C.N.R.S.
 
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     CROIRE     
FEW II-2 credere
CROIRE, verbe
[T-L : croire ; GD : croire ; GDC : creire ; AND : creire ; DÉCT : croire ; FEW II-2, 1298b : credere ; TLF : VI, 521a : croire]

I. -

Empl. trans.

A. -

[Idée de crédit (en argent) que l'on fait à qqn]

 

1.

Croire qqn. "Faire crédit (d'argent) à qqn" : ...et quant il vouloit dire que argent luy faloit, on le creoit (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1352-1356, 130). - Vous n'estes pas en vo pretoire ; Jouez. - Oil, s'on me vuelt croire : Car je n'ay plus d'argent content. - Ne vous alez plus debatant : Sur vo mentel vous presteray. Jouez, car je vous aideray. (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 170).

 

-

Au passif Estre cru jusqu'à telle somme : ...et à rendre tant à iceulx prisonniers comme auxdiz demandeurs en la qualité qu'ilz procedent, c'est assavoir, pour eulx et les autres habitans, tous leurs biens, de l'estimation desquelx iceulx prisonniers demandeurs et habitans en ladicte qualité seront creuz par leurs sermens, c'est assavoir, chascun pour tele portion que lui puet apartenir, jusques à la somme de l mil libvres tournoiz et au dessoubz pour eulx tous ensemble (BAYE, II, 1411-1417, 76).

 

2.

Croire qqc. (à qqn). "Faire crédit (à qqn) de" : "Biaulz sire, per ma foid, vous nous yrés paiant ; Nous ne croirons Lion ung denier vallissant, Car on dit qu'i n'ait mie quaitorze solz vaillant. (...)" (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 167). - Sire, dit il, en pleges vous en donray ma foy. - C'est peu, dit l'armurier, foy que doy saint Eloy, Car dessus ung tel gaige riens volentiers ne croy. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 206). "Le roy de Navarre raplega le seigneur de Labreth, que le conte de Foeis tenoit en prison, de cinquante mille frans. Le conte de Foeis, qui sentoit ce roy de Navarre cauteleux ne les voloit pas croire au roy de Navarre." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 79). PATHELIN. (...) Ce sont six escus ? LE DRAPPIER. M'aist Dieu, voire. PATHELIN. Or, sire, les voulez vous croire Jusques a ja quant vous vendrez ! Non pas croire : vous les prendrez a mon huis, en or ou monnoye. (Path. D., c.1456-1469, 74). ...et doit, devra et sera tenu ledit prieur et celui ou ceux qui après luy feront, ou leursdits commis, bailler auxdits habitans de Sainct-Belin presens et advenir, vin a taille, et leur doit croire l'argent jusques audit jour de feste de Saint-Laurent, pourveu qu'ils soient solvables pour payer le deu de ce qu'ils auront prins dudit vin. (Ordonn. rois Fr. P., t.15, 1461, 81).

 

3.

Prendre à croire. "Prendre à crédit, emprunter" : ...poise [qu'il pèse] a la livre Buche et charbon, poisson, vaisseaulx, Sel, espices, cire, trousseaulx De coustes de linge et d'estrain, Vaisselle d'argent ou d'estain, Dont il fault faire garnison, Prandre a croire, ou paier a plain (DESCH., Oeuvres Q., t.6, c.1370-1407, 135).

 

Rem. Avec jeu sur le sans B : Car nulz ne doit estre tenuz pour sage Qui femme croit se ce n'est sur bon gaige (MACH., App., 1377, 641).Sur le sens C : Et au premier commendement, De la Loy, qui dit qu'on doibt croire (Non pas l'escot quant on va boire, Cela s'entend) en ung seul Dieu (Fr. arch. B., c.1468-1480, 42).

B. -

[Idée de confiance accordée à qqn ou qqc.]

 

1.

Croire qqn

 

a)

"Avoir confiance en qqn" : Et, par ma foy, Si loiaument l'aim que j'ay plus d'anoy Cent fois pour li que je n'aie pour moy, Quant s'onneur voy amenrir ; car au doy La mousterront Ceuls et celles qui ceste ouevre saront, Et meins assez en tous cas la croiront, Qu'a tous jours mais pour fausse la tenront. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 101). Certes, trop ay en toy dur anemy. Si sui trop fols, quant je t'ay tant creü, Car tu pues bien acroistre mes anuis, Mais en toy n'a scens, pooir ne vertu De moy aidier, se de moy ne t'en fuis (MACH., L. dames, 1377, 162). Faus samblant m'a deceü Et tenu en esperance De joie merci avoir ; Et je l'ay com fols creü Et mis toute ma fiance En li d'amoureus vouloir. (MACH., Motés, 1377, 512). De la me viennent les rancunes, Car lerres le larron mescroit, Ne ly mauvès le bon ne croit, Ains cuide que chascuns soit lerres (DESCH., M.M., c.1385-1403, 130). Tu veulz de fait Ouvrer par voulenté sanz droit ; Et, qui a ce garde prandroit, Ne te devroit croire n'amer : Haie es en terre et en mer. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 358). Note de croire ceulx qui aiment Dieu et cognoissent verité (GERS., Annonc., a.1400, 235). Li jones contes fu consilliés par ceuls qui le gouvrenoient et par madame sa mere, que il venist en Flandres et cruist ses honmes, puisque il li presentoient amour et subjection. (FROISS., Chron. D., p.1400, 798).

 

-

Estre cru de qqn. "Avoir la confiance de qqn" : Li dis seneschaus estoit tant crus et tant amés dou dit duc et de madame la duçoise, que il brisa tous les pourpos des Englès (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 127).

 

.

Estre cru : Car bons parlers, dis loiaument, Fait tant que cils n'est plus creüs, Eins est tenus pour recreüs, Faus, mauvais, glassans et traïtes. (MACH., D. Aler., a.1349, 361).

 

-

Digne de croire. "Digne de confiance" : A Saint Omer n'a pas long temps advint une assez bonne histoire qui n'est mains vraye que [l'euvangile], comme il a esté et est cogneu de pluseurs notables gens, dignes de foy et de croire. (C.N.N., c.1456-1467, 431). Et je me delibère de ne parler de chose qui ne soit vraye et que je n'aye veüe ou sceüe de si grans personnaiges qu'ilz sont dignes de croire, sans avoir regard aux louanges. (COMM., II, 1489-1491, 173).

 

-

Trop croire de soi. "Avoir une confiance exagérée en soi-même, avoir trop bonne opinion de soi" : Ha a ! tant est dangereux savoir sans doctrine et, par trop croyre de soy, mescroire de Dieu. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 106).

 

b)

En partic.

 

-

Croire qqn / en croire qqn. "Se conformer à ce que dit, conseille (qqn en qui l'on met sa confiance)" : Je ne say pour quoy ne commant, Li sires de Lesparre vit Qu'il se deslogeoient et dit, S'on l'en creoit, hors isteroient Et qu'assez sejourné avoient. (MACH., P. Alex., p.1369, 161). Chieres gens, ne nous decevons point, creons noz amis mors et non point plaisir mondain qui nous destourbe d'avoir cuer doloreux. (GERS., Déf., 1400, 241). ...et se li contes euist creu son oncle, la besongne fust aultrement tournee que elle ne fist, et pour ce que point ne le crei, il l'en mescei, dont ce fu damages et pités pour tous ses pais. (FROISS., Chron. D., p.1400, 643). Aristote si apprenoit A Alixandre bonnes meurs Et qu'il creust les sages et meurs, Les vaillans tirast devers luy, N'en son conseil n'entrast nullui, S'il n'estoit appris en sagece, Prisast ceulx ou avoit proece (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 30). Eve, qui n'y pensa malice, Le deable crut comme nice ; A son mari porta la pomme, Elle en mengia, aussi fist l'omme, Dont ilz orent petit loyer (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 136). "Se vous me eussiez voulu croire, nous eussions frappé sur les enseignes du Jouvencel, quant il tenoit l'escalle ou petit villaige de la Francheville..." (BUEIL, II, 1461-1466, 93). Bien, brief on luy bauldra [l'habit], Qui m'en croira, puisqu'il l'a ordonné. (LA VIGNE, S.M., 1496, 372).

