C.N.R.S.
 
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     ESPARDRE     
FEW XII spargere
ESPARDRE, verbe
[T-L : espardre ; GD : espardre ; AND : espardre ; DÉCT : espardre ; FEW XII, 133a : spargere]

I. -

[À partir de spargere]

A. -

"Répandre ; se répandre"

 

1.

Empl. trans. "Répandre (une chose concr. ou abstr.)" : Et s'il ne fust, certeinnement j'espoir Que je fusse cheüs en desespoir, Mais riens qui soit ne me feïst doloir, Quant ses regars Estoit seur moy en sousriant espars, Si que, ma dame, einsi de toutes pars Me confortoit et aidoit ses regars De ma dolour. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 78). Mais la dame plus n'atendi, Qu'aussi tost qu'elle l'entendi, Devers li ses dous yeus tourna, Dont le lion mal atourna, Car quant il vit que li espars De ses dous yeus estoit espars Sus li et sus les autres bestes Qui de li destruire sont prestes, Il se parti de sa presence... (MACH., D. Lyon, 1342, 180). Esgardez conme il [li feux] est espars Par la dedans. (Mir. femme roy Port., c.1342, 186). Einsi m'aloie esbanoiant, Que point ne m'aloie anoiant En ce biau lieu de toutes pars Ou li clers jours estoit espars. (MACH., D. Aler., a.1349, 257). Quant j'ay l'espart De vo regart, Dame d'onnour, Son dous espart En moy espart Toute douçour. (MACH., Rond., 1377, 570). [David dit à Dieu :] "En somme, le tres biau des Filz des hommes, ta grace desiree est diffuse et esparse es levres de ta bouche." [P. réf. au Ps. 45, 3] (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 148). Tu espardras la belle erbe vert de bonnes pensees avecque les flouretes de sainctes meditacions. (GERS., Pent., p.1389, 84). Partout nouvelle en ert esparse. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 257).

 

-

"Distribuer largement" : ...je souhede a part Que tous les biens, qu'elle donne et depart, Soient a nous desploiiet et espart (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 216).

 

2.

Empl. pronom. [D'une chose concr. ou abstr.] "Se répandre" : Ainsi vos noms, qui en mains lieus s'espart, Le bien de lui a pluiseurs gens depart, Et fait souvent un hardi d'un couart, Et .I. sage homme et rassis d'un coquart... (MACH., Voir, 1364, 548). Je croy que li ciels me guerrie Et que Fortune a grant envie De moy tollir honneur et vie Pour plaire à ma dame jolie ; Mais se l'espart Seur moy s'espart De ses dous yex, je n'ay resgart De mort pour mal qu'Amours m'envoie (MACH., Les lays, 1377, 435). ...mais humeur chaulde jassoit ce qu'elle soit plus fluxible, touteffois elle ne flue point aux joinctures, mais elle se espart par le corps pour ouvrir les conduis (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 19). Novelles s'espardoient par le pays du cas, et disoient les ungs et les aultres que le duc estoit mort a Tournay. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 147). ...son odeur s'espardoit parmy toute la forest (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 37). Exemple : quant l'eaue mise sur le feu commence a eschauffer jusques au boulir, elle s'estent et espart tant qu'elle puet. (Somme abr., c.1477-1481, 145). Plaise toy de me consoler, Regarde la sueur couler De ton filz, et le revertue, Regarde le sang que je sue Qui de tout le corps me depart Par la crainte qui en moy s'espart. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 685).

 

-

[De pers.] : Li ennemis de toutes pars Sont parmi le pays espars, Qui font grans et petis onnis. (MACH., Voir, 1364, 610). Car venuz sont de toutes pars Estranges ouvriers qui espars Se sont pour gaingner ci aval. (Mir. femme, 1368, 186). Les gens le roy furent espars Par la cité, de toutes pars, Qui metoient tout à essil. (MACH., P. Alex., p.1369, 90). Si fist la trompette sonner Pour mettre à point et ordener Sa gent qui estoient espars, Par la ville de toutes pars. (MACH., P. Alex., p.1369, 209).

B. -

"(Se) disperser, (s') éparpiller"

 

1.

