest. "Endommager (une forêt, en cassant les troncs ou les branches)" : ...prenostica, l'an VIIIe du regne de Henri, la grande habondance de nege qui fut si excessive que plusieurs forestz en furent rompues. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 110 v°).

 

-

[Cont. métaph.] : Si me vault miex ainsi atendre Que rompre mon arson au tendre. (MACH., Voir, 1364, 252). Le regart de celle [la femme que j'aimais] m'a prins Qui m'a esté felonne et dure ; Sans ce qu'en riens j'aye mesprins, Veult et ordonne que j'endure La mort et que plus je ne dure. Si n'y vois secours que fouïr ; Rompre veult la vive soudure Sans mes piteulx regretz ouïr. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 13).

 

-

Part. passé en empl. adj. [D'une chose] "Brisé, cassé" : Et font tant, que la chainne est route (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 170). ...il print plusieurs verges, anneaux et cuilliers d'argent rompues, et autre fretin d'argent, lequel il fist fondre, en la rue aus Oës, en l'ostel d'un hanapier (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 262). Item, Johannet d'Orcival, qui bailla et administra audit Merigot fil pour refaire les cordes de ses arbalestres, qui estoient toutes rompues (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 262). ...quant le roy Adrastus voit Et les autres ses armes rouptes Et le sanc couler a grans goutes Par bras (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 308). Or fut ceste grant cheyne rocte, Je yroye assés tout pourvueü. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 148).

 

b)

TOURN. Rompre ses lances / n lances. V. lance "Briser la lance ; faire des joutes au tournoi" : Et quant ilz orent rompues leur lances, le chevalier qui gardoit le passage, en feist assés apporter et dist qu'i leur convient tant jouster que l'un abatist l'autre. Si en rompi bien chascun d'eulx quatre grosses (Chev. papegau H., c.1400-1500, 58). A la IIIJe course ledit messire Enguerrant prinst ou mylieu de la piece et rompit tresbien sa lance (LA SALE, J.S., 1456, 116). Et, en après, y vint aussi et arriva Charles de Louviers, eschançon du roy, qui moult bien et vaillamment s'y porta, en portant honnestement son bois et sans aide, et rompy nettement plusieurs lances, et tellement se porta la journée que en la fin le pris lui fut donné. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 204).

 

-

Empl. abs. "Briser sa lance" : Toutesfois conclurent a la fin que nul ne perdist sa peine et son droit, si ordonnerent que l'un le paiast a l'autre, et que le conte commençast, car Saintré avoit rompu le premier. (LA SALE, J.S., 1456, 179). ...nulles lances ne furent tenues pour rompues, s'il n'y avoit quatre doigts de frans au dessoubs le rochet ou devant la grappe. Et ainsi fut celle jouste très bien joustée ; et, le cor sonné par le nain, coururent une course de planchons qui ne fut point attainte ; et paya ledit Charles une verge d'or pour ce qu'il avoit le moins rompu. (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 140).

 

.

Inf. subst. : ...et a ce rompre de lance trompectes a desroy commencerent a sonner. (LA SALE, J.S., 1456, 115).

 

-

[Contexte grivois] Rompre une lance. "Faire l'amour" : ...tant rompirent de lances qu'ilz furent si las et recreuz qu'il convint qu'en beaulx bras ilz demourassent endormiz. (C.N.N., c.1456-1467, 366). ...ilz firent armes en sacrifiant au dieu d'Amours et rompirent pluseurs lances. (C.N.N., c.1456-1467, 391).

 

c)

[Une partie du corps] "Briser, casser" : LA ROYNE. Mes amies, voir, il me semble C'om me rompe (...) Les reins au travers et le dos Au lonc. (Mir. fille roy, c.1379, 18). On ne luy peult rompre le col, S'il ne contrefait cy le mort. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 80). Rompés leur les os a tous trois, S'ilz vivent, et sans aultre effroiz Illecques en terre les mectés ! (Pass. Auv., 1477, 228). D'un baston, d'une dimy lance, Fraperons pour rompre leur os. (Pass. Auv., 1477, 229). Jambes et cuisses luy rompons. (Pass. Auv., 1477, 229).

 

-

Se rompre le col. "Se tuer dans une chute" : ...il se laissa tumber du hault de luy a terre que a pou qu'il ne se rompit le col, et fut longuement comme tout paulmé. (C.N.N., c.1456-1467, 438). Et tout devant ladicte compaignie aloit la trompete dudit Salezart monté dessus ung cheval grison, lequel, en courant au long des fossez d'entre ladicte porte Saint-Anthoine et le bolevert de la tour de Billy, ledit cheval cheut dessoubz ladicte trompete si très lourdement que icelle trompete se rompy le col. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 127). Et est assavoir que en la ville a telle franchise que s'il est aulcun maistre varlet bouvier qui veille entreprendre de faire le mistere que dit est, et il le puisse faire sans tumber a terre, ses beufz et son charroy seront francs toute l'annee au dit Moncaillier. Mais le dict bouvier perdit icelle franchise et sa paine, encore en dangier de se rompre le col. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 303).

 

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[Dans un cont. métaph.] "Se tuer" : ...et porteray la lumiere de ma science par le chemin lequel eulz vouldront prendre, et y deussent rompre le col. (GERS., Noël, p.1404, 306). Hé ! dame, le dyable y ait part, Je me tuë et romps le col Sans nul gré. (P. Jouh. D.R., a.1488, 20).

 

-

Se rompre un membre : ...une telle frenesie le print qu'il se getta par la fenestre de sa chambre en la rue, et se rompit une cuisse et froissa tout le corps (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 161). ...et pour ce composa unes helles qu'il se mist ès piez et mains et vola du hault d'une tour à la distance d'une stade au bout de laquelle il tumba et se rompit une jembe (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 111 v°).