 

.

Estre cru : "Dont, se j'estoie creus, dist li evesques de Norduich, la première chevauchie que nous ferions, che seroit en Flandres." - "Vous en serés bien creus, ce respondirent messires Thumas Trivès et messires Guillaumes Helmen ; ordonnons nous sur che." (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 92). Et se creu fussent ces personnes, Je croy que tout en alast mieulx ! (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 51).

 

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Estre cru de qqc. : "Sus tout che voiage je ne peus onque estre creus de cose que je desisse." (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 132). Adont manda par ses messages, Par tous pays, a folz et sages Que "lui venissent rendre treu Ou que, s'il n'en estoit creü, Qu'il leur esmouvroit telle guerre Qu'ilz y perdroyent biens et terre." (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 213).

 

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Estre cru de faire qqc. : Il ne fut pas le maistre lors, ne creu de faire son vouloir, et pour cause. (C.N.N., c.1456-1467, 26).

 

-

Au fig. "Se laisser guider par (un sentiment, un penchant...)" : J'ai tant mon cuer et mon orgueil creü Et tenu chier ce qui m'a deceü Et en vilté ce qui m'amoit eü, Que j'ay failli Aus tres dous biens dont Amours pourveü Ha par pitié maint cuer despourveü Et de la tres grant joie repeü Dont je langui. (MACH., Motés, 1377, 495). Mais se tu prens et crois plaisir mondain, tu empescheras plus tes amis mors que tu ne les ayderas. (GERS., Déf., 1400, 230). Car Amours fait cuer d'amant bestourner Et de son droit estat le destourner, Et en homme par son pouoir tourner Sens insensible, Et ce qui doit ayder estre nuysible, (...) son contraire escouter, Volenté croire et raison rebouter. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 190). O arrogance aveuglee, folie et petite cognoissance de vertu, o tresperilleuse erreur en fait d'armes et de batailles, par ta malediction sont desroutees et desordonnees les puissances et les armes desjoinctes et divisees, quant chascun veult croire son sens et suivre son oppinion. (CHART., Q. inv., 1422, 58). ...fuy luxure, a ce que tu ne soies broillié en deshonneste renommee ; aussi ne croy point ta char, afin que par pechié tu ne blesses Jhesucrist. (LA SALE, J.S., 1456, 27).

 

-

Croire le dieu Amour/croire sa dame. "S'acquitter de ses devoirs envers le dieu Amour/la dame à qui l'on a choisi d'accorder sa confiance et d'obéir" : ...il [l'amant] scet moult bien Que toute l'onneur et le bien Qu'il a li vient toute de moy [le dieu Amour]. Pour ce te di en bonne foy, Car il me sert, croit, aimme et crient Et fait tout ce qu'a gré me vient A son pooir de cuer loial, Honneur quiert et si fuit tout mal. (MACH., D. verg., a.1340, 28). Si me moustra la droite voie, Comment ma dame amer devoie, Servir, oubeïr, honnourer, Humblement croire et aourer Et cremir seur toute autre rien Com m'amour et mon dieu terrien (MACH., R. Fort., c.1341, 6). Si m'en marvoy, Quant je voy Bien qu'avoy N'arai n'ottroy, Ne qu'Amours ne m'yert tendre, Einsois perçoy Que par soy Mort reçoy, Ne sçay pour quoy, Car en foy Plus que moy Vous aim et croy De fin cuer, sans mesprendre. (MACH., Lays, 1377, 307).

 

-

Croire Dieu/croire à/en Dieu. "Mettre sa confiance en Dieu et s'acquitter de ses devoirs de chrétien, suivre les préceptes religieux"

 

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Croire Dieu : Puet on penser chose plus digne Ne faire plus gracieus signe Com d'essaucier Dieu et sa gloire, Loer, servir, amer et croire, Et sa douce mere, en chantant, Qui de grace et de bien a tant Que le ciel et toute la terre Et quanque li mondes enserre, Grant, petit, moien et menu En sont gardé et soustenu ? (MACH., Prol., c.1377, 9). Se Dieu seullement aymions Et parfaictement croyons, Comme ceulx qui sommes siens, Chascun si le doubteroit, A luy on obeiroit, De cueur on le serviroit Comme bons vrais chrestiens. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 65).

 

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Croire à/en Dieu : O bon Jhesus, a qui je croy Par vraye foy, Treshumblement je t'en rens graces. (Pass. Auv., 1477, 131). Toutesfoiz, Jhesus, je t'avoye En la voye Estre le prophete tresgrant ; Et pour ce, sire, je vouldroye, Qui que l'oye, En toy croire tout mon vivant. (Pass. Auv., 1477, 132). Croire en Dieu est en creant Dieu le amer et aler a lui par amour et estre encorporé avec ses membres et estre reputé entre les membres de son corps. (Somme abr., c.1477-1481, 99). Mais croire a Dieu est croire a ses paroles, doctrines et enseignemens. (Somme abr., c.1477-1481, 100).

 

2.

CHASSE

 

-

Croire un chien. "Se fier à un chien, en estimant qu'il suit la bonne voie" : Et si doivent avoir un bon brachet bien sage et bien affaitié, tellement que se la beste estanche, que le brachet soit creu de sa sieute. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 128). Et, si ses chienz vouloyent tourner arriere et requerir, il les doit croire (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 205).

 

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Chien creant. "Chien qui suit la bonne voie" : Car souvent sont [les chiens] d'une aleüre, Saiges, raides et bien chaçans, Crians, creans, bien rachaçans... (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 463).

 

-

[Du chien] Croire (qqn). "Obéir (à qqn)" : ...chien baut chasce au vent quant il est lieu et temps (...). Il creint [var. croit] et entent son maistre et fet ce qu'il li commande. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 133). Et bon veneur ne doit dire a ses chienz fors que la pure verité, affin qu'ilz y donnent plus grant creance en ce qu'il leur dit et qu'ilz le croient miex (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 217). ...les chienz ne donnent mie si grant foy ne croyent si bien quant on parle trop (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 217).

 

3.

Croire qqc.

 

a)

"Avoir confiance en la valeur (le plus souvent en la valeur religieuse) de qqc."

 

-

Croire qqc. : Et cent mille, que sains, que saintes, Ont moustrées miracles maintes, Tout par la vertu de la crois. Mar fus nés, se tu ne la crois, Car c'est une droite creance, Et de nostre foy l'ordenence. (MACH., P. Alex., p.1369, 15). Encores veul et vous commande que totalement vous creez les xij articles de la foy, qui sont vertus theologiennes, meres au bon esperit (LA SALE, J.S., 1456, 37).

 

-

Croire à/en qqc. : On ne doit pas croire en augure, Car c'est pechiez contre la foy Et c'est sorcerie et laidure Et grant deshonneur (MACH., L. dames, 1377, 229). [Fortune] Une ydole est de fausse pourtraiture, Où nuls ne doit croire ne mettre cure (MACH., Motés, 1377, 497). ...et ce [corps, estat et vie, prouesse de chevalerie...] pers tu, Se tu ne crois aux sains escrips Que je t'ay cy devant escrips (DESCH., M.M., c.1385-1403, 221). Mais trop me desplaisoit que "clercs" Fussent nommez gens sanz science (Car tieulx y ot, je vous fiance, Qu'erent ja tous chanus ou vieulx ; Et ne sceussent pas, se m'it Dieux, Com je croy dire proprement, Comme on doit croire ou sacrement, Ou en la foy, en aucuns cas) (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 62). Croire en la communion des sains et en la remission des pechiés. Croire en la generale resurrection de la char et de la vie pardurable. (LA SALE, J.S., 1456, 38). Comme dist saint Jehan ou premier chapitle de son evvangile : "Il nous a donné pouoir de estre fais et reputéz filz de Dieu a ceulz qui croient ou nom de lui." (Somme abr., c.1477-1481, 108).

