C.N.R.S.
 
http://www.atilf.fr/dmf/definition/guetter 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     GUETTER     
FEW XVII *wahta
GUETTER, verbe
[T-L : gaitier ; GD : gaitier ; GDC : guaitier ; DEAF, G61 gaitier ; AND : gaiter ; DÉCT : gaitier ; FEW XVII, 452a : *wahta ; TLF : IX, 581a : guetter]

A. -

[Domaine de l'art militaire et des devoirs féodaux ou civils] "Action d'observer pour surveiller ou pour surprendre"

 

1.

[Pour surveiller]

 

a)

Guetter. "Faire le guet, monter la garde" : Si commanda qu'on l'i herberge, Et qu'on y prengne là herberge, Pour herbergier une partie De sa milleur chevalerie ; Et que l'autre partie veille Parmi la ville et se traveille De bien gaitier ; et que les gardes Ne soient lentes ne couardes, N'endormies, et que bon gait Face chascuns, car en agait Sont Sarrazins pour eaus destruire, S'il veoient leur queue luire. (MACH., P. Alex., p.1369, 96). Mais la nuit pas bien ne gaitierent, Car bien X. mil dedens entrerent De Sarrazins, et reponnirent Par une porte qu'il ardirent... (MACH., P. Alex., p.1369, 96). Et que tout bourgois et tout manant de ceste ville qui ordené sont et seront de estre et wetier as portes de ceste ville et as quarfours, wetent et fachent leur wet de leurs personnes, armez et ordenez bien et souffissement, cascun selon son estat. (Arch. Lille, 1388, BB1 n° 373, f° 3, IGLF). Que nuls ne soit si hardis homs qui wethe pour argent, quant il ara wetiet une nuit ne weteche mais en apres qu'il n'y ait une nuit entre II, sur X sols de fourfait. (Arch. Lille, 1388, BB1 n° 373, f° 47 v°, IGLF). ...leurs prevostz et moniers sont quittes et frans semblablement. Et de ce sont subgets guestier au chastel de Breouse chacun une nuyt et un jour par an. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R.B., 1398-1402, 44). Qant il vint ou marchiet de Valenchiennes, il i avoit gardes qui gettoient au berrefroi ; si dist tout hault : "Sonnés, sonnés les cloces ! Esmouvés la ville !" (FROISS., Chron. D., p.1400, 353). Le sergent veult aler gaitier, Il (la) afuble son basinet... (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 33).

 

b)

Guetter qqc. "Surveiller qqc" : Et les convenoit toutdis, par nuit et par jour, gettier par connestablies les camps et les cemins de autour de la ville (FROISS., Chron. D., p.1400, 122). ...il (...) fisent songneusement garder et gettier tous les destrois et les passages, et tant que riens ne leur pooit venir par mer ne par terre. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 142). ...par raison desquieulx lieux d'omosne croisiée consistans et exemps, les personnes qui y ont demouré et demeurent sont et ont esté, de tel temps qui n'est memore du contraire, frans et quites a foires et marchiés et quiconques [l. quelconques] autres lieux, tant villes, chasteaux, forteresses que aultres, de non paier coustumes, acquis, panages, subventions, redevances, fouage, aide de guet, ou de guetier chasteaulx et de quelconques autres servitures (Mémor. Echiq. Archev. S., Pièces justif., 1391-1404, 38). Puis arriva icellui cappitaine atout ses compaignons, ausquelz ilz dirent ce que le Mareschal leur avoit chargé et comment il avoit advisé qu'il estoit bon d'envoier quelque dix compaignons legiers, qui ne fussent pas chargiez de harnoys pour guetter les carrefours et les grans chemins (BUEIL, I, 1461-1466, 84).

 

-

Guetter que. "Prendre garde que" : Li roys et ses gens se tenoient Entre IJ. portes, et gaitoient Que Sarrasin n'ississent hors, Car ceuls de l'assaut fussent mors Se par derrier les encloïssent ; Pour ce gaitoient qu'il n'ississent (MACH., P. Alex., p.1369, 87). Pour Vc mille muis de baume Ne les devroit einsi traitier, Et si se doit moult bien gaitier Qu'il met sa vie en aventure, S'ame, s'onneur ; et c'est laidure Et pechié fait et mal aussi, Tous princes qui le fait einsi. (MACH., P. Alex., p.1369, 262).

 

c)

Guetter qqn. "Épier qqn" : Mais se logièrent, et le signeur de Couci en mi yaus, et par tel manière que, se il s'en vosist adont estre partis, il ne peuist, tant estoit il priès gettiés. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 221). ...et l'avoient les gardes empris a garder (...) et le gettoient si priés que a painnes pooit il aler pissier. (FROISS., Chron. D., p.1400, 802).

 

2.

