C.N.R.S.
 
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     EMBATTRE     
FEW I 293a battuere
EMBATTRE, verbe
[T-L : embatre ; GD : embatre ; AND : enbatre1 ; DÉCT : embatre ; FEW I, 293a : battuere ; TLF : VII, 882b : embat(t)re]

I. -

[Idée de mouvement vers ou de mouvement imprimé à ; le préfixe en - marque une idée d'intériorité (au propre ou au fig.)]

A. -

Empl. intrans. ou pronom. [Mouvement vers] S'embattre (qq. part)

 

1.

(S')embattre à/en/par un lieu

 

a)

"Venir, arriver qq. part (parfois par hasard)" : Si m'abeli tant le demour Ou vergier par la grant planté Des arbres qu'on y ot planté Qui estoient vert et flouri, Qu'en un praielet m'embati. (MACH., D. verg., a.1340, 15). S'alay tant amont et aval Que je m'embati en un val Ou je vi une fontenelle Qui estoit moult clere et moult bele, D'arbres et d'erbe environnée (MACH., R. Fort., c.1341, 30). Mais partout ou elle [Fortune] s'embat, De ses gieus telement s'esbat Qu'en veinquant dit : "Eschac et mat !" De fiere vois. (MACH., R. Fort., c.1341, 43). Aussi s'une dame jolie, Gaie, rians, jouans et lie, S'embat en lieu ou il ait feste De gens qui mainnent vie honneste, Elle y puet bien tant dire et faire De son faitis courtois affaire, Qu'elle est tout par grace montée En l'air de bonne renommée. (MACH., D. Aler., a.1349, 335). Et s'il avient que tu t'embates En tel lieu ou tu te combates Et que Dieus te donne victoire, Biaus amis, ne t'en donne gloire, Mais loe Dieu, car de li vient, Nom pas de toy. (MACH., C. ami, 1357, 112). Li rois de Cipre (...) offri au Saint Père et au roi de France corps, chevance et parole pour dire et remoustrer, là partout où il venroit et s'embateroit, le grasce et le devotion de leur voiage, pour faire y encliner et descendre tous signeurs qui de ce aroient mention. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 84). Maistre, puis que cest jeune damoiseau est frere du mary de ma niepce, je seroye mal courtoiz, puisqu'il est embatuz en nostre terre, se nous ne lui faisions recongnoissance si honnourable comme il lui appertient. (ARRAS, c.1392-1393, 125). "Qui es tu, qui ainsi te es embatus en nos marches ?" (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 13).

 

-

[D'un animal] : Mais des le tamps que les deux lyons s'embatirent au paÿs et qu'ilz eurent destruit le royaume (...), le filz [du roi], qui pour lors estoit jenne, s'en parti (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 79).

 

b)

"Se jeter, se précipiter qq. part" : Diulius, consulle de Romme, s'estoit follement embattu en sa nave, qui dedens le port de Siraguise fut entree ; car la chayenne du pont lui fut incontinent tiree après lui. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 50).

 

-

S'embattre avant. "Aller en avant" : Je ne savoie ou demourer Pour plus de joie savourer, Car com plus m'embatoie avant, Et plus me plaisoit [un lieu agréable] que devant (Échecs amour. Koert., c.1370-1380, 99). Et ne daigna onques reculer, et se embati si avant qu'il fu durement bleciés et navrés en pluiseurs lieus ou corps et ou cief. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 129).

 

c)

