C.N.R.S.
 
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     VRAI     
FEW XIV *veracus
VRAI, adj. et subst. masc.
[T-L : verai ; GDC : verai ; DÉCT : verai ; FEW XIV, 273b : *veracus ; TLF : XVI, 1355b : vrai]

I. -

[Idée de vérité]

A. -

Adj.

 

1.

"Qui dit ce qui est, qui est conforme à la vérité" : Saches que tel nouvelle et vroie Y sera ainz de li oïe Que... (Tomb. Chartr. Souvain S., c.1337-1339, 35). Mais se il estoit ainsi, que telz diz fussent vrais, comment pourroit il estre que vertu fust plus voluntaire que malice ? (ORESME, E.A., c.1370, 202). Item, après ce que ladite confession ot esté et fut leue de mot à mot audit prisonnier, lui fu demandé se sadite confession estoit vraye ; lequel dist, jura et afferma par son serement que ouil, et en ycelle persevera. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 188). Et, ce fait, par ledit monseigneur le prevost fu demandé audit Oudot prisonnier se les faiz et deposicion d'icelle Perrete estoient vrais par la maniere que confessé et deposé les avoit. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 511). Et que ceste sentence soit vraie, le nous aprent l'experience des choses de nouvel passées (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 133). ...tout ce que je vous dy est vray. (C.N.N., c.1456-1467, 128). ...quelque chose que l'on m'ait dit, je ne l'ay pas creu legerement, mais l'ay voulue esprouver et qu'il soit vray (C.N.N., c.1456-1467, 323). Chacun de vous scet ceci estre vray comme l'euvangile. (C.N.N., c.1456-1467, 514). Affermés par jurement Qu'il est vray tout ce qu'advés dit ? (Pass. Auv., 1477, 175). SAINCT MARTIN. Pour proceder en mes conclusions Et vous respondre a tout ce qu'avez dit, Veillez sçavoir que je vous ay desdit Pour ce que trop follement vous errez ; Et qu'il soit vray, par mes ditz le verrez. (LA VIGNE, S.M., 1496, 335).

 

-

Il est vrai. "C'est exact" : "...Qu'en dictes vous ? dit la damoiselle. - Vrayement, damoiselle, il est vray,"dirent ilz. (C.N.N., c.1456-1467, 371).

 

.

N'est il pas vrai ? "N'est-ce pas ?" : [Dieu] fourma par sa posté Eve (...). N'est il pas vrai ? (Myst. Résurr. Angers S., 1456, 572).

 

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(Il) est vrai que. "Il est exact que" : Car il n'est pas vray que toute operacion delitable soit tant seulement en mouvement ou en transmutacion, mais aucune delectacion est tant seulement en immobilité senz quelconque mutacion. (ORESME, E.A., c.1370, 411). ...par quoy il appert estre vray que nous l'eslisons [l'autre condicion de felicité] pour elle meïsmes. (ORESME, E.A.C., c.1370, 118). ...bien est vray que la Court envoya devers lui bien humblement (BAYE, II, 1411-1417, 54). Et est vray que la Court en ceste chose a fait par avant pluiseurs diligences par lettres envoiéez au Roy (FAUQ., I, 1417-1420, 219). ...il est vray que fortune de mer par force nous mena en ung païs ou il faisoit si chault que nous cuidions tous morir (C.N.N., c.1456-1467, 130). Il est vray, je ne le veil pas nyer, que voirement je prins son furon et le boutay en ma duyere (C.N.N., c.1456-1467, 161). Il est vray, seigneurs, que nous deux Estïons palhars luxurieux, Et advons joué tout le nostre (Pass. Auv., 1477, 173).

 

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[Formule du style narratif] : Il est vray que au Quesnoy vint une belle fille nagueres au prevost se complaindre (C.N.N., c.1456-1467, 159). Il est vray que ung gentilhomme du dict Daulphiné avoit en son hostel une sienne seur (C.N.N., c.1456-1467, 357).