 

-

Croire qqc., c'est à savoir à telle ou telle chose : Encor veul et vous commande que fermement vous creez les vij sacremens de l'Eglise ; c'est assavoir : au saint baptisme, en la sainte confirmacion, en la vraie penitence, au tres saint sacrement de l'autel, aux saintes ordres, au saint ordre de mariaige, et en la saincte unction. (LA SALE, J.S., 1456, 40).

 

b)

Croire une regle/un avis/un conseil... "Suivre qqc., s'y conformer en raison de la confiance qu'on y met"

 

-

Croire qqc. : "Pour quoi n'ay je crut discipline ? Pour quoy laissa mon cuer dotrine, Qu'il n'obeit et qu'il ne crut Celle dotrine qu'il reçut ?..." (DESCH., M.M., c.1385-1403, 186). Avises aussy que aucune fois on cuide recevoir le Saint Esperit et on recoit le mauvais (...) Si est le remede de querir souvant bon conseil et de le croire. (GERS., Pent., p.1389, 82). ...et encores amoit il [le roi Philippe] moult les armes, quoique son estat fust moult aucmenté. Mais il creoit legierement fol consel, et en son air, il fu crueuls et hausters. (FROISS., Chron. D., p.1400, 182). ...on n'a point tenu ne creu mon ordenance. Si sons sus un parti que de tout perdre. (FROISS., Chron. D., p.1400, 730). Encores veul et vous commande que les huit beatitudes veulliez ensuir et croire, et premiers pouvreté d'esperit, debonnaireté de cuer, pleurs de voz pechiés et des autres, desir d'execucion de vraie justice, estre en cuer piteux et misericors, avoir purté d'esperit, paix a chascun, et estre pacient. (LA SALE, J.S., 1456, 39). ...si advint tout au contraire de ce qu'il cuidoit. En telle manière advient souvent à ceulx qui vuellent faire à leurs testes sans croire conseil d'aultrui. (BUEIL, I, 1461-1466, 70).

 

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Ne savoir que croire. "Hésiter sur la conduite à tenir" : Dont suis tiree De deux douleurs et martiree, Quant la joie qu'ay desiree Le plus, m'est du tout empiree Par doubte, voire Si fort que je ne sçay que croirre : Ou se je doubte, ou se j'espoire. (CHART., L. Dames, 1416, 272).

 

.

Estre cru : Ensi par grant orguel et beubant fu demenee ceste cose, car casquns voloit fourpasser son compagnon. Et ne pot estre creue ne tenue la parole dou vaillant chevalier, de quoi il lor en mesvint si grandement com vous orés recorder assés briement. (FROISS., Chron. D., p.1400, 724).

 

-

Croire à/en qqc. : Or fut conseilliez à Westmoustier (...) que ce seroit bon que on alast honnourablement devers le roy à Brisco et lui feust remonstré certaument comment ung temps il avoit esté contre la plus saine partie de son pays et qui le plus amoient et avoient son honneur garder, et que trop avoit creu ou conseil de ses marmousés, par quoy son royaulme avoit esté en trop grant branle. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 75). ...la s'arrestent gens oultrecuidez, qui donnent auctorité a leur propre sens, quant ilz croient obstinement aux conseilz de leurs testes, et se gouvernent soubz l'esperance de leur cuiderie. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 104).

 

4.

Prov. : N'est pas tout ung croire ["faire confiance à qqn"] et avoir (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 25). Et pour ce dit aussi le proverbe commun que on doit ce que on voit croire, et non pas ce que on oyt ["on doit faire confiance à ce qu'on voit et non à ce qu'on entend dire"] (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 180). Celluy qui croit follement follement lui en prent (MACHO, Esope R., c.1480, XXXV). Il n'est nul qui croye sa femme, Qu'il n'en ait en fin honte ou blasme. (C. Riffl., c.1480-1520, 61).

C. -

[Idée de foi ; en particulier, foi dans l'existence de qqn ou qqc.]

 

1.

Empl. abs. "Avoir la foi" : Car tes escrips portent que tu es envoyé a la vertu du glaive pour mettre a mort ou en servage ceulx qui ne croyront (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 126). JHESUS. Toutes choses sont trespossibles A celluy que croit. As tu foy ? LE PERE. Helas, sire ; certes, je croy. (Pass. Auv., 1477, 162). Doncques fault entendre qu'ilz seront pugnyz pour n'avoir voulu croyre et pour ce qu'ilz n'auroyent eu ferme foy et creance. (COMM., II, 1489-1491, 227).

 

-

Prov. : Plus tost se poet dampner c'uns autres ne porroit, Car il scet l'escripture, et toute le conchoit ; Mais chius qui mains en scet, c'est chius qui miex i croit. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 202).

 

2.

Croire qqn/qqc./croire en qqn/qqc. "Admettre l'existence de qqn/de qqc."

 

a)

Croire Dieu/croire en Dieu/croire en un dieu

 

-

Croire Dieu : Croire Dieu est croire que Dieu est. (Somme abr., c.1477-1481, 99). Les aultres [choses] sont par dessus raison lesquelles seulement sont comprehensibles et entendibles par revelation divine ou par l'auctorité des saintes escriptures sont creables comme nous creons trois personnes et ung dieu. (Somme abr., c.1477-1481, 136). Quant aucun pense a la verité de Dieu, il le doit croire, quant il pense a la bonté de Dieu, il le doibt amer. (Somme abr., c.1477-1481, 174).

 

-

Croire en Dieu/ en un dieu : Finablement ydolatrie s'i embat avec ses suers germaines qui sont sortilege, supersticion, magique qui font la povre ame aourer et croire en leurs dieux, denier son baptesme et la foy crestienne, adourer les dyables et luy sacrifier. (GERS., Purif., 1396-1397, 65). Cellui .xxxii. ans vesqui Et du mont Aventin acreut La cité, et du dieu, ou creut, Fist un temple (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 189). Je croy donc veritablement En Dieu qui le monde forma, Demandant pardon humblement Du peché qui trop surpris m'a. (LA VIGNE, S.M., 1496, 299).

 

b)

Croire qqc. : On ne puet riens savoir si proprement D'oïr dire comme on fait dou veoir ; Mais ce qu'on tient et voit tout clerement Doit on croire sans nulle doute avoir. (MACH., L. dames, 1377, 173). Et croit [l'amant] de vray ce qui oncques n'avint Et jure Dieu des fois ou quinze ou vint Qu'el ayme tel dont onq ne lui souvint. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 184).

 

c)

Empl. abs. : Nous ne croions Jusques a ce que nous voions, Maiz je doubt que bon eur n'aions Tant que plains de pechié soions. (CHART., L. Dames, 1416, 284).

 

3.

[Le compl. réfère à un obj. dont une propriété est sujette à discussion] Croire qqc. : Einsi me fait son gracieus viaire Vivre en morant, car nulz homs ne croiroit La tres dure dolour qu'il me fait traire. (MACH., L. dames, 1377, 55). Marcus Catho une boiteuse, Qui Arcore Paule avoit nom, Prinst a femme ; mais a Cathon, Combien que d'umble lieu fust née, Impotent du corps, mal senée Lui fut, tresorgueilleuse et felle, N'onq ne trouva douçour en elle, Fors tout tourment et villenie, Et lui fist mainte tricherie Que nuls hom croire ne pourroit. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 84). Mais nul ne croiroit le tresbel et tresnoble jardin que ce peut estre et les belles fonteines faictes par ordonnance qui y sont, consideré le desert lieu ou il est assis. (Voy. Jérus., c.1395, 52).

D. -

[Idée de vérité] "Tenir pour vrai ou pour probable"

 

1.

