C.N.R.S.
 
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     MERVEILLEUX     
FEW VI-2 144b-145a mirabilia
MERVEILLEUX, adj.
[T-L : merveillos ; GD : merveillos ; GDC : merveillos ; AND : merveillus ; DÉCT : merveillos ; FEW VI-2, 144b-145a : mirabilia ; TLF : XI, 693b : merveilleux]

A. -

"Qui suscite l'étonnement, l'admiration"

 

1.

[Qui suscite l'étonnement, par un caractère extraordinaire, singulier, surprenant, étrange, prodigieux...]

 

a)

[D'une chose]

 

-

[En bonne part] "Extraordinaire" : Or advint soudainement, par merveilleuse indence ["incidence"], que Dieux y envoya ung grant miracle (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 187). Vrays Dieux, comment sont les merveilles que tu as laissiees ca jus en la vertu de ta chamberiere nature, merveilleuses et diverses en leur expedicion, se tu n'y espandoies ta grace divine, et especialment de ceste merveilleuse aventure que je voy ou cours des estoilles que tu as lassus assises dès le commencement du ciel, par haulte science d'astronomie dont tu m'as presté une des branches (ARRAS, c.1392-1393, 19). Et bien dient ly aucun que oncques mais n'avoient veu si estrange chace ne si merveilleuse, ne senglier courir si estrangement. (ARRAS, c.1392-1393, 28).

 

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"Miraculeux, prodigieux" : Oncques ne vis, par mon serment, Faire chouse si merveilheuse [Une résurrection opérée par Jésus] ! (Pass. Auv., 1477, 132).

 

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"Qui s'écarte de l'ordre habituel des choses" : Mais merveilleuse est l'aventure Des joyaulx donnez de Nature, Car ilz ont tel proprieté, S'il n'y a contrarieté De maladie, qui les tourne, Qui le corps grieve et mal atourne, Que, tout ainsi que croist le corps, Les vertus d'eulx croissent encors Plus fort et deviennent plus belles, Et plus fort luit la clarté d'elles (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 32). Cestui en son temps fist choses esmerveillables de la myniere et roche que l'on dit estre de sel en Sicille, qui a merveilleuse proprieté, car, mise en eaue, crepite et, mise en feu, flue, qui est l'opposite et le contraire à tout sel. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 82 v°).

 

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"Curieux, insolite" : Si fut merveilleuse chose des beemens et courreries qui aprés eulz [des ambassadeurs d'Orient] se faisoient (...), car tant estoit estrange leur habit et personnage aux gens de deça qu'a peine oeil ne s'en pooit ravoir. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 287).

 

-

[En mauvaise part]

 

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"Qui étonne par sa cruauté, terrible" : Vezci chose trop merveilleuse Que, present nous, de si honteuse Mort est nostre emperére mors (Mir. emp. Julien, 1351, 198). Elle a mis corps, vie et couraige A paier l'amoureux truaige, S'en mourra elle douloureuse ! C'est bien fortune dangereuse Et la chose plus merveilleuse Qui oncques venist a personne, Car Pitié lui est despiteuse Et amour mortelle et haineuse, Quant si durement la guerdonne. (Narcissus, p.1426, 305). ...on disoit qu'il avoit occiz et fait occir plussieurs petiz enffans, et qu'il faisoit plussieurs merveilleuses choses contre la foy (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.2, c.1437-1464, 5-6). Mais la pugnicion si est tres aspre et la tribulacion si dure et si merveilleuse qu'elle empesche la consolacion, et qui plus est elle excite aucunement commocion ou desperacion (JUV. URS., Loquar, 1440, 304).

 

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"Effrayant" : Qui lors veïst (...) Les nues, la mer esmouvoir, Bois trambler, rivieres courir, Et, pour doubtance de morir, Tout ce qui a vie seur terre Recept pour li garentir querre, C'estoit chose trop mervilleuse, Trop doubtable et trop perilleuse ! Car les pierres dou ciel chëoient Pour tuer quanqu'elles ataingnoient, Les hommes, les bestes, les fames (MACH., J. R. Nav., 1349, 147). Lors a fait la dame, en guise de serpente, comme j'ay dit dessuz, trois tours environ la forteresse. Et a chascune foiz qu'elle passoit devant la fenestre, elle gettoit un cry si merveilleux et si doulereux que chascun en plouroit de pitié, et appercevoit on bien qu'elle se partoit enviz du lieu, et qu'elle s'en partoit par contraincte. (ARRAS, c.1392-1393, 260).