 

.

[Formule optative renforçant la crédibilité du locuteur] Qu'il soit vrai : ...tout son courroux fut converty en cordiale amour. Et qu'il soit vray, depuis a son pourchaz et a ses chers coustz et despens il la fist marier tresrichement et bien (C.N.N., c.1456-1467, 158). ...avez esté consentant et pou près requerant de ce qu'il a fait. Et qu'il soit vray, vous mesmes adressastes et mistes son furon (C.N.N., c.1456-1467, 161). ...je vous vouldroye complaire, et faire autant de plaisir et d'aussi bon cueur que a elle. Et qu'il soit vray, je le vous monstreray de fait (C.N.N., c.1456-1467, 192).

 

-

C'est (chose) vrai(e) : Mon seigneur, c'est bien chose vraie ; Or en faites vostre voloir. (Mir. femme roy Port., c.1342, 168). C'est vrai, mon chier seigneur, bien dites (Mir. march. juif, c.1377, 181).

 

Rem. Cf. aussi Scheler, Gloss. Geste Liège, 311 (II, 7124 : che astoit chose vraire).

 

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C'est vrai que : ...se c'est vray que chouse neccessaire soit que la souveraine cité eternelle soit acomplie par hommes... (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 213).

 

-

Vrai est que : Mais vray est que l'iniquité Qui... (DESCH., M.M., c.1385-1403, 145). Vray est que, ainsi comme dedans le secret de ma pensee, je vouloie plus avant declairer... (GERS., Annonc., a.1400, 233). Vray est que nous povons ça jus aucunes choses esperer, comme la grace de Dieu, son aide, et benefice de protection et de soustenance (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 87).

 

-

Bien est vrai. "En effet" : Bien est vray, Sire affin que je riens ne te cele, ung scrupule, doubte ou question me survient en ceste besoingne (GERS., Concept., 1401, 397).

 

-

Aussi vrai que je vous vois ("aussi vrai qu'il est vrai que") : Il est ressuscité sans faulte Et ainsy fermement le croy, Car, aussy vray que je vous voy, Je l'ay veu en humaine forme, Sans riens corrumpu ne difforme (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 1005).

 

-

Vrai comme (le) Pater noster : ...auxi verrai come le pater nostre (HÉRAUT CHANDOS, Vie Prince Noir T., c.1385, 158).

 

Rem. Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 130.

 

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Vrai comme l'Evangile. V. Évangile

 

2.

[D'une pensée, d'une opinion, d'un savoir que l'on croit tenir, d'une impression, d'une suspicion...] "Qui est fondé en vérité, qui est fondé dans la réalité" : ...ceste oppinion n'est pas recitee de Avicene comme vraie maiz comme opinable (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 384). Mais telle perpetuité de mouvement ne porroit estre faite par art se la fantaisie d'aucuns n'estoit vraye qui ont aucune foys tempté et cuidié faire une chose appellee rota viva. (ORESME, C.M., c.1377, 202). ...affin qu'el esprouvast si son cuider estoit vray, elle conclut en soy mesmes qu'el tiendra telz termes (C.N.N., c.1456-1467, 150). Il fist si bon guet qu'il perceut et eut vraye experience du fait. (C.N.N., c.1456-1467, 493). Quand il fut asseur que sa suspicion estoit vraye, il se descouvrit a son maistre (C.N.N., c.1456-1467, 493). J'ay eu despieça suspicion que nostre curé vous feist desplaisir, et le vous ay celé jusques ores que j'en ay eu la vraie experience. (C.N.N., c.1456-1467, 494).

 

3.

P. méton. [D'une pers.] "Qui dit la vérité, qui est sincère" : Mais si vraie en cuer la trouvay [la dame] Et si bonne que ne puis croire Que ce meffait soit chose voire (Mir. marq. Gaudine, 1350, 157).

