C.N.R.S.
 
http://www.atilf.fr/dmf/definition/eau 
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 Article 1/3 
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     -EAU     
FEW Ø, lat. -ellus
-EAU, suff.
[FEW, Ø lat. -ellus ; TLF : VII, 586a : -eau]

[Suff. à valeur diminutive, formateur de subst. à partir de subst. ou de verbes ; p. ext., suff. formateur de subst. désignant des artefacts concr. ; plus rarement, suff. à valeur diminutive ou plus ou moins péj. pour désigner des pers.]

A. -

[Suff. à valeur diminutive]

 

1.

[Pour désigner des petits d'animal ou de petits animaux]

 

Rem. V. agneau ; aigleteau ; alevineau "menu poisson" ; aneteau "jeune canard" (anas) ; anonceau ; barbeau1 ; bicheteau ; blaireau ; bouveau "jeune boeuf ou jeune taureau" ; buhoreau "butor" ; cailleteau "jeune caille" ; carpeau "(jeune) carpe" ;chaponneau "jeune chapon" ; chardonneau2 "chardonneret" ; chevreau ; cigogneau ; colombeau1 "petite colombe" ; connilleau, connineau "lapereau" ; corbeau ; corbineau "petit du corbeau" ; cormeau ; coulonceau "petite colombe" ; escoufleau "petit de l'escoufle" ; espagneau "épagneul" ; etourneau ; faisandeau ; faonceau, faonneau "petit d'un animal" ; fauconneau "petit du faucon" ; filardeau "jeune brochet" ; gevreau "canard sauvage" ; gorreau "petit cochon ou petit sanglier" ; herondeau "jeune héron" ; hobereau (petit oiseau de proie) ; lapereau ; levreteau "petit lièvre" ; lionceau, lionneau ; louveau, louveteau ; luceau "petit brochet" ; moineau ; moutonceau, moutonneau ; passereau ; perdreau, perdrisseau ; pourceau ; renardeau ; rossigneau "rossignol" ; sautereau "sauterelle" ; serpenteau "jeune serpent" ; vermisseau ; p. ext., pour désigner des animaux, sans valeur diminutive : chameau ; taureau "jeune taur ; taureau".

 

2.

[Pour désigner des objets naturels de petite taille]

 

Rem. V. arbreau "arbuste" ; arbrisseau ; aulneau "(jeune) aulne" ; baliveau "jeune arbre" ; boqueteau "petit bois, bosquet" ; cerneau ; chalumeau "tige creuse d'un végétal" ; cheneau "jeune chêne" ; estoqueau "arbuste" ; fouteau "(jeune) hêtre" ; graneau "petit grain" ; hetreau "jeune hêtre" ; motteau "petite motte" ; ormeau "jeune orme" ; rameau "petite branche" ; vergonceau "jeune pousse".

 

3.

[Pour désigner des artefacts de petite taille, plus petits que ce que désigne la base]

 

Rem. V. aisseau "petit ais, bardeau" ; anneau ; asseau "hachette de charpentier" ; bandeau ; bandereau "cordeau" ; barilleau, bariseau "petit baril" ; barreau "petite barre, tige" ; batardeau "petit couteau" ; batonceau "petit bâton" ; bigorneau "petite bigorne, petite enclume" ; blochardeau "petit bloc" ; bourreau2 "ornement de chevelure" ; bouteau, bottel "petite botte" ; canonceau "petit canon" ; caveau "petit réduit souterrain" ; chaudronceau "petit chaudron" ; chremeau "petit bonnet" ; claironceau "petit clairon" ; colombeau2, colonneau "petite colonne" ; cordeau "cordelette" ; couffineau "petit couffin" ; courtiseau "petit courtil, petit jardin" ; coutreau "petit couteau" (sur coutre) ; cramponceau "petit crampon" ; cuivreau "statuette de cuivre" ; cuveau "petite cuve" ; ecriteau ; enclumeau "petite enclume" ; escabeau ; fagoteau "petit fagot" ; fanonceau "petit fanon" ; flaconceau "petit flacon" ; fustereau "petite fuste (navire)" ; gobeau "gobelet" ; greleau "petite grille" ; hachereau "petite hache" ; hameau ; hottereau "petite hotte" ; hucheau "petit coffre" ; huveau "petite huve" ; matereau "petit mât" ; meuleau "petite meule" ; ponceau, ponteau, pontereau "petit pont" ; porteau "petite porte (de ville)" ; potereau "petite poutre" ; soliveau "petite solive" ; tamboureau "petit tambour" ; tuileau "petite tuile"... ; aussi miracleau "petit miracle".

 

-

[Pour désigner des artefacts qui sont une partie de qqc., des morceaux, des pièces de qqc., la mesure de qqc. ...]

 

Rem. V. biseau "bord taillé obliquement" ; boisseau ; bureau "pièce de bure" ; carneau "charnière" ; chanteau (de pain) "morceau de pain" ; chapiteau1 "partie supérieure de qqc." ; chardonneau1, chardonnereau "montant (d'une porte)" ; chauveau (mesure de liquide) ; copeau ; cosseau "cosse" ; coupeau "partie supérieure d'un arbre" ; creneau ; creponceau "demi-croupe des combles" ; crepeau "créneau" ; drapeau "morceau de drap" ; echeleau "échelon" ; enfesteau "faîte, comble" ; etonceau "partie de la cheminée qui émerge du toit" ; faiteau "tuile de faîte" ; fronteau "partie antérieure de qqc." ; fuseau "morceau de bois" ; grabeau "fragment, résidu (d'épice, de drogue)" ; grumeau ; lambeau ; mareau "portion, parcelle" ; minoteau (mesure de capacité) ; monceau ; morceau ; platreau "débris d'ouvrage de plâtre" ; setereau (mesure pour le grain)...

B. -

P. ext. [Suff. formateur de subst. désignant des artefacts concr., sans valeur diminutive (en partic. des instruments)]

 

Rem. V. aireau, areau "charrue" ; banneau "charrette, tombereau" ; bansteau "panier d'osier" ; batteau "battant d'une cloche" ; berceau ; bluteau, blutereau "tamis" ; cableau "câble" ; chancelleau "partie du choeur qui entoure l'autel" ; couvreau "herse" ; fleau ; fourneau ; fourreau "gaine de l'épée" ; mangonneau (machine de guere) ; marteau ; tableau ; tombeau ; tonneau ; traineau...

 

-

[Pour désigner des coups]

 

Rem. V. buffeau ; cireau ; siseau.

C. -

[Suff. à valeur diminutive ou plus ou moins péj. pour désigner des pers.]

 

-

[Valeur diminutive]

 

Rem. V. enfanteau, enfanceau "petit enfant" ; jouvenceau.

 

-

[Valeur plus ou moins péj. (et parfois diminutive)]

 

Rem. V. affectreau "celui dont le comportement est affecté, prétentieux" ; bavereau "vantard, prétentieux" ; braguereau "jeune galant" ; brouillereau "charlatan" ; coquardeau "sot, niais" ; coquineau "coquin, vaurien" ; coupereau "cocu" ; diableteau "diablotin" ; dimanchereau "celui qui est endimanché" ; friandeau "gourmand" ; fringuereau "jeune homme à la mode" ; garçonneau "valet" ; gloutonceau, gloutonneau ; godelureau ; gourmandeau ; hardeau "celui qui mérite la corde" ; hommeau "pauvre paysan, bonhomme" ; larronneau "petit larron" ; maquereau ; merdereau "blanc-bec" ; mignonceau, mignoteau "freluquet" ; miroudeau "godelureau" ; paillardeau "débauché" ; pendereau "pendard" ; peneau "celui qui est en guenilles" ; raudereau, rodereau "vagabond" ; ribaudeau ; satyreau ; sottereau "sot" ; trompereau "trompeur" ; troublereau "celui qui cause du trouble" ; truandeau "truand" ; valetonceau "individu louche".

 

-

P. ext. [Pour désigner des agents, en partic. exerçant tel ou tel métier (valeur diminutive ou péj. peu sensible ou inexistante)]

 

Rem. V. bedeau ; bourreau1 ; charronneau2 "charron" ; dansereau "danseur" ; farineau "meunier" ; favreau "forgeron" ; gendarmeau, gendarmereau ; marchandeau, marchandereau ; marineau "marin" ; pastoureau "jeune berger ; berger" ; sergentereau ; aussi, dans un autre ordre, beleau "ascendant au deuxième degré" ; chausseau "religieux chaussé" ; coustreau "sacristain" ; damoiseau "seigneur d'une seigneurie de petite étendue" ; jumeau ; parageau "puîné qui tient une partie du fief en parage" ; pretreau "prêtre" (péj.) ; pygmeau "pygmée".

REM. Alternance régulière : -el / -eau. Formes élargies : -cel / -ceau (anonceau, batonceau, lionceau..., à partir de mots comme monceau (monticellus), morceau (morticellus), pourceau (porcellus), ronceau (sur ronce)...) ; -tel / -teau (diableteau, louveteau, à partir de mots comme bluteau, couteau, enfanteau, fagoteau, fronteau...).

V. aussi -eul
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

 Article 2/3 
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     CHEF D'EAU     
*FEW II-1 capra
CHEF D'EAU, subst.
[AND : chef1 ; *FEW II-1, 298b : capra]

"Notonecte, chèvre d'eau (semble désigner ici une affection caractérisée par de l'instabilité)" (synon. capraigue) : Aulcune fois la memoire est blecee ou non, aulcune fois non si come dist est ou chapitre de memoire et selon la diversité des quantités du siege, selon ses diverses infections et corrupcions de courage sont engendrés et selon ce elles ont divers nons, si comme alienacion de pensee, corrupcion de sapience, stolidité cucubut ou chief d'eaue, yponcondria ou mirachia (GORDON, Prat., c.1450-1500, II, 18).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

 Article 3/3 
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     EAU     
FEW XXV 63b aqua
EAU, subst. fém.
[T-L : aigue ; GD : aigue ; GDC : eve ; AND : ewe1 ; DÉCT : aigue ; FEW XXV, 63b : aqua ; TLF : VII, 583a : eau]

I. -

Au propre

A. -

[L'eau dans la nature]

 

1.

