C.N.R.S.
 
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 Article 1/2 
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     COUPE-OREILLE     
FEW II-2 colaphus
COUPE-OREILLE, subst.
[FEW II-2, 873a : colaphus]

"À Liège, couvre-feu" : ...por quoy ilh furent en dt palais ensereis del matinée jusques à coporelhe elle nuit (STAVELOT, Chron. B., a.1447, 105-106).

Rem. Doc. 1379 et 1488 ds M.-G. Boutier et P. Bruyère, Mél. J.-P. Chauveau, Strasbourg, 2014, 140-141. Nom d'une cloche à Liège, ibid., 141-142 (doc. 1414, 1422, 1487, c.1490...). Allusion à la menace d'une oreille coupée, si la prostituée et le tenancier de la maison de débauche poursuivent leur activité nocturne.
 

DMF 2020 - DMF 2015 Robert Martin

 Article 2/2 
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     OREILLE     
FEW XXV 988b auricula
OREILLE, subst. fém.
[T-L : oreille ; GD : oreille1 ; GDC : oreille ; DEAF, H599 horraille ; DÉCT : oreille ; FEW XXV, 988b : auricula ; TLF : XII, 604a : oreille]

A. -

"Organe de l'ouïe"

 

1.

"Pavillon de l'oreille" : A ce mot lui getta un coup si grant et si merveilleux que le heaume estincella, et lui abati tout jus la destre oreille de la teste. (Bérinus, II, c.1350-1370, 143). Quant aucun a douleur de sa teste et environ la teste, et sanie ou eaue decoure aux oreilles ou a la bouche, tel flux garist la maladie. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 90). ...l'ypocrite pervers (...) luy mect son baston creux a l'oreille (C.N.N., c.1456-1467, 102). Ainsi m'aist Dieu, que des oreilles, Du nez, de la bouche et des yeulx, Oncq enfant ne resemblast mieulx A pere ! (Path. D., c.1456-1469, 60). Les oreilles sont cartillagineuses et enfractueuses (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.2). Et les autres si les ont longz [les cheveux] - Pource qu'ilz n'ont nulles oreilles [les cheveux cachent les oreilles] ! (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 333). [Cf. ALECIS, I, 85-86, v.213-214 ; note de l'éd.]

 

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[D'une bête] : Lors vint vers moy tout belement Li lions, aussi humblement Com se fust un petit chiennet. Et quant ce vi, je dis : "Bien est." Si li mis ma main sus la teste. Mais plus doucement qu'autre beste Le souffri et joint les oreilles, Dont j'avoie trop grant merveilles Comment une beste si fiere Estoit de si douce maniere. (MACH., D. Lyon, 1342, 170). Et quant li lions l'a veü, Onques n'ot si grant joie eü. Il dressa maintenant la teste Et commensa a faire feste. Moult avoit droites les oreilles ; De sa queue faisoit merveilles. De courir estoit moult engrans ; Il faisoit les saus si trés grans Que durement m'en mervilloie. (MACH., D. Lyon, 1342, 176). ...il clingat l'oireilhe et ovrit la geulle, gratte des piés et puys sy at hennit. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 80). Telle est des bestes la lignhee De se pays dont sommes nous. Presque toutes portent veloux Et sur leurs cornes grans orelhes. (Pass. Auv., 1477, 142).

 

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Oreille d'asne : Et Phebus aveques li harpe Bien et doucement de sa harpe, Et d'autre part Pan freteloit, Qui dieu des bestes s'apelloit, Et Midos li sos desprisoit La harpe, et le fretel prisoit, Mais Phebus en prist grant vengence, Car il fist tant par sa puissance Que Midos d'asne oreilles ot ; Mais ses barbiers, qui bien le sot, Maisement son maistre cela, Car il le dist et revela Que Mydos d'aumusses vermeilles Couvroit ses velues oreilles. (MACH., F. am., c.1361, 203). Exemple de Midas lequel son varlet ne pot celer qu'il avoit oreillez d'asne. (GERS., Réf. roy. G., 1405, 1167). Sens Abesty (...) ne debvroit pas estre sours, Car oreilles a comme ung asne (MARTIN LE FRANC, Champion dames I, D., 1440-1442, 66). ...Dont leur est bien appartenant Porter par choses non pareilles Des asnes les grandes oreilles (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 32).

 

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Oreille de vache. "Oreille docile (qui ne réagit pas)" : Après, par oreille de vache Pues-tu entendre, sans falache, Que tu dois ton maistre doubter, Et s'il te laidenge, escouter Sans ce que contre lui t'orgueilles ; Faire lui dois grandes oreilles, Et faire semblant toutesvoies Que tu n'ois adonc, ne ne vois [le serviteur doit être à la fois attentif et discret]. (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 23).