 

-

"Sincère, fidèle dans ses engagements" : ...lequel sire de Loré leur fist faire serment au roy ainssy que en tel cas appartenoit, c'est assavoir, d'estre vrays et loyaulx au roy de France. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.1, c.1437-1464, 111).

B. -

[Empl. adv. ou loc. adv.]

 

1.

Empl. adv.

 

-

Dire vrai. "Dire la vérité" : Je metz en votre jugement Se ma bouche dit vray ou ment. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 77). Par Nostre Dame ! tu dis vray, dist le seigneur ; tays toy de moy et si feray je de toy. (C.N.N., c.1456-1467, 47). ...folz, yvres et enfans ont de coustume de vray dire (C.N.N., c.1456-1467, 153). Gardez que vous diez verité, car, si vous faillez, vous estes mort ; mais si vous dictes vray, on vous fera grace. (C.N.N., c.1456-1467, 160). Pilate y deust avoir mis : "Jhesus de Nazaret" ; car ce dit "Roy des Juïfz", et vray non dit ! (Pass. Auv., 1477, 215).

 

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À vrai dire./Pour dire vrai. "Pour dire la vérité, pour dire ce qui est conforme à la réalité" : ...par laquelle nous est venue joie, nous est apparu salut et salvation, qui estez telle, a vroy dire, et si courtoise que qui vous saluera, vous le resaluerez. (GERS., Annonc., a.1400, 228). ...ung ancien chevalier (...) tout son temps avoit hanté a court, et pour vray dire estoit le vray registre d'honneur. (C.N.N., c.1456-1467, 246). Car, a vrai dire, la vielle estoit toute impaciente d'avoir le jeusne gallant, povre compaignon qui la tempesteroit a l'aventure et lui donroit dur temps en despendant le sien, et la jeusne fille estoit courcee a l'aultre léz d'avoir ce viellart usé a barbe grise qui povrement luy feroit ses besongnes. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 231). LE PRINCE D'ANTHIOCHE. Puisque parler me fault par indivis, Tresvoluntiers je m'en acquiteré Et pour entrer le premier en devis, En rien qui soit je ne m'espenteré ; Pour dire vray, poinct je ne menteré, Car verité ne veult avoir effort. (LA VIGNE, S.M., 1496, 156). A dire vray ce m'est ung piteux point. (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 11).

 

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À vrai conter : Trop longuement, a vray compter, Avés eu sur moy seigneurie. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 60). Et Mars aprèz, au vray compter, Qui... (LA HAYE, P. peste, 1426, 27).

 

.

À vrai parler : Scez tu dont vient ton mal, a vray parler ? (CH. D'ORLÉANS, Compl. C., 1433-p.1451, 258).

 

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Au vrai dire : Or, nous dictes, maistre beau sire, De ce canon ou est sa visee ? Ne ou va la perte, au vray dire, Puis apres, qu'elle est eschappee ? (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 196).

 

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Au vrai juger : Or, le congnois je, au vray jugier, Tout tantost que je le regarde. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 247).

 

-

Donner vrai à entendre à qqn. "Informer qqn d'une manière conforme à la vérité" : ...car Orenge n'a pas donné vray à entendre au roy d'Angleterre. (FAUQ., I, 1417-1420, 384).

 

2.

Loc. adv.

 

a)