[Un des quatre éléments de la physique ancienne] "Liquide incolore, inodore et sans saveur à l'état pur" : Aprés l'eaue est l'air, qui la terre avironne et l'eaue tout autour. Et le feu est aussy aprés, qui avironne l'air de toutes pars et qui le lieu occupe jusques au ciel. Pour quoy nous devons savoir qu'il ne peut estre par nature plus de .IIIJ. elemens. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 3). Et si véons que la lumière Est si mouvant et si légière Qu'en un petit temps ou moment Se multiplie parfaitement En l'air, en l'eaue et sur la terre, Tant est agile et de grant erre (LA HAYE, P. peste, 1426, 4). La terre, l'eau, l'air [et le] feu font plainte Que chair humaine est de vice enflammee, Tant que celle n'est par justice (d)estainte La court du ciel en sera diffamee (Cene dieux, c.1492, 114).

 

2.

[Eau en mouvement ou stagnante]

 

a)

[Eau de sources, de rivières, d'étangs...] : ...[ilz] abuvrerent leurs chevaulx au rieu du molin qui cuert moult prez des murs, et se tindrent là ung grant temps en l'eaue (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 202). Or veult de l'eaue d'un putel, Ou de l'eaue de la fontaine, Du puis, de Marne, eaue de Saine, De Loire, de Dordonne et d'Oyse Et d'Esne, et couvient qu'on y voise (DESCH., M.M., c.1385-1403, 127). L'ystoire dit que ly livreur furent tuit esbahy quant ilz virent le ruissel sourdre soubdainement contreval la valee, rendant grans sourgons d'eaue (ARRAS, c.1392-1393, 34). Atant esvous venu le cerf, qui s'en vint ferir en l'estang. Et la fu prins par force de chiens et trait hors de l'eaue ; et en fu faicte la cuirie et donné le droit aux chiens. (ARRAS, c.1392-1393, 75). L'eau qui passe soubz les moulins, Premier qu'i soit quatre matins, Se convertira toute en cendres. (Rapp., c.1480, 66).

 

-

P. méton. "Cours d'eau, rivière" : ...la première [pièce de terre] joint à la voye par ou ceulx des Ausnez vont à Coustances, et d'autre costé à Colin Lengleys, bute à l'eau qui départ Gratot et la Vandelée (Cartul. Hôtel-Dieu Cout. L., 1370, 176). ...et pour ce que ledit homme se voult revengier, il le jetterent en l'eaue de Saine, où il fu noyé. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 376). Et lors passa l'avant garde en moult belle ordonnance. (...) Et après passa le sommage, et se logerent par de la la riviere, tout au long de l'eaue, et fu bien heure de vespres avant que le sommage feust passez (ARRAS, c.1392-1393, 176). Et pareillement fut ordonné oultre l'eaue de Somme, pour les pays obéissans à la Royne et au duc de Bourgongne, ung autre chancelier. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.3, c.1425-1440, 235). Et lendemain, le roy d'Angleterre fist passer l'eaue de Seine à son frère le duc de Clarence, à tout quatre mille combatans (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.3, c.1425-1440, 277).

 

-

Passer l'eau. "Traverser un cours d'eau" : ...Et des que l'eve passé ourent, Par lez plaines d'Uimes s'encourent (Vie st Evroul S., c.1350, 61). Noz gens chevaulcierent et passerent celle eaue ychi dessoubz qui vient de Prilli, et se misrent en embusque en ce bos (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 6). ...en alant en laquelle ville, ainsi qu'il furent à demie lieue loings de Veily, et qu'ilz passerent l'eaue, virent et aperceurent un homme de village qui aloit devant eulx le chemin qu'il aloyent (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 155).

 

-

Aller aval l'eau. "Descendre le cours d'eau" : : Et, de l'autre costé de la riviere, du costé desdits Bourguignons, passa à nage ung Normant, qui ala copper les chables ordonnez à porter ledit pont, et, partant, ledit pont s'en ala aval l'eaue. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 97). Aval l'eau tous les chiens se misrent, Le cerf aval l'eau descendoit (BRÉZÉ, Chasse T., c.1481-1490, 39).

 

-

Au plur.

 

.

Les eaux de telle région, de tel pays. "L'ensemble des cours d'eau" : Et dit Homerus le poëte que pour ce Thetis, la deësse des eaues, quant elle supplia a Jupiter, le soverain dieu, elle ne ly recorda pas les benefices qu'elle ly avoit faiz. (ORESME, E.A., c.1370, 253). Mais en autres condicions, leur lieu et eulz sont moins nobles, car leur habitacion en pluseurs lieus est perilleuse pour la desordenance et variacion de l'aer et pour la corrupcion des eaues (ORESME, C.M., c.1377, 350). ...illec où ilz vouloient passer n'y avoit point de chemin ne de passage ne acoustumé de y en avoir en saison et temps quel qu'il soit, et que à y faire chemin et passaige ce seroit à destruire et desmolir ladicte achanau, qui est faicte et tenue en point pour recevoir les eaues qui y abondent, pour ce que c'est païs de marais, où toutes eaues du païs se abreuvent ou temps d'iver et par chacun an decourent par ledit achenau à la mer qui est près d'illec. (Doc. Poitou G., t.10, 1456-1464, 266). André de Laubespin, arcevesque, fut en ce temps à Paris, homme moult aprecié pour la science des estoilles, pour ce que fut lui qui predit l'empoysonnement que avoient fait les ladres et les Juifz ès eaues de France et d'autres lieux, comme ès puis et fontaines, cuidans par ce intoxiquer la chrestienté, ad ce que les payans dominassent ou monde. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 128 v°).

 

.

Eaux arrestantes. "Eaux stagnantes" : ...Car mauvaises conjonctions, Et autres constellations Des Planètes o regart fier, Firent et font multiplier Par dedens l'air troubles fumées, Principalement engendrées Des grans bouillons, fumiers et corps, Pourriz en terre et par dehors, Des lacz, palus et vieulx estangz, Et d'autres eaues arrestans De grans vallées et de fosses, Parfondes et ordes et grosses (LA HAYE, P. peste, 1426, 45).

 

.

Eaux courantes : Orpheus fu un poete ; et dit la fable que il tant bien savoit jouer de la lire que mesmes les eaues courans en retournoient leur cours (CHR. PIZ., Ep. Othea L., c.1400-1401, 243). Et peut menger poissons escaumes de eaues nectes courans (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 21).

 

.

Plate eau. "Eau peu profonde, marécage, bourbier" : Tout ainsi devisans d'amours s'en aloient les six chevalliers chevauchans par la forest, tant que sur l'eure de tierce ilz s'embatirent sur une plate eaue. (Percef. VI, R., c.1450 [c.1340], 503). [aussi 637, 779/9]

 

.

[Pour désigner l'afflux d'eau courante] Eaux/grande eau/grandes/grosses eaux : ...pour avoir reffait et redrechié les deux escluses qui sont aux 2 bous devers Saine et icelles reformees et gasonnees de pieux et d'ais tout entour bien et adroit, lesquelles estoient derrompues et debrisees par forche des grosses eaues (...) et aussi pour avoir rapprofondi et redrechié un fossé (Clos galées Rouen M.-C., t.1, 1372, 233). ...comme les pons de Paris, rompus et demoliz par les grans eaues et glaces de l'année passée CCCC VII, eussent esté commencez à estre refaiz et reparez (BAYE, I, 1400-1410, 250). ...la somme de quatre frans, pour ses peines et salaires d'avoir porté lettres de par messeigneurs des comptes de monseigneur le duc à Dijon, à Chaucins (...) où il a vacqué en attendant son expedicion et pour les grandes eaues que par quatre jours, dont mesdiz seigneurs des comptes lui ont tauxé, pour cause aussi des frais qu'il lui a convenu paier pour passer icelles eaues, ladicte somme de 4 frans (Comptes Etat bourg. M.F., t.2, 1420, 889). ...les rivieres estoient desrivées, et tout le bas paiis d'environ inundé et couvert d'eaues. (FAUQ., II, 1421-1430, 235). Lesquelles processions avoient esté ordonnees pour faire oroisons et prieres à Dieu sur l'indisposicion du temps, especialement sur la tres grant inundacion des eaues et rivieres qui avoient fait de tres grans dommages (FAUQ., II, 1421-1430, 236).

 

Rem. Rarement au sing. : Atant par la cité pluiseurs pons ons fist de planches et de bois, qui fisent mult grant confort a la cité encontre la grande eawe [var. les grandes aighes]. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 64).

 

.

ADMIN. Eaux et forests. "Administration des eaux domaniales (cours d'eaux, étangs...) et des forêts" : ...nous vous mandons que vous sanz delay bailliez a nostre amé Robert Le Veneur, chevalier, mestre de noz eaues et foresz ou a son certain commendement par lui coppie de noz registres lesquels vous gardez touchanz noz foresz de Normandie car il en a mestier pour nous. (PHIL. VI VALOIS, Lettres closes C., 1332, 45). Jehan du Moustier, maistre des eaux et forés du roy nostre seigneur et commis de par ledit seigneur pour faire avancer l'argent deu a cause de l'arriere ban pour convertir ou fait de l'armee dont monseigneur Robert de Houdetot estoit capitaine (Clos galées Rouen M.-C., t.2, 1341-1342, 53). ...soubz umbre et par vertu de certaines faulses lettres du roy nostre sire et commission qu'il se disoit à lui données par les maistres des eaues et forez dudit lieu d'Orliens, faisans mencion comme ledit seigneur l'avoit fait sergent desdites eaues et forez, et que par iceulx maistres il avoit esté instituez en icelli office (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 67). ...rapportée et jugiée à l'Eschiquier des eauez et forestz tenu à Rouen le VIIIe jour d'octobre l'an mil IIIIc et deux, les choses qui ensuivent... (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 138). Messire Jehan de Villiers, seigneur de l'Isle Adam, fist en la Court le serement de l'office de maistre des Eaues et Forests de Normandie (FAUQ., I, 1417-1420, 3). ...la visitation d'icelle forest, tenus par Jehan de Garenchieres, chevalier, lors maistre et enquesteur desdictes eaues et forests (PETIT, Cout. R., 1444, 347). Et puis y a les maistres des eaues et des forestz, qui est une chose superflue et a la grant charge du peuple et sans vostre proffit, et y fait on tant d'abbus que merveilles, et a proprement parler de pilleries et roberies sur le peuple (JUV. URS., Verba, 1452, 342).

