C.N.R.S.
 
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     PEINE     
FEW IX 114,115b poena
PEINE, subst. fém.
[T-L : peine ; GDC : peine ; DÉCT : peine ; FEW IX, 114,115b : poena ; TLF : XII, 1270b : peine]

A. -

"Punition"

 

1.

DR.

 

a)

"Ce qu'on fait subir à qqn qui a commis une faute, pour le punir, sanction, pénalité" : Il est expedient que le prince face les peines apparoir, et que il semble que il ne fait pas teles choses pour parvipension ou desprisement. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 250). Il ne entendoient pas que ceste prison fust a l'element du feu pour paine, mes pour garde. Et par aventure, il entendoient - et est certain d'aucuns philosophes - que elle est pour poine aus ames des pecheurs. (ORESME, C.M., c.1377, 516). De Francisque de Luzerne, (...) la somme de quatre vingts douze ducaz modérée de la somme de cent ducaz, en laquelle somme il a esté condempné par le juge des crimes, en sa court, pour une peine faillie et dont estoit pleigé pour lui le seigneur de Figuenière, laquelle modération que est de huit ducaz lui fut ainsi faicte au lieu de Peyrolles pour la despence d'aller et de venir apporter l'argent luy mesmes en personne (Comptes roi René A., t.2, 1477, 459). Lors le Sainct Pere fist dire a tout le monde Confiteor (...), Et de ceste heure lors generalement A tous confés plains de constricion Qui la estoyent, fist l'asolucion Generalle, tant du long que du lé, Et si donna plaine remission De peine et coulpe, comme en l'an Jubilé. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 238).

 

-

Peine capitale. "Peine de mort" : ...l'on avoit fait défense sur peine capitale que nul au monde ne s'avançast de lui faire samblant de riens, ne homme, ne femme, jusques il seroit heure et conclu par les seigneurs du sang (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 380).

 

.

Punir et corriger qqn de peine capitale : ...de faire ordonnance ou ordonnances telle ou telles qu'il verra estre à faire, et les transgresseurs d'icelles pugnir et corriger de peine capital ou autres qu'il verra au cas appartenir (Roi René vie L., 1468, 328).

 

.

Recevoir et prendre peine capitale : ...icellui bailli ou son dit lieutenant a condempné le dit Beraut à recevoir et prandre paine capital et d'estre mort, c'est assavoir d'estre boully, ainsi que faulx monnoyers et faiseurs de faulses monnoyes, condempnez à mort, l'ont acoustumé à estre. (Doc. Poitou G., t.7, 1408, 145).

 

-

Peine de mort/peine mortelle : ...là où il apperra evidemment homicide ou autre grief malefice, du quel peine de mort se devroit ensuir, estre fait, excepté le crime de larrecin, soit que ce a esté fait en traïson ou en repost, si que cellui qui l'auroit fait ne peust estre convaincuz par tesmoins ou en autre maniere souffisante, nous voulons que, en default d'autre prouve, l'en puisse cellui ou ceulx qui par indices ou presumpcions vraysemblables seroient de telx cas et faiz soupeçonnéz appeller à gaige de bataille (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 300). ...par sa confession il avoit desservi peine mortele. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 4). Le second remede est fuyr usage de vins fors et de chaudez viandez. Anciennement, comme dit Valere, usaige de vin estoit defendu a femme sur peine de mort. (GERS., Annonc., a.1400, 237). Fleurentin amy, abregez De nous dire comment se porte La journee qu'on nous raporte. Verité sur peine de mort ! (Myst. st Laur. S.W., 1499, 165).

 

.

Peine de la vie : Sus poyne de la vie Ung chacun de vous soyt abille A prandre ces mauvès garsons (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 57).

 

.

Peine de la teste : ...et se doivent monstrer deux foiz le jour aux gouverneurs de Florence, en certain lieu désigné, sur peine de la teste. (Doc. 1409. In : MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2 c.1425-1440, 21).

 

-

Peine corporelle : ...mettons au neant (...) toutes poines corporelles et peccunieres que il deust ou peust pour ce souffrir (PHIL. VI VALOIS, Doc. paris. V., t.2, 1348, 325). Paine(s) corporeles et pugnicions de vitupere ou de damage. (ORESME, E.A.C., c.1370, 533). DECIUS. Aores tu les dieux de Romme, Rommain ? si te feray guerir, Et tous tes meffaitz te pardonne, Ou sinon te feray mourir. ROMMAIN. Jesus m'envoyera secourir Après la peine corporelle. L'ame ne feras point perir Par ta seigneurie temporelle. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 239).

 

-

La peine du poing ou du pied. "Châtiment consistant à couper le poing ou le pied du coupable" : Encores le roy nostre seigneur, ou le juge, vous commande et deffend a toutes personnes, de quelques condicions qu'elles soient, qu'il se assye sur banc ou a terre, affin que chascun puisse veoir les parties plus a son gré combactre ; et ce, sur la payne du poing ou du piet. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 213).

 

-

En peine de. "Sous une astreinte de" : Mais il n'en diroit mot si les dictes parties ne se soubzmettoient, en peine de dix nobles, que de tenir ce qu'il en diroit [Un arbitre a trouvé une solution à un conflit] (C.N.N., c.1456-1467, 393).

 

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Sur peine de + subst. "Au risque (de telle punition)" : DIEU. (...) sur peine de mort t'enjoing Que quanque je t'ay cy conté Li soit de par toy raconté (Mir. ev. arced., c.1341, 135). Voz enfans (...) Vous mandent que (...) A eulz pensez de retourner Sanz plus aler en penitance, Sur paine d'encorre sentence (Mir. mère pape, c.1355, 379). ...illec l'oreille destre coppée, et en après banny de la ville de Paris et à dix lieues environ, sur pene de la hart. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 508). LE SERGENT. Sur peine d'amende, Congnefestu, tost a l'esbat ! Sans songer ! Le prevost te mande. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 49). Et depuis, pour restraindre et obvier ausdictes prinses, fu deffendu, sur paine de la hart, par cry publique et à son de trompe, que nul ne print ou emportast aucuns biens par la maniere dessusdicte (FAUQ., I, 1417-1420, 127). Et certifierent au roy comment le dict camp des Venyciens et du duc de Millan estoit levé, bruslé et ars, et toute leur artillerie emmenee, ensemble les gendarmes tous partis pour eulx en aller chascun chez soy sur peine de la hart. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 319).

 

-

Sur (la) peine à/de/que de + inf.. "Au risque d'encourir telle punition" : Ainsi amiablement se espardi l'assamblée de Saint-George de Windesoire, et s'en retournerent les seigneurs à Londres, et furent escript et mandé tous officiers et tresoriers parmy le royaulme d'Angleterre qu'ils venissent pourueus de leurs comptes, sus la painne à estre deshonnouré de corps et d'avoir. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 32). L'empereur (...) escripsi devers les ducs et les contes qui de luy tenoient, que le XIIIe. jour de juing ilz fussent tous devers luy à Aix-en-la-Chapelle, sus la paine que de perdre leurs terres, si en desobeissance estoient (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 46). LE JUGE. (...) Touz les biens de ceste maison Et l'ostel aras en baillie Sur peine de perdre la vie. Garde que rien n'en soit osté (Mir. enf. ress., 1353, 39). Si comme de ce qu'en une cité fu deffendu sur painne de perdre la teste que nul estrange ou forain ne montast sus les murs de la cité. (ORESME, E.A.C., c.1370, 324). ...que elle feust banye à tousjours de la ville, viconté et prevosté de Paris, sur peine d'estre arse. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 361). Et fist crier, sur peine de perdre corps et avoir, que nulz ne rencherist denree nulle. (ARRAS, c.1392-1393, 140). Et tous autres seigneurs tenissent De lui et du riglé n'issisent De bonne paix, sanz nulle envie, Sus paine de perdre la vie. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 132). ...il sera deffendu (...) audit messire Charles de Savoisy, sur peinne d'estre attaint et convaincu dudit cas, d'estre banni du Royaume de France et tous ses biens estre confisquez au Roy nostresire, qu'il ne parte hors de la ville de Paris jusques à tant que par la court en soit autrement ordonné. (Ch. VI, D., t.1, 1404, 261). Lequel gaige ou non sera devant les parties adjugié au jour et place par nous ou par leur juge ordonné, sur la painne de estre reputé pour recreant et convaincu cellui a qui la faulte sera. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 211). Encores le roy nostre seigneur vous commande et deffend, ou le juge, que nul, de quelque condicion qu'il soit, durant la battaille ne soit a cheval ; et ce, sur payne aux gentilz hommes de perdre les chevaulx (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 213).

