C.N.R.S.
 
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     ENTREPRENDRE     
FEW IX prehendere
ENTREPRENDRE, verbe
[T-L : entreprendre ; GD : entreprendre ; GDC : entreprendre ; AND : entreprendre ; DÉCT : entreprendre ; FEW IX, 349a : prehendere ; TLF : VII, 1245b : entreprendre]

I. -

(Synon. de emprendre1)

A. -

[Idée de commencer, d'engager qqc.]

 

1.

Entreprendre qqc.

 

-

"Se mettre à faire qqc., commencer qqc." : Mais cils qui sëoit au deseure Seur l'arbre entreprist le parler Et encommença a parler, Et me rendi si doucement Mon salu, que le hardement Qui estoit en moy tous perdus Me fu par son parler rendus. (MACH., D. verg., a.1340, 20). Soing, penser, desir de savoir Ait, si porra science avoir. Et l'entreprengne [var. et lautre prengne] en juene aage, Eins qu'en malice son corage Mue par trop grant congnoissance. (MACH., R. Fort., c.1341, 2). Guillaume, biau sire, Vous avez piessa oy dire Que c'est folie d'entreprendre Plus que pooirs ne puet estendre. Et toute voie, s'on emprent Aucun fait de quoy on mesprent, S'on s'en repent au moien point, Encor y vient il bien a point. (MACH., J. R. Nav., 1349, 267). Mais si grant fait n'oseroie entreprendre, Se je n'avoie avec moy prestement Vos trois enfans pour moy duire et aprendre, Com dit m'avez ici presentement. (MACH., Prol., c.1377, 3). Pour ce fault il que vostres sires nostres fils, avant que il entreprende si grant cose que de renvoiier son honmage au roi de France et li desfier, que il viengne par deça la mer, acompagniés de son consel (FROISS., Chron. D., p.1400, 250). ...attendu que ladicte Université de Paris a grosses besoignes entreprises pour le bien publique, et ne puet pas vacquer à tant de choses ensemble (BAYE, I, 1400-1410, 162). ...ou cas que de leur propre auctorité ilz vouldroient aucune chose faire, entreprendre ou attempter en leur prejudice (FAUQ., I, 1417-1420, 76). Et ceste chose avoient ilz entrepris, comme jonesse fait souventeffoiz entreprendre les gens oyseux. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 82). ...il n'est chose qu'on ne doye entreprandre pour eschever la mort. (C.N.N., c.1456-1467, 143). Quoy que soit, Reproche en aray des Juïfs [d'avoir décapité Jean-Baptiste]. Las, de ma vie ne fis pis Ne entrepris ! Maintenant suis je bien mauldit De me estre en l'espice mis. (Pass. Auv., 1477, 109). Mieulx vault soy taire sottement, Que trop (en) saigement en parler. Ha, par Dieu, j'en ay veu bransler Pour trop grans choses entreprendre. (S. fol, c.1480-1490, 7).

 

-

Prov. Chose hardiement entreprise est à moitié faite : Je ne lui sauray ja mal gré de cela, car puis qu'il se sent puissant de lui mesmes, et il est hardiz et emprent hardiement, ce n'est que bien, car chose hardiement entreprise et ensuye est a moitié faicte. Et atant en laissent le parler. (ARRAS, c.1392-1393, 283).

 

.

Sagement entreprendre fait bien executer. "La bonne conception d'une entreprise en garantit la bonne exécution" : Saigement entreprendre fait bien executer. Car le principal point de toute la guerre, c'est après Dieu la discretion du chief. Car, se le chief n'est discret et moderé, à paine fera-il chose qui vaille, ne lui, ne ceulx qui sont en sa conduitte. (BUEIL, I, 1461-1466, 130).

 

-

Entreprendre qqc. à qqn. "Engager (un procès) contre qqn" : ...il vous couvient amender Un autre fait qui me desplait, De ce que vous prenistes plait Contre dame de tel vaillance (...) Que je ne say haute personne, Tant com li siecles environne, Prince ne duc, conte ne roy, Qui osast faire tel desroy, Guillaume, comme vous feïstes Dou plait qu'a li entrepreïstes, Et meïstes force et vigueur En aler avant par rigueur. (MACH., J. R. Nav., 1349, 269).