 

b)

[Syntagmes, locutions]

 

-

Eau courante/eau dormante : Terre trambler, L'aer deust toner - et l'eau corant Et la dorment deussent falhir [;] Le feu ardent Par grief torment - deust tout morir. (Pass. Auv., 1477, 247).

 

-

[Par oppos. à l'eau salée de la mer] Eau douce : Et quant Aigres cuidoit qu'il eüst soif, sy lui donnoit a boire de la doulce eaue dont il estoit bien garny, et sy trouva une estrille, de quoy il le conroioit moult faitissement, quant il avoit temps et heure et qu'il le failloit. (Bérinus, I, c.1350-1370, 239). Et c'est la cause pourquoy l'eaue moins pesante peut moins soustenir que l'eaue plus pesante, si comme l'eaue douce peut moins soustenir que l'eaue de la mer, et aucun vaissel seroit seur en la mer qui periroit en l'eaue douce. (ORESME, C.M., c.1377, 400). Tresours est qui feroit un puix pour avoir eaue doulce et il trouvast fontaine de sel. Tresours est qui caveroit en terre ou en autre lieu et il trouvast miniere de fer, d'acier ou autre metal. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 87). ...[il] ala en la place de Petit-Pont où l'en vent le poisson d'eaue doulce (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 79). Et le gallaffre fait tout traire a terre et se fait logier ainsi comme a demie lieue du port, sur un gros ruisseau d'eaue doulce qui cheoit en la mer, a la corniere d'un petit bois pour lui refreschir (ARRAS, c.1392-1393, 132). Rost de char, poisson de mer et d'eaue doulce, ravioles lombardes, une cretonnee d' Espaigne. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 177). ...et sont tant aleit qu'ilz vinent a Lanchon, une forte citeit haulte de murs (...). Et y at III dolches eawez, et la mere courant parmy. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 211). ...tant de poissons de mer, comme de douche eaue (ESCOUCHY, Chron. B., t.2, a.1465, 240).

 

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[Pour qualifier un membre de telle profession] D'eau douce. "Sans valeur, bon à rien" : LE DRAPPIER. Et, par le saint soleil qui raye, Je retourneray, qui qu'en grousse, Chiez cest advocat d'eau doulce. Hé ! Dieu, quel retraieur de rentes Que ses parens ou ses parentes Avoyent vendus ! (Path. D., c.1456-1469, 118). Vous estes ung devin d'eaue doulce (Jen. filz de rien T., c.1475-1500, 323).

 

-

Eau vive. "Eau courante" : De la roche fait hors issir Jésus Eaue vive tant et sallir Que touz en fustes abevres (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 282). Aussi elle est en bon quartier assise, Et au plus hault est la fontaine exquise De vive eau rendre si tres acoustumee Qu'elle peult bien sans aucune remise Fournir un ost ou une grosse armee. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 226). Et tantost après que laditte voirierre fut fermée, Voyau passa devant luy la sentyne jusques à l'eau vive, tant qu'il ne povoit plus prandre fons, parquoy il se getta sur le bort de laditte sentyne, et fist tant qu'il passa icelle du costé où estoit ledit bastard Vigier, qui se mist dedans icelle sentyne avec les habillemens dudit Voyau, qui se rabilla (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 173).

 

-

Eau plate. "Eau peu profonde" : ...ouquel lieu l'eaue est moult plate, comme il samble, et semée de grosses pierres, et l... ne ose approchier nulle navire de Cristiens. (LANNOY, Voy. amb. P.H., p.1450, 103). Toutesvoiez allerent ils ce jour au long de ce palus bien trois grosses lieuez d'Angleterre et perceurent bien que avoit ung chasteau a merveilles fort, car il estoit tellement enclos de crolieres et plates eaues et fontenieus qu'on ne le pouoit approuchier a piet ne a cheval (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 221).

 

-

[Pour désigner une totalité]

 

.

Avoir en ses mains terre et eau. "Occuper un territoire en totalité" : Il [les Anglais] ont en leurs mains terre et eau. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 257).

 

.

Par terre, par mer et par eaux douces. "Partout" : Premierement, bonnes, seures et loyalles tresves, seur estat et abstinance de guerre, sont prinses, acceptées, fermées, conclutes et accordées par terre, par mer et par eaues doulces, entre le Roy et mondit seigneur de Bourgoingne (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 216).

 

.

Obtenir la place et l'eau. "Se rendre maître d'une place forte" : Il s'i esprouvèrent si bien et si vassaument (...) qu'il obtinrent le place et l'yawe. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 38).

 

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CHASSE Corner l'eau. "Donner un signal convenu avec le cor pour faire savoir que le cerf chassé court dans l'eau" : De l'eaue corner je vous loe, Quant vous vees le cerf qui noe (FONTAINE-GUÉRIN, Trés. vén. M., 1394, 28).

 

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[Cri par lequel on appelle à l'aide quand une personne est en train de se noyer] À l'eau ! : ...Denis (...) se aloit baigner ou havre de Suly, et ne savoit rien de noer, si coula en une fosse aupres d'ung moulin et y fut longuement, tant que Guillem Colin Du Saint Pere, musnier dudit moulin, et deux autres musniers vindrent ; si crierent : "A l'eaue !" tant que tous ceulx qui le povoient ouyr venoient au cry (Mir. ste Cath. Fierbois C., 1470-1483, 19).

 

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[Dans une compar.]

 

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[D'un objet brillant] Plus clair qu'une eau courante : ...Bacinet et camail plus cler et plus luissant De glace de mirouer ou d'une yave courant. (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 24).

 

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Plus qu'il ne court d'eau au moulin. "En grande quantité" : Ha, vieille [loudiere] au cul rond, Sorciere, de vin humeresse, Chassieuse, estrangleresse De petis enfans escrie, Je te diray villennie Plus ne qui court d'eau au molin. Dy, ne congnois tu point Colin, Garsse, ce paillart cahu ? (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 32).

 

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Clair comme de l'eau de roche : NYVELET. Parle cler. MALOSTRU. Comme [l'] eau de roche. NYVELET. Il n'est pas boiteux qui ne cloche. (Copp. lard., a.1488, 155).

 

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(Aussi vite) que l'eau descend de la montagne : Tous le fuient ainsy qu'auwe fait le montaigne Pour les grans coz qu'il donne. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 85). Ensement le fuioient li paiien maleois Con l'iaue le montaigne. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 863).

 

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Comme l'eau esteint le feu : Garde qu'aus povres soit ouverte Ta main a gaaing et a perte, Et Dieus le te rendra a double, Adès pour un denier un double, Car le pechiet aumosne esteint, Si com l'iaue feu, quant l'ateint. (MACH., C. ami, 1357, 136).

 

c)

[Utilisé comme moyen de transport]

 

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Par eau. "Par voie fluviale" : ...ilz alerent par eaue sus la riviere de Loire jusques à Amboise, et là depuis à chars et à chevaulx tant qu'ilz furent en Poitou. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 228). Item, à Jaquet Saiget, voiturier par eaue, pour sa peine et salaire de mener de Paris à Aucerre par eaue lesdiz harens et autres choses dessusdites... (RAPONDE, Comptes La Trémoille L.T., 1396-1406, 88). En tirant d'Orleans a Blois, L'autre jour par eaue venoye. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 154). Le duc de Bedford, le chancelier de France, les deux presidens de ceans (...) partirent de Paris pour aler par eaue en la ville de Corbueil (FAUQ., III, 1431-1435, 49). Et, quant lesdictes monstres furent faictes, le roy s'en retourna à Paris par eaue. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 130). ...l'evsque de salzbucques (...) arriva par eaue à Francquefort et ses gens par terre (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 498).

 

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Par terre et par eau : Si (...) se mist tout et son arroy sus la riviere de Morughue qui vient d'amont et entra en ung vaissel ; luy et ses gens esploittierent tant par eauve et par terre qu'ilz vindrent à Utrech (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 74). Et demoura le roy à Paris jusques au samedi XXVIe jour dudit moys, qu'il s'en party pour s'en aler à Senlis, à Compiengne et autres lieux voisins, où estoit la pluspart de toute son armée contre ledit duc de Bourgongne. Et, après lui, fut menée par eaue et par terre grant quantité de son artillerie et menée à Compiengne, Noyon et ailleurs ou pays de Picardie et Flandres. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 252).

 

d)

Loc.

 

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À fleur d'eau. "À la surface de l'eau" : Et dit, sur ce requis, qu'il ne regarda point se les noëz affondroient, ou se ilz demouroient à fleur d'eaue. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 460).

 

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Sous eau. "En cachette, en secret" : ...quant l'en veult avoir cella [la grâce du prince pour meurtre] ou aultres provisions qui ne sont point raisonnables, cent escutz ou plus ou moings le font passer soubz le coude soubz eau sans en faire bruyt en aucun lieu (Traité politique C., c.1492-1493, 158).

