C.N.R.S.
 
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     LABOURER     
FEW V 104 laborare
LABOURER, verbe
[T-L : laborer ; GD : laborer ; GDC : labourer ; AND : laborer1 ; FEW V, 104 : laborare ; TLF : X, 889a : labourer]

I. -

[Correspond à labeur]

A. -

[Idée de travail et idée d'effort, de peine liés au travail]

 

1.

Empl. intrans. "Travailler, oeuvrer, agir" : Et se Desirs m'assaut ou me court seure, Qui maint amant desconfit et deveure, N'i a celui ne celle qui n'aqueure, - Et de leurs mains Essueront ma face, se je pleure, - Et qui mon plour ne conforte et sequeure Et pour mon bien ne traveille et labeure (MACH., Compl., 1340-1377, 258). Si commensai en tel maniere : Tels rit au main qui au soir pleure, Et tels cuide qu'Amours labeure Pour son bien, qu'elle li court seure Et mal l'atourne (MACH., R. Fort., c.1341, 33). Et ainsi le juge labeure pour autre. (ORESME, E.A., c.1370, 301). ...et vela mon caz tel comme il gist, mon doulx amy Phlipot, pourquoy je vous prye que vous voelliez veiller et labourer en tel fachon que ce soit a ma ressourse de joye et bonne santé. (Comte Artois, c.1453-1467, 119). Or vas, et tellement labeure Que du tresor rien ne demeure Qu'aus povres, biau filz, departi Ne soit tretout (Mir. st Lor., 1380, 163). ...en pou de jours, tant et si tresbien laboura que la vaillant femme fut contente d'oyr et entendre son cas. (C.N.N., c.1456-1467, 24). GUILLEMETTE. Mais la maniere de l'avoir Pour ung denier, et a quel jeu ? PATHELIN. Ce fut pour le denier a Dieu, Et encore, se j'eusse dit "la main sur le pot !", par ce dit Mon denier me fust demeuré. Au fort, est ce bien labouré ? (Path. D., c.1456-1469, 86).

 

-

Prov. En peu d'heure Dieu laboure : En petit de temps Diex labeure : M'amie, Diex euvre pour vous (Mir. femme roy Port., c.1342, 162). Lors fu le roy admené a la tente Anthoine, lequel estoit logiez en la propre tente qui fu du roy, dont il ne se pot oncques tenir que il ne lui deist : Par ma foy, damoisiaux, qui ce dit deist voir : En pou de heure Dieu labeure. On n'eust huy au matin gaires fait ceans pour vous. Sire roy, dist Anthoine, c'est par vostre musardie et par vostre pechié, qui guerroiez les pucelles sans cause, et les voulez avoir par force. (ARRAS, c.1392-1393, 163). Mais quant son plaisir y sera, Incontinent si refera En brief temps, sans longue demeure, Car en peu d'heure Dieu labeure. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 78). PATHELIN. Taisiez vous ! Par ma conscïence, Se je vueil mon sens esprouver, Je sçauray bien ou en trouver, Des robbes et des chapperons ! Se Dieu plaist, nous eschaperons Et serons remis sus en l'eure. Dea, en peu d'eure Dieu labeure ! (Path. D., c.1456-1469, 50). Et parlons icy a loisir Car en peu d'eure Dieu labeure. (Est., p.1460, 27). JUGE. Advisez l'eure Affin que puissez sans demeure Parachever vostre entreprise. CLAUDE. En petit d'eure Dieu labeure. (LA VIGNE, S.M., 1496, 522).

 

.

Qui pour autrui procure pour soi mesme laboure : Celluy qui sa besoigne Puet conduire et conclure Doit, sans avoir vergoigne, Soy mettre a l'aventure, Car, s'il baille procure, Son fait tresmal assure : Qui pour aultruy procure Pour soy mesme labeure. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 75).

