C.N.R.S.
 
http://www.atilf.fr/dmf/definition/monde 
Liste des articlesStructure des articlesArticles sans exemplesArticles complet
 2 articles
 
 Article 1/2 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     MONDE1          MONDE2     
FEW VI-3 218a mundus1
MONDE, subst. masc.
[T-L : monde1 ; GD : mont1 ; GDC : monde1 ; AND : mund1 ; DÉCT : monde1 ; FEW VI-3, 218a : mundus1 ; TLF : XI, 993b : monde1]

A. -

ASTR. "Univers"

 

-

[Dans le système géocentrique] (Grand) monde. "Ensemble des corps célestes dont la terre est le centre ; macrocosme" : Or disons donques que chose pesante est qui est nee et encline a estre meue au melieu ou vers le centre du monde, et chose legiere est encline a soy esloingnier de cest milieu. (ORESME, C.M., c.1377, 78). Le Chevalier respont que, ainssi que ou grant monde, l'en treuve double nature, espirituele et corporele, aussi ou maindre monde, c'est assavoir en l'onme, il y a double nature, espirituele et corporele (Songe verg. S., t.1, 1378, 60). C'est chose assez communement sceue que cilz grant monde(s) contient en soy deux parties notables, dont l'une est la partie cy dessoubz ou les generacions et les corrupcions des choses de Nature se font, comme dit est. Et ceste partie est des philosophes appellee elementaire region pour ce qu'elle contient les .IIIJ. elemens qui sont matiere general et commune de toutes les choses dessus dictes qui se font par Nature. La terre donc qui est ferme et solide est ou milieu de tout le monde assise en la maniere que le point ou le centre est ou milieu du cercle. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 3). La seconde partie du grant monde comprent le ciel et les estoilles, laquelle Aristote appelle la quinte essence ou la quinte nature pour ce qu'elle est d'autre condicion que les quatre elemens devant touchiez ne sont. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 5). Le Soloil, tiercement, est tres merveillable pour sa luminosité incomparable, car il tout seul, comme fontaine de lumiere, enlumine le monde, le ciel et la Terre aussy bien dessus lui comme dessoubz. Et pour ce est il d'aucuns appellé l'ueil du monde. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 17). ...magrocosmus [sic] (...) : le grant monde qu contient le ciel et tous les elemens (LAGADEUC, Catholicon G., 1499, 20).

 

-

Au plur. : Et apres ce, pousé que tout le corps du monde ne soit pas infini, encor entendrons nous a determiner se plusseurs mondes pueent estre, quar, par aventure, aucun feroit doubte ou cuideroit que aussi comme ce monde est constitué et fait que pluseurs autres telz fussent ou peussent estre, mais non pas infinis. (ORESME, C.M., c.1377, 114).

 

-

Bas monde. "Le monde sublunaire" : Laquele [puissance des corps célestes] est une qualité D'une puissante activité Et de soy mesmes insensible, Maiz en ses effectz perceptible, Font engendrer en ce bas Monde Les métaulx en terre parfonde Et transmuent clère eaue en glace En diverse saison et place (LA HAYE, P. peste, 1426, 6). Et que Juno de venin les infecte [les hommes] Par les climatz du bas monde et moleste (Cene dieux, c.1492, 121).

 

-

Monde elementaire. (Synon. de basmonde) : ...elles [les estoilles] euvrent et font toutes les choses qui aviennent en terre par nature, c'est a dire en cest monde elementaire cy dessoubz, lequel pour ceste cause l'acteur dont nous parlons appelle la forge de Nature. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 26).

 

-

Haut monde. "Le monde incorruptible situé au delà de la Lune et comprenant les sphères des planètes et des étoiles fixes" : L'autre nature seconde est nature particuliere qui comprent les quatre elemens et toutes les choses aussi qui en sont composees ; et ceste nature aussi est appellee d'aucuns nature naturee, pour ce que cilz bas monde cy dessoubz est effects du hault monde et se despend de sa vertu du tout. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 26).

 

-

Machine du monde. "Assemblage et construction de l'univers" : ...l'esclipse faicte le jour de la Passion de Nostre Saulveur et Redempteur Jhesu Crist à l'eure de midi n'estoit pas naturelle, ne le tremblement de terre, ne les autres choses merveilleuses qui advindrent, disant et publiant celui jour haultement ou qu'il failloit que le Dieu de nature souffrist, ou que toute la machine du monde se disolvist. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 79 r°).

 

-

[La création, le commencement, la fin du monde] : ...depuis la creation dou monde (...) on ne trouveroit en nulle histore tant de mervelles ne de grans fais d'armes (FROISS., Chron. D., p.1400, 36). ...la riviere de Derne [est] (...) parfonde et de haultes rives et de grant fuison de roches rompues et nées très le commencement du monde (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 88). Et me orrez declairer la noble lignie qui en est yssue, qui regnera jusques en la fin du monde, selon ce qu'il appert qu'elle a regné jusques a ore. (ARRAS, c.1392-1393, 5). Entrués que (...) chil Genevois se requelloient, descendi dou chiel une plueve si grose et si espesse que mervelles fu a comsiderer, et conmença a esclitrer et a tonner, et sambla proprement que li mondes deuist finer. (FROISS., Chron. D., p.1400, 728). En ceste matiere doncques il sembleroit de prime face que le monde devroit finer en la fin d'aucuns milliers d'ans. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 398). Et pource qu'il y a .VIm VIc et IIII. ans que le monde commença, pource convendroit il qu'il eust quatre cens ans ou environ jusques au jour du jugement. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 398). Par lesqueles choses il appert comment il semble de prime face que le monde doit finer dedans la fin d'aucun millier d'ans. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 398). Selon ce que je treuve es anciens registres, ces euvangiles furent commenceez des les premier et second eages du monde ou temps que regnoit le fort et puissant roy Zoroastes qui fut le premier qui trouva l'art de nygromancie, de laquele art il monstra et enseigna partie a la royne sa femme nommee Hermofrodita, et laquele depuis fist de beaux principes pour le commencement de ces euvangiles (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 79).

 

-

[Les âges du monde] : Si peuplerent le monde vuit [les fils d'Adam], Et ce premier aage du monde, Qui n'estoit pas de pechié monde, Dura d'Adam jusqu'a Noé, Qui ou service Dieu noé Fu et actachié tellement Qu'onques n'en party nullement. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 140). Selon ce que je treuve es anciens registres, ces euvangiles furent commenceez des les premier et second eages du monde ou temps que regnoit le fort et puissant roy Zoroastes qui fut le premier qui trouva l'art de nygromancie, de laquele art il monstra et enseigna partie a la royne sa femme nommee Hermofrodita, et laquele depuis fist de beaux principes pour le commencement de ces euvangiles (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 79).

 

-

Faire choses de l'autre monde. "Accomplir des choses étonnantes, prodigieuses" : ...par l'avantaige qu'ilz trouvèrent d'une grande large dosse eslevée sur picques, les Allemans, fort usitéz de ce faire, grippèrent à mont la muraille comme chatz affaméz, faisans choses de l'autre monde et quasy incredibles (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 343).

 

-

"Terre, globe terrestre"

B. -

"Terre, globe terrestre"

 

1.

"Ensemble des territoires, des populations du globe terrestre" : Et, quant il considere le grant et la facon de Uriien, et la fierté de son visaige, et aussi de Guion, son frere, si dist : Ces gens sont dignes de conquester tout le monde. (ARRAS, c.1392-1393, 93). Sire, dist Melusigne, il est bon que desormais ilz commencent a voyagier pour congnoistre le monde et les estranges marches, et aussi estre congneu et congnoistre les estrangiers. (ARRAS, c.1392-1393, 146). ...après ce qu'il a recommendé la Court grandement et sagement de justice devent toutes cours du monde (BAYE, I, 1400-1410, 186). Car ainsin firent les bons Romains, et par ce dominerent en toute la monarchie du monde et donnerent loiz desquelles encores nous usons (LA SALE, J.S., 1456, 77). ...le monde n'est pas assez grand pour moy sauver que morir ne me faille. (C.N.N., c.1456-1467, 235). En ung petit hamelet ou village de ce monde (...) est advenue une petite histoire (C.N.N., c.1456-1467, 512). L'on dit que cestui Audoxus fut celui qui donna l'invencion de fere le theatre merveilleux in Heraclea, lequel est compté entre les sept miracles du monde pour le quint. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 50 r°). Si lui fut repliqué [à Alexandre] : "Sire, si les dieux eussent mesuré vostre corps selon le cueur que vous avez, tout ce monde cy ne vous feust assez large, car de l'une de voz mains ataignissiez en Orient et de l'autre jusques en Occident". (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 64 v°). Aucuns dient qu'il fut famillier de l'empereur Justinien et que par son moïen, après celui du Saint Esprit, il ediffia le chef d'euvre du monde à Constantinoble, c'est Sainte Sophie. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 82 r°). Cestui predist les grandes innundacions qui furent non à l'occasion des pluyes, mais par le vomissement de aucunes veines de terre, qui firent des domages infiniz par le monde, par especial en Flandre, France et Ytallie. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 135 v°).