 

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Battre l'eau (et le vent). "Faire une action vaine, inutile" : Parle, tes parlers est perdus, Autant vault le vent d'un souflet ; L'en t'oit bien, c'est tout ; si conclus : Tu bas bien l'eaue d'un pillet. (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 206). Les sages envieux rabatre Ont cuidié leurs vertus haultaines. Mais s'ilz n'ont cuidié l'iaue batre, Au mains ont ilz perdu leurs paines (MARTIN LE FRANC, Champion dames D., t.2, 1440-1442, 77). ...convient-il pour tant que monseigneur, sur leur faire qui est congnu, boute oultre ce qui ne portera point d'effet, fors que honte et blasme, et que tout volontairement et sciemment il envoie perdre ses gens, batre l'eaue et le vent, et se miner d'argent et de chevance, pour un néant ? (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 56). "...Par ma leaulté, je suy moult marry s'il fault que je t'occhie, a cause que tu n'es qu'un enfant ; et se tu te veulz repentir de la follie que t'as emprise contre ma magesté imperiale, je suy celluy quy te pardonray mon maltallent et mon compaignon d'armes te feraÿ. "Tu bas l'eauve, - ce dist Jehan le gentil - mais se toy quy es empereur a moy enfant te veulz humilier et seloncq justice et raison amender ton delict, je cesseray ma hayne contre toy et avray misericorde de ta follie, ou, sy non, a l'ayde de Dieu je accompliray mon amprisë. (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 43).

 

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Faire aller l'eau à son moulin. "S'approprier des avantages matériels (de façon plus ou moins honnête)" : "...Mais chacun boute en son sac, et tyre eaue a son moulin." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 231). ...j'ay parle [l. parlé] de la tierce gerarchie des troys estaz du royaume de France, et demostre [l. demostré] aucunement l'arquemie des suppoz de la dicte gerarchie et de leurs forges particulieres attrayans soutilment et en forme de (de) justice l'eauue a leur moulin a grans ruisseaux encontre le bien publique et prive [l. privé] de la royalle mageste [l. magesté] et de la communaulte [l. communaulté] des Francois [l. François]. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 507-508). ...et saront trop bien venir a leur propoz, [pour] plaire a leurs seigneurs et attraire soubtilement l'eauue de leur voisin a leur propre moulin. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 229). Conclusion : chascun procure De tirer l'eau a son moulin. (BAUDE, Dictz moraulx S., p.1450, 104). ...monseigneur l'evesque (...) est le plus convoiteux prelat de ce royaume, et si a gens entour de luy qui scevent faire venir l'eaue au molin (C.N.N., c.1456-1467, 540). Et convient bien que vous ayez l'usaige De convoquer gens ou il a pillaige, Pour actapper quelque chose de bon, Et demander a l'ung ung gras mouton, A l'autre ung porc, a l'autre de l'avainne, Car c'est l'Accent qui l'eaue au moulin mainne. (MICHAULT, Doctr. temps prés. W., 1466, 128).

 

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Laisser le moustier où il est et l'eau dans la rivière. "Laisser les choses en l'état, ne pas vouloir à tout prix savoir ce qui se cache ni le divulguer" : Par quoy est meilleur de refrener et de restraindre sa langue que d'en plus parler. Laissez le moustier ou il est et l'eaue dedans la rivière, car par telles inquisitions se sont sortis plusieurs noises (ALECIS, Martyrol. faulses langues P.P., c.1475, 338).

 

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Nager entre deux eaux

 

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"Agir hypocritement, en utilisant le mensonge, la flatterie" : ...de sa condicion et nature il [le loutre (masc.)] noe entre entre deux eaues et pesche tous les vivieres [var. NZ pesche les rivieres, OPY toutes les rivieres]. De ceste condicion a mont de gens en cest monde qui noent entre deux yaues, ce sont flateurs et flateresses qui dient mal d'aucun a leur seigneur quant il sevent que le seigneur le het, et a celui blasment leur seigneur quant il sont a privé. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 153). ...par lettres faintes escripvy au nom du roy audit bastard ce que bon lui sambloit se lui renvoya de rechief son simulateur plus affiné que ung vieux renart qui bien scavoit noer entre deux eaues (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 569).

 

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"Utiliser la ruse, agir en douce" : ...c'est celle [Male Volonté] qui sembloit moult tost trouver aucun expedient, et qui scet bien nagier entre deux eaues, et voler bas pour les branches. (GERS., Noël, p.1404, 305). LUCIFER. Deables d'enffer, plains de lourdure, Il fault nagier entre deux eaues Ainsi que font loutres et aues, en gardant qu'on ne le descoeuvre [le corps de saint Quentin] (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 318). [La loutre pratique une nage sous-marine pour attraper le poisson]

 

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"Avoir une attitude ambivalente, ne pas se compromettre" : ...Je festie l'ung, a l'autre fais la moue ; En ce faisant, pour eviter escande, Entre deux eaus, comme le poisson, noue. (Anonyme. In : CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 194).

 

Rem. Cf. G. Roques, Trav. Ling. Litt. 20-1, 1982, 41-42.

 

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Eau trouble

 

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Voir clair en l'eau trouble. "Être perspicace ; voir juste" : ...[messire Simon et Toison d'or] veoyent aussi cler en l'eaue trouble de la comme les aultres [messire Jehan de Croy et maistre Jehan Lorfevre], toutevoyez, pour resister a l'agreté et l'aigreur des deux aultres que bien cognoissoient, se contindrent tousjours sur leur bride afin de les tenir en train tousjours de doulceur et d'amiableté et de fuyr guerre et tribulation par souffrance. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 155).

 

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En eau trouble il fait bon pescher. "Il est facile de tirer profit d'une situation confuse" : Gens qui ne se pourvoient sont nices : En eau trouble fait bon pescher. (ALECIS, Déb. omme mond. P.P., c.1500, 148).

 

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[Dans un contexte métaph.] Les eaux troubles de telle pratique : Et d'une des parties elle estoit plungee en eaues troubles de delices charnelz, et tout environ elle estoyent sensues, couleuvres, laysardes, par lesquelz je entens gens vicieux ou desirs pervers qui sussoyent la partie de ceste beste jusques aux os (GERS., Noël, p.1404, 308).

 

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Tirer eau de pierre. "Faire une chose impossible" : Je ne puis de pierre eau [var. pire eau] traire Ne de triste cueur joye extraire Ne de moy trouver guerison Si vous [la dame sans pitié] n'en estes l'achoisson. (Chasse am. W., a.1509, 219).

 

e)

Prov.

 

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Eau qui trop croist rompt son escluse. "Des ascensions trop rapides peuvent être néfastes" : Quatre ducs furent Bourguignons,Dont assez fresche est la memoire ; Desquelz les ungz sont sages et bons, Les autres ont eu tant de gloire Et d'entreprinse transitoire Que leur maison en est confuse. Eaue qui trop croist ront son escluse. (GAGUIN, Passe temps oisiv. T., 1489, 406).

 

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Eau desrivant s'est tantost enrivée. "Un phénomème violent ou trop rapide ne dure pas longtemps (des réussites trop rapides ne durent pas) " : Eaue desrivant s'est tantost enrivée : A ce mirer se doivent foul et saige. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 51).

 

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Il n'est si male eau que l'eau qui dort. "Il n'est pire eau que l'eau qui dort (il n'est parfois rien de plus dangereux que ce qui paraît inoffensif)" : Les autres, ja soit ce qu'ilz n'aient point d'envie, toutevoyes s'en moquent ilz [d'une nonne vertueuse] et dient : c'est une beguine, c'est une papelarde, dient les autres, qui ne sont si bonnes comme celles qui se jeuent voulentiers et sont escaltieres, et qu'il n'est si male eaue comme la coye. (FRÈRE ROBERT, Chastel perill. B., c.1368, 340).

 

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Eau coie vaut pis que eau qui court : Encore dit on voir, on l'a dit de pieça, Que pis vault la coye eaue que celle qui courra. (Tristan Nant. S., c.1350, 642). Yaue coye vault pis que ridoye. (E. LEGRIS, Anc. prov. fr., p.1400. In : Bibl. Éc. Chartes 60, 1899, 385).

 

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Ne vous fiez en eau coie : Se vous avés a besoignier Avecq homme cault et biguot Qui a coustume de hoignier Couvertement sans dire mot, C'est ung signe d'avoir ryot. Aimés mieulx, quoy qu'advenir doye, Cil qui dit son vouloir tantost : Ne vous fyés en eaue quoye. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 48).

 

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Tant va la cruche à l'eau qu'elle se brise

 

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"À force de braver un danger, on finit par en être victime" : "Outre, ce dist Gerart, de Dieu soiiez dannez [un ennemi qu'il vient de blesser] ! Tant va li pot a l'iaue, par vous est esprouvez, Qu'il en faut faire piechez." (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 639). J'en ay bien veu par cy devant Qui ont bien mis le voille au vent, Et je vous jure sans mentir Qu'ilz s'en pourroint bien repentir : Tant va le pot a l'eau qu'il brise, Tant gratte chievre que mal gist. (S. fol, c.1480-1490, 8).

 

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"Tout finit par s'user et passer" : Car plus ne luyt ce que tant j'aime et prise : Tant va le buyre a l'eaue qu'elle brise. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 414).

 

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[Variante] Tant va le pot à l'eaue que le cul en demeure "que seul le cul en demeure" "À force de faire le mal on finit par être puni" : [À propos de la reine Brunehaut qui a finalement payé pour ses nombreux crimes] Et ainsi fust fait, et mourut mauvaisement tout aussi comme mauvaisement avoit fait murtrir le sang royal innocent. Et pour ce dit le saige que dès .VII. ans vient eaue à fin, c'est-à-dire que tant va le pot à l'eaue que le cul en demeure (LA TOUR LANDRY, Livre pour l'enseign. de ses filles, éd. A. de Montaiglon, 1371, 141).

