C.N.R.S.
 
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     CHÂTEAU     
FEW II-1 468a-469b castellum
CHASTEAU, subst. masc.
[T-L : chastel ; GDC : chastel ; AND : chastel1 ; DÉCT : chastel ; FEW II-1, 468a-469b : castellum ; TLF : V, 598b : château]

A. -

"Construction fortifiée"

 

1.

"Résidence fortifiée d'un seigneur et de son entourage" : Mon seigneur, huy a quinze jours Que vous promistes a venir En ce chastiau la pour tenir Voz assises. (Mir. enf. ress., 1353, 42). Mais il le prist par la ventaille A force dedens la bataille Et le mena a Bruguelis, Son chastel, ou n'a fleur de lis, Car il y fait froit en esté. (MACH., C. ami, 1357, 106). Si que d'ilueques nous levames Et vers son chastel en alames, Qui est li plus biaus, a voir dire, Qui soit en France n'en l'Empire. (MACH., F. am., c.1361, 240). Si vous vueil desormais commencier la vraye histoire des merveilles du noble chastel de Lisignen en Poictou, et comment ne par quel maniere il fu fondez. (ARRAS, c.1392-1393, 15). Remondin, et ses oncles, et ses enfans, et les plus prouchains de son lignaige, logierent ou chastel, et les autres au bourc. (ARRAS, c.1392-1393, 69). Il rompt la cire, et voit comment le roy lui mande comment il mette la ville toute ens ou commandement des deux freres, et qu'il commande a toutes les forteresces, villes, bours, chasteaulx, pons, pors et passaiges (ARRAS, c.1392-1393, 98). ...et avoit fait pourveir et rafresqir tous les castiaus de Cambresis de bonnes gens d'armes (FROISS., Chron. D., p.1400, 313). Qant il se deubrent departir de Monstruel Bonnin, il ardirent la ville, mais i retinrent le castel pour euls (FROISS., Chron. D., p.1400, 765). Ou est une noble maison en France qui se puisse dire quitte dez dangiers de prison, ou exempte dez douleances de nouvelle mort ? De toutes pars lez chasteaux sont habités de veufves esplourees ou de desoleez femmes de prisonniers, les seigneuries sont en mains d'enfans et d'orphelines. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 80). Si advint que, la nuyt venue, les compaignons prindrent leur harnois et en la compaignie du Jouvencel vindrent à la porte du chastel et firent abaisier le pont (BUEIL, I, 1461-1466, 64). Affin de vous dire content, Prenez en gré pour maintenant, Tousjours aurez de mes nouvelles En mes chasteaulx et mes tourelles, Et nottez, a mont et a val, Que je suis vostre principal Qui vous ay tousjours entretenu. (Sots gard., a.1488, 114). Toutesfoiz Dieu, qui ordonne de tel mystère, voulut que le costé où se trouva ledict conte, qui estoit à la main droicte vers le chasteau, vainquist, sans trouver nulle deffence (COMM., I, 1489-1491, 28).

 

-

[Les résidences fortifiées deviennent souvent des forteresses militaires confiées à un officier, alors que les propriétaires habitent ailleurs] : Ledit XXVJe jour, J. de Villette, escuier, commiz à gouverner de par le Roy le chastel de Conflans, contentieus entre le connestable, d'une part, et les enfans de la Tremoille, d'autre part, et a fait le serment que à nulle desdictes parties n'avera plus de faveur que à l'autre, et à nul ne le rendra, sinon par le commendement ou mandement de la Court de ceans, qui lui taxera ses gages telx que de raison. (BAYE, I, 1400-1410, 336).

 

2.