 

-

Empl. abs. "Agir" : ...clemence les fait estables et fermes [les princes], et de la clemence et humanité du prince naist confidence, de confidence sceurté, de sceurté hardement d'entreprendre et constance de conduire, mais du contraire de clemence naist souppeçon, de souppeçon vengence, de vengence rancune, separation et murmure. (CHART., Q. inv., 1422, 63). Mais, s'en devoir vous decevez Par legierement entreprendre, Vous mesmes vous pouez reprendre Et avoir a raison recours, Plus tost qu'en foul espoir actendre Un tresdesesperé secours. (CHART., B. Dame, 1424, 353). ...car il estoit tardif et craintif à entreprendre, mais à ce qu'il entreprenoit il y pourvoyoit si bien que à grant peine eust-il sceü faillir à estre le plus fort et que la maistrise ne luy en fust demourée. (COMM., I, 1489-1491, 145).

 

-

Entreprendre + inf. : Le marché fut fait, et entreprint garir net cest oeil (C.N.N., c.1456-1467, 503).

 

-

Entreprendre à/de + inf. : ...il n'est chose en ce monde que mes corps peust souffrir que je n'entrepreysse a faire a vostre commandement et par quoi je vous peusse veoir (MACH., Voir, 1364, 594). Amiraus et grans druguement Estoit dou soudan. Et briefment Ces IJ. avoient entrepris A destruire le roy de pris Qui de Chipre a la signourie. (MACH., P. Alex., p.1369, 182). Et avoient entrepris entre euls deus d'aler veoir le convenant des Englois (FROISS., Chron. D., p.1400, 331). Mais avant qu'ilz entreprenissent de entrer en la cave, demanderent des adventures que le prebstre leur dist tout au long, et les asseura comme cellui qui tousdiz voulloit aler le premier jusques auxdictes portes, et non plus avant (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 83). GABRIEL. Sebastient, Dieu te salue. Entreprans d'avoir diligence, De concellier en pacïence, Ceulx la qui en aront besoing. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 105). Trop bien est il content, pour pitié et aumosne, luy faire quelque gracieuse aide d'argent, pource qu'il avoit entrepris de garir sa fille (C.N.N., c.1456-1467, 36). ...l'autre dist que tresdifficile seroit, neantmains il oseroit bien entreprendre a garir avecques l'ayde de Dieu (C.N.N., c.1456-1467, 503). Puisque mort tu as volu prendre Pour moy et les aultres pecheurs, Je veulx desormais entreprandre De frequenter tes bons prescheurs (LA VIGNE, S.M., 1496, 152). Aussi, moy estant à Laval, André Trolop et Jacques de Guité entreprindrent de faire armes à oultrance devant moy ; à quoy je leur baillé jour auquel ilz se trouverent tous deux. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 355).

 

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S'entreprendre de + inf. : La s'entreprint Tristan a la chere senee D'armer le riche conte par telle destinee Que tant bien lui advvint qu'au conte bien agree (Tristan Nant. S., c.1350, 656).

 

2.

En partic.

 

a)

Entreprendre une action militaire : Entreprenons la guerre, signeurs, c'est mes avis, (...) Et faisons forteresse par sens et par avis ! (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 211). Celle vierge toute sa vie Fu, car tant ot noble courage Qu'a homs, tant fust de hault parage, Ne se daigna coupler, ne prendre, Ne volt fors armes entreprendre. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 11). ...dont par telles angoisseuses penssees ne osa oncques entreprendre la battaille, ains se retrayt ; dont ses gens furent esbahis. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 44). Et quant a vous, Saintré, vostre cuer et vous ne cesserez jamais d'entreprendre armes et voiaiges ? (LA SALE, J.S., 1456, 237). Quiert le repos : N'entrepren guerre pour casser buys ne pos (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 90).

 

-

Entreprendre une croisade : Car il y avoit des parans, Des plus grans et des plus parans, Pour eaus requerir, par linage, D'entreprendre le saint passage, Les uns par dons et par prieres, L'autre par faire bonnes chieres, Tout pour aquerir l'aliance Des bonnes gens d'armes de France. (MACH., P. Alex., p.1369, 17). En ce temps, vint il en devotion au roi Phelippe d'aler en Avignon veoir le pape Benedich (...) et par son consel entreprendre le voiage d'outre mer et conquerre la Sainte Terre (FROISS., Chron. D., p.1400, 240).