"S'engager, pénétrer, s'introduire qq. part" : Ou nous pourrons nous mès embatre Pour un lievre ou pour deux avoir ? (Mir. femme roy Port., c.1342, 151). Je lo que nous aillons embatre, Mon seigneur, en ce grant manoir (Mir. emp. Julien, 1351, 180). Et, s'ilh avient que, par ches enquestes, par mesparleir, par fouradjour ou par aultre default, alcuns soit jugies atens et forjugies, chis forjugement est de teile viertut que ly forjugies est, quant alle spiritualiteit, escomengnies, anathematizies, jugies sa femme veve et ses enfans orpheniens ; et, queil part qu'il s'embate, de donc en avant, en la dyocheis de Liege, ons y doit cesseir delle offiche divine par trois jours continueis (HEMRICOURT, Patron Temp. B., c.1360-1399, 72-73). Li gentis rois pleins de noblesse, Il n'a pas le cuer esperdu, Trouva que il n'avoit perdu C'un chevalier tant seulement, Et IX. ou X., qui folement En la ville embatu s'estoient Et les hostels pas ne savoient. Mais il ne pot onques savoir, Par homme qui là fust, le voir Qu'il puelent estre devenu, Ne s'il sont mort ou retenu. (MACH., P. Alex., p.1369, 210). Trimilien (...) vous avez fait grant folie de vous estres enbatus en ce pays yci, car on ne y vous aime que ung petit (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 57). Seigneurs, aler nous fault embatre Par ces rues et ça et la Pour savoir s'aucun ame y a Qui bien nous face. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 253). Baucibus, avec nous venir Te faut, et avec nous combatre. Tu te (ses biens es) [sés bien es] lieux embatre Et faire faire a grant planté Se que tu as en voulenté. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 243).

 

-

"S'introduire et s'installer qq. part (ici dans le coeur d'une femme)" : Et la besongne va de plat A celui qui ne scet eslire Son bien en temps, car tost s'embat Un autre en ce qu'il plus desire, Dont puis le faut vivre a martire (Cent ball. R., c.1388-1396, 110).

 

-

[D'une chose abstr.] : Verité vi qui s'estoit embatue En un pais ou Envie regnoit (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 83). Folle largesse pour croire faux semblant M'a dessaisi du miex de ma chevance Par doulz regart qui va maint cuer emblant Où fausseté s'embat par decevance Avec biauté qui est de s'aliance Dont povreté m'a fait donner congé. (MACH., App., 1377, 644). Et certes, ceulx qui, ez cours dez seigneurs seculiers, demeurent, ou, a paller plus proprement, meurent, vivent en esperance qui en leur cuer s'enbat, car ilz espoirent avoir aucun don royal, ou aucune bone fortune (Songe verg. S., t.1, 1378, 234). Nous prierons pour l'Eglise : que Dieu par sa grace y veille envoyer pais et misericorde, car je me doubte que cruauté ne s'y embate pour nos pechiez si durement, que pour I scisme nous n'en ayons II ou III, plus crueles que le present (GERS., Purif., 1396-1397, 68). ...qu'il n'est si riche maison, si noble ou ferme cité, et puissant royaume, si estable empire que ceste beste infernale qui est composee de deux vices qui semblent contraires, c'est assavoir de prodigalité et de rapacité, ne perde et abate, ne degaste, ne subvertisse du tout en tout se elle s'i embat et y demeure. (GERS., Noël, p.1404, 309).

 

2.

[Le compl. désigne une personne, un groupe de personnes]

 

a)

S'embattre au milieu de/autour de/en/entre/en la compagnie de un groupe de personnes

 

-

"Rencontrer par hasard, tomber sur (un groupe de personnes)" : Or avint que je m'embati Un jour en une compaingnie, Pour les oiseaus acompaingnie. (MACH., D. Aler., a.1349, 293). Mais ainsi qu'ilz se devisoient, un ancien homme s'embaty au milieu d'eulx et commença a dire... (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 943).

 

-

S'embatre entre un groupe de pers. "Se mêler, se joindre à" : ...Et elle se tourne autre part Vers gens de debonnaireté, Dont elle par jolieté Entr'eaus joieusement s'embat Et la se deduit et esbat Amiablement et envoise... (MACH., D. Aler., a.1349, 280). Or nous taisons ci de l'oisel, Se parlons d'aucun damoisel Qui sera gens et debonnaires Et courtois en tous ses affaires. Entre dames s'embatera Et si bel s'i esbatera Qu'il plaira a toutes parties... (MACH., D. Aler., a.1349, 302). Autres oiseaus y a qui tendent A proie querir, et entendent, Qui honnestement se cointoient Et qui de riens ne se hontoient, Mais entre les dames s'embatent Baudement, jouent et esbatent, Et la font moult le savoureus, En moustrant gais ris amoureus, Biaus samblans et humbles prieres... (MACH., D. Aler., a.1349, 363). Tandis qu'ilz se devisoient de ceste aventure, ilz veirent yssir de la Forest Darnant le preu Ourseau et avec lui un chevalier, qui s'en vindrent embatre en leur compaignie. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 943).