"Forteresse publique servant d'habitat collectif, temporaire ou permanent, place fortifiée" ( (Cl. Gauvard, A. de Libera, M. Zink, Dict. Moy. Âge, 2002, 274, s.v. château)) : Et voirement ilz y feussent alez, mais ainçoiz qu'ilz feussent levez du disner, le chastel fu tout esmeü et se leva la noise et la crÿee moult effreement, car le conte estoit venu fourrer et avoit ja toute la proie saisie et prinse, et par especial celle qui estoit demouree es foraines rues du chastel. (Bérinus, II, c.1350-1370, 114). Et puis après au traicté tindrent Que la conté, ville et chastel De Poitiers, qui fut fort et bel, Tout Poitou, le fiest de Thouart Et Belleville de sa part, Et encor autres villes maintes, La cité et chastel de Sainctes (...) Lui fut puis livré, et Lymoges (DESCH., M.M., c.1385-1403, 383). Dedens cedit chastel [de Rhodes] est l'Ospital de saint Jehan que l'en appelle l'Enfermerie, ouquel povres et riches sont noblement gouvernés quant ilz sont malades. (Voy. Jérus., c.1395, 9). ...il vinrent jusques a une bonne ville, grose et rice, et port de mer, qui se nonme Chierebourch. Si en ardirent et reuberent une partie, mais dedens le castiel il ne peurent entrer, car il le trouverent trop fort et bien pourveu de bonnes gens d'armes et arbalestriers (FROISS., Chron. D., p.1400, 679). Aprez que ceste ville fut prise, le duc Baudouyn fit une entreprise et par certains moyens print une ville dont le chasteau se tenoit. (BUEIL, II, 1461-1466, 115). Capitaine, c'est grant folye De voloir cecy entreprandre ; Je scay que nous ne passerons mie Et nous peut venir grant esclandre, Peut estre nous faire tous pendre ; Qu'i n'est bourc, chasteau, forteresse, Ou ne seront gens pour nous surprendre Et faire morir a destresse. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 352). Tout est perdu, tout est par eulx destruict, Rien ne demeure en chasteau në en ville, De tous les biens que nature produyt Ilz font a eulx tout subject et serville (Cene dieux, c.1492, 109).

 

-

[Association fréquente mais non lexicalisée : fort peut être doublé par beau, merveilleux...] Fort chasteau : La esprouvoit il son barnage Et s'en ala sans nul sejour, Tant qu'il vint a un certein jour En un lieu de certeinneté Ou il avoit son cuer geté, Pour un fort chastel assegier. (MACH., D. Aler., a.1349, 313). Et quant cis os fu bien logiés Et cis fors chastiaus assegiés, Lors venirent au roy nouveles Qui ne furent bonnes ne belles (MACH., D. Aler., a.1349, 314). Quant ce fu fait, le pere chastia son filz et lui commanda qu'il se gardast songneusement de tous les barons de la terre et qu'il ne leur laisse avoir forte tour ne fort chastel, mais les plaines terres sanz plus, et leur tiegne le pié sur le col, par quoy ilz ne puissent reveler (Bérinus, I, c.1350-1370, 201). Et reconquisent toutes les forterèces que li Englès tenoient, hors mis le bonne cité de Bervich, et trois aultres fors chastiaus qui leur faisoient trop grant anoy et souvent. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 50). ...a l'entrée par devers Jasfe a ung fort chastel bien fermé de pierre taillée et de bonnes tours, et l'appelle l'en le "Chastel David ". (Voy. Jérus., c.1395, 44). Les pluyes, les nèges et grelles, Par l'influence des Estelles, Et plusieurs foiz tel cours de vent, Qui par grant force va grevant Mains fors chasteaulx et beaulx moustiers, En faisant mains autres dangiers. (LA HAYE, P. peste, 1426, 8). ...lequel fut (...) et emmené prisonnier en ung fort et merveilleux chastel (JUV. URS., Nescio, 1445, 486). Puis, le duc d'Ath se retira en fors chasteaulx et fortes places et quist alliances de princes voisins ad ce qu'il peust. Mais le Jouvencel trouva manière d'entrer en ung fort chasteau où estoient tous ses gouverneurs (BUEIL, II, 1461-1466, 250). ...lequel luy avoit baillé ceste place entre ses mains pour ce que sa maison, appellée Clery, estoit près, laquelle ledit messire Guillaume Bische avoit acquise et y avoit fait ung fort chasteau et beau (COMM., II, 1489-1491, 182).

 

Rem. Distinguer entre eux les édifices fortifiés appelés chasteaux n'est pas toujours aisé. Cf. entre autres, J. Favier, Dict. de la Fr. médiév. 1993, 257-260, et Cl. Gauvard, A. de Libera, M. Zink, Dict. Moy. Âge, 2002, 274-276.

 

-

"Citadelle" : Paris, entre lui et sa gent, L'en menerent par mer nagent A Troie ou fu sa mansion Dedens le chastel d'Ylion. (MACH., C. ami, 1357, 95). Qu'est devenue Babillone, qui fut edifiee de matiere artificieuse pour plus durer aux hommes, et maintenant est habitee de serpens ? Que dira l'en de Troye la renommee et la tresriche, et de Ylion, le chastel sans per dont les portes furent d'ivoire et les columpnes d'argent, et maintenant a paine reste le pié des fondemens que les haulx buissons forcloent de la veue des hommes ? (CHART., Q. inv., 1422, 3).