 

-

Se rompre la voix. "Se casser la voix" : De crier je me rons la voys. (Retraict T., c.1490, 221).

 

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Loc. fig.

 

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Se rompre les bras. "S'exténuer, s'épuiser" : Je me suis les bras tous rompus. De le bactre me suis lassés. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 198).

 

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(Se) rompre la teste. "(Se) casser la tête, (se) tourmenter, (se) fatiguer à l'extrême" : L'om priache, l'om crie, l'om menasse, Dom a parler se ront la teste, Mes pourtant n'y a qui bien face Tant y a en vous de moleste. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 3). Il fut contraint de la laisser passer sa destinée ; trop plustost se fust ecervelé et rompu la teste pour la reprendre que luy faire tenir le derriere coy. [Le mari d'une femme luxurieuse] (C.N.N., c.1456-1467, 520). Pour ce, aymez tant que vouldrez, Suivez assemblees et festes, En la fin ja mieulx n'en vauldrez Et n'y romperez que voz testes. Folles amours font les gens bestes : Salmon en ydolatria, Sanson en perdit ses lunectes. Bien eureux est qui rien n'y a ! (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 63). Mais il ne me vient visiter, Sinon pour me rompre la teste. (Cene dieux, c.1492, 109). Je luy rescriprois voulentiers, mais je me suis aujourd'uy tellement rompu la teste à lire la veue qui fut à Montereul entre le roy et le duc de Bourgoigne, qui se cuidoient appointier, que je ne luy pourrois rescripre. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 337).

 

Rem. VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 63 (et note de l'éd.) ; MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 44...

 

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Rompre la cervelle : Tant me desplaist Le parler que cestuy revelle Qu'il me ront toute la cervelle (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 195).

 

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Rompre les esprits : Vous me rompés mes esperitz De me blasmer ma merchandise. LE SOT. Rien, rien, elle n'en vault pas pis Monstrés m'en tost d'une aultre guise (Dorib., p.1480, 248).

 

2.

En partic.

 

a)

[Une pers.] "Estropier, mutiler" : ...aussi personne qui bien est noée par amour se laisseroit plus tost rompre et dessevrer l'ame du corps que elle fust dessevrée de l'amour de Dieu. (Mir. femme roy Port., c.1342, 150). ...combien que je me sentoie ancores sain et entier, et n'estoie ne rompu ne froissié, mais seulement ploié (BAYE, II, 1411-1417, 273). Ahay, Jhesu Crist, trop est fort ; Contre toy ne vault nul effort. Tu m'as trop lourdement coyssy. Je suis tout roups et tout froyssy. Je ne puis aler ne venir, De male mort me fault mourir. Ou feu d'enfer m'en fault aler. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 132). De leurs crocqs et de leurs machues Le Champion eust esté roups (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 82).

 

-

"Épuiser, fatiguer à l'extrême (ici un animal)" : Maints chevaulx ay recreux [var. rompuz, lassez] pour me suyr a chasser (BRÉZÉ, Dits chien Souillard T., c.1483-1490, 57).

 

b)

[Une construction, un ouvrage...] "Démolir, détruire" : ...ycelui sire de Thors, correcié et esmeu contre le dit Huguet, fist fondre, rompre et peschier un estanc du dit Huguet par pluseurs foiz, et fondre un sien molin et aucunes de ses maisons, et prist et fist prendre et gaster de ses meubles et des fruis et levées de ses terres et de ses choses, et li fist par soy et par ses aidans pluseurs autres domages, et à Jehan Gazeaux, et autres complices ou fauteurs du dit Huguet. (Doc. Poitou G., t.3, 1360, 293). Oultre ce que dit est, ont esté rompus et destruiz les molins de l'evesque de Paris qui sont dessus le Grant Pont (BAYE, I, 1400-1410, 217). Et fist rompre les chemins et passages (NESSON, Lay guerre P.D., c.1424-1429, 57). À Colart le Beuf, bourgois de Hesdin, pour don à luy fait par MdS, pour récompensation de certains frais et dommaiges qu'il a eus en sa maison, pour ce qu'elle a esté rompue affin de veoir les jeux de personnaige (Comptes Lille L., t.1, 1440-1441, 380). Le Pape manda incontinent de rompre l'entree de la cave et le pas de l'islette, comme j'ay dit, et empeschier tellement que jamaiz homme n'y peust retourner (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 110). ...et lui ont brulé et rompuz une arche et une huisserie, les bans de son hostel, prins une chaudiere, ung vosge, une cuegnée, et ompus [l. rompus] les parois de son hostel et despecié plusseurs autres edifices de sondit hostel (Ecorch. Ch. VII, T., 1444, 322). ...Thomassin Petit, faiseur de livres, et y a demouré audit pris de 7 l. 4 s. p. jusques au terme de Pasques, auquel jour il s'en alla, pour ce qu'il falloit rompre ladicte maison pour y besongner de charpenterie (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1456-1457, 905). Or avoient (...) rompu les chemins et passages par multitude de fossés faits en divers lieux afin de non y pouvoir passer qu'à grant dangier et destroit. (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 92). Et, ce mesme jour, le roy en avoit donné la cappitainerie à Jehan L'Orfevre, chastelain dudit lieu, et lui donna charge d'aler garder ladicte place, et lui defendi bien fort que riens ne feust rompu dudit pont. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 72). Je vaiz le temple confondre, Car Dieu l'a ainsi conclus. Je m'en vaiz la moitié rumpre. (Pass. Auv., 1477, 225).