Croire qqc./à qqc. "Tenir pour vrai (un dire)"

 

a)

Croire qqc. : Il [le philosophe] afferme, et je croy son dit, Que les maladies quelconques - Et qu'autrement il n'avint onques - Sont curées par leur contraire. (MACH., J. R. Nav., 1349, 203). Encor li dist il autre chose Que je nullement croire n'ose, Car il li dist que la royne Estoit amie et concubine A monsigneur Jehan de Mors, Par le temps qu'il a esté hors, Et qu'il l'a heüe et tenue Cent fois, en ses bras, toute nue. (MACH., P. Alex., p.1369, 249). Et s'aucuns ont vileinnement parlé A li de moy, je les met tous au pis Qu'onques vers li feïsse fausseté N'envers autrui, n'il ne doit leurs faus dis Tost croire ne li mouvoir, Eins doit avant la verité savoir. (MACH., Bal., 1377, 551). Quar il sembleroit a ceulz qui entendroient a la rayson qui s'ensuit et la creroient que c'est impossible que un seul monde soit ou que plusseurs ne puissent estre. (ORESME, C.M., c.1377, 152). Et faisoit [le duc de Brabant] tout quoi tenir son chevalier, messire Lois de Cranehen, a Paris dalés le roi, qui tousjours esqusocit le duch de toutes imformations senestres qui venoient en la presence dou roi, et disoit au roi : "Sire, n'en creés riens, car monsigneur de Braibant, quel samblant que il monstre ne face a son cousin le roi d'Engleterre, ne vous fera ja guerre pour lui." (FROISS., Chron. D., p.1400, 297). Le duc grandement s'esjouy De la parolle, qu'il ouy, Car la dame tant lui plaisoit Qu'il croyoit quanque elle disoit (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 223). Alixandres, qui avoit chier Antipater, pas de legier Ne crut les parolles sa mere, Qui redoubtoit sa mort amere. (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 62). ...et averont [lesdits seigneurs] la Court tousjours pour recommendée et ly ayderont de tout leur povoir, et quant aux sinistres rappors n'en croiront rien jusques à ce que ceulx à qui touchera soient oïz (BAYE, II, 1411-1417, 43). Et le jaloux croit rappors et forge souspeçons Sus tous et toutes, N'il n'a repos ne que s'il eust les goutes. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 185). Bien avoit [le triste amoureux] a mon gré visé Entre celles que je vi lors, S'il eust au gré du cuer visé Autant que a la beauté du corps ; Qui croit de legier les rappors De ses yeulx sans autre esperance, Pourroit mourir de mille mors Avant qu'ataindre a sa plaisance. (CHART., B. Dame, 1424, 336). Quant à la querelle, je croye ce que vous et les vostres en avez juré. (BUEIL, II, 1461-1466, 183).

 

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Croire qqc. de soi (mesme) : "N'est rien, comme dit Juvenal, que un qui est en puissance ne puisse croire de soy quant on le loue" (GERS., Annonc., a.1400, 234).

 

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Estre cru : Sa fausse jangle estre ne doit creüe, Pour ce qu'en li de verité n'a point, Car de haïne et d'envie est venue, Par traïson qui tout ce li enjoint. (MACH., L. dames, 1377, 172). Si sont moult creues les parolles Et moult en dit le roy de folles (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 305).

 

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Faire croire qqc. à qqn. "Faire accroire qqc. à qqn" : Maintes choses li faisoit croire, Et tant fist, ce fut chose voire, Par son blandir, par le sens d'elle Qu'elle le trait a sa cordelle. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 32). Dames ne sont mye si lourdes, Si mal entendans ne si foles Que, pour un peu de plaisans bourdes Confites en belles parolles, Dont vous autres tenés escoles Pour leur faire croire merveilles, Elles changent si tost leurs coles (CHART., B. Dame, 1424, 342). Lors leur manda ung de ses chevaliers, comme fuitif, qui leur dist que en l'ost des Rodiens avoit tresgrant dissencion ; dont, pour mieulx faire croire la bourde, fist partir une partie de ses gens de son ost et faire ung aultre logis appart, assez loings du scien, ainssy comme se ilz se fussent partis par mal talent. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 53).

 

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Estre fort/leger à croire : Car on dit - et c'est chose voire Qu'il est assez legier a croire - Qu'entre les grans et les meneurs A tous seigneurs toutes honneurs. (MACH., J. R. Nav., 1349, 187). Mais de nulle chose qui soit oultre lesdictes portes de mettail, ne se treuve nul qui le sache, fors que par commune renommee et par voix generalle de gens du païs, qui en devisent a leurs voullentez. Et touteffoiz en disent ilz choses qui assez sont fortes a croire (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 89).

 

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Empl. abs.

 

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"Tenir pour vrai ce qui se dit" : Entre vous, qui femmes hantez, Advisez vous de trop tost croire : Toute parole n'est pas voire. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 105). Ceulx qui veulent mesdire, a lui [l'amant jaloux] affuyent Et lui sacoutent, Car teles gens croyent tost et escoutent ; De mal en pis le nourrissent et boutent. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 186). Et quant ce fut fait, il fist laissier aller ung prisonnier, comme se il fust eschappé, qui alla tresjoieulx a ses gens, et leur compta le debat qui estoit entre eulx et le deppartement du logis ; de laquelle chose le simple peuple, qui legierement avoit creu, descendy de leurs fors ou plain, pour assaillir le nouvel logis. Mais ilz furent des aultres gens encloz et tous mors et prins. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 53).

 

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Croire contre/encontre qqn. "Tenir pour vrai ce qui se dit aux dépens de qqn" : Et qui legierement croit, Souvent sa pais et sa joie en descroit, Car maint meschié sont venu et norri De legier croire encontre son ami. (MACH., L. dames, 1377, 173). La conclusion dudit Philippes fut fort humble et saige, suppliant au roy ne vouloir legierement croire contre luy ne son filz et l'avoir tousjours en sa bonne grace. (COMM., I, 1489-1491, 8).

 

b)

Croire à qqc. : ...sera requiz et supplié au Roy qu'il escripve au Pape et au college des cardinaulx sur ce, et qu'ilz ne croient point aux lettres dudit cardinal de Pise (BAYE, II, 1411-1417, 56). Se n'est que toute menterie De son faict, n'y croyez jamais, Decepcion et flaterie Comme voyez. (LA VIGNE, S.M., 1496, 494).

 

2.

[Avec un compl. prop. ou une constr. équivalente]

 

a)

[À la première pers. du prés.]

 

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"Avoir la conviction, la certitude que"

 

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Croire que + verbe à l'ind. : Et vraiement, Tant fu belle [la dame], que je croy fermement, Se Nature qui tout fait soutilment En voloit faire une aussi proprement, Qu'elle y faurroit Et que jamais assener n'i saroit, Se l'exemple de ceste ci n'avoit Qui de biauté toutes autres passoit. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 72). Mais moult tost me vinrent sus destre Deus dames, les plus esmerees, Plus gentes et mieuls coulourees Que ymage fait de painture. Et croi bien que Diex et Nature les fisent par especial. (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 46). Dont, en pensant a ce, je m'esmerveille Et esbahis, en la mienne pensee, Ou tel beauté poet estre compassee, Et di en moi : je croi onques Nature Ne fourma voir si belle creature Que vous estes, dame de tous biens plainne. (FROISS., Orl., 1368, 87). Vous soiez li tres bien venus, Et à grant joie receüs, Car je croy de vostre retour Que Dieux l'a fait pour le millour. (MACH., P. Alex., p.1369, 114). Maistre, maistre, vous nous cuidiez abuser que soit vostre mere. Je croy bien que vous amez vostre mere, et que c'est celle qui vous entretient, mais ce n'est pas celle par qui vous portez cette devise. (LA SALE, J.S., 1456, 59). Ce procès a beaucoup duré. Et, à la verité, je croy que ung homme qui fait l'exploit de la guerre ne doit entendre autre part ; car c'est une chose qui se veult tousjours exerciter, et cellui qui l'exercite ne doit avoir autre entendement. (BUEIL, II, 1461-1466, 14).