Empl. trans. "Disperser, éparpiller" : Mais leurs regars, Merci donnant par samblant, aus musars N'estoit mie folettement espars ; Car quant lancier voloit un de ses dars, Si sagement Le savoit faire et si soutivement Que nuls savoir nel peüst bonnement, Fors cils seur qui il chëoit proprement. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 69). S'avoit par le vergier espars Mout cointement de toutes pars Arbres et petis arbrissiaus Et oiselès sus les rainsiaus Qui faitissement s'esbatoient... (MACH., D. Aler., a.1349, 393). ...Tu dois en ton cuer concevoir, Ymaginer, penser, pourtraire La biauté de son dous viaire Et ses crins d'or, crespes et longs, Qui li batent jusqu'aus talons, Et de ses dous yeus les espars, Seur toy mignotement espars, Et de sa tres douce bouchette, Riant a point et vermillette, La douce et attraiant parole Qui t'a mis d'amer a l'escole... (MACH., C. ami, 1357, 77). Baillif, pour ce que nous voulons Que soit tost celle murdriére arse, Et en pouldre sa char esparse (Mir. femme, 1368, 217). Se secheresse a seigneurie en ceste matiere et elle est transmuee par chaleur, adoncques en est engendree couleur blanche, car chaleur de sa nature esteint et espart les parties de la matiere ou elle euvre et engendre soubtillité et clarté (CORBECHON, Couleurs S., 1372, 369). L'ung est hardi, et l'autre tremble, L'ung veult courir, l'autre aler l'amble, L'ung adresse, et l'autre desvoie, L'ung espart, et l'autre rassemble (Narcissus, p.1426, 283).

 

2.

Empl. pronom. "Se disperser, s'éparpiller" : Et la Ve [fontaine], qui s'espart Et s'esvanuÿt et depart Au chant de la vierge, m'ensengne Qu'Amours, qui est la droite ensengne D'Onneur, s'est toute esvanuÿe De vo cuer et s'en est partie, Honneur devant, Paix, Joie aprés, Et Deduit qui les sieut de prés. (MACH., Voir, 1364, 760). Entré y furent tire à tire, Celéement, en larrecin, Plus de X. mille Sarrazin, Parmi la porte qu'il ont arse, Dont la cendre est ja toute esparse. (MACH., P. Alex., p.1369, 98). Aussy gaignièrent en aulcuns lieux du bon bestail, (...) dont les conduiseurs n'en povoient point bien venir à chief de les conduire, pour ce que en aulcuns lieux ne trouvoient point d'eaue pour les abreuver, dont elles s'épardoient. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.5, c.1444-1453, 264). ...car un cuer qui par tout s'espart et requiert dames de tous lez en doit avoir petite part. (LA SALE, J.S., 1456, 16).

 

-

Au fig. "Se répandre, se faire connaître" : L'imagination certes dudit roy estoit raisonnable et en courage puisée, jà-soit-ce que réalment ne se prenoit point là, mais avoit esté prise en vaine gloire, pour soy monstrer et pour faire espardre son nom en divers royaumes selon la diversité des venans. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 371).

 

-

[De pers.] : ...maiz sont espars les escoliers et seront plus, se remede n'y est miz (BAYE, I, 1400-1410, 102). ...Les trois roys et les freres des pucelles veirent que le tournoy s'espardoit et que la chevalerie se commençoit à retraire pour la nuit (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 324). ...Picars et Anglois prestement retournèrent ; et quérant le large pour eux s'espardre et aiser, tirèrent vers Troyes (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 327). Les piragtes s'espardirent cy un, la autre. (LEFÈVRE (R.), Hist. Troyes A., c.1464, 232).

 

-

[De choses concr. ou abstr.] Espars. "Dispersés, sans suite, non reliés (les uns aux autres)" : Et que plus est, nostre pensee est instable, car maintenant nous deffaillons, maintenant revivons, maintenant oublions, maintenant ramembrons, maintenant voulons, maintenant ne voulons, maintenant par cogitations esparses et divers consaulz nous vagons et discourons deça et dela. (Somme abr., c.1477-1481, 144). En cest aage dessus escript ont esté plusieurs souverains hommes et clers astrologiens lesquelx j'ay trouvez en divers volumes espars, mesmement ès volumes cy dessus mencionnés, desquelx je n'ay peu proprement avoir les temps presiz, ne congnoissance de leurs faiz, par quoy je les metz en tourbe, car se seroit à moy impossible de chacun d'iceulx aller investiguer leurs lieux et leurs faiz (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 72 v°).