 

c)

[Une porte, un coffre, une serrure...] "Forcer, fracturer" : Si fu le plus de ses deduiz Aler de nuiz rompre les huiz A mariées et pucelles Et de les efforcer (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 245). ...environ X heures de nuyt, les prisonniers dessus nommez furent et se transporterent en ladite ville de Rungy, et assamblerent devant le monstier, rompirent de fait les huys et les portes dudit monstier, et entrerent dedens. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 222). ...fu lors par icellui Alain hurté moult fort, tant à l'uis d'icelli hostel comme aux fenestres, et tant hurta et fist que l'uis et la fenestre furent rompuz et cheurent enmi la maison d'icelle Perrete. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 262). Ce jour, entre IX et X heures avant midi, vindrent environ VIIJ hommes (...) es prisons de la Conciergerie du Palais, et rompirent le premier huis desdictes prisons (FAUQ., I, 1417-1420, 27). Et qu'est ce cy ? dirent ilz, et n'ouvrirez vous pas l'huys ? Par ma foy, si vous ne vous hastez, nous le romperons (C.N.N., c.1456-1467, 198). Lequel seneschal incontinent print son espée et vint faire rompre l'uis où estoient lesdictes dame et veneur. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 16).

 

-

Empl. abs. : Et dit, sur ce requis, que oncques icelli Rogier ne lui volt dire, monstrer ou apprendre la maniere coment il ouvroit iceulx huis et coffres sans rompre, jà soit ce que lors il le en requist plusieurs fois (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 14).

 

-

[P. méton., un local, un lieu] : Et iray rompre les enfers (...) Pour en tirer Humain Lignaige (Trespassement N.D. G., 1484, 511).

 

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Rompre la / les prison(s). "Briser les portes des prisons pour s'évader" : La quele chose venue à sa cognoissance, et pour obvier à tel peril comme de la mort, rompi noz dictes prisons, ès queles il estoit pour ce detenu prisonnier et se absenta du pays. (Doc. Poitou G., t.5, 1379, 115). ...puis un an ençà, il estant prisonnier en la ville de Lonc-Champ, près d'icelle ville d'Estrepigny, appartenant à mons. de Tanquarville, rompi icelles prisons, et s'en ala là où il lui pleust, ne oncques puis ne fu veu ou pays. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 315). Les prisons duquel lieu il a rompues par la maniere que dit est. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 318). ...les dessusdiz, assemblez en grant nombre, alerent celle nuyt ou Grant Chastellet et ou Petit et rompirent à force toutes les prisons, tuerent et firent mourir tous ceulz qui estoient prisonniers pour avoir favorisié ledit d'Armaignac (FAUQ., I, 1417-1420, 150). ...depuis [lequel suppliant] se party et rompi les prisons dudit evesque et se mist en franchise en l'eglise Nostre Dame de Saint Lo, de laquelle il a esté banny et forjuré du pays (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1423, 23).

 

.

Rompre lieux. "Faire irruption dans (un endroit où l'on recherche qqn)" : Allons m'en faire une hesmee Et rompre lieux dru et menu. Se ce faulx matin est tenu, Dieu, qu'il sera bie[n] pourbondy ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 779). [Le passage corresp. ds GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 373 donne : fuster lieux]

 

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"Ouvrir de force pour y faire irruption" : ...depuis ceulx de Paris eurent moult assouffrir pour l'offense et en furent plusieurs penduz à leurs goutieres, par especial ceulx qui avoient rompu le Petit Chastellet et delivrez les prisonniers (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 145 v°).

 

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[Dans un cont. métaph.] : Romps tes cieulx, euvre paradis. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 224). Le Saint Esperit aucune fois use de son droit : il rumpt les huis et les fenestres, il fait la clef du roy. O ! que telle force et telle violence vousist faire en mon ame chascun jour le Saint Esperit, qu'il rumpist tout pour y entrer ! (GERS., Pent., p.1389, 79). L'un disoit : "Vousist Dieu, o Dieu, par mon soubzhait, que tu rompises les cieulx, et que venisses !" (GERS., Annonc., a.1400, 229).

 

3.

P. ext.

 

a)

"Déchirer" : Je sens ma nef foible, povre et pourrie, De sept tourmens assaillie en la mer ; Mon voile est roupt ["ma voile est déchirée"], ancres n'y puet encrer (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 258). Vecy la plus belle monjoye De poissons qu'onques mais fut veue Et sy n'est pas la roix ["le filet"] rompue, Dont bien devons estre esmayéz. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 422).

 

-

"Mettre en lambeaux" : Se tu n'iès couchiés et levez, Pingniez, gallandés et lavez, Vestis et chauciez nettement, Einsois es tenus povrement, Po honnourez et po servis Et de ta franchise asservis, Et se ti drapel sont tous rous, Je te pri, n'en moustre courrous Et si n'en fai samblant ne chiere, Car s'on vëoit a ta maniere Que fusses mas et desconfis, Pis t'en seroit, j'en sui tous fis (MACH., C. ami, 1357, 62).

 

-

[Une lettre, un écrit...] : ...se l'en trueve aucun libelle diffamatoire, incontinent l'en le doit rompre et dessirer, afin qu'il n'engendre esclande ou plus grant peril. (BAYE, II, 1411-1417, 263). ...ay appoincté que ladicte cédulle dudit de La Granche seroit rompue et cancellée et rendue audit de La Granche (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 157). Lequel sel, tant de ladicte coustume que des mannées, montans 3 muyz 5 sextiers 2 minoz, lesquelz ont esté mis à part et venduz en rompant tour de papier en la manière acoustumée. (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 589).