 

.

Au plur. Esmouvoir les chasteaux. "Lever le camp" (Trad. du lat. movere castra) : ...une nue s'esleva du tabernacle d'aliance, et les filz d'Israel passérent ou desert de Synay, et esmurent les chastiaux aux conmandemens de Dieu. (Mir. st Ign., 1366, 72).

 

3.

"Résidence fortifiée utilisée comme prison" : Et là fu mis par tel couvent Qu'onques puis dou chastel n' issy, Eins y fu mors en grant sousci. (MACH., P. Alex., p.1369, 252). Si demora la cose en cel estat, et fu de premiers mis ou chastiel dou Louvre, et là gardés bien songneusement. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 85). Congnut avec ce, que depuis ladite responce par lui faite, il a esté prisonnier oudit Chastellet jusques environ un an a, et que par mesdiz seigneurs il fu envoyé prisonnier ou chastel de Montlehery, ouquel chastel il qui parle, par le moyen de Sohier, qui tenoit un coustel en sa main, duquel il vouloit ferir lui qui parle, se parti dudit chastel à l'ayde d' icellui Sohier (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 390). Tantos apriés celle justiche faite, li rois d'Engleterre, par le consel qu'il ot, fist madame sa mere envoiier en .I. castiel et la tenir sans point issir de la pourprise. (FROISS., Chron. D., p.1400, 186). Et tant a esté fait que ledit des Essars, qui s'estoit retrait oudit chastel de S. Antoinne (...) est demouré prisonnier oudit chastel, comme l'en dit. (BAYE, II, 1411-1417, 108). Et lequel d'Alençon, depuis le temps de lors jusques au trespas dudit feu roy Charles, fut tenu prisonnier ou chasteau de Loches (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 188). Et, le jeudi XXVIIIe jour de decembre, oudit an IIIIcLXXV, environ l'eure de six heures de nuit, monseigneur d'Alençon, dont est parlé devant, et qui avoit esté longuement detenu prisonnier ou chasteau du Louvre, en fut mis dehors par la permission du roy, qui octroya à ses gardes que on le meist en ladicte ville en ung hostel de bourgois, où ilz verroient estre bon. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 4). Monsieur le bailly, j'ay entendu qu'Anthoine Percane, ung de mes serviteurs, lequel estoit prisonnier deteneu au chastel de Chaumont, don avoit requis qu'il fut eslargi, pour estre innocent du faict qui luy avoit esté imputé par aulcuns ses hayneulx, comme a esté bien recongneu depuis, ne voyant adriver son eslargissement, a brisé sesdictes prisons et s'en est enfouy. (COMM., Lettres B., c.1476-1511, 117). ...et fut mys le roy Henry VIe, qui avoit esté couronné roy de France et d'Angleterre à Paris, en prison au chasteau de Londres et declairé traistre et crimineulx de lèse majesté (COMM., I, 1489-1491, 53). Cestui fut à la prinse du conte Ferrand de Flandre, qui puis fut mis en chappe de plom au chastel du Louvre à Paris, comme est dit devant. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 128 r°).

 

4.

HÉRALD. "Figure stylisée représentant un château" : Chasteaulx, tours et tourelles ont vne mesme senefiance et senefie que cellui qui premier porta chastel en armes estoit fort et grant et puissant (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 507). Cieux ot .I. escu d'or a .III. castiaux massiz De geulez qui y sont moult ricement assis. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 185).

 

5.

[Dans un jeu] "Case de départ sur le tablier" : C'est un jeu de guerre partie - quinze de chascune partie De deux coulours qui les champissent De II chasteauls en un champ yssent - Dont merveilleuse est l'industrie (LE FÈVRE, Vieille, trad. De vetula H., a.1376, 111).

B. -

[Dans une compar.ou comme métaph.]

 

1.

[Dans une compar.] Fort comme chasteau sur roche/sur motte : La cinquisme fu appellée Foy, qui richement endestrée Estoit de Constance la ferme Qui si l'affermoit et afferme Que riens ne la branle n'esloche, Eins estoit com chastiaus sus roche, Fort et ferme et seürement, Sans variable mouvement. (MACH., J. R. Nav., 1349, 179). Messires Briemons de la Vote Estoit là com chastiaus sus mote ; Fors et fermes et deffensables, Plus que Gauvains li combatables. (MACH., P. Alex., p.1369, 73). Li roys qui ja bien le savoit, Son commandement fait avoit Au noble prince d'Entioche, Qui est fors com chastiaus sus roche, En batailles fermes, seürs, Sages, avisiez et meürs... (MACH., P. Alex., p.1369, 137).