 

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N'avoir pas oreille de veau. "N'être pas stupide" : Je n'ay pas oreille de veau Ne sourde que bien ne l'entende. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 680). [GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 247 (oreille de veau)]

 

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Mettre qqc. en oreille de veau. "Dire qqc. à un veau (en pure perte), d'où négliger qqc., l'oublier" : ...mettre a nonchaloir et en obly, et, ainsi comme l'en dit, mettre en oreille de veel (JEAN DE MONTREUIL, Traité cheval. G.O.O., 1413, 133). Et quant a piece de temps, elles firent aucun pou de silence, elles remercierent moult dame Abonde de ses vraies euvangiles, promettans que point ne les metteroient en oreille de veel, ains les divulgueroient et publieroient par tout leur sexe a celle fin que de generation en generation, elles fussent continueez et augmenteez. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 99). ...si ne mist pas les gabtz en oreille de veeau, comme on dit par maniere de parler, mais les mist tout par escript (Galien Rethoré K.K., 1500, 186).

 

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DR. Sur l'oreille. "Avec la condamnation de la perte d'une oreille" : Willaume Hartscene, tonderres, privés à tousjours de se bourgoisie et de sen mestier, pour che que il avoit usé de oster pièches hors de draps entiers, dont li draps acourchoit, et puis faisoit le grant part du drap retraire avoec le liste ostée pour che que li draps apparust entirs ; et pour cest meisme fait fu une pièce d'un tel drap ars devant se maison et il banis à tousjours, sour l'orelle. (Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3, 1333-1334, 290).

 

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Avoir les oreilles longues et pendantes (comme un chien battu) : Et par qui discorde chacun avoit les oreilles longues et pendans en tristeur sans courage. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 462).

 

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Avoir sur l'oreille. "Être frappé, recevoir des coups sur l'oreille" : Or garde bien que ne la meinne Que tu n'aye sur ton oreille (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 155).

 

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Baisser les / l' oreille(s). "Baisser la tête (en signe d'humilité)" : Sainct Nicolas si faict merveilles, Vers luy est singulier refuge Et qui me besse les oreilles, Il faict ung terrible deluge. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 154). Si je te touche, Je te feray baisser l'oreille, De vray... (FLAMANG, Vie Pass. st Didier S., 1482, v.4191).

 

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Couper / (de)trancher l'oreille (en partic. à un voleur) : ...on leur coupera L'oreille avant (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 92). ...s'il ne confessoit autre chose que dit est dessus, qu'il feust menez en la cherete jusques à la justice de Paris, et que illec l'en li coppast l'oreille destre, et feust bany à tousjours de ladite ville de Paris et à X lieues environ (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 507). Et pour ce que ledit prisonnier avoit une de ses oreilles coppée, lui fu requis et demandé qui icelle lui avoit coppée ; lequel dist et respondi que un homme d'armes qu'il servoit ou pays de Limosin, en la compaignie de mons. le mareschal de Sancerre, lui coppa laditte oreille devant le chastel de Penaudon, pour ce, si comme sondit maistre disoit, qu'il lui avoit emblé aucuns de ses biens oudit pays de Limosin, jà soit ce qu'il n'en feust riens. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 214). ...sy le fiert tellement qu'il luy rasat chair et cheveulx et luy trenchat l'oureilhe (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 41). L'on me puist copper l'oreille Se je ne voix avec vous Por oÿr ce garceon estoux, Qu'il respondra sur ceste chose (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 163). Je veulx que avec ung grant faulx L'om me couppe les deulx orelles Si je ne luy moustre mervelles (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 216). Il avoit tout le col escorché et les oreilles detrenchées. (C.N.N., c.1456-1467, 437). Advis m'est que je te chosy Coppant l'oreille a mon cousin (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 732). [Allus. biblique : Jean 18, 10]

 

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Lever l'oreille. "Se réveiller" : PETIT BON. Il ne fault rien que dire "Tien." Tost luy verrez lever l'oreille (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 43). Va sus, bergier, lieuve t'oroille ! Es tu ja cy tost endormi ? (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 77).

 

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Mettre la main sous l'oreille (attitude de celui qui réfléchit et soutient la tête de la main) : Tantost que le chevalier se fut illecq assis, il mist la main soubz l'oreille et en ce point commença a penser une grant piece (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 16).

 

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Rire des oreilles. "Ricaner (au point que les oreilles bougent ?), rire en dessous ?" : Des oreilles rit aucuns tellement Que semble le ris d'un cardinal (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 15). Le prestre doit estre benigne, L'homme escouillié n'y est point digne : Des oreilles rit et non de bouche, Si est plain de trestout reprouche, Si ne s'i doit on point fïer. (LE FÈVRE, Vieille, trad. De vetula H., a.1376, 191). ...le pouvre cueur serre Ire Si des oreilles ne scait rire. (CHAST., Temps rec. D., 1451, 87).

 

Rem. Cf. G. Hasenohr, M. fr. 14-15, 1984, 267. DI STEF., 618.

 

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Tirer l'oreille / les oreilles à qqn : Haa ! guarceon, par Dieu, il me sanble Qu'an ta vye ne feras bien Ne jamais tu ne vaudras riem, Toujours ne foix que ranponner. Je vous en tireré le néz Et les oreille tout amsanble, Sainglant guarceon, ce te puis prandre. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 208).

 

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Au fig. : Or prient pour leur bien faicteur Ou qu'on leur tire les orreilles ! (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 108). Quant ung homme n'a voulenté De faire aulcune grant besoigne (...), s'on le contraint, qui qu'en groigne, Il se fait fort tirer l'oreille. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 66).