 

b)

"Fendre"

 

-

Rompre la presse. "Fendre la foule" : Ce bon homme neantmains rompit la presse, et, quoy que le maistre parlast et respondist a pluseurs, luy compta son cas (C.N.N., c.1456-1467, 468).

 

c)

"Creuser (la terre ; ici du cerf, creuser la terre avec les ongles du pied en fuyant)" : Et aussi, s'il voit qu'il poyse bien et ront bien la terre et presse bien l'erbe, c'est signe qu'il est grant cerf et pesant (...) ...comment il ront la terre des ongles du pié (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 155).

 

d)

"Arracher, couper" : Car aussi conme deux cordes noées ensemble sont aucunes foiz plus tost rompues par ailleurs que par ou est le neu, quant elles sont bien noées... (Mir. femme roy Port., c.1342, 150). Or ça, maistre, (...) ce haubert me fermez (...) De tieulx liens que sanz la maille Rompre ne le puist despoullier. (Mir. st Guill., c.1347, 29). Li Sathan m'avoit bien lié (...). La vierge a rompu le lien Dont il me tenoit en ses laz. (Mir. march. larr., c.1349, 117). S. Pierre tire son épée et coupe l'oreille de Marquin DIEU. L'oreille que tu ly as roupte Saine ly refferay sanz doubte. (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 143). ...près de la place où la couronne ou signe de couronne doit estre, a une petite place, et en plusieurs autres lieux de la teste dudit prisonnier, qui ont esté plumées et rompues, sy comme il leur est advis. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 486). ...[ils] trouverent icelle prisonniere auprès et joignant des treilles de vignes, esqueles apparoit que l'en avoit cueilly et rompu du verjus et grappes qui illec estoient (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 254). ...batant ses palmes et tordant ses dois et rompant ses cheveux (Chev. papegau H., c.1400-1500, 24).

 

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Rompre une bourse : ...[il] mist sa main à la poitrine dudit chartier, à laquelle pendoit une petite bourse de cuir, laquelle il rompi, et ycelle, [avecques] l'argent qui estoit dedens, despendirent celle nuit en l'ostel de la Granche (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 100).

 

e)

[Idée d'interruption dans l'espace, de disparition] : ...ung pelerin (...), le temps d'yver, cheminoit en une forest - pour ce que la neige avoit rompu le chemin, il ne sçavoit ou il alloit [le chemin n'est plus visible sous la neige, la neige l'interrompt] (MACHO, Esope R., c.1480, 220).

 

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Rompre la lumiere. "Faire disparaître la lumière, la vue" : Ung eclipse sur toy vendra Sy grant que tu n'y verras goutte. Pourtant se ta lumiere est routte, Mes paine de la recouvrer (TAILLEV., Prise Luxemb. D., 1443, 173).

 

-

Rompre la moitié de l'erre de qqn. "Faire la moitié du chemin à sa rencontre (la moitié du chemin disparaît pour lui)" : ...le dauphin marcha contre luy et lui rompy la moitié de son erre (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 209).

 

-

Rare [Valeur positive] Rompre la voix. "Libérer, assouplir la voix (en faisant disparaître ce qui la voile)" : Va, ma fille, rompre et assayer ta voix et viens icy chanter devant la compaignie comme tu es bien enseignie (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 186).

B. -

Empl. intrans. ou pronom.

 

1.

[D'une chose] "Se briser, se casser, voler en éclats" : Les cengles a Flourent rompirent, Siques a terre il est cheüs. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 188). ...et fier du dos d'une hache suz l'os, si rompa [var. rompra] (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 83). Car tant a fait tempeste en mer Que nostre nef rompy en deux. (Mir. emper. Romme, 1369, 287). ...je ne l'ay pris [ce chevalier], n'abatu, Combien qu'en sa cuisse embatu Ly aie le fer de ma lance, Et la se rompi sanz doubtance. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 64). Il leur sembloit que se une pel est de equal force en toutes ses parties et equalment tiree de toutes pars ou une corde, que celle chose ne romproit pas, car par tele raison comme elle romproit en un lieu, par tele raison romproit elle partout et elle seroit divisee en parties indivisibles. (ORESME, C.M., c.1377, 550). ...les chaingles de sa selle rompirent (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 221). ...elle demoura en chemin, sans se povoir ravoir, ne monter, ne avaler, quelque peine qu'elle y mist, et ce a l'occasion (...) de sa corde qui rompit, par quoy ne se povoit ressourdre (C.N.N., c.1456-1467, 275). ...pour raison de plusieurs escluses qui tenoient la mer qui se rompirent. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 225). Ouvrés voz portes sans remortz, Prince d'enfer ! O portes, rompés, Et le roy de gloire varrés, Qui entrera, Dieu glorïeux ! (Pass. Auv., 1477, 226). Tramble-terre pareilhement Ce fait par la force du vant, Que dessoubz terre s'est inclus, Et les pierres que sont dessus La terre, a force tramblent, Se romperent pour ce tramblement (Pass. Auv., 1477, 274). Et le dit jour fut tiré plusieurs coups de mortrier et de bombardes, tellement que une de noz bombardes se rompit et tua ung Ytalien des nostres dont se fut dommaige, et avecques ce bleça plusieurs autres de noz gens. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 256). Les pois sema [le diable] en tes degrez Et les cloches alla sonner Deux costes emmy les degrez Te sont rompu mais au plaisir De dieu present sera guary Par nostre belle aduision (Myst. st Martin K., a.1500, 309).

 

-

[De la lance] "Se briser" : ...au trespasser qu'il fist sa lance rompit auprés de la doille (LA SALE, J.S., 1456, 116).