 

.

Au fig. "Différent" : HERODE. Puisque leur voie [des rois mages] est tant esparse, C'est pour ung grant fait requerie. Sçavez vous qu'ilz viennent querir ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 84).

C. -

"Étaler" : Adont la pucelle espardy ses cheveulx parmy son chief et les commença a pignier. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 169).

 

-

Espardre qqn/qqc. "Étaler à terre, jeter à terre, abattre" : ...si at lanchiet dois dars A Pepin, dont navreit fut li nobles pilhars En la cusse si fort, qu'à terre ilh est espars (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 649). En fuye est tourneis et la banire espart, A terre le gettat le chevalier cohart (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.3, a.1400, 414).

 

-

Empl. pronom. "S'étaler" : CAŸN. La mienne [fumée] va tout au contraire, Car elle s'abaisse et s'espart : Par quoy je congnois pour ma part Que Dieu me het et n'en tient compte. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 23). ...Sy s'espardoit celle queue [d'une comète] au dessus de la Grant Bretaigne et estoit fort ramue. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 519).

 

-

Part. passé en empl. adj.

 

.

"Étalé" : Il vey le plus grant quesne, non point qu'il fust grant de type, mais branchu et espars, et le plus beau qu'il eust oncques veu. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 27). ...et la barbe qu'il avoit grande et esparce, blanche comme nesge (...) lui reposoit jusques sur la poitrine. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 654).

 

.

"Étendu" : Le ciel rëont de toutes pars Qui sur tout le monde est espars... (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 126).

D. -

"(Se) dissiper, (faire) disparaître"

 

1.

Empl. trans. "Dissiper, faire disparaître (une chose concr. ou abstr.)" : Si ne puet estre Que vous n'aiez aucun penser qui nestre Aucune joie face en vous, qui remestre Fait la dolour qui si vous tient a mestre, Si qu'a la fie Par souvenir avez pensée lie Qui vo dolour espart et entroublie. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 91). Quant il [les jeunes gens] l'ont [l'or ne l'argent], liement l'espardent, Et s'il ne l'ont, il s'en retardent. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 145).

 

2.

Empl. intrans. ou pronom. "Se dissiper, disparaître" : Si ne se puet Nuls, ne nulle garder qui amer vuet Qu'il n'i ait vice ou pechié ; il l'estuet ; Et c'est contraire a l'ame qui s'en duet. Et d'autre part, Tout aussi tost com l'ame se depart Dou corps, l'amour s'en eslonge et espart. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 121).

 

-

Ainçois que li jour fut espars. "Avant la tombée du jour" : Et le VJe. jour de mars, Einsois que li jours fu espars, Vinrent au Quaire, ce me samble, Crestiens et Sarrazins ensamble (MACH., P. Alex., p.1369, 192).

II. -

[Croisé avec espartir]

A. -

"Faire des éclairs" : Quant il espart ou tonne, on crie : en la ! (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 178). C'estoit un larron a l'entrée, Mais en tant d'eure qu'il espart, Faictes d'un larron papelart. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 110).

B. -

[Idée de partition ou de séparation]

 

1.

S'espardre. "Se fendre, être labouré" : ...s'on labeure tart Le fruit ne puet avoir si bon regart Pour la terre, Quant elle est desortée, Comme celle qui en bon temps s'espart (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 236).

 

2.

Espars (de/d'avec)

 

-

"Séparé" : ...et nous en alasmes aux champs. Et comme nous fusmes espars en la queste le long des champs, passant seul au pres d'une haye [apparceu] ung jeune homme incensé qui ung chapperon a deux oreilles avoit et l'abit assez consonant (Abuzé D., c.1450-1470, 61).

 

-

"Séparé de" : Le chief ne doit des membres estre espars, Mais le doivent nourrir et gouverner (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 89). ....vous ne pouez gaigner rien A suyvir ung tas de paillars, Fors deshonneur ; soyez espars D'avecques ces mauvais garçons (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 340).

 

-

"Privé de" : A moy pecheur vuid et espars De touz biens ta grace depars, Doulce vierge (Mir. ev. N.D., c.1348, 71).

 

-

"Retiré" : Un les regardoit qui la fu, Qui loing du gieu estoit espart. (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 258).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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