 

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P. métaph. Tirer l'oreille d'une bouteille. "Boire une bouteille" : SENEPHUS. Par ma loy, je vouldroye tenir De bon vin plaine une boutaille ! GUISCHART. Nous luy tirerions l'oraille Presentement et sans sejour (Myst. Résurr. Angers S., 1456, 234). Il prant la boteille et boit. PIERRE. Comment tu luy tire l'oreille ! (FLAMANG, Vie Pass. st Didier S., 1482, v.727).

 

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Qqc. pend en l'oreille. "Qqc. pend au nez" : Helas ! mon Dieu, n'ay je doncques raison De lermoyer en si triste saison, Car tant m'en pent ores a mon oreille, Dont j'ay douleur et crainte nompareille ? (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 185).

 

2.

[En tant que siège de l'ouïe, de l'audition] : Ma dame reverent et chiere, Digne de loange et d'onnour, Excellent en toute valour Que cuers porroit ymaginer, Yeus vëoir, oreille escouter, Main figurer, ne bouche dire, Soutils entendemens descrire, Goust savourer, ne tast sentir, Desirs, voloirs, cuers asentir, De Dieu amie et de Nature (MACH., R. Fort., c.1341, 83). ...se sont ymages qui ont bouche et ne parlent point, qui ont oreilles et goute n'oient... (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 247). Ce chant que tu a tes oreilles As oy... (Mir. st Val., c.1367, 159). Il dist que nature n'a pas fait sentir la musique du ciel aus oreilles des mortelz et pour ce l'en ne peut pas dire proprement quelle elle est. (ORESME, C.M., c.1377, 478). Frere, il n'est main qui peust escripre, Cuer d'omme ne pourroit pensser, Oreille oïr, langue parler, Les grans aises ou ceulz seront Qui Dieu de bon cuer ameront Sur toutes choses sans faintise. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 146). Ses mains tremblent, ses dens pourrissent, Et ses aureilles assourdissent. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 123). Dessus le dos le hocqueton fort sade Tout sursemé de fine orphaverie, La courte dague, l'espee bien fourbye, La gaye trousse a custode vermeille, Le pied en l'air, aux escoutes l'oreille. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 214).

 

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MÉD. Bruit ès oreilles. V. bruit

 

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Avoir l'oreille sourde. "Être dur d'oreille" : Galant, as tu oreille sourde ? N'as tu pas oÿ Maragonde ? (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 187). Et qui au voir n'ait sourde oreille (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 234). Je n'ay pas oreille de veau Ne sourde que bien ne l'entende. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 680).

 

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Avoir les oreilles massives. V. massif "Être dur d'oreille" : DENTART. Il est sourt. Roullart, entens tu point cela ? ROULLART. Non est. Mais je croy bien qu'il a Ung peu les oreilles massives. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 311).

 

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Avoir l'oreille qq. part. "Diriger l'oreille qq. part" : Lors fui je tantost hors d'esmay, Si me vesti et acesmay Et alumay de la chandeille, Mais j'avoie toudis l'oreille Devers la cheminee a destre Ou il avoit une fenestre Par ou sa parole escoutoie, Car pres de la fenestre estoie. (MACH., F. am., c.1361, 151).

 

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Avoir l'oreille à l'escout. "Être aux écoutes" : ...et avoient tousjours l'oreille à l'escout, pour entendre s'ils orroient ni bruit ni friente de chevaux, ni de gens, ni près, ni loin de eux. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 254).

 

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Avoir l'oreille au vent. "Se tenir aux aguets" : Sy ascoutoient tousjours et avoient l'oreille au vent pour oyr sa venue (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 267). ...et faisoit-on des estranges rapports en court, tant de çà comme de là, de quoy chascun tousjours avoit l'oreille au vent, et ne se savoit sur quoy attendre ou à la paix ou à la guerre. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 324).

 

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Avoir qqc. près de l'oreille. "Avoir qqc. tout près de soi, en sorte qu'on l'entend, qu'on le perçoit" : Pensez de voz brebis, pastours, Qui ont les loups pres de l'oreille (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 275).

 

3.

En partic. [En tant que siège de l'écoute, de l'attention portée à des propos, à qqn ou à qqc.] : Oués, tous que avés oureilhes ! [Réf. à la parabole du semeur (Luc 8, 8)] (Pass. Auv., 1477, 137).

 

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D'oreille en oreille. "De bouche à oreille" : ...grant tintin y avoit sans noise d'oreille en oreille de l'enffant. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 493). Ces parolles ne demourèrent guaires ès oreilles de l'hostesse qui prestement de sa langue les planta ès oreilles d'une aultre ; et ainsy, de bouce en bouce et d'oreille en oreille, parvindrent à la notice des .XVII. naringhes qui, plus emflamés que dragons, furent tellement allumés de yre et de courroux que... (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 590).

 

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Emprès l'oreille. "Près de l'oreille, à voix basse" : Et la roynne tantost apelle Son chevalier et li conselle Trestout basset empres l'oreille : ... (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 220).