 

-

Empl. abs. TOURN. "Décider de porter un défi, impliquant des combats successifs" : C'est a tous chose mal faite de entreprendre, et pis de executer, sans licence de son seigneur ou de cellui qui a son pouoir et sa charge. (LA SALE, J.S., 1456, 237).

 

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Part. prés. en empl. subst. "Seigneur qui organise un pas d'armes, un tournoi" : Sy voulut le duc en faveur de l'entreprenant qui estoit estrangier et homme de grant los, que le remanant du mistère se parfist devant lesdites dames, là où les joustes se feroient (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 463). Je crois et sçay assez qu'en l'hostel de monseigneur le roy y a assez gens qui désirent chacun endroit soy de débouter l'entreprenant et le mettre hors des lices (Faits Lalaing K., c.1470, 53).

 

-

Inf. subst. "Entreprise militaire" : ...De leur païs furent hors mis Et essilliés tous leurs amis, Par la guerre, par l'entreprendre De l'empereour Alixandre (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 120). Non obstant toutes ces choses [une attaque ennemie contre son bateau] Herculés ne fleschy point de son entreprendre. Il passa par les coups de ses ennemis. (LEFÈVRE (R.), Hist. Troyes A., c.1464, 385).

 

b)

Entreprendre un chemin, une voie (au propre ou au fig.) "S'engager, se lancer dans" : Cuides tu, s'Orpheüs sceüst Qu'Erudice avoir ne deüst, Qu'il se fust mis en aventure D'entreprendre voie si dure ? (MACH., C. ami, 1357, 93). Et ala Remond visiter les hermitaiges, mais il ne fu que jusques au Ve, car la roche estoit si haulte qu'il n'y entreprist pas le voyage. (ARRAS, c.1392-1393, 272). Trop est personne aventureuse, Qui tel chemin ose entreprendre, Nonpourtant voit on que l'emprendre A fait maint monter au plus hault Et que souvent a plusieurs vault, Non obstant soit il merveilleux Et par la monter perilleux, Et que celle voye moult glice. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 115). Lors voulra la voye entreprandre De venir jusque en ma maison (LA VIGNE, S.M., 1496, 409). ...d'autre part a tant d'angoisses qui te occupent le pas, que ce chemin est triste a entreprendre et grief a maintenir. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 14).

 

c)

Au fig. empl. pronom. "S'engager (dans tel état)" : ...Hennequin de Ruilly, à present mary d'elle qui parle, s'acointa et aproucha d'elle, et tant fist par ses belles parolles qu'il ot compaignie charnele a elle ; et, environ six sepmaines après, fiancerent li uns l'autre de leurs consentemens, et promistrent eulx entreprendre par mariage assez briefment ensuivant (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 326).

 

3.

Part. prés. en empl. adj. Entreprenant./entreprendant. "Audacieux, hardi" : C'estoient une gent, pour voir, Dous, humble, courtois, amiable, Entreprenant et veritable, Po emparlé, fier et hardi. (MACH., D. Lyon, 1342, 206). Si qu'il estoient si vassaus Es batailles et es assaus, Si hardi, si entreprenant, Si viguereus, si avenant Et si fier en trés tous fais d'armes Que les nouveles a leurs dames De leurs entreprises venoient, Dont assés plus chier les tenoient. (MACH., D. Lyon, 1342, 207). Et Robiers du Rosoy, qui fu entreprendans, Demora ou castiel : dont il fu bien dolans. (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 204). «...vous estes moult vaillans, Et en grandes batailles fiers et entrepredans...» (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 190). ...messires Guillaumes de Douglas, conme preus et entreprendans chevaliers qu'il fu, issi de lor hoost environ l'eure de mienuit (FROISS., Chron. D., p.1400, 148). ...li contes de Hainnau (...) estoit jones, hardis et entreprendans (FROISS., Chron. D., p.1400, 419). Ledit bastard estoit homme de faict, couraigeulx et entreprenant (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 3).

 

-

Part. prés. en empl. subst. "Homme hardi, audacieux" : Vous avez eu, par ci devant, Le vaillant conte Sallebry, Qui estoit grant entreprenant, Corageux, prudent et hardi (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 218).

 

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[Maxime] Toujours sont les hardis et les entreprenants Aimés et honorés : Car de hanter lez bons en vient on en avant Tout jours sont ly hardy et ly entreprenant Amés et honorés ou qu'ilz soyent entrant. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 219).

B. -

[Idée de fixer, de décider qqc.]

