C.N.R.S.
 
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     MUSER1          MUSER2     
FEW VI-3 musus
MUSER, verbe
[T-L : muser1 ; GD : muser ; AND : muser1 ; DÉCT : muser1 ; FEW VI-3, 279a : musus ; TLF : XI, 1250b : muser1/muser2]

I. -

"(Littér.) Rester là bouche bée"

A. -

"Perdre son temps, s'attarder, tarder"

 

1.

"Perdre son temps, rester sans rien faire" : Quart femme par son beal parler Fait bien saige musart [en musart] muser Par sa faulse sorselerie. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 94). [autres ex., cf. gloss. de l'éd.] LE CHEVALIER. E ! doulce amie, en convenant M'aviez d'estre a moy venue : Par deux nuiz vous ay attendue Et a toutes deux musé ay, Dont j'ay esté en grant esmay (...). Pour Dieu, a moy dire vous playse Qui m'a ce fait que ne venistes Dès le convenant que me fistes Premiére foiz. (Mir. nonne, 1345, 330). Mon tresdoulz cuer, je vous envoie le chant du rondel ou vostre nons est (...). Si vous pri si chier que vous m'avés que vous le veilliez savoir, se vous poés. Et ne dittes a nelui comment vostre noms y est, car je n'en feroie plus par ceste maniere ; et laissiés muser les museurs [et laissez les oisifs perdre leur temps en cherchant inutilement]. (MACH., Voir, 1364, 572). Non ferez, car il est pour une Cure faire alé jusqu'au Pas, Si que, cousin, n'y alez pas : Vous museriez. (Mir. st Panth., 1364, 321). ...les advocas principaulx de ceans n'estoient pas ancores venus pour plaider leurs causes, jà soit ce qu'il fust desjà VIJ heures et demie, et que la Court eust fait appeller advocas, et estoit la Court en aventure de muser en attendant iceulx advocas (BAYE, II, 1411-1417, 2).

 

Rem. Consol. Boèce C., c.1350, gloss. ; Chasse am. W., a.1509, gloss.

 

-

Muser à qqc. "Prendre son temps à qqc. ; s'attarder à qqc." : Et par ainsy il est trop bien possible selon ce que dit est que pour la forte ymaginacion et pour la grant attencion de l'ame que moult de fantasies et de apparicions se monstrent a lui sy clerement qu'il lui sera advis que ce soit proprement chose reele et vraie par dehors apparant en la fiole ou en son miroir, dont il ne sera riens selon la verité, ains sera tout en son ymaginacion et en sa fantasie seulement, si comme il apparroit assez legierement se un autre y musoit bien disposé de sens, car il n'y verroit riens (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 102). Or me couvient cy excuser Un petit, car ne puis muser A rimer, pour fievre soubdaine Qui m'a seurpris (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 155). S'ilz se vantent couchier soubz le rosier, Lequel vault mieulx ? Lit costoyé de cheze ? Qu'en dictes vous ? Faut il ad ce muser ? Il n'est tresor que de vivre a son aise. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 117).

 

Rem. Guill. Orange T.H.G., p.1450, gloss.

 

2.

"S'attarder, flâner" : ...elle s'en revint à chiere joyeuse par devant le roy qui encores musoit (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1358, 292). Et ainsi qu'il musoit en la ville, il vit ledit Jaques Reboutin emmi la rue, qui lui sembla estre riche homme et de grand estat (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 17). Il en dit toute verité ; Se vous allez ailleurs muser, Ilz fortiffieront leur cité De vivres comme vins et blez, Et manderont leurs allyez, S'enfforceront de jour en jour La ou se vous les susprenez. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 128).

 

3.

"Tarder" : Et je t'offre toute m'aïe, Com ta bonne et parfaite amie. Si ne dois pas ci tant muser Que tu la doies refuser ; Qu'on dit : "Qui ne fait, quant il puet, Il ne fait mie, quant il vuet ; Et le fer chaut, on le doit batre." (MACH., R. Fort., c.1341, 75). LA DAME. (...) Je n'attendoie fors que toy. (...) J'ay devant cest autel Musé grant piece. Est a l'ostel Ton maistre ? (Mir. enf. ress., 1353, 8). Dame, venez appertement A l'offrande ; trop longuement Muse le prestre : si offrez. C'est mal fait quant vous le souffrez Attendre ainsi. (Mir. femme, 1368, 227). Aussi fault-il, sans muser trop, Prendre dedens aucun syrop, Ou autre propre médicine À ce valant, plaisant et digne (LA HAYE, P. peste, 1426, 121).