 

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Au plus près de l'oreille de qqn. "En toute confidentialité (?)" : Recomande moy a ma mye Et luy porte ceste letre Au plus pres de ton [l. son ?] orellie (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 61).

 

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À / en l'oreille. "À voix basse" : Charitez adont s'avança, Si a dit : "Foy, entendez sa ! Je vous vueil dire une merveille." Lors li conseilla en l'oreille Ce qu'elle volt, secretement. De quoy Foy debonnairement Prist un bien petit a sousrire, Et en sousriant prist a dire... (MACH., J. R. Nav., 1349, 219). Dire lui vois tant bel conseillier En l'oreille : Je vous aym (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 366). Lors Cleriadus lui dist tout bas en l'oreille qu'il delivre huit hoppellandes de drap d'or (Cleriadus Z., c.1440-1444, 673). Les premiers jours qu'ilz se sont departiz, tous ces bons comptes se disent en l'oreille et bas (COMM., I, 1489-1491, 140). ...nostre roy parloit fort privéement et souvent à ceulx qui estoient plus prochains de luy, comme j'estoye lors et d'autres depuis, et aymoit à parler en l'oreille. (COMM., II, 1489-1491, 40). "Vrayement," dit le roy de Portugal a l'oreille du roy d'Espaigne, "cestuy n'est pas si fol comme vostre beau filz disoit..." (Jehan de Paris W., 1494-1495, 82).

 

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En vos oreilles. "Perceptiblement" : Au jour d'uy ceste prophetie Que j'ay lite en Yzaye Est accomplie en voz oreilhes, Car je faiz toutes ces merveilhes. Je guaris aveugles et ladres, Contraiz et tous autres malades, Demonïacles et enracgés. [Réf. à Luc 4, 21] (Pass. Auv., 1477, 116).

 

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Les oreilles sont pleines de qqc. "Entendre qqc. de toute part" : ...toutes oreilles en estoient pleines et tous les pays embus de ceste mort future. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 448).

 

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Crier à l'oreille à qqn : Si je [Satan] y vaiz, je y feray merveilhes ; Tant luy criarey a l'oureilhe [à Hérodiade] Que pour elle feray tüer Jehan baptiste, pour le mener Seans dedens noz sarcacabins. (Pass. Auv., 1477, 93).

 

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Dire qqc. en l'oreille de qqn. "Dire qqc. à qqn à voix basse, secrètement" : Ou son saing siet dire vous vueil, Voire en l'oreille et a conseil. (Mir. Oton, c.1370, 350). ...[il] dit a son paige tout bas en l'oreille : "Va t'en bien a haste..." (C.N.N., c.1456-1467, 209).

 

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Souffler qqc. en l'oreille à qqn : ...aulcuns malvais esperitz (...) qui l'enortèrent [le duc Charles] et soufflèrent en l'oreille de prendre... (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 169). On m'a ja soufflé en l'oreille (...) Que Jhesus y est arrivé [au temple] Et fait merveilles de prescher (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 586).

 

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Dresser l'oreille./Tendre l'oreille. "Tourner l'oreille en direction du son, pour y être attentif, être attentif" : ...semblablement y peuent tendre l'oreille toutes femmes (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 166). Lupal qui l'oreille tendy Tantost oÿ et entendy Que... (Pastor. B., c.1422-1425, 216). L'oreille je tens et escoute (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 459). ...le curé tendoit tousjours l'oreille quand sa nouvelle mariée viendroit a l'eglise, pour luy ramantevoir ses besoignes (C.N.N., c.1456-1467, 301). Sy n'y ot celuy qui ne tendist les oreilles et qui ne mist toute son entente a l'escouter (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 65). Telz biens si font dresser l'aureille. (ALECIS, Déb. omme mond. P.P., c.1500, 140).

 

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Les oreilles dressent pour + inf. "Les personnes présentes sont prêtes à écouter attentivement qqc." : Et alors messire Jehan de Croy (...) voiant toutes les oreilles dressier pour oÿr sa relation, commença a dire : "Sire..." (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 174).

 

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Tendre l'oreille sur qqc. "Prêter attention à qqc." : Si dirons doncques ainsi de rechief, nous trois Vertus, comme dessus disons a vous, femmes d'estat et bourgoises de citéz et bonnes villes, que l'oreille vueilliez tendre sur les enseignemens qui vous peuent apertenir (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 172).

 

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Encliner les oreilles (à qqn). "Se pencher vers qqn pour l'écouter, écouter qqn attentivement" : ...et qu'il se garde souverainement de encliner les oreilles aux ennemis publiques... (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 104). "...Les grans seigneurs", dist Magnificence la chambriere, "aujourduy plus delictent en leur seigneurie qu'ilz ne font au bon gouvernement de la chose publique, qui leur est commise de Dieu, quant ilz encline[n]t les oreilles aux maistres dessusdiz et conseilliers, aux heraulx, faiseurs de bourdes, mahommes et chambrieres..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 534). ...c'est assavoir sans batre l'oeil ne encliner les oreilles de dire pure verite hardiement aussi et sans aucun regart, a la lectre, sans souspecon ne aucune palliacion. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 344).