 

2.

[Comme métaph.]

 

-

"Ce qui constitue un rempart, une protection" : Item, de nostre cuer nostre corps qui est le chastel, dont il [Dieu] nous avoit baillié la garde et nous l'avons livré a son ennemi, c'est le Deable d'enfer, quelle excusacion arons nous? (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 16). La bouche est la porte par ou le Deable entre ou chastel pour soy combatre aux bonnes vertus, et y entre par les faulx traitres seigneurs Gloutonnie et Male Langue qui laissent la porte de la bouche ouverte au Deable. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 44).

 

.

Prov. Il n'est si fort chasteau que de paix. "Il y a pas de meilleur rempart que la paix" : ...Et tout a une fois cascuns mercy li prie [au roi] Pour Jourdain le vassal qui viers lui s'umelie, Par coy le guerre puis d'iaux .II. estre apaisie, Car n'est sy fors castiaux que de paiz, coi c'on die ; Ou pais est, Dieu demeure. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 457).

 

-

Estre (le) chasteau de/à qqn/qqc. "Être celui, celle qui défend, protège qqn/qqc." : Tous mes confors Estoit en li ; c'estoit tous mes depors, Tous mes solas, mes deduis, mes tresors ; C'estoit mes murs, mes chastiaus, mes ressors. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 63). Je sui de leur estroit conseil ; Je les deffen ; je les deporte ; Je les secour ; je les conforte Contre Desir qui les assaut Et fait maint dolereus assaut ; Je leur sui chastiaus et fortresse (MACH., R. Fort., c.1341, 78). Là se combat si durement D'une hache bien enferrée Que riens à ses cops n'a durée. Il est chastiaus, il est fortresse A ses gens (MACH., P. Alex., p.1369, 94). C'est de l'Eglise li chasteaux et la tours (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 192). Vous debvez estre le chastel et le fort où tous les aultres se doibvent rassembler et fortiffier (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 252).

 

-

[À propos de la Vierge] : Autre chastel n'ay ne forteresse Ou me retraye corps ne ame Quant sur moy court malle destresse, Ne ma mere, la povre femme. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 78).

 

3.

Loc. Chasteau en Espagne. "Fief attribué à un chevalier en terre sarrazine, qu'il fallait ensuite conquérir de haute lutte" d'où, avec valeur d'antiphrase, "beau cadeau (ici, une campagne militaire difficile)" : Et li roys li a dit : "il a ens .j. garchon Qui a mise la ville en grant discention : Il a mort le mien homme, qui Thiéris ot à non ; Tout li ont fait hommage, li prince d'environ. Or, vous i faut aler et o vous mi baron." "Sire," dist Baudewins, "vous me donnés biau don ! .j. chastel en Espaigne, tant qu'en comparison. Conquerre le m'estoit au fer et au baston." (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 412).

 

-

Au fig. "Projet chimérique, rêve qui se soucie peu de la réalité"

 

.