 

-

"Exercer une activité, être occupé à une besogne" : Ou il y a indigence, il n'est pas temps de labourer. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 60). Tu ne labeures ne travelles De nulle painne manuele (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 53). Le premier : fuyr oiseuseté, comme fist Nostre Dame qui tousdiz ovroit ou labouroit ou estudioit hors les heures du repos et du menger. (GERS., Annonc., a.1400, 236). Le bon mary orfevre (...) ne dormoit heure ne bon somme pour labourer. (C.N.N., c.1456-1467, 492).

 

-

"Exercer sa réflexion" : ...n'estoit pas, creez, son engin oiseux, mais labouroit a toute force pour fournir la promesse a son serviteur [Une femme mariée a promis à son amant d'aller le rejoindre] (C.N.N., c.1456-1467, 183).

 

.

Labourer en sa pensee + sub. interr. indir. "Se demander + interr. indir." : ...de son hault emprendre [du chevalier] il en parvint en glorieuse fin, et de son valereux executer j'en ay tiré l'effect de ma desirance, dont jamais n'en sera heure que je ne soye son obligée, et que je ne labeure en ma pensée comment je lui polray satisfaire ... son condigne dont. (LA MARCHE, Mém., IV, Pièces annexées, p.1468-1500, 113).

 

-

Labourer corporellement : Avec ce, pour tant que grans seigneurs n'ont a coustume de corporelment labourer comme aultrez hommes, pour ce leur est prouffitable honneste occupation de lettres par laquelle, en temps de loissir, puissent entendre a commender sapience (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 12). Donques aussi comme nous veons en force et en santé de corps que la superhabundance et excés de labourer corporelment et de soy trop excercer, travaillier et grever et, d'autre partie, deffaute de labourer, de soy excercer et trop soy reposer corrumpent ou apeticent la force du corps (ORESME, E.A., c.1370, 150). Car celui qui est actif, il labeure aucunes fois corporelment et travaille son corps, par quoy il a plus mestier de nourrissement. (ORESME, E.A.C., c.1370, 525).

 

-

Prov.

 

.

Celui qui ne laboure pas aura froid aux dents : [Morale de la fable de la cigale et de la fourmi] Et, pour ce, il y a temps de labourer et temps de repouser, car celluy qui ne laboure aura froyt aux dens. (MACHO, Esope R., c.1480, 145).

 

.

Qui ne laboure point ne menge point : Nul homme ne doit point mengier se il ne met paine a labourer. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 197).

 

.

Celui qui laboure a vivre en suffisance : Cil qui labour a vivre en souffisance : Qui vit du sien, de Dieu soit il benois ! (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 20).

 

-

[D'une chose concrète] "Creuser" : Les roes labourantes signifient maladie et paine souffrir par le prince (Expos. songes B., 1396, 263).

 

2.

Empl. trans. dir.

 

a)

[Avec obj. interne] Labourer mestier. "Accomplir un travail, exercer un métier" : ...il [Tirésias] fila et laboura De tieulx mestiers, que femmes font. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 43).

 

b)

[Le compl. est un pronom ou chose] "Entreprendre, réaliser qqc." : Anselmus : - Se si grant chose et sy neccessairement deue n'est rendue au Filz ne a aultres, en vain le Filz ara labouré sy haulte et si grant chose, selon mon advis et entendement. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 252). [Aie] confidence en ton vertueux pourpos, sans lequel tu ne peux estre digne de retribution en ce que tu labeures (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 175).

 

c)

"Faire qqc. par le travail, fabriquer, façonner qqc." : Jadiz une vesve refusoit a estre ensevelie en une chemise qu'on lui donnoit et dist : "Je veul estre ensevelie en une chemise que j'ay labouree de mes propres mains et non en autre." (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 198).

 

-

En partic. [Du pain] : ...tant de celui [pain] qui est et sera amené par marchans forains, comme de celui qui est et sera labouré par les boulengiers de Paris (BAYE, I, 1400-1410, 336).

 

.