 

-

"Se déchirer" : Advancés vous, bon gré ! Ma vie, Le fillet est si plein qu'il romp. (Pass. Auv., 1477, 126).

 

-

"Crever, éclater" : Quant aucune apostume se rompt dedens, il s'ensuit vomite, et dissolucion ou deffaut de vertu. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 97). ...les pustulles sont rouptes (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 333).

 

-

"S'ouvrir brusquement" : ...et, vers Transtiberin, la terre se rumpit et gecta huille tout le jour. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 71 r°).

 

-

Loc. fig. L'entendement me rompt. "Je perds la tête" : ASTAROTH. A toy servir me veulx estudïer ; Que te fault il ? LUCIFFER. L'entendement me ront. AGRAPART. Qu'as tu mengé ? LUCIFFER. Une trop malle beste. (LA VIGNE, S.M., 1496, 351).

 

.

Le coeur lui rompt. "Il a le coeur brisé (de chagrin)" : Las, la douleur sera si grande Que le cuer luy rompré du tout. (Pass. Auv., 1477, 183).

 

.

La teste me rompt. "J'éprouve une grande irritation" : A peu que ne me ront la teste Voy tu bien c'est par le corroux Qui j'ay eu par ces crestiens (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 61).

 

.

Avoir la teste route. "Éprouver une grande confusion (sous l'effet de la honte)" : Jamais sy honteux je ne fus. Je congnois les miens [mes péchés] routte a routte, J'en ay toute la teste route (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 427).

 

.

Avoir le front rout. "Avoir le front couvert de honte (?)" : La fille trop habandonee (...) Logier s'en va au lieu commun Aussy tost qu'elle a le front roupt (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 44).

 

Rem. Cf. note de l'éd. et COTGR., s.v. front.

 

2.

[De pers.]

 

a)

"S'estropier, se mutiler" : [L'élévation de la croix] Je me romps se vous n'y venez ["si vous ne venez pas m'aider"] (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 333).

 

b)

[D'une femme] Estre rompue. "Avorter" : Toutes fames qui ont le corps moderé, se telles fames advortent ou second ou tiers moiz, sans occasion magnifeste, a telles cotilidones sont plaines de muscillages ; pourquoy elles ne pevent, pour la griefté, retenir le fruit, maiz sont rompues. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 85).

 

c)

"Se faire une hernie" : Toute ma force et pouvoir Je y mectrey, et me deusse je rompre ! (Pass. Auv., 1477, 205).

 

-

Part. passé en empl. adj. "Qui souffre d'une hernie" : La seconde operation est que les jus de enula avec le jus de rue confere aux gens rompus et par especial quant la rompture est faite par ventosité (Rég. santé corps C., 1480, 134).

 

Rem. Sens att. au XVIe s. ds FEW X, 568b.

II. -

P. anal. [Domaine militaire, idée de dispersion ou d'attaque]

A. -

Empl. trans.

 

1.

Rompre (une armée). "Disperser (une armée)"

 

a)

"Mettre (une armée) en déroute" : Et, pour rompre icelle armée, fut le roy adverti par aucuns, et mesmement de par monseigneur le connestable, que besoing lui estoit de garder sa duchié de Normendie pour les Anglois (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 332). Car, aprés qu'il fu par Themistodes vaincu et sa tres puissante et indicible armee par mer et par terre rompue, dissipee et disperse, il fist retyrer son navire sur terre pour le reparer. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 214). ...lequel duc, par bonne ellection, à petit nombre de gens, comme de IIIIm hommes, rompit l'ost d'icelui Xerses (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 46 v°). Le roy, encores estant à Namur oudit voyage du Liege, fut contrainct par le duc de Bourgoigne escripre unes lettrez audit grant maistre, lieutenant du roy es marches de Picardie, qu'il rompist son armée ; à quoy il ne voult obtemperer, doubtant l'inconvenient qui en povoit advenir. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 216).

 

b)

"Congédier, renvoyer (son armée)" : ...et cela fait, donna congé à ses gens et rompy son armée pour celle saison. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 273). ...et, venu à Arras, rompist son armée et renvoya chascun en sa maison jusques au nouveau temps prochain (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 142).

 

-

Rompre son hostel. "Congédier (en partie) ses gens" : ...pour mettre à effet son voeu et servir Dieu de son pouvoir, prestement après les voeux faits, ordonna de ses affaires, rompit son hostel, donna congé à une grant part de ses gens pour deux ans (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 60).

 

2.

[De deux armées, de leurs chefs] Rompre l'un en l'autre. "S'attaquer" : ...le roy et le duc gisoient ainsi front à front l'un de l'autre (...) sans emprendre et sans rompre l'un en l'autre (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 432).

 

-

Rompre sur un pays. "Attaquer, envahir" : ...l'empereur des Turcs (...) s'est efforcé maintes fois et longuement pour rompre là dedens sur la terre crestienne (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 109).

B. -

Empl. intrans. ou pronom.

 

-

Se rompre. "Rompre les rangs pour s'enfuir" : Et incontinent qu'ilz sentirent le trait, se rompirent et mirent en fuite. (LA SALE, J.S., 1456, 220).

 

-

Part. passé en empl. adj. La chose ronte. "L'armée lâchant pied, rompant les rangs" : Lors les plus foibles et les couars marchandent de fuir, et maintteffoiz prendent party tout au meilleur de la besongne ; et desirent aucuns la chose ronte, affin qu'ilz ne puissent assembler, pour avoir cause de fuir. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 241).

 

-

[D'une armée] "Se disperser" : ...semblablement se rompit l'armée des Bourguignons (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 40).

