C.N.R.S.
 
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     ESTORDRE     
FEW XIII-2 torquere
ESTORDRE, verbe
[T-L : estordre ; GD : estordre ; AND : estordre ; DÉCT : estordre ; FEW XIII-2, 96a : torquere]

I. -

Empl. trans.

A. -

"Exprimer par torsion, faire sortir (un liquide) (de)" : Item contre l'enflure de pies por trop aleir ou en atre membre por cop ou por atre aventure, R. gros pain de frument et le meteis en eawe froide, puis stoirdeis bin l'eawe hors, et puis le trileis avuec jus de fenoilh et avuec sieu de monton, puis le meteis sus tot froit. (Méd. nam. H., c.1400-1500, 200). ...et puis ce que demourera estorse bien fort et appoint en ladicte estamine (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 189).

 

-

"Faire sortir par pression" : ...stordre a stordoir les signeurs de St Lambert ; li masuiers doit stordre devant tos autres afforains (Archives wall. H., 1352, 38).

 

-

Au fig. "Faire sortir, extraire (une chose abstr.)" : ...Allons al empereir prier qu'ilh soit extort La veriteit del fait, et le mettre à droit port (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 680).

B. -

Estordre un coup. "Asséner un coup avec un mouvement de torsion" : Il a estort son coup, mort l'abbat en l'erbier. (Galien D.B., c.1400-1500, 93). Il estort son cop[,] au resachier s'espee(,) si chey le chevalier mort par terre. (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 26).

 

-

Estordre son cou. "Faire des torsions du cou, le courber dans tous les sens" : Celle [cigogne] s'en ala et reuint quant les aultres retournerent et le moingne estoit en cloistre elle vint a lui et lui bacota et claqueta de son bec grandement. Et en barbetant elle esteurt son col et lui gette par son bec en son giron vne pierre richement digne et precieuse. (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 480).

 

-

Estordre ses bras. "Tordre ses bras" : ...je ne sçay quelle part me mectre Et si fault que je tiengne compte A sa mere et que luy raconte Tout le cas comme il est par ordre. Je ne sçay fors mes bras estordre, Je na sçay quant je luy diray, Duquel plus dolent je seray Ou de la mere ou de l'enfant. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 296).

C. -

P. anal.

 

1.

Estordre qqc.

 

a)

Estordre qqc. (un coup, un choc...). "Détourner" : Et s'apelle estortouere, pour ce que, quant on chevauche par mi fort bois, on la met devant son visaige, et elle estort le coup des branches, qu'elles ne le fierent sus le visaige, aussi, quant on est en requeste, on fiert de ce baston sus sa grosse bote pour eschaufer et resbaudir ses chienz. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 193).

 

-

"Détourner, voler qqc." : ...lequel [plat d'or] fut abscons et estors, ce disoit-on. Et le tenoit-on à perdu, et l'avoit ce Jehan Coustain subtilement celé et emblé soubs l'ombre de sa crédence (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 266).

 

-

"Enlever qqc." : Pourquoy ont ilz, c'est grant iniquité, Leurs cuers soubmis a ces biens vilz et ors, Subgiez a eulx, perdans leur dignité, Qui de chascun sont en pou d'heure estors ? (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 8).

 

-

"Arracher qqc." : Ainsy la mort que tout mort Ne scet celle fourfaiture, Celle injure, Je vous jure Et assure, Amender pour nul rapport (...) Et Nature S'en plaint et ses mains detort Pour son oeuvre qu'on extort (TAILLEV., Lai mort Cath. Fr. D., 1446, 249).

 

.

Au fig. "Arracher qqc." : Ly evesque l'entent, li cuer ly est extors : Tenrement at ploreit (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.4, a.1400, 675).

 

-

"Extorquer qqc." : ...a ce que en mauvese maniere il estorsissent et ostassent la peccune des hommes (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 107). Et certes ce qui est estort et a force baillé par contrainte de necessité, si amenuise la grace. (FOUL., Policrat. B., III, 1372, 232).