 

-

Au bas monde. "Dans le monde où nous vivons, ici-bas (sans perspective religieuse)" : Et cedit jour, entre VJ et VIJ heures à matin et assez tost après VJ heures, quant l'en visitoit les requestes en la Chambre, apparu eclipse de soleil tel que le soleil, qui une heure paravant luisoit moult bel, net et cler, souffri tel defaut de clarté ou bas monde que l'en ne voioit ne que à l'eure de X heures de nuit (BAYE, I, 1400-1410, 159).

 

.

En ce monde. "Dans le monde où nous vivons, ici-bas" : ...ung des grans plaisirs qu'il pourroit en ce monde avoir, ce seroit de veoir sa fille en son vivant bien allyée. (C.N.N., c.1456-1467, 169). ...[je] n'ay amy ne personne en ce monde, tant soit mon privé, a qui je vouldroye en nulle maniere descouvrir. (C.N.N., c.1456-1467, 388). ...pensez vous qu'en ce monde cy soit medicine qui plus puisse aider et susciter la maladie d'entre nous femmes que la doulce et amoureuse compaignie des hommes ? (C.N.N., c.1456-1467, 516).

 

-

Milieu du monde. "Milieu du globe (par rapport à la terre habitable, c'est-à-dire à égale distance de l'équateur et du pôle, environ 45 degrés de latitude)" : ...car, conme dient lez Mesureurs de la mappemonde, Marseille est le millieu du monde. (Songe verg. S., t.1, 1378, 335).

 

Rem. Traduit le lat. in medio orbis, cf. Éd. t.1, 486, note 38.

 

-

Monde occidental. "Ensemble des pays de civilisation occidentale" : ...[nos chevaliers] qui aueront abandonne voluntairement lez grans honneurs, richesses et delis du monde occidental (MÉZIÈRES, Sustance H., 1396, 64).

 

-

Le miroir du monde. "Pour un historien, le réservoir de l'histoire des hommes où il puise sa matière" : En ce lieu par destinée lui fut ordonné d'escrire et d'avoir pour ce faire le miroir du monde en son regart, où il puet veoir vraie representation des plus hautes choses du monde, où il puet estendre ses nerfz et puissances dicibles, et plus puisier de biens que en nul autre lieu, n'en a tant soit plain de diverse grace ou merite. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 132). Seul un point a qui m'est riche et feconde, Et qui hault eur me donne et valitude: C'est qu'en mes mains j'ay le miror du monde, Duquel ce peu que j'ay d'art et faconde, Ce tout je puise en sa beatitude, Car tant y a de gloire à plenitude, D'honneur, d'exemple et de haulte legende, Que vueille ou non il fault que j'en amende. (CHASTELL., ROBERTET, MONTFERRANT, Douze dames rhétor. C., 1462-1463, 173).

 

-

[Considéré dans son étendue]

 

.

L'univers monde. "Le monde entier" : Et par elles [les vertus] est gouverné Le corps, voire empire ou regné, Voire trestout l'univers monde, Tant comme il dure a la reonde, Et, s'il ne l'est, le doit il estre, Ainsi l'ordonna Dieu celestre. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 32). ...Deluge, qui tant dura Qu'il noya tout l'univers monde (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 141). Nature à ce si bien le disposa Qu'il sceut apres escripre et composa Maint beau dittié de haulte rethorique, Suivant ades profonde theorique, Sens et raison, facilité tresclaire, Dont sa splendeur l'univers monde esclaire. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 164).

 

.

Au bout du monde : Je cuidoie cy demourer Pour ma penitence achever ; Or m'en revois au bout du monde. (Mir. enf. diable, c.1339, 41). Si n'estoit pas li chemins cours, Ains estoit loings, au bout du monde. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 142).

 

.

Par/parmi le monde. "Sur toute la terre" : ...ilz feront aucuns assaulx et aulcuns envaïez, car c'est vie et nourrechon de gens d'armes. (...) pour ce chevaulchent-ilz parmy le monde pour eulx avanchier. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 92). Mon cher frere, desormais seroit bien temps que nous alissons cherchier les adventures par le monde, car a cy plus demourer ne povons nous gueres conquester loz ne priz. (ARRAS, c.1392-1393, 145). Leurs ducs et tous leurs admiraulx Et tous princes a eulx paraulx, Qui sont espars parmi le monde, Tant comme il dure a la reonde, Soit deça mer ou dela mer, Ne les me faut ja tous nommer (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 131). Dieu les beny et asseura Du Deluge, qui tant dura Qu'il noya tout l'univers monde, Car la mer creut a si grant onde, Pour les pluyes, qui ne finerent .XL. jours et tout noyerent Quanque en ce monde avoit en vie. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 141).

 

.

Par le monde univers/universel/par universi monde. "Par le monde entier" : ...en ce temps de la mort et boce et epedimie, les gens moroient soudainnement. Et morurent bien en ce temps par universi monde, la tierce partie dou peuple qui pour lors resgnoient. (FROISS., Chron. D., p.1400, 894). La fame en volle par le monde univers : Ses benins yeulx ire et rancune froissent, Anges et hommes le voient et congnoissent Et en font bruit en maintz lieux et divers. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 105). Ardent desir de veoir pays, savoir et cognoistre pluseurs experiences qui par le monde universel journellement adviennent, nagueres (...) eschaufa l'atrempé cueur et vertueux courage d'un bon et riche marchant (C.N.N., c.1456-1467, 126). Si estoit le roy assis en sa chaiere de magesté (...) ; et assiz droit la, fit convoquier tous estrangiers et estre a la responce rendre, afin que la teneur en fust divulguee par l'univers monde (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 190). ...trois roÿnes de hault pris, de qui la renommee volloit par le monde univers (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 9).

 

-

En/par tout le monde. "Sur la terre entière" : Et duquel [Aristote] la doctrine, pour la valeur et l'excellence de elle, a esté multipliee et en grant reputacion vers les sages presque par tout le monde. (ORESME, E.A., c.1370, 97). Et dit que de present il ne scet en tout le monde argent ou or qui soit sien, ailleurs que en son coffre, en sa maison (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 495). ...comme par un sirurgien est guerie la plaie, aussy sera ceste doloreuse plaie, qui est divulguée par tout le monde (BAYE, I, 1400-1410, 100).

 

-

Aller aval le monde. "Parcourir le monde" : Et quant Uriien oy ces paroles, si pensa un pou ; et sachiez que il fut moult doulens de ceste requeste pour ce que il avoit grant voulenté d'aler aval le monde pour veoir le pays et acquerre honneur. (ARRAS, c.1392-1393, 120).

 

-

Voir du monde : ...ledit Galiot s'estoit party de son maistre le duc de Millan, tant pour voyaiger et pour veoir du monde comme pour faire armes de son corps (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 231).

 

-

[Considéré dans sa durée]

 

.

Tant que monde soit. "Pour très longtemps" : Mes bons seigneurs, comment qu'i soit, Vueillez y demain si bien faire Que en puissiez louenge et gloire Acquerir tant que monde soit. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 528).

 

.

Tant que le monde durera : ...Et fut encore, est et sera [le débat] Tant comme le monlt durera, Se ysi ne sont determinees Les deux questions proposees. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 282).

 

.

Tant que le monde sera produit. "Pour très longtemps" : Si partirons en ordonnance Donques, comme il a esté dit, En coraige et en excellance, De franc voloir et appetit, En acquerant louenge et bruit Que a tousjours la renommee, Tant que le monde sera produit, Sera parlé de vostre armee. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 539).

 

-

[Dans des loc. relatives au début et à la fin de la vie]

 

.