 

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Estouper l'oreille / les oreilles (à qqc.). "Ne pas écouter (qqc.)" : Estoupez vos oreilles a toutes bonnes amonicions (CHART., Q. inv., 1422, 16). Quant le serpent l'arraisonna [Ève], Pouoit elle estouper l'oreille (MARTIN LE FRANC, Champion dames II, D., 1440-1442, 24).

 

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Faire la sourde oreille. "Ne pas écouter" : Tais toy et fay la sourde oreille (DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 215). Si tost comme en haut degré monte Et sa fortune multeplie, Se le povre homme li supplie, Il luy fera l'oreille sourde. (LE FÈVRE, Lament. Math. V.H., c.1380, 175). ...et toutesfoiz il sembla que le monde et par espicial les crestiens catholiques, facent la sourde oreille et soyent ennuyez de blanc pain. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 97). Et apres, quant tu fus doulcement et saintement requis et ammoneste de toy retrayre avecques les cardinaux en lieu de seurte, (...) [et] de reformer de toy la tumultueuse election a la reparacion de l'eglise de mon Pere, et aussi a ta consolacion, lors, regnans comme ung lyon tu fiz la sourde oreille. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 290). ...qui oyent tous les jours dire mal et blaphemes de leur Roy souverain, de leur Dieu et de leur Redempteur, et toutesfoiz ilz font la sourde oreille. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 144). Elle fait la sourde oreille a la vois du Saint Esperit (GERS., Pent., p.1389, 76). ...ceulz ne monstrent que iceulz ayent grant cure ou memoire de leurs amis ne de leur delivrance, qui leur font aynsi la sourde oreille, qui leur tournent le dos de la pensee comme s'ilz les contredaignassent. (GERS., Déf., 1400, 226). A Cesar fu il noncié que, quant il vouldroit mouvoir, il ne trouveroit qui esmeust les enseignes, ains feroient les chevaliers la sourde oreille, de paour qui les avoit prins. (Faits Romains M., c.1400-1500, 216). ...a l'exemple de Judas nous faisons la sourde orielle. (Vie J.-C. M.B., c.1429-1458, 77). ...à toutes celles remonstrances faisoient comme la sourde oreille (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.5, c.1444-1453, 254). Mais Cesar oïant Androgens ainsy parler passa tout oultre et fist la sourde oreille (WAVRIN, Chron. H., t.1, p.1471, 145). ...en faisant la sourde oreille (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 54). Ouy, dea, j'avoye beau crier : Chascun faisoit la sourde oreille ! (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 171).

 

Rem. DI STEF., 617.

 

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Passer qqc. par sourde oreille. "Ignorer qqc., ne pas y prêter attention" : Il te convient aussi passer moult de choses par sourde oreille et que tu penses plus a ce qui touche ta paix. (Internele consol. P., 1447, 195).

 

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Ouïr qqc. de ses oreilles : Je l'ay ouy de mes horeilles. (Retraict T., c.1490, 227).

 

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L'oreille lui corne. V. corner : Les oroilles, monseigneur de Saintré, vous cornoient elles point ? (LA SALE, J.S., 1456, 291).

 

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Les oreilles vous devroient manger. "Les oreilles devraient vous tinter" : Et ma tresdouce amour, les oreilles vous deveroient bien fort et souvent mangier, car je ne sui en compagnie que on ne parole tous jours de vous (MACH., Voir, 1364, 426).

 

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Avoir / mettre la puce en l'oreille à qqn. V. puce "Ressentir / inspirer des inquiétudes, des doutes"

 

Rem. LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 192 ; GARENC., Poésies N., 1389-1415, 90, v.25 ; HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 63 ; HAUTEV., Invent. biens B., c.1441-1447, 64 ; Pouvre peuple H., c.1450-1492, 219 ; ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 123 ; Lyon cor. U., 1467, 38 ; Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 971 ; ALECIS, Déb. omme mond. P.P., c.1500, 142... ; L. Sainéan, La langue de Rabelais, 1, 1922, 395-396.

 

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[De paroles, d'un bruit qui court]

 

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Aller / venir / parvenir à l'oreille / aux / jusques aux oreilles de qqn : L'autre faisoit un chapelet Et entre gieu et gabelet, Quant il estoit fais, le donnoit A celui qui l'arraisonnoit Et requeroit d'avoir s'amour, Ja fust einsi que la clamour N'en parvenist a ses oreilles Et qu'autre part feïst ses veilles Ses cuers qui gueres n'i pensoit, Mais atant de li se passoit. (MACH., D. Lyon, 1342, 217). ...retenez nostre leçon a vous adrecee, se il est ainsi que aler puist jusques a voz oreilles (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 218). ...ne tarda gueres qu'elles [les nouvelles] vindrent en Flandres et jusques aux oreilles de sa tresbelle et bonne dame (C.N.N., c.1456-1467, 424). ...n'eust esté, espoir, leur cas jamais descouvert ou au mains si publicque que de venir a l'oreille de vous ne de tant d'aultres gens, si n'eust esté le mary (C.N.N., c.1456-1467, 433). ...tant s'espandit [la nouvelle] que aux oreilles de l'evesque du lieu parvint (C.N.N., c.1456-1467, 540). ...ja aulcunes murmurations avoient esté faites contre le duc et venues jusques aux oreilles du roy, comme vueillans dire que il devoit avoir prattiquee de longue main ceste venue du daulphin devers luy pour s'en fortiffiier et eslever ou royamme. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 73). Et disoit on lors que aucuns de eulz s'estoient fait fors et avoient promis au roy de ravir son filz entre les mains du duc de Bourgoingne et de l'amener devers lui, voulsist ou non. Laquelle chose divulguee vint jusques aux oreilles du daulphin, lequel, voisin prouchain desdis Liegeois, aloit tous les jours volant et chassant parmy les forestz en son simple estat. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 295).