Labourer et cuire du blé (en pain) : Et avec ce condempne lesdis de Rappan et Vavasseur à baillier, delivrer et faire mouldre, labourer et cuire deux muis de bon blé fourment, loyal et marchant, en pains de IIIJ deniers parisis la piece, c'est assavoir, chascun d'eulz ung muy (...), et lesdis Hucherat, Fontaine et Crochet, Bayart, Anceaume et Blosset à baillier et faire labourer et cuire semblablement quatre muis de blé, c'est assavoir, chascun d'eulz, demy muy (FAUQ., I, 1417-1420, 377).

 

-

Part. passé en empl. adj. [D'une chose] "Travaillé, ouvragé" : Une petite couverte blanche, laborée de vert et ung fauconier ou milhluech (Comptes roi René A., t.2, 1432, 247).

 

d)

"Manoeuvrer qqc." : Ils [les déchargeurs de vin] ne prendront et n'auront d'un tonnel de vin, ou de deux queuës pour un tonnel, labourer, oster des nefs, et mener à l'hostel de celuy à qui il sera, du grant Port de Greve par tout dedans les portes (...) que quatre sols au plus haut, et non plus. (Ordonn. rois Fr. S., t.3, 1350, 357).

 

e)

P. métaph. [En parlant de relations sexuelles] (synon. besogner)

 

-

Labourer une femme : Ce droit [naturel] deffend a povre, a riche De laisser, par longues journees, Povres femmelettes en friche Par faulte d'estre labourees (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 134). Dieu ! quel varlet pour dames labourer, Qui n'a en lui de moisteur ne que cendre ! N'aiez plus soing de baisier n'acoler Jehanne. - Nenil. - Le vit ne te veult tendre. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 133). Ainsi vint le monnier en sa maison et tout secrettement s'en alla au lit ou cuydoit la jeune fille [trouver] et trouva sa femme et luy fist deux foys. Aprés se leva et feist venir son varlet, qui tresbien la laboura par .III. foys. (TARDIF, Facéties Pogge D.H.-P., c.1490, 239).

 

-

Empl. abs. : LE PÉRE. Alons. Or ça, biau filz, je croy Qu'amissiez miex a demourer. Gardez vous de trop labourer : Ce sera sens. (Mir. chan., c.1361, 172). La [dans le mariage] vous fauldra de la queue baler Et labourer pour avoir nouveau fruit ; Peres serez, se bien estes conduit (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 25). ...Bien y sçavoie labourer Et toucher a la molle cuisse (LE FÈVRE, Lament. Math. V.H., c.1380, 40). ...il avoit tant labouré que plus ne povoit, il fut content d'aller querre son compaignon et l'amena devant elle, qui tantost le mist en besoigne (C.N.N., c.1456-1467, 349).

 

3.

Empl. trans. indir. Labourer à qqc. "Travailler à qqc." : [C'est Froissart qui parle] J'encerchay maint royaulme et maint pays pour faire juste enqueste de touttes les choses qui cy-dessus sont contenues en ceste hystoire (...) Car sachiez que, sus l'an de grace Mille trois cens IIIIxx et X, je y avoie labouré XXX. et sept ans, et à ce jour je avoie de aige LVII. ans. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 3). ...lui qui avoit tousjours laboré en son temps ou fait de justice (...) acceptoit ledit office en suppliant audit Seigneur que lui pleust avoir pour recommendé (BAYE, II, 1411-1417, 131). ...en exhortant la Court afin que, en aiant charité à Dieu et à son prochain, veulle tenir la main et labourer à l'entretenement dudit concil (FAUQ., III, 1431-1435, 34). Oncques viel liepart arrabiz N'orent tel fain de devorer Que nous avons de labourer A la mort du faulx ypocrite. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 252).

 

-

"S'occuper de qqn/qqc." : Citeron requis d'un nommé Hireion, aprés che qu'il eut refusé une nommé Therence, qu'i vaulsist sa seur prendre a mariage, en riens ne le vault acorder, disant qu'a fenme et a philosophie ensamble ne porroit labourer. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 324).