 

-

"Se détacher (de sa position)" : [Un messager] a cheval rompre s'en viendroit a Lespaire et de la de quatre en quatre lieues jusques a la ville de Bourdeaulx pour venir advertir ceulz de ladite ville de la venue et du nombre desditz navyres. (Louis XI Anglet. C.P., p.1483, 363).

III. -

Au fig.

A. -

[Idée figurée de destruction]

 

1.

Empl. trans.

 

a)

Rompre qqn. "Briser qqn moralement"

 

-

Estre rompu. "Être brisé" : ...de dire que tous les jours les voulsisse avoir sans menger aultre chose, par Nostre Dame, non feroye. Il n'est homme qui n'en fust rompu et rebouté [D'un homme qui ne se voit servir que du pâté d'anguilles] (C.N.N., c.1456-1467, 83).

 

-

"Vaincre qqn" : ...et quéroit chacun passage à dextre et à senestre. Du costé dextre, où estoit messire Jacques de Lalaing furent Gantois premièrement rompus. (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 267).

 

b)

"Briser la volonté de qqn, le faire changer de volonté, d'avis, dissuades qqn" : Mais tant persévéra dur en sa querelle que tous y perdirent temps et langaiges ; et n'y avoit moyen par lequel on le sçut rompre (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 317). ...et pour tant envoia coup sur coup personnes tousjours pour rompre ceste follie, de laquelle il se fust crucifié de dueil, et en effet, les envoyés devers luy le rompirent enfin, mais à grant dur (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 207). Donc et pour le rompre en cecy, lui dist outre ce : ... (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 409). ...il convenoit que ce duc-cy portast charge aucunement de sa folie, en laquelle le duc ne l'osa rompre (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 449). Mais il estoit si fort a rompre que tousjours vouloit courre sus a Saturne. (LEFÈVRE (R.), Hist. Troyes A., c.1464, 129).

 

c)

Rompre qqc. "Briser, ruiner, détruire qqc." : Telz gens sont du peuple les pinces Qui font les povres pays rons : C'est ce qui destruit les provinces. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 280). Mais le ribault le fait affin qu'il rompe Tout nostre fait. (NESSON, Lay guerre P.D., c.1424-1429, 48). ...sa virginté voee Avoit roupt (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 242). Car, se tellement [Sathan] puet miner Que par pechié soit corrumpu Cest homme, son fait est rompu (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 57). ...il ne convient point tousjours obéir à son courage. Il convient ployer aucuneffois vers la plus saine raison et rompre ce qui y est mal séant. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 284).

 

-

"Ruiner financièrement" : ...luy [le roi] voyant maintenant que le sel de Bourgongne rompoit en toutes les marches à l'environ sesdits greniers, et que son sel n'y avoit cours, ne vendage, délibéra à mettre et imposer défense aux Bourguignons de non plus avancier leur sel à leurs voisins, et à les contraindre, comme mesmes estoient ceux du royaume, que devroient user de là en avant du sel de ses greniers, aussi entre eux comme ailleurs. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 222).

 

2.

Empl. intrans. ou pronom.

 

a)

[D'une pers.] Se rompre

 

-

"Se ruiner" : Qui y maisonne, il se destruit et ront (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 140).

 

.

Prov. : Il n'i a vile ne cité Ou boben, orgueil ne se monstre. Trop miex vausist tirer ["se retirer" ?] que rompre, Quar orgueil ceus confundera (...) Qui s'efforcent de monter haut (Propr. choses Rosarius Z.S., c.1330, 123). [Morawski, 1290, var.]

 

-

"Renoncer, briser sa propre volonté" : ...il n'estoit nul besoing qu'il se rompist en ce qu'avoit d'intention à faire (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 278). Monseigneur le bastard est un chevalier de haut courage (...). Le retourner luy sera dur, et voudroit, ce sais-je bien, pouvoir attempter tous les périls de la mer, premier que soy rompre. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 57).

 

b)

[D'une chose abstr.] "Venir à dissolution, s'écrouler" : Ja Dieu ne veuille, sire, que par une telle maniere ou par autre, de trop grans demandeurs vous chargiez tant vostre bon peuple povre sans evidente et juste necessité, que tout se doye rompre, et que pour amour viengne hayne (GERS., Noël, p.1404, 314).

 

-

La danse rompt. "L'affaire échoue" : La loy Dieu, g'iray bellement Pour peur que la dance ne rompe. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 149).

 

c)

"Faire faillite" : Sy advint qu'à cause de ceste faute commise en Bruges, tous les bancs des usuriers des pays du duc rompirent (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 316).

B. -

Empl. trans. [Idée de rupture dans le temps] "Faire cesser brusquement qqc., y mettre un terme"

 

1.

"Mettre fin à qqc., faire cesser qqc., interrompre"

 

a)

[Une action, une manière d'agir, un comportement...] : Alors Madame lui dist : "Alez bien tost rompre vostre emprinse a voz compaignons." (LA SALE, J.S., 1456, 234). ...[le père] leur ostoit et rompoit les moyens et voies qu'il povoit [Il s'oppose aux rencontres entre deux amants] (C.N.N., c.1456-1467, 546). ...ce bon chevalier, craignant qu'il ne traveillast sa treschiere amye, rompit son legier pas (C.N.N., c.1456-1467, 547). ...il est vray qu'il me chargea, quand le cas adviendroit que rompre me conviendroit ma chasteté, [que] je eleusse homme qui fust sage (C.N.N., c.1456-1467, 568). ...et pour tant envoia coup sur coup personnes tousjours pour rompre ceste follie, de laquelle il se fust crucifié de dueil (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 207). ...mais ledit voyage fut rompu et n'en fut riens fait. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 88). ...si tu as vouloir de me acheter, ouvre ta bource et compte l'argent. Si non, romp le marché. (MACHO, Esope R., c.1480, 17). Et aussi charga ledit seigneur de Langhac de savoir au seigneur du Lau se l'entreprinse estoit du tout rompue, laquelle il n'avoient peu executer pour le hastif departement du roy et pour l'absence de leurs gens. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 191).

