C.N.R.S.
 
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     MOUVOIR     
FEW VI-3 163 movere
MOUVOIR, verbe
[T-L : movoir ; GD : movoir/muevre ; AND : mover ; DÉCT : movoir ; FEW VI-3, 163 : movere ; TLF : XI, 1183b : mouvoir]

I. -

[Idée de mouvement]

A. -

Au propre

 

1.

Empl. trans.

 

a)

Mouvoir qqc.

 

-

"Mettre en mouvement qqc." : ...Conment sanz estre meu meut Toutes choses ainsi qu'il veult A son plaisir. (Mir. st Val., c.1367, 148). Et donques s'ensuit il par rayson que il moeve le ciel par mouvement qui onques ne cesse, quar toutes choses qui sont meues et cessent de leur mouvement et repousent, c'est quant elles sont venues en leur propre lieu. (ORESME, C.M., c.1377, 164).

 

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Le haut mouvant. "Le moteur suprême" ( (Éd.)) : CAŸPHE. Sire prevost, le hault mouvant, Qui ce beau ciel gouverne et guide, Vous envoie confort et aïde Et vueille accroistre voz honneurs ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 352).

 

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Cause mouvante. "Cause qui met une chose en mouvement" : Et quant a propos, verité est que la chose pesante ou legiere se meust de elle meisme, mais tout ne est pas mouvant et tout meu, car la matiere de l'element ne est pas cause motive ou mouvante, si comme il appert par ce [ que ] je ay dit devant. (ORESME, C.M., c.1377, 684). La raison et la cause mouvans de l'utilité et prouffit [de ce traité] est tres clere et tres demonstrative et prouvable (JEAN DE BRIE, Le Bon Berger C.W., 1379, 58).

 

-

"Bouger (une partie du corps)" : Mouvoir la teste, tordre les bras, les dois estendre, les piés ploiier et tout le corps debatre, qu'est che aultre chose se non samblanche de forsenerie et toy moustrer samblable a ung campion ? (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 147). Et la jone dame en estant se tenoit toute quoie et ne mouvoit oel ne bouce, ne ossi à ce jour elle ne savoit point de françois. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 229). Si leur ouÿ compter maintes nouvelles Lez une couche, Et je fu loing, pensif, triste et farouche Comme cellui que Dueil espoint et touche, Sans yeulx mouvoir et sans ouvrir la bouche (CHART., D. Fort., 1412-1413, 158). Si bien fut lyé qu'il ne povoit rien mouvoir que la teste (C.N.N., c.1456-1467, 495).

 

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"Faire bouger" : ...car en lui meïsme est le principe et la cause qui meut ses membres en telles operacions. (ORESME, E.A., c.1370, 176). Item vecy signes mortelz en ictericie: intencion de jaunisse ou corps et remission de l'orine sans aulcune allienacion et insomnité, ablacion d'appetit et mollificacion de nerfz mouvans la langue (GORDON, Prat., c.1450-1500, VI, 6).

 

-

"Remuer, tourner (une préparation)" : ...et puis mectez boulir le sanc avec, et mouvez bien qu'il n'arde. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 235). Et quant il sera bouly, si versez en ung mortier ou en une jacte necte, et mouvez tousjours jusques a tant qu'il soit reffroidié. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 235). Item por touz mas d'iex (...), R. XVIII grains de poivre et XVIII grains de frument et le gros d'une nois de sel et II denrees de miel cru, et tot chu meteis en demi lot de vin franchois en .I. bachin cleir et nette, et le laies ensi par IX jours, et ceskon jour le moveis une fois ou II, et a chief duex jours le coleis par mi on drap (Méd. nam. H., c.1400-1500, 201).

 

-

Mouvoir qqc. (vers). "Transporter, déplacer qqc. (vers)" : Les vertus luisent et luiront. Adès furent, adès seront, Si que Fortune nes empire Pour son plourer ne pour son rire, Pour ses dons ne pour ses promesses, Pour povreté ne pour richesses. Nennil point, mais saches pour voir Qu'elle ne les porroit mouvoir Ne eslochier, par Saint Denis. Nes qu'on mouveroit Mont Senis. (MACH., C. ami, 1357, 70). Nom pour quant notons sainement, Pour avoir meilleur sentement De matière qui est obscure, Que tristesce et paour par nature Meuvent la chaleur et le sang Vers le cuer, qui veult estre franc, Et lui font grant oppression Par excédent collection (LA HAYE, P. peste, 1426, 109).

 

-

Au passif [D'une chose] "Être déplacé" : Et que les choses pesantes et les legieres ne aient pas inclinacion a estre meues touzjours sanz fin, l'en puet de ce prendre arguement par signe, car la terre, quant elle descent, tant plus descent et elle est meue plus isnellement ; et le feu, tant plus monte et il est meu plus isnelement. (ORESME, C.M., c.1377, 142). Nous voulons monstrer que les corps qui sont meuz de mouvemens drois ont inclinacion de pesanteur et legiereté, car nous avons dit devant que telz corps sont meuz. (ORESME, C.M., c.1377, 606).

 

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Estre mu d'un lieu à un autre. "Être déplacé d'un endroit à un autre" : Se le ciel estoit meu tout d'un lieu a autre, il convendroit que ces lieux fussent distans et opposites ; mais le ciel tout est meu non pas de son lieu, mes en son lieu. (ORESME, C.M., c.1377, 142).

 

-

Mouvoir son chapeau. "Enlever son chapeau (pour saluer qqn)" : Et alors movant son chapeau respondy... (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 303).

 

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En partic. Mouvoir le siege. "Lever le siège" : S'en est souffert et, toutefois, S'est il bien mis en son devoir De faire le siege mouvoir Et eulx en retourner en Grece (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 124).

 

b)

Mouvoir qqn

 

-

"Mettre en mouvement (une troupe)" : Ou qu'il [le roi d'Armenie] ne soit procheinnement Essiliez perpetuelment, Se li bons roys ne le secourt. Encor li manda brief et court Que s'il vient à Alayas, Qu'il y venra plus que le pas, A tout quanqu'il porra mouvoir De gens, pour le chastel avoir ; Et se li nomme la journée Que li bons roys a aceptée. (MACH., P. Alex., p.1369, 211). Hanibal retourner s'en vueult Un tour en Espagne ; si meut Son host et enmaine grant erre (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 221).