 

-

Encourir en une peine : Mais nous sonmes obligiet par foi et sierement et sus grant painne de florins et sus sentense de pape, que nous ne poons esmouvoir gerre au roi de France sus encourir en celle painne. (FROISS., Chron. D., p.1400, 339). Et avec ce la Court declaire ledit duc, pour les desobeissances plus à plain contenues ou procès, estre encouru envers le Roy nostre Sire es peinnes de X mil mars d'argent, d'une part, et de X mil mars d'or, d'autre part (BAYE, II, 1411-1417, 77).

 

-

Enchoir en telle sanction. "Subir (telle sanction)" : ...ilz s'estoient renduz indignes de toute dignité et honneur, et encheuz es paines et maledictions contenues esdiz traictiez ceans enregistrés (FAUQ., I, 1417-1420, 361).

 

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Juger une peine à qqn. "Condamner qqn à telle punition" : Se fusse des hoirs Hue Capel Qui fut extrait de boucherie, On ne m'eust parmy ce drapel Fait boire [allusion à la question de l'eau] en ceste escorcherie [la prison du Châtelet] - Vous [Garnier, clerc du guichet de la prison du Châtelet] entendez bien joncherie -. Mais quant ceste paine arbitraire On me juga par tricherie, Estoit il lors temps de moy taire ? (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 74).

 

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Porter peine de qqc. "Subir le châtiment de qqc." : Nous advons de grans maulx commis, Desqueulx justement portons poine, Et cuide que nous arions pis, Si justice regnoit haulteine. (Pass. Auv., 1477, 218).

 

b)

En partic. "Amende" : Et avec ce la Court declaire ledit duc, pour les desobeissances plus à plain contenues ou procès, estre encouru envers le Roy nostre Sire es peinnes de X mil mars d'argent, d'une part, et de X mil mars d'or, d'autre part (BAYE, II, 1411-1417, 77).

 

-

Peine pecuniaire : ...mettons au neant (...) toutes poines corporelles et peccunieres que il deust ou peust pour ce souffrir (PHIL. VI VALOIS, Doc. paris. V., t.2, 1348, 325). Item, vers les pretores ou cours, les riches ont damage et peine pecuniaire se il ne discutent les causes et se il ne font les jugemens (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 191).

 

-

À/sur peine de telle somme : ...[ils] le banyrent de l'evesché de Paris jusques à trois ans, à pene de XX mars d'argent. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 81). Mais nous sonmes obligiet par foi et sierement et sus grant painne de florins et sus sentense de pape, que nous ne poons esmouvoir gerre au roi de France sus encourir en celle painne. (FROISS., Chron. D., p.1400, 339). La Court a defendu à messire J. de Langac, chevalier, qu'il ne mefface ne ne face meffaire à Pierre Mercier, bourgois de Langac, à peine de IJm mars d'or (BAYE, I, 1400-1410, 314). Par la vertu et auctorité Des princes, gualant, te commande, Et sur paine de grant esmende, Que vieignhes ceste croix porter. (Pass. Auv., 1477, 192).

 

-

Prov. La peine selon le meffait : ...l'en doit la paine donner Selon le meffait (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 134). Selon que les offenses sont, La peine au delict correspond. (Pass. J., c.1450, 210). La paine selon le meffait. Et lors ces folz, ces grans vanteux, Sont tous confus et marmiteux Quant ilz considerent leur fait. (ALECIS, Blas. faulses am. P.P., a.1486, 226).

 

c)

"Somme qu'un créancier doit verser à la justice avant toute action de celle-ci contre le débiteur défaillant, somme dont le montant a été fixé par un accord préalable entre les deux parties" : Et si poroient li dit exsecuteur u li uns de aus donner des deniers le dit Libiert, pour leur dette deseure ditte a requere et faire avoir de lui au prevost de Tournay u a quel autre signeur, baillieu, justiche k'il voroient u que li uns de ausvoroient, C sols de tornois de painne. Et celle painne seroit li dis Libiers a tenus de paiier et sans le dette de nient amenrir. (Chirogr. tournais. R., 1331, 45).

 

2.

RELIG.

 

-

"Pénitence" : ...Ainçois requiers penance et paine Telle com vous plaira, biau pére. (Mir. st Guill., c.1347, 34). Et s'il [le penencier] te charge aucune paine, A la souffrir t'efforce et paine (Mir. parr., 1356, 26). Item les painnes que l'en impose a ceulz qui pechent et font mal demonstrent que vice et vertu resgardent et sont en delactacions [sic] et tristeces, car telles painnes sont bailliees comme medicines contre les vices et medicines sont faites de choses contraires a la maladie. (ORESME, E.A., c.1370, 152). Adont fu avisé dou Saint Pere et dou colege a preechier celle crois parmi la crestienneté et de absorre de painne et de coupe, tous vrais Crestiiens qui la vermelle Crois encargeroient et le porteroient en devotion oultre mer, pour aidier le roi de France a conquerir la terre de Surie et la sainte chité de Jherusalem. (FROISS., Chron. D., p.1400, 241).

 

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"Punition, tourment (qu'entraîne le péché)" : Quant aux pechiez que j'ay fais, vray Dieu omnipotent, je regarde et aux poines et tourmens que pour ceulz je doy souffrir, je n'ay pas petite paour (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 56).

 

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Peine(s) (d'enfer/de l'enfer). "Tourment des damnés dans l'enfer" : Jugie sui a le grief paine D'enfer sanz fin. (Mir. nonne, 1345, 346). De la memoire de la paine d'Enfer est dit en Job ou .XXXIe. chapitre : «Quant j'en ay memoire, j'ay grand cremeur et le tramblement refiert ens ma char et me fait fremir». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 343). O devot peuple crestien, toutes fois que tu senz en toy desplaisir de ton estat, que tu doubtes la mort, que tu as horreur des peines d'enfer, saiches de certain que c'est le son du Saint Esperit qui hurte a ton huis pour y entrer. (GERS., Pent., p.1389, 77). Beaulx seigneurs, nous sommes cy assemblez pour soustenir la foy de Jhesucrist, et de laquelle il nous a regenerez. Et savez comment il a premierement souffert la crueuse mort pour nous racheter des paines d'enfer. (ARRAS, c.1392-1393, 108). Sont les paynes plus grandes en enfer que on ne saroit descripre ne estimer. (Déclar. Hyst. S., a.1449, 179). Et le VIJe. est des temps derreniers, qui seront environ la fin du monde, et des paines des mauvais et dampnéz, et des loiers et retributions des benois saints, c'est a dire de la glore de paradis et des paines d'enfer. (Somme abr., c.1477-1481, 99). La souffrirés paine et torment. (Mart. st Pierre st Paul, fragm. Anholt R., c.1480-1500, 185).