Au (plus) vrai. "À la vérité, d'une manière exacte, sans commettre d'erreur" : Jamais a certes ne a gas N'iert li delis au vrai retrés. (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 123). ...et par especial en la chambre de Parlement, aux jours des Plaidoiries, a telle tousserie de touz costez que à peinne le graphier, qui a esté surpriz de la dicte maladie à VIIJ heures, puet enregistrer au vray. (BAYE, I, 1400-1410, 90). [A tant] je termine la premiere partie de nostre sermon ou nous avons oÿ su[s] figure poetique faicte au plus cher et au plus brief, au plus vray que j'ay peu, la maniere de la concepcion nostre glorieuse Dame (GERS., Concept., 1401, 408). ...je ne sçay entendre Le fait au vray de ce Jhesus (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 175). Dieu souverain et tout puissant (...), A qui tout est obeÿssant Et qui es au vray congnoissant Le secret de l'intencion... (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 445). Les grenetier et contreroleur du grenier à sel de ceste ville de Bourges, ausquelx avoie chargé m'apporter au just et au vray la déclairacion du sel descendu oudit grenier par Raoulet Tostain (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 589). Au vray, nous sommes bien trompés. (Copp. lard., a.1488, 179). Cestui prenostica bien au vray de la fouldre qui fut en Jerusalem, où tout fut quasi bruslé, excepté le Temple. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 117 r°). SATHAN. (...) Cella maintenant te promectz Et au vray le te certiffie, Pour tant que ton actente mectz En moy et que du tout t'y fye. (LA VIGNE, S.M., 1496, 540).

 

-

[En incise] "Assurément, vraiment" : Conseillés vous et puis, au vray, Marïés vous, s'i bon vous semble. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 50).

 

b)

De vrai./Pour vrai. "Avec certitude, vraiment, en vérité" : Orgueil, n'aiés pas en despit Se je parle un petit de vray De la science que je say (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 189). Et pour ce puet bien chascun dire Pour vray qu[e]... (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 382). Maiz je vous puis dire de vray [var. de varay] Que... (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 386). Sire, je vous di bien de vroy [var. je vous di sur ma foy] Que... (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 426). ...a ce que voy, Et par le parler qu'il m'a dit, Tenez de vray, sanz contredit, Que plus au monde ne veult estre (Mir. st Alexis, 1382, 313). D'autre debat que vous avez Entre vous, de vray me creez, Avons nous douleur grandement (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 21). Car je croy de vray, sans faillance, Que... (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 60). Par quoy tu pueulx dire pour vray Que... (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 155). ...je voy de vray et m'y fonde Que c'est cy le sauveur du monde. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 158). Chers freres, crëons de vray tous Que le Saint Esperit sur nous Est presentement descendu. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 447). ABBÉ. (...) Certaynement pour vray croyez Que ceulx de Tours vous ont esleu, En quelque part que vous soyez, Pour estre leur pere envers Dieu. (LA VIGNE, S.M., 1496, 405).

 

-

Par (tout) vrai. "En (toute) vérité" : Par vray, semblable N'est que noblesce si notable N'ait mainte pensee honnourable En dame crainte et aggrëable (CHART., L. Dames, 1416, 252). Conseiller se veult par tout vray De ce fait (Pac. Job M., c.1448-1478, 246). Sachez, mes amys, par tout vray, Que... (Pac. Job M., c.1448-1478, 367).

 

-

Pour tout vrai. "En vérité" : Car il est escript pour tout vrai que le commencement de la sapience et la fin d'attrempance est la paour et la crainte de nostre Seigneur. (FOUL., Policrat. B., VII, 1372, 301). ...lequel lui fist l'or, duquel furent faiz les vielz nobles d'Angleterre, ainsi que on dit pour tout vray en Engleterre. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 128 r°).

 

-

[Pour renforcer une affirmation, un engagement, un conseil donné...] De / pour vrai : En Pruce vueil aler, pour vray, Mettre aux aventures mon corps. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 126). ...nous tous communement Te conseillon, pour vray, que... (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 161). Sur bestes sauvaiges seray, Pour vray je veul estre veneur. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 30). Desja j'en ay lavé mes mains, Car sur Jhesus ne treuve rien Et pour vray pardonné le tien. (Pass. Auv., 1477, 170). J'ay ja, de vroy, Prou besongnié (ALECIS, Blas. faulses am. P.P., a.1486, 207).