 

-

Empl. factitif Mouvoir (qqn) de l'oeil. "Faire en sorte que qqn se déplace sur un ordre muet" : ...faire par son auctorité de chascune personne ou creature tout ce qu'il veult, constraindre la voulenté de l'homme, susciter les mors en ung signe et lever ou mouvoir de l'ueil, entrer subtillement en l'essence de l'homme, pardonner les pechiéz, donner et infondre grace, garder le corps estant en feu perpetuel ardant. (Somme abr., c.1477-1481, 149).

 

-

Mouvoir qqn à un office. "Placer (qqn) dans une fonction, le nommer à une fonction" : "...Si vous supplions qu'il vous plaise plainement declairer cestui grant pasteur, qui fu esleu premier, de vostre Pere souverain vicaire, ou par adventure ou dit office mehuz, comme aucuns dient, par le contraire." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 293).

 

-

Mouvoir qqn hors d'un état. "Arracher qqn à un état, faire sortir qqn d'un état" : Egar ! encore gist pasmée Com la laissay : c'est bien a point. Ne la quier mouvoir de ce point Ne li riens dire. (Mir. roy Thierry, c.1374, 262).

 

2.

Empl. intrans. ou pronom.

 

a)

[Idée de mouvement dans l'espace]

 

-

[D'un être animé]

 

.

[De Dieu] "Se déplacer" : La seconde [raison] est, car comme ainsi soit que Dieu est par tout, il n'a nul besoing de soy mouvoir de lieu en lieu, car il est en tous lieux. (Somme abr., c.1477-1481, 144). La tierce raison est, car en lui [Dieu] n'est graveté ne legiereté pour mouvoir en hault ou en bas, desseure ou dessoubz. La quatrisme raison est, car comme ainsi soit que Dieu est et demeure en soy mesmes, il ne lui est besoing de querir aultre lieu propre et naturel a lui hors de lui comme les aultres creatures. (Somme abr., c.1477-1481, 144).

 

.

Mouvoir (de quelque part). "Partir, s'en aller, s'éloigner (de quelque part)" : Mouvez : je vous suivray de prez. Or tost, my ange, alez aprez : G'iray derriére. (Mir. ev. arced., c.1341, 132). Par ta grace, ainz que de ci meuve (Mir. st Val., c.1367, 144). Et li princes ne se mouvoit De sa bataille, einsois tenoit S'espée en sa main toute nue, Et chascuns lance ou besague. (MACH., P. Alex., p.1369, 166). ...je tantost mouveray Et au devant d'eulx touz seray A mon pouoir. (Mir. Oton, c.1370, 366). Car avant que de ci me meuve J'attenderay que par vous treuve Aucun confort. (Mir. Oton, c.1370, 355). Ne soiez mie envers moy orguilleuse, Car ja de vous mon cuer ne quier mouvoir, Qu'en monde n'a nulle si savoureuse Ne si douce com vous estes, pour voir. (MACH., L. dames, 1377, 127). A toy premier commenceray, Et puis de renc a vous yray ; Ne vous mouvez. (Mir. st Alexis, 1382, 330). Mais de present ceste injure sera admendee. Monseigneur, il ne vous en fault ja mouvoir pour un tel ribaut [le géant]. (ARRAS, c.1392-1393, 240).

 

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Sans mouvoir/sans partir ne mouvoir. "Pour toujours, indéfectiblement" : Si l'ameray, sans partir ne mouvoir, De cuer, de corps, de penser, de pouoir, Tout mon vivant, sans ce que j'en recroie, Et encor plus, se plus vivre pouoie. (MACH., L. dames, 1377, 34). ...Qu'elle vueille de moy estre seüre Que je la ser et l'aim sans mespresure, Et qu'aveuc li demeurent, sans mouvoir, Mon cuer, m'amour, ma joie et mon espoir. (MACH., L. dames, 1377, 93). Mais trop me plein de Nature, Quant ma cure En si plaisant creature Est sans partir ne mouvoir. (MACH., Les lays, 1377, 332).

 

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Inf. subst. "Départ" : LE PÉRE. Je ne cuide ja a nul fuer L'eure veoir, a brief parler, Que meuz soie a y aler. Filz, mes biens et mon hostel garde, Car le mouvoir forment me tarde : A Dieu te di. (Mir. st Panth., 1364, 334). Quant ce vint sus le mouvoir et le departement, li princes envoia devers le roy de Mayogres à son hostel monsigneur Jehan Chandos et monsigneur Hue de Courtenay. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 59). Puisqu'il faut que nous y aillons, Il fust bon de son bec saisir Au mouvoir. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 207).

 

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"Bouger" : Dame, encore est si grant ce cas Qu'elle est grosse, ce me dit on, Et n'a qu'un po que l'enfençon Senti mouvoir. (Mir. abbeesse, 1340, 73). ...et ne te muef [var. mue] ne ne sonne mot, quer lievres sont de telles condicions que, quant il oent les gens parler, il retornent ou prannent le travers (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 163). Là trouvèrent il le conte Guillaume, qui gisoit si malades de gouttes artetikes et de gravielle, qu'il ne se pooit mouvoir. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 121). [Montez en hault,] en ce petit grenier, et vous tenez tout coy, sans mouvoir (C.N.N., c.1456-1467, 243).

 

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[Du corps, d'une partie du corps] "Bouger, se déplacer" : Considere aussi comment le corps obeist a lame [l. l'ame] quant a soy mouuoir (CIB., p.1451, 186). ...et par son commandement les aultres parties de lame [l. l'ame] et du corps se meuuent et si ne luy peuent faire violence de quelque part. (CIB., p.1451, 224).

 

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[Des tempes] "Battre, trembler" : Dieux ! conme il a boulant le chief, Et conme les temples li batent ! Il meuvent aussi et debatent Com poisson vif hors de riviére. (Mir. emper. Romme, 1369, 259).

 

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En partic. [D'une armée, d'une troupe] "Se mettre en marche, bouger" : Il est doncques temps de mouvoir, car mon frere et moy avons grant desir de nous accointier de ces Sarrazins, non pas pour leur prouffit, mais pour eulx dommagier, s'il plaist a Dieu que nous le puissions faire. (ARRAS, c.1392-1393, 92). Et y ot fait trois cens chevaliers la journee pour l'amour des deux freres. Et ot chascun robe, chevaulx et harnoiz et de la finance largement. Et fut tout prest comme pour mouvoir. (ARRAS, c.1392-1393, 152). Et Anthoine et Regnault font sonner leurs trompettes, et fait sa bataille mouvoir tout le petit pas. (ARRAS, c.1392-1393, 183). Et quant il ot ses gens logiez et ordonnez, il s'arma de toutes pieces et print o lui un escuier qui savoit tout le pays, et le fist monter sur un riche courcier a l'avantaige, et commanda a sa gent que ilz ne se meussent tant que ilz auroient nouvelles de lui ; ilz lui dirent que non feroient ilz. (ARRAS, c.1392-1393, 198). Mais quant il vist que l'avangarde ne bougoit ou mouvoit (...) manda faire deux pars de ses gens a pié qui darriere lui estoient (LA SALE, J.S., 1456, 217).