 

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Peine eternelle/perpetuelle. "Damnation éternelle" : ...Si qu'en paine perpetuelle Ne soit, mais en gloire eternelle Vous puist veoir ! (Mir. fille roy, c.1379, 22). ...car il ne sont pas egallement [d']avoir a louer ceulx qui tousjours persevererent en verité et qui oncques ne congnurent paine de pechié, et ceulx quy tousjours congnoissent paine eternelle. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 188). L'homme en pechant descend de la dignité de sa nature, et ainsi appert que les presceus peuent demerir et deservir paine perpetuele par leurs demerites et malices. (Somme abr., c.1477-1481, 172).

 

-

Sur les peines du Canon. "Au risque d'encourir les peines prévues par le droit Canon" : Monseigneur l'official (...) luy fist les defenses, sur les peines du canon, que plus ne se desguisast en telle maniere [À propos d'un prêtre excentrique] (C.N.N., c.1456-1467, 530).

B. -

"Souffrance, dommage, tort (infligés ou subis), mal qu'on se donne, effort, difficulté"

 

1.

"Souffrance" : Mais aucun cognoist les drois et il juge injustement, il fait avaricieusement ou pour grace et proffit acquerir ou pour paine et damage eviter. (ORESME, E.A., c.1370, 315). ...et pour ce il ne mourut pas si trestost, mais vesqui XV. jours en grant paine et en très grant misere ; ne surgien, ne medicin, n'en sceurent ne ne peurent oncques remedier qu'il ne morust. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 188). Breton, tu m'as envoyé par devers mons. Olivier de Mauny pour toy aidier à te fere faire grace, et tu as fait que faulx, traitre et mauvais, d'avoir donné tant de peine à mon maistre et amy (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 537). Par Mahon, dist le soudant, ce n'est pas uns homs, mais est un mauffez ou c'est le dieu des crestiens qui cy est venus pour destruire nostre loy. En ceste adventure fut Gieffroy bien deux heures. En ceste peine et en ce peril fu Gieffroy tant que la survint le nouvel chevalier qui avecques lui avoit esté en Yrlande (ARRAS, c.1392-1393, 232). Las ! Mon amy, se tu ne m'eusses faussee, je estoye gettee et exemptee de paine et de tourment, et eusse vescu le cours naturel comme femme naturelle (ARRAS, c.1392-1393, 256).

 

-

"Tourment" : Portons devant la trinité, Gabriel, ceste ame (...) Qui en ce siécle a souffert tant Paine et martire. (Mir. st J. Cris., c.1344, 307). Certes, Trajan, je suis si fors A souffrir et de bon vouloir Que ne me peuz faire douloir Pour paine que tu m'apareilles. (Mir. st Ign., 1366, 84). Haro, je suis personne morte ! Quel doleur, quel poine et torment ! Oncques ne fut paine plus forte ! (Pass. Auv., 1477, 217). Mere, ce seroit beau cop [l. beaucop] mieulx Que ne pancessiés plus ces paines. Pencés qu'il est Dieu glorïeux Et qu'il a graces souveraines. (Pass. Auv., 1477, 254). Il est fol qui son temps despence A vivre dissolüement, Car en la fin, pour recompence, On n'en a que payne et tourment. (LA VIGNE, S.M., 1496, 262).

 

-

Prov. À peine meurt qui ne l'a appris : Du premier est dit en proverbes : «A paine meurt qui ne l'a aprins», c'est a dire qui ne scet soustenir les menaces de mort qui sont tribulations. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 350).

 

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[Sentence] La mort a moins de peine que l'attente de la mort. "La mort fait moins souffrir que l'attente de la mort" : Item Ovide ou livre de ses Epistres : «Mille figures ou manieres de perir viennent a l'omme au devant, et a la mort moins de paine que l'atente de la mort». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 347).

 

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En partic. "Douleurs de l'accouchement" : Et quant est de la paine de l'engroisse ou de l'enfantement, je ne m'en merveille nyent plus que d'une geline ou d'une oaye qui met hors ung grous euf come le poing par ung partuis ou par avant vous n'eussés pas mis ung petit doy, et si est ce auxi grant chouse a Nature de faire l'un come l'autre (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 58).

 

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Aller en peine : Lors si ala ma femme en peine, et mes sire la fist mectre sur terre pour ce qu'elle delivrast plus tost (Chev. papegau H., c.1400-1500, 82).

 

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Endurer une peine : Puis trayent les espees, et se vont entredonnant si grans et si merveilleux coups que ceulx qui les regardent d'oultre la riviere sont tous esbahiz comment ilz pevent endurer la peine. (ARRAS, c.1392-1393, 300). ...le mary, qui se voit ainsi deceu, estoit tout esprins d'ire et de maltalent, qui encores luy redoubloit sa peine (C.N.N., c.1456-1467, 218). ...ilz passerent maintes nuiz, a Dieu scet quelle peine, maudisans puis Fortune, puis Amours, et tressouvent leurs dames (C.N.N., c.1456-1467, 362).

 

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"Effort physique pénible" : Pour ce temps estoit messires Jehans de Hainnau en la droite flour de sa jonece, et de si grant volenté que nuls chevaliers pooit estre. Et pour ce entreprist il le dit voiage si liement, et ne resongnoit painne ne peril qui li peuist avenir. (FROISS., Chron. D., p.1400, 71). Et aviserent que il departiroient lor hoost en quatre parties, desquelles la premiere partie asaudroit dou matin jusques a prime, la seconde de prime jusques a midi, la tierce de miedi jusques a vespres, et la quarte des vespres jusques a la nuit ; car il pensoient que li desfendant ne poroient porter si grant faix que pour soustenir la painne toute jour ajournee (FROISS., Chron. D., p.1400, 661). Or vous diray que li rois d'Engleterre fist et avoit ja fait, qant il sceut que li rois de France venoit a si grande hoost pour li combatre et pour dessegier la ville de Calais, qui tant li avoit cousté d'avoir, de gens et de painne de son corps (FROISS., Chron. D., p.1400, 826). Mais quant le roy de Chippre voit que Sarrasin s'efforcent ainsi, si reprent cuer, et leur fait un poindre moult vertueusement. Et la souffry tant de peine qu'il y ot pluseurs veines de son corps rompues, de quoy aucuns dient que sa vie fu moult abregie. (ARRAS, c.1392-1393, 107). ...et fault estre sur les champs au froit, au chault, a la pluie et au vent et mainteffoiz souffrir grant faing, grant soif et des paynes treslargement (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 10). Tous hommes, qui ont voullenté de acquerir honneur et gloire par le moyen de la guerre, doivent porter et endurer paciemment la grant paine et durté qu'on y treuve au commencement. (BUEIL, I, 1461-1466, 21).

 

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Aprés peine n'est nulle couette dure : ...et aussi aprés paine n'est nulle coecte dure, chascun bien sait cela. (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 107).

 

-

Donner/faire de la peine à qqn

 

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"Donner du fil à retordre à qqn" : Et Gieffroy leur dist qu'il avoit trouvé un tres vaillant chevalier, et qui plus lui avoit fait de peine que nul qu'il trouvast oncques. (ARRAS, c.1392-1393, 299). Et alerent ces gens d'armes au chastiel dou conte, et rompirent les portes et entrerent dedens ; et trouverent le conte de Montfort en sa cambre qui se armoit. Il le prissent en cel estat. Et l'enmenerent quatre chevalier de France en la tente dou duch de Normendie, liquels fu moult resjois de celle prise et li dist : "Contes de Montfort, vous nous avés fait painne. Il vous faudra, voelliés ou non, retourner a Paris, et oir la sentense qui a esté rendue et donnee sur vous." (FROISS., Chron. D., p.1400, 499). ...il donnerent au roi d'Engleterre et a ses gens otant a faire, par hardiement asambler et combatre, que onques aultres gens li donnassent painne, ensi que je vous recorderai assés briefment. (FROISS., Chron. D., p.1400, 882).