 

-

S'embattre autour de personnes "Venir auprès de, fréquenter" : ...ne les puissances supérieures ne font conte, ne estime mesme par la misérableté de eux, à peines ne se daignent embattre entour de leurs personnes, quant à un chétif il n'y a que prendre, ne que tollir (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 379).

 

-

Empl. abs. : ...acquerés de tous et de toutes loenge et bon renom, et especiaument de chiaus et de celles qui entours vostre dame repairent, et soiiés larges et courtois selonc vostre estavoir et alefois un petit hardis d'embatre et de parler. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 61).

 

b)

S'embattre en/sur/devers/vers qqn

 

-

"Se diriger vers qqn" : Après ces paroles moustrées, Bien dites et bien ordenées, Eus tantost le cuer esjoy, Car tant escoutay que j'oy Chevaus venir et gens debatre ; Dont en l'eure se vint embatre Devers nous cils bons rois de pris Que nous aviens a juge pris. (MACH., J. R. Nav., 1349, 186). Et ainçois qu'ilz s'en fussent donnez garde, Aigres s'embati sur eulx, si les salua et puis leur requist en charité et en amour qu'il lui voulsissent faire courtoisie d'un seul disner. (Bérinus, I, c.1350-1370, 265). Si com j'estoie en ce parti, Un varlet sur moy s'embati Qui dist : "Sire, ce vous tramest Savés vous qui ? vostre dame est, Qui vous salue mille fois..." (MACH., Voir, 1364, 136). Mais ung vaillant chevalier s'embati sus nous qui par son sens nous monstra voye de raison (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 98). ...quant le chevalier senti qu'il y avoit gens autour de lui, il dist tout hault : "Qui esse la qui s'embat sus moy ?" (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 29).

 

-

"Rencontrer qqn à l'improviste" : En ce point que Gadiffer chevauschoit pensant a sa mesaventure, il s'embati en ung voiturier qui menoit ung cheval tout chargé d'armures (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 6).

 

-

[Avec une intention belliqueuse]

 

.

"Fondre, se précipiter sur qqn, assaillir qqn" : ...si s'embatirent sur ceulx qui gardoient les fourrageurs de l'evesque du Liege (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1352-1356, 200). En grant peril me sui bien mis Quant je m'ay en telx ennemis Osé embatre. (Mir. ste Bauth., c.1376, 133). Sur lui se sont tuit embatus, Mais il s'est si fort combatus Qu'a force tous fouyr les fait (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 126). Maymon le preus et le vaillant, Qui oncques ne fu deffaillant, Comme enragiez s'est embatus Sur Achillés, et tant batus S'entre sont, a vous faire brief, Que, comme mort, fu en son trief Porté des siens, et, d'autre part, Maymons en ot bien sa part. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 128). Si s'en retourt a son demeine, Sanz soy si follement embatre Sur lui (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 42). ...avint une fois que ses ostz s'embatirent sus les crestiens, et, comme, entre les autres despoilles et proiez par eulz ravies, prensissent un vaissel d'argent d'eglise, que ilz appellent orcheul, saint Remi, qui lors estoit archevesque de Reins, manda au roy qu'il lui feist rendre son vaissel (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 68). ...ung chevalier murdrier s'etoit embatu sus eulx comme ils dormoient et leur avoit coulé la lance par dessoubz le haubert au long de leur corps (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 139).

 

.

Embattre qqn/s'embattre à qqn. "Attaquer qqn" : Evous les Englois qui chevauçoient et ne se donnerent de garde, si furent enbatu en une enbusque. (FROISS., Chron. D., p.1400, 370). Souvent les Grieux Troyens embatent (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 100). Porrus a Daire ot envoyé Ayde, si se sont avoyé De combatre, mais ains la mere Daire, qui hot douleur amere, Luy mande "qu'en vain s'embatoit A Alixandre et combatoit Pour neant..." (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 47).