 

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Part. prés. en empl. adj. Mouvant. "Alerte, vif, agile, rapide" : ...et trouva on bien en laditte ville VIIIm hommes mouvans, que bourgoys riches, que gens de mestier (LE BEL, Chron. V.D., t.2, 1358, 78). Et estoit Guion si viste, si mouvant et si appert que chascun s'en donnoit merveilles. (ARRAS, c.1392-1393, 81). ...leur benoit corps glorifié sentiront tant agile, mouvant, sain et legier, nonobstant la solideté et espesseur du corps et membres, que partout où il leur plaira pourront passer et entrer, sans ouverture faire (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 49). Aprés, on luy aporta ungz esperons d'or qu'il lui mist, et dist : "Sire, ces esperons vous adnoncent que aussy saillant que vous vollés que vostre cheval soit a la semonce de vos esperons, aussi saillant et mouvant devés vous estre aux commandemens de Dieu tenir et sainte Eglise deffendre". (Saladin C., c.1465-1468, 75).

 

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Au fig. part. prés. en empl. adj. "Instable, qui change constamment de comportement, mobile" : Sur tous paiz et toutes nacions Orguilleuses que l'en doit moins cremir (...) Est le froit paiz de Flandres Dont le peuple est mouvant, rebelle et tendre ["faible"] (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 329). Ilz [les Fumeux] parlent variablement ; Ilz se demainent sotement ; Chaux sont de cuer, mouvent de teste Plus que fouldre ne que tempeste (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 313). ...et au relever ledit Fuisel, qui estoit tres mouvant home, se commença a courroucier contre ledit Braise (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1425, 231).

 

-

[D'une chose]

 

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"Se mettre, être en mouvement" : Car se l'element du feu est, il convient que generacion soit et se terre est, il convient que le feu et les autres elemens soient et il convient que la terre soit pour ce que se aucune chose est meue tousjours perpetuelment, il est necessité que aucune chose soit qui repose touzjours et qui ne se moeve. (ORESME, C.M., c.1377, 362). Mais pour ce que l'aer resiste au mouvement de la terre, une petite addicion ne la peut faire mouvoir. (ORESME, C.M., c.1377, 560).

 

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[D'un automate] "Bouger, être animé de mouvement" : Fist ou Capitol de Romme les ymages de toutes les provinces, qui se mouvoient et frappoient sur leurs tintinabuz qu'ils avoient au col, si tost que quelque rumeur ou division venoit en la province, affin que incontinent le Senat y pourveust. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 71 r°).

 

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[D'un mécanisme d'horlogerie] : La premerainne roe qui y loge, Celle est la mere et li commencemens Qui fait mouvoir les aultres mouvemens Dont l'orloge a ordenance et maniere. (FROISS., Orl., 1368, 85). Si porte o li ceste premiere roe Un contrepois par quoi elle se roe Et qui le fait mouvoir, selonc m'entente, Lors que levee est a point la destente. (FROISS., Orl., 1368, 97).

 

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"Se déplacer, ici tourner autour d'un axe" : ...si Adam leur monstra comme la premiere et plus haulte spere mouvoit sur deux poins, qu'il appella l'un le pol artique et l'autre pol antartique et, comme elle estoit divisée en deux parties (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 11 v°).

 

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"Tourner, être en mouvement" : Aussi le Ciel notoirement Par soy mouvoir diversement, Fait tourner avant et arrière, Sans cesser en quelque manière, Le beau Soleil avec la Lune (LA HAYE, P. peste, 1426, 5). Item par la congnoissance de ces choses qui se moeuvent et par le mouvement on devient [l. vient] a la congnoissance du mouveur. (Somme abr., c.1477-1481, 136).

 

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[D'un élément naturel] "Se mettre en branle" : Faisons mouvoir en l'air fouldre et tonnerre, Tumber venin et poisons sur la terre, De quoy seront tous fleurs et fruitz infectz, Si punirons le peché des maulvais. (Cene dieux, c.1492, 120).

 

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Se mouvoir à un lieu. "Se diriger vers un lieu" : ...toutesvoies elles pueent estre dictes mouvables pour ce que elles ont ce par quoy elles se mouvroient a leur lieu naturel se elles en estoient hors (ORESME, C.M., c.1377, 58).

 

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Inf. subst. "Mouvement, déplacement" : Einsi li dieus se departi, Qui de joie me reparti, Pour ce qu'il me moustra la voie Comment maintenir me devoie. Et einsi comme il s'en vola, Tous li biaus arbrissiaus crosla, Si qu'adont la froide rousée Est seur mon visage avalée, Que li dieus y fist dechëoir Par la force de son mouvoir. (MACH., D. verg., a.1340, 53).

 

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Part. prés. en empl. adj. "Mobile, rapide, alerte" : ..se ne fust la grand purté De lumière, grant obscurté Chascune chose confondroit, Qui ou Monde résideroit, Et si véons que la lumière Est si mouvant et si légière Qu'en un petit temps ou moment Se multiplie parfaitement En l'air, en l'eaue et sur la terre, Tant est agile et de grant erre (LA HAYE, P. peste, 1426, 4).

 

b)

[Idée d'extension dans l'espace]

 

-

[D'une région] Mouvoir de tel lieu (jusque tel autre lieu). "S'étendre à partir de...jusqu'à...." : ...Espaigne mouvant de Saint-Jehan-du-Piet-des-Pors est durement grande, car tout le royaulme d'Arragon, de Navaire, de Bisquare, de Portingal, de Conumbres, de Lucebonne, de Seville, de Toulette, de Corduan et de Lyon sont encloses de deux lez Espaingne (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 9). "Encores n'ont li Englès dessus les bendes de mer mouvant de l'Escluse jusques à Bourdiaux, excepté Callais, Chierebourc et Brest, nulle entrée par où il puissent passer en France." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 263).