 

b)

Estordre qqc. de. "Chasser, éliminer, arracher qqc. de" : Et oultre vuelt [Jésus] par son oultrage Extordre le droit de no temple, Tout le pays de bourdes emple Et mect simples gens en erreur. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 142).

 

2.

Estordre qqn

 

a)

"Torturer qqn" : ...Port de salut, mon cuer a toy pourchace, Chace de moy desespoir qui m'estort (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 277).

 

-

"Secouer, bousculer qqn" : Et li roys le feri, qui tellement l'estort Que du cheval l'abat (Bât. Bouillon C., c.1350, 57).

 

-

"Égarer qqn" : ...tu [le roi Charles VII] t'es souffert estordre par oblique conseil, tu t'es souffert distraire la voye de ton salut, et par hommes donnéz a vanité temporele as differé a faire oeuvre pleine de gloire sempiterne (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 305).

 

b)

Estordre qqn de qqc. "Priver qqn. de qqc. (qui lui revient)" : ...et fut ordonné, par forme de provision, sans nulluy décliner, ne estordre de son droit, que ce mainsné auroit sept mille francs de rente pour vivre (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 68).

 

-

"Détourner qqn de qqc., arracher qqn à qqc." : A tels jeus ai ge bien esté Plus marris au departement Que ne fuisse au commenchement : Vis m'estoit qu'on me faisoit tort Quant on m'avoit du jeu estort. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 54).

II. -

Empl. intrans. ou pronom.

A. -

"Aller par un mouvement de torsion, aller de biais" : ...et ala le coup en estordant, car autrement eüst esté Aigres durement blesciez. (Bérinus, II, c.1350-1370, 142).

B. -

"Se tordre (de douleur), se tortiller" : Lors s'assist, et les dieux pria. Tant s'estordi et tant cria Qu'a grant paine peust femme querre, Que l'enfant cheÿ sur terre. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 104). Lequel (...) crioit de tout son povoir et à haulte voix : Elas ! comment auray-je ma fuer [l. suer], qui est en l'ostel de ce prestre ? faignant que elle feust sa suer, et en soy estordant de ces membres. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 226). ...il fut plus de trois mois qu'il ne pouoit menger ne dormir, et quant il estoit couchié, il se tournoit si souvent et s'estortoit et supiroit tourjours (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 108). Mais n'y a qui plus grant dueil meine Pour Paris que fait dame Heleine : Celle s'estort, celle s'escrie, Celle se fiert et brait et crie (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 139).

 

-

"S'emballer" : Et le cheval (...) commença a sentir les esperons de son maistre qui lui entroyent au cuir, et par celle douleur s'estort tellement qu'il fut de son maitre delivre, et le laissa pendre aux costez du Vert Chevallieret s'enfui par la champaigne. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 40).

C. -

(S') estordre (à/de)

 

1.

(S)'estordre. "Tenter d'échapper, échapper" : ...En fuyte sont tourneis, quant del estour sont hors, Cascun tendoit à metre à savement son corps, Mult en est abatus mains plus en est estors. (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.1, a.1400, 625). Quant Galeran se voit ainsy entrepris et que sa force et vertu ne luy pooyent aydier, tant se seuist estordre, force n'avoit de soy mouvoir. (Gérard de Nevers L., c.1451-1464, 45).

 

-

[De la bête, à la chasse] "Échapper" : On apelle reüses quant un cerf fuit et refuit sus soy et estorses aussi, pour ce qu'il estort et garentist sa vie en faisant ses subtiletez (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 63).

 

.

Empl. factitif "Faire s'échapper" : ...Prengne bien l'aloe a l'estuerse, Quant un autre l'aura estuerse, Soit hardi, tost appercevant Pour prendre corneille et faisant. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 451).

 

2.