 

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"Faire du tort à qqn" : Item, quant un homme nuist et fait poine hors la loy a aucun qui ne li contrarioit pas ou nuisoit et il fait tele chose lui voulant, il fait injuste. (ORESME, E.A., c.1370, 326). ...vous nous avez fait et faictes tousjours tant de peine et de meschef que nous vous avons gardé ceste pensée (C.N.N., c.1456-1467, 189). Cestui fist moult de paine aux trois filles Cycrops, pour avoir leur terre. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 23 r°).

 

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Souffrir une peine. "Subir une souffrance" : Quant le duc Anthoine scot le meschief que les Sarrasins font au roy, si en ot grant pitié et jure en son cuer que pas ne demourra en ce party et que Sarrasins acheteront la peine que ilz font souffrir aux Crestiens. (ARRAS, c.1392-1393, 172). ...consideré la longue peine de douleur de maladie soufferte par icellui de Ruilly, son mari (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 335). Haa, Jehan, mon filz, la doleance Et paine que j'ay veu souffrir A mon filz, qu'estoit ma plaisance, De grant doleur me fait morir. (Pass. Auv., 1477, 258).

 

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Au plur. "Afflictions" : Et les joyes que je y souloye avoir [dans ce pays] me seront peines, tribulacions et griefs penitences et pestillences. (ARRAS, c.1392-1393, 259).

 

2.

"Effort, difficulté"

 

a)

"Le mal que l'on se donne dans une activité, un travail, un combat" : Comme celui qui trahine son vestement pour ce que il ne ait labeur et poine ou tristece a le souslever et faint que il a grant labour a le trahiner et que il en est grevé. (ORESME, E.A., c.1370, 389). Voirement ay je du parfaire La paine et le travail sanz doubte, Mais de vous vient la cause toute, Car ainsi le me commandez. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 128). ...ce luy est une grant peine et une bien meritoire pacience. (C.N.N., c.1456-1467, 219). Qu'il poise ! [l'épouvantail] Mengié a foison De paille : elle chiet par derriere ; C'est paine pour la chamberiere De la porter hors de ce lieu. (Fr. arch. B., c.1468-1480, 46).

 

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[D'une activité] De grande peine. "Qui demande beaucoup d'efforts" : ...à vouloir maintenant eslongner et chasser de vostre royaume, et par consequent d'entour vous, ceste tant noble science de astrologie, ou au moins la brider en façon qu'elle ne congnoisse plus, fors seullement des mouvemens, qui sont de grant peine et de nul prouffit ou utille sans pratique (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 5 r°).

 

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Prov.

 

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Bonne est la peine où l'on apprend : Si fus aucques hors de l'esmay Que j'avoie, mais plus amay Ce livre qu'oncques je n'oz fait, Et mieux consideray l'effait, Combien qu'autrefois l'eusse leu ; Mais je n'avoie si esleu Le reconfort que l'en y prent, Bonne est la paine ou l'en aprent. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 13).

 

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Mal avisé a souvent peine : Mal advisé a souvent paine. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 196). ...pour nul avoir, ne vous feront avoir Traittiet ne delivrance saine : Mal avisé a souvent paine. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 62). ...Saül resgna, David celestïens Fut oingt, se tiens que pour ses lours maintiens Perdit des siens par mort grevaine : Mal advisé a souvent paine. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 591).

 

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Nul ne doit avoir honneur sans peine : S'en lo Amours et raison m'i amaine, Car nulz ne doit avoir honeur sanz paine. (MACH., App., 1377, 652).

 

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Qui asne et femme mène sans peine ne va mie : Pour ce dit on parole qui est bien averie : Qui asne et femme maine sans paine ne va mye. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 123).

 

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[Sentence] Ce que tu portes en grande peine, accoustume toi de bien le porter à ton aise : De che dist Ovide ou second livre de l'Art : «Che que tu portes en grant paine, acoustume toy de le bien porter a ton aise». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 171). A che que tu portes mauvaissement ou a grant paine, acoustume toy et tu le porteras bien. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 182).

 

b)

Loc. adv. loc. verb.

 

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À (grand) peine. "Avec difficulté, au prix d'un grand effort" : Les plaies es corps ydropiques sont garies a grant paine. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 90). ...car quant une personne en son enfance, en joenesce, se acoustume a aucunes operacions, se il les maintient, gueres a grant painne les puet aprés delaissier. (ORESME, E.A.C., c.1370, 148). Il trouva son cheval assez prez de lui, si monta sus a grant peine, et s'en va, quan qu'il puet esperonner, vers Sion. (ARRAS, c.1392-1393, 201). Et Gieffroy et ses hommes entrent ou cavain et les enchassent au doz, mais a grant paine porent passer par my les mors qui avoient esté occiz du gett de pierres. (ARRAS, c.1392-1393, 204). Et dura ceste cace des Escoçois sus les Englois jusques oultre la riviere dou Hombre. Et se sauva a grant painne li rois Edouwars, et ne fu onques asegurés en chité ne en ville ne chastiel que il euist sus tout son chemin, si se trouva en la chité de Londres. (FROISS., Chron. D., p.1400, 44). ...et par especial en la chambre de Parlement, aux jours des Plaidoiries, a telle tousserie de touz costez que à peinne le graphier, qui a esté surpriz de la dicte maladie à VIIJ heures, puet enregistrer au vray. (BAYE, I, 1400-1410, 90). ...et avoit esté despoinctié ledit de Corbye, car aussy estoit ancien (...) et si imbecille et foible que à grant peinne povoit-il aler ne venir (BAYE, II, 1411-1417, 128). Il [le mont] est moult maigre et secq ; car, jusques a bien bas, on ne y trouveroit a payne ung seul arbre ne une seulle verdeur. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 69). Jadis Cadmus a moult grant paine Un grant serpent sus la fontaine Dompta, qui avoit pluseurs testes Et toutes dorees les crestes (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 46). A grand peine disoit il le mot ; toutesfoiz il dist qu'il luy pardonnoit (C.N.N., c.1456-1467, 400). ...le clerc (...) la trouva si foible que a grand peine povoit elle aller par la maison. (C.N.N., c.1456-1467, 577). Je garde a grant peine ma bouche, Car son parler trop fort me point. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 592). ...ou temps de l'empereur Charlemaigne, fut trouvé l'ymage d'icelui Mercure en Almaigne, en ung chastel apellé Hermopol, si grande et si riche, que à paine la peut icelui Charles par trois jours distribuer à ses gens d'armes (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 23 r°).

 

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À moult grand peine. "À très grand peine" : Et fu l'escarmouche moult fiere et moult perilleuse, et se tenoit le roy de Chippre a moult grant paine a cheval, car sachiez qu'il estoit bleciez de coup mortel, et ne feust que pour le venin dont le dart estoit entechié, et en pou de temps y paru, car il print mort de cellui coup. (ARRAS, c.1392-1393, 106).

 

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"À contre-coeur, avec des réticences" : Et se il le [le magnanime] convient monstrer que il a besoing, ce doit il faire a enviz et a painne (ORESME, E.A., c.1370, 254). Et est a entendre que si ce n'eust esté la grant solicitude du dict seigneur de La Trimoylle qui faisoit boyre et menger souvent les gens traveillans en cest affaire et par les grans prouesses et vaillances sur ce faictes, a grant paine l'eussent voulu faire les dictz Allemans. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 278).