 

-

[D'hommes de troupe, d'une armée] "Occuper tel espace" : ...et se logoit cescune host (...) une liewe ensus de l'autre (...) Et ensi se maintinrent il mouvant de Calais jusques adonc que il vinrent devant le cité de Chartres. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 226). Et se loga li dus devant Tournai (...) et estoient Braibençon logiet au Pont a Ries contreval l'Escaut mouvans de l'abeie Saint Nicolai, revenans viers le Pire et la porte valenciennoise. (FROISS., Chron. D., p.1400, 417).

B. -

Au fig. [Idée de mouvement intérieur, d'émotion, de passion]

 

1.

Empl. trans.

 

-

"Toucher, émouvoir qqn/qqc." : Musique les affeccions Meut, et sens et entencions Provoque en diverses manieres. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 117). MISERICORDE. Son offense confesse et dueil, Plaingnant ce qu'il a offendu. Dont sa penitence me meult, Car, en jugement bien rendu, Quant cueur lëal fait ce qu'il puet, Raison supplye au residu. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 41). JASPAR (roi mage). ...Son povre estat riens ne mous meut, Mais croyons que tout scet et peut Comme ray fils de Dieu le Pere. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 92).

 

-

"Troubler qqn" : JOSEPH. ...Et ne sçay se de riens vous meut L'esclipse et les horribles signes Et merveilleuses disciplines Que toute la terre encouru A l'eure que Jhesu mouru (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 376). ...le roy le retint par le fraim de son cheval, disant qu'il n'yroit plus avant. "Comment, dist Gadiffer, treschier sire, je suis moult esbahi qui ["de ce qui"] vous meut, car je ne voy eaue ne peril !" (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 210).

 

-

"Faire souffrir, bouleverser qqn" : JHESUS. ...Obeïr veulx a tes commands, Mais ceste passion me meult. Mon pere, se faire se peult, Allege moy ceste sentence. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 249).

 

2.

Empl. intrans. ou pronom.

 

a)

Se mouvoir. "S'irriter, se mettre en colère" : Monseigneur, ne vous movéz point ; S'il ont maintenant mal ovré, Il ne peult estre recovré (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 229).

 

b)

(Se) mouvoir (contre/encontre qqn). "Se révolter, se soulever (contre qqn)" : "...Honnir nous voulez et deffaire ! Vostre sauf conduit romperez ! Gardez vous bien que vous ferez De ces messages retenir, Car grans maus en porroit venir, Et toute chrestienté mouvoir Encontre nous, à dire voir." (MACH., P. Alex., p.1369, 200). ...machinèrent à l'encontre de l'évesque de Liège (...) faire mouvoir le peuple dudit pais contre lui (Ch. VI, D., t.1, 1404, 265). ...sil y a aucuns menbres corporelz qui en punission du pechie original se meuuent contre la voulente et ne obeissent pas a elle, si les peult empescher franc arbitre quilz ne procedent iusques a mauuaise operacion et les peult froisser et chastier (CIB., p.1451, 223). ...les Liégeois avoient mis leurs bannières sur le marché en signe de guerre et se vouloient mouvoir contre luy (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 365). Aussy se sont ilz bien fort meuz Encontre moy, pour me deffaire (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 1004).

 

c)

Se mouvoir de qqc. "Être sensible à qqc., s'en émouvoir" : ...[la dame] fist tant que ce bon chevalier s'en apperceut, dont il ne se meut que bien a point [Elle est follement éprise de lui] (C.N.N., c.1456-1467, 474).

 

-

"Être affecté par qqc., s'en émouvoir" : ...car ceuls qui ont vertu sentent les passions et de [l. de ce se m. d'apr. ms. X, 33c] se meuvent aucunement, tant comme il convient et non autrement et selon toutes les circonstances qui y pueent et doivent estre mises par raison. (ORESME, E.A., c.1370, 153). Mais de tout ce ne fait il compte, Il ne s'en meut, n'il n'en a honte. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 120). Toutesvoies, en eust peur ou non, en semblant ne s'en meut oncques, et respondi froidement que voirement ne partiroit jà sans le bon gré du roy (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 25).

 

-

[Du coeur] Ne pas se mouvoir de qqc. "Ne rien éprouver à propos de qqc., rester indifférent, en dehors" : Et disent bien li plus notable de le ville de le Rocelle : "Nous aourrons les Englès des lèvres, mais li coers ne s'en mouvera ja." (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 58).

 

d)

Se mouvoir en tel sentiment : Sire, ne vous mouvez en ire : C'est trop laide chose a vostre eus. (Mir. st Guill., c.1347, 16).

 

-

(Estre) mu en tel sentiment : Salomé, je me doubt qu'en ire Dieu contre vous meu ne soit Pour aucun pechié qu'en vous voit (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 216). Avoech tout ce, li rois de France, meus en devotion et en humilité, faisoit continuelement faire, en le cité de Paris, grandes processions de tout le clergié. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 125). Li rois, meus en pité, les fist entrer en l'oost, et conmanda que tout et toutes fuissent bien disné (FROISS., Chron. D., p.1400, 747).

 

3.

Part. passé (Estre) mu

 

-

"En émoi, ému" : Et quant ma dame ara bien parceü Et pluseurs fois en son songe veü Les grans meschiés qu'ai pour li receü, Et que faintise N'est pas en moy n'en mal que j'aie heü, S'elle un petit en a le cuer meü, Ne sçay comment de moy sera sceü. (MACH., F. am., c.1361, 174). Et Achillés si le cuer meu A, qu"il ne peut penser qu'a celle, Dont il sent l'ardent estincelle." (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 115). ...et avec ce soit leur nature communement de chaude cole, furieuse, de grant voulenté, tost meue à pou d'achoison, tost deliberant sans consideracion, entreprenant sans circonspection à voulenté et non regart de raison (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 73).

 

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Bien mu. "Bien inspiré" : "Par ma foy", dist la dame, "sire (...), son entente [de Perceforest] estoit de cerchier les aventures de la forest et de destruire le lignaige Darnant (...)" "Par ma foy, dame", dist le roy, "il est bien meus." (Percef. I, T., c.1450 [c.1340], 262).