 

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[D'un comportement] "Qui étonne par sa rigueur, sa sévérité" : Cilz rois dan Piètres estoit (...) hays de ses hommes par tout le royaume de Castille, de chief en cor, pour les grandes et mervilleuses justices qu'il avoit faites. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 192). Et en verité, qui a consideracion des choses faictes et permises soubz umbre de fainte justice contre la foy et par maniere comme universale par gens de tous estas, Dieu a eu cause de faire ainsi grande et merveilleuse punicion du peuple de ce royaume comme il fist par le deluge (JUV. URS., Loquar, 1440, 372). ...[Talbot] ne voloit que nul en nesun moustier le feu boutast ne desrobast ; et ou il savoit qu'on le feist, il en faisoit merveilleuse discipline de ceulx qui, en ce faisant, son commendement trespassoient. (C.N.N., c.1456-1467, 58).

 

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[D'une opinion] "Surprenant par son caractère d'hostilité" : "Mais vous l'avés par tant de fois courouchié et avés tant de mervilleuses oppinions tenu contre lui que che le soustient en son aïr." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 206).

 

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[D'un phénomène météorologique] "Qui étonne par son caractère inhabituel, violent, terrible" : ...par les IJ lunes cy devant (...) ont esté si fors et si merveilleuses gelées que les rivieres ont esté congelés (BAYE, I, 1400-1410, 212). Et par avant et depuis, durant ledit moys, furent faictes grandes et merveilleuses chaleurs et les plus extremes que homme eust veu en sa vie, qui sembloit chose moult estrange et desnaturée. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 187). Quant il eut nagé par la mer quelque peu de temps, survint une tempeste si terrible et si merveilleuse qu'il sembloit que le ciel et la mer feussent en feu. (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 70). À cestui fut prenostiqué que le temple de Veste seroit bruslé à Romme et peu après merveilleuses innondacions d'eaues, au moïen desquelles tout ediffice en plat seroit corrué. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 60 r°). Cestui prenostica de la merveilleuse gresle qui fut en son temps et de la terrible tempeste. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 82 r°).

 

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[D'un phénomène astron.] "Qui inspire une grande frayeur" : Et, le lundi ensuivant, XVIIIe jour dudit moys, advint à Paris, à dix heures de matin, que une comete y chey en resplendisseur de feu qui dura longuement, et estoit telle qu'il sembloit que toute ladicte ville feust en feu et en flambe. Et, de ceste espoventable et merveilleuse chose, ung homme, en la place de Greve, qui à ladicte heure aloit oyr messe au Saint-Esperit, fut de ce si très espoventé qu'il en devint fol et perdi son sens et entendement. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 141). Icelui Messehalac predist de la merveilleuse esclipse qui fut en son temps, et preceda icelle esclipe la quinte conjunction qui fut l'an 4160, qui signiffia premier la mutacion des royaulmes (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 31 r°).

 

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"De mauvais augure" : Mais or oyez les merveilleux Signes qu'ains le jour perilleux Leur avindrent, dont s'effroyerent Et moult durement esmayerent (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 155). Or m'esteut passer des Rommains Plusieurs fais, pour empecher mains, Qui orent plusieurs pestillences, Guerres, famines et dueillances, Et divers signes merveilleux, Crolles de terre perilleux, Qui leur estoit signiffiance De meschief, comme deffiance. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 199). En ce temps, a Romme apparurent Signes merveilleux, dont ilz furent Paoureux d'avoir adversité (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 208).