 

-

Ne pas muser : Et quant je vi qu'a moy parla, Je fui honteus, si tressailli, Car mespris avoie et failli, Quant devant li venus estoie Et nulle riens ne li disoie, Si que tantost m'en excusai Mieus que pos, ne plus ne musay, Eins li dis toute la maniere, Comment je vins sus la riviere, Comment outre la traversay Eu batel et pas ne versay, Comment le lyon seur moy vint (MACH., D. Lyon, 1342, 186). Et quant elle vit mon message, Elle, com bonne, aperte et sage, Moult longuement ne musa mie, Ainçois fist comme bonne amie, Car en l'eure me volt rescrire Ces lettres que cy orrés lire (MACH., Voir, 1364, 92). LE CONTE [au messagier]. (...) Mon ami, se d'aler est temps, Mon frere me salüerez (...). LE MESSAGIER. Donques ne museray je mie. Mon seigneur, a vostre congié ! (Gris., 1395, 78). Aussi pren aprèz, et ne muses, De pouldres, qui sont précieuses, De dyanthos et de pliris, Electuaires de hault prix, Confitz o musc, comme l'art baille (LA HAYE, P. peste, 1426, 157).

 

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Sans muser : Mais or me respon sans muser, Car encor la vueil excuser De ce que devant as prouvé Que tu l'as amere trouvé, Et ç'a demander m'a meü : Di, douquel tu as plus eü De li, ou de mal ou de bien ? (MACH., R. Fort., c.1341, 95). Aucuns y ot qui, sans muser Et sans conseil, li respondirent Par tel maniere et deïrent Que, par saint Pierre le martyr, Il se voloient departir, Et que tenir ne la porroient, Et pour ce plus n'i demourroient. (MACH., P. Alex., p.1369, 100). LE IIe SERGENT. Avec les autres sans muser Te convient venir, il est dit (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 157).

 

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Faire muser qqn. "Retarder qqn, le faire attendre" : Egar ! je fais muser la hors Mes deux sereurs trop longuement ; Je vois a eulx hastivement. Mes seurs, pour sainte trinité, Se j'ay un poy trop demouré, Ne vous desplaise. (Mir. abbeesse, 1340, 66). Je pri à Dieu qu'il te peut mescheoir du corps, car tu m'as fait icy longtemps muser (Man. lang. G., 1396, 55). Allez le querir ; qu'on se haste ; Il nous feroit meshuy muser. Or sus, il vous fault delivrer. A luy, a luy, a luy, a luy ! (Roy sotz, c.1450-1500, 221).

B. -

"Se perdre dans ses pensées, sa rêverie, être absorbé sans ses réflexions, songer, réfléchir" : Lors fu en grant merencolie Comme cils qui pense et colie, Contrepense, estudie et muse, S'a certes estoit, ou par ruse, Ou se ses cuers einsi plaier Me voloit, pour moy essaier. (MACH., R. Fort., c.1341, 153). Si muse, pense et se retourne Et sa pensee en maint tour tourne, Mais riens n'i vaut le retourner : Il li couvient son cuer tourner Et sa pensee en autre tour, S'il vuet issir de ceste tour. (MACH., C. ami, 1357, 51). Einsi pense, muse et tournoie, Mais il couvient qu'a ce tour noie Les ydoles qui bestourné Ont son scens et si mal tourné Que ja sans mort n'en tournera, Se sa pais a ce tour ne ra. (MACH., C. ami, 1357, 51). Quant il ot merencolié, Pensé, musé et colié, Tant qu'il ne savoit mais que dire, Tantost fist une lettre escrire. Moult bien la seela et ploia, Et au gentil roy l'envoia. (MACH., P. Alex., p.1369, 228). Elle s'en revint à chière lie par devers le roy, qui encores pensoit et musoit fortement, et li dist : "Chiers sires, pour quoi pensés vous si fort ?..." (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 132). Quant li rois Edouwars eut oy le relation de ses deux mareschaus, si n'en fu mies plus liés ne mains anoieus. Et commença fort à muser et à merancoliier, et commanda que l'endemain au plus matin il fuissent tout, parmi son host, appareilliet. (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 156). Or a li contes de Flandres, qui se tient ens ou chastel de Lisle, assés à penser et à muser, quant il voit tout son païs plus que onques mais rebelle à lui (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 243). SAINCT BERNARD. Nous debvons bien estre mal liez : L'archidyaque est trapassez. L'EVESQUE. A ce fayre sommes tous nez ; Il n'a remede ne excuse. Mes frere, maintenant, je muse, Puys que Dieu a fait son plesir Du bon seignieur, il fault furnir Son lieu d'ung aultre soffisant. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 109). ...si vous maintenez ceste folie, jamais vous n'arez bien et ne ferez que songer et muser (C.N.N., c.1456-1467, 177). Le pouvre mary, voyant sa femme ung peu muser et ententivement penser, et ne savoit a qui ne a quoy, la regardoit tresfort (C.N.N., c.1456-1467, 184). Si fut plus esbahy qu'on ne vous saroit dire, et se print a muser et largement penser (C.N.N., c.1456-1467, 266).

