C.N.R.S.
 
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     POINDRE     
FEW IX pungere
POINDRE, verbe
[T-L : poindre ; GD : poindre1 ; DÉCT : poindre ; FEW IX, 598a : pungere ; TLF : XIII, 655a : poindre]

A. -

"Piquer"

 

1.

Au propre

 

a)

Poindre qqn (d'un objet pointu, d'une arme...) : Il m'est avis que l'en me point Et fiert d'un glaive en chascun membre Quant de mon enfant me remembre (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 238). LA DAME. (...) il m'est avis c'on m'ait point D'un coustel au cuer maintenant, Tant s'est remüé mon enfant En moy forment. (Mir. enf. ress., 1353, 11). Se tu ne fusses messagier, Poins fusses d'un tel esperon Qu'il ne te faulsist chapperon Jamais avoir. (Mir. Oton, c.1370, 322). ...ou une fin s'ensuit laquelle ne cuidoit pas de ce ensuir, si comme se il cuidoit un peu poindre et il a navré, ou il fiert la personne que il ne cuidoit pas ferir ou en la maniere que il ne cuidoit pas ferir. (ORESME, E.A., c.1370, 307). ...et [Olivier] baisse la lance, et va ferir Remondin enmy le pitz, ains qu'il s'en donnast garde, moult rudement, car il y mist toute sa force. Mais Remondin n'en ploya oncques l'eschine, et la lance Olivier lui froya jusques que il fu poins ; et de la force du coup la lance Remondin chey a terre. (ARRAS, c.1392-1393, 62).

 

-

[D'une chose] : Veez cy piteux coronement De jong poignhant Jusques au sang. (Pass. Auv., 1477, 254).

 

-

[Cont. métaph.] : Pour ce lor vient la mauldiçon Qui a Adam fut proposee, Quar quant lor terre est coultivee, Chardons et espines lor nessent Qui de poindre lor cuer ne cessent. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 106). ...et avons recalcitre encontre l'aiguillon. Si sommes deux foiz poins a noustre malediction. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 455). Amis tres chiers, de Dieu améz, plaise vous a retenir nostre amonicion, se jusques a vostre cognoiscence peut aler, par quoy elle vous ramentoive ce qui vous puet aidier contre les aguillons d'impacience quant ilz vous poignent pour cause de divers tres grans mesaises que vous portez (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 221). J'ay veu la Mort qui le vient poindre, Au mains, ou il le contrefait. (Path. D., c.1456-1469, 114). LA FEMME DU CRESTIEN. (...) Mauldicte journee, L'heure que fus nee Pour estre en ce point ! Faulse Destinee, Fortune obstinee Qui trop fort nous point ! (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 75).

 

-

[Cont. grivois] "Faire l'amour"

 

Rem. DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 78.

 

-

Inf. subst. Faillir à son poindre. "Manquer son coup" : Et cuida ferir mon pere d'estot par my le corps ; mais il tressailly ; et cil, qui venoit de grant voulenté eschauffez, et plain de yre, failly a son poindre, et mon pere sault et lui oste l'espee de la main. (ARRAS, c.1392-1393, 58).

 

-

Prov. : Poignés, le villain vous oindra. (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 188).

 

b)

Poindre qqc. : ...nerfz qui sont poins (PANIS, Guidon, 1478, chap. sing.).

 

2.

En partic.

 

a)

"Coudre" : ...une pièce de fine toille de Rains contenant 44 aunes de Paris, baillées à Thomas de Chaalons, coutepointier le Roy, par son compte qui se rent à court, séellé de son séel, pour faire doubles à vestir, poins à coton entre deux toilles, pour le Roy (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1352, 94). Ledit Édouart, pour 3 livres de soye de plusieurs couleurs, à poindre et ouvrer ladicte chambre, 24 escuz. (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1352, 185).

 

b)

"Graver" : ...Se me gart Dieu de tus bien faire, Sacies, ie [ACCIDE] fi poindre son nom, Por ly faire derizion. (Sept péchés C., c.1300-1350 [p.1478], 214).

 

c)

[D'un diamant] "Rayer"

 

-

Prov. À trop poindre faut l'aimant. V. aimant

 

3.

P. anal. "Donner une sensation de piqûre, picoter" : Comme je le sans retantir ! Dieu, quel fort vin ! comme il point ! Je suis yvre, or est a point, Vin est trop perilleux bruvaige, Quil peu en bura sera saige. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 31).

 

Rem. DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 7.

 

-

Prov. : Et ne vous doubtez, Dieu nous aidera. Se ilz sont moult et nous pou, plus point un grain de poivre que dix sestiers de froment. La victoire ne gist pas en grant multitude de peuple, mais en bon gouvernement. (ARRAS, c.1392-1393, 99).