 

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Mal mu. "Mal disposé, mal inspiré, animé de mauvaises intentions" : Je moustre et argüe Qu'il n'est beste mue Qui ne soit veüe Volentiers et repeuë De ceaus qu'elle aimme : se di Que desconvenue Fait et mal meüe Est qui continue En desdaing, tant qu'elle tue Son chier et loyal amy. (MACH., Les lays, 1377, 382). ...nientmoins ce pueple [les Français du temps de la Jacquerie] ainssi maumeü et divisé tu ramenas tres vaillanment et tres sagement a la voie de verité, et, conme dit l'Escripture, les uns en verge de fer, quant ilz estoient de dur cervel, ne ne se vouloient convertir a toy ; lez aultres en verges de bien veillier, quant ilz estoient lens et p[a]receux (Songe verg. S., t.1, 1378, 6). ...mais Gondebaut Vi courroucié et mal meu, Et dist c'on avoit deceu Sa niéce... (Mir. Clov., c.1381, 224). ...et quant ilz furent au dehors d'un bois qui est au dessus de ladite ville d'Andely, il, mal meu et tempté de l'ennemy, se tint derriere ledit homme, et, d'um gros baton de nefflier (...) fery icellui homme (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 288). ...la bonne condicion en officier de cour ou servant, qui qu'il soit, car par lui moult de biens peuent estre faiz, si comme appaisier meismement seigneur s'en aucune chose le voit mal meu contre qui que soit et par ses doulces parolles, s'il est tel qu'il lui appartiengne à parler, à lui le desmouvoir se aucune pugnicion vouloit faire sur aucun acusé à tort par envie, si que maintes fois est fait à court. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 87). ...illec eschauffé, mal meu et tempté de l'ennemi, tira ung espée qu'il avoit, et en cuida donner du plat audit Ylaire ; mais de male aventure elle lui tourna en la main et le frappa de courage marry ung seul cop sur la teste (Doc. Poitou G., t.8, 1446, 398). Quand l'autre entendit la plainte de sa mere et l'inhumanité de son filz, il se leva sur piez tres courroussié et mal meu (C.N.N., c.1456-1467, 325). Et à ceste cause, comme mal meu et conseillié de gens de meschant estat, dont aucunes fois les princes se trouvent en grant deshonneur et dommaige, trouva manière d'avoir alliance aveuc le Roy Henry d'Engleterre (ESCOUCHY, Chron. B., t.2, a.1465, 319).

 

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Empl. abs. Mu. "Hors du sens" : Quant li mesages ot finée sa raison, Ensemble sont alé tretout li cent baron Et si ont dit entr'aus par fole entencion : "Est nos sires meüs qui nous fait tel sermon Qui se veult delivrer d'un si dous enfanson ?..." (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 4). [V. formouvoir]

 

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(Estre) mu de qqc. (d'un sentiment). "Saisi, animé de qqc." : Ma dame Raison, qui notee Diligemment et escoutee L'ot, fu meue de grant pitié (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 117). Adont fu meu de grant pitié Pollinicés, qui vrayement Cuida que cil entierement Se repentist de celle guerre. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 320). Adonc l'empereur, meu de compassion de tant de sang humain espandre fist cesser l'occision. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 92). Et je, meu de compassion, pour ramener a memoire l'estat de nostre infelicité et a chascun ramentevoir ce qui lui en touche, ay composé ce petit traictié que je appelle Quadrilogue (CHART., Q. inv., 1422, 5). A ce propos, Misericorde, La bonne dame que vecy, Meue de pitié et mercy, Voyant l'homme ainsi depulsé Et en tenebres expulsé, Haultement pour luy proposa. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 452). Si s'en vint tost bien eschaufé et tresmal meu devers sa bonne femme (C.N.N., c.1456-1467, 463). ...elle, meue de pitié en voyant la necessité du povre galant qui plouroit presques, luy presta de bon cueur la dicte some (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 71).

II. -

[Idée d'incitation à qqc. (qui ne préexiste pas à l'action), d'action exercée sur la volonté de qqn]

A. -

Empl. trans.

 

1.

[L'objet désigne une personne]

 

a)

Mouvoir qqn à

 

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Mouvoir qqn à qqc. "Pousser, inciter qqn à qqc." : Laisse toute merencolie Et tout ce qui t'i puet mouvoir Fors l'amer ; qu'on ne puet avoir De bon temps fors ce qu'on en prent. (MACH., R. Fort., c.1341, 74). Ne dit on que li homs sauvages S'esjoïst, quant il voit plouvoir, Et chante ? Qui l'i fait mouvoir ? L'espoir qu'il prent en son revel Qu'après le lait il fera bel. (MACH., R. Fort., c.1341, 99). Dame, dist ly roys Elinas, par vostre courtoisie ne vous vueille desplaire se je vous enquier de vostre estre ne de qui vous estes, car la cause qui m'y muet si est telle que je vous diray. (ARRAS, c.1392-1393, 7). ...et pluseurs autres causes qui à ce la mouvoient (BAYE, I, 1400-1410, 35). ...ilz se garderent trop bien de dire la cause qui ad ce les mouvoit. (C.N.N., c.1456-1467, 206). Hé ! mon mary, dont vous vient ceste tristece, ce courage troublé ? Qui vous a ainsi meu a ire ? (C.N.N., c.1456-1467, 564).

 

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Estre mu à qqc. (par qqc.). "Être incité à qqc. (par qqc.") : ...mais il [le continent] ne les ensuit pas [les concupiscences], et est a ce meü par raison. (ORESME, E.A., c.1370, 365). Teles communicacions furent jadis ordenees et establies afin que le pueple venist plus volentiers et se tenist ou demourast as sacrefices et fust meü a devocion. (ORESME, E.A.C., c.1370, 433). ...ces seigneurs (...) ne firent riens fors perdre temps et despendre argent grandement à leur annuy et par quoy souvent furent mus, par espécial messire Jehan de Croy, de eux retourner au pays (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 433).

 