 

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À peu de peine. "Facilement" : Mais quant ilz scorent que le roy estoit mort, si assemblerent leurs gens et se mistrent en mer a bien LX. mille payens, pour venir destruire toute l'isle de Chippre et les habitans. Et ce cuidoient ilz faire a pou de paine, car ilz cuidoient que ly Chipprien n'eussent point de roy. (ARRAS, c.1392-1393, 128).

 

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[Sentence] Il n'est bien que l'on prise si on l'a à peu de peine : Mais il n'est bien ne joye si haultaine Que l'en prise se on l'a a peu de paine, Ne ce n'est droit, Car se chascun avoit ce qu'il vouldroit, Ne bien servir ne souffrir n'y vauldroit (CHART., D. Fort., 1412-1413, 165).

 

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À quelque peine : ...quand il [le coffre] fut wide, madamoiselle et ses femmes a quelque peine firent tant que monseigneur fut dedans tout a son aise. (C.N.N., c.1456-1467, 185). ...a quelque peine que ce fut, la façon fut trouvée par la prudence et subtilité du cyrurgien (C.N.N., c.1456-1467, 504).

 

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À toute peine. "Avec grand-peine" : Maistre et seigneur, a toute peine L'asnesse et l'asnon vous amenne. (Myst. Pass. Amb. R., c.1474-1500, 39). [G. Roussineau, Z. rom. Philol. 111/2, 1995, 302 serait "tenté d'expliquer a toute peine au sens de «au plus vite»".]

 

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Sans peine : Et ceulx prirent Eudes par belle maniere et par belles paroles, et le menerent en une cave, car, s'il se feust donnez de garde de ce que on lui vouloit faire, ilz ne l'eussent pas eu sans peril ne sans peine. (ARRAS, c.1392-1393, 261).

 

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[Sentence] Les choses qui se font sans peine doivent estre sans loyer et sans louange : Et se lez passions humaines te contrestent, de tant est ta victoire plus glorieuse, et ton merite plus precieux, car l'excellence de vertu est pesee selon la difficulté de son oeuvre, et les choses qui se font sans paine et sans dangier doivent estre sans loyer et sans louenge (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 25).

 

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Ne ... pour peine ne pour travail. "Quelles que soient les difficultés" : Chiere dame, je vous remercy de la haulte promesse que m'offrez. Or vueillez savoir qu'il ne demourra pas pour peine ne pour travail que je n'assouisse vostre plaisir a mon povoir, se c'est chose que bons crestiens puist par honneur entreprendre. (ARRAS, c.1392-1393, 26).

 

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Avoir (de la) peine à/de + inf. "Éprouver des difficultés à" : Et se li Englés avoient eu painne de euls poursievir, li Escoçois, pour euls garder et sauver, avoient eu painne et sousfrete de toutes coses au double. (FROISS., Chron. D., p.1400, 163). ...quand il [le houseau] fut environ a moitié, a quoy faire elle eut moult de peine, pour ce que tout au propos le tira de mauvais bihès, elle part (C.N.N., c.1456-1467, 157).

 

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Qui à bien faire a peine plus fait à louer : Loué cellui doit estre qui sa complexion maistrie par raison. Qui a bien faire a paine plus fait a louer. (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 131).

 

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Avoir la peine de + inf. "Avoir le mal de" : ...mais il en appertient a vous d'en faire vostre bon plaisir [du roi d'Ausay], qui avez eu la peine et le peril de le conquester (ARRAS, c.1392-1393, 166).

 

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Avoir grand peine avant que. "Avoir du mal à" : Par foy, dist Gieffroy, se je te devoye de bonne debte, si auroies tu grant paine avant que tu le peusses avoir. (ARRAS, c.1392-1393, 298).

 

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Avoir peine pour qqn. "Se donner du mal pour qqn" : A dire qu'il conviengne que vous leur remunerez la courtoisie qu'ilz vous ont faicte, la moitié de vostre royaume ne souffiroit pas, a la paine et a la coustenge qu'ilz ont eue pour vous. (ARRAS, c.1392-1393, 189).

 

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Avoir grand peine de + inf. "Faire tout son possible pour" : ...bien est vray que la Court envoya devers lui bien humblement, comme à legat ou message du S. Pere, car elle le voudroit reverer, et si a eu tousjours grant peinne de servir l'Eglise (BAYE, II, 1411-1417, 54).

 

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Donner peine à qqn à + inf. "Donner du mal à qqn pour" : Certes, il est parffunt en l'eau. A l'avoir il nous donra poine. (Pass. Auv., 1477, 158).

 

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Faire qqc. de sa peine. "Ne pas ménager ses efforts pour" : ...je vous feray de ma peine telle courtoisie, si vous vous voulez mettre en mes mains, que par droit vous en devrez estre content. [Le médecin à un malade] (C.N.N., c.1456-1467, 404).

 

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Faire de la peine à qqn de + inf. "Causer des difficultés à qqn pour" : C'est a ce paillard chien, madame, qui m'a fait tant de peine de le querir ; il s'estoit bouté soubz un banc (C.N.N., c.1456-1467, 196).

 

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Mettre qqn en peine de qqc. "Pousser qqn à se soucier de qqc." : LE VOISIN. (...) Est ç'acertes que marier Se veult vostre nepveu ou non ? (...) L'ONCLE. (...) Je voulroye bien qu'a mon gré Le fust (...). Mais encore n'en a il [le nepveu] mis Nulle ame en paine (Mir. chan., c.1361, 148).

 

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Mettre peine en qqc. : Sire, faites ung grant savoir ! A Anne maintenant irés, A Kaÿffas, et leur dirés Qu'an ceste chose mettent poingne. (Myst. Pass. N.S., fragm. Troyes R., c.1350-1370, 271).

 

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Mettre peine en qqn. "Se soucier de qqn, se donner du mal pour qqn, s'occuper de qqn" : L'ABBÉ. (...) je vous ordene son maistre. Or vueillez en li [cest enfant] peine mettre Par amour, frére. (Mir. Theod., 1357, 117).

 

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Mettre peine à + inf. "Chercher à, essayer de, s'efforcer de, se donner du mal pour" : Mes anges, sus ! alez bonne erre Mettre paine a secourre Ignace (Mir. st Ign., 1366, 84). DEUXIESME SERGENT. Sa ! vezci du feu ou j'ay mis Depuis grant peine a l'alumer (Mir. st Ign., 1366, 85). Et pour ce, tele chose qui est injuste et inequale, le juge tempte et met poine a la ramener et reduire a equalité. (ORESME, E.A., c.1370, 289). Et entretant que Remondin mettoit paine a alumer le feu pour faire a son seigneur plaisir, le conte regarde tousjours ou ciel (ARRAS, c.1392-1393, 19). Combien que tu [Remondin] t'estoies parjurez envers moy quant tu mis paine a moy [Mélusine sous forme de serpent] veoir, mais pour ce que tu ne l'avoies descouvert a personne, je le t'avoye pardonné en cuer (ARRAS, c.1392-1393, 256). Ne il n'est riens qu'omme sensible Puist ymaginer ne comprendre, Qu'elle ne meist paine a m'aprendre (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 65). Item, donne a Perrot Girard, Barbier juré du Bourg la Royne, Deux bacins et ung cocquemart, Puis qu'a gaignier mect telle peine. Des ans y a demye douzaine Qu'en son hostel de cochons gras M'apatella une sepmaine, Tesmoing l'abesse de Pourras. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 96).