 

-

Entreprendre un repère temporel. "Fixer (une date, un moment)" : "Mon doux seigneur et amy, j'iray demain a l'hostel du conte et de la contesse et entreprendray avec eux le jour quils [l. qu'ils] viendront icy en l'hospital et vostre veu sera acomply au plaisir de dieu..." (Belle Maguel. B., c.1400-1450, 96).

 

-

Entreprendre que. "Décider que" : -- Si grandes furent que avant que Gayète fust perdue, et encores despuis, deux ans après le retour du roy et que le duc de Millan ne tint chose qu'il eust promise (qui ne faisoit point tout par tromperie ne malveillance, mais partie de crainte que si le roy estoit si grand qu'il ne le desfist après, et estimoit le roy de poy tenue et seüreté), fut entreprins que le duc d'Orleans yroit en Ast avecques ung nombre de gens bon et grant (COMM., III, 1495-1498, 272).

 

-

Entreprendre un moment pour + inf. "Fixer, définir (un moment) pour" : ... pour ce qu'il y avoit des biens du feu evesque en la maison episcopalle (...) entreprinsmes heure à l'emprés digner pour aller oudit hostel episcopal, tant pour en prandre possession que pour faire inventoire desdiz biens (Lettres Louis XI, V., Pièces justif., t.4, 1471, 363).

II. -

(Synon. de emprendre2)

A. -

[Idée de prendre, de saisir]

 

1.

Entreprendre qqn/qqc.

 

a)

[D'une pers.]

 

-

"Se saisir de qqn" : Einsi Fortune tous ceaus doe Qu'elle entreprent. (MACH., R. Fort., c.1341, 39).

 

-

"Attaquer qqn" : ...Par lui sont tous matz et confus Cilz et celles qu'il entreprent, Car la scïence qu'il aprent Est pour soustenir les mauvais. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 58). Or puis je dire Que de touz poins sui attrappé : Je cuidié proie avoir happé, Mais je me voy si entrepris Que puis dire en chaçant sui pris, Dont je me voy tout esperdu. (Mir. roy Thierry, c.1374, 300). Et là fu li Arceprestres bien bons chevaliers et vaillamment se combati, mès il fu si entrepris et si menés par force d'armes que durement fu navrés et bleciés et retenus à prisonnier. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 69).

 

-

Entreprendre un animal. "Harceler, attaquer (un animal)" : PREMIER VENEUR. Ces mastins [levriers] si ne font que braire. (...) A paines osent approuchier La beste qu'ilz voient à l'ueil (...). A ! Yvorine, mar y vas, Tu es trop foible a l'entreprendre. (Gris., 1395, 26).

 

-

Empl. pronom. réciproque. S'entreprendre

 

.

"Se saisir mutuellement" : Ces parolles finees, damp Abbés et le seigneur de Saintré s'entreprindrent et tournerent un ou deux tours, lors damp Abbés estant sa jambe et par dedens la lye a celle de Saintré, puis tout a coup se deslye et par dehors le trousse, tellement que les piés du seigneur de Saintré furent assez plus hault que la teste, et sur l'erbe vert l'abati (LA SALE, J.S., 1456, 281).

 

.

"Se battre" : Et incontinent que le dit Andrieu l'apparceu, il lui coru sus d'un baston qu'il tenoit, en soy efforçant de l'en batre et villener ; et lors le dit exposant et icellui Andrieu s'entreprindrent et en eulx entrebatant, icellui exposant, en soy defendant, fery du dit coustel le dit Andrieu, dont assez tost après mort s'en ensuy en sa personne. Pour le quel fait, le dit exposant se doubte qu'il n'ait esté appellé et banny (Doc. Poitou G., t.6, 1392, 81). Il quidoient estre combatu. Et tout ne fu riens, car chils haros estoit montés par varlès qui s'estoient entreprins ensamble. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 30).

 

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S'entreprendre par les mains. "Se tenir par la main les uns les autres (en signe de communion)" : Lors Adam et tout son convent Viennent a li [Saint Pierre] devotement Et de la viande prennent, Et apres graces en rendent Qui dites sont en grant deduit (...) Tous s'entreprennent par les mains (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 343). C'est bien dit, entreprenons nous Par les mains bien godinement. (Pac. Job M., c.1448-1478, 220).

 

.