 

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Choir en sourde oreille. "Tomber dans l'oreille d'un sourd" : ...Faisant regretz, larmes et piteux plains Mal escoutez, et cheutz en sourde oreille (SAINT-GELAIS, Séj. honn. J., c.1490-1495, 39).

 

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Entrer en l'oreille : La nouvelle (...) en lor oreilles entra (Pastor. B., c.1422-1425, 224).

 

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Entrer par une oreille et saillir par l'autre : Par l'une entre, par l'autre oreille sault Ce qu'on lui dit. (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 211). Ce qui m'entre par une oreille, Par l'autre sault, com est venu, Quant d'y penser n'y suis tenu (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 327).

 

Rem. MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, XLVIII, 52 ; DI STEF., 619.

 

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Passer par l'oreille. "Être perçu par l'oreille (de telle ou telle manière, ici sans troubler celui qui entend)" : Se de vous puis faire la departie, Et il seurvient quelque estrange merveille, Legierement passera par l'oreille ! (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 446).

 

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Sonner (bien / mal) aux oreilles de qqn. "Être agréable / désagréable à entendre" : "Saint Paul l'appostre en ses Epystres dit en substance que es temps derrains, c'est assavoir aujourduy, les grans seigneurs prendront avec eulx maistres et conseilliers qui doulcement leur sonneront aux oreilles par maniere de flaterie, et ne vouldront recevoir doctrine saine..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 533).

 

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Prov. Qui de son oreille fait nasse, grand douleur à son coeur amasse : ...il n'est pas bon de tout prendre a son cuer, ainz vient aucunesfoiz trop mielx dissimuler et faindre que on n'ait riens oy ne veu, car, dit il, les injures finablement se passent. Et pour ce dit le proverbe commun que "qui de son oreille fait nasse, grant douleur a son cuer amasse" (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 736).

 

Rem. Prov. H., 185 [O77]. GERS. VII, 403.

 

4.

P. méton. "Écoute, attention prêtée aux propos de qqn" : La sixieme condicion est que on se doit confesser devotement et treshumblement, avoir les yeulx vers la terre en signe de honte et vergoingne que l'en a de son pechié, et la pensee et le regard du cuer au ciel. Car vous devez penser que vous parlez a Dieu, et devez adrecier vostre cuer et voz paroles a lui et requerir pardon et misericorde ; car c'est cellui qui voit tout le parfont de la voulenté de vostre cuer, ne le prestre n'y a fors que l'oreille. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 19).

 

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Oreille de pitié. "Écoute ouverte à la pitié"

 

Rem. Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 69.

 

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Abandonner l'oreille. "Écouter, prêter attention" : LA FEMME (à son amant). Je ne sçay si rude personne De femme, pour le faire court, S'une foys l'oreille abandonne, Qu'on ne gaigne la basse court. Plus ne puis faire le cueur sourt ; A vostre vueil suis desormais (Colin loue dép. Dieu T., c.1485, 154).

 

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Aplanir les oreilles. "Flatter" : Et quant vous mettés vostre exemple de la teste et du cuer, certes, ja soit ce que celluy exemple si aplanisse lez orailles dez escoutens et enbelit asez lez paroles du proposent, toutevoies il ne nous conclut mie trop fort, mez le povons prendre pour nous, car, par vostre exemple et par vostre confession, le Pape est come le chief de toute Crestianté (Songe verg. S., t.2, 1378, 78).

 

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Avoir oreille legere. "Croire facilement" : Mais lieu et temps perdu avoie, A elle parler je ne povoie, Mesmement pour ce que son pere Et merveilleusement sa mere La faisoient songneusement Guaitier et curïeusement, Que n'escoutast fole priere S'elle eüst oreille legiere, Afin qu'elle ne fust meüe Par blandices ne deceüe. (LE FÈVRE, Vieille, trad. De vetula H., a.1376, 219).

 

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Avoir l'oreille à qqn. "Écouter avec attention ce que dit qqn" : La dame, qui avoit l'oeil et l'oreille tousjours a son amy, l'entreoyt d'adventure (C.N.N., c.1456-1467, 436).

 

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Avoir qqn par l'oreille. "Être écouté de qqn" : ...car sçavoient bien que vous aviez vostre maistre par l'oreille et que de tout et en tout il reposoit sur vous, vous donnoit crédence, foi et fermeté, vouloit ce que vous et desvouloit ce que vous non. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 159).