 

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Mettre peine de + inf. : Et si fault que je paine mette D'avoir lait (Mir. Theod., 1357, 108). Et toutesfois que les presidenz sont negligenz de tele cure commune, lors est il convenable que chascun mecte paine de faire chose par quoy il puisse ses filz et ses amis adrescier a vertu ou eslire (ORESME, E.A., c.1370, 534). Ce roy, de bonne memoire, en son temps mist grant paine d'acquerir amis à tous lez, et bien luy besoingna. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 177). ...ledit mareschal mectra paine de retraire ledit messire Remon d'aucunes entreprinses qu'il pourroit faire au dommage du Pappe et de l'Eglise (Ch. VI, D., t.1, 1388, 96). Se vous me voulez prendre a femme et jurer que, se nous avons enfans ensemble, que vous ne mettrez ja peine de moy veoir en ma gesine, ne ne ferez par voye quelconques tant que vous me voiez, je suiz celle qui obeiray a vous comme loyal moillier doit obeir a son espoux. (ARRAS, c.1392-1393, 9). ...si par autre estoit faicte [la guerre], nous mecterons paine de l'empeschier (Ch. VI, D., t.1, 1413, 361). Clement, nostre chier filz en Dieu, Vous tendrez aprés moy mon lieu. Des maintenant vous y ordene, Et pour Dieu, chier filz, metez paine De faire a Dieu plaisant servise. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 134). ...[ils] l'emmenerent a force hors de son hostel, et misrent peine de le rappaiser le mieulx qu'ilz sceurent (C.N.N., c.1456-1467, 263). ...je vous asseure que je mectray peine et diligence de trouver ce qui y servira. (C.N.N., c.1456-1467, 536). Se celle que jadiz servoye De si bon cueur et loyaulment, Dont tant de maulx et griefz j'avoye Et souffroye tant de tourment, Se dit m'eust au commancement Sa voulenté, mais nennil, las ! J'eusse mis paine aucunement De moy retraire de ses las. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 66). Car c'est raison que mette paine D'acomplir le cas qui te maine (Cene dieux, c.1492, 128). LE MESSAGIER. Seigneurs, de moult grant efficace Donnez nous paix sans plus actendre Et que chascun preigne sa place Au mieulx qu'il pourra, sans mesprandre. Puis mectez payne de comprendre De sainct Martin le beau mistere Et de voir, oÿr et entendre Le tout par tresbonne manyere. (LA VIGNE, S.M., 1496, 218). Cestui excerça maintes choses au moïen des ellections et jugemens de astrologie où lui mesmes mettoit peine d'y estudier. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 78 r°).

 

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Se mettre en peine de qqc. "Tenter, essayer qqc., faire son possible pour parvenir à telle fin" : Qant la chapitainne de ces Flamens, qui se nonmoit Clais Denneqins, entendi que li rois de France, en sa nouvelleté, avoit juré que jamais il n'enteroit en Paris, ne entenderoit a aultre cose si averoit remis en Flandres le conte Lois et confondus tous ses ennemis et nuisans, si s'en enfellonnia grandement, et dist que chils rois poroit bien fallir a ses pourpos, et toutesfois pour lui brisier, ils s'en meteroit en painne. (FROISS., Chron. D., p.1400, 177).

 

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Se mettre en peine de + inf. "Essayer de" : Et, d'autre part, voyent bien IIIJc. hommes armez, qui moult fort se mettoient en paine de passer oultre pour grever ceulx de deca. (ARRAS, c.1392-1393, 100).

 

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Perdre sa peine. "Faire un effort inutile" : Cist enfes si nous demourra : Vostre paine y avez perdue. (Mir. enf. diable, c.1339, 49). LE PREMIER CHEVALIER. Toute la teste me tournoye De corner fort a longue alaine, Et si m'est avis que ma paine Pers : je n'oy ame. (Mir. roy Thierry, c.1374, 299). Chil de l'avant-garde passerent oultre et cevauchierent jusques a Ribeumont, et l'aprochierent de si priés que li signeur vinrent devant les barrieres ; mais point n'i aresterent ne asallirent, car il veirent bien que il perderoient lor painne, car la dedens s'estoient requelliet auqun chevaliers et esquiers dou pais, pour garder la ville et la tour et lors corps meismes. (FROISS., Chron. D., p.1400, 325). LE BOURREAU. Ainsi nous ne gaignerons riens Et avons perdu nostre peine. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 66). Reprenez les dieux de la loy Et nous en alons, car bien voi Que nous perdons cy nostre peinne (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 104). Dist au surplus qu'il n'avoit pas perdue sa peine, et qu'il obtendroit ce dont il l'avoit requis. [Le diable à celui qui lui a fait une offrande] (C.N.N., c.1456-1467, 86). ...m'amye, vous perdés vostre peine, ce n'est pas chose a nettoyer si en haste. Vous n'y sariez faire chose maintenant qui valust rien. (C.N.N., c.1456-1467, 259). Payen de fol contennement, Decius, faulx chien mescreu, Me cuides avoir mis tout nu, Et je suis trop certainement Mieulx vestu que n'estoye devant : A moy tu as perdu ta peine. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 259).

 

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Peine perdue. "Entreprise vaine et inutile" : ...car comme dist Chaton : «Lire et non entendre est paine perdue». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 67). Cest homme ne puet longuement durer, car il ne craint rien ; ne aussi de lui conseillier est peine perdue, car on m'a bien dit pieca, dist le duc Anthoine, qu'il ne veult riens faire fors sa pure voulenté. (ARRAS, c.1392-1393, 283). Et furent envoyés de par ycelui concile les cardinaulx de Sainte Croix et de Saint Pierre, devers Phelippe Maria, duc de Milan, pour ravoir la terre de l'Eglise, qu'il tenoit. Mais ce fut paine perdue. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.5, c.1444-1453, 84). Consydera aussi de la battre ou injurier de parolles que c'estoit peine perdue (C.N.N., c.1456-1467, 419). ...mais ce fut pour neant [de résister], et paine perdue, car leurs dis adversaires estoient trop puissans (WAVRIN, Chron. H., t.4, p.1471, 144).

 

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Perdre sa peine à qqc. "Travailler inutilement à qqc." : ...maiz oncques nul neantmoins n'en peust venir a chief, fors seulement Jason qui y eust perdu pareillement sa paine, se ce n'eust esté l'aide de Medee qui sy soudainnement et sy desmesureement l'ama, come dit est, de singuliere amour que elle n'en pot oncques son cuer retraire, aussi come se ce fut une chose predestinee qui de neccessité deust avenir telle. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 394).

 

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Prendre peine. "Se donner du mal, faire des efforts" : Ha, compaignons, vous vous penez Et prenez peine largement, Mais vous aurez bon paiement (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 333).

 

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Prendre peine de qqc. "Faire un effort en vue de qqc." : Je suis assez bien, Dieu mercy et la vostre, qui en avez prins tant de peine [Un malade bien soigné par sa femme] (C.N.N., c.1456-1467, 366).

 

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Prendre (la) peine de + inf. "Faire l'effort de, se donner le mal de" : Mais pour tant que les livres sont longs et que un chascun ne veult mie prenre la paine de les lire et de les estudier, pour tant en brief et par maniere de figure les hystoires et les fictions j'ay cy aprés descriptes a propos moult divers. (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 156). ...pour ce que les rapporteurs ne voudrent pas prenre la peinne de faire ledit arrest, qui est grant et laborieux (BAYE, I, 1400-1410, 4). ...je feray voluntiers finance de la toille ; et vous, mesdamoiselles, qui tant bien procurez pour luy, vous prendrez bien la peine de les coudre [chemises] (C.N.N., c.1456-1467, 189). ...il doit bien souffire s'ilz prenent la peine de le recevoir [le disme en leur couvent]. (C.N.N., c.1456-1467, 224). Pour ce que l'appetit de l'homme est insaciable et quiert tousjours choses nouvelles, pourquoy très souvent il est deceu, et meismement par faulte d'experience, j'ay voullu prendre paine d'escripre et racompter les causes mouvans le Jouvencel, duquel je faiz principalle mention, d'aller à la court pour trouver aucun avantaige (BUEIL, I, 1461-1466, 41). Or me fault il le chemin prandre Vers frere Martin, quoy que j'aye, Pour voir s'il vouldra payne prandre De prier Dieu qu'il m'en doinct joye. (LA VIGNE, S.M., 1496, 389). Cestui eut Mathan et Sarbin, ses astrologiens, et lui mesmes prenoit peine de calculler sur sa nativité, mais il ne vesquit gueres. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 75 v°).