 

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Croire que + verbe au subj. : Car nul n'en voy ne nulle qui demeure Tant en son pleur qu'a joie ne requeure, Eins que li ans Soit acomplis, tant soit loiaus amans, Ne excepter n'en vueil petis ne grans. Et vraiement, je croy que ce soit sens. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 99). Je di pour voir certeinnement, Et croy qu'il ne soit autrement, Que ce qu'il fait, c'est aventure Et vient de sa propre nature. (MACH., D. Aler., a.1349, 242). Avis m'estoit que je vëoie En mon dormant ou je songoie Deus dames de tele fasson Qu'il n'est ne peintre ne masson Qui leur biauté peüst escrire (...) Et sans doubte, je ne croy mie Que tel biauté soit terrienne, Eins croy qu'elle est celestienne. (MACH., F. am., c.1361, 199). "...Et n'est il pas vray, ma dame ? qu'en dictes vous ?" Madame, qui de ce oïr fut bien aise, en sousriant lui dist : "Et qui le vous a dit, abbés ? Quant a moy je croy qu'il soit ainsin." (LA SALE, J.S., 1456, 277).

 

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Croire que oui/non : Morray je dont sans avoir vostre amour, Dame, que j'aim, crein et desir, par m'ame, Plus loiaument, mieus et plus par honnour Qu'onques amans ne pot desirer dame ? Certes, je croy bien qu'oïl, Quant mon service et moy tenez si vil Que ne daingniez veoir ne resgarder Moy, las ! Dolent, qui muir pour vous amer. (MACH., L. dames, 1377, 193). Et doivent ilz estre orguilleux Nobles gens les plus batailleux ? Et, vrayement, je croy que non, Tant ayent proece ou hault nom (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 34).

 

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En incise Ce croi(s) : Or me bas en tes las, Pris et rendu ! Ce n'est pas ton honneur, ce croy, Quant je te ser en tele foy Qu'humblement a morir m'ottroy, Se c'est tes grez, Pour ma dame que plus ne voy. (MACH., R. Fort., c.1341, 45). Or en a un tel en vostre ost Qu'onques, ce croy, milleur n'i ost Chevalier, d'onneur renommez, De tous les bons preudons nommez (MACH., D. Aler., a.1349, 315). Or face dont qu'il soient tuit onny, Tant pour s'onneur, com pour la pais de mi, Fors que moy seul, qui tant l'aim et desir C'onques dame, ce croy, ne fu amée Plus loyaument ne de plus vray (MACH., L. dames, 1377, 66).

 

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(Je) le croi(s) : Il est vray, bien le croy, Qu'en triste desarroy Cheï pleinne d'ennoi Et en grant orphenté, Si com, raconter oy, Judée, quant son roy Prist la mort devers soy, Le vaillant Josué. (MACH., Lays, 1377, 474). ...force et hardiece Avoit [Achille] en lui sur tous les hommes, Fors Hector, qui en toutes sommes Passoit les bons, combien qu'aucuns Dient qu'auques furent comme uns De vaillance, mais nel croy pas, Car les histoires en tout pas Loent Hector en tous endrois, Non pas Achillés (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 76). "N'en avez vous point ?" dist Madame, "et qui seroit la bien eureuse qui un tel ami avroit ? Puet bien estre que n'en avez point, bien le croy. Mais de celle que plus vous amez et vouldriés qui fust vostre dame, puis quant ne la veistes vous ?" (LA SALE, J.S., 1456, 8). Ma dame, j'ay oy dire que ce josne filz Saintré a fait tres beaux paremens a merveilles ; vraiement je ne le puis croire. (LA SALE, J.S., 1456, 91).

 

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(Je) croi(s) + inf. : Se cil a destre sont paié, Si qu'il ne sont point delaié, Cil de la senestre partie Ont aussi tost leur departie, Si desservent et si reçoivent De quoy malement se deçoivent, Quant dames cuident decevoir. Je croy bien dire de ce voir. De ces peles ay assez dit, Si que, pour abregier mon dit, Je m'en puis bien dès or mais taire (MACH., D. Aler., a.1349, 339). Dont ma joie yert en declin, S'elle à garir ne s'encline Le mal que reçoy, Car son plaisant maintieng coy Par desir mon cuer affine, Toute ensement com la mine S'affine en feu ; dont je croy Morir dedens brief termine, N'autre garison n'i voy. (MACH., Lays, 1377, 316). Mais trop me desplaisoit que "clercs" Fussent nommez gens sanz science (Car tieulx y ot, je vous fiance, Qu'erent ja tous chanus ou vieulx ; Et ne sceussent pas, se m'it Dieux, Com je croy dire proprement, Comme on doit croire ou sacrement, Ou en la foy, en aucuns cas) (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 61).

 

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[Le suj., ne disposant que d'informations fragmentaires, ne peut affirmer pleinement] "Tenir pour probable"

 

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Croire que + verbe à l'ind. : Nous fuions a sauveté, car chi en ce village sont entré auqun compagnon françois, et creons bien que il sont issu de Mortagne, et requellent la proie et l'asamblent ; et avoecques tout ce il ont ja pris honmes et fenmes que il en voellent mener. (FROISS., Chron. D., p.1400, 430). Il i eut un brigant pillar, et croi que il fu alemans, qui trop fort resgna en Limosin et en la Lange d'Oc, lequel on nonmoit Bacon. (FROISS., Chron. D., p.1400, 857). C'est un beau jeu a gentil homme ! Je croy qu'on en usoit a Romme Jadis, et que si fais excés Apprenoit le sage Ulixés Aux chevaliers, de boire aux pos Quant ilz estoient a repos (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 32). ..."c'est, Dieu mercy, madame ma mere qui m'a fait ainsin joly." - "Et comment," dist Madame, "vous a elle fait si joly, elle qui est en Thoraine, et croy que jamais ne fut yci ?" (LA SALE, J.S., 1456, 56). ..."j'ay entendu que madame sa mere le pourvoit ainsin, et croy bien que ce est du vouloir son pere qui lui en donne l'onneur." (LA SALE, J.S., 1456, 78). Cappitaine, j'ay myz les gens de pié aux champs si celéement que je croy que nul ne les a veuz ne ouyz. (BUEIL, II, 1461-1466, 127). "Je verroye voullentiers le Jouvencel, de quoy il est tant de nouvelles et qui en son jeune aaige a tant fait de belles choses ; et croy que à ceste cause fut-il nommé Jouvencel." Et l'escuier respondist qu'il estoit vray. (BUEIL, II, 1461-1466, 236). Ilz [le père et la mère] s'en vont vers sainct Martin. LA MERE : Je croy que velle cy qui vient : C'est mon ; pencez que nous dirons. (LA VIGNE, S.M., 1496, 468).

 

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Croire que + verbe au subj. : Lors dist en bas Li chevaliers par maniere de gas : "Je croy qu'il ait oy tous nos debas." Et je li dis : "Sire, n'en doubtez pas, Que voirement Les ay j'oïs moult ententivement Et volentiers..." (MACH., J. R. Beh., c.1340, 105). Vous devés sçavoir que en la ville de Saint Omer se tenoit uns moult vaillans chevaliers françois, liquels se nonmoit mesires Joffrois de Cargni, et croi que il soit as armes campegnois. (FROISS., Chron. D., p.1400, 861). ...la gaitte qui perchut la navie des Espagnols venir fillant aval vent, dist : "Ho ! Je vois une nef venant, et crei que elle soit d'Espagne." (FROISS., Chron. D., p.1400, 883). Ne de la fin ne vous puis je advouer Ou vous tendez, Ne je ne sçay comme vous entendez L'oppinïon que de ce cas rendez (...). Je croy au fort qu'en esbat le dïez ; Autry s'en deult et vous vous en rïez. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 179).