 

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Clore l'oreille / les oreilles. "Ne pas écouter" : ...vous cloez vostre oreille Et ne doubtez leu, penthere ne tor (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 380). Et ne vueillent mie faire comme aucuns folz ou folles, qui sont trop aises quant ilz sont au sermon et le prescheur parle sur la charge de aucun estat qui ne leur touche, et trop bien le nottent et dient que il dit voir et que c'est bien dit, mais quant ce vient ad ce qui leur puet touchier et apertenir, ilz baissent la teste et cloent les oreilles, et leur semble que on leur fait grant tort d'en parler (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 172). A ces mots chascuns clot l'oreille Que nulz respons n'y appareille, Fors Florentinidés qui dist... (Pastor. B., c.1422-1425, 187). C'est a dire, mon ami, que tes oreilles ne soient pas closes a la voix des pouvres gens. (LA SALE, J.S., 1456, 46).

 

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Prov. : A beau parler closes oreilles. (Pastor. B., c.1422-1425, 125). A beau parler closes oreilles. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 658).

 

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Bouter qqc. en l'oreille de qqn. "Chercher à persuader qqn de qqc."

 

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Bouteur en l'oreille : ...estoit vaillant et de grant conseil, et digne assez, pour personne et vertu, pour porter couronne et sceptre. Mais ce n'estoit point regardé peut-estre, ne considéré au coeur de la jeune fille, qui béoit ailleurs, et laquelle, comme on disoit, avoit des bouteurs en l'oreille, qui le grevoient (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 215).

 

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Donner l'oreille à qqn. "Écouter qqn avec attention, avec bienveillance" : ...ou qu'il rencontrast la gouge, de tant près la tenoit que contraincte estoit, voulsist ou non, donner l'oreille a sa doulce requeste (C.N.N., c.1456-1467, 455).

 

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Donner / bailler (l')oreille à qqc. "Écouter qqc. avec complaisance" : Veulz tu doncques donner oreille a la leçon de parece, qui te chantera se croire la veulx : tu as asséz fait, temps est que tu te reposes ? (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 7). S'est [Si est] bon que l'oreille y bailliés (Pastor. B., c.1422-1425, 231).

 

Rem. BEAUVAU, Troyle B., c.1455, VIII, 29. DI STEF., 616.

 

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Faire oreille. "Écouter" : Chascuns se tut et fist orelle. (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 292).

 

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Faire grandes oreilles. "Écouter attentivement, docilement, être attentif" : Après, par oreille de vache Pues-tu entendre, sans falache, Que tu dois ton maistre doubter, Et s'il te laidenge, escouter Sans ce que contre lui t'orgueilles ; Faire lui dois grandes oreilles, Et faire semblant toutesvoies Que tu n'ois adonc, ne ne vois [le serviteur doit être à la fois docile, attentif et discret]. (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 23). Quant l'homme faict grandes oreilles, Il ne luy en peult que bien prendre. A mon faict il me fault entendre. (Gent. moun. T., c.1500, 355).

 

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Mettre qqc. en l'oreille de qqn. "Insinuer qqc. en qqn, chercher à persuader qqn de qqc., rappeler qqc. à qqn" : Car quant il voit Que de s'amour, present li, autres joit, Qui son ami appeler le soloit, Il a le cuer si jalous, si destroit, Que c'est merveille Qu'il ne s'occist, ou qu'il ne s'apareille D'occirre ce qui einsi le traveille ; Et ce li met jalousie en l'oreille. Et s'il avoit L'amour de li, einsi comme il soloit, Qu'en feroit il ? Certes, riens n'en feroit. Car jamais jour il ne s'i fieroit. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 123). Et si m'ont mis telle chose en l'oreille Vo doulx parler et vostre humble regart (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 295). Derechief en lui se resveille Amours, qui lui met en l'oreille La beauté de la damoiselle (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 133). ...et que Amours ne die ne mette en l'oreille aux belles pour qui ilz se peinent comment leurs vrays amans s'efforcent de valoir pour l'amour d'elles (Bouciquaut L., 1406-1409, 41). Par ma foy, il a bien mespris. Je ne say que ce ly conseille, Ne qui luy a mis en l'oreille Ceste folie. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 112-113). LE PRESTRE. Beau doulx amy, que veulx tu faire ? Veulx tu doncques vestir la haire Sans plus, (tout) au large de ton ventre ? RIFFLART. Nenny, dea, j'ay la chair trop tendre, Je seroye trop mal traicté, Elle escorcheroit mon costé. Par le(s) sainct(z) Dieu, j'ay grant merveille Qui vous a ce mis en l'oreille (C. Riffl., c.1480-1520, 60).

 

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Mettre qqc. en oreille percee. "Oublier qqc." : ...et en tant qu' il touche leurs aliés, tous les maulx que tu as recités je les ay oubliés, et moy et ceulx qui me soustiennent les voulons oublier et mettre en oreilles persees, comme choses non faittes ne advenues. (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 228).