S'entreprendre de paroles. "Se disputer" : Et avint que sus une remontière et sus les camps (...) doi escuier qui estoient à messire Jehan de Hollandes, le frère dou roi, s'entreprissent de parolles, et pour leur logis, à messire Nicle, et le poursieuoient de près pour li faire un grant desplaisir. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 260).

 

-

Entreprendre qqc. sur qqn. "S'approprier qqc. au détriment de qqn" : ...nous escripvons encores de rechef à nostre trés Saint Pere le Pape unes tierces lettres, touchant la restitution et restablissement de l'eglise de Grenoble à la personne de nostre amé et feal conseiller maistre Laurens Allemant, que maistre Josse de Sylenon, evesque de Sion, a depieça, à grant tort, entrepris sur luy (Lettres Ch. VIII, P., t.1, 1484, 31).

 

-

Empl. pronom. réfl. [D'un oiseau de proie] S'entreprendre. "S'en prendre à ses plumes" (Cf. note 150, p.308 de l'éd.) : ...et au bout des longes doit avoir un petit batonnet afin que se l'esprevier s'entreprenoit, que au bout du batonnet sans mectre la main l'en lui mecte les plumes a point (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 150).

 

b)

[D'une chose concr. ou abstr.]

 

-

"Surprendre, saisir qqn" : Orguil les a si assailliz Et aveuglez et entrepris Qu'il trabucheront au passaige. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 90). Et lion li escrie a sa voix clerement : "Or avant, faulz parjurs, li corpz Dieu vous crevant ! Bien pert que vous avez menti villainnement, Si en serez pandut et encroéz au vant !" Gaudiffer se teut tout quoy, car honte l'antreprant (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 440).

 

-

Entreprendre qqn de qqc.

 

.

[Avec une valeur négative] "Attaquer, saisir qqn (de qqc. de pénible)" : Si me convient sans cause estre peris Par .J. refu qui en riant m'amort, Se ma dame n'en fait briefment l'accort. Leur bataille est si crueuse et si dure Et de dolour m'a si fort entrepris Qu'en moy n'a mais joie n'envoiseüre, Esperence, scens, maniere n'avis. (MACH., L. dames, 1377, 226).

 

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[Avec une valeur positive] "Couvrir, envelopper de qqc." : MICHIEL. Filz du hault pourpris Ou tous biens sont pris, Ta naissance saincte Nous a entreprins De gloire et espris, Tant est haulte atainte. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 70).

 

-

Estre entrepris de qqc.

 

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"Être assailli par qqc. (de pénible)" : ...Appellé fut Serapion. Mais moult estoit de pou d'aage Quant il entra en hermitage, Dont ou temps qu'il estoit novice Il fu trop entrepris d'un vice [la gloutonnie] Qui tost maine a plusors pechiez Touz ceulx qui en sunt entechiez (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 35). Ains l'ay amé d'amour vraie et seüre, D'umble voloir, com fins loiaus sougis, N'onques vers li je ne pensai laidure, Tant fust mes cuers de doleur entrepris, Ne ne feray, pour mal ne pour tourment. (MACH., L. dames, 1377, 61). Trop est crueus li maus de jalousie Et trop greveus qui en est entrepris : On en perd scens, maniere, courtoisie, Pais, joie, amour, raison et tous delis Dont tous frans cuers puet estre resjoïs. (MACH., L. dames, 1377, 67). Dieu scet s'entrepris fu d'esmay, Car en pleurant tout regarday Destruit d'ennuyeuse gelee, Ce premier jour du mois de May, Quant de mon lit hors me levay, Environ vers la matinee. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 438).

 

.

[Avec une valeur positive]

 

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"Être occupé par (une passion)" : Et se tu estoies si pris De vëoir ta dame de pris Que ne peüsses endurer Ses dous yeus, ne contre eaus durer, Et qu'entrepris de fine amour Fusses, de honte et de paour, Si que coulour et contenance Perdisses, aies ramembrance De moy toudis, comment qu'il aille (MACH., R. Fort., c.1341, 104). La m'assis pour prendre repos Et pour mettre a point mon propos Qui estoit tous entremellez Et si entrepris de tous lez De pensées contrarieuses, Unes douces, autres grieteuses, Que par maintes fois ne savoie Aus queles tenir me devoie... (MACH., D. Aler., a.1349, 386). De morir sui pour vous en grant paour Pour le desir dont je sui entrepris, Douce dame, que je serf et aour. (MACH., L. dames, 1377, 149).