 

-

Travailler en qqc. "Chercher à réaliser qqc." : Et est emprès vous Jehan Coustain que vous avez eslevé, celui qui en ma mort labeure et qui est souverain acteur du cas et ma perdition. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 253).

B. -

[Idée d'effort, de peine]

 

1.

Empl. intrans.

 

-

"Faire des efforts, se donner du mal" : Il [les négociateurs arabes] ne pooient recouvrer, Pour penser ne pour labourer, Le grant damage et la grant perte Qui à tous estoit toute aperte, Comment Alixandre fu prise, Et la menue gent occise (MACH., P. Alex., p.1369, 183). ...une science aprent quant il est temps de bataillier, l'autre quant il est bon ou temps de donner medicine en malades, l'autre quant il est bon ou temps de soy excerciter et de labourer. (ORESME, E.A., c.1370, 114). Et ce dient il afin que il ne labourent plus en enquerant la cause du repos de la terre. Et de ce se esbahist et merveilla Empedocles en disant que ceulz qui par leur langue ont ceste vanité moutepliee ont petit entendement en ce que il dient que les parfondeurs ou parfondeces de terre sont infinies, et que aussi l'air en haut est infini. (ORESME, C.M., c.1377, 540). ...la Court lui a dit que la fin pourquoy avoit esté esleu estoit à ce qu'il traveillast, laborast et besoignast en ladicte Chambre, comme il estoit besoin (BAYE, I, 1400-1410, 299). LE .I. SERGENT. Il fault tous m(e)orir une fois, Rendre compte tous en ung tas. Pourchassons donc d'avoir la voix Des merites sainct Nicolas. LE .II. SERGENT. Labourons tandis qu'il est temps, Querons de l'ame le repas, Car nous avons de grans moyens Des merites sainct Nicolas. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 159). Mon dict seigneur d'Orleans demoura Lors dedens Ast, ou il enamoura Son povre peuple et tous autres gendarmes ; A Millan fut, ou si bien laboura Que tout le peuple grandement l'onnoura (LA VIGNE, V.N., p.1495, 139).

 

-

Labourer en vain/pour neant. "Perdre sa peine" : Alixandre est si fort cité Et si poissant, qu'en verité Tous li mondes ne la penroit. Li amiraus en geteroit Cinq cent mil hommes en une heure ; Nostres roy pour neant labeure Et si n'est pas bien consilliez, Einsois s'est en vein travilliez ; N'il n'a pas gens pour li combattre, Car il seront cent contre quatre (MACH., P. Alex., p.1369, 65). De m'estriller qui ne sçait la maniere A court perd temps et trop en vain labeure. (Dictz moraulx S., p.1450, 135). ...on laboroit en vain devers luy pour avoir paix (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 136). SATHAN. Longuement en vain je labeure Sans trouver sentier ne moyen D'atirer quelque faulx crestien Pour tresbucher dedans mes las. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 107).

 

.

[Avec une nuance de pitié ironique] "Se donner bien de la peine" ( (Éd.)) : LE SECOND SERGENT. Voysin, je vous viens adjourner A la requeste de ce juif, Pour ouyr de luy son motif, Devant le prevost a cest heure. LE CRESTIEN. Le povre homme en vain si labeure ; Je sçay bien toute sa demande. (...) LA FEMME. Il est bien loing de son payement. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 116).

 

-

Labourer en qqc. "Faire des efforts (dans tel domaine)" : C'est a savoir abstenir eulz de delectacion et labourer en bonnes oeuvres. (ORESME, E.A.C., c.1370, 532).

 

.

Au fig. [Suj. inanimé] : D'autre partie, selon verité, la science civile travaille et laboure mesmement en vertu, car elle entent et veult faire les citoiens vertueus, bons et obediens as lois. (ORESME, E.A., c.1370, 140).

 

-

Part. prés. en empl. subst. "Personne qui fait des efforts (pour parvenir à un but)" : Par les laborans j'entens ceulx qui encores ne peuent monter a l'estat de parfeccion, et toutes voies toute leur esperance en nostre seigneur il mettent, en eschevant a leur pouoir les pechiez et en mettant peine a bien ouvrer. (Mir. st Ign., 1366, 73).