 

-

[D'une chose] "S'abattre sur qqn" : Je suis la Mort pour tout abatre Quil en ly ne me puis enbatre Pour sa vertu et pour sa force. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 150). ...au mois d'octobre subséquent, la mort s'est venue embattre sur le roy Charles VI (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 345). Raison ne veult que je desacoustume - Et en ce vueil avec elle m'assemble - De vous servir, mais que m'y acoustume, Et c'est la fin pourquoy sommes ensemble [Robert d'Estouteville et Ambroise de Loré]. Et qui plus est, quant dueil sur moy s'embat Par Fortune qui souvent si se fume, Vostre doulx oeil sa malice rabat Ne plus ne moins que le vent fait la fume. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 112).

 

-

[D'un animal] "Se jeter, fondre sur (un autre animal)" : Et il vola si hautement Qu'on ne sot quel part il tourna. Mais assez briefment retourna, De quoy il fist a son retour Un fort et mervilleus estour. Car a son retour s'embati Vers une aigle, se l'abati. (MACH., D. Aler., a.1349, 356).

 

c)

S'embattre avec qqn. "S'engager avec qqn, se mettre du côté de qqn" : Fortune en bien avecques toy s'embat Et t'a rendu Guyenne et Normandie. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 158). Viellesse qui es cuers s'embat En homme toute joye abat Et change maniere et propos (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 141).

 

-

[Du coeur] Estre embattu avec le coeur de qqn : "Belle", ce dist li lèrez, "mon cueur avez repus, Il est avoec le vostre vraiëment embatus..." (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 47).

 

-

S'embattre à qqn. "S'engager, se marier avec qqn" : Quel dolente aventure Avient a femme et qui moult dure, Quant Fortune la fait embatre A mal mari, qui la veult batre, Et non pas veult tant seulement, Mais le fait souvent, tellement Qu'il y pert en dolente guise, Ou pour pou de cause, et s'avise Comment il pourra chagriner Sa femme, par ymaginer Riotes, ou n'a fons, ne rive (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 92).

 

3.

S'embatre à/en qqc.

 

a)

"Rencontrer qqc., être mêlé à qqc. (d'une manière plus ou moins fortuite)" : La trouveront il Esperance De cui il seront pourveü, Quant a ce point seront veü. Et puet estre qu'il avenra Que cils amans s'embatera En moult d'aventures diverses, Unes douces, autres perverses, Ou il trouvera des durtez Et meintes fois des meürtez... (MACH., D. Aler., a.1349, 398).

 

b)

"Se mettre dans qqc." : Bien say que tu as corps assez, Mais sens et boine volentez Fait moult a telle oeuvre assentir, Sy que mieux te loe a souffrir Que toy embatre en tel peril. (Dit prunier B., c.1330-1350, 71).

 

-

(S')embattre en mariage : Et si, pour avoir embatus En mariage estroictement, Pour laissier le gouvernement, Avec la dispensacion De l'ostel et de la maison A ta femme, cuides tu mie Que plus fermement ta mesgnie, Uns bons sers, uns loyaulx varlès, T'obeisse, et auquel tu lès Ton vouloir et ton ordonnance Tant sur le fait de ta despence Comme aultrement et sur son blame, Que celle qui se tient pour dame, Et qui fera sa voulunté, Non ce que tu as commendé ? (DESCH., M.M., c.1385-1403, 66).

 

-

S'embattre en la puissance de qqn. "Se mettre sous l'autorité de qqn" : ...se aucuns qui mesferoit ou auroit mesfait sur nous ou l'un de nous, en nozdis pais ou aucuns de noz subgés et soubsmanans, ou sur nos gardes, pendent le temps de nosdictes aliances, et il s'embatoit en la puissance d'aucun de nous, si tost qu'il venra à nostre cognoissance ou de noz officiers, le devrons faire prenre et arrester (Trés. Reth. S.L., t.2, 1391, 375).

 

c)

"S'empêtrer dans qqc." : Si avoie pensee mainte Qu'amans n'est onques assevis N'assasiés a son devis, Et s'avient po souvent, sans faille, Que aucune chose ne li faille. S'avoit en mon cuer grant rumour Que feroie de ceste amour Ou ainsi me sui embatus. (MACH., Voir, 1364, 266).

 

-

Part. passé "Plongé dans" : ...on me fist latin aprendre Et, se je varioie au rendre Mes liçons, j'estoie batus ; Siques, quant je fui embatus En congnissance et en cremeur, Si se cangierent moult mi meur. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 56). Mais telle voulenté nous mist en nous le Dieu pourveu pource que il eslevast et esveillast les ames dormantes et embaties en leur sotise et en leur paresse (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 598).