 

-

[Dans un contexte amoureux] "Saisir d'étonnement" : "...Li doulz maintiens, li parfais sens, la grant noblèce et la fine biauté que jou ay veu et trouvet en vous m'ont si souspris et entrepris qu'il covient que je soie vos amans..." (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 133).

 

-

Empl. pronom. réciproque

 

.

[De deux choses] "Se rejoindre, se compénétrer" : ...ce qui est compris entre les deux aguilles chait et les aultres parties de la peau se entrepregnent l'une contre l'autre (PREVOST, Cir. Guill. Salicet, 1492, I, 12).

 

.

[À propos d'une greffe ; du support et du greffon] "S'unir, se mêler" : ...l'en trenche la vingne et joinct l'en le getton dedans, aguisié, avecques la souche percee et troee, si que le getton met la moelle avecques la moelle de la souche ; l'autre maniere, que l'en taille la souche au travers et que les moelles s'entrepreignent. (Rustican H., 1373-1374, 81).

 

c)

En partic.

 

-

[D'un phénomème physiologique, naturel] Entreprendre qqn

 

-

[D'une maladie] "Frapper, attaquer, atteindre qqn/des organes" : Au bastart print congé, que point ne s'y detrie Et au bon roy Ganor a la barbe florie Et a ses deux enffans qui [à qui] grande maladie Avoient [Avoit] entreprins ceur et poumon et fye. (Tristan Nant. S., c.1350, 514). N'a pas esté plaidoié pour ce que une merveilleuse maladie a entreprins generaument toutes personnes, hors enfans au dessoubz de VIIJ ou de X ans (BAYE, II, 1411-1417, 173).

 

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Entrepris d'une maladie. "Attaqué (d'une maladie), malade" : Estoit il de mal entrepris Dedens le corps ? (Mir. femme, 1368, 199). Nostres Sires ne l'a mies volu consentir. Si m'a donné tant à faire à mon temps, et a darrains si entrepris si griefment de si grant maladie qu'il me couvient morir, si com vous véez (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 78). ...au jour d'ui moult po des seigneurs de ceans et des advocas et procureurs sont venus, entreprins de ladicte maladie. (BAYE, II, 1411-1417, 173).

 

-

[Du sommeil] "Prendre, saisir qqn" : ...que puis j'avoir ? De sommeil sui si entrepris Que ne puis plus. (Mir. chan., c.1361, 167).

 

-

[D'un élément naturel] : Au repasser celle eaue, il fut entreprins et ataint de leaue [l. l'eaue] qui estoit roidde, et fut noyez. (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 34).

 

2.

[Constr. indir., avec une idée d'hostilité]

 

a)

Entreprendre contre/sur qqn/qqc. "S'attaquer à qqn/qqc., entreprendre une acion hostile contre qqn/qqc." : Qui t'a adviser d'entreprandre Sur nous dieux, aussi sur nous prendre Chose dont te faille morir Par martire ? (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 123). Et ainsi, leur est neccessité d'avoir princes et seigneurs pour les entretenir en paix, tellement que l'un estat n'entrepreigne sur l'autre et que tous vivent en l'obeyssance de leur prince (GERMAIN, Discours outr. S., 1452, 318). Les roys et princeps terriens doivent bien regarder quant on veult entreprendre contre la jurisdiction ecclesiastique (JUV. URS., Verba, 1452, 359). Ainsi appert comme le Jouvencel, qui cuida entreprendre sur ses adversaires et les dommaigier, fut lui-meismes surprins par eulx (BUEIL, I, 1461-1466, 69). ...les Angloys ont arresté le navire de Monsr des Bordes, et pour ce se faut donner garde d'eux (...) sans entreprendre sur eux ny leur faire guerre. (Lettres Louis XI, V.M., t.10, 1475, 368). Oultre, me offrit ledit duc de Venise que, si le roy vouloit entreprendre contre ledit Turc, qu'il auroit assés places en ce que je dis et que toute l'Ytalie y contribueroit et que le roy des Romains feroit la guerre de son cousté aussi (COMM., III, 1495-1498, 248).