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Mouvoir qqn/le coeur de qqn à/de + inf. : Mais or me respon sans muser, Car encor la vueil excuser De ce que devant as prouvé Que tu l'as amere trouvé, Et ç'a demander m'a meü : Di, douquel tu as plus eü De li, ou de mal ou de bien ? (MACH., R. Fort., c.1341, 95). Malement l'avez deceu, Quant par vostre conseil meu L'avez a faire telz desrois. (Mir. st Guill., c.1347, 10). Qui vous a meu de venir Cy orendroit ? (Mir. ev. N.D., c.1348, 65). Selon Averroïz, .IIII. causes sont qui peuent mouvoir un honme a enquerir de tres fortes choses : une est deffaute de vercunde - inverecundia - car il ne lui chaut se il dist bien ou mal. (ORESME, C.M., c.1377, 406). Et dist, sur ce requise, que nulle autre cause que celle que dit est ne meust elle qui parle de bouter icelli feu. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 63). ...la maniere et cause de convoitise qui mouvoit et a meu icelle prisonniere de proferer les parolles dessus escriptes, par elle dites contre icellui seigneur de Nouvion (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 130). ...il convient qu'elle [Mélusine] soit yssue de moult noble lieu. Et la cause qui nous muet de le voulentiers savoir, c'est pour ce que nous ne mespresissiemes pas de lui faire l'onneur qui lui appertient a faire, et c'est la cause qui nous muet de le voulentiers savoir. (ARRAS, c.1392-1393, 43). Et qui l'a doncques [le soudant], dist Uriiens, maintenant meu de passer la mer, puis qu'il est homme d'emprise ? J'ay grant merveille qu'il s'en est tant tenu, a ce que vous lui estes prez voisins, et aussi qu'il a grant puissance, si comme l'en m'a informé. (ARRAS, c.1392-1393, 93). Et ay mis en la personne des Vertuz raisons qui bien puent mouvoir nous cuers a croire et tenir que nostre Dame oncques ne fut, en sa concepcion ne aprés, fors toute belle, vive, pure et nette, et que raisonnablement doit estre celebré le jour de sa concepcion. (GERS., Concept., 1401, 408). ...je parleray à toutes semblablement, en faisant mon devoir par moien d'escripture (...), de te ramentevoir aucunes raisons à propos prises et puisiées tant en hystoires approuvées comme es Saintes Escriptures, qui te pevent et doivent mouvoir à restraindre et delaissier l'effusion de lermes (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 18). Cy commence à parler de .V. principaulx causes qui mouvoir doivent à avoir pacience en mort d'amis (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 24). ...et les causes justes et raisonnables qui ont meu ou doivent mouvoir la Court de non faire aucun renvoy (FAUQ., II, 1421-1430, 314). ...la cause qui a ce faire le mouvoit estoit affin que madame ne desire pas tant l'assault amoureux (C.N.N., c.1456-1467, 279). Madame, dit le clerc, je vous pry, dictes moy, s'il vous plaist, qui vous meut de vestir ce jaserant. (C.N.N., c.1456-1467, 280). Si advint que icelui Dauphin estoit amateur de science et avoit deux medicins, expers astrologiens, lesquieux il ayma moult et plus que lui, pour ce fut il esmeu d'envie et fut qui le meut à escripre, lui sembloit qu'il estoit le plus sage du monde. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 152 v°).

 

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Estre mu à/de/pour + inf. "Être enclin, porté, décidé à" : Et quant j'aperçu la maniere De leur parler et de leur chiere, Et que meües furent toutes, Pour bouter le feu es estoupes, Au juge fis une requeste Qui me sambloit assez honneste, Et humblement li depriay Et requis en mon depri ay Qu'elles parlassent tout a fait, Si averoient plus tost fait. (MACH., J. R. Nav., 1349, 245). Je te voi assés discré Et moult bien meü, ce me samble, Pour mettre et adjouster ensamble Hardement, Emprise et Advis (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 108). Semblablement, aucune foiz pour souffrir injuste .I. homme par accident est meü a faire .I. plus grant injuste, si comme soy desesperer et soy occirre. (ORESME, E.A.C., c.1370, 328). ...pour ce que messieurs de la Court de legier sont meuz à aler dehors en commission, et par ce la Court souvent demeure desgarnie de conseillers. (BAYE, I, 1400-1410, 28). Ma tres redoubtee dame, plaise vous a ne me vouloir savoir mauvais gré se je suis a present meue de vous escripre pour vostre bien, ce que grant amour me constraint a faire. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 110).

 

-

Mouvoir qqn (à ce) que

 

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[+ sub. à l'indic.] "Amener qqn au point où" : Il est verité qu'il a pleu a Dieu que fortune m'a a ce meu que par vostre haulte prouesce je sui desconfiz et suiz vostre prisonnier. (ARRAS, c.1392-1393, 167).

 

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[+ sub. au subj. ou à l'ind.] "Pousser qqn à" : Encore y a un autre point Que je ne vous celeray point, Car ci doy dire verité, Qu'amour, haine n'amité Ne me puissent ad ce mouvoir, Que mensonge face dou voir. (MACH., P. Alex., p.1369, 259). Car le filz est object amable qui meut de pres le pere a ce que il soit plus amé. (ORESME, E.A.C., c.1370, 441). Helas ! Pitié, sanz vous le cuer me part ; Vueillés mouvoir celle doulce figure, Se vous pouez, qu'elle soit de ma part (...) ; Adonc arez allegé mon ardure Se vous faictes qu'elle m'ayme, par m'ame (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 300). Seigneurs, qui nous muet que ne faisons aucune prouesse quant nous voyons tant de beaulx viaires sur ces hourdis qui nous voyent icy oyses ? (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 447).

 

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Se mouvoir à qqc. "Faire des efforts pour atteindre qqc." : Et le joenne de meurs qui est en aage et poursuit ses volentés a la oÿr [ceste science] proffite en cognoissant sa misere et ce que il deüst faire, par quoy il se puet mouvoir et disposer a bien. (ORESME, E.A.C., c.1370, 107).

 

b)

Mouvoir qqn

 

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"Amener, pousser qqn à agir" : Je vous diray l'entencion Qui m'a meu de point en point (Mir. ev. N.D., c.1348, 66). HERMOLAUS. (...) Mais qui te muet ? di m'en le voir, Se Dieu t'aist. PANTHALEON. Ne m'avez vous promis et dit Que s'estre vueil crestienné Mire devenray si sené Qu'il ne sera mal (...) Que je ne garisse... ? (Mir. st Panth., 1364, 319). S'autre cause ne vous mouvoit Que vostre fille (...), Si devriez (...) avoir joie a vostre cuer, Car elle a de bons meurs granment (Mir. st J. Paulu, c.1372, 98). ...et pour autres causes mouvens le Roy nostredit Seigneur (BAYE, I, 1400-1410, 194). Madamoiselle, dist il, vous blasonnez tres bien mes armes ! Je ne sçay qui vous meut, car je ne vous ay pas fait desloyauté, que je sache. (C.N.N., c.1456-1467, 212). ...le peuple de la cité fut seduict et meu tellement que par mutemacque se leva encontre le seigneur. (C.N.N., c.1456-1467, 575). ...Pour quoy et autres causes qui nous meuvent, declairons que ledit de Nanterre ne sera plus nostre premier president en nostredicte court de Parlement, et que pour et en son lieu y avons mis et creons ledit maistre Jehan Dauvet pour y estre et demourer. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 139).