 

4.

Au fig. [D'une pers. ou d'une chose] "Piquer, faire souffrir qqn" : Dame, (...) Je vous voy en trop petit point ; Grant maladie au cuer vous point, Si com je croy. (Mir. st J. Cris., c.1344, 304). Tout ainsi est il d'omme de mauvaise nature, car com plus bel semblant vous fera et vous dira doulces paroles, et plus vous gardez songneusement de lui, car en derriere il vous poindra et le trouverez fel et crüeux, se vous en avez mestier (Bérinus, I, c.1350-1370, 143). LA FILLE. Amilles, vous devez savoir Que vostre amour forment m'a point (Mir. Amis, c.1365, 22). ...retenir d'autrui l'argent Met conscience en si mal point Que touz jours le mort et le point Le ver de remors (Mir. ste Bauth., c.1376, 94). LE CONTE. Biaux seigneurs, je vous ay a dire Une chose dont on me point (Mir. fille roy, c.1379, 37). J'ay ung bien peu mal en ma teste D'une chose que vous diroie Moult volentiers se je cuidoie Que vous ne m'accusissiez point, Laquelle chose forment me point Au cuer, je le vous certiffie. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 60). ...comme il eut esté par longue espace poinct et aguillonné de ces difficultez et diverses ymaginacions (...) il mist a nonchalloir et femme et mariage (C.N.N., c.1456-1467, 559). Voire, soubz parolles couvertes, Il nous point sans misericorde. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 391). CATECUMINAIRE. Hellas, le pas me fault passer ! La fievre trop au cueur me point. Tantost me convient trespasser ; A mon cas remede n'a point. (LA VIGNE, S.M., 1496, 378).

 

-

Poindre qqn de qqc. "Reprocher quelque chose à quelqu'un" : Les ungs le poingnoient d'erreur Les autres de l'art de magique (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 918).

B. -

"Éperonner"

 

1.

Au propre : Et Oliviers, quant il le vit venir, ne scot comment il se peust bonnement garder, car il ne scot percevoir la maniere comment mieulx Remondin le vouloit assaillir. Et lors point le cheval tout a un fais, et cuide venir hurter Remondin enmy le pitz. (ARRAS, c.1392-1393, 63).

 

-

Poindre un cheval de l'esperon. V. esperon

 

2.

P. méton. "Éperonner pour faire galoper, galoper" : ...ledit Anglois, qui estoit party d'avecques eulx, qui vint poingnant sur son cheval les rencontrer (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1423, 39).

 

3.

P. ext. "S'élancer, se précipiter" : La ou Aigres parloit ainsy a lui meïsmes, il regarda entour lui, sy lui fu advis qu'il vit sur la mer venir et aler chevaliers armez a pié et a cheval et roidement poindre les uns contre les autres, et leur vit grans cops donner, et departir et l'un cheoir et l'autre relever (Bérinus, I, c.1350-1370, 232). Et quant Aigre entendi le contraire du chevalier, si prist l'escu par les enarmes et s'afficha sur son cheval, la lance ou poing, et cuida poindre vers lui, quant Ferrant lui vint au devant et lui dist : ... (Bérinus, I, c.1350-1370, 280).

 

-

Poindre à qqn. "Se précipiter sur qqn, le charger" : Veez vous la le chevalier par qui la honte est avenue a nostre lignaige. Se nous estions delivrez de cestui cy, le remenant ne pourroit gueres durer. Lors poingnent tous trois a lui, les lances abaissiees. (ARRAS, c.1392-1393, 72).

 

4.

Au fig. "Exciter, pousser qqn" : ...ilz [les chrétiens] oingnent Les cuers des gens, et ilz les poingnent Telement qu'il leur font acroire Ce qui n'est mie chose voire (Mir. st Ign., 1366, 88).

 

-

Poindre qqn à/de + inf. "Pousser qqn à faire qqc." : Et par foy a penitence faire nous devroient noz propres maux poindre et exciter. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 246). Autre foiz, vous et moy, ensemble L'avons nous de marier point (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 4). Conseilliez moi lequel feray : Ou s'en ce saint voyage yray, Ou se demourray en ce point, Sanz le desir qui si me point A effect mettre. (Mir. ste Bauth., c.1376, 100).

 

5.