Faire/forger chasteaux en Espagne : La femme plaine de vins et de viandes et bien paree comme une poupee se gist sur son lit a l'eure de midi. Elle ne puet dormir et si ne veult rien faire (...) et fait chastiaux en Espaingne, et juge de tous partis. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 279). ...et toute iour et nuit font feu contemplant un fournel, mau peus et mau vestus se paissent de vent et la font chastiaulx en Espagne pensant comment ilz seront aise quant l'or scaront faire (CHR. PIZ., Avision T., 1405, 138). ...Maintenant faiz des chasteaulx en Espaigne, Puis me combas a l'empereur d'Almaigne. (HAUTEV., Compl. H., c.1441-1447, 64). Je laisse aux vivans d'amourectes, Qui marchent dessus espinetes, Faire des chasteaulx en Espaigne (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 61). Tout a part moy, en mon penser m'enclos, Et fais chasteaulz en Espaigne et en France (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 320). Vous, comme l'on dit, forgiéz chasteaux en Espaygne promectant choses de l'aultre monde. La mendre de vos parolles est ung miracle. (MARTIN LE FRANC, Estrif D., 1447-1448, 5). Ainsi s'en aloit tout le chemin soy delictant en ses pensees tout ainsi comme cellui qui fait chasteaulx en Espaigne gisant en son lit en Angleterre (Percef. II, R., t.1, c.1450 [c.1340], 212). ...et faisoient batailles, rencontres, destrousses et entreprises par coeur et par pensées, ainsi que on fait les chasteaux en Espagne. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 242). Tantost que Jason se fu retrait et il se fu couchié, lors se presenta en sa memoire le souvenir de sa dame, qui lui aluma un tel feu au ceur qu'il luy sambloit qu'il fust en une fournaise. Il se prinst lors premierement a penser a sa dame. Aprés il se donna a faire chasteaulx en Espaigne. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 139). ...Et me mena [l'oiseau], disant une chanson, Droit au meillieu d'une belle campaigne, Et en faisant gros chasteaulx en Espaigne, Musant, trachant, a grant traveil de corps, Me fit monter une grosse montaine (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 101). Et me feist on mon foing ronger [«S'agit-il d'une erreur (foing pour frain) ou d'un jeu de mots voulu ?» (Éd. n.417, p.296)] Tout a par moy, a ceste enseigne Que je commençay a songer Que faisoye chasteaulx en Espaigne. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 296). Les heures de la nuit comptoye, Sans reposer ne sommeiller (...) Et faisoye chasteaulx en Espaigne ; Puis avoye, a mon resveillier, Belles estuves d'Alemaigne. (Amant cord. M., 1490, 37). ...faisant en Espaigne chasteaulx comme celluy qui plus pense que executer ne peult (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 124). [Un des signes de bonne santé] ...quant il dort bien sans resver ne songer : ou faire chasteaulx en Espaigne (Comp. kal. bergiers C., 1493, 55 v°).

 

.

P. ext. Faire chasteaux en + nom de lieu : ...et selon ce dit on assez souvent que cely que on voit parfondement penser "fait chastiaux en Auvergne", pour les ymaginacions diverses qui en passant sourviennent au devant (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 513). Que vault chose que bouche die, Quant le cuer fait chastiaus en Brie ? (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 127).

 

4.

Prov.

 

-

Il n'est chasteau tel que Provins : Il n'est chasteau tel que Provins. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 195).

 

Rem. À mettre en rapport avec d'autres prov. de Miélot relatifs à des sites célèbres, p. ex. : Il n'est ville se non Dijon. Il n'est palais que en Avignon.

 

-

Prov. Grand cri abat chasteau. "Des dissensions dans une garnison donnent la victoire à l'assaillant" : En bonne garnison Pour fortresse conduire Ne doit division Sa queue faire luire. Sy tost c'on les ot bruire Entre eulx, le cas est tel : On les puet tous destruire : Grant cry abat chastel. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 58).

C. -

P. anal.

 

1.

MAR.

 

a)

"Superstructure élevée sur le pont supérieur d'un navire (à l'avant et/ou à l'arrière)" : ...pour cause de la repparacion de la bastilliere du castel de derriere de sa dicte nef, tant pour boys de Flandre, cleu, haches, linteaux, gons a gouvernail, que pour plusieurs choses neccessaires a icelle nef (Clos galées Rouen M.-C., t.1, 1369, 208). Toutes les autres choses appartenans a la nef, sicomme les tymons et la pompe et la prosne, les chasteaux, les bannieres (...) et toutes les autres choses moralisees au propouz sont largement et clerement declairees en leurs propres chappitres. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 112). Et tenant ceste maniere Nostre Seigneur nous envoya ung glorieux saint que voullontiers lez mariniers invoquent, lequel s'appelle monseigneur saint Helm et se vint mettre sur le panell que les maryniers tiennent au chasteau derriere le nef pour conoistre le vent de quel part vient. (CAUMONT, Voy. N., p.1420, 61). Et, à l'entrée que fist le roy [Louis XI] en ladicte ville de Paris par ladicte porte Sainct-Denis, il trouva une moult belle nef en figure d'argent, portée par hault contre la maconnerie [l. maçonnerie] de ladicte porte dessus le pont levis (...). Et, aux chasteaulx de devant et derriere d'icelle nef, estoient Justice et Equité, qui avoient personnages pour ce à eulx ordonnez ; et, à la hune du mast de ladicte nef, qui estoit en façon d'un liz, yssoit ung roy en habit royal que deux anges conduisoient. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 27). Costé les murs passe la grant riviere (...) Portant basteaulx, tant devant que derriere A grans chasteaulx pour marchandie chere Aux Florentins porter en assurance. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 203).