 

-

En partic. [Avec cuider]

 

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Cuider de vrai. "S'imaginer que la chose en laquelle on croit est fondée, croire vraiment" : ...celui jouevencheaux cuidoit de vray estre en Paradis (JEAN LE LONG, Voy. Odoric A.M., 1351, 59). Joseph (...) cuidoit de vray que... (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 126). Ceste pouvre mere abusée, cuidant de vray que sa belle fille deust faire ung tresbeau filz pour le temps advenir de Dieu eleu pape de Romme, ne se peut tenir que a sa plus privée voisine ne le comptast (C.N.N., c.1456-1467, 104).

 

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Cuider pour vrai : ...sa femme d'approcher, qui a genoux se mist devant ses piez, cuidant pour vray estre son curé (C.N.N., c.1456-1467, 464).

 

Rem. Aussi CUVELIER, Chron. Guescl. C., t.1, c.1380-1385, 1422.

 

-

[Avec savoir]

 

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Savoir de vrai. "Savoir en vérité, avoir la certitude que" : Il a plus de trois mois passez Qu'il scet de vray que trespassez Est cil qui la cure tenoit. (Mir. parr., 1356, 19). Je le cuide sçavoir de vray. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 125). ...s'elle faisoit ce qu'il requeroit, elle savoit de vray que son dit mary et ses parens et amys lui osteroient la vie du corps. (C.N.N., c.1456-1467, 388). ...elle savoit, et de vray, que loyallement et cherement de luy estoit bien fort amée. (C.N.N., c.1456-1467, 473). ...[il] s'advisa ung jour de prier aucuns chevaliers et escuiers, ses bons amys, qui toutesfoiz de son cas rien ne savoient, d'aller esbater, voler et querir les lievres en la marche du païs ou sa dame se tenoit, sachant de vray par ses espies que le mary d'elle n'y estoit pas, mais estoit venu a court (C.N.N., c.1456-1467, 474). On m'a dit qu'il ont delivray Les prisonniers que nous avyons, Et ung qui le scet tout de vray, Dont fort desplaisant noz gens sont. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 463). Si devez en tous lieux et place Acomplir tout son bon voloir ; Mes est ung point que vous diray Et me semble bien neccessaire, Ainsi comme de vray je say, Et est aussi bien exemplaire. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 514). LE PERE. Puisque je voy vostre bonne constance, Saichez de vray que trop mieulx en vauldrez. (LA VIGNE, S.M., 1496, 189).

 

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Savoir tout de vrai : ...je sçay tout de vray qu'il ne saroit en ceste marche mieulx trouver. (C.N.N., c.1456-1467, 297).

 

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Savoir du vrai : ...vous estes aussi bien desloyalle, qui savez certainement et du vray que, après Dieu, je n'ayme rien tant que vous (C.N.N., c.1456-1467, 232).

C. -

Subst. masc. "Vérité" : ...De dire le vray sans mentir. (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 6). L'autre si est cil qui tant parole qu'il n'est creu de vray ne de mensonge qu'il die. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 41). Pour quoy je, chroniqueur dessus nommé, désirant escryre le vray, m'en suis bien duement informé, pour la fiction descouvrir, et sçavoir la vérité et conduite du cas. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.2, c.1437-1464, 182). Mes pour estre le conducteur Parler convient a la Pucelle, Que de vaillantise et honneur Le vray avons trouvé en elle. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 523). Pour vous advertance donner, Plusieurs font grant sollempnité De ce qu'il a ressuscité Ce Lazaron de Bethanie ; Et vont a grosse compaignie, Tous les jours, employer leurs pas Pour enquerir le vray du cas (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 547). Dictes (vous) tout le vray ? (Sots Magn., a.1488, 208).

 

-

Subst. fém. : Les clers a vous, a qui puissance et verité [var. vraie] sont atribuees... (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 9).