 

b)

Entreprendre sur qqc. "S'en prendre à qqc., empiéter sur qqc. (un droit, un pouvoir...)" : Chascuns a sa juridicion, Son degré, sa subjection, Et ce dont se doit entremettre Sanz sa faulx en autrui blef mettre, C'est a dire sanz entreprandre Sur l'estat de l'autre ne tendre A aler ou pas ne lui loist. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 299). Toutesfois comme nous ne vouldrions aucunement entreprendre sur les droits de Monseigneur (...), nous vous envoyons (...) un memoire touchant ceste matiere [les questions relatives aux monnaies du Dauphiné] afin qu'iceluy par vous veu puissions estre plus a plain informé. (Lettres Louis XI, C., t.1, 1440, 6). Et au regard des maistres des eaues et forestz, Dieu scet les griefz et extorcions qu'ilz font ou leurs lieuxtenans au peuple, non mie en gardant les eaues et forestz du roy, ainsi que ilz doivent faire, mais entreprenant sur les terres des seigneurs hauls justiciers, ou le roy en ce cas leur deffend par ses ordonnances royaulx. (JUV. URS., Nescio, 1445, 521). Mais en effect, voiant que sa maistresse se fioit fort en elle [et] luy monstroit grans signes d'amours, elle a voullu fort entreprendre sur elle et se mesler de toutes besongnes. (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 83). ...[certains particuliers prétendent] qu'on leur a dit que pour le moins ilz aront, leur vie durant, la joyssance du prouffit desdiz, seaulz et geolles, et que aprés leurs trespas ilz seront baillez à ferme ; laquelle chose, s'ainsi estoit, ce que ne povons croyre, seroit fort entreprandre sur nostre auctorité (Lettres Louis XI, V.M., t.10, 1483, 117). Force alphonsine estimez a rien estre, Car mieulx vauldroit qu'elle fust a renaistre Et ses soubdars dedens la mer estains, Que d'entreprendre sur voz povoirs haultains (LA VIGNE, V.N., p.1495, 155).

 

c)

Empl. pronom. à sens passif S'entreprendre contre qqn. "Se tramer contre qqn" : Item, le barbier de Rochefort et son frere le prestre, demourans à Clermont, quant il estoit au roi, lui rapportoient tout ce que par les gens du pays s'entreprenoit contre ledit Merigot. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 180).

 

3.

Part. passé en empl. adj. (Estre) entrepris (de qqc.). "Être absorbé (par qqc. de positif ou de négatif)"

 

a)

"Être absorbé, occupé (par qqc.)" : Et il estoit si entrepris Qu'il n'acontoit riens a son pris, Si ne volt vers moy revenir. Lors le laissay je couvenir Aussi comme amans qui s'amie Ne porroit traire de folie. (MACH., D. Aler., a.1349, 383). Mais de joie les vy seurpris Et d'amour nouvelle entrepris, Et un chascun avoit ja pris Et choisy un seul loyal per. (CHART., L. Dames, 1416, 199).

 

-

Entrepris de qqn. "Épris de passion pour qqn" : La poursuite d'amour est grans, Ce dist Platon et Lysias, Qui en ses escrips sur ce cas Termine et met les grans dommaiges Venens de ces amours sauvaiges : Tel amour par vray jugement Ne se maine, mais autrement Par fureur ; et ancor a pis Qui est de sa femme entrepris. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 175).

 

b)

"(Être) embarrassé, gêné, mal à l'aise" : Mais quant une dame de pris Voit l'amant qui est entrepris, Qui n'use pas de faus samblant, Eins a membres et cuer tramblant, De paour desteint et nerci, Quant il li vuet rouver merci... (MACH., R. Fort., c.1341, 63). Elas ! bien doi estre esbahiz. Je me voy nu et entrepris, Ce que n'avoie pas apris (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 256). Adversité m'a fort sourpris Tant que ne say que faire doye ; Pour moins on seroit entreprins, Remede il n'est que y voye. (GARIN, Compl., 1460, 62).

 

-

Entrepris de + subst. indiquant la cause : Si s'esmerveilla durement ceste damoiselle (...), et se trouva toute entreprise de l'onneur que ce prince lui faisoit (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 240).