 

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"Extraordinaire par son aspect inaccessible, décourageant" : Pour amolir les felons orgueilleux Tirannisans voz pays et voz lieux Et pour oster voz subgectz de rudesse Passer vous fault les grans mons merveilleux Que l'on vous dit estre trop perilleux (LA VIGNE, V.N., p.1495, 154). Ung tour honnourable firent noz Almans, ceulx qui avoient faict ceste grand faulte au Pont de Tremolo (et avoient peur que le roy les en haïst à jamais), et vindrent d'eulx mesmes offrir à passer l'artillerie en ce merveilleux chemin de montaignes (ainsi les puis-je appeller pour estre haultes et droictes, et où il n'y a point de chemin hanté : et ay veü toutes les principalles d'Itallie et d'Espaigne, mais trop aiséement l'eussent faict passer ces mons). (COMM., III, 1495-1498, 159).

 

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[D'une maladie, de la mort] "Terrible, mauvais" : Et si ot mainte bonne ville Qu'on n'i vëoit, ne filz, ne fille, Femme, n'homme venir n'aler, N'on n'i trouvoit a qui parler, Pour ce qu'il estoient tuit mort De celle mervilleuse mort. Et ne gisoient que trois jours Ou meins ; c'estoit petis sejours. Et maint en y ot vraiement Qui mouroient soudeinnement (MACH., J. R. Nav., 1349, 150). Et nonobstant ladicte ruine, pestilence et peril merveilleus n'y a eu aucune personne perillée, Dieu mercy (BAYE, I, 1400-1410, 216). N'a pas esté plaidoié pour ce que une merveilleuse maladie a entreprins generaument toutes personnes, hors enfans au dessoubz de VIIJ ou de X ans (BAYE, II, 1411-1417, 173). Contre toy, Mort doloreuse et despite, Angoisseuse, maleureuse, maudite, Et en tes fais merveilleuse et soudaine, Ceste complainte ay fourmee et escripte De cuer courcié, ou nul plaisir n'abite, Noircy de dueil et aggrevé de peine. (CHART., Compl., 1424, 321). He ! aide moy, beau sire Dieux, Appasser [l. a ppasser] se pas merveilleux. Temps en est. La mort si me point (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 90). ...ma très redoubtée dame madame Jehanne de France, femme et espouse de mons. Jehan, duc de Bourbonnois et d'Auvergne, expira et rendit l'ame à Dieu en son chasteau de Molins en Bourbonnois, par le moien d'une forte fievre si merveilleuse que l'art de medicine n'y peut pourveoir, et fut son corps inhumé en l'eglise de Nostre-Dame dudit Molins. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 112).

 

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Coeur merveilleux. "Coeur dur, cruel" : O couraige tresorgueilleux, Cueur inhumain et merveilleux, M'avez vous ainsi refusee ? (Narcissus, p.1426, 300).

 

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[Avec une valeur neutre ou variable]

 

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"Qui n'est pas dans l'ordre naturel ou habituel des choses, incroyable, invraisemblable, inconcevable" : Et semble chose merveilleuse Qu'Erculés peust estre abatus D'une femme (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 16). ...et seroit chose merveilleuse et non soustenable qu'il feust heritier de ceulx qu'il aroit fait ainsi morir. (JUV. URS., T. crest., c.1446, 28). Et seroit chose trop dure et merveilleuse que celluy qui tyrannisement a fait morir mauvaisement son souvrain seigneur succedast en son lieu, ne comme heritier prochain, ne aussi comme esleu du peuple, car les royaulme et courronne ne cheent point en eslection. (JUV. URS., T. crest., c.1446, 159).

 

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"Imprévisible, mystérieux" : Enssi aviennent li fait d'armes : on piert une fois, et l'autre fois gaegn'on ; les avenues i sont mout mervilleuses, che sèvent chil qui les poursieuent. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 119).

 

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[D'une bataille] "Acharné" : Si y heut fait devant Saint Malo par pluisieurs fois pluisieurs grans assauls durs et merveilleux et bien deffendus. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 73). Tantos se commencha la bataille dure et merveilleuse. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 105). Et dura ledit derrain assault environ l'espace de quatre heures, moult horrible et mervilleux. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.6, c.1444-1453, 54). ...les regardans, qui avoient veu achever mainte merveilleuse bataille et maints fais d'armes, estoient tous esbahis comment corps humain pouoit endurer tel estour. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 374). Si n'est point memoire que, puis ceste bataille merveilleuse entre lui et Pompée, son gendre, advint ou siècle aussi grant effusion de sang et aussi terrible desconffiture de lignaige humain pour uneffois. (BUEIL, I, 1461-1466, 53).