 

d)

"S'employer, s'adonner à qqc." : Et qui à ce vouldra s'embatre Faire le doit troiz foiz ou quatre, Ou plus ou mains, en la sepmaine, Pour se garder de mal et paine (LA HAYE, P. peste, 1426, 146).

 

e)

"S'immiscer dans qqc." : La est nostre jugleur joieux et plaisant chanteur et convenable qui a nos truffes s'embat et presente et respont... (FOUL., Policrat. B., III, 1372, 212).

 

f)

"Se risquer à qqc." : "En cel estat nous venrons tout quoiement sus eulx et les asaurons ; nous sommes gens assés pour eux enclore. Quant nous les arons desconfis, sachiés que nuls ne s'i osera jamais depuis enbatre." (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 20). Li rois englès, saciés, avoit si grant desir de se besongne avancier, qu'il li convenoit poursiewir et attendre tous les dangiers et les volentés le duch, son cousin, puisqu'il s'i estoit embatus. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 149). CATHON. Par Hercules, je n'oseroie [dire à Zenet ce que j'ai appris] : S'il est de courroux abatu, Je seray plaiés et batu : Se n'ay voloir de m'y embatre. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 59).

 

4.

Au fig. S'embattre à/de + inf.

 

-

"Mettre tous ses efforts à, s'appliquer à" : Seigneurs, employons cy noz ars, Vous sçavez bien qu'il est sabbat, Et vela Jhesus qui s'embat De tirer erramment au temple (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 386). Nous nous laissons icy abatre Sans parler ne porter effect ; Desormais je me veulx embatre A faire parler de mon fait. (LA VIGNE, S.M., 1496, 181).

 

-

"Essayer, tenter de" : Comme Codrus, le roy des Atheniens, qui ot en responce des dieux que, s'il mouroit en la bataille qu'il menoit, que victoire seroit pour lui, et combien que ceste responce feust venue a la cognoissance de ses ennemis et que defence feust faicte que nul ne se embatist a ferir Codrus, toutesvoies il changa son abit royal en abit de saquement, afin que nul ne l'espargnast, et par sa mort acquist victoire a son peuple et a sa cité sceurté de ses ennemis. (CHART., Q. inv., 1422, 53).

 

-

"Se mêler de" : FLATERIE. J'avoye peu de l'amander Ou d'estre pris de la justice. ENVIE. Hé ! que tu es couhart et nice ! Amander ? Pourquoy ? Pour le batre ? Et qui se fust osé embatre De prandre ung des serviteurs Qui sert en l'ostel de Pluseurs ? Oy, dea, oy ! c'est bien dit, Gauthier. Sy hardy, barbe de former, De t'en dire pis de ton non ! (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 174).

B. -

Empl. trans. [Idée de mouvement imprimé à] Embattre qqn/qqc. (qq. part)

 

1.

Embattre qqc.

 

a)

"Enfoncer, faire pénétrer qqc." : Penitence de son maillet Qui y a les clous embatus... (GUILL. DIGULL., Livre pèler. vie hum. E.M., 1355, 602).

 

-

"Enfoncer, faire pénétrer (une arme)" : Tout oultre li ambait sa lance aceree ; Au ressaichier sa lance l'abait geulle baiee. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 277). Cils maleois bouciers li vient sur costé et li desclike un cop entre le col et les espaules si très dur qu'il le reverse tout en dens sur le col de son cheval ; et puis recuevre et le fiert ou visbus, et li embat sa hace tout là dedens. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 247). ...je ne l'ay pris (...) Combien qu'en sa cuisse embatu Ly aie le fer de ma lance (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 64). Et Gieffroy empoingne l'espee a deux mains et le fiert sur la coiffe d'acier si grant coup qu'elle ne le pot garantir, mais lui embat l'espee jusques a la cervelle et le rue mort. (ARRAS, c.1392-1393, 200).

 

-

[D'une arme] S'embattre. "S'enfoncer" : Ou vollequin deden c'est li fer enbaitut De si jusques en char (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 710).