(S') estordre à qqn. "Échapper à qqn" : Et puis, quant la place est oultée, Orrez que ceuls de la contrée Diront que se le plus eust trait Contre le moins par autre trait Qu'ilz ne firent, tuit fussent mors Et que nulz ne leur fust estors (DESCH., M.M., c.1385-1403, 360). Certes, mout tresbien vous tanrons Vous ne nous pouez pas estordre. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 236). Je n'ay pas paour qu'il [Jésus] nous estorde, Ne que de ci puisse eschaper. (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 185). LUCIFER. Aussi vueil je que tu ayes cure Sur les carmes et augustins, Sur cordeliers et jacopins, Et tous ceulx qu'enseignent la loy. Faiz les errer contre la foy, Tous remplis d'inobediance, Du couvant partir sans licence, Estre appostat et laissier l'ordre : Ainsi ne te pourront estordre. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 4).

 

-

Au fig. "Se dérober à qqn, manquer de respect à qqn" : NOSTRE DAME. C'est de la vostre courtoisie Que sy grant honneur me voulez, Vostre mercy. ST THOMAS. Vous le vallez, Sy ne vous devons pas extordre. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 999).

 

3.

S'estordre de. "Échapper à, se protéger de" : C'est qu'on face aucune cloison, Si que ces bestes aprochier Ne le puissent plus n'arrochier, Poindre, pincier, grever, ne mordre, Et que d'elles se puist estordre [var. destordre] ; Car il ne leur demande rien, Ne meffait, ce savez vous bien. (MACH., D. Lyon, 1342, 229). N'y ait femme quil ce deffende ; A mort, a mort ! Nul n'an eschappe ! Cheux sont enffans en male grace, Mors seront sans misericorde, N'y ara nul quil en estorde, Que le roy le veul et ordonne. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 94).

 

-

S'estordre de qqn. "Se libérer, se dégager de (l'étreinte de) qqn" : ...mais elle, qui entendoit a autre chose que au deduit de son mary acomplir, si tost comme elle vit qu'il fu eschauffé et esmeü sur elle, si se commença a estordre de lui et a faire sa volenté contre lui, et moult fist la courrouciee, et cil se penoit moult d'elle rapaisier, en disant et faisant chose qui plaire lui deüst, comme cil qui trop l'amoit durement. (Bérinus, I, c.1350-1370, 25). Et c'est ce que nous veult segnefier ce que Salmaris se vint joindre sy pres a Hermofroditus et sy de tous ses membres equalment qu'il ne povoit fuir ne soy de ly estordre ; et lors fu des deux faite une seule personne de double sexe et de double nature, et perdurablement en ce point demourerent par le vouloir des diex que Salmaris pria affectueusement (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 412).

 

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"Se détourner de qqn" : ...Puis que saoul est, Amour de lui s' estort ; Mais ami jun quiert Amour et amie (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 375).

 

-

S'estordre de qqc. "Se détourner, s'écarter de qqc." : Fais que pechiés ne me morde, Si qu'ennemis ne m'encorde De ses craus et de sa corde, Car en toy sont tuit mi tour Et mi retour. Fai tant que de li m'estorde ; Car il n'a maison ne borde Qui vils, sale, obscure et orde Ne soit, pleinne de puour Et de laidour... (MACH., Les lays, 1377, 413). ...sy me doubteroye-je qu'il ne se souffrist de léger estordre et desmarcher, par mauvais conseil, du chemin de son honneur. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 174).

 

.

Empl. abs. S'estordre. "S'égarer, s'oublier, oublier son devoir" : ...après estre devenu un glorieux viellart, vous vous estordez en eage non propre par légères petites passions. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 281).

III. -

Part. passé en empl. adj.

A. -

"Tordu" : ...et .IIII. pucelles, qui auoyent leurs membres estors (...) furent aussi sannees et guaries. (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 46).

 

-

Par maniere estorse. "De manière tordue, violente" : ...avint que, a l'un des filz D'elle, luy fu tollue a force Sa femme, par maniere extorse Par un prince, qui la vint prendre. (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 55).

B. -

Estort de. "Issu, extrait de" : Si vous supplie tous que me faites confort, Je suy de vostre sanc plus halt neis et estort (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 680).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin / Pierre Cromer

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