 

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Rendre la peine à qqc. "Se donner du mal pour qqc." : ...j'ai bien la congnissance Que Desirs grant painne y rent (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 86). Et l'amoit le duc d'Irlande si ardaument que voulentiers il eust veu qu'il se feust desmariez de la duchesse sa femme, la fille au bon seigneur de Couchy ; et y rendoit toutte la paine comme il povoit, et ja en avoit-il fait escripre au roy au plus especiaulment comme il povoit à Romme, à celluy qui s'appelloit pape Urbain VIe et que les Anglais tenoient pour pape ; (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 46). ...et les serviray leaument à mon pooir de mon corps et chevance et à mes despens, otant et sy longuement que ilz, ou l'un d'eux, seront oudit saint voyage, ou cas touttesfois que ce soit le bon plaisir de monseigneur mon père, à quoy je renderay painne affin que de ce il veulle estre content. (Doc. 1454. In : ESCOUCHY, Chron. B., t.2, a.1465, 201).

 

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Rendre peine de/pour + inf. : Pour quoy il me samble que premier on doit rendre paine d'aprendre les ars, espetialment les sept ars liberales qui sont la fondation de toute doctrine ; (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 103). Ainssi dont quant la fenme rend paine pour a aultrui plaire, premiers a soy mesmes desplaist. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 412).

 

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Rendre peine que. "S'efforcer de" : Mais de li [le roi Hermont] tout la plus secrée, La mieulz amée et plus proçainne, C'est Florée qui rent grant painne Que elle soit si mise sus, C'a lui ne face a dire nulz Ne nulle, tant soit priès pendans, Ne les dames bien regardans (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 211).

 

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Satisfaire qqn de sa peine. "Dédommager qqn du mal qu'il s'est donné" : Et il leur va accointier comment le roy estoit fort blecié, et comment il leur prioit humblement qu'il leur pleust a venir devers lui pour eulx mercier du noble secours qu'ilz lui avoient fait, et aussi pour eulx satisfaire de leur paine, et de leur mise, a son povoir, et aussi pour parler a eulx d'autre cas. (ARRAS, c.1392-1393, 115).

 

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Tenir sa peine à bien employee. "Considérer qu'on n'a pas perdu sa peine" : Et vueil bien, sire roy, que vous sachiez que nous tendrons bien nostre paine a emploiee s'il vous plaist a nous faire tant d'onnour que vous me veulliez faire chevalier de vostre main. (ARRAS, c.1392-1393, 118).

 

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[Dans une formule de serment] Mourir en la peine. "Se donner beaucoup de mal, fournir un effort extrême" : Mais quant Regnault appercoit le roy Selodus qui ainsi rent estal et maintient la bataille si tres vaillaument que on ne pourroit mieulx, si jure par Jhesucrist ou il mourra en la paine ou il delivrera la place du Sarrasin. (ARRAS, c.1392-1393, 185). Lors repaira Gieffroy au navire et commande a traire ses chevaulx hors, car bien afferme que jamais ne s'en partira, pour en mourir en la paine, tant qu'il y aura fait telle enseigne que on congnoisse ens ou pays qu'il y ait esté. (ARRAS, c.1392-1393, 220). Par foy, dist Gieffroy, je lui apporte [au géant] le patiz qu'il a prins par son fol oultraige sur les gens de la terre de monseigneur mon pere, en la pointe du fer de ma lance ; car, jamais, tant comme je vive, autre patiz n'en aura, et deusse mourir en la peine. (ARRAS, c.1392-1393, 240).

 

3.

P. ext.

 

a)

"Situation difficile, source de tracas" : ...en chevauchant, il comanssa ung pou a deviser a la pucelle et lui demanda s'elle estoit point mariee. Et elle luy dist que nennil. "Et ma doulce damoyselle, dist il, vous en estes plus aise, car ce n'est que paine de soi mariager !" (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 31).

 

-

"Risque"

 

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À peine de + inf. "Au risque de, sous peine de" : ...sens fraude, a paine de perdre lesdictes cottes (Ordonn. Ph. le Hardi, Marg. de Male B.-B., t.2, 1397, 241).

 

b)

"Travail, tâche" : Et si sont bien de leurs maris, Et leur font et festes et ris, Et si n'ont pas le quart de paine Que j'en ay en une sepmaine. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 104). ...il, tout le temps de sa vie, a gaignié par sa peine, audit mestier de charpentier, sa chevance, et c'est vescu et gouverné au mieulx qu'il a peu et sceu. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 394). Pour tous lesquels ouvrages de plommerie et de souldure cy dessus deviséz faire, parfaire et assenir, par la maniere que dit est, bien et souffisamment, au los du conseil de Monseigneur, on deubt livrer audit Rogelet tout le fin estain, la souldure et tout le plonc qu'il y falloit ; et il deubt livrer graisse, cherbon et sa peine (Trés. Reth. S.L., t.2, 1409-1410, 629). Item a esté faicte la couverture du degré qui monte en la chambre de la vicairie ou demeure a présent Monseigneur l'Evesque et si y a esté mis une goutière pour porter les eaues dud. degré qui contient XIIIJ piés de long ou environ, pour painne de couverture, pour bosc, late et autres choses (Comptes Archev. Rouen J., 1412-1413, 81). ...afin que on face baillier et delivrer audit me Bertrant Fons une amende de LX livres parisis en recompensacion desdis peines et labeurs par lui soubstenus en ladicte poursuité. (FAUQ., II, 1421-1430, 138). ...chascun des inrotulez paiera ung salut d'or avant le departement dudit de Vitry, qui en aura pour sa peine de porter et poursuir ledit roole la somme de vingt salus d'or (FAUQ., III, 1431-1435, 128). O chetif homme, plus que tous aultres recreant et las, par les veilles, peines, labours et ententes que tu as prins et porté (C.N.N., c.1456-1467, 555).

 

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Homme de peine. "Homme dur au travail" : ...[il] dist et afferma par serement, sur ce requis, qu'il estoit homme de pene et de labeur (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 103). Les sonneurs [de cloches, à mes obsèques] auront quatre miches, Et se c'est peu, demye douzaine - Autant n'en donnent les plus riches - Mais ilz seront de saint Estienne. Volant est homme de grant peine : L'un en sera ; quant g'y regarde, Il en vivra une sepmaine. Et l'autre ? Auffort, Jehan de la Garde. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 144).

 

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Avoir la peine de qqn. "Avoir la tâche de s'occuper de qqn" : Bien nous devons lasses clamer, Car nous n'avons fors que la paine Des enfans. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 103).

 

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À la peine de son corps. "En payant de sa personne, en travaillant de ses mains" : Après le trespassement duquel tresorier (...) elle a vesqu à la peine de son corps au mieulx que elle a peu et sceu. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 126). ...ilz avoient par longtemps ouvré de labeur de vignes oudit lieu et pays d'Amboise, en entencion d'aler ou pays d'Olenois, pour gaignier leurs vies à la peine de leurs corps à labourer vignes (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 265).

 

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De grande peine. "Qui est le résultat d'un grand travail" : A bien faire toudis tourna : Royaumont fonda de Cisteaulx Grant abbaye (li lieux est beaulx Et l'edifice de grant paine, Grant rente y a et grant demaine) (DESCH., M.M., c.1385-1403, 310).