 

b)

"Mettre qqc. qq. part"

 

-

Empl. pronom. réfl. "Se mettre qqc. (dans la bouche)" : Rentes, meubles ne revenue, Ainsis que celle gent menue Qui vont devant autrui ouvrer, Et leurs femmes vont labourer, A telz chetis deust l'en deffendre, Non pas a toi, de femme prandre, Qui ont des enfans ..III.. ou quatre Et n'ont pas de quoi eulx embatre Un seul oeuf ou un mors de pain En leurs bouches ou en leur main (DESCH., M.M., c.1385-1403, 288).

 

c)

Embattre qqc. à qqc. "Appliquer qqc. sur qqc." : ...quant le chief [de la statue, qui représente un chef de communauté] d'or fin Est et a bon conseil enclin, Et on li embat ou emprient Impression qui mesavient, N'est mie loial conseilleur Qui ce fait ne bon ymageur. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 245).

 

d)

Au fig.

 

-

"Mettre, installer qqc., imposer qqc."

 

.

Embattre qqc. en qqn : Roys qui as le cuer anobly De puissance et haut et bas, Et qui par trestous lieux embas Ton pouoir et ton bon talent, Or ne nous tenir pas a lent (Jour Jug. R., c.1380-1400, 236).

 

.

"Faire pénétrer qqc." : Mais aies d'eulx, sire, merci, Et ta grace en eulz si embates, Que leur orgueil du tout abates (Mir. ste Bauth., c.1376, 119).

 

.

"Susciter, inculquer qqc. en qqn" : ...il doivent avoir force, a ce que il soient fors et fermes contre les adversités et les dyables a nostre deffense et a nostre garde, lesquelx sont communement anemis, descordes, et ancienne confusion que il embatent en la nature humainne (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 60). D'autre partie, l'estude de tous livres engenre et embat, ou acroist es cuers de ceuls qui y entendent, affeccion et amour au bien publique, qui est la meilleur qui puisse estre en prince et en ses conseilliers, aprés l'amour de Dieu. (ORESME, E.A., c.1370, 99).

 

2.

Embattre qqn

 

a)

"Faire entrer, jeter, pousser qqn dans qqc. (de concret ou d'abstr.)" : Je t'aim de toute ma vertu. Or me hez et m'as abatu De haut en bas Et de tes verges si batu En ta chartre ou m'as embatu Que je me rens dessous l'escu Veincus et mas. (MACH., R. Fort., c.1341, 45). Et te vosissent faire guerre En ton païs et en ta terre, Qu'einsi te peüssent abatre Si tost, par scens ne par combatre, Com Fortune t'a abatu Qui en sa roiz t'a embatu, Et la te bat de ses flaiaus Qui sont mauvais et desloiaus. (MACH., C. ami, 1357, 67). En haut penser, plein d'amoureus desir, M'a bonne Amour embatu sans retraire ; Si l'en merci, quant daingnié souvenir Li ha de moy (MACH., L. dames, 1377, 17). Las ! Mon amy, se tu ne m'eusses faussee, je estoye gettee et exemptee de paine et de tourment, et eusse vescu le cours naturel comme femme naturelle, et feusse morte naturelement, et eu tous mes sacremens, et eusse esté ensevelie et enterree en l'eglise de Nostre Dame de Lusegnen, et eust on fait mon unniversaire bien et deuement. Or me r'as tu embatue en la penance obscure ou j'avoye long temps esté par ma mesaventure. Et ainsi la me fauldra porter et souffrir jusques au jour du jugement et par ta faulseté. (ARRAS, c.1392-1393, 256). Povreté la tres ancienne De celle porte est gardienne, Mais tant est laide la maniere De ce lieu et de la portiere Que jamais vers la nul n'iroit, Ne sa porte ne passeroit, Se Meseür, par fine force, Les gens n'i embatoit a force, Par le commandement ma dame, Qui n'espargne en ce cas nul ame (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 98).

 

-

Estre embattu en qqc. : Tu perderas [ton argent] pour tes enfans, Et seras mis a pouvreté. Et ainsi la felicité D'avoir enfans te destruira ; Ou puet estre qu'il advendra Qu'en batant tant seront batus Que tu en seras embatus En grant doleur pour eulx garir (DESCH., M.M., c.1385-1403, 70).