 

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Loc. prov. Toutes eaux vont à la mer/l'eau court à la mer. "On ne prête qu'aux riches" : Tousjours le pouvre homme assez tent Avoir honneur et bien a court, Mais la ou grace ne s'estent S'il a du bien il sera court. Comme l'eaue en la mer court, Le bien pour amùy ne parent Ne tire qu'au plus apparent. (CHAST., Temps rec. D., 1451, 54). Chacun est huy assés expert D'esloingner celluy la qui pert Et d'aymer cil a qui Fortune Est gracïeuse et opportune. Toutes eaues vont a la mer, Au malade tout est amer. (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 349).

 

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Tirer l'eau d'un puits lointain. "Prendre des détours pour faire dire qqc. à qqn qui ne veut pas le dire" : "Sire, puis que ainsi est que vous ne me voulez rien dire de ce que je vous demande, je m'en deporteray voulentiers. Mais au moins, s'il vous plest, vous me pouez bien dire tous les noms des pucelles qui sont encores a marier, sans meffaire. - Dame, dist le chevalier, je cognois de veue et de nom les six qui sont mariees, et se congnois les autres qui encores sont a marier. - Sire, dist elle, qui de longtain puis vouloit traire clere eaue, plaise vous moy nommer celles qui sont mariees, et a qui ?..." (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 134).

 

3.

[Eau de mer]

 

a)

[Syntagmes]

 

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Eau de mer/eau marine : Yaue de mer boit pour purgier Soy quant ele [la cigogne] en a mestier. (Best. lap. Rosarius S., c.1330, 20). Et c'est la cause pourquoy l'eaue moins pesante peut moins soustenir que l'eaue plus pesante, si comme l' douce peut moins soustenir que l'eaue de la mer, et aucun vaissel seroit seur en la mer qui periroit en l' douce. (ORESME, C.M., c.1377, 400). Et les povres doivent boire eaue marine pour eviter le vomissement. La raison si est car l'eaue marine est salee, et par salure et stipticités qui ensuit la salure, cloust l'orifice de l'estomace et appaise le vomissement. (Rég. santé corps C., 1480, 57).

 

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Eau oceane. "Océan Atlantique" : Ce lieu est avironné de l'eau occeane ; mais deux foiz le jour de la Sainct Michiel, elle fait une voye au peuple. (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 922).

 

-

"Marée"

 

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Basse eau. "Marée basse" : ...ne par basse eaue, ne par haute mer (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 131). Et, pour ce faire [se désaltérer], beurent [les pirates] tant de l'alle d'Engleterre qu'il se trouvèrent fort enyvrés et à basse eaue, entre Gravelinghes et Calaix, sy que possible ne leur fut eulx retirer en la grant mer. (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 217).

 

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Eau vive / eau morte. "Grande marée (marée de nouvelle lune ou de pleine lune) / marée faible" : Ainsi son cours fait et termine La mer, qui tousjours suist la lune, Croissant, plaine, estroicte ou commune ; Et si comme elle [est] foible ou forte, Fait en mer eaue vive [ou m]orte. (LE FÈVRE, Vieille, trad. De vetula H., a.1376, 331).

 

b)

P. méton.

 

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"Navigation" : ...Eureux en femme, eureux en marchandise, Eureux en eau, eureux en entreprise (MICHAULT, Danse aveugles F., 1464, 102).

 

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Ne savoir gueres de l'eau. "Ne savoir guère naviguer" : Si n'eurent pas longuement nagié vers ces parties quant ilz veirent en la mer deux nacelles, dont bien moustroient les meneurs qu'ilz ne sçavoient guaires de l'eaue, car approchier vouloient, mais n'en sçavoient venir a chief pour ce que le vent et les ondes les menoient a leur vouloir. (Percef. VI, R., c.1450 [c.1340], 287).

 

-

"Pêche"

 

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Vivre de l'eau. "Vivre de la pêche" : ...a tant ilz ouirent venir parmy la mer nagant une petite nacelle d'un pescheur qui se vivoit de l'eaue. (Percef. VI, R., c.1450 [c.1340], 280).

 

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Petite eau. "Bras de mer" : ...pour salaire de genz qui porterent le dit argent hors du batel devant Honnefleu par la boe et par la petite eaue ou le batel ne povoit aler (Clos galées Rouen M.-C., t.2, 1341-1342, 60).

 

c)

Loc. prov. De l'eau de mer on pourroit trop faire. "Même de l'eau de mer on pourrait abuser au point d'en manquer ; même si on est riche, l'argent peut s'épuiser si on le dépense de façon inconsidérée" : ...quelque grand seigneurie qu'il aye [le prince], comme dit ung prouverbe, que de l'eau de mer l'on porroit trop faire, et il en pourroit avoir faulte au bout de l'an, et fault qu'il s'ouvre de l'argent si quelque chouse luy survenoit. (Traité politique C., c.1492-1493, 149).

 

4.

[L'eau sous forme de pluie]

 

-

Eau de pluie : ...se l'eaue de la pluye entroit dedens les pertuiz du poiz, il se fandroit et partiroit en deux et ne germeroit point (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 122).

 

-

Les (grandes) eaux. "Pluie diluvienne (en part. celles du déluge biblique)" : Il dit que les yaues du ciel se multipliérent et eslevérent l'arche. (Mir. march. larr., c.1349, 92). Aussi, pour ce que bien savoit Que Dieu par le Deluge avoit Puny les gens, pour leurs pechiez, Dit qu'il en vendra bien a chiez, Se Dieu ses eaues envoyoit Et du ciel le monde noyoit (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 148). Lors fist [Dieu] le deluge venir Et par tout grans eaulx courir ; Tout le monde cy fut noyé, Il ne demora fors Noé, Sem, Caym, Jaffet, ses drois enffens, Des ames quil couroient les champs. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 4). ...à l'occasion de la grant tempeste, impetuosité de vens et inondations d'eaues qui furent esdiz lieux, plusieurs gens et bestes furent tuez, (...) et plusieurs (...) maisons, moulins, pons, terres, vignes et prez enmenez et asablez (Lettres Louis XI, V., t.8, 1479-1480, 234). ...fut en ce temps moult aprecié des Flagmens, ausquelx il predist plusieurs choses en son temps et, entre les autres, predist sur la revolucion d'aucune année la rebelion du conte de Flandres, dont sourdit grant guerre et les grandes euves qui durerent si longuement que le roy Phelippe ne pot tirer son armée en avant sur ledit conte. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 129 r°). Le jeudi, .XVII. jour de septembre, le roy vint a Versay, et ainsi luy fut il conseillé pour ce que l'abondance des eaues de la pluie qui avoit esté avoit suffoqué tout le dit camp. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 305).

 

-

Deluge d'eau/des eaux : Pour ce voit on avenir ou monde les grans mortalitez et les expidimies de gens et de bestes aussy, aucunesfoiz les grans deluges d'yaue et de feu aussi (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 67). Cestui prenostica le deluge des eaues qui fut en Thessalle soubz Deucalion et les feux qui furent en Ethioppe et les horribles pestillences qui furent en divers lieux. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 25 v°).

B. -

[Dans la vie de l'homme]

 

1.

[Usages domestiques]

 

a)

[L'eau utilisée comme boisson et dans la préparation des aliments] : Sachent tous que je, Colin Hardi, maistre de la nef appelee la Grace-Dieu de Saint-Savenien, ay eu et receu de Jehan Lengleis, maistre des garnisons du roy nostre seigneur, pour pourveoir de cuisine, de chars, poissons, candelle, 16 tonneaux wiz pour mectre eaues et bevrages (Clos galées Rouen M.-C., t.2, 1340, 15). ...desoresmais je ne quier A vivre que d'yaue et de pain (Mir. nonne, 1345, 349). Or regardez la grant paine, et trouvoient ces chevaliers et escuiers d'Angleterre les vins ardans et fors, qui leur rompoient les testes et secquoient les entrailles et leur ardoient les foies et les poumons, et se n'y savoient ne povoient remedier, car ilz trouvoient petit de bonnes eaues ne de fresches pour temprer leurs vins ne eulx raffresquir. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 85). ...et quant elle ot eu un petit d'eau à boire, requist instanment que hors de ladite question l'en le meist, et que des accusations contre elle par icelle divine faites, qui estoient vrayes, elle leur diroit verité, et la maniere comment elle avoit ensorcelé sondit mary. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 322). Et s'en vindrent refreschir en l'isle de Rodes. Et donnerent aux freres de la religion les fustes qu'ilz avoient conquises. Et la sejournerent IIIJ. jours, et y prindrent de l'eaue fresche. (ARRAS, c.1392-1393, 90). Jeuner lui fault [à Villon] dimenches et merdiz, Dont les dens a plus longues que ratteaux ; Aprés pain sec, non pas aprés gasteaux, En ses boyaulx verse eaue a groz boullon, Bas en terre - table n'a ne tresteaux -. Le lesserez la, le povre Villon ? (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 69).

 

-

Eau de telle viande. "Eau dans laquelle a cuit telle viande, bouillon" : De l'eaue du lart y peuz tu bien mectre [dans les pois] et de l'eau de la char ; maiz l'en n'y doit point mectre de sel, non mye bouter la culier, jusques a ce qu'ilz soient bien cuiz. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 197). Item, poree blanche de bectes se fait comme dessus, en eaue de mouton et beuf ensemble, maiz non point de porc (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 201).

 

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Sert de l'eau. V. serdeau "Domestique qui apporte l'eau à table (parmi d'autres tâches)" : À Symon, sert de l'eau, ledit jour, sept solz six deniers, pour sa despence allant d'Angiers à Saumur quérir aulcunes paillaces et espiez (Comptes roi René A., t.1, 1452, 6). ...Perrinet, sert de l'eau (Comptes roi René A., t.3, 1479, 148).