 

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[D'un endroit] "Dangereux, mortel (pour les ennemis qui ne pourront pas s'y défendre), et particulièrement idéal (pour ceux qui y sont en embuscade)" : Si se boutèrent un jour li dessus dit en embusque, assés priès de Romorentin, sus un pas qui estoit assés mervilleus et par où il couvenoit les Englès passer. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 5).

 

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En partic. "Qui relève de la magie, de la féerie"

 

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[D'une chose] "Magique, enchanté" : Et j'ay advisié, se il vous semble bon, que nous l'enclouons [notre mauvais père] en la merveilleuse montaigne de Norhonbelande nommee Brumbloremllion, et de la n'ystra de toute sa vie. (ARRAS, c.1392-1393, 11). "Et je vous prommés, dist la dame, de faire vostre paix envers le roy et la royne, par tel sy que vous vestirez ceste robe sept ans durant toutes les fois que voulenté vous en prendra." Lors luy bailla la robe tresmerveilleuse (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 35).

 

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"Ensorcelé ou comme ensorcelé, maléfique" : Or vueil je que vous sachiez que par celle aventure fu la faite une riviere crüeuse et orrible, qui va et vient au gouffre de Sathanie parmi la terre qui la se ouvry, et est celle eaue si merveilleuse que riens qui vive n'y puet atouchier, que lors ne muire de crüel mort (Bérinus, I, c.1350-1370, 134). ...et le corps sans ame gisoit mort sus le bort de la fontaine mervilleuse. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 172). Aprés toutes lesquelles choses furent monstrees au roy ung trou ront, dedens l'une des montaignes joignant le dit lac, qui est une chose merveilleuse et doubteuse : car incontinent que quelque chose y est mise, incontinent elle prent mort, et devant le roy fut illec le cas experimenté, car on y gecta ung asne vif qui subitement mourut, et ung chat pareillement. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 265).

 

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RELIG. "Qui est extraordinaire et dû à l'intervention divine" : Et n'est pas merveille se l'ame humaine se doit congnoistre, car elle est la belle ymaige faicte et formee du Souverain Maistre a la semblance de la Deité et de la benoite Trinité ; elle est le bel mirouer merveilleux qui represente Dieu, duquel miroir dit l'apostre que : nous ne pouons bien Dieu veoir [c]e non comme en umbraige et en mirouer. (GERS., Trin., 1402, 154). Beau tres doulx Dieu, je vous rens graces quant vous m'avez amené a vous congnoistre estre tel, tout puissant, tout juste et tout bon, et que dedans les parfondes tenebres de mon cuer vous avez fait resplandir vostre merveilleuse lumiere. (GERS., Trin., 1402, 164). Au commencement, car toutes choses crea de neent. En la moyenne du temps depuis la creation, pour ce que les choses de nature se retourneroient en neent, se n'estoient soustenues par sa puissance. En la fin aussi, car les mors par merveilleuse hastiveté et soudaineté suscitera. (Somme abr., c.1477-1481, 161).

 

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[P. oppos. à miraculeux] "Qui est fait par l'intervention divine, mais sans aller contre les lois de la nature" : Mais quant les choses sont produites d'aucun acteur ou faisant non samblables a l'operation de nature, mais soudainement, on l'attribue aux angeles et l'appelle on chose merveilleuse. Quant les choses sont produites par aucun faisant non pareil a cellui de nature et soudainement, on attribue ce a Dieu et l'apelle on miracle. (Somme abr., c.1477-1481, 162).

 

b)

[D'une pers.] "Terrible, arrogant, violent" : A la fin, sa force affoibli [;] Tarquinïus li orgueilleux, Qui fu felon et merveilleux [,] Si l'occist par voye soubtille (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 190). "...Il fault bien, se c'est il, qu'il me voye ; je ne me saroye ou sauver. - Qu'il vous voye, dit elle, non fera, si Dieu plaist, car vous seriez mort, et moy aussi ; il est trop merveilleux..." [Le retour inopiné du mari surprend les amants] (C.N.N., c.1456-1467, 243).