Entrer au monde : Car il n'entra pas au monde armé de glaivez, maiz remply de vertus, quant sa digne parolle et simple predication conferma et par miracles acquist a soy sa sainte Eglise. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 126).

 

.

Elever qqn au monde. "Faire apparaître qqn, susciter qqn" : ...bien avoit Dieu pourveu a homme a la naissance Jhesu Crist, et desja estoit toute la terre arousee de la sourse de grace par infusion de congnoissance d'un seul vray Dieu, et illusion d'esperance opinative tournee en certaine esperance, quant le dyable, pere de tenebres, feist naistre sur terre et eslever au monde Mahommet. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 117).

 

.

Entrer en ce monde : Aussi il entra en che monde par l'obedience de la Vierge, car tantost en son ventre fu recheu comme icelle obeÿ a sa parole envoie par l'angele, disant : "Vechy la chambriere de mon Seigneur, fai moy selonc ta parole". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 219).

 

.

Mettre qqn au monde. "Donner naissance à" : Mauldit soit le pere et la mere Que jamés me myrent au monde. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 299).

 

.

Naistre au monde : Quant a ce monde tu nasquis, Chose tant certaine n'a quis Que la mort, qui a coup viendra, Et l'endurer te conviendra. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 38).

 

.

Venir au/en ce monde. "Naître" : Ou temps passé, quant Nature me fist En ce monde venir, elle me mist Premierement tout en la gouvernance D'une Dame qu'on appelloit Enfance, En lui faisant estroit commandement De me nourrir et garder tendrement (CH. D'ORLÉANS, Ret. am. C., 1414, 1). Tout aussi a haste qu'il vint au monde, aussi soudainement en est party. [D'un enfant mort jeune] (C.N.N., c.1456-1467, 130). Veu que mesmes au monde venons nudz Et que trop peu y sommes retenuz, Huy nous voyans presens, demain absens, Et sy n'en est guere de devenus Jusques au temps d'estre vieux et chenus, A cestuy cas pas bien je ne m'assens. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 3).

 

.

[Dans des formules de malédiction] Naistre en ce monde : LE MAUVAIS LARRON. Maudit [l. mauldit] soit mon premier parent Qu'oncques fus en ce monde né. (Pass. Auv., 1477, 217). PILATE. (...) Que mauldite soit la journee Que je fus en ce monde né, Car ay jucgé Le juste sans cause approvee ! (Pass. Auv., 1477, 277).

 

.

Deceder de ce monde : Et, peu de temps après, lesditz lieutenans decederent de ce monde. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 331). Et [Charles d'Amboise] deceda de ce monde riche de terres, de seigneuries et de biens (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 394).

 

.

Desvier de ce monde : LE RUSTAULT. (...) Pour ce, venez sans plus d'espace Ou ma povre femme trespasse (...). De ce monde en l'aultre desvie, La Mort a dessus elle envie Assouvie (LA VIGNE, S.M., 1496, 410).

 

.

Finer du monde. "Mourir" : SIMÉON. (...) Promis m'as, je le tiens pour vray, Que du monde ne fineray Ne ne mourray De mort corporelle, Jusques a ce que celuy verray Et sensiblement le tenray, Que je sçay Ma vie eternelle. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 317). [Réf. à Luc 2, 22-35]

 

.

Mener qqn hors du monde : La Mort a voulu et vouldroit, Bien le congnois, mettre sa paine De destruire, s'elle povoit, Liesse et Plaisance Mondaine, Quant tant de belles dames maine Hors du monde (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 85).

 

.

Mettre/oster qqn hors de ce monde. "Tuer qqn" : Je me souloye pourpenser Au commencement de l'annee, Quel don je pourroye donner A ma Dame la bien amee : Or suis hors de ceste pensee, Car Mort l'a mise soubz la lame, Et l'a hors de ce monde ostee : Je pry a Dieu qu'il en ait l'ame. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 84). "Mon amy, n'est tu pas celluy qui me doys mettre hors de ce monde ?" Et il luy dist : "Ouy, monseigneur, car c'est ce qui m'a esté ordonné par la court souveraine." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 353).

 

.

Partir/se departir de ce monde : Pour che cestui sage homme de Grece nommé Themiscodes, quant en l'eage de cent et sept ans perchut qu'il devoit mourir, dist qu'il luy desplaisoit de se departir de che monde lors qu'il commenchoit a avoir sapienche. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 46). Prince gent comme esmerillon, Saichiez qu'il [Villon] fist au departir : Ung traict but de vin morillon, Quant de ce monde voult partir. (VILLON, Test. M., 1461-1462, 151).

 

.

Passer hors de ce monde : Je n'ay de nulle flour envie (Porte la qui porter la doit) : Car la fleur, que mon cueur amoit Plus que nulle autre creature, Est hors de ce monde passee, Qui son amour m'avoit donnee, Comme lors fut mon aventure. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 86).

 

.

Trespasser de ce monde. "Mourir" : Mecredi, XXJe jour d'octobre, trespassa de ce monde le roy Charles VIe en son hostel de Saint-Pol à Paris (FAUQ., II, 1421-1430, 59).

 

-

Loc. Faire un monde. "Accomplir qqc. d'important, des exploits" : Mais voyant que à par luy il ne pouvoit faire un monde seul et que danser lui convenoit pour celle heure à la note des autres, tira à part messire Hue de Lannoy (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 111).

 

-

[Sentence] Quelle chose suffira à celui à qui le monde entier ne suffit pas ? : ...les Bragmens li rescrirent une epistre en ces paroles [à Alexandre] : "Tresfort et tres victorien roy, nous avons oÿ tes batailles et comment en touz fais tu as eu felicité et victoire. Mais quelle chose souffira a personne a qui tout le monde ne souffist pas ? Nous n'avons quelconques richesces des quelles la couvoitise te doie mouvoir a nous combatre." (FOUL., Policrat., IV, 1372, 78).

 

.

O Alexandre, tout le monde ne te suffisait pas et maintenant te suffisent six pieds de terre pour enterrer ton corps : Et a ce propos nous lisons comment un philosophe dit Golonus en parlant d'Alixandre disoit : "O Alixandre, tout le monde ne te souffisoit mye, et ore te souffisent .VI. piéz de terre pour ton corps enterrer". (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 356).

 

.

L'homme sage est possesseur de tout le monde et de toutes richesses : Et pour tant les Stoÿques philozophes, comme raconte Seneque (...) disoient que l'omme sage est possesseur de tout le monde et de toutes richeces (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 44).

 

.

Le monde ne tient plus que à la queue d'un veau : JETHAM. C'est pour neant ; vienne qui plante ! Le monde, ainsi comme l'en chante, Ne tient plus que a la queue d'un veau. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 187).

 

2.

P. méton.

 

a)

(Tout) le monde

 

-

"Le monde en tant qu'ensemble de personnes, l'humanité" : SECOND CLERC. (...) touz ensemble requerons L'ordre et les draps. PREMIER CLERC. Alons, car Dieu ne nous het pas, Quant pour nous a s'amour attraire Nous fait du monde si retraire Et esloingnier. (Mir. ev. arced., c.1341, 141). ...m'entente est de mener vie Solitaire et en hermitage. Trop ay au monde esté volage (Mir. st Guill., c.1347, 35). Car chascun jour voy c'on m'apresce D'issir de cy et d'ensuyr Le monde. (Mir. st Guill., c.1347, 40). Et escriièrent tantost leurs cris et disent : "Avant ! Avant ! A ces pilleurs, qui pillent et robent le monde et vivent sans raison." (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 224). Et lors lui dirent qu'ilz feroient des poisons pour empoisonner tout le monde et peuple par les païs par où ilz yroient et vendroient. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 453). ...il commença tresfort et soudainement a plorer, et sembloit que tous ses amys, voire tout le monde, fussent mors (C.N.N., c.1456-1467, 137).