 

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"Représentation d'un château (sur une nef d'orfèvrerie)" : ...une autre grant nef, assise sur un entablement de maçonnerie dorée et esmailliée à un chastel sur chascun bort (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1353, 307).

 

-

[Dans un contexte métaph., en parlant de Marie vaissel de trinité] : Cors ot de paiz (...) Tref de force, chastel de seigneurie (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 300).

 

b)

"Hune, guérite fortifiée sur le mât" : Et estoient quarante grosses nefs tout d'un train, si fortes et si belles que plaisant les faisoit veoir et regarder. Et avoient à mont ces mas chastiaus breteskiés, pourveus de pières et de cailliaus pour jetter, et brigant qui les gardoient. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 90). Et à le fois regardoit en hault, car il avoit mis une gette ou chastiel de sa nef, pour noncier quant li Espagnol venroient. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 91).

 

-

Chastel du/à mast : ...une nef appelee la nef Sant-Anton avec les appareulx qui s'ensuivent : le tref avec les bonnetes, la vergue et son appareil, les escrins et le bras, quatre caables, les trois nouviaux et l'un usé, trois gresles cordes, une nouvelle, les deux usees, quatre ancres et un hoquerel, (...) le batel et coquet, quatorze avirons, dix et huit escus de douvez de tonnel, deuls haches pour fendre busche et le castel a mast (Clos galées Rouen M.-C., t.1, 1369, 208). Bon est cil qui va l'ancre querre Et en chastel du mast monter (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 71). Li maronnier (...) fissent monter amont ou castiel de leurs mas un effant, asavoir se il veoit nul apparant de siège par mer ne par tière devant Seville. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 138). Qui lors veist monter sur les chasteaulx des mas gens, lances et dardes es poings, et paviser nefs et galees, et atteller canons et arbalestres et sonner trompes et cors sarrazinois, et partir ces galees a force de gens et d'avirons ; c'estoit grant beauté à veoir. (ARRAS, c.1392-1393, 89). Et puis se alla pouzer hault au chasteau du mast [le feu Saint-Elme] et eumes par deux foix celle nuyt ceste tourmente et a chacune dez deux il vint et estoit qu'il sambloit ung torchon alumé que getoit grant resplendeur (CAUMONT, Voy. N., p.1420, 61). Aprés vint ung soir que aucuns mariniers monterent haut sus le chasteau du mast pour veoir si pourroient veoir terre et a une ille qu'ils virent, cogneurent que nous estions en les parties de Barberie pres de Tonys ou le roy sarrazin demeure a meyns de XX milles. (CAUMONT, Voy. N., p.1420, 72). Jourdain fu sur le mas amont en .I. calant, Tant va cestui tonniel de ses convoiant Que plus ne le coisy ne ne va ravisant. Et quant plus ne le voit, d'angousse va paumant, Ens ou castiel du mas va sur le fons queant. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 375).

 

2.

"Petite construction en bois fixée sur le dos des éléphants" : Saudoiers manda et sergens Et s'assamble ses oliphans [le roi Porrus] ; Quatre cens atant les nombrerent, Et trestous sur leur dos porterent De gros marien ung fort chatel Bien garité et fort et bel ; Et sus cestui .XX. homme estoient Qui lances et escus portoient (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 142). Les gens Alixandre couroient, Les chastiaulx du dos leur ostoient [aux éléphants] (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 143). Car ou cas quil [l. qu'il] auroit guerre a aucun autre roy enuiron luy, il feroit monter genz en chasteaux sur ces oliphans pour combatre a ses ennemis. (MANDEVILLE, Voy. L., p.1360, 338). Olephans de chasteaus chargiez, Ou il ot chevaliers logiez, Y avoit a grant quantité (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 226). Et ensi comme il parloit aux Persans, le roy Daire retournoit en sa cité a tout grant multitude de gens d'armes et d'olifans, qui portoient petis castiaulx de bos sur leur dos, ens esquelz castiaus avoit bien quarante hommes d'armes (WAUQUELIN, Faits conq. Alexandre H., c.1450, 212).

 

3.

"Catafalque" : Ses exeques furent faites de teil honnour Qu'il y ot .I. chastel, et desoz et desour Ot-il .XXX. chandelles qui furrent de valour (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 639).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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