 

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"Influencer qqn" : Item, comme dist Seneque : "Pas ne te doit mouvoir auctorité de chelui qui parle ne qui il est, mais dois avoir regart a che qu'il dist." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 54).

 

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Empl. abs. "Exciter" : Car ire meut soudainement, Maiz la commotion de joie Est volentiers trempée et quoie, D'ont est bon advertissement De vivre lors joyeusement (LA HAYE, P. peste, 1426, 110).

 

c)

(Estre) mu de/pour qqc. "(Être) animé par qqc." : Et la cause est car le ventëeur est communelment meü de plus mauvais mouvement, c'est a savoir, de orgueil ou de convoitise, comme il est dit devant (ORESME, E.A.C., c.1370, 270). Lequel qui parle, meu de l'amour que son cuer avoit desjà mise en icelle Marguerite, promist (...) que il seroit son mary et la espouseroit (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 205). ...et si a esté ledit Chastelluz deschargié par le Roy meu pour certeinnes causes (BAYE, II, 1411-1417, 9).

 

-

Estre mu de vin. "Être sous l'emprise du vin" : Lors la femme, Qui de crisme sentoit sanz blasme Son corps net et sa conscience, Dist adont tout en audience : Se Phelippe en estat deu Fust, sanz estre de vin meu, Si qu'entendre peust, je parlasse, Et de sa sentence appellasse. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 236).

 

2.

[L'objet désigne une chose]

 

a)

Mouvoir qqc.

 

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"Faire naître, susciter, provoquer (un débat, un procès, une querelle, etc.)" : Mais je vous requier, s'il vous plaist, Que nous abregons nostre plait, Car trop esloingnons la matiere Qui meüe a esté premiere. (MACH., J. R. Nav., 1349, 240). Item, se il tent a bonne fin, si comme a reformer la policie et il ne est seur de obtenir, il ne doit pas mouvoir sedition (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 204). Il doubta tant Gieffroy qu'il s'en vint a Bonneval rendre en la mercy du conte OEudes. Et il lui pardonna le meffait, et lui fist hommage de la terre de quoy la haine estoit meue. (ARRAS, c.1392-1393, 280). ...appoinctié avoit esté que la Court de Parlement cognoistroit de certain descort meu ou esperé à mouvoir entre l'Université de Paris et aucuns autres (BAYE, I, 1400-1410, 95). ...sur ce que procès estoit esperé d'estre meu ou à mouvoir entre messire Phelippe de Poitiers, chevalier, et madame sa femme, d'une part, et madame d'Orgemont, d'autre part (BAYE, I, 1400-1410, 300). ...pour occasion des causes et procès meuz et esperez à mouvoir ceans (FAUQ., III, 1431-1435, 41).

 

-

"Entreprendre qqc." : Adonc il n'osa desdengnier La vision qu'avet veüe, Mes par l'erre qu'aveit meüe Vint a saint Evroul de Monfort. (Vie st Evroul S., c.1350, 133).

 

-

"Formuler, émettre, prononcer qqc." : Vous mouvez un propos haultain, Zorobabel, et sur briefz termes, Et croy que peu de gens sont fermes En la matiere que vous dictes. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 113). Ce fait, voult ce propos mouvoir Et dist : "J'ay fait tout mon apreste, Mais les invitéz a la feste Ne sont pas dignes de tenir Sy grant bien ne d'y pervenir..." (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 226). Aultre question fault mouvoir. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 207). Et pour achever noz lectures Je vois mouvoir deux questions (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 239).

 

b)

Mouvoir qqc. à qqn

 

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"Occasionner qqc. à qqn" : J'en appelle pour abreger Devant celluy qui peult juger De toutes choses comme il veult, Affin de eviter le danger Que vostre sentence me meult. (Cene dieux, c.1492, 138).

 

-

En partic. Mouvoir guerre (à/vers qqn). "Déclarer la guerre (à qqn)" : ...le roy de Fraunce comenza torcenousement de mover guerre vers sire Edward nostre joevene roy. (Chron. London A., c.1350, 70). Et s'aucuns te voloit sousquerre Ou mouvoir en ton païs guerre, Pren conseil a ceuls qui feront Tout ce qu'il te conseilleront, Car la chevense avec la vie Y va (MACH., C. ami, 1357, 109). ...assaillir venra vostre terre Et vous mouvera si grant guerre Qu'il vous toldra vie de corps (Mir. Oton, c.1370, 322). ...le roy d'Espaigne avoit bonne querelle de mouvoir guerre par pluseurs raisons. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 11). Par foy, dirent cilz, nous ne savons que penser qu'ilz tendent a faire, sinon qu'ilz se veulent vengier de Remondin, nostre cousin, ou de nous mouvoir guerre sur ceste querelle. (ARRAS, c.1392-1393, 70). Monseigneur, dist le cappitaine, or vous ay je compté pourquoy la guerre est meue, pourquoy le soudant a la mer passé. (ARRAS, c.1392-1393, 94). Et par tant jurerent et promistrent que jamais ne mouveroient guerre l'un a l'autre. (ARRAS, c.1392-1393, 287). ...si grant et si fort sera Que Dieu, ne autre n'osera Vers lui contendre, ne mouvoir Guerre (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 149). Cestui mist en courage au roy Loys de mouvoir guerre aux Poictevins et y mener son excercite, incontinent après sa couronnacion. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 124 r°).

 

-

Mouvoir bataille. "Livrer bataille" : ...il [Tullius, le "duc" des Voltes] avoit tresardant voullenté de mouvoir bactaille contre les Rommains, a quoy il ne povoit esmouvoir son peuple (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 35).

B. -

Empl. intrans. ou pronom. [Idée d'accéder à l'existence, de provenir de... ; d'une chose]

 

1.

[D'une chose quelconque]

 

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Mouvoir de qqc. (d'un sentiment, d'une qualité). "Venir, procéder, découler de qqc." : Et dès maintenant moy et Guyon, mon frere, quitterons nostre part de ce qu'il nous pourroit escheoir de par vous, excepté vostre bonne grace, parmy l'aide que vous nous ferez a present pour nostre voyage. Par foy, enfans, dist Melusigne, ceste requeste vous muet de grant vaillance, et ne vous doit pas estre refusee. (ARRAS, c.1392-1393, 83).