 

-

"Ensemble de personnes, les gens, chacun" : ...onques mais en jour de ma vie Je ne vy deux pierres si grans (...) Conme j'ay au jour d'uy veu En tel lieu qui n'est pas sceu De tout le monde. (Mir. pape, 1346, 389). Lors cria haut a sa vois clere L'enfant entre les bras sa mere, Si que li pueples et li mundes L'entendi : "Je suis purs et mundes Dou sanc de ceste creature." (MACH., C. ami, 1357, 12). Certes, or voy je sanz doubter Que le monde me het a mort, Et si fait Diex, il n'a pas tort. Chascun me fuit, chascun m'eslongne. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 26). Or estes vous bien ruez jus et deboutez de la noble contree de Bretaigne. Certes, se vous le vous laissiez ainsi tollir par lascheté de vostre cuer, tout le monde vous escharvira, et dira on : Veez vous la le fol qui, par faintise de cuer, s'est laissié dechacier de si noble pays et region comme le royaume de Bretaigne. (ARRAS, c.1392-1393, 49). Chascun est attrait par sa vo[lup]té c'est a dire par son plaisir. J'ay doncques trop dure partie, trop puissant advocat encontre moy, qui a [tellement desja] plaidoyé sa cause que presques tout le monde le croit. (GERS., Déf., 1400, 222). Mais Rethorique est faconde A enseigner parler au monde. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 130). ...celle qui auparavant par sa beauté, bonté et genteté congneue estoit de pluseurs gens, devint notoire a tout le monde par ce mauldit mal de broches (C.N.N., c.1456-1467, 37). ...estoit tel le cas que, venu a la cognoissance du monde, il en estoit noté et comme deshonnoré. [Le mari d'une femme luxurieuse] (C.N.N., c.1456-1467, 419). Acquis avons une grant onte Que reprochee nous sera, Car tout le monde nous diré Estre murtriers de sanctes gens. (Pass. Auv., 1477, 270). Vous feriez tout le monde beste. (B. veoir, p.1480, 21).

 

.

Un grand monde. "Beaucoup de gens" : Sachiez que Sarrasins au port Sont arrivez, sire, (...) Et sont tant que c'est un grant monde ; A brief, on ne les peut nombrer. (Mir. roy Thierry, c.1374, 315).

 

.

"L'ensemble des personnes qui sont réunies en un lieu" : ...il s'avança une foiz pour la mener dancer, mais elle le refusa plainement devant tout le monde (C.N.N., c.1456-1467, 181). ...je ne sçay penser ne lieu ne place ou ce se puisse faire ; car tout le monde est par ceens [Deux amants en quête de solitude] (C.N.N., c.1456-1467, 306).

 

b)

"La société" : Or se debrise et disfere li mondes en pluisseurs manieres. Premierement, li vaillant honme travellent lors corps en armes (...) auquns clers escripsent et registrent lors oevres et baceleries (FROISS., Chron. D., p.1400, 37).

 

-

Le monde de + nom de catégorie sociale : Li rois Phelippes de France avoit la tout le monde de gentils honmes ; et furent nombrés les baneres en son hoost a .CC. et .LX. barons. (FROISS., Chron. D., p.1400, 331). Ces nouvelles vinrent a Pieronne en Vermendois, ou li rois Phelippes se tenoit et tous li mondes de gens d'armes avoecques lui (FROISS., Chron. D., p.1400, 324).

 

-

Mettre qqn au monde. "Introduire qqn dans la grande société, dans les milieux proches du pouvoir" : [Le prince doit, entre autres]...avoir de gens jeunes de bonnes maisons de son pays pour s'en servir et pour son plaisir et les mectre au monde et nourrir (...) maiz qu'il ne leur balle point de charge de guerre ne de justice car ce seroit a baller a guyder a ung avuygle les autres (Traité politique C., c.1492-1493, 154).

 

-

Loc. Ainsi va des choses du monde : Princes, qui scet le mieulx mentir, Trahir derrier, devant blandir, Et en qui flaterie habonde, Puet plus tost grant estat fournir, Un temps regner, puis fault mourir : Ainsi va des choses du monde. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 310).

 

-

[Désigne une catégorie sociale donnée ou la société entière] En ce monde : ...les envies en ce monde sont grandes et les convoitises (FROISS., Chron. D., p.1400, 781). "Lois, se vous euissiés (...) pris la fille de celi qui vous a vostre pere mort, je fuisse tres tos morte d'anoi, ne jamais en ce monde vous n'euissiés eu honnour." (FROISS., Chron. D., p.1400, 808). ...en ce monde on ne fait compte de povre seigneur. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 144).

 

.

La pratique du monde. "Les agissements d'une catégorie sociale donnée" : Li rois d'Engleterre, pour ce temps, estoit jones, et pas ne congnissoit encores le malisce et pratique dou monde et des grans signeurs de l'Empire qui despendoient son argent (FROISS., Chron. D., p.1400, 455).

 

-

[Prov., sentence]

 

.

Le monde n'est qu'un parc à fous : Parle qui veult a tous propoz, Pour resolution entiere, Le monde n'est qu'ung parc a folz, Soit par devant ou par derriere. (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 47).

 

.

C'est grande peine que de vivre en ce monde, c'est encore plus grande peine de mourir : C'est grant paine que de vivre en ce monde, Encore esse plus paine de mourir (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 378).

 

.

En ce monde a toujours danger : Le pastour doibs plus la moytié Avoir de ses brebis pitié Qu'un mercenaire ou estrangier. En ce monde a tousjours dangier. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 53).

 

.

Le monde n'est qu'abusion : D'en plus parler [des disparus] je me desiste, Le monde n'est qu'abusïon (VILLON, Test. M., 1461-1462, 47).

 

.

Les noces remplissent le monde et virginité remplit le paradis : Du premier dist saint Jerome contre Jovinian : "Les neupces remplissent le monde et virginité remplist Paradis". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 173).

 

.

Une moitié du monde ne sait pas comment l'autre se gouverne : Vous devez avoir entendu au long dont mouvoit ceste guerre et que les deux princes, au commancement, y furent aveugléz et se faisoient la guerre sans en entendre les motifz ne l'ung ne l'autre, qui estoit une merveilleuse habilité à ceulx qui conduysoient l'oeuvre ; et leur povoit-on bien dire que l'une moitié du monde ne scet point comment l'autre se gouverne. (COMM., I, 1489-1491, 192).

 

.

Il n'y a qu'heur et malheur en ce monde : De Jupiter Venus la soeur benigne Tient on roÿne en place francigene ; Se Dieu permet que Phebus l'enlumine, Qu'elle germine et triumphe et domine, Mars et famine en auront plate gene ; Cerés ahenne, Atropos perd son regne, Mais Bachus regne en plenitude munde : Il n'y a qu'heur et malheur en ce monde. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 213).

 

.

L'on n'a que sa vie en ce monde : [Jupiter s'adresse à Calisto qu'il cherche à séduire par ruse] "Ma sereur Calisto, je me rens a toy et a ta grace, je suis home, non pas femme. Ta beauté a vaincu mon courage pour advenir au point ou nous sommes maintenant. Je me suis vestu a façon de vierge. Helas, je te requiers que tu me recoipves en ton amistié, si viverons ensamble en la religion et prenderons nos deduis et nos plaisances. L'en n'a que sa vye en ce monde." (LEFÈVRE (R.), Hist. Troyes A., c.1464, 155).

 

c)

En partic. "Les réalités de l'existence" : ...elle avoit rendy et couru païs tant que du monde ne savoit que trop. (C.N.N., c.1456-1467, 454). ...[Nature] desja les avoit elevez en eage de cognoistre que c'est de ce monde [Deux jeunes gens] (C.N.N., c.1456-1467, 482).

 

3.

[Dans des loc. qui indiquent un haut degré, qui renforcent une affirmation ou une nég.] ...du monde/au monde/en ce monde

 

-

Du monde

 

.

De tout temps du monde. "Depuis toujours" : ...comme naturellement et de tout temps du monde il estoit plein de souppeçons et de diffidences. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 123).

 

.

Le remanant du monde. "Tout le reste" : Bons homs, plus a de bien a Romme Que tout le remenant du monde. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 123). Et cuides tu as advis [l. cuides tu, a ton advis] Estre plus sage et plus sachant Que n'est trestout le remanant Du monde ny de la cité (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 182). ...en la terre n'avoit prince alors qui plus fust curieux de bien faire ne plus mettant dangier en la garde de son honneur, et souverainement droit cy dont le fardeau luy pesoit plus que le remanant du monde, car ne luy faisoit besoing alors, qui avoit sa maison transquille, que pour le debat du pere et du filz il s'allast boutter parcial entredeux (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 92).

 

.

À tous lez du monde. "De tous côtés ; à tous les niveaux, à tout point de vue" : Et par ainsi le duc craignant le roy (...), quant se vit ainsi acueilli en indignation sans cause (...), ne visoit qu'a soy fortifier par sens et de mettre en Dieu sa querelle, car a tous léz du monde se voioit avironné de peril et de manasses (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 262).