 

-

Rompre (une affaire) : Ha ! mon amy, par ma foy, vostre fait est rompu, dont me desplaist bien. (C.N.N., c.1456-1467, 286). ...ne furent les amourettes rompues, car elles estoient (...) parfond enracinées es cueurs des ambedeux parties (C.N.N., c.1456-1467, 440).

 

-

Rompre le coup. "Détourner, interrompre un coup (au propre ou au fig.)" : ...ledit abbé (...) osta de fait le coutel d'icelui de la Mote, pour l'en cuider férir, ce qu'il eust fait, n'eust esté ledit suppliant, qui rompi le cop d'une espée qu'il avoit (Ch. VI, D., t.2, 1413, 28). ...et qui plus fut tendy son arc et y encesa une flesche, disant que s'il ne le convoioit qu'il le batroit et tireroit a lui, et en cuidant laissier aler ladicte flesche ledit suppliant mist la main senestre au devant et lui rompy le cop. (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1425, 255). Cuidez vous, par dueil et courrouz, Ainsi gangner vostre vouloir ? Nennyl, ce ne sont que coups rouz Qu'Amours met tout en nonchaloir. (CH. D'ORLÉANS, Compl. C., 1433-p.1451, 273). Sy s'avisèrent et pensèrent que bon seroit qui pourroit rompre le coup et que le duc ne les approchast à telle puissance et effort (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 158). ...il vauldroit mieulx, pour le cop rompre, Par force d'argent les corrompre Que de querir autres sentiers. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 891).

 

.

Rompre la visee. "Détourner l'ajustement d'un coup" : Mais le gentil prince, qui sent l'air a la venue du traÿtre, se tourna pour le veoir, et en soy tournant il lui rompy la visee qu'il avoit prinse pour assoir son cop (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 228).

 

-

Rompre la guerre. "Mettre fin à la guerre" : ...que le Roy face pratiquer avecques le marquis de Montferrat, Saluces et Final, pour estre à rompre la guerre ou cas qui le convenist faire. (Roi René vie L., c.1462, 297).

 

-

Rompre la parole / les propos / la voix à qqn. "Couper la parole à qqn" : Mais quant le penancier entend qu'il a esté es subjections de l'anemy, et par tant de temps, sy lui rompist sa parolle sans en voulloir plus escoutter (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 101). Alors Loÿs rompy leurs parolles, car bien veoit que touttes tournoyent a felonnye (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 30). Le bon marchant eust peu estre contraint de croire ses bourdes, s'il n'eust rompu sa parolle. (C.N.N., c.1456-1467, 444). Pardonnés moy si je romps vostre voix (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 18). J'ey le myen coeur tant remply d'ire De se sot qui ront nos propos ! (Retraict T., c.1490, 226).

 

b)

[Un événement, une réunion, une assemblée...] : ...il n'y a aucune cause ou occasion de rompre l'assemblée dudit saint concil (FAUQ., III, 1431-1435, 35).

 

c)

[Un état, une situation défavorable (valeur positive)] : Mes Esperance benigne Benignement me semont (...) : "Tent, ront, fet tout aparti." ["brise les obstacles, lutte" (Scheler)] (FROISS., Ball. B., c.1362-1377, 36). Trop est sourde l'ame qui ne s'esveille a tel tonnoirre, a tel son d'en hault qui esmuet tout le lieu ou nous sommes sa jus. "Rumpez, Sire, dit saint Augustin, ceste surdité !" (GERS., Pent., p.1389, 79). Et, s'il avenoit que l'usage De vin aigre feroit dommage À l'estomac pour sa froidure, Ou autrement par aventure, Il fauldroit rompre sa malice Pa[r] cynamome à ce propice, Ou par eaue de mastic boire, Qui au gisier fait moult de gloire. (LA HAYE, P. peste, 1426, 125). Ne la rompit il [telle piteuse adversité] par courage et par dilligent veillier ? Ne la vaincquit il par perseverance en labeur... ? (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 133).

 

d)

[Une organisation, un arrangement...] : LE ROY DE TARTRES. Onques mais ne vi rompre rens En la guise que cestui fait. Sire, aussi je me rens de fait : Tenez m'espée. (Mir. fille roy, c.1379, 76).

 

-

Rompre les chambres. "Réunir, fusionner les personnels des différentes chambres de l'Hôtel du roi (afin qu'ils prennent leurs repas en commun)" : ...toutes les chambres sont (...) rompues, c'est assavoir que chacun des dessusditz (...) chambellans, maistres d'ostel et autres officiers mengeront en salle et non autre part. (Ch. VI, D., t.1, 1422, 445).

 

e)

[Un lien (affectif, juridique...)] : Ou se Desirs par sa maistrie Te pique et boute, Resgarde l'image jolie Que tu as en ta compaingnie, Et jamais l'amour qui nous lie Ne sera route. (MACH., F. am., c.1361, 225). Et quant l'amistié est pour ces choses et il ne les treuvent pas ou reçoivent tous .II., adonques est l'amistié dissolue et roupte (ORESME, E.A., c.1370, 452). Cestui Anthoine ot pour espouse la suer de Octovien, et, lui regnant en orient, de son espouse rompy le droit lien, et, par l'art et delit de ma forge, repudia s'espouse dessusdicte et prist la belle Cleopatras qui estoit royne d'Egypte. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 348).