 

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"Qui fait preuve d'un comportement étrange par sa sévérité" : ...le pere (...) lor avoit esté crueuls, hausters, durs et mervilleus. (FROISS., Chron. D., p.1400, 636).

 

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En partic. [De monstres] "Terrible, effrayant, par son caractère prodigieux" : ...Et cils seur qui li sors chëoit, Trop mortelment li meschëoit ; Car li rois Minos devourer Le faisoit la, sans demourer, Par un moustre trop mervilleus, Trop felon et trop perilleus. Mais nuls ne se doit mervillier, Se Minos vout ad ce veillier, Ne s'il en fu fort esmeüs, Car peres fu Androgeüs. (MACH., J. R. Nav., 1349, 230). Phyton, le mervilleus serpent Que Phebus de sa flesche occit. Avoit la longueur d'un erpent, Si com Ovides le descrit. (MACH., Bal., 1377, 563). Sire, de ta venue devons nous louer le doulz Jhesucrist, car sans toy ne pouyons estre delivré du merveilleux monstre Grimaut, le jayant, par qui tout ce pays est destruiz. (ARRAS, c.1392-1393, 262). Tant fut grant que c'estoit merveille, Ce monstre, et n'avoit qu'une oreille. Point de narrilles n'ot en teste Celle tres merveilleuse beste, Et si n'avoit que un oeil ou front Qui bien avoit trois piez de ront. S'alaine par l'oreille yssoit, Dont tout le mont retentissoit Touteffoiz qu'estoit endormi Ce maufé et cel annemi, Quant il ruffloit ne pou ne grant. (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 316). Caribdis y est la perilleuse Et Silla la tres merveilleuse, Monstres marins et grans balaines, Le trespas Circés et Seraines, Et destours muciez entre roches, Ou le vent embat nefs a troches, Qui jamais puis de la ne saillent. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 144). Edipus s'en part et s'avoye Vers Thebes, par estrange voye, Devers le pan d'une montaigne, Car paour a qu'on ne l'ateigne, Laissé ot le chemin ferré, Mais il n'ot pas gramment erré, Quant un monstre moult merveilleux, Trop redoubtable et perilleux, De la montaigne descendi, Si tost que ses pas entendi. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 289). ...de le moiller duquel fu nee celle merveilleuse et orrible beste que fut appellé Minotaur, que fut enfermee y enclouse dens celle entriquade meson faite par Dedelus (CAUMONT, Voy. N., p.1420, 31).

 

-

[D'un peuple] "Étonnant, surprenant, bizarre...(avec des aspects positifs et négatifs)" : "...li Rommain, qui sont merveilleux et traitre, seront maistres et seigneurs de tous les cardinaulz et feront pape de force à leur seance." (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 50). Englés sont de mervilleuses conditions, chaut et boullant, tos esmeu en ire, tart apaisié ne amodé en douçour ; et se delittent et confortent en batailles et en ocisions. Convoiteus et envieus sont trop grandement sus le bien d'autrui et ne se pueent conjoindre parfaitement ne naturelment en l'amour ne aliance de nation estragne (FROISS., Chron. D., p.1400, 42). ...desous solel, ne sont gens plus perilleus ne mervilleus a tenir, ne plus divers que sont Englois. (FROISS., Chron. D., p.1400, 221).

 

2.

[Qui suscite l'admiration, par la beauté, la grandeur, la perfection...]