 

-

Le mieux du monde. "Le mieux qu'on peut imaginer" : ...et le papegau leur chantoit le mieuls du monde. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 78). Chascun respondist : "Monseigneur, il nous semble qu'il dit le mieulx du monde et que pour ceste heure vous ne povez autre chose faire." (BUEIL, II, 1461-1466, 84). ...et ce pendant le duc de Bourgongne cuidera que son herault besongne le mieulx du monde. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 208).

 

-

Personne du monde qui. "Personne qui parmi toutes les personnes du monde (fait mieux, plus...)" : ...[il] dist audit Jaquotin que aussi estoient iceux Rotisseur et sa femme les gens du monde qui plus d'injures et vilenies li avoient fait et à sondit mary, et que elle hayoit le plus (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 262).

 

-

Subst. + adj. au superl. qui + être au monde : Saincte cité [Paris] qui de touz faiz respont, Dieux a sur toy regart et paradis, Soubz le meilleur climat qui soit au mont : Riens ne se puet comparer a Paris. (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 303).

 

.

Plus que (...) personne du monde. "Plus que n'importe qui au monde" : ...sondit ami Hainsselin l'ameroit mieulx que femme du monde, feust sa femme espousée ou autre. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 355). Tres chier oncle, je n'ay plus de confort ne de conseil que vous. Si vous requier, pour Dieu et pour pitié, que vous y veulliez pourveoir de remede, car il est bien vray qu'a vous je doy obeir plus que a personne du monde, et ainsi le vueil je faire. (ARRAS, c.1392-1393, 188).

 

-

Plus (...) que homme (...) au monde. "Plus que quiconque" : ...elle, puis un an ençà, s'est acointiée par amours dudit Hainsselin Planite cy-dessus nommé, auquel elle a eu et encore a la plus grant amour et affinité que elle ot oncques à homme qui soit ou monde, ne qui jà sera. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 331).

 

-

Plus que chose qui soit au monde. "Plus que n'importe quoi" : Jamais je ne seray lassant De la loy Dieu, car je voy bien Que Dieu ayme tout crestien Plus que chose qui soit au monde. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 252).

 

-

La chose au monde + prop. relative (avec un adv. de quantité au compar/superl.) : ...j'ay esté contente mectre en vostre obeissance et joissance la rien que plus en ce monde doy cher tenir. (C.N.N., c.1456-1467, 122). ...elle voit eloigner la rien en ce monde dont la presence plus luy plaist ! (C.N.N., c.1456-1467, 145). ...il ne restoit que temps et lieu pour dire et faire, chascun a sa partie, la chose au monde que plus luy pourroit plaire. (C.N.N., c.1456-1467, 192). ...j'ay bien tant de fiance que de luy dire la chose en ce monde que plus vouldroye estre celée (C.N.N., c.1456-1467, 248). ...ilz luy voulsissent aider a querir et trouver femme pour luy, qui estoit la chose du monde que plus desiroit. (C.N.N., c.1456-1467, 557). Et par eulx leur mandoit qu'il leur envoieroit la royne pour acoucher à Paris, comme à ville du monde que plus il aymoit. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 44).

 

-

Tout le(s) + subst. du monde : "Nous volons que tu nous afranchisses à tous les jours dou monde, nous, nos hoirs et nos terres, et que jamais nous ne soions tenu ne nommé serf." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 112). ...[il] luy va faire ung grand prologue d'amoureux assaulx (...) promettant tous les biens du monde (C.N.N., c.1456-1467, 115). ...je le vous monstreray de fait, toutesfoiz sans abandonner celle qui me fait et peut faire tout le bien et l'onneur du monde. (C.N.N., c.1456-1467, 192). Il me veult tout le mal du monde pour une pouvre foiz que j'ay voulu ronciner sa mere (C.N.N., c.1456-1467, 325).

 

.

Subst. + adj./adv. au superl. du/de ce monde : ...Engleterre est la terre dou monde le mieuls gardee. (FROISS., Chron. D., p.1400, 43). ...la (...) on avoit (...) les milleurs cervoisses dou monde (FROISS., Chron. D., p.1400, 123). Elle me fait la meilleure chere du monde, et si m'a desja accordé tout ce que je luy ay osé requerre (C.N.N., c.1456-1467, 316). ...a l'oyr, sa response estoit plus asseurée que la plus juste de ce monde faisant a Dieu son oroison. (C.N.N., c.1456-1467, 465). Ce bon homme, voyant sa bonne femme ainsi actainte et languissant, menoit la plus doloreuse vie du monde (C.N.N., c.1456-1467, 515). ...l'un d'eulx s'avance, qui la prent le plus rudement du monde (C.N.N., c.1456-1467, 552).

 

-

[Dans une phrase nég.]

 

.

Du monde. "Pas du tout" : Ne sonne mot et n'en fay semblant du monde et garde bien que tu faces ce que je te diroy. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 84).

 

.

Ame du monde/nul du monde. "Personne" : ...le conte fut mal content quand il sceut la tresfiere et dure response de celle dont il desiroit l'accointance et joissance, et autant et plus que de nulle du monde. (C.N.N., c.1456-1467, 155). ...si seray en habit si descogneu que vostre veille ne ame du monde n'ara garde de moy cognoistre. (C.N.N., c.1456-1467, 259).

 

.

Rien au monde : LE PREMIER BARON [au marquis]. (...) Car ou mond rien ne desiron Tant comme dame a ton honneur. (Gris., 1395, 18).

 

.

Façon du monde. "Aucune manière" : ...[elle] luy dist, pour tous potages, qu'elle ne saroit trouver fasson du monde de le tirer de leens. (C.N.N., c.1456-1467, 437).

 

.

Nulle rien/chose du monde. "Aucune chose au monde" : Car se aucun estoit qui ne crainsist chose du monde ne mouvement ou tremblement de la terre ne inundacions ne autres choses terribles et horribles, il seroit forsené ou il seroit comme celui qui ne sentiroit nulle douleur. (ORESME, E.A., c.1370, 208). Mais la ot ung chevalier qui l'ot nourry et doctriné, qui bien congnoissoit son fier couraige [de Goeffroy] et comment il ne ressoingnoit nulle rien du monde. (ARRAS, c.1392-1393, 198).

 

.

À nul jour du monde. "Jamais, plus jamais" : ...[elle] pria et requist ledit Luciafer qu'il la voulsist aidier à mettre son mary en tel estat que à nul jour du monde il ne peust batre ou vilener icelle qui parle (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 329).

 

.

Par nulle voie et maniere du monde/en (nulle) maniere du monde/en nulle des manieres du monde. "En aucune façon" : Adonc respondi Berinus a son filz que en nulle des manieres du monde il ne lairoit qu'il n'y alast a celle foiz (Bérinus, I, c.1350-1370, 392). Pour quoy je vueil que tu saches que a nulle autre femme tu ne puez atouchier en nulle maniere du monde. (Bérinus, II, c.1350-1370, 29). ...par nulle voye et maniere du monde, elle ne povoit demourer ne plus estre avec ledit de Ruilly, son mary, pour la mauvaise et oultrageuse vie que il lui menoit (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 305). ...je ne suis pas celle qui vous vouldroye en maniere du monde desobeir (C.N.N., c.1456-1467, 170).

 

-

Pour chose du monde. "Pour rien au monde" : ...pour chose du monde a ce ne vouldroit consentir. (C.N.N., c.1456-1467, 386).

 

.

Pour tout l'or du monde. "Pour rien au monde" : ...et il lui respondi que il ne vouldroit avoir tout l'or du monde, et il en deust souffrir encores deux autelles. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 287). Si le baise tout en plourant et triste de cuer que il ne disist un mot pour tout l'or du monde (ARRAS, c.1392-1393, 23). Pour quoy tournez arriere, nous avons fait pour le present, car pour tout l'or du monde je ne me feroye telle vergoigne que vous deusse jouster. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 47).

 

-

Il n'y a homme au monde/en tout le monde que + propos. relative ou propos. consécutive "Il n'est personne au monde... " : Mais n'est pas raison que j'oublie Un chevalier de Normendie, Qui Saquet de Blaru s'apelle. Y debati si sa querelle Seur le corps Phelippe d'Omont, Qu'il n'i a homme en tout le mont, S'il en heüst autretant fait, Qu'on ne le tenist à grant fait. (MACH., P. Alex., p.1369, 156). Sans ce que Dieu me voulzist nuire, il n'a homme ou monde que je craingne qui le me puist oster [mon royaume], car je scay bien que monseigneur le roy, mon oncle, n'a talent de faire ne avoir autre hoir que moy. (ARRAS, c.1392-1393, 49).