 

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En incise (Je) croi(s) : Sur toutes flours tient on la rose a belle, Et en apriés, je croi, la violette. (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 79). ...bien pora [ma dame] percevoir Comment Amours, qui m'a en son demainne, A la façon de l'orloge me mainne, Car de mon coer a fait loge et maison, Et la dedens logié a grant foison De mouvemens et de fais dolereus, Onques, je croi, n'en ot tant amoureus (FROISS., Orl., 1368, 85). Creniaulx alees et retrais Y a plains de grant beauté tres ; Pommeaulx dorez et a devises, Banieres sur les maisons mises, Qui au vent en vont voletant, Oncques, je croy, on n'en vid tant Comme il a la, ne de si belles, Ne tant de devises nouvelles. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 108). Si s'en vont au vent, jour et nuit. N'orent esté, croy, des jour .viii. Qu'au port de Troye ilz arriverent (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 31).

 

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[En compar.] : Là estoit l'amiraut le roy, Et si avoit, si com je croy, Avecques li o v. ou vj. Des gentils hommes dou païs, Sans les autres qui escoutoient Par derriere ce qu'il disoient. (MACH., P. Alex., p.1369, 257). Certainement, dist Belotte la Cornue, c'est un tres grant dangier car pour ce que ma mere en menga, j'en ay eu trois taches qui, comme je croy, jamais ne me fauldront. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 84).

 

b)

[À une pers. et/ou à un temps autre que la première pers. du prés.]

 

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"Tenir pour vrai"

 

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Croire que + verbe à l'ind. : Ilz entrerent en la maison et monterent les degrez, et vindrent en la chambre où Trimelien estoit, et tantost ilz mistrent la main à luy et l'amenerent, voulsist ou non, ou palais. Vous poez bien croire qu'il y ot grant presse à lui veoir, car il estoit moult bien cogneus en Londres et en pluseurs lieux en Angleterre. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 56). Cils poetes dont je vous chant Harpoit si trés joliement Et si chantoit si doucement Que les grans arbres s'abaissoient Et les rivieres retournoient Pour li oïr et escouter, Si qu'on doit croire sans doubter Que ce sont miracles apertes Que musique fait. C'est voir, certes. (MACH., Prol., c.1377, 10). Vous devés sçavoir et croire legierement que li rois d'Engleterre gissoit a grans frés et as grans coustages deça la mer (FROISS., Chron. D., p.1400, 297). Une foiz le [malheur] fault essayer A tous les bons en leur endroit Et le devoir d'amours payer, Qui sur frans cuers a prise et droit, Car franc vouloir maintient et croit Que c'est durté et mesprison Tenir un hault cuer si estroit Qu'il n'ait q'un seul corps pour prison. (CHART., B. Dame, 1424, 350). Lesquelles choses j'ay dit, diz et diray ; et prie a chascun de croire que ce ne sont que choses controuvees par l'ancien commun parler des simples gens. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 123). Il eust voluntiers dit qu'il estoit coux. Et creez que si estoit il a ceste heure (C.N.N., c.1456-1467, 260). On vous a baillé, mon filz, la femme d'un tel, et creez qu'il a la vostre (C.N.N., c.1456-1467, 341). Et croyez, Monseigneur, que je congnoys bien le grant honneur que Dieu a voulu que me ayez fait. (BUEIL, II, 1461-1466, 184). Et croyez seurement que cruaulté ne valut oncques riens et en la fin il en vient tousjours mal ; car, ung homme sans pitié, Dieu n'aura jamais pitié de lui. (BUEIL, II, 1461-1466, 251). Croire Dieu est croire que Dieu est. (Somme abr., c.1477-1481, 99).

 

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[En cont. nég. ou employé avec pouvoir] : ...et puis que douceur est en li, Franchise y doit bien estre aussi ; Pour ce ne croiroit a nul fuer Que pitié ne fust en son cuer. (MACH., D. verg., a.1340, 39). On puet bien croire qu'einsi soit Que, se pluseurs gens chevauchassent, A fin que point ne m'araisnassent, Et aucuns bien en congneüsse, Que ja ne m'en aperceüsse, Tant y avoie mis ma cure. (MACH., J. R. Nav., 1349, 155). Mitres et croces et abis D'or, de perles et de rubis Et d'autres pierres richement Faictes, et li beau parement, Qui la sont, pour parer autelz, Nulz ne croiroit qu'ilz fussent telz (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 139). Pompee (...) Mis en paix et pors, et passages, Receup les fois et les hommages, Vers Arabe et puis vers Assire, Et vers Phenice, adont se tire, A si grant host qu'a peine creust Homme que tant de gent y eust. (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 23). Sur quoy la Court a respondu et dit que ledit cas est un des mauvais cas qui pieça avenist ou royaume et de très mauvais exemple, et ne croioit pas la Court, ne ne croit que ledit conte eust volu faire ne perpetrer si mauvais et si dampnable cas, attendu le sanc et linage dont est le conte descendu (BAYE, I, 1400-1410, 284).

 

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Croire qqn/qqc. estre... : Et pour ce, est ce bien raisonnable chose de soy abandonner aus anciens et maismement a crere les paroles de nos anciens peres estre vraies, et que des choses qui ont mouvement aucune soit divine et immortelle (ORESME, C.M., c.1377, 274). Le premier, croire Dieu estre, et le tiers, croire a Dieu et a ses paroles, apartient et est commun aux bons et aux mauvais (Somme abr., c.1477-1481, 100).

 

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Le croire : Mais le Caire est une cité si merveilleusement grande et si merveilleusement peuplée de Sarrazins, et si y a assés d'aultres gens que nul ne le pourroit croire s'il ne l'avoit veue. (Voy. Jérus., c.1395, 59). ...adont s'espardirent les nouvelles en pluisseurs lieus aval la ville de Calais que li rois d'Engleterre avoit esté en celle besongne. Li auqun le creoient et li aultre non ; et en la fin tout le crurent Englois et François, car il le sceurent de verité. (FROISS., Chron. D., p.1400, 872). ...car, en pou de temps, il subjugua, vainquit et desconfist ses adversaires, recouvra et remist en sa main les diverses parties de sa terre et seigneurie, qui à tort lui estoient usurpéez par ses anciens ennemis, et reintegra sa couronne en si pou de temps que penser d'homme ne le pourroit croire ne entendement concepvoir ou comprendre suffissamment (BUEIL, I, 1461-1466, 28).

 

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C'est chose legere à croire : Vous devés sçavoir, et c'est cose legiere a croire, que de toutes ces besongnes, de ces aliances des Alemans et des sejours que chil signeur d'Engleterre faisoient en Valenchiennes, et de l'estat que il i tenoient, li rois Phelippes estoit enfourmés. (FROISS., Chron. D., p.1400, 260). Vous devés sçavoir, et c'est cose posible et legiere assés a croire, que il n'est honme, tant fust presens a celle journee, ne euist bon loisir de aviser et imaginer toute la besongne ensi que elle ala, qui en sceuist ne peuist recorder, de la partie des François, bien justement la verité. (FROISS., Chron. D., p.1400, 726).

 

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C'est bon à croire que + verbe au subj. : Il deüst avoir mesuré L'estat dou gent corps honnouré De celle dame souvereinne ; Qu'en tout le crestïen demeinne N'a homme, s'il la congnoissoit, - C'est bon a croire qu'einsi soit - Qui hautement ne l'onnourast Et qui de lui ne mesurast Humble et courtoise petitesse Au resgart de sa grant noblesse. (MACH., J. R. Nav., 1349, 261).

 

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Il est à croire que + verbe à l'ind. : S'il failloit par ton livre infame Pitié d'entre dames bannir, Autant vauldroit qu'il ne fust ame Et que le monde deust finir. Puis que Nature s'entremist D'entailler si digne figure, Il est a croire qu'elle y mist De ses biens a comble mesure. (CHART., E. Dames, 1425, 365). Car il est à croire et est chose vraye que ceulx qui ayment Dieu et ont bonne cause et sont repentans et confès de leurs pechiez, finablement auront victoire de leurs ennemiz, comme il appert ou livre des Levites, ou xxvie chappitre. (BUEIL, II, 1461-1466, 73).