 

a)

[D'une chose] "Magnifique, admirable" : Einsi sa parfaite biauté, Fresche et douce com fleur d'esté, Et la mervilleuse clarté De son viaire Dont je me vi enluminé, Le ray de son oueil que plus n'é, Mes cinc sens orent tost maté ; Plus n'en pos faire. (MACH., R. Fort., c.1341, 46). ...car si conme le lis est de merveilleuse biauté et valeur, aussi virginité est tresbele et noble vertu entre les vertuz (Mir. femme roy Port., c.1342, 150). Et quant une operacion merveilleuse en excellence de bien est faite de nouvel en un lieu, l'en seult dire que Dieu y est venu ou descendu (ORESME, C.M., c.1377, 280). Si orent fait ediffïer Un merveilleux cheval de fust (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 155). ...et [J. de Montagu] avoit fait faire un chastel nommé Malcoussis, près de Paris, à VIIJ ou IX lieues, de moult merveilleux edifice (BAYE, I, 1400-1410, 292). Et la est le commencement de la merveilleuse tour de Babel, qui a IIIJm pas de large, et la sont les provinces de Caldee, de Arabie, de Sabba et de Tarssie. (LA SALE, J.S., 1456, 213). Le soir, firent une merveilleuse feste de feux sur les clochiers, forces fallotz alumés sur les maisons de ces ambassadeurs et artillerie qui tiroit (COMM., III, 1495-1498, 130). ...en fleur, renommé grant philozophe et astrologien. Ce fut luy qui premier inventa la composicion de la merveilleuse tour du phar située en Alexandrie, vingt pas en mer, et la fonda sur sept cancres de verre, qui est reputée l'une des sept merveilles et miracles et le second du monde (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 60 v°).

 

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Merveilleux à + inf. : Le dimenche dixhuitïesme jour De ce dit moys, sa messe fut chantee En la chappelle du pape, tout autour De fin drap d'or richement acoustree, Et ce jour mesmes fut aux François monstree La Veronique tres digne et precïeuse Qui est a voir chose fort merveilleuse, Car c'est la face du benoist Jesucrist. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 236).

 

-

[D'histoires] : ...plusieurs roys, princes, contes, barons, prelatz, nobles hommes, gens d'eglise et aultre populaire se sont souvent delictez et delictent à ouyr et escouter des hystoires merveilleuses et choses advenues en divers lieux, tant de ce royaulme que d'aultres royaulmes christiens (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 1).

 

-

"Remarquable" : Maiz ses barons tant l'ennorterent Par leur senz qu'a ce l'amenerent Qu'il s'accorda a femme avoir Affin de faire son devoir Et que d'elle il eüst lignie Pour maintenir sa seignourie, Si com tout ce et autres choses Vous seront orendroit descloses, De la merveilleuse constance Griseldis et de son enfance, A l'onneur des dames de pris Pour qui j'ay le ditter empris. (Gris., 1395, 4). Neemyas et Esdras pevent en cest endroit estre nombrés entre mes feables, qui en autre temps de persecution conceurent en leur pensee la merveilleuse esperance de rassembler le peuple dispers en servage par la persecution dez Assyriens, et se esvertuerent a reedifier la sainte cité et temple demolis. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 136).

 

b)

[D'une pers., d'un aspect de la pers.]

 

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"Qui suscite l'admiration par sa bravoure" : ...Achillès en l'estour Se combatoit encontre Hectour, Mais n'i pooit rien conquester N'a ses mortels cops contrester ; Et le mervilleus sagittaire Occioit tant de gens a traire Que c'estoit une grant merveille (MACH., F. am., c.1361, 190). Par foy, sire, font ceulx, vous avez plus affaire que vous ne pensez, car voz ennemis sont fors et de merveilleux et fier couraige, et sont tous cousins, et du plus grant sang de cest pays. (ARRAS, c.1392-1393, 197). Achilés estoit le plus preux De tous les Grieus, et de proece Merveilleux (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 76).

 

-

Empl. subst. Faire le merveilleux. "Faire le malin" ( (Éd.)) : Tu faysoye tant du merveilleux, Quant auffort fais ce que tu veux. (Feste roys, c.1475-1500, 305).

 

3.