 

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Ouvrir les oreilles à / pour. "Prêter attention à" : ...dame, a mes regrès, Que ci vous pence a descouvrir, Deigniez voz oreilles ouvrir De pitié, royne des cieulx (Mir. fille roy, c.1379, 9). Et y avoit beaucoup gens qui avoient les oreilles bien ouvertes pour les ouyr le premier et les luy aller dire, car il donnoit voluntiers quelque chose à celuy qui premier luy apportoit quelques grans nouvelles sans oublier le messaiger. (COMM., II, 1489-1491, 158).

 

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Prester l'oreille à qqn. "Écouter qqn avec attention, avec bienveillance" : ...la dame de leens, femme du racompteur de l'ystoire, [laquelle] y presta tresbien l'oreille (C.N.N., c.1456-1467, 407). ...qui lui presta l'oreille et dist qu'il n'y pourroit riens faire sans le moien de Colinet (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 304). Il presta l'oreille plus aux ungs que aux autres, dont leur hayne s'acreüt. (COMM., I, 1489-1491, 138).

 

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Prester l'oreille à qqc. : Et parla à aucuns qu il pensa qu'ilz deüssent prester l'oreille à ce qu'il desiroit (COMM., II, 1489-1491, 177).

 

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Prester oreilles à : ...vous advertissons à ce que, comme bons et loyaulx subgectz, vous entendez et assystez à nous de tout vostre povoir, ainsy que avez acoustumé, sans vous arrester ne prester orreilles à leurs mauvaises invencions, et mesmement à ce qu'ilz dient (Lettres Ch. VIII, P., t.1, 1489, 89).

 

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Prester + adj. + oreilles à qqn. "Écouter qqn de telle ou telle façon, suivre de telle ou telle façon les conseils de qqn" : Mes entre aultres choses, me dist l'on, souverainement il complaignit la guerre qu'il avoit consentie a faire a son beau frere le duc de Bourgoingne, et que tant il avoit presté legieres oreilles a ceulz qui lui avoient rompu sa sainte volenté proposee, a laquelle jamés ne pooit recouvrer, ce disoit. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 311).

 

Rem. Nombreux ex. de prester (les) oreilles ds Prov. H., 185 [O81] et ds DI STEF., 618.

 

-

Retirer ses oreilles de qqc. "Ne pas prêter arrention à qqc." : ...il avoit retiré ses oreilles de ce, et l'ignoroit comme non l'avoir oy (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 377).

 

-

"Attention du galant" : ...Doux yeux jectans feu aux oreilles (Amant cord. M., 1490, 67).

 

5.

"Faculté de compréhension, sensibilité"

 

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Oreille du coeur : NOSTRE DAME. (...) mon filz (...) te dira Conment te convendra ouvrer, Si tu veulz honneur recouvrer. Pour ce l'oreille du cuer tens Et ce que te dira entens. (Mir. march. juif, c.1377, 216). Ouvrez doncques les oreilles espirituelles de vostre cuer, tendez les en hault, et escoutez leur humble requeste et leur plainte doloreuse [des morts], pour les aydier, secourir et delivrer. (GERS., Déf., 1400, 226). Mon cuer, estouppe tes oreilles, Pour le vent de Merencolie (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 467).

B. -

[P. anal. de forme] "Partie latérale de qqc."

 

1.

(Bonnet à grandes) oreilles. "Bonnet de fou" : Je suis sotte sans point d'oreilles. (Feste roys, c.1475-1500, 306). ...douze bonnetz à grans oreilles, et quatre paires de mitaines de chien, baillez es mains du roy qui les a donnez à ses gentishommes (Comptes roi René A., t.2, 1478, 98).

 

2.

"Anse d'un récipient" : Item, une basne et deux grans conques de bois à laver escuelles à oreilles, une salière et quatre couppes d'estain (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 265). "...et lors, je fu courrocé et rompi une oreille du pot." Et il appeloit ce pot ung calipse et Cesar l'avoit fait faire en l'esglise de Enistense en l'onneur de saint Lorens ; et pour la grandeur de lui, il avoit deux oreilles, ce sont deux ances. Et il fut trouvé que l'empereur trespassa adonc et que une oreille, ou ance, du calipse estoit rompue. (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 728). [Pas de var. ds l'éd. ; le mot est sans doute ds VIGNAY, ms. BNF fr. 241, a.1348]

 

-

"Poignée" : .V. tines asavoir .IIIJ. atout oreilhes et une sans oreilhe (Archives wall. H., 1380, 37).

 

3.

MÉD. Oreille du coeur. "Oreillette du coeur" : Et jouxte iceulx [orifices du coeur] sont deux oreillez par lesquelles l'air entre et yst qui luy est appareillé du polmon. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.5). ...l'une partie est continue avec l'oreille dextre du cueur (PREVOST, Cir. Guill. Salicet, 1492, IV, 2).

 

4.

"Ouïes d'un poisson" : Primo appareilliez ung brochet : luy couvient tirer les boyaulx par l'oreille, et oste l'en l'amer (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 223). Aloze salee cuicte en l'eaue et mengee a la moustarde, ou au vin et a la ciboule. La fresche entre en saison en mars ; la couvient appareiller par l'oreille, eschauder, cuire en eaue, et mengier a la cameline. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 232).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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