 

.

(Il) n'est chose au monde qui/que/il n'est rien en ce monde qui/que. "Il n'est rien que, rien n'importe plus que" : ...il n'est riens, en ce monde, que li Alemant desirent si que d'avoir auqune cause et title de gueriier le roiaume de France pour le grant orguel qui i est abatre, et pour partir a la riçoise. (FROISS., Chron. D., p.1400, 229). ...elle est merveilleuse depuis qu'elle entre en sa [malice], et si n'est chose ou monde qui plus tost l'y boutast. (C.N.N., c.1456-1467, 67). [Maistre Jehan de Clugny, ambassadeur du duc de Bourgogne, au roi de France :] ...il [le dauphin] a une merveilleuse et amere desplaisance en son ceur a ce qu'il s'est trouvé et treuve en vostre malegrace (...), et n'est chose au monde que tant il desire, comme raison veult, que d'estre en vostre bonne grace (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 38). ...il n'est chose au monde que le bon filz peusse ne doye plus desirer, appeter ne requerir que la bonne grace du pere (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 44). ...car n'estoit riens en ce monde que tant amast (...) que son honneur, sa leaulté et preudommie (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 153).

C. -

[Dans une perspective chrétienne (implicite ou explicite)] "Ensemble des choses et des êtres créés"

 

1.

"Le monde en tant que création ayant commencement, maintien et fin" : En nom de la glorieuse Trinitee, treis personnez et un seul Dieu omnipotent, creour de monde, qui est et a esté sans comencement, et sanz fin regnera (Man. lang. G., 1396, 43). Contra stultos, contre les folz qui cuident tout comprendre ; n'est pas merveille se Dieu a fait le monde selon la predeterminacion de la franche voulenté eternelle, quant [et] en telle maniere luy a pleu. (GERS., Trin., 1402, 162). Pour tant il ne fault ja enquerir ou estoit Dieu devant la creacion du monde et qu'il faisoit ? (GERS., Trin., 1402, 168). Cy commence le septisme livre parlant de la fin du monde. (Somme abr., c.1477-1481, 96). De la fin et confragation du monde. (Somme abr., c.1477-1481, 96). Selon la tierce maniere de representation, le monde est le mireoir de Dieu et par ainsi est ymage de Dieu, mais non pas a l'ymage de Dieu comme le Filz. (Somme abr., c.1477-1481, 111). Mais que plus est, se il estoit des mondes sans nombre autant et telz que est ce monde, tout rempliroit comme cest monde. (Somme abr., c.1477-1481, 132). "C'est icy le doigt de Dieu." Item Dieu est ez choses par gouvernement et par conservation, et par ainsi est ou monde, lequel il gouverne et maintient et garde. (Somme abr., c.1477-1481, 139). Par quoy puet apparoir la solution de la question que font aucuns simples ou estoit Dieu avant que le monde fust. Item Dieu est ou monde comme ung roy en son royaume. (Somme abr., c.1477-1481, 139). Comme il dist en l'evvangile : "Je suis avec vous jusques a la fin du monde." (Somme abr., c.1477-1481, 139). La puissance de Dieu appert en la creation du monde depuis le commencement, et en la moyenne et en la fin. (Somme abr., c.1477-1481, 160).

 

-

[Dans une cheville poétique] Dieu à qui le monde appent. "Dieu dont le monde dépend" : Jhesucris le confonde, a qui li mons apent (Flor. Rome W., c.1330-1400, 149). Et dist : "Si Dammedieu, a cui li monde apant, Gairisse Charlemenne et sa trez bonne gens..." (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 6). Damme, se dit la voix, ne t'esmaiez niant, Car je sus de parrt Dieu a cui li monde apant (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 51). Vaissalz, Dieu vous garisse a cui li mont apant (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 101). Et prie souvent Dieu a qui ly monde apent, Que Guyon lui ramaine qu'elle ama loyaulment. (Tristan Nant. S., c.1350, 10). Je vous jure sur Dieu a qui le monde apent (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 15).

 

-

Faiseur du monde. "Dieu" : Dont dist saint Bernard : "Bieneureusses sont les larmes que la piteuse main du conditeur ou faiseur du monde torchera". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 211).

 

-

An du monde. "Année du monde (comptée à partir de la création)" : Environ ce temps fut la deuxieme conjunction de... et fut l'an du monde 1498. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 13 v°).

 

2.

"Le genre humain, l'humanité en tant que création de Dieu" : "Je vous anonce grant joye qui sera par tout le monde, que au jour d'uy est nez le Sauveur du monde, qui est Jhesu Crist, en Bethleem, cité de David". (GERS., Noël, p.1404, 293).

 

-

Dieu et le monde. "Dieu et les hommes" : Touz ses parens auxi l'en prient Et si li moustrent bien et dient Que sens et grant honnour sera Et qu'a Dieu et au mont plera (Vie st Evroul S., c.1350, 44). Selon le dit du sage, fais que misericorde et verité ne te laissent point, mais lies les entour ton col et les escrips es tables de ton cuer, et tu trouveras grace et bonne discipline devant Dieu et devant le monde. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 73). Et saiches de certain que je vouldroye que Dieux ne li mondes ne t'en demandast rien, et l'adventure te deust avenir de moy mesmes, car je suiz desormais vieulx, et si ay des hoirs assez pour tenir mes seignouries, car je t'aime tant que je vouldroie que si haulte honneur feust eslue pour toy. (ARRAS, c.1392-1393, 21). Et Gieffroy s'amendera, se plaist a Dieu et au monde (ARRAS, c.1392-1393, 255). Et, puisqu'il a pleu à Dieu tant nous advancer, il est expedient et convenable nous y gouverner et entretenir en telle façon et manière que Dieu et le monde soient contens de nous (BUEIL, I, 1461-1466, 95). ...faictes choses louables qui soient plaisant à Dieu et au monde (BUEIL, II, 1461-1466, 25).

 

-

En partic. Petit/moindre monde. "Le microcosme qu'est l'homme" : ...les parties du corps humain sont principaument crees selon la creation et l'assises du monde, et pour ce apela home en grec microcomus, c'est a dire petit monde. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 27). ...en quoy proprement nous ensuivons la droituriere nature qui est la tres bonne, tres sage duchesse de vivre et gouvernerresse de toute bonne ordenance, la quelle a assis et colloqué en un chief les .V. sens du mendre monde, c'est a dire de l'omme qui a en son chief touz les .V. sens, et touz les autres membres a sousmis au chief en tant qu'il sont touz bien gouvernez et droitement meuz quant il suivent et obeïssent au commandement et a la franchise de saine teste. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 50). ...aussi a volu que en l'onme fust trovee aucune similitude qui peüst tout le monde representer ; et, pour tant, un honme est appelé "le maindre monde" conme dit Ysidoire et Papye. Et ce "maindre monde" si represente la similitude du grant monde. Car, ainsi conme ou grant monde l'en trueve double nature (Songe verg. S., t.1, 1378, 60). ...pour bien segnefier et exprimer sa dignité et sa grant excellence, l'appellerent le petit monde, pour ce qu'ilz veoient en ly aussi come tout le monde reluire aucunement. Aucun donc l'appelloient petit monde pour la participacion qu'il a es choses du grant monde. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 58). A la similitude donc et a l'exemple de ces deux mouvemens qui ainsi sont ou grant monde trouvé, fait mencion Nature de deux chemins ou de deux mouvemens qui sont trouvé en le homme qui est le petit monde, lesquelz chemins as deux mouvemens dessusdiz se correspondent (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 60). Secondement tu as vie qui meut et gouverne son petit monde, c'est a scavoir tout le corps, a son plaisir. (GERS., Trin., 1402, 161).

 

.

Prov. Chaque homme est un petit monde : Chascun homme est ung petit monde. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 193).

 

3.

"Choses terrestres ; vie terrestre ; société des hommes"

 

a)

"Choses terrestres" : Bien est verifié en luy [saint Pol] que amour est forte comme la mort car amour separe l'ame du monde comme la mort oste l'ame du corps. (GERS., P. Paul, a.1394, 511).