 

-

Au pain et à l'eau. "Régime alimentaire de certains prisonniers" : ...[ils] conseillerent que elle feust tournée ou pillory, et, en oultre, tenue prisonniere au pain et à l'eaue un mois oudit Chastellet (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 201). ...et ledit maistre Robert Broisset fu d'oppinon que elle feust tournée ou pilory, et, en après ce, tenue par demi-an prisonniere au pain et à l'eaue, et, en après ce, li feust deffendu que d'ores en avant elle ne usast de telles invocacions, sur peine du feu. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 312). ...et en ce le condempne ladicte Court et aussi à tenir prison en ycelle Conciergerie par l'espace de deux jours entiers au pain et à l'eaue. (FAUQ., I, 1417-1420, 381). ...fut condampné à estre batu par les carrefours de ladicte ville et privé de toutes offices royaulx, et à estre ung mois encore en prison au pain et à l'eaue. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 82).

 

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Condamné à l'eau de tristesse/à l'eau d'angoisse et au pain de douleur. "Condamné à la prison perpétuelle" : Voire, par le roy souverain, Jamais de lui ne mesdirez, Car toutes deux mises serez Maintenant, par nostre seigneur, A touzjours au pain de doleur Et a l'iaue aussi de tristesce. (Mir. abbeesse, 1340, 95). Et saucuns [l. s'aucuns] clers de Chastillon est condempnés à l'eaue de tristesse et à pain de doulour, les meubles sont à Monseigneur de Lengres, et les héritaiges assis à Chastillon seront vendus la moitié à monseigneur le Duc, et l'autre moitié à Monseigneur de Lengres. (Chartes communes Bourg. G., t.1, 1371, 362). Puiz a esté declaré estre attaint et conveincu de crime de lese magesté, et a esté privé de tous offices et benefices ecclesiastiques, et condempné en chartre perpetuel à pain de doleur et eaue d'angoisse, à tenir prison ecclesiastique au bon plaisir du Roy et de l'Eglise ou chapitre de Paris, et que publiquement, le chapitre present, ou parviz de Nostre Dame, ledit d'Orgemont present en eschafaux seroit preschié pour exemple. (BAYE, II, 1411-1417, 249).

 

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Lever eau. "Faire provision d'eau douce, pour la navigation" : ...en voulenté de lever au port de Jon eaue, dont mes dictes galees estoient mal fournies (Bouciquaut L., 1404, 283).

 

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Au plur. : ...Jason et Herculés les [les nobles] assamblerent et leur dirent la ruidesse que le roy Laomedon leur avoit fait en leur reffusant premierement a Herculés les chevaulx qu'il lui avoit promis pour la delivrance de sa fille Hesiona, et secondement a Jason vivres et eaues pour leurs deniers, dont ilz avoient esté comme en peril de mort. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 220).

 

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Loc.

 

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Boire l'eau de sa propre citerne. "Se contenter de ce qu'on a ; être fidèle à sa femme" : ...ne donne pas a autrui ta gloire, mais boy l'eaue de ta propre cisterne et te delicte en une joye amoreuse avec la fame de ta jeunesse, c'est assavoir avec ta tresamee compaigne et gracieuse espouse la royne, qui te soit tresamee. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 160).

 

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Eschauffer l'eau de qqn. "S'occuper de l'affaire de qqn (péj.)" : LE VILLAIN. Ha ! que le maistre fera grant conpte Quant il verra mon filz Jacob. JACOB. Encoir n'y suy ge pas, siro, Je vous eschaulferey vostre eau. (Vil. Jac. T.C., c.1450, 167).

 

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Faire eau grasse de qqc. "Se servir de qqc. pour s'enrichir" : Tant plus a acquerir s'amort, Et tant plus desirent sa mort, Pour avoir les biens qu'il amasse, Dont après font mainte eaue grasse. (LE FÈVRE, Lament. Math. V.H., c.1380, 190).

 

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Mettre de l'eau dans son vin. "Modérer ses exigences, composer, se calmer" : Criens doncques ta partie adverse Et si metz de l'eaue en ton vin Avant que ta charette verse En bourbe ou en beau chemin. (TAILLEV., Prise Luxemb. D., 1443, 175). Et de fait [la vieille] y restiva alencontre [d'un mariage par erreur] de tout son pooir, et fist venir la cause devant l'evesque de Cambray, la ou elle fut rabbouree durement et moquee, et tellement qu'en fin elle mist de l'eaue en son vin et accepta aggreable ce que l'eglise avoit fait. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 232). Vostre emprise n'est que venin : Mettés de l'eaue en vostre vin. (Compl. Dinant T., 1466, 30). ...se luy et sa conpagnie fuste allé devant la ville de Peronne eus rengier et amonstrer en belle bataille et ordonanse (...) cheus de la ville euste mis de l'iauve en leur vin et que peut etre il se fuste rendus (JEAN DE HAYNIN, Mém. B., t.1, 1466-1477, 23). Lequel suppliant, voyant lesdictes choses, remonstra gracieusement audit Guillaume qu'il faisoit mal, en lui disant telles parolles : "Mon frère, je te prie, deporte toy et ne me va plus vituperant. Je ne suis ribault, infame ne parjure, tu le scès bien. Beau sire, mect de l'eau en ton vin, et va faire ta besongne." (Doc. Poitou G., t.11, 1469, 191). ...il myst après de l'eau en son vin et ne fust pas si chault de venir ozer asaillir noz gens. (LESEUR, Hist. Gast. IV, C., t.2, 1477-1478, 11).

 

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Prov.

 

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Aise est qui prend l'eau à son puits/de sa citerne. "Bienheureux celui qui peut satisfaire ses besoins, par ses propres moyens" : Aise est qui prend l'eaue a son puys. Qui prend l'eaue de sa cyterne Sans l'emprunter a son voisin Ou qui joue de sa guitterne, Il ne muse point d'un coussin. (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 154).

 

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L'eau emblee est plus douce chose que n'est le vin qu'on a en abondance. "L'eau qu'on vole est meilleure que le vin qu'on a en abondance" ; en l'occurrence "le plaisir clandestin en amour dépasse le plaisir légitime et habituel" : L'eaue emblee est asséz plus doulce que n'est le vin que on a en habundance ; ainsi est d'Amours : le plaisir celé et mussé trespasse d'asséz cellui du mary que on tient tousjours es braz. (BEAUVAU, Troyle B., c.1455, 575).

 

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Eschaudé craint l'eau (chaude) : Telz fu gouteux qui sault comme lipars ; Chaude yaue craint cilz qui a esté ars (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 140). On dit qu'eschaudez yaue craint, Poissons batu fuit le fillé (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 30). Eve te cuida enchanter, Les cieulx tollir et supplanter. Se ta fille te deceüt, Ta femme trop pis fait eüst. Eschauldés craint eaue chauffée ; Ainsi doubtas tu la maufée. (LE FÈVRE, Lament. Math. V.H., c.1380, 165).

 

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[Dans une compar.] Aussi vite que l'eau chaude chasse le chien de la cuisine : Mais ce se peut ainsi legierement faire comme l'eaue chaude chasse le chien de la cuisine. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 17).

 

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Jamais pour boire de l'eau ne seroit un homme ivre. "On n'est pas ivre pour avoir bu de l'eau ; il y a toujours une vraie explication à un phénomène" : Or n'ont possessions, ne mars, ne saus, ne livres [les prêcheurs mendiants] ; S'est fort que tant de gent puiscent trouver leurs vivres ; Se troèvent leurs chevanches par scienches, par livres ; Jamais pour yauwe boire ne seroit uns hom yvres. (GILLES LE MUISIT, Poésies K., t.2, c.1347-1353, 41).

 

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Tel blasme chez autrui le vin qui chez lui ne boit que de l'eau. "Tel critique une chose qu'il est incapable d'apprécier" : Tel va consulter le divin Qui n'y aprent rien de nouveau ; Tel blasme chieux aultrui le vin Qui chieux soy beroit bien de l'eau [var. Qui en sa maison boit de l'eau] ; Tel se dit estre medecin Qui ne congnoist chaumal ne fievre (ALECIS, Faintes monde P.P., c.1460, 109).

 

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Quand l'eau suffoque un homme, quel besoin y a -t-il qu'il boive encore ? "Quant on a en excès de quelque chose, il est dangereux d'en vouloir plus" : ...mais celui qui est incontinent, il est culpable du proverbe ouquel nous dison en ceste maniere : quant l'eaue suffoque un homme, quel mestier est il que il boive encore ? (ORESME, E.A., c.1370, 369).

 

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Un clerc sans livre puise de l'eau avec un tamis. "Un clerc sans livre n'est bon à rien" : Et disoit aussi un Versifieur : "Haurit aquas cribris Clericus absque libris" : "un clerc sans livre epuisse l'iaue au crybre". (Songe verg. S., t.1, 1378, 227).

 

b)

[L'eau utilisée pour la toilette] : À Guillaume Delesnaye (...), cinquante et cinq solz, en II escuz, à luy ordonnez par ledit seigneur, (...) pour ce qu'il a fait tirer l'eaue pour les bains (Comptes roi René A., t.2, 1452, 324). Sa, de l'eau, a laver les mains ! Verse assés (Pass. Auv., 1477, 90).

 

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Donner l'eau. "Apporter l'eau pour se laver les mains avant le repas" : Si estoient ja les tables mises, si fu l'eaue donnee si tost come ilz entrerent en la sale (Chev. papegau H., c.1400-1500, 41). ...et assez brief apprez vinrent en une salle où leur fut donnée l'eaue, chascun à part soy, moult honnourablement ; puis se assit le Roy à ung des bouts de la table, et la Royne à l'autre. (ESCOUCHY, Chron. B., t.1, a.1465, 181).

 

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Corner l'eau. "Donner un signal sonore pour inviter les gens à venir se laver les mains avant de passer à table" : Adont cornèrent l'iawe, escuwier et garchon ; A table sont assis li vaillant compaignon (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 358). ...la noble compaignie retourna a l'ostel du conte d'Artois, ou le disner fu prest, tablez misez et l'eauve cornee (Comte Artois, c.1453-1467, 19). Ilz monterent tous ensamble ou palaix, ou les tables furent mises ; l'eawe fu cornee, sy s'assirent au disner (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 58).