 

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Prov. À toute peine est deu salaire : A toute paine est dëu salaire. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 192).

 

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"Corvée" : ...jasoit que de ceste plaisante peine [le devoir conjugal] aucunes foiz se fust tresbien passée, pour obeir comme elle devoit a son mary, jamais ne fut rebourse a l'esperon. (C.N.N., c.1456-1467, 88).

 

-

Mourir en la peine. "Mourir à la tâche" : Sire, dist Ogier, je vous promeit par ma foy que je les feray croire en Dieu, ou je moray en la paine. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 138).

 

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Faire qqc. à la peine de ses bras : ".. [La reine Mirro à propos de Jason:] Par mon povre engin j'ay enchassié d'Oliferne cellui qui l'a rachetee a la paine de ses bras et au precieux pris de son sang. O, doncquez, qu'ay je fait ? Ma bouche, qu'as tu vuidié, ma langue, qu'as tu profferé, et mon cuer, ou estoyes tu..." (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 153).

C. -

Loc. adv. [Par affaiblissement sémantique] À peine

 

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"Difficilement, tout juste, presque pas" : LE MARI. (...) Et m'engoissent si pour toy, suer, Qu'a paine sçay je mais parler. (Mir. enf. ress., 1353, 58). Et que a poine eüssent il trouvé qui eüst tant fait pour eulz meïsme. (ORESME, E.A., c.1370, 448). ...et estoit la carriere si estroicte qu'a paines si povoient entrencontrer deux hommes de front, et aucunesfoiz, quant les chevaulx estoient grans, il en failloit retourner l'un. (ARRAS, c.1392-1393, 199). Et voit la dent qui lui passe [à Geoffroy] la levre plus d'un grant poux esquachie. Si en fu si esbahiz qu'a peine pot il parler. (ARRAS, c.1392-1393, 222). Qant ce vint le dimence au matin, il fist grant brume, et tele que a painnes pooient veoir lonch un arpent de terre. (FROISS., Chron. D., p.1400, 737). Je qui sui vostres sires, vous me tenés en dangier, lequel je n'ai point apris, car a painnes puis je aler pissier que trois ou quatre gardes ne soient sur mi. (FROISS., Chron. D., p.1400, 801). Le second amy, c'est assavoir le monde et amis charnelz, pour lesquelz enrichir tu as pris tant de peines, qué secours te feront eulz ? En bonne foy, a grant peine te donront ung linceul pour toy ensevelir. (GERS., Concept., 1401, 416). ...la devote priere desdis habitans, qui exiterent à grant devocion et compassion ceulz qui veoient ladite procession, tant que à paines les povoit on regarder sans lacrimacion. (FAUQ., II, 1421-1430, 279). Que dira l'en de Troye la renommee et la tresriche, et de Ylion, le chastel sans per dont les portes furent d'ivoire et les columpnes d'argent, et maintenant a paine reste le pié des fondemens que les haulx buissons forcloent de la veue des hommes ? (CHART., Q. inv., 1422, 3). ...il [Octavien] fut de si très hault et glorieux nom de Dieu par son peuple si très requis que a painne le povoit il reffuser (LA SALE, Sale D., 1451, 21). ...il fut si honteux que a peine savoit il tenir sa maniere (C.N.N., c.1456-1467, 371). Le bon chevalier, qui a ceste heure ne dormoit mie, se tenoit a grand peine de rire. (C.N.N., c.1456-1467, 456). ...tant grand faim avoit de rire que a peine il savoit parler. (C.N.N., c.1456-1467, 457). La mere, oyant ces responses, plus marrye que devant, combien que a peine le vouloit elle croire, demanda a [sa] fille s'il estoit vray ce que son mary avoit respondu. (C.N.N., c.1456-1467, 500). PERE. Nous prenons devers vous l'adresse Pour vostre bonté souverayne Qui nous a esté si humayne Qu'a payne le puis exposer. (LA VIGNE, S.M., 1496, 469).

 

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"Presque" : ...le tamps se commencha tres fort à refroidier et à plouvoir moult fort, si que à paines il plouvoit tous les jours (FROISS., Chron.[Livre IV] V., c.1400, 595). Lesquelles choses à ma trèsredoubtée dame sont faictes et redondent clèrement en tant grande lésion et vitupère de vostre honneur et de vostre couronne et de vostre conseil et majesté royale, qui sont de ce blécées en grande vilipendence que c'est chose à peine irréparable (Doc. 1411. In : MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2 c.1425-1440, 135). ...et ancore je n'ose dire qu'ilz vouldroyent a poine qu'il fust mort, affin qu'ilz fussent desobligiez a recongnoistre ce bienfait. (LA SALE, Sale D., 1451, 219). Quand le vaillant hommes d'armes sceut l'Escossois enseur de luy, ainsi effrayé qu'il estoit, sans a peine savoir parler, sault de son pavillon (C.N.N., c.1456-1467, 51). ...la femme estoit tant luxurieuse (...) que a paine estoit elle contente qu'on la cuignast en plaines rues avant qu'elle ne le fust. [Elle n'est pas loin d'accepter...] (C.N.N., c.1456-1467, 518). ...en mon fait n'a que ung remede. Ei [l. Et] j'aymeroie a peine autant a morir que le deceler. (C.N.N., c.1456-1467, 536). ...lesquels, depuis, comme voix courroient, se sont fortifyés avecques le père en son contraire, et tellement parobstinés que à peine l'ont mis tout en oubly et en nonchalloir (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 16). Et par ainsy, le pere de l'un costé et le filz de l'aultre tant acquirent de haynes et de murmuremens contre eulx qu'a peines tous les nobles de Bourgoingne d'une commune voix et bouce en firent leurs clameurs. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 111). Encore estoient a l'exploit importun Frez, sejournez sur leurs pays privez, Et les François loing de leur ranc, grevez Du grant chemin qu'avoyent fait par davant, Puis leurs chevaulx si las, si agravez Qu'a peine estoit nul qui peust hay avant. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 280).

 

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À peine que. "C'est tout juste si" : Mon seigneur a paynne que je ouse Dire vous ce que j'ay vehu Car je suis si treffort esmeu Qu'a peu que dire le porray (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 56).

 

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À peine si. "C'est tout juste si" : Elle, tant marye qu'on ne pourroit plus, a peine s'elle daignoit respondre. (C.N.N., c.1456-1467, 410). La mere, oyant ces responses, plus marrye que devant, combien que a peine le vouloit elle croire, demanda a [sa] fille s'il estoit vray ce que son mary avoit respondu. (C.N.N., c.1456-1467, 500).

 

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À peine que ... ne. "C'est tout juste si ... ne pas, peu s'en faut que" : A painnes que ne me repens, Car en folour mon temps despens. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 160). ...Dieu scet comment monseigneur l'official fut malcontent. A peine qu'il ne saillit de son siege hors du sens, quand il regardoit son curé estre habillé en guise de mommeur. (C.N.N., c.1456-1467, 532). ...la simplette, qui toute pitié en avoit, a peine que les larmes ne luy sailloient des yeulx, le confortoit (C.N.N., c.1456-1467, 535).

 

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À peine + propos. nég. "Peu s'en faut que" : Rollant l'entent, a peine n'enraige vif. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 154). A Gennes aussi vers cestui temps plut si fort et à telle abondance, que à peine la ville n'en fut noiée (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 116).

 

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[Sens temporel] À peine + énoncé que. "Très peu de temps sécoule ...avant que" : A paine eust mis cestui fin a ses parolles que cellui qui premier avoit parlé print a repliquer, par impacience de ouir reprouchier ses faultes, et dist: LE PEUPLE. (CHART., Q. inv., 1422, 36).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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