 

2.

Empl. trans. indir. Labourer à qqc. "Faire des efforts, se démener pour accomplir qqc., pour parvenir à un résultat" : Mais Theseüs tant y labeure, Par sa vaillance et vasselage, Que le monstre occist en la cage. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 330). ...ceulx qui traveillent et labourent a l'augmentacion et accroissement des histoires de ce present livre (C.N.N., c.1456-1467, 215). [...ilz] savoient leur traité estre assez bon pour eux, et par ce y labourèrent ils tant mieux. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 130). A ce veul je bien labourer. Or chascun si lyeve a puissance, Et alons tous par ordonnance En disant noz devosions ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 492).

 

-

Labourer (à/de) + inf. "Faire des efforts pour" : Si deveriens tuit labourer Au bon Godefroy restorer, Et querir homme qui sceust Maintenir sa terre et deust. (MACH., P. Alex., p.1369, 3). Et toutesvoies les excellens medicins labourent moult a avoir cognoissance des choses du corps. (ORESME, E.A., c.1370, 141). ...ne labourons pas assavoir ["à connaître"] lez temps ou lez momens, lezquelx Diex le Pere a mis en sa disposicion. (Songe verg. S., t.1, 1378, 406). ...et aussy [le prévôt de Paris et le prévôt des marchands] laboreront devers le roy et les generaulx d'avoir certeinne quote sur les subsides prins à Paris pour ledit ouvrage. (BAYE, I, 1400-1410, 225). ...labourer Doivent [les chevaliers] a l'eglise honnourer (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 184-185). Car elle enseigne amer Dieu, combatre et resister au deable et labourer par excercites vertueuses acquerir charité pour amer Dieu parfaitement. (Somme abr., c.1477-1481, 99).

 

-

Labourer à ce que : ...Qu'il lui plaise a ce labourer Que mon filz viengne ci curer (Mir. st Val., c.1367, 129). GRISELDIS [aux servantes]. Avant, mes amis ! Labourez A ce que tout soit nettement Ordonné et que noblement Recevons l'espeuse nouvelle. Dames, pour Dieu, qu'il n'y ait celle Qui ne mette a euvre les mains. (Gris., 1395, 91).

 

-

P. méton. [D'une chose] Une chose laboure que + subj. "La raison d'être d'une chose est d'aboutir au résultat que" : Le chien lui respondi [au voleur qui vient de lui donner un morceau de pain] : "Ton don veult et labeure que je me tayse affin que faces larrechin..." (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 247).

C. -

[Idée de souffrance, de tourment]

 

1.

"Souffrir" : Ne porter je ne puis plus Le soussi qui me deveure, Car il n'est nulle ne nuls Qui pour moi aidier akeure. Je soloie estre au deseure : Que biaus m'estoit li sejours ! Mes maintenant je labeure, Car une heure [m'est uns jours]. (FROISS., Ball. B., c.1362-1377, 33). [Marie s'adresse à Jésus sur la croix]Et ceulx que le monde plus garde Et qui quierent leur avantgarde(.) Contre toy[,] ton oueil les regarde Et, au parfont du cueur, les larde Si tres serré qu'ilz chëent tout morant. Ainsi me fais : tu me vois labourant En ung fier dueil qui me vient acourant, Et ne me vueulx ce piteux demourant Expedïer. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 338). De telz manierez d'entremez estoit la noble contesse servie pour l'absence de son seigneur ; sy laboura moult longuement en ceste piteuse paine, tant que apprez ung parfont soupir elle se prist a faire sez lamentacions et dire : "A ! A ! Mort aspre et rigoureuse qui riens ne espargne, est ta puissance perdue...?" (Comte Artois, c.1453-1467, 100).