 

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En incise : ...n'estoit pas, creez, son engin oiseux, mais labouroit a toute force pour fournir la promesse a son serviteur (C.N.N., c.1456-1467, 183).

 

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Empl. abs. : Car aucuns incontinenz ont telz opinions de quoy ilz ne doubtent en rien, mais cuident savoir certainement ce de quoy il ont opinion. Et donques qui diroit que ceulz qui ont opinion font contre tel opinion plus que ceuls qui ont science pour ce qu'il croient foiblement, ce ne suffist pas. Car, quant à ce, il n'a difference entre opinion et science. Car aucuns croient et se aherdent aussi fort et non pas mains as choses de quoy il ont opinion comme les autres font a celles de quoy il ont science. (ORESME, E.A., c.1370, 371).

 

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[Le locuteur présente comme erronée l'opinion qu'il rapporte] "S'imaginer"

 

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Croire que + verbe au subj. : Car tu penses et ymagines, Ce m'est vis, songes ou devines, Qu'elle pas n'entende ou congnoisse L'amour qui en ton cuer s'engroisse, Et crois qu'elle ne voie goute. Mais si fait (MACH., R. Fort., c.1341, 66). Mais aucun est qui excede et ist hors de droite raison pour cause de la passion de concupiscence, car tele passion le seürmonte en tant que elle le fait ouvrer non pas selon droite raison mais elle ne le seürmonte pas, en tant que il soit telement disposé que il cuide et croie que il conviengne parsuir teles delectacions senz ce que nulle en doie estre devee ou deffendue. (ORESME, E.A., c.1370, 394). Quant l'enfent fu auques percreu, Com cil qui toudis ot creu Que le pastour son pere fust Et que sa femme porté l'eust, Leur bestes menoit en pasture, Chacun jour, mais a sa nature Sperticus retray, sanz faille, Car, de façon, de corps, de taille, De maintien, de corps et d'arroy Bien sembloit estre filz de roy (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 194). Que de dueil ait le cuer nercy Qui ja croira, comme tu fais, Qu'oncques dame fust sans mercy ! (CHART., E. Dames, 1425, 363).

 

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C'est folie à croire que + verbe au subj. : Se ne me porroie tenir D'aler a li [ma dame], ne ne vorroie, Pour tant que de vray sentiroie Que ma dame le penseroit ; Dont, quant elle me manderoit, Ce seroit bien folie a croire Que point en vosisse recroire. (MACH., J. R. Nav., 1349, 160).

 

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Il n'est pas à croire que + verbe au subj. : Doncques n'est il mie a croire que Dieu ordonnast a ses officiers de faire choses deshonnestes et malvaises, ne aussi le peupple ne fait mie voullentiers seigneur qui les doive oultre justice grever ne oppresser. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 15). Et se l'avair, par quelque cause, est amoureux, n'est point a croire que ce ne soit de meschant et vile chose, pour ne avoir cause de riens despendre. (LA SALE, J.S., 1456, 22).

 

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Croire qqn/qqc. + inf./adv. : Et pour ce, mon seigneur, je dis que paix doit estre desiree et cerchee dilligement et ne croire point de honte la ou est le commandement de Dieu ; car, qui a son tort la refuse, Dieu est contre lui (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 11). Et se aucun d'eulz [les époux] ignore, adont l'un creant l'aultre avec qui il a contrait mariage estre sans loyen de mariage, il porra estre avec celle ou cellui aprez la mort de l'homme legitime ou de la femme legitime, et ce pour la bonne foy que il a eu. (Sacr. mar., c.1477-1481, 64).

 

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Croire + inf. : Et, comme on treuve en mains dictiez, Ces enfens furent alaictiez D'une louve, qui les nourri Et de peril de mort gari, Mais, a droit voir dire, un pastour Fostis nommé, qui la entour Reppairoit, les en emporta Et sa femme les alaicta ; Et, quant furent grant et parcreu, Estre filz au pastour ont creu (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 177).

 

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[Tours factitifs]

 

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Faire croire (à qqn) que + verbe à l'ind. : Le menteur, que souvent on treuve En mençonge, par longue espreuve, Quant voir dit d'aucune aventure, On ne le croit, car sa nature Ou longue accoustumence croire Fait aux gens qu'il ne saroit voire Chose dire (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 49).

 

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Faire croire (à qqn) que + verbe au subj. : Le dous regart et la face polie De la tres bele à qui je sui amis Croire me font qu'elle me soit amie. Mais trop suis fols, rudes et mal apris, S'en dous regart me fie n'en dous ris, Car en son cuer truis et voy le contraire (MACH., L. dames, 1377, 188).

 

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Faire/donner à croire (à qqn) qqn estre/adv. : Biaus amis, par merencolie M'avez tenté de moquerie De bourde, et de parole voire, Quant vous me donnastes a croire Ma dame loing par bel mentir. Il me plut moult bien a sentir Le vray de ce que vous mentistes, En ce qu'après le voir deïstes, Que ma dame estoit assez près. (MACH., J. R. Nav., 1349, 161). Chascuns sa parole recite Des faiz presens et trespassez ; Jamais n'en seroient lassez, Tant qu'ilz font bien par leur parole Croire bonne femme estre fole, Et la bonne par leur parler Font ilz bien en l'empire aler (DESCH., M.M., c.1385-1403, 285).

 

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Faire croire (à qqn) de + inf. : Se amans aux biens passez regardent, Tant moins en ont et plus en ardent, Car amours loirre Les cuers comme faucon au loirre, A qui l'en fait souvent a croirre De donner ce qu'on veult accroirre. ["qu'on donne ce qu'on ne veut que prêter"] (CHART., L. Dames, 1416, 247).

 

3.

[P. méton. de l'obj.] Croire qqn. "Ajouter foi à ce que dit qqn" : Car un bon ami ne creroit pas de legier nul qui deïst mal de son amy lequel il a par lonc temps esprouvé et ne croira ja telz diseurs (ORESME, E.A., c.1370, 421). Se vous ne me creés ou ne m'entendez, je le vous declereray. Chascun jour, voir presque chascune heure, le Saint Esperit quiert entrer dedens l'ostel de nostre ame. (GERS., Pent., p.1389, 76). "Se ilz ne croyent Moyse et les prophetes, respondit Dieu, et se aucun ressuscitoit, ilz ne le croyroyent mie." (GERS., Déf., 1400, 241). Le menteur, que souvent on treuve En mençonge, par longue espreuve, Quant voir dit d'aucune aventure, On ne le croit (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 49). Certes ! On ne me croiroit pas, Se de ce lieu, les grans richesces Toutes comptoye et les nobleces ! (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 259). ...vous sçavez que le pouvre prisonnier vous confessa loyalment qu'il n'avoit point de dame advisee pour servir, dont je le croy mieulz que autrement. (LA SALE, J.S., 1456, 13).

 

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Estre cru : Une partie, comme vous scavez, ne doit mie estre tost creue ou receue sans ouyr l'autre : audi partem etc... (GERS., Déf., 1400, 222). Le plus secret veult bien qu'on die Qu'il est d'aucune mescreüz, Et pour riens qu'omme a dame die Il ne doit plus estre creüz. (CHART., B. Dame, 1424, 357).