 

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Loc. Laver qqn de son eau. "Prendre qqn sous sa protection, savoir récompenser qqn" : Jamais homme n'aura le cueur si mince Ne tant recreu que ne face eslever, Quant de mon eau je le vouldray laver. Dictes moy donc si mien servant serés (...), Car j'espoir bien de vous conduyre a tant Qu'a la parfin je vous feray contant. (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 202).

 

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Au plur. "Eaux usées" : ...les quelles veues, fenestres et esgous estoient contre l'usaige et coustume de la ville de Paris, et eussent conclu iceulz religieus contre les diz Pierres affin que il feussent condampnez et contrains a oster les diz agoux et a recevoir et requeillir leurs eaues par devers eulx, et a mettre les dites fenestres a fer et a voirre dormans, selon l'usaige et coustume de la dite ville de Paris, et tant eust et ait esté procedé que iceulz Pierres advoerent a garant ladite Denise qui ycelle maison leur avoit bailliee (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1365, 303). Et puis qu'il fault comparoir mal a mal, cest avantaige ont les populaires que leur bourse est come la cisterne qui a recueilli et recueult les eaues et les agoutz de toutes les richesses de ce royaume, qui es coffres des nobles et du clergié sont amendriz par la longueur de la guerre, car la fieblesce des monnoies leur a diminué le paiement des devoirs et des rentes qu'ilz nous doivent, et l'outrageuse chierté qu'ilz ont mise es vivres et ouvraiges leur a creu l'avoir que par chascun jour ilz recueillent et amassent. (CHART., Q. inv., 1422, 34). ...[les deniers seront distribués] pour les vuydanges des eaues et immondices, ainsi qu'on verra estre neccessaires. (Lettres Louis XI, V.M., t.10, 1446-1483, 5).

 

2.

[Usages religieux]

 

a)

Eau benite. "Eau consacrée selon les rites, qui sert à bénir les fidèles, les objets du culte..." : J'ay bien chier ce signe de croys Et ceste yaue benoite aussi (Mir. prev., 1352, 269). Et toutesfois a l'examen de ma juste balance aucuns en y a qui, rempliz de brouez, ne sont pas digne quant a science ou meurs de porter l'eauue benoist ou estre acolite d'une petite eglise. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 310). Disant à elle qui parle, par la maniere que dit est, que nul temps que elle yroit le dimenche au moustier, elle ne prenist ou jettast sur elle aucune eaue benoite (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 292). Et toute la bourgoisie venoit a pié contre lui, et le clergié a croix et a gonfanons et a eaue benoite (ARRAS, c.1392-1393, 194). C'est que avant nulle euvre, quele qu'elle soit, a l'eglise vous en alez et prenez de l'eaue benoite (LA SALE, J.S., 1456, 44). ...quand elle fut près, il luy bailla de l'eaue beneite (C.N.N., c.1456-1467, 301). Et, icelle [messe] dicte, lui fut baillé de l'eaue benoiste et du pain benoist dont il menga, mais il ne but ne but point lors ne depuis. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 358).

 

-

[Dans un contexte grivois ; l'eau bénite impose l'image du goupillon, métaph. connue pour désigner l'activité sexuelle] : LA MARIÉE. ...Je l'entens bien, dame nonnete, Vous voulsisiés que l'eau benoiste Se fist quatre foys la semaine. (Malcont. T., c.1500, 356). [V. infra : ex. de COQUILLART]

 

-

Donner l'eau bénite à qqn. "Tremper son doigt dans le bénitier et donner l'eau bénite à un autre fidèle, par le contact de son doigt sur un doigt de l'autre (parfois l'occasion pour un amoureux d'entrer en contact avec celle qu'il courtise)" : Je me mervoilloye, fait la mere, comment il me portoit si grant honneur, car quant je voys a l'eglise, il me vient donner de l'eau benoiste, et partout ou il me trouve, il me fait touz les services qu' il peut. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 107). Et au matin, a la messe sonner, L'amant s'en va l'eglise environner Et l'eaue benoiste a sa dame donner, Et la paix prendre Tout volentiers pour lui porter et tendre, Car c'est le bien ou il veult lors entendre Qu'aprés elle baisier sans plus attendre. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 170). En pocession et saisine que le dit deffenseur ne doib aler a la messe ou elle va pour luy bailler a l'entré l'eau benoitte. (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 24). L'AMANT. Sy estoit ma personne duite Pour estre des premiers devant A luy bailler de l'eau beniste ; puis, s'elle faisoit la petite Ou qu'elle me gectast doux yeux, J'estoie lors de joye subite Transsi et ravi jusqu'aux cieux. (Amant cord. M., 1490, 25).

 

-

Eau benite de cour

 

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"Belles paroles, paroles creuses" : Sy estoient les mots beaux d'un costé et d'autre ; mais de la part du roy, par l'expérience des choses passées que les sages notèrent, et de celles aussi qui depuis advinrent, il y sembloit avoir plus de vuydeur que d'effet, et que ce n'estoit que benoîte eau de court jetée d'un asperges de plate langue (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 150).

 

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[Avec des résonances grivoises] : Au chevet du lit, pour tous jeux, Pend ung benoistier qui est gourd, Avec ung aspergés joyeulx Tout plain d'eaue benoiste de court (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 233).

 

b)

[Dans les rites du baptême]

 

-

Eau de baptesme : La VJe. trinité est par laquelle nous sommes reparéz, c'est a scavoir l'esperit, l'eaue et le sang. L'esperit de Dieu nous saintefie, l'eaue de baptesme nous lave et nettie, le sang de nostre redempteur nous a racheté de la mort eternele (Somme abr., c.1477-1481, 127).

 

-

Eau de fonts. "Eau des fonts baptismaux" : ...et furent luy et sa mere baptisez en eaue de fons (MIÉLOT, Mir. N.D. L., 1456, 102).

 

-

Passer par l'eau. "Recevoir le baptême" : SATAN. Bien scai que par l'eaue passa [le pélerin] Et que dedens on le lava ; Mes tantost com cognoissance Il ot et apercevance, Sa lavëure pou prisa Et en l'ordure se bouta. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 25).

 

c)

[Dans le sacrifice de la messe]

 

-

Eau à chanter. "Eau nécessaire à la célébration de l'eucharistie, au rite du lavement des mains" : ...deux burectes d'or à mectre le vin et l'eaue à chanter en ladicte Chapelle (Ch. VI, D., t.2, 1420, 380).

 

d)

Au fig. [L'eau symbolise différents dons de Dieu] Eau de devotion/de grace/de vie/de componction/eau vive : ...en pierre Crist fu faicte l'ouverture Dont a surgion issi l'yaue de vie (Mir. st J. Paulu, c.1372, 150). ...Pierre ou l'yaue de grace fu puisie... (Mir. st J. Paulu, c.1372, 151). Et puis t'a une aultre painte De l'eaue de compuncion, Pour avoir la salvacion Et la joie perpetuele De l'ame en la gloire eternele (DESCH., M.M., c.1385-1403, 321). Tu lui feras chiere tres bonne et joeuse, et ly donras a laver de l'yaue de devocion, chaufee par feu de bonne amour et dileccion (GERS., Pent., p.1389, 84). Et pour ce faire, et que toutes noz ames soyent belles et plaisans a Dieu, empetrez nous l'eaue de grace pour nous purifier, car vous en estes la fontaine toute plaine. (GERS., Concept., 1401, 427). ...tu seul medecin qui donnes l'eaue vive, de la quelle qui en boit ne meurt eternellement, viens a moy et ois la voix de ma deprecacion (CHR. PIZ., Psaumes allég. R., 1409, 91).

II. -

P. anal.

A. -

[Anal. de consistance]

 

1.

[Domaine physiologique, biologique, minéral] "Sécrétion liquide de l'homme, de l'animal, des plantes"

 

a)

[Chez l'homme]

 

-

"Salive"

 

.

Loc. Faire venir l'eau à la bouche. "Donner envie, mettre en appétit" : ...si les luy mist devant luy [les perdrix] toutes venantes de la broche, [rendantes] une fumée aromatique assez pour faire venir l'eaue a la bouche d'ung friant. [Le maître d'hôtel de l'évêque lui présente des perdrix] (C.N.N., c.1456-1467, 582). ...et encores plus, que quant serions en chemin en nous allant, que me diriez encores d'autres choses qui me feroient venir l'eaue à la bouche (Archives servit. Louis XI, T., 1459, 9).

 

-

"Larmes" : Pleure pour moy, mon tres chier enfant, en devote oroison, et je te afferme que l'eaue de tes larmes, se elle est pure et nette sans laydure de pechié mortel, estaindra tout ou en grant partie l'ardent feu qui me travaille et brule. Helas, mon doulx enfant, pourras tu refuser a ceste povre mere une goutte d'eaue, une seule larme qui tant luy puet proffiter et sa doleur alegier ? (GERS., Déf., 1400, 227).

 

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L'eau/les eaux des yeux : Doulz piés que portés si grant faiz, Et voz, jambes pleines de sueurs, Des eaulx de mes yeulx en douleurs Vous lavarey piteusement. (Pass. Auv., 1477, 152). D'uile ne m'as pas oint ma teste, Ne d'eau lavé mes piés fangeux ; Et elle de l'eau de ses yeulx Moult bien nectiés A doulcement lavé mes piés Et de ses doulx chaveulx nectiés, Et les a oint benignement. (Pass. Auv., 1477, 154).

 

.

Eau de larmes : ...l'abondance de l'eaue de larmes fluentes du cuer contrict contraignent ta misericorde vers les pecheurs (CHR. PIZ., Psaumes allég. R., 1409, 85).

 

-

"Sueur" : Vostre visacge est tout plein d'eau ; Pouvre homme, il le fault essüer. (Pass. Auv., 1477, 193).