 

c)

"Être abattu, affligé, malheureux" : Si que la estoient si plains De plours, de souspirs et de plains, Si enlaciez, si entrepris Et d'Amours telement espris Que de flair, de vëoir, d'oïr, D'odourer, de tast le joïr Perdoient (MACH., D. Lyon, 1342, 196). Quant cil qui avoit nom Gieffroy vit que Berinus lui fu eschappez et qu'il s'en fouy pour la paour de lui, si en ot grant pitié et dist a soy mesmes : "Par foy, moult sera grant dommage se cil bacheliers, que je voy si entreprins sanz raison, n'a confort et aide, et se il pert le sien par defaut de conseil..." (Bérinus, I, c.1350-1370, 57). "Dieu, comme je sui meschant et entrepris, quant je ne truis ou me conseillier" ! (Bérinus, I, c.1350-1370, 60). Mais prenons un vrai amoureus. Il sera si tresdolereus, Si vains, si mas, si entrepris Et des maus d'amer si espris Pour un pau de racointement Qu'on li fera duretement, Qu'il se gerra sur une couche Ou sur un lit ou on se couche, Et la ne se porra aidier, Ains ne fera que souhaidier Mercy ou mort. (MACH., Voir, 1364, 108). Si appellai mon secretaire Et li descouvri mon affaire, Comment fort estoie entrepris Et du mal amoureus espris. Il dist que je me confortasse Et que de riens ne me doubtasse, Qu'elle ne me morderoit pas ! (MACH., Voir, 1364, 200).

 

d)

"Fortement surpris, interdit" : Lors comme homme entrepris s'escrya et dist : "Ha ! Neronés, ou estes vous ne dont me vient l'anel que vous me aviez donné, que je perdis par ma folye ? Je ne sçay se c'est songe ou effect, mais vecy la plus estrange aventure qui me avint oncques, car je treuve en mon doy l'anel que j'avoye perdu..." (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 344). ...la roine, toute entreprise du cas, quant le perchut [Jean Boccace, qui vient de ressusciter], perdy parolle et honteuse de son importun parler, differoit toute confuse de plus dire mot (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 87).

 

e)

"Content, ravi" : ...Et comment j'entray u pourpris [la demeure d'Amour] Si joyeus et si entrepris, Que je m'en trouvay tout ravi. (Echecs amour. K., c.1370-1380, 95).

B. -

[Idée de se charger de qqc.] "Prendre qqc. sur soi" : Et c'est la cause, beaulx seigneurs, Qui nous meut, pour bien et honneur, D'avoir cestuy mistere emprins De vous demonstrer par doulceur La passion et la douleur Que pour nous tous a entreprins. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 33). Les assistentes tantost et sans autre deliberation dirent toutes a une voix que dame Ysengrine avoit tres bien dit, et de fait lui prierent qu'elle voulsist entreprendre ceste charge de lire la premiere pour ce lundy a l'eure assignee, et elles, sans aucune faulte, y seroient et si prieroient aucunes de leurs voisines, vielles et jones, pour mieulx auctorisier leur chappitre. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 81). Mon benoist Dieu qui en crois volus pendre Et pour nous tous griefve mort entreprandre Pour nous gecter hors de perdicion (...), Veille mon cas, comme il affiert, comprandre (LA VIGNE, S.M., 1496, 248).

 

-

"Prendre qqc. en mains, se charger de qqc." : A quoi se dëussent prend[r]e Garde ceux qui entreprendre Ont voulu le gouvernement Du roy par son assentement ; Mes non font, ains sont toux afflis, Et forains et ceux du païs. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 276). "...ce duc d'Irlande (...) entreprent le gouvernement de tout le royaulme d'Angleterre pardesseure les oncles du roy." (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 22). ...mondit segneur le Dauphin se disoit regent et vouloit de son auctorité entreprendre la regence de ce royaume (FAUQ., I, 1417-1420, 292). ...oncques n'avez eu tant de courage que d'entreprendre la defense de celle ou gist tout vostre bien et honneur. (C.N.N., c.1456-1467, 52). Qui ce congnoist se doit reprendre Sans entreprendre tel fardeau, Je tiens la chose par trop grande, Quant il y fault laisser la peau (S. fol, c.1480-1490, 7). Le tiers point, qu'il a esté bruit que Mons. de Bourgoigne avoit volu entreprendre le gouvernement du royaulme et plusieurs [choses] ou prejudice de mondit seigneur vostre frere, et qu'ilz le vouldroient bien advertir que ledit bruit n'estoit pas veritable, et en vouloient bien descharger mondit seigneur de Bourgogne envers luy. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 220).

 

-

Entreprendre qqn. "Prendre qqn en charge" : L'Eglise devez deffendre, La vefve aussi, l'orphenin entreprandre, Estre hardis et le peuple garder (DESCH., Oeuvres Q., t.6, c.1370-1407, 105).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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