 

-

[Le monde comme lieu situé entre l'enfer et les limbes d'une part et le paradis d'autre part] : Le seigneur des vertus [Jésus], qui sort Du monde. Il est roy de gloire. (Pass. Auv., 1477, 227). Et puis tous viendrés [depuis les limbes] aprés moy Au monde pour complir la loy, Et d'ilec tous irons es cieulx (Pass. Auv., 1477, 253). Je vouldroys que du monde ysse, Affin que visse (...) ou (est) vostre ami [l. ame], mon doulx filz (Pass. Auv., 1477, 257).

 

-

L'autre monde. "La vie éternelle" : ...si n'est la misericorde de Nostre Seigneur, a qui me recommende, il [le péché] me sera en l'autre monde bien cherement vendu. (C.N.N., c.1456-1467, 328).

 

b)

"La vie d'ici-bas, la vie terrestre" : Quant mon corps estoit en maladie au monde, tu, mon enfant, et vous, mes autres amis, plouriez et monstriez cuer moult doloreux, et vous offriez faire tout vostre pouoir pour mon alegement. Las ! toutesfoiz mon mal present et celuy de lors ne sont pas a comparer, car je soustiens tres plus angoisseuse peine que celle du monde. (GERS., Déf., 1400, 228).

 

-

Ce/cest (mortel) monde : Il dit ceci a la difference de la felicité de Dieu et des intelligences, laquelle est simplement immuable et non variable, et d'autre nature que la felicité humaine de cest monde, laquelle n'est pas immuable de neccessité. (ORESME, E.A.C., c.1370, 136). Les vanitez et superfluitez et le pompe de ce monde il fuyoit et eschievoit (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 184). ...afin d'avoir très-grant honeur et prouffit en ce monde, et pour ce que elle craingnoit et doubtoit plus la honte et deshonneur de ce monde que celle de l'autre, elle avoit donné audit Haussibut, pour venir en son ayde et secours, son arme (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 290). Et, au departir, les laissent aussi sains comme devant, et a aucuns donnent grant eur en ce monde. (ARRAS, c.1392-1393, 3). Haa, dist Presine, qui bien le savoit, faulses et mauvaises, et tres ameres et dures de cuer, vous avez mal fait, quant cellui qui vous avoit engendrees vous avez ainsi pugny par vostre faulx et orguilleux couraige, car c'estoit ce ou je prenoye toute la plaisance que j'avoie en ce monde mortel, et vous la m'avez tollue. (ARRAS, c.1392-1393, 12). Puet une personne sans pechier mortelment refuser penitence en ce monde et attendre celle de purgatoire, et se ung confesseur devroit assoldre telle personne ? (GERS., Déf., 1400, 232). Appellons de la court de justice a celle de misericorde, ou nostre Dame est maistresse, saichans qu'il est necessité que nous plourons en ce monde ou en l'autre, selon ce qu'il fut dit en la mort de Arsenius. (GERS., Déf., 1400, 242). ...comme pour ouyr la louenge des sains et sainctes, affin que par leur exemple, allocucion et par bonne doctrine, je peusse plus legierement et seurement passer le tres brief et tres perilleux pelerinage de ce mortel monde, car, selon le Saige, la sainte et divine Escripture oste l'ennuy de la personne qui a luy s'abandonne (GERS., Concept., 1401, 388). Car qui voit lez maulx impugnys, et les biens mal guerdonnez entre les terriens, peult penser ou qu'il est une autre vie ou tout est reformé par egal justice, ou que celui juge qui en ce mortel monde nous maintient n'est pas droiturier envers tous. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 49). ...force m'est aujourd'huy [de] habandonner ce monde (...), mon plus grant regret si est qu'il fault que je meure avant que savoir et sentir des biens de ce monde. (C.N.N., c.1456-1467, 347). Je voy aussi mon amoreux, Jhesus, en ame et deïté, Qui es limbes fait tout joyeux Ceulx qu'en ce monde ont Dieu amé. (Pass. Auv., 1477, 280).

 

.

[Dans un contexte métaph.] : J'appelle ce monde la mer Pour les grans dangiers et perilz En quoy sont ceulx qui trop l'amer Veullent de tous leurs esperitz : Dont en la fin seront perilz, S'au port de salut ne s'attendent. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 58).

 

-

[Par oppos. aux oeuvres invisibles de Dieu] Ce visible monde : O tu, Entendement, fait au patron de la Trinité par ces troys puissances, Congnoissance, Volenté et Memoire, unies en la substance d'une seulle ame, qui par les creatures faictes en ce visible monde congnoys par reflection, comme en ung mirouer obscur en lumiere de foy, lez invisibles oeuvres de Dieu... (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 30).

 

-

Ce bas monde/ce monde (ci)/ce monde ci transitoire : Roys de ce bas monde enferme, Ou Dieu a mis fin et terme Que nul ne peult trespasser, Vostre povoir n'est pas ferme, Se Dieu ne le vous afferme, Par qui main vous fault passer (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 48). Loué soit il, et Nostre Dame, Et Loÿs, le bon roy de France, Auquel doint Dieu l'eur de Jacob Et de Salmon l'onneur et gloire - Quant de prouesse, il en a trop, De force aussi, par m'ame, voire -, En ce monde cy transsitoire Tant qu'il a de long ne de lé, Afin que de lui soit memoire, Vivre autant que Mathussalé, Et douze beaux enffans, tous masles, Veoir de son cher sang royal (VILLON, Test. M., 1461-1462, 27).

 

.

Les fortunes de ce monde : ...toute sa generation vint a povre conclusion par les fortunes de ce monde qui sont moult diverses (FROISS., Chron. D., p.1400, 184). JANICOLA. (...) Moult sont les choses fortunees De ce monde par trop muables, A paine en voy nulles estables (Gris., 1395, 85).

 

.

Les vanités du monde : Et pource les Pytagoriens ellurent jadis les desers et les lieux solitaires pour fouir luxure, et qu'ilz ne veissent les vanitéz du monde. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 326).

 

-

Le monde charnel : Car celui qui te fist n'a pas voulu ta creation pour te voyr perir, mais pour toy aider et adresser ta fragilité par la vigeur de sa grace, que tu ne peulz deservir fors par travail en oeuvres meritoires, vainquant le monde charnel par l'espirituel puissance. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 25).

 

-

Prov. Ce monde ci n'est que vent : Qui bien y pensë et souvent Advis m'est que c'est grant prudence, Car ce monde cy n'est que vent. Se des biens y a habondance, Si fault il aller a la dance De Macabré [la mort] la tresdiverse (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 216).

 

.

Ce monde n'est que chose vaine : Quant Souvenir me ramentoit La grant beauté dont estoit plaine, Celle que mon cueur appelloit Sa seule Dame souveraine, De tous biens la vraye fontaine, Qui est morte nouvellement, Je dy, en pleurant tendrement : Ce monde n'est que chose vaine ! (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 85).

 

.

Le monde n'est que vanité : Quant vostre cas bien entendrez, Peu priserez mondanité, Mais voz cueurs vers les cieulx tendrez : Le monde n'est que vanité. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 60).

 

.

Ce n'est rien que du monde : Vraiment ce n'est riens que du monde, car nous lisons que Jovinian mist grant paine pour roy devenir, mais il mourut la journee qu'il devoit estre roy du royaume de Perse. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 313).

 

.

Petite chose est de la vie de ce monde. "La vie de ce monde a peu de valeur au regard de l'éternelle" : Breton, mons. messire Olivier, mon maistre, vous mande que vous vous teniez bien en vostre bonne verité, et que, pour chose qu'il soit du monde, vous ne chargiez homme se il n'y a coulpe ; car petite chose est de la vie de ce monde. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 538).

 

.

Trop aimer le monde est folie : Trop amer le monde est foleur. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 199).

 

-

[Le monde, considéré comme mauvais de nature] : Du monde la nature est telle ; Traÿson y est et cautelle, Qui sans celle Vont a cheval par tout paÿs. (Pass. Auv., 1477, 111). Il ne fault rien plus demander, Car pour le monde remander Dieu a envoyé Jehan baptiste, Lequel a mené vie triste Au monde, preschant penitence, Pour mieulx preparer la concience Des pecheurs en terre vivans (Pass. Auv., 1477, 114). Du monde, certes, je suis soulz, Car tous maulx y sont allougez. (Pass. Auv., 1477, 120). ...monde maulvaiz et maligne (Pass. Auv., 1477, 252). ...ce monde faulx et maulvés. (Pass. Auv., 1477, 257).