 

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[De Jésus] Suer sang et eau : Dieux qui sanc et eve suas, Et qui vos en croiz aoffrir Ton corps, et pour nous mort souffrir, Pour ton peuple d'enfer giter, Plaise toy a nous acquitter, De l'engin de cestui maufé. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 238). Item, enmy lieu de ceste valee est le sepulcre ou la mere Dieu suait sanc et eawe. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 74). Et la pour la grant douleur qu'il avait a sentir, sua sang et eau. (Pèler. D., 1486, 344).

 

-

"Écoulement aqueux" : Quant aucun a douleur de sa teste et environ la teste, et sanie ou eaue decoure aux oreilles ou a la bouche, tel flux garist la maladie. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 90).

 

-

Au plur. Les eaux. "Sérosité qui enveloppe le foetus pendant la gestation" : Quant ce vient a crier les aulx, Les jeux ne luy sont gueres beaulx [au mari] ; Car s'il advient en plain minuyct Le mal luy prengne, toute nuyct Vous le verrez par la cité Courir comme ung homme cité, Dieu sçait en quel[le] peine et esme Pour trouver une sagefemme. (Serm. maux mar. K., c.1500, 160).

 

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"Urine" : Et si luy froteray les rains D'huylle si bonne et si utille Qu'elle portera filz ou fille. Et si me vante, sans abus, de juger eaulx, car j'en suis maistre (Jen. filz de rien T., c.1475-1500, 314). LE DEVIN. Or paix ! Il fault que je devines, Je ne veulx plus voz eaulx juger ; Car je ne me fais que abuser. (Jen. filz de rien T., c.1475-1500, 324).

 

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Faire son eau/pisser de l'eau. "Uriner" : ...[il] se leva de nuit de son lit, feignant qu'il voulsist aler pissier de l'eaue (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 170). Le dit Jehan Leleu, separé et eslongié des autres, comme dit est, faindist hors chemin d'aler faire son eau et le dit supliant le suyvoit. (Arch. Nord, 1475, B 1698, f° 24, IGLF).

 

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[Chez l'animal] "Écoulement d'humeurs" : Ainssi convient il que les humeurs descendent de la teste. Cestes humeurs font une maniere de aue perse et espesse et aucunes foiz blanche. (GUILL. VILLIERS, Hipp. P.-D., a.1456, 142).

 

b)

[Dans une plante] "Sève" : L'iaue qui ist de la vigne, quant on la boit, brise la pierre ou corps, et aguise la veue, et vault contre le mors des bestes envenimees. (CORBECHON, Propr. choses H., 1372, 56).

 

c)

Eau ferree. "Eau minérale ferrugineuse" : Se trouver voulez guarison Ne faictes mye garnison D'eaue ferree ne de tisane : Trop amesgrissent la choanne (Serm. st Raisin K., a.1500, 537).

 

2.

[Domaine de l'industrie humaine] "Solution aqueuse obtenue par distillation, décoction ou infusion de plantes ou de fleurs... ; liquide résultant d'une opération chimique"

 

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ALCHIM. "Eau régale" : Cestui trouva la premiere maniere de composer une eaue, laquelle, sans estre chauffée, dissoulst et fait fondre toute espesse de metail, sans arrester ; laquelle eaue a de merveilleuses proprietés autres, come j'ay veu puis nagueres moy mesmes, tant en cirurgie que aultrement. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 37).

 

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MAGIE "Potion" : Encores a ce cercle pendoient tant d'ampoulles de voirre mises par bonne ordonnance que Gadiffer n'en sçavoit le compte, et estoient toutes plaines de merveilleuses eaux faittes par art mauvais. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 108).

 

-

Eau ardente/eau de vie/eau distillee. "Liqueur alcoolique provenant de la distillation du jus fermenté des fruits" : Item, de prunes sont plusieurs aultres espesses desquelles l'usance n'est pas reprovee. Semblablement il sont aulcunes petites prunes de bois et non laxatives - mais il resarrent le ventre - desquelles est fait eaue distillee pour restraindre le ventre. (Rég. santé corps C., 1480, 89). Et aucun temps après ledit d'Arvoirs dit Grant Jehan, se trouva en la maison desdiz Girard et sa femme, en laquelle il fist ung fourneau et monstra a ladicte Guillemete ung instrument de verre qu'il avoit apporté avecques lui, lequel il appelloit alenby, pour tirer de l'eau de vie. (Doc. Poitou G., t.12, 1482, 528). Si furent ses medicins et chevaliers d'oppinion que on l'envelopast en lincieux de toille fine my user, trempez en eaue ardant, pour que sa nature est de eschauffer, ce qui fut fait (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 151 r°).

 

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Eau forte. "Solution utilisée par les graveurs" : ...pour eaues fortes, vif argent, et autres estoffes pour ce nécessaires XVIII livres (Comptes roi René A., t.1, 1451, 360).

 

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Eau naffe. "Eau de senteur, faite avec des fleurs d'oranger distillées" : ...deux petiz flascons d'argent à mettre eaue naffe (Comptes roi René A., t.1, 1478, 341).

 

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Eau rose/eau de rose. "Liquide obtenu par distillation de roses, utilisé pour la toilette, les soins..." : ...vielle vesselle pour faire II grans flacons dargent pour porter eaue rose et autres choses pour Monseigneur, VIII autres petis flacons dargent avec les chaennes pour mettre triacle, et pour faire un hanap dargent doré à couvercle, où Monseigneur prent sa poudre (Compte Navarre I.P., 1367-1371, 197). ...une fontaine petite, d'argent blanc, toute plaine, à mectre eaue roze, et a sur le couvescle ung aigle, et à troys clefz à troys lyons. (Invent. mobilier Ch. V, L., 1379-1391, 208). J'ay icy telle espicerie Pour revenir de mort a vie. J'ay poivre, canelle et guiginbre, Et saffrent odorent comme embre, Anys confit et pignollet, Et puis du sucre vïollet, Noix muguettes, pommes grenates, Giroffles, cintoual et dates, Eaul roses, et cy ay fristes, Dïadagram dïagonistes. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 136). Aussi est ce moult seure chose, Sentir souvent eaue de rose Avec vinaigre, sans mençonge Portez en boiste ou en esponge. (LA HAYE, P. peste, 1426, 82). ...II chapellez de plon a faire eaues roses (Comptes Archev. Rouen J., 1438-1439, 185). Auquel terrouer est le mont ou l'en trait le souffre de la terre boullant, par distillacions de chappelle comme le eaue rose se fait. (LA SALE, Sale D., 1451, 134). ...une petite bouteillecte à moitié eaue roze, pendant à une chesne goderonnée, et au milieu armoyé des armes chignetées (Comptes Lille L., t.2, a.1467, 83). Tenez la, ce n'est pas eaue rose, Mais fresche tout venant du puys. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 648).

 

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[Utilisée entre autres pour ranimer une personne pâmée] : ...il n'a que une seule medecine qui entierement puist garir le passient. L'yaue rose, aromas bien flairans ou autres herbes feront bien revenir a soy le passient de paumison (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 238). PATHELIN. Guillemette, ung peu d'eaue rose ! Haussez moy, serrez moy derriere. Trut, a qui parlé je ? L'esguiere, A boire ! Frotez moy la plante ! (Path. D., c.1456-1469, 106). Esvanouir et petiller En eussiés veu, qui est grant chose, et tant que, pour les resveiller, il convint trois sextiers d'eau roze. (Amant cord. M., 1490, 57).

 

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Eau blanche. "Eau additionnée de son" : Et que le cheval soit tenu chaudement. Et ne luy donnez point a menger chose qui soit froide ; et luy donnes [l. donnés] a boire eaue blanche, tous les jours (GUILL. VILLIERS, Hipp. P.-D., a.1456, 134). Quant il aura beu de cest beuvraige, si luy donnez de l'eaue blanche a boire tant qu'il en voudra. (GUILL. VILLIERS, Hipp. P.-D., a.1456, 143).

 

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Eau de bourrache : Et doit de fait estre exhibé, Comme il est dit et describé, Aux malades que chascun sache Sur juz ou eaue de bourrache, Ou de bugloxe ou de l'oseille, Comme maint Maistre le conseille. (LA HAYE, P. peste, 1426, 135).

 

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Eau de limon. "Liquide obtenu par distillation de limons" : Et se avec le vin aigre sunt confites racines de capparis, c'est bon a user par voie de medicine. Et non pas tant seulement vin aigre de vin, mais vin aigre de pommes grenates et yaue de limons et choses semblables sunt bonnes aussi. (Textes méd. fr., éd. R. Arveiller, c.1350. In : Romania 94, 1973, 158).

 

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Eau de lys : Quil ara mestier d'eaul de rose, D'eaul de lis, ou de centoire Vouldra pour laver ou pour boire, Seans la vent l'on pure et fine. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 230).

 

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Eau de mastic : Il fauldroit rompre sa malice [Par] cynamome à ce propice, Ou par eaue de mastic boire, Qui au gisier fait moult de gloire. (LA HAYE, P. peste, 1426, 125).

 

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Eau de soucis. "Décoction de fleurs de soucis (qui colore en jaune)" : Et dit on qu'il s'estoit fait froter le visage et les yeulx de eaue de soussye affin qu'il semblast plus piteux. Et tellement que ceste dame, meue de pitié (...) le baisa et acola deux ou trois fois pour obvier a plus grant mal (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 8).

 

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Eau de sucre. "Eau sucrée" : Et tu vois, quant un home est malade, que on le met en diete et ne li donne l'en que de l'yaue de sucre et de tielx chosetes deux ou trois jours ou plus pour abaissier ses humeurs et ses superfluités, et encore en oultre le feront il vuidier (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 56).

B. -

[Anal. de propriété ; à propos d'une pierre précieuse] "Transparence, limpidité" : ...ung balay beslong, assez gros, de bonne eaue et de fine couleur trayant sur le ruby (Invent. mobilier Ch. V, L., 1379-1391, 82).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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