 

2.

"Ne pas respecter qqc. (une promesse faite, un engagement pris...)"

 

a)

[Une promesse, un voeu, une défense, un ordre...] : LE CHEVALIER. (...) Car de ceens fortrais la nonne Que vous teniez a tant bonne, Et li ay fait rompre son veu. (Mir. nonne, 1345, 349). Et ne fust pour vous faire offense, J'eusse rompu la deffence Que m'avez fait... (Mir. st Lor., 1380, 185). ...ne savoient que penser ces bonnes femmes, qui mouvoit leurs mariz de si tost rompre et casser leur promesse. (C.N.N., c.1456-1467, 203). Tu as bien tost rompu mes commandemens (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 223).

 

b)

[Un contrat, un traité, un accord, une trêve...] "Cesser de respecter, dénoncer" : Si vous diray autre nouvelle, Et vous feray un incident, Pour un mervilleux accident Qui adonques avint au Quaire Pour le traitié rompre et deffaire. (MACH., P. Alex., p.1369, 182). ...lesquelz traictiez ou accords ont sorti petit effect par le fait d'aucuns qui sont en la compaignie de monsegneur le Dauphin, lesquelz en pluiseurs et maintes manieres se sont efforciez de rompre et mettre au neant les traictez et accords dessusdis (FAUQ., I, 1417-1420, 290). "...il l'avoit enfraint [un sauf-conduit] et aultrement ne l'eusse arresté. - Comment le rompit il ? dist monseigneur Talebot ; dy tost..." (C.N.N., c.1456-1467, 56). Je leur ay respondu que de ma part je vueil tenir la treve se le roy d'Arragon la tient, mais que c'est luy qui l'a rompue et a prins les places sur moy, et, s'il les me veult tendre, je suis content de la tenir. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 208).

 

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"Interrompre les effets d'un engagement" : Là avoit un viés amiral Qui leur dist tout en general : "Biaus seigneurs, que volez vous faire ? Honnir nous voulez et deffaire ! Vostre sauf conduit romperez ! Gardez vous bien que vous ferez De ces messages retenir, Car grans maus en porroit venir, Et toute chrestienté mouvoir Encontre nous, à dire voir." (MACH., P. Alex., p.1369, 200).

 

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Rompre un usage, une coutume... "Enfreindre" : On nous dit que tu estudies A rompre noz serimonies Pour preschier ne sçay quelz fabuses. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 260). [Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 726 ; MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 120] Et vouldrent le roy et la royne que a ce congié la coustume du pays fust rompue, en tant que touchoit les personnes de Saintré et des chevaliers et escuiers de sa compaignie ; c'est assavoir que tous fussent des dames baisiez. (LA SALE, J.S., 1456, 134). Puis que c'est la coustume, dist il, je ne quiers ja qu'on la rompe pour moy. (C.N.N., c.1456-1467, 333).

 

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Rompre le festu (la paille, comme symbole d'engagement) : Et d'autre part, je ne croy mie Que celle qui estoit s'amie, S'elle l'amoit d'amour seüre, N'eüst trop plus chier l'aventure De son mari et son courrous, Et deüst estre entr'eaus deus rous Li festus jusqu'a une piece, Qu'oster de son ami tel piece, Qu'a tous jours fu desfigurez, Meins prisiez et plus empirez. (MACH., J. R. Nav., 1349, 240). ...je doubtoie vos courrous Et que li festus ne fust rous Entre nous deulz sans renouer (MACH., Voir, 1364, 664).

 

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Rompre une alliance. "Mettre fin à un pacte" : Leur exposicion fut telle que de Genitose ystroit ung filz, qui tiendroit toute Asie et le chasseroit de son royaume, par quoy il maria Genitose, sa fille, à ung simple homme et rompit l'aliance qu'il avoit à Daires (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 45 r°).

 

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Rompre (le) mariage. "Déclarer le mariage nul ou ne plus en respecter les engagements" : ...ceulx qui rompent mariage (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 60). Il fault noter que jassoit ce qu'ilz soient pluseurs pechiéz comme il est devant dit qui empeschent a contraire mariage, ilz sont trois pechiéz qui rompent mariages contrais. Premierement se aucun est adultere et face pechiet avec une femme mariee (Sacr. mar., c.1477-1481, 62). J'amerray aussi ces luxurieulx Moyenes et prestres vicïeulx Gens qui rompent leur mariage Joyement estre a nostre estrage (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 98). ...fist sculper deux pierres precieuses en certaines constellacions, l'une de telle efficace, après qu'elle fut mise sur le bort d'une couppe d'or à l'endroit où l'on beuvoit, que souldainement, se aucun homme qui eust faulté ou rompu son mariage, sa bouche se souldoit et prenoit (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 34 r°).

 

c)

[Un acte juridique] "Annuler, abroger" : ...on rescriproit au Roy les très grans dommages et inconveniens irreparables qui vraissemblablement pourroient ensuir, se lesdictes assignacions estoient rompues ou reculées, et le très grant et evident prouffit que le Roy avoit en entretenant ycelles assignacions. (FAUQ., I, 1417-1420, 298). Faisons rompre les anciennes loix, Et susciter et faire nouveaulx drois, A publier en assises et pletz, Si punirons le peché des mauvais. (Cene dieux, c.1492, 120).

 

3.

Part. passé en empl. adj. [D'une division déterminée du temps] Non rompu. "Qui n'est pas interrompu ; entier, complet" : Il [le roi Charles VII défunt] a bouté dehors de son throne division (...). A donné ascout aux hommes, entente mesmes a ses affaires, heures non rompues aux deputéz. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 321).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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