 

b)

[Langage religieux]

 

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Embattre qqn en tentation. "Plonger, précipiter qqn" : Nostre pere (...) Qui as es ciex dominion (...) Et ne sueffre pas que soion Embatus en temptation, Mez nouz vueilles touz delivrer De mal si com pues et garder ! (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 177). Pardonne nous tous nos meffais Comme faysons ceulx a nous fais, Et ne seuffre pas que soyons Embatus en temptations (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 88). [Paroles du Notre Père]

 

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S'embattre en la tentation : Aprés on doit dire se on s'est combatus contre la temptacion quant elle vint, ou se l'on a pourchacié le pechié, ou se l'on s'est embatus en la temptacion tout a escient. (FRÈRE ROBERT, Chastel perill. B., c.1368, 276).

 

-

Embattre qqn en peché : ...Par son barat et par sa guile, S'il puet [Satan], nous embat en pechié. (Best. lap. Rosarius S., c.1330, 24).

 

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S'embattre en peché : Mais, quant il la sentit nue emprez lui, il seschauffa [l. s'eschauffa] moult fort et sembatist [l. s'embatist] tantost en pechie [l. pechié]. (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 77).

 

3.

"Pousser (à faire qqc.)" : Sire, ce qui est fait est fait ; Jamais ne m'y embaterez (Mir. pape, 1346, 388).

II. -

[Correspond à divers sens de battre ; le préfixe en - est perfectif ou intensif ; synon. de ébattre I]

A. -

Embattre qqc.

 

1.

Embattre une roue. "Poser une bande métallique par fixation à chaud autour d'une roue, embattre" : ...à Carcassonne, mareschal, demorant audit Troyes, pour avoir ambatu les deux roues du char de ladicte bombarde, reffait plusieurs bandes, chevilles et autres choses y neccesseres, 37 solz 6 deniers tournois ; à Michault Cordier, demorant audit Troyes, pour plusieurs cordes tant liens, trais, commendes et autres menues cordes, 12 solz 5 deniers tournois ; à Jehan Guibert et Jehan Lode, rouhiers, pour avoir fait les derrieres rouhes à neuf (Comptes Etat bourg. M.F., t.2, 1419, 606).

 

Rem. Doc. 1369-1370 (Orléans, pro duabus paris rotarum embatre et aliis... ["pour embattre deux paires de roues et pour d'autres choses..."]) ds GD III, 28a.

 

-

Embattre un marteau. "Fixer le manche à chaud"

 

Rem. Doc. 1406 (Nevers, pour avoir embatu le maillet fait pour batre les aguylles dudit pont de Loyre) dans GD III, 28a.

 

2.

"Battre des céréales"

 

Rem. Doc. 1378 (comme lesdiz Colin et Simonnet eussent esterny du blé en la grange dudit Raoulin et enbatu) ds GD III, 27b.

 

3.

[De la loutre] Embattre une région. "Parcourir (une région) ici à la recherche de nourriture" : Et est certain que il ne demeure mie longuement en un giste, pour ce que le païs ou il a esté en pasture est tantost batu [var. embatu], et va en autre lieu demeurer et peschier. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 94).

 

4.

"Précipiter, accélérer (le cours d'une maladie)" : ...il [le froid] embat soudainement aucune malle maladie (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 267).

 

5.

[Dans un contexte grivois] Embattre l'escu d'une femme : LE MOUNYER. J'aymeroys mieulx estre danné [que de parler au mari de la dame]. Alons faire le demené, Que je ambate vostre escu. (Gent. moun. T., c.1500, 376).

B. -

[D'un oiseau] S'embattre. "Battre des ailes" : ...oste donques le chaperon a ton faucon, et se il le veut et s'embat, si le lesse aler au debateis. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 195). Et se les perdriaux saillent et ton esprevier s'enbat, si le lesse aler se il saut de pres [l. prés] (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 226). Et qui pis est, se l'esprevier est ainsi deux fois foulé, il craindra a y plus voler et ne s'embatra plus (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 144).

III. -

[Synon. de ébattre II] "Se divertir, se distraire, passer le temps agréablement" : ...et soy jouver [var. jouer] et desduire et embattre en la cité de Romme (BOUVET, Arbre bat. R.-B., c.1386-1389, 111).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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