 

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Muser à qqn. "Se perdre dans ses pensées, sa rêverie, en regardant qqn" : ...par devotes oroisons (...) et non mie en musant au pueple (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 325).

 

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Muser à qqc. : Et la tiray par le pan dou giron. S'en tressailli, dont sa belle façon Coulour mua. Si respondi, que plus n'i arresta, Et durement envers moy s'escusa De son penser a quoy elle musa. Et li enquis Pourquoy son cuer estoit einsi pensis. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 115). Si osteras premierement Une sillabe entierement Au commencier dou ver onsieme Et une lettre dou disieme Pres de la fin ; la les saras [nos deux noms], Quant un petit y museras. Einsi les met, se Dieus m'aïe, Seulement pour la muserie. Et sces tu, quant on les sara ? Quant ma dame chevauchera. (MACH., C. ami, 1357, 2). Et le nom te vueil enseignier Des dames que tu vois baignier, A quoy ententivement muses (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 43). IMPERATOR. (...) Et saches que je les feray Morir [les chrétiens] d'une mort tres honteuse (...) Puisque je y devroe muser Ung jour au deux hardiemant trois Je te certiffie touteffois Qu'il la comparront cheremant Car femme ne home vrayment N'echappera que mort ne preignye (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 56).

 

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Muser à/de + inf. : ...pour pitié, ne me rusez N'a moy rigoler ne musez (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 65). L'EVESQUE. Mes seignieur, vous veé le reffus De Bernard, que ne vuel entrer En dignité [d'archidiacre]. LE PREMIER CHANOYNNE. Il fault muser D'en fayre ung aultre, puis que ly N'y veut entendre, dont je suis Bien esbaÿ et mal content. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 111).

 

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Muser sur qqc. : Lors musa Gieffroy grant temps, tant sur le tablel comme sur la beauté du lieu (ARRAS, c.1392-1393, 266).

 

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Muser + interr. indir. : Seez vous ci sanz plus ruser, Et je vueil penser et muser Par quelle voie miex l'aray Ou se bel a li parleray, Ou autrement. (Mir. st Ign., 1366, 89).

 

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Inf. subst. Le muser de qqn. "Les réflexions que se fait qqn, les pensées intérieures de qqn" : Et pour ce que merencolie Esteint toute pensée lie, Et aussi que je bien vëoie Que mettre conseil n'i pooie, Et que, s'on sceüst mon muser, On ne s'en feïst que ruser, Laissay le merencolier Et pris ailleurs a colier, En pensant que s'a Dieu plaisoit Qui pour le milleur le faisoit. (MACH., J. R. Nav., 1349, 141). Au roy s'en vint grant aleüre, Qui pensoit fort a l'escripture, Et lors li dist moult hautement : "Bons roys, vif pardurablement ! Tu ne dois mie einsi penser. Lay ton muser, lay ton penser, Car il a un homme en Caldee Par qui tu saras ta pensee. Il a la science des dieus, Si te dira dont vient tes dieus Et de la main la vision.." (MACH., C. ami, 1357, 27). ...nulles larmes des plourans n'estoient si agues comme estoit desconfortable son muser qui le murtrissoit [le duc de Bourgogne devant son fils gravement malade] (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 142).

II. -

[Du cerf] "Entrer en rut" : Et illeuc demeurent [les cerfs], qui ne leur fera annuy, toute la saison jusques a la fin d'aoust. Et lors commencent a muser et a penser et eschaufer, a errer et remuer de la ou il auront demouré toute la sayson pour aler querir les bisches. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 60).

 

Rem. HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 70, 13.
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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