Inf. subst. "Attaque à cheval, charge" : Atant esvous venir Remondin, monté sur un riche destrier liart, que sa dame lui ot tramis, et fut tout couvert de blanc, cheval et harnoiz. Du premier poindre qu'il fist dessus les rens, il abaty le conte de Forests, son frere (ARRAS, c.1392-1393, 40). Et cilz tendent leurs arbalestres, et mettent bons viretons en coche, et laissent aler tout a une foiz, et en mirent mors a ce poindre sur le pont jusques a XIJ. (ARRAS, c.1392-1393, 101). De ce poindre furent Sarrasins fort reculez, et en y ot moult de mors et de navrez. (ARRAS, c.1392-1393, 107). Et le chappleiz fu fiers et l'occision de une part et d'autre, car le roy d'Ausaiz ravigoure ses gens et rent grant cuer, et a son poindre fait grant dommage aux Poictevins. (ARRAS, c.1392-1393, 162). A ce poindre si bien [Perthésilée] se porte Que chevalier et cheval porte Jus (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 149). ...il s'adresse et se fiert ou milieu d'eulx, et le premier qu'il encontra, il porta a terre, luy et son cheval, voire sy durement c'onquez depuis il n'en releva et de ce poindre meismez en abbaty quatre aultrez anchois que sa lance brisast (Comte Artois S., c.1453-1467, 10). ...mais le conte le fiert de la lance si bien qu'il le porta jus du cheval sans le blescier mortelement ne brisier lance et passa oultre et de ce poindre mesmez en abaty deux tout de route qui venoient pour rescoure leur maistre. (Comte Artois S., c.1453-1467, 91). Puis passèrent outre pour parfournir leur poindre ; puis reprirent nouvelles lances, eux affichans sur leurs estriers, et baissèrent leurs lances (Faits Lalaing K., c.1470, 58).

 

Rem. Galien Rethoré K.K., c.1450, gloss. ; Percef. I, R., c.1450 [c.1340], gloss. ; Cligès C.T., 1455, gloss.

 

-

Faire un poindre à qqn. "S'élancer sur qqn, le charger" : La veissiez bien assaillir et bien deffendre d'un costé et d'autre. Mais quant le roy de Chippre voit que Sarrasin s'efforcent ainsi, si reprent cuer, et leur fait un poindre moult vertueusement. Et la souffry tant de peine qu'il y ot pluseurs veines de son corps rompues, de quoy aucuns dient que sa vie fu moult abregie. (ARRAS, c.1392-1393, 107). Ausaiz ! Avant, seigneurs barons, ne vous esbahissiez pas, la journee est a nous. Faisons leur un bon poindre et nous tenons ensemble et tantost les verrez desconfiz se nous nous povons un pou tenir contre eulx. (ARRAS, c.1392-1393, 161).

 

-

Faire son poindre. "Faire son tour de joute" : Puis, aprés ce que chascun d'eulx eult fait son poindre, Gillion de Chin se tira hors des autrez et s'afficha sur ses estriers par tel force que il n'y eult estrier ne estriviere qui ne rompist en pieches, et convint hastivement courir au seellier (Messire Gilles de Chin L.-R., c.1400, 80).

 

-

Parfournir/parfaire/parachever/achever son poindre. "Aller au bout de sa course, de son attaque, de son tour de joute" : Il passa oultre pour parfaire son poindre, puis quant ce vint au retour, il se desarma de sa lance et regarda amont, sy salua le seigneur et la dame d'Oisy (Messire Gilles de Chin L.-R., c.1400, 80).

 

Rem. Ponthus Sidoine C., c.1400, 3/469 ; Percef. I, R., c.1450 [c.1340], gloss. ; Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], gloss.

C. -

"Paraître, apparaître" : Et, en disant telz et assez d'aultrez pourpoz qui trop long seroient a descripre, poindy le jour et commencha a esclarchir tant que bien le vit le noble conte qui assez le desiroit (Comte Artois S., c.1453-1467, 8). La nuit tira oultre et le jour commença a poindre (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 201). ...le solleil commenchoit poindre et doucement espandre ses rais sur les pavillons (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 80). Et sur ceste oppinion le jour commença à poindre (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 15).

 

Rem. Ex. d'a.fr. ds TLF.

 

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"Pousser" : Quant a Drusus la barbe point... (THOMAS MAILLET, Prov. Alain H., c.1375-1400, 81).

 

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[D'une plante]

 

Rem. DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 58, 59.

 

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Inf. subst. "Pousse (de l'herbe)"

 

Rem. Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], gloss.

 

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Part. prés. en empl. adj. [Du mamelon, des seins] "Saillant" : Ne suis je pas gaye et mignote, Les mamellotelles poinnans, La belle vermeillette cotte Qui me fait mon bel corps parans ? (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 116). ...au taster qu'il fist hurta sa main d'aventure a son tetin, qu'il sentit tresdur et poignant (C.N.N., c.1456-1467, 250).

D. -

"Tenir le point (au jeu)"

 

Rem. DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 255.
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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