 

-

"Être tourmenté (ici de désir amoureux)" : Dont puet venir a deux cuers en une heure, Qui ne se virent oncques que un seul jour, D'eulx entramer et que chascun labeure Secretement, et est ferus d'Amour, Tant que l'un d'eulx ne scet voie ne tour Comment il puist son amour descouvrir Qu'il a fiché en l'autre sanz retour ? (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 362).

 

2.

En partic.

 

a)

[D'une femme qui accouche] "Être dans une peine très forte, être tourmenté" : Dame, en voz grans maulx labourez, S'en estes malade plus fort. (Mir. roy Thierry, c.1374, 260).

 

b)

[D'une personne qui est à l'article de la mort] Labourer à la derniere fin. "Être à l'agonie" : ...lors, lui tourné sus l'autre cousté, tost après tirant à l'angoisse de la mort, oy toute l'ystoire de la Passion, et aucques près de la fin [fin] de l'Euvangile saint Jehan, commença à labourer à la desreniere fin, et, à pou de traiz et sanglous, entre les bras du seigneur de La Riviere, que moult chierement il amoit, rendi l'esperit à Nostre-Seigneur (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 192).

 

-

Labourer en son derrain : Aucuns disent que, la nuit que ceste dame labouroit en son darrain, que jusques à rendre son esprit, se monstroient deux clartés au deseure de sa chambre en forme d'estoile (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 218).

 

-

Labourer à la mort : Autre espoir n'ay, dont je souspire et pleure, Fors que bien say qu'amours puet en po d'eure Un cuer garir qui a la mort labeure (MACH., F. am., c.1361, 160). ...le pere abbé le mena un jour devers un autre chevalier qui labouroit a la mort. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 137).

 

.

Empl. abs. : ESAÜ. Pour vray nostre péere labeure : A la fin, frére, je le voy. Je ne cuide pas qu'il demeure Longuement. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 315).

 

-

Labourer aux extremes : ...lequel constitué ou lit de la mort et labourant aux extremes, son curé l'amonnestoit de son salut et le induisoit a recevoir ses sacremens. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 197).

 

-

Labourer aux soupirs de la mort : Mais il ne le rataint oncques jusques ad ce qu'il fu venu en l'isle de Delphés, la ou il le trouva malade et labourant aux souspirs de la mort. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 190).

 

c)

Part. passé en empl. adj. [D'un cheval] Labouré. "Meurtri, blessé" : ...cheval lyart, la queue et les crins grillés, labouré es ars devant (Doc.1355. In : Brunel-Tardy, Paris, l'Église et le roi, 2016, 282).

II. -

[Correspond à labour]

A. -

Empl. trans.

 

1.

"Travailler, cultiver (la terre) ; retourner la terre" : ...car on ne puet adont labourer les terres pour trop grant moisteur, et pour ce y a il chier temps ou pays. (MANDEVILLE, Voy. L., p.1360, 251). Et celle [la premiere cure de possession] est selon nature qui est laboratore, ce est assavoir en labourant la terre. (ORESME, Ycon. Arist. M., 1374, 810). Il doivent de droit et par coustume labourer les terres des gentils hommes. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 95). Ilz avoient si environnée la bonne ville et cité de Thoulouse que les bonnes gens ne povoient aler hors labourer leurs vignes ne terres. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 183). ...pour ce que nouvelment il avoit prins terres à labourer en ladite ville de Heudouville, il, afin d'avoir un cheval pour labourer lesdites terres, se transporta (...) en un jour de vendredi ou samedi, que le marchié estoit en la ville de la Saussoye (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 284). ...il est nez de la ville de Clisson, en Bretaigne, fils d'un homme de labour, et la plus grant partie de son temps a usé de labourer terres et vignes (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 31). ...icelli feu Thevenin li dist que il venoit à Paris, pour savoir s'il pourroit plus et mieulx gaignier à labourer vignes environ Paris qu'il ne faisoit audit lieu de Francouville (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 59). Aux gens apprist a labourer Les terres, car riens n'en savoient Avant, ains, sanz arer, semoient Les blez et les cultivemens. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 279). Des terres labourer apprist Aux Grieulx l'usage et a arer (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 284). ...se en aucunes desdites cinq villes sont aucuns habitans clers qui labeurent ou facent labeurer terres d'autruy par leurs chevalx, iceulx clers ainsi faisans doient pour leurs chevalx traians ladite rente de grain et d'argent pour chascun de leurs chevaulx (Trés. Reth. S.L., t.2, 1407, 530). Et, se voz peres ou meres ou parens sont mors ou partie d'iceulx, si y avez vous voz domicilles et demourances, chascun au sien ou avecq son amy ou en aucun service ou à labourer la terre, chascun selon son estat. (BUEIL, II, 1461-1466, 166). Guerre abattra forteresses et tours, Sans labourer demourera la terre (Cene dieux, c.1492, 121). ...et ordonna aux Hebrieux escripre de la main dextre, en venant à senestre, car par avant escripvoient alant et venant ainsi que l'on laboure les terres à la charrue. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 48 r°).