 

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[Avec un compl. de propos] Croire qqn de qqc./en croire qqn : S'il est einsi, je tien mon fait seür, Et vraiement, assez m'en asseür, Car ja li dieu ne me seront si dur Que bon memoire N'aient des maus que pour ma dame endur, Et bien scevent que je l'aim de cuer pur, Et se je di que je l'aim, ou j'en jur, Qu'on m'en doit croire. (MACH., F. am., c.1361, 177). Tant ay perdu confort et esperence, Joie et solas, sans nul bien recevoir, Que je n'ay mais fors qu'en la mort fiance, Car Fortune, qui trop me fait doloir, De moy grever fait tous jours son pooir, Dont j'ay cuer teint et viaire pali. S'on ne m'en croit, si pert il bien à my. (MACH., L. dames, 1377, 182). Et qui ne m'en croira s'i voise Veoir ; il trouvera a plain Que le noble cuer hault et sain Les euvres des femmes n'enquiert, Mais ignorance en leurs faiz quiert Plus qu'il ne doit faire science (DESCH., M.M., c.1385-1403, 290). ...pour ce que les faulz apostres le [saint Paul] vouloyent debouter comme ung homme sans auctorité, affin que on ne le creust de riens, il fut contraint de dire par quelle et de quelle auctorité il preschoit l'Evangile et la foy qui luy estoit revelee. (GERS., P. Paul, a.1394, 502). Et tout che que il disoit, estoit bourde, car jamais ne l'euist fait ; et bien le creoient de ses paroles Ambrosins et mesires Joffrois. (FROISS., Chron. D., p.1400, 862). Qui me dit que je suis amee, Se bien croire je l'en vouloye, Me doit il tenir pour blamee S'a son vouloir je ne foloye ? (CHART., B. Dame, 1424, 356). C'est ma foy ung fort baveur. Ne le croyez pas de tout ce qu'il vous dira. Car c'est ung tel menteur que ce jouvenceau qui fut à l'amiral de Bueil. (BUEIL, I, 1461-1466, 219).

 

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Croire qqn que : ...et qui prendroit plaisir a tant de malgracieuses parolles qu'elle me dist, pour ce que ne ly dy qui est ma dame, et a ses femmes aussi, et ne me veult point croire que je n'en aye ne veulle avoir nulle ? (LA SALE, J.S., 1456, 64).

 

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Ne me croyez jamais si. "N'accordez plus jamais foi à ce que je dis si ce que je dis ici n'est pas vrai" : Lors s'en repairent ensemble a Poictiers, et vont compter au conte et a sa mere ceste merveilleuse adventure. Lors dist la dame : Ne me creez jamais se Remondin n'a trouvé quelque aventure en la forest de Coulombiers, car elle est forment adventureuse. Par foy, dist ly contes, ma dame, je croy que vous dictes verité, car j'ay ouy dire que a la fontaine de dessoubz icellui rochier, a l'en veu advenir de maintes merveilleuses adventures. (ARRAS, c.1392-1393, 34). Si dist la dame : "Monseigneur, jamais ne me creez se ce perier n'est d'enchantement ou d'euvre de faerie. J'en suis en grant mrencolie ; se j'estoye assez forte, g'y monteroye et verroye comment il en est." (Nouvelles inéd. L., p.1452, 29).

 

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Croire qqn par son serment. "Admettre que qqn dit la vérité lorsqu'il déclare qqc. sous serment" : Ne aussi ne sera pas creuz d'une prise des champs s'il ne le prouve, et le messier ordonné aux champs sera creuz par son serement. (Chartes communes Bourg. G., t.1, 1371, 359). Item, voult et ordena le dit testateur que toute la mise et despense que maistre Aymery du Buisson, en l'ostel duquel il avoit esté et estoit malade des le jour qu'il avoit esté blecié, soit paiée bien et loyalment, et que de toute ycelle, tant en mires et medecins comme en despense de bouche, de serviteurs, et aussy en la poursuite de faire prendre les malfaicteurs qui l'avoient batu et navré, le dit maistre Aymery soit creu par son serment, sanz neccessité d'en faire autre preuve. (Test. Parlem. Paris T., 1405, 416). Item, [elle] ordenna que toutes personnes qui luy doibvent soient creus par leurs sermens des paies qu'ilz diront aveoir faict et affermeront. (Invent. test. beauv. L., 1431, 67). LE JUIF. Sans plus faire de contredit, Viengne a l'autel sainct Nicolas Et qu'il en jure sur ce cas. Je le croiré par son serment. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 119).

 

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Prov. : On ne doit pas croire chascun (Prov. H., 86).

II. -

Empl. pronom.

A. -

[Idée de confiance]

 

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Empl. pronom. réciproque "Se faire confiance" : Quant uns amans et une amie, Conjoint par volenté onnie, Se sont par amours acordé, Et leur acort bien recordé Entre euls deus si fiablement Qu'il viennent amiablement Et si entierement se croient Que d'euls croire point ne recroient, Or puet il estre qu'il avient Que de neccessité couvient Que d'euls soit faite departie (MACH., D. Aler., a.1349, 398).

 

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Empl. pronom. réfl. Se croire. "Se faire confiance" : N'avons nous pas du roy Assuerus, qui fut moult courroucé et alumé de fureur, ne se voult pas croirre mais manda son conseil (JUV. URS., Verba, 1452, 312).

 

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S'en croire à qqc. "Faire confiance à qqc." : Item, aucuns appetent et desirent estre honorés des bons qui sont vertueus et sachans afin que la propre opinion que il ont de eulz meïsme soit affermee et confermee. Car il ont grant joie d'estre bons et ilz s'en croient au jugement de ceuls qui sont bons et sages et qui le dient. (ORESME, E.A., c.1370, 429).

 

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Je m'en croi(s). "J'en ai la conviction" : En amer n'a que martire, Nulluy ne le devroit dire Mieulx que moy ; J'en sauroye, sur ma foy, De ma main ung livre escripre, Ou amans pourroient lire, Des yeulx larmoyans sans rire, Je m'en croy (CH. D'ORLÉANS, Chans. C., c.1415-1440, 250). On s'en puet rapporter a moy Qui de vivre ay eu beau loisir, Pour bien aprendre et retenir, Assez ay congneu, je m'en croy (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 463).

B. -

[Idée de foi] Se croire en

 

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[En une divinité] : ADRIEN. Jour que vive, en nulle saison Les ydoles n'adoreray Ne en voz dieux ne me croiray (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 96).

 

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[En un dogme, un article de foi] : Je m'y croy tout, ne plus ne mains, En ce sacrement de noblesse Que la vierge, nostre maistresse, L'enfenta virginallement. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 653).

III. -

Part. prés. en empl. adj. ou subst.

A. -

Empl. adj.

 

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Estre croyant (en qqc.). "Avoir la foi" : Dous Jhesucrist, en qui je sui creant, Ensengniez moy la voie con m'ame iray sauvant. (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 140).

 

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Estre croyant que. "Avoir la conviction que" : Mez il leur respondy qu'i n'en feroit naient, Car bien estoit creant que, plus aroit torment En se monde sa jus, plus seroit hautement Asis en la grant joie qui est sans finement. (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 161).

B. -

Empl. subst. "Celui qui a la foi" : ...ou Fait des appostres est il dit de la multitude des creans : C'estoit un cuer et une ame. (Mir. st Val., c.1367, 122). ...il [Caton] se osta le don de la vie ; laquelle chose (...) par les ordenances des loiaux croians est deffendue (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 198). Maiz c'est par telle preminence que tous ses pointz sont a la gloire et exaltation de celui qu'ilz croient, et a l'onnesteté et prouffit des vrais croians. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 128).

IV. -

Inf. subst. "Fait d'admettre pour vrai" : ...et, se publiques exhortacions te ont de ce meu, je m'en rapporte aux publieurs du dire et a toy du croire, si en demeure le tort a qui il devra, mais de la mauvaise affection vient l'aveuglee et legiere creance et se peut aidier a decevoir par parolles d' autruy qui dedans soy mesmes est desja corrumpu par mauvaise pensee. (CHART., Q. inv., 1422, 42). Le conseil que vous me donnez Se puet mieulx dire qu'exploicter. Du non croire me pardonnez, Car j'ay cuer tel et si entier Qu'il ne se pourroit affaictier A chose ou Loyauté n'acorde ; N' autre conseil ne m'a mestier Fors pitié et misericorde. (CHART., B. Dame, 1424, 349).
 

DMF 2020 - Synthèse Corinne Féron

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