[Sens affaibli ; indique un haut degré de qqc.] "Grand, important, intense..." : Et est assavoir que onques mais l'en ne vit tel peril, car lesdiz seigneurs estoient ensemble selon la riviere de Loire en moult merveilleux nombre et arroy de gens moult notables en armes. (BAYE, I, 1400-1410, 332). ...et la fist faire une grande et merveilleuse fosse tresparfonde, pour ce que leurs anemis ne peussent venir a eulx par ce costé. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 50). Adont vindrent illecq deux dames de merveilleuse viellesse. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 192). Et quant Saintré et toute sa compaignie oïrent le rapport et bonnes nouvelles et sa tresbriefve delivrance, la joye fut merveilleuse entr'eulz, et fut ceste nouvelle par tout publiee (LA SALE, J.S., 1456, 105). : ...si estoit, Dieu scet, en merveilleux desplaisir, et ne savoit que faire ne que dire. (C.N.N., c.1456-1467, 275). Quand noz deux gentilz hommes voyent que nostre curé est avecques le loup logé, ilz en firent joye merveilleuse (C.N.N., c.1456-1467, 354). Le duc de Bourgongne Charles s'est depuis veü, à sa grant requeste, avec l'empereur Federic qui encores est vivant, et y feïst merveilleuse despence pour monstrer son triumphe. (COMM., I, 1489-1491, 137). Conceüt une merveilleuse hayne contre luy, qui jamais depuis ne luy partit du cueur, et principallement que pour telles doubtes le vouloit contraindre à marier sa fille. (COMM., I, 1489-1491, 180). ...et aussi la redicion de Cherbourg au roy de Navarre, qui fut la cause pourquoy les Anglois prindrent leur dit roy Richard en hayne merveilleuse, jaçoit ce qu'il eust regné sur eulx paisiblement, environ XXII ans. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 143 r°). Et qui plus fort est, ceulx qui menoyent l'artillerie ne l'eurent pas davantaige : car pour tirer une seulle piece d'artillerie, il y convenoit bien quarante ou cinquante chevaulx et autant de pyonniers, qui ne fut pas sans une merveilleuse peine. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 293). ...il fist aussi porter au dit camp grant foison d'abillemens, comme robbes, pourpoints, chemises, chappeaux, bonnetz, chausses, soulliers et aultres choses necessaires de pain, de vin, de viande, foin, avoyne et blave, a merveilleuse quantité. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 294).

B. -

[D'une pers.] "Qui éprouve de l'étonnement, étonné"

 

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Merveilleux de qqc. "Qui s'étonne de qqc., étonné de qqc." : Adonc commence chapleïs Si grant, si fort et si hideux Que chascun en fu merveilleux (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 244). S'Ector li preux, Cesar et Alixandre, Deiphile, Tantha, Semiramis (...) Revenoient tuit en leur region, Du temps qui est seroient merveilleux. (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 192). Un bien matin ou j'estoie tous seulx Si entreoÿ, dont je fuz merveilleux, Aupres de moy, une voix m'appeller (GARENC., Poésies N., 1390-1400, 65). Advint que les deuz mois qu'elle avoit promis de retourner a la royne furent passez sans sçavoir nouvelles d'elle par lectres ne autrement, dont la royne, de ce tres merveilleuse, par la maniere qui s'ensuit ly escripvi. (LA SALE, J.S., 1456, 258).

 

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Estre merveilleux + sub. interr. indir. "Se demander avec étonnement + sub. interr. indir." : ...Et mon chemin droit vers li adressay. Et quant je fui près, je la saluay, Mais mot ne dist, dont je me mervillay, Ne onques chiere Ne fist de moy, ne d'oueil, ne de maniere. Et je qui fui mervilleus pour quoy c'iere, Dis bellement : "Trés douce dame chiere, Pour quel raison Ne volez vous entendre a ma raison ?" Et la tiray par le pan dou giron. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 115). Largesse qui après sëoit Parla, car moult bien li sëoit, Et dist : "Guillaume, vraiement, Je sui mervilleuse, comment Vous osez des dames mesdire ; Car ce ne deüssiez pas dire. Et de ce qu'avez dit, li blames Est plus seur vous que seur les dames..." (MACH., J. R. Nav., 1349, 242). Vous ne deveiz estre merveilheux se je suys courouciéz, quant je vis mon nepveur gesier a terre ainsy plaiéz (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 110). Je suis merveilleux de quel art Il vient ne de quelle puissance ! (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 162). Je suis merveilheux de luy, Coment il s'est fait invisible ! (Pass. Auv., 1477, 123).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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