 

-

(Se) mouvoir de/par qqc. "Avoir pour cause telle chose" : Et pour ce que vous saciés veritablement le commencement et le racine de ceste guerre et dont elle se meut, je le vous déclarrai de point en point. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 86). Et devés savoir que toutes ces guerres et haïnnes meurent par orguel et par envie que les bonnes villes de Flandres avoient l'une sus l'autre. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 158). Pour ce ne demoura pas qu'il ne convenist que ses hoirs ne paiassent une somme de florins devers le conseil qui se nommoit du roy ; mais la souverainneté de telz choses et amises mouvoient et venoient par les incitations des oncles du roy et le general conseil du pays (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 36). Desplaisans donques et amèrement courchiés du trouble et duquel pouvoient movoir tant de grans maux, vinrent au duc... (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 386).

 

-

Mouvoir de qqn. "Procéder de qqn"

 

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Mouvoir de Dieu : Tous les biens sont siens par droiture, A lui s'en revont par nature, Car de lui moeuvent tout et viennent, Et a li leur droit chemin tiennent. (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 120).

 

-

Mouvoir par qqn. "Être suscité, provoqué par qqn" : Mais il [Geoffroy] fu moult doulent de la perte de sa mere et de la douleur de son pere. Et senty que la premiere racine de ceste grief mesaventure mouvoit par le conte de Forest, son oncle, et jura la Trinité qu'il le comparroit. (ARRAS, c.1392-1393, 268).

 

-

[D'une substance] Se mouvoir en. "Se transformer en, évoluer en" : Quant il vient flux de ventre, mutacion d'umeurs est bon signe, s'il ne se meut en mal. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 59). [Proximité avec muer]

 

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Empl. impers. (Il) meut à qqn de qqc. "Qqc. (une action) est suscité chez qqn par qqc. (un sentiment)" : Sire chevaliers, fait la dame, cy n'a point d'oultrage, mais vous muet de grant courtoisie et de grant honneur. (ARRAS, c.1392-1393, 7).

 

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Il meut à qqn de qqc. de + inf. "Qqc. pousse qqn à" : Par ma foy, vassaulx, il vous muet de grant orgueil ou de grant niceté de ainsi passer par devant damoiselles sans les saluer, combien que l'orgueil et la niceté puet bien estre en vous tout ensemble. (ARRAS, c.1392-1393, 24).

 

2.

[D'un débat, d'une querelle, d'une guerre...] Mouvoir (de qqn/entre des personnes). "Prendre naissance, avoir lieu, se produire (à cause de qqn, entre des personnes)" : ...pluseurs descors et debas meuz et esperés à mouvoir (Trés. Reth. S.L., t.2, 1337, 38). Car, sire, s'il mouroit ainsi Sanz avoir masle hoir de son corps, Meschiez, annuiz, guerrez, descors Entre le peuple et les seigneurs Se mouveroient (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 10). ...leur host estoient separez l'un de l'autre (...) ilz le firent en partie pour eschever les debas et les rihottes qui se peuissent mouvoir entre eulx (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 88). Mais tant i a de resort que nulles guerres entre elles principaument ne se pooient mouvoir ne eslever, se leurs sires li contes ne le consentoit. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 158). Il dient en Escoce que la première incidence de ceste guerre muet de vous. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 173). ...auquel lieu, ainsi que parolles se meurent entre lui et ledit Castille d'une part, et un des compaignons qui avoit soupé avecques lui, comme dit est, d'autre part, ycellui Castille fery d'un cousteau ycellui homme (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 11). ...et les choses elle n'osa oncques dire à sondit mary, de paour que noise et descort ne se meut entre eulx. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 270). ...et tant pour ce que chascun d'eulx s'en excusoit, parolles contencieuses et rancuneuses se meurent entre lesdiz convers (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 21). Et pour ce que en parlant nagaires de la matère touchant les dictes gardes en la présence du Roy, se meurent lesdictes paroles entre noz seigneurs de Berry et de Bourgongne, d'une part, et ledit monseigneur d'Orléans d'autre part (Ch. VI, D., t.1, 1402, 233). ...par leur faulx donner a entendre, sans toutesfoiz toucher de ce pour quoy la question estoit meue, les animerent et esmeurent l'un contre l'autre [Deux femmes qui se querellent font appel à leurs époux] (C.N.N., c.1456-1467, 524). Ainsi se meut question, comme à present, contre les astrologiens, mais il leur monstra bien qu'ilz estoient asnes et ebethés, et plus que ignorans et non congnoissans en lettres. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 125 v°). Parquoy incontinent que les nouvelles en vindrent au camp du roy, il se meult tout incontinent ung merveilleux alarme (LA VIGNE, V.N., p.1495, 307).

 

3.

DR. FÉOD. [D'un bien, d'une région] Mouvoir (en fief) de qqn. "Relever, dépendre de tel suzerain" : ...aus seigneurs foiaudaux, des quiex les dites choses meuvent et sont tenues, en quelque maniere que ce soit, et aus quiex les vesture et saisine en doit appartenir, que des dites choses il vestissent et saisissent le dit acheteur (Doc. Poitou G., t.2, 1348, 405). Et fu infourmés que li royalmes d'Escoce mouvoit en fief de lui, et que li jones rois d'Escoce, ses serourges, ne l'avoit encores relevet ne fait hommage. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 104). ...ledit royaulme [de Navarre] appartenoit audit prince [de Navarre] et mouvoit de sa mere (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 260). ...le pays et conté d'Artois, ressors et enclavemens d'icelluy, tenus et mouvans de nous et de nostre dicte couronne à foy et hommage et en pairie, pour laquelle nostre main mise faire executer reaument (Hist. dr. munic. E., t.1, 1477,,, 419). ...par lequel seellé il avoit promis et juré servir le roy envers et contre tous, sans avoir regard à autre que à lui et sans prandre intelligence avec Anglois, Bourgoignons ne autres ennemis du roy par seellez ne autrement en quelque maniere que ce fust, combien que à ce il fust obligé par subgection et astriction de fidelité à cause de sa personne dudit office de connestable et des foy et hommages qu'il avoit faiz au roy de plusieurs de ses terres et seigneuries tenues et mouvans neuement de la couronne. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 352).

 

-

Estre mouvant de qqc. "Relever de (telle juridiction)" : ...en luy suppliant très-humblement que de sa bénigne grace il lui pleust moy ouvrir la voie de justice et j'estoie prest, moy oy en mes excusacions, d'ester en droit (...) par devant les juges et loix dont sont mouvans mesdiz tenemens. (Doc. 1439. In : MONSTRELET, Chron. D.-A., t.5 c.1444-1453, 394).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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