 

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"Mettre en valeur (un domaine) en le cultivant" : Dont on vit par deffaut de gent Que maint bel heritage et gent Demouroient a labourer. Nuls ne faisoit les chans arer, Les blez soier, ne vignes faire, Qui en donnast triple salaire, Non, certes, pour un denier vint, Tant estoient mort (MACH., J. R. Nav., 1349, 151). La Court a ordonné que des biens de maistre Loiz Blanchet seront faictes IIJ parties, l'une sera pour le vivre de lui, de sa femme et de ses enfans, l'autre pour paier ses creanciers, et la tierce pour soustenir et laborer les heritages (BAYE, I, 1400-1410, 260).

 

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[Dans un contexte métaph.] : Mes le doulx cuer, s'est bonne terre Laboree par devocïon, Arosee par contrictïon ; Le doulx cuer en m'oyant fructiffie, Et de ses pechés mercy crie. (Pass. Auv., 1477, 137). [Paraphrase libre de la parabole du semeur (Luc 8, 5-15)]

 

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Prov. Faillir ne peut terre bien labouree : [À propos d'une naissance dans une famille princière] Faillir ne poeult terre bien labouree. Le tres doux fruict de ce noble semage De beau lignaige est de si hault merite... (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 335).

 

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Au fig. [D'une chose abstr.] "Tracer son sillon, faire son chemin" ( (Éd.))

 

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Fame laboure que. "Le bruit se répand que" : Ne passat mie grantment apres chu que fame allat laboureir que ma damme la royne, meire al roy, estoit enchainte de sangnour de Mortemeire (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.6, a.1400, 354).

 

2.

[Métaph. sexuelle] Faire labourer sa mote : Elle est allee faire labourer Sa mote pour mieulx reverdir (P. Jouh. D.R., a.1488, 33).

B. -

Empl. abs. : Un prophete avoit en Judee, Abacuc, qui, une journee, Avoit fait viande en un pot D'orve et de lait au mieus qu'il pot, S'avoit dou pain en sa louvette Et de l'iaue en une cruchette, Pour porter ceaus qui labouroient Aus champs pour moissons qui estoient. (MACH., C. ami, 1357, 41). Se voise souvent esbatre aux champs veoir comment ilz labourent, car assez en est qui volentiers se passeroient de grater sans plus la terre dessus pour eulx delivrer se ilz cuidoient que on ne s'en prenist garde (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 154). DIEU. [à Adam à Ève]. Allez en traveil et destresse Labourer pour vostre substance. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 70). Cy s'en vad labourer atout ung houët de bois. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 95). Laboureurs trouva quant la vint, Avec lesquelz du pris convint, Qu'eulx, en labourant sans sejour, Gangneroient ung denier pour jour. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 594). ...et aussi le grant yver par lequel les oyseaulx geloient en l'air et tumboient mors, au moïen duquel yver l'on ne peut labourer et ce qui estoit en terre fut gelé et perdu, dont vint famine et de famine mortalité (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 100 v°).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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