[Pour surprendre] "Tendre un guet-apens à qqn" : Mais il fust entrez en mal an, Se Dieus ne l'eüst secouru, Car si anemi acouru Y sont pluseurs qui le gaitoient Et qui mortelment le haoient, Si virent par une fenestre Qu'il aouroit le Dieu celestre (MACH., C. ami, 1357, 38). Ne sçay (...) s'il [Ninus] fu gaitié ou trahi (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 185). Hanibal refu en Ytale, Qui ja doubtoit Fortune male, Toutefoiz, au pié des monteignes, Gaita de Romme les compaignes Et les desconfit en bataille (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 226). Et cedit jour, au soir, environ deux heures de nuit, mons. l'evesque d'Evreux, Balue, fut guetté et acueilly par aucuns ses ennemis en la rue de la Barre du Bec, à l'environ de la porte de derriere de feu maistre Bureau Boucher, lesquelz chargerent sur lui et de premiere arrivée vindrent oster et souffler deux torches qu'on portoit devant lui. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 112).

B. -

[En dehors du domaine militaire ; au propre ou au fig.]

 

1.

Se guetter de qqn/qqc.

 

a)

"Être sur ses gardes à propos de qqn, se méfier de qqn" : Marc out non, son filleul estoit, Si que de lui ne se guetoit Mes du tout en lui se fiout Pour la grant amour qu'a lui out. (Vie st Evroul S., c.1350, 86). "...se rois Danemons se veult de nous guetier (...), Toute crestienté nel poroit deffoukier." (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 578). Car parce qu'il me fait mal, il peche comme un autre ; et ovec ce, il peche par ingratitude et si ne me guette pas de lui. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 300). ...et puis vous trouverez sur vostre chemyn un grant boais ou yl y a grant cop des larrons, si comme l'en dit, et pour ce, mon signeur, gaitez vous bien de eux, car ils font biaucop de mals. (Man. lang. G., 1396, 52). Mais nonobstant toutes ces choses et ces grans dissimulacions, elle se gaitera d'eulx de tout ce que elle pourra, et sera adés sur sa garde. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 64). ...de flateurs qui ainsy saluent se doibvent les saluez plus soingneusement guetier que gré leur en sçavoir. (Curial B.-H., a.1447, 361).

 

b)

"Se méfier de qqc." : Chascun des gardez s'avala De la tour et souper alerent, Quer de rien ne se guetierent (Vie st Evroul S., c.1350, 111). ...et ainsi, puisque c'est fort de tenir le moien, il vault mieulx soy traire vers le mendre peril et plus soy garder et guectier du plus. (ORESME, E.A.C., c.1370, 173).

 

-

"Se garder de qqc." : Si me sembla lors si tresbelle (...) Que sa grant biauté convoitier La me fist. Ne m'en seu gaittier (Mir. emper. Romme, 1369, 307). Item, entre toutes autres choses l'en doit grandement et forment eschivier ce qui est delitable, et soy garder et gaitier de delectacion sensible (ORESME, E.A., c.1370, 173).

 

-

Se guetter de + inf. "Se garder de, éviter de" : ...pour quoy, s'il t'ouent souffler par aucune aventure, il te [courront] sus par tres grant aïr, et lors t'avront tost devouré : si te guette de hault souffler. (Bérinus, I, c.1350-1370, 66).

 

c)

Empl. abs. Se guetter encontre. "Être sur ses gardes" : Et convient soy bien garder et gaitier encontre et en ce mectre tres grant diligence, si comme il fu dit ou derrenier chapitre du secont (ORESME, E.A.C., c.1370, 229).

 

-

Sans guetter. "Sans faire de réserves, sans hésitation" : Li uns d'eaus dist que sans gaitier Traitassent amiablement, Pour pais avoir et pleinnement. (MACH., P. Alex., p.1369, 134).

 

2.

Guetter qqn/qqc.

 

a)

"Surveiller qqn, ne pas perdre de vue qqn (pour éviter un danger)" : Haiois Delehaye (...) avoec pluiseurs autres avoit waitiet aucunnes gens et ychiaus sermentés qu'il n'estoient point atenant a autres cui il wettoient. (Arch. Nord, 1359, B 10284, f° 4, IGLF). Item, fu uns capelains le signeur d'Esclerbes tant wetiez qu'il fu pris viers Sorre. (Arch. Nord, 1371, B 10312, f° 20 v°, IGLF). ...[ils] se partirent hors d'icelle chambre, et s'en alerent pour coucher en la chambre de leur hoste, en laquele chambre ilz qui parlent se tindrent toute la nuit tous vestuz, pour la doubte qu'ilz avoient d'icelli prisonnier et sesdiz compaignons ; et celle nuyt se firent guettier par leur hoste jusques au point du jour, qu'ilz se partirent dudit hostel (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 140). ...l'ostel de ceens est fort donné a aultre chose(s) que a nous guetter (C.N.N., c.1456-1467, 306).

