C.N.R.S.
 
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     FORTRAIRE     
FEW XIII-2 trahere
FORTRAIRE, verbe
[T-L : forstraire ; GD : fortraire ; AND : forstraire ; DÉCT : forstraire ; FEW XIII-2, 183b : trahere]

Empl. trans.

A. -

Au propre

 

1.

Fortraire qqn

 

-

"Enlever (une femme)" : ...j'ay vers vous mespris. Car de ceens fortrais la nonne Que vous teniez a tant bonne, Et li ay fait rompre son veu. (Mir. nonne, 1345, 349). Dont je doy moy meismes hair, Qui bée a mon frére trair Et a li fortraire sa femme (Mir. emper. Romme, 1369, 255). Et aprés ce il quierent par aguet et par decepcions les voies comme il pourront acomplir leur desir, si comme fortraire la femme leur voisin, ou la fille, etc. (ORESME, E.A.C., c.1370, 385).

 

-

Fortraire une troupe de qq. part. "Faire se retirer une troupe de qq. part" : Mons. le grant maistre, je vous prie, fortraiez les gens d'armes de Odet, et ne luy en laissez pas ung que vous puissez, et que le seneschal de Guienne en preigne jusques à ce que sa compaignie soit plaine. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 287).

 

-

Fortraire qqn à qqn. "Éloigner qqn de qqn" : ...l'on disoit publiquement que le roy devoit envoier devers nostre Saint Pere une treshaulte et solempnele ambassadde, et que la il se devoit faire ses doleances du duc de Bourgoingne, produisant que son filz lui avoit fortrait et detenu long temps, et encore le tenoit et norrissoit au desplaisir de lui et en grant prejudice de son royamme (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 213).

 

-

Empl. pronom. Se fortraire de qqn/de qqc. "S'éloigner de qqn, de qqc., se soustraire à qqn ou qqc." : Mais je me doubt sans mentir Qu'ainsi que maint ont usage D'en plusieurs lieux departir Leurs cuers de penser volage, Qu'ainsi ja se soit fortrait De moy qui vous a pourtrait Ou mien qu'ay tout assené A vous et abandonné. (CHR. PIZ., Dit Pastoure R., 1403, 283). C'est contre Dieu procurer, Au saint Esprit murmurer, Et charité forjurer, Et de grace soy retraire, Et fortraire De gloire qui tousjours dure. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 21). Helas, vecy trop dure dance Se la mort me vouloit attraire, Car il n'y a escu ne lance Ne archier, tant bien sache traire, Que de la mort se sceust fortraire, Par ce mon cueur est tourmenté. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 125).

 

2.

Fortraire qqc. (à qqn). "Enlever, ravir, dérober qqc. (à qqn)" : Ja au donnant ne perira L'emolument du guerredon Qui que li fortraye le don (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 80). N'est mie si grant larrecin D'embler joyaus, or ou argent Ou deffondrer .I. tresor grant Con c'est de fortraire bon nom Par langue de detraction (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 154). Dames, regardez à ce fait, Si qu'aus amans ne soit fortrait Le don de merci honorable Pour genglerie ne pour plait De mesdit qui maint bon detrait, Ne n'aiés pour ce cuer muable N'envers ceulx qui par esprouver Deüement Trouverez que honestement Veullent amer Et qui riens ne veullent rouver Qu'honeur deffent. (MACH., App., 1377, 651). Douce dame, savoir ne puis n'oïr Ceaus qui vuelent fortraire mon honnour ; Mais se vos cuers me deingnoit resjoïr Et moy faire certeins de vostre amour, Ne me vueilliez estrangier Pour mesdisans de vostre dous dangier, Car riens fors vous ne me porroit deffendre... (MACH., L. dames, 1377, 169). Puis qu'autre rien ne me puet plaire Ne le gré de mon cuer actraire Fors voustre beauté seulement, Helas et pourquoy ne comment La me veult Fortune fortraire ? (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 382). Et pourtant disoit bien Saint Augustin : Tu homme qui aimes richesces, se amasser les veulz en lieu sauf et sans paour, fay ton tresor ou ciel, car là est le grenier sans peril où larrons ne repairent ne quelconques autre chose usurpant ne fortraiant ne qui dommagier puist. (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 44). Entandz le quint [commandement], ce tu n'ez rude, Quil dit ne doix larecin faire, Ne nulle riens a nul fortraire, De l'autre n'avoir nulle chose. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 97). ...ceste haulte et glorieuse exaltation de fame t'a esté fortraitte [au roi Charles VII] (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 305).

B. -

Au fig. Fortraire qqn. "Détourner qqn (de l'obéissance, de la fidélité...), suborner, dévoyer qqn" : ...elle li avoit dit, et à son mary aussi, plusieurs injures et vilenies, en disant que elle, Jehennete, qui estoit mariée, avoit fortroit un homme marié, qui la maintenoit (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 265). Ta grant puissance maintient la vigueur de l'esperit, et ne te peult force tollir, ne violence fortraire. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 90). ...plusieurs plaintes et clameurs nous ayent esté (...) faictes de plusieurs abuz (...) tant par aucuns qui s'efforcent ledit mestier faire et excercer, jà soit ce qu'ilz n'y soyent expers ne cognoissans deuement, aussi par les maistres dudit mestier en fortrayant les apprentiz et varletz les ungs des autres (Doc. Poitou G., t.11, 1473, 355). ...leur voyage devers nous estoit toute tromperye, en eulx en retournant [ilz] subornerent et fortrahirent le mareschal de Rieux (Lettres Ch. VIII, P., t.2, 1488, 26). Ledict seigneur de Lescun, le principal de leurs serviteurs, avoit maint ambassade allant et venant au roy et à eulx deux, au roy d'eulx, au conte de Charrolois, depuis duc de Bourgogne, et de luy à eulx, du roy audict duc de Bourgongne et de luy au roy, les ungs pour sçavoir nouvelles, les autres pour fortraire gens et pour toutes mauvaises marchandises, soubz umbre de bonne foy. (COMM., I, 1489-1491, 92).

 

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Fortraire qqn à/de qqn : Chascun jour se menoit de petiz marchéz pour fortraire gens l'un à l'autre et y eut plusieurs jours de trefves et assemblées d'une part et d'autre pour traicter de paix. (COMM., I, 1489-1491, 65). Il eust bien paié ses gens, et encores luy fust demouré de l'argent pour fortraire des gens de ses ennemys et puis les aller chercher. (COMM., III, 1495-1498, 142).

 

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Fortraire qqn de qqc. (d'un devoir, du droit chemin...) : Mais vous qui avez de perir Tant de grans pecheurs respité D'un en vueillez avoir pitié Qui ceens est tristes et mas Pour ses pechiez, dont grant amas Avoit ou cuer par l'ennemy, Qui de devenir vostre amy Le fortraioit a son pouoir. (Mir. parr., 1356, 59). ...la matere sambloit estre assez en train et en bonne disposition de venir a joieuse fin, car le duc bourguinon n'y alloit a nulle malice ne a practique ne cautelle (...), comme qui onques jusqu'a ce jour en tout son vivant n'avoit quis encore ne fait querir moyens cauteleux ne couvers, usé de fraude ne de malice, nullui deceu ne fortrait de bon chemin (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 72).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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