 

c)

"Société des hommes (en partic., p. oppos. à la vie monastique)" : SECOND CLERC. (...) touz ensemble requerons L'ordre et les draps. PREMIER CLERC. Alons, car Dieu ne nous het pas, Quant pour nous a s'amour attraire Nous fait du monde si retraire Et esloingnier. (Mir. ev. arced., c.1341, 141). ...m'entente est de mener vie Solitaire et en hermitage. Trop ay au monde esté volage (Mir. st Guill., c.1347, 35). Car chascun jour voy c'on m'apresce D'issir de cy et d'ensuyr Le monde. (Mir. st Guill., c.1347, 40). Et pour ceste science qu'il ot des fais du monde, il estoit en continuelle plainte et gemissement pour les deffautz lesquelz il consideroit. (GERS., P. Paul, a.1394, 511). ...se tu veulx entrer lestat [l. l'estat] de perfection, il te propose virginite [l. virginité], il te propose toute voluntaire chastete [l. chasteté], il te propose renunciacion au monde par religion (CIB., p.1451, 188). ...vous requier (...) que me facez avoir mon pain en quelque monastere devot, ou je puisse le surplus de mes jours au service de Dieu passer, car au monde ne puis je de rien servir. (C.N.N., c.1456-1467, 95). Il y a conjonction espirituele par consentement des courages qui est dissolvee par mort espirituele, par laquelle l'home est mort au monde par l'ingression de religion. (Sacr. mar., c.1477-1481, 44). Je veulx le monde habandonner Pour frequenter les lieux cloistriers. (LA VIGNE, S.M., 1496, 257).

 

d)

"Tentations terrestres considérées comme des obstacles au salut" : Mais se le monde heurte par pompes et vanitez, tantost noz li ouvrons et f[ais]ons de nostre ame comme une hale ou un marchié. (GERS., Pent., p.1389, 81).

 

-

En partic. La chair, le monde, le diable : ...la temptacion de ma char, de mounde et de diable. (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 205-206). David, avec maint qui chantoient Qui de joye s'esjouissoient Pour les martirs es cieulx lassus Qui avoient vaincu ça jus Le diable, la char et le monde Et qui s'en venoient si monde Comme l'enfant de nouvel né A lieu qui leur fut ordonné, Feroit sa harpe par doulz sons (DESCH., M.M., c.1385-1403, 254). ...les ymaginations de l'omme vont plus tost a mal que a bien par les troys enemis qu'il ha, c'est le deable, le monde et la char. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 53). ...de toute[s] pars on lui fait [à l'âme] crueux assaulz et tres perilleuse guerre, sans sejourner, par le monde, par la chier, par l'ennemi. (GERS., Pent., p.1389, 74). A moralité [se puet] convertir cest exemple. Ces trois amis sont la cher, le monde et le dyable. (GERS., Concept., 1401, 415).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

 Article 2/2 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     MONDE1          MONDE2     
FEW VI-3 mundus2
MONDE, adj.
[T-L : monde ; GD : monde ; AND : munde1 ; DÉCT : monde2 ; FEW VI-3, 220b : mundus2 ; TLF : XI, 997a : monde2]

A. -

"Pur" : C'est un escut dont la matiere Est de souffrir a humble chiere, Et le champ est de fin asur. Mais il est si monde et si pur Qu'il n'i a d'autre couleur tache Qui le descouleure ne tache. (MACH., R. Fort., c.1341, 67). Et, s'aucun prenoit appétit À mengier poisson un petit, Il le doit prendre et recevoir En tant qu'il peut, à dire voir, De bonnes eaues et mondes Et mesmement des plus parfondes (LA HAYE, P. peste, 1426, 93). Et les pillules, devant dictes, Puiz trocisques plaisans et mondes, Qui sont confections rondes, Et les nobles électuaires, En temps de boce nécessaires. (LA HAYE, P. peste, 1426, 142). Mondes, c'est à dire pures. (LA HAYE, P. peste, 1426, 214).

 

-

"Net, dégagé" : ...Pour avoir la veüe monde. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 276). ...tous les convint a terre trebuchier afin qu'ilz ne te donnassent nul empeschement de regarder sa beauté, dont ainsi avoies tu la veue monde. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 281).

B. -

Au fig. "Sans souillure, pur" : Si que, ma dame, S'espris m'avez de l'amoureuse flame, Plus ne desir pour le corps et pour l'ame, Car je n'en puis avoir honte ne blame : Tant estes monde Qu'en Ynde n'a si precieuse jasme De vo douceur vaurroit mieus une drasme Que tout le miel et le sucre et le basme Qui est en monde. (MACH., Compl., 1340-1377, 261). Se Fortune aimme, c'est de loing ; Elle faut toudis au besoing, N'elle n'a de personne soing, Soit vil ou monde. Et pour si fausse la tesmoing, Qu'elle porteroit faus tesmoing Pour le mieudre amy mettre en coing Qu'elle ait en monde. (MACH., R. Fort., c.1341, 34). Vierge royal, dame excellente, Sur toutes autres pure et monde... (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 217). ...si preng en gré La peine que portes cousteuse, Que tu fains estre folieuse Et qui non sensible est au monde. Je l'acepte pour fine et monde Selon foy et obedience (Mir. parr., 1356, 38). De l'ymage que fist Pymalion Elle n'avoit pareille ne seconde ; Mais la belle qui m'a en sa prison Cent mille fois est plus bele et plus monde : C'est uns drois fluns de douçour Qui puet et scet garir toute dolour ; Dont cilz a tort qui de dire me blame : Je voy assez, puis que je voy ma dame. (MACH., Bal., 1377, 561). Et samblablement disent Valerius et Boëce De Consolacion : que en celluy temps que le monde estoit monde, c'est assavoir que les roys saigement gouvernoyent, le monde estoit en beatitude (LA SALE, Sale D., 1451, 24). Pour estre monde Vaiz rendre compte - de tous mes maulx ; De mes deffaulx Laiz, desleaulx, - vaiz quarre grace. (Pass. Auv., 1477, 151). LE CHARTIER. Nous n'emportons riens de ce monde, Riens ne prouffitent les amas ; Vers Dieu aurons cueur net et munde Des merites sainct Nicolas. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 159). Ainsi sera environné Ce biau siecle, tant pur et monde, Par ce noble fleuve, ordonné Es quatre parties de ce monde. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 29). ...ton saulveur est né au monde, D'une vierge tres pure et monde (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 330). Sans vous [le roy du ciel] les roys dominer se scauroient, Car vous estes le monarche du monde, Accordez donc ceulx qui s'entre guerroyent Et reformez tout en son estat monde (Cene dieux, c.1492, 114).

 

-

Monde de. "Pur de, exempt de" : Vierge de pechié pure et monde... (Mir. femme roy Port., c.1342, 189). ...elle est de si tresnoble affaire, Tant scet, tant vault, qu'en tout le monde N'a de villenie si monde Ne de bonté si bien paree Ne de biauté si aournee (MACH., Voir, 1364, 40). Lors serez vous de pechié monde (Mir. st Ign., 1366, 91). Li roys Jehans, dont Dieus ait l'ame, Ot espousé la milleur dame Qu'on peüst trouver en ce monde. Car d'orgueil estoit pure et monde, Et sot quan que nature donne De bien : ce fu ma dame Bonne. (MACH., P. Alex., p.1369, 24). Si [les fils d'Adam] peuplerent le monde vuit, Et ce premier aage du monde, Qui n'estoit pas de pechié monde (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 140). Tant est la Dame [la Vierge] d'esconfort pure et monde Dont il y a soit derriere ou devant Des veux de cyre plus qu'en place du monde. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 221).

 

.

"Innocent de" : Lors cria haut a sa vois clere L'enfant entre les bras sa mere, Si que li pueples et li mundes L'entendi : "Je suis purs et mundes Dou sanc de ceste creature." (MACH., C. ami, 1357, 12). Et puet estre qu'elle estoit monde De ce fait, et que menti m'as, Dont dolans sui, tristes et mas. (MACH., Voir, 1364, 704). Et s'il a chevalier ou monde Ferme, loyal, net, pur et monde De mal, je vous vueil accepter Pour tel, sans nul autre excepter. (MACH., P. Alex., p.1369, 243).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

Liste des articlesStructure des articlesArticles sans exemplesArticles complet
Fermer la fenêtre