 

-

"Attendre qqn, guetter la venue de qqn" : Car maintenant nous en yrons La endroit, et la gueterons [l'amie] Tant qu'elle viengne. (Mir. nonne, 1345, 333).

 

b)

"Surveiller, guetter qqn pour le surprendre, monter un guet-apens à qqn" : Vous vez que l'ennemy me gaite Et me suit pour mettre en ses las. (Mir. enf. diable, c.1339, 37). Li vieillart reponnu s'estoient Ou vergier, et la la gaitoient [Suzanne] Que seule la peüssent prendre. (MACH., C. ami, 1357, 6). Et cedit jour, au soir, environ deux heures de nuit, mons. l'evesque d'Evreux, Balue, fut guetté et acueilly par aucuns ses ennemis en la rue de la Barre du Bec, à l'environ de la porte de derriere de feu maistre Bureau Boucher, lesquelz chargerent sur lui et de premiere arrivée vindrent oster et souffler deux torches qu'on portoit devant lui. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 112).

 

c)

Guetter qqc. "Surveiller qqc." : Par ma foy, je croy, puis qu'il demeure tant, qu'il soit retenus et qu'il ait la dedens aucuns sergens que on y ait mis pour le tresor guetier. (Bérinus, I, c.1350-1370, 394).

 

-

Guetter (le moment où...) "Faire attention pour ne pas laisser passer (le moment où...)" : Et adonc Milie la courtoise ne s'estoit pas mise en oubly, ains gaita l'eure que elle cuida que Aigres deüst venir, et envoia a l'encontre de lui une de ses chamberieres que l'en enmena si priveement que nuls homs ne se apperçeüst de lui. (Bérinus, II, c.1350-1370, 77).

 

-

Guetter + interr. indir. "Faire attention + interr. indir." : Donc la sage gouverneresse, qui tousjours sera pres de sa maistresse, prendra bien garde aux semblans et manieres de tous pour gaitier s'elle pourra apercevoir par quelque semblant que aucuns ou aucun y voulsist penser. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 97).

 

d)

"Rechercher qqn ou qqc., désirer qqn ou qqc., convoiter qqn ou qqc." : Quant Percevaus vit la retraite, Comme cils qui desire et gaite Le bien, le profit et l'onnour Et la grace de son signour, Il n'ot en li que couroucier. (MACH., P. Alex., p.1369, 86). Au larron vient et si lui giette Sa male qu'il convoitise et gaite, Et lui dit : Tien, maleureux, Si nous reposerons tous deux (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 201). Se tu la prens, qu'elle soit belle, Tu n'aras jamais paix a elle, Car chascuns la couvoitera, Et dure chose a toy sera De garder ce que un chascun voite Et qu'il poursuit et qu'il couvoite, Car tu as contre toy cent oeulx, Et li desirs luxurieux Est toutes fois contre beauté, Qui est contraire a chasteté. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 56). Car ceuls qui ainsis le feroient, Mariez, griefment pecheroient, Et encor puelent ilz pechier, Se l'un d'eulx a autre plus chier Et que homs femme autre convoite Que la sienne, et la sienne voite Autre homme et qu'elle l'aime mieulx Que son mari, si m'ait Dieux. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 345).

 

3.

Guetter à qqc./à + inf./ guetter que

 

a)

Guetter à qqc. "Avoir qq. en vue, tendre à qqc." : En cuer ma dame une vipere maint Qui estoupe de sa queue s'oreille Qu'elle n'oie mon doleureus complaint : Ad ce, sans plus, toudis gaite et oreille. Et en sa bouche ne dort L'escorpion qui point mon cuer à mort ; Un basilique a en son dous regart. (MACH., L. dames, 1377, 184).

 

-

Guetter à + inf. "Viser à" : Et quant l'instruction fu faite, Li roys, qui ne pense ne gaite Fors à ses annemis destruire, Fist beccuit et vitaille cuire ; S'en fist leur galée garnir Largement jusqu'au revenir. (MACH., P. Alex., p.1369, 127).

 

b)

Guetter que + subj. "Veiller, faire attention à ce que" : ...Et le retins pour mon ami, Einsois qu'eüsse mon mari, Qui me deffent Et me gaite mout durement Que ne voie son corps le gent, Dont li cuers en .IJ. pars me fent ; Car il m'estuet Malgré mien faire ce qu'il vuet, Dont durement li cuers me duet. (MACH., Motés, 1377, 513). L'exposicion de ceste fable peut estre que aucun poissant homme ama une damoiselle que sa femme prist par devers soy pour gaitier que son mari n'i peust adeser (CHR. PIZ., Ep. Othea L., c.1400-1401, 199).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

Fermer la fenêtre