II. -

[Idée de plénitude dans ce que désigne le subst. qualifié, idée de réalité]

A. -

"Qui est pleinement ce que le subst. dit qu'il est"

 

1.

[Valeur positive (ou neutre)] "Véritable, qui est pleinement ce qu'il doit être, qui mérite bien son nom, sans faille, sans défaut, authentique"

 

a)

[D'une pers.] : Elle te sera vraie amie (Mir. enf. diable, c.1339, 43). SECOND DYABLE. (...) Juge vray, entendez a nous. (Mir. enf. diable, c.1339, 46). Uns vres amans... (FROISS., Orl., 1368, 109). Item, la volenté de un homme est aucune fois ou regart de choses qui ne sont pas a faire par luy meïsme, si comme aucun peut vouloir que en un champ de bataille celui ait victoire qui faint estre champion et peut vouloir que celui ait victoire qui est vray champion. (ORESME, E.A., c.1370, 185). Et aucunes fois prent [Aristote] hardiesce et hardi en bien et appelle hardi celui qui est vray fort. (ORESME, E.A.C., c.1370, 204). ...vous estes et serés d'ores en avant à tousjours bons et vraiz parens et amiz avecques mes autres seigneurs du sang royal (BAYE, II, 1411-1417, 139). ...pour eviter la desolacion et destruction de son royaume, de la chose publique d'icellui et de ses vrais et loyaulz subgiés (FAUQ., I, 1417-1420, 360). ...exhortoit et admonestoit la Court, presidens et conseilliers, comme vrais crestiens et filz de l'Eglise, de soy emploier en ceste matiere à leurs povoirs (FAUQ., III, 1431-1435, 47). Laquelle dame (...) pour sembler aux vrayes vesves de jadiz dont les histoires romaines (...) font tant de glorieuse mencion, desquelles je me passe pour abregier et venir a mon propos de ceste dame que onques puis qu'elle fut vesve a mary ne se voult acompaignier. (LA SALE, J.S., 1456, 3). ...se mect a voye devers les bons seigneurs de Perusse, vraiz champions et defenseurs de la tressaincte foy chrestiane. (C.N.N., c.1456-1467, 109). ...Amour, qui veult tousjours secourir a ses vraiz servans, inspira tellement l'entendement du bon et loyal servant (C.N.N., c.1456-1467, 365). ...des choses perdues on le tenoit vray enseigneur, et de toute science aussi le tresparfect docteur (C.N.N., c.1456-1467, 469). En l'ordonnance qu'en tel cas appartient, Juges, prevostz, baillifz et lieuxtenans Acompaignez de plusieurs survenans Ainsi que droit et raison le maintient, Devers celuy qui tousjours la main tient A soustenir son vray peuple en valeur, Sortirent hors pour luy porter honneur. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 190).

 

-

[Phraséologie courtoise] : Amours, qui gouverne tous les vrays amans... (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 28). ...assez tost après, la compaignie des vraiz amans s'esveilla, et se despartirent l'un de l'aultre amoureusement. [Ici, empl. iron.] (C.N.N., c.1456-1467, 367).

 

-

[De Dieu] : Li vrai Diex qui scet le forfait Vous puist voz meffaiz pardonner (Mir. femme roy Port., c.1342, 200). Tu scez, vray Dieu, comment au premier [homme] Adam tu baillas pour luy et pour tous ses successeurs enfans heritage(s) non pas seulement temporel comme paradis terrestre, mais, qui mieulz valoit, luy ottroya[s] l'eritage espirituel. (GERS., Concept., 1401, 397). Helas, il part desja l'alaine. Aydés nous, vray Dieu souverain ! (Pass. Auv., 1477, 158). Vray Dieu, tu me tiens verité, Puis que je suis en paradis. (Pass. Auv., 1477, 252).

 

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[Interj. à valeur de serment atténué] : ...le preudomme se signe et emerveille, disant : "Et vray Dieu, qu'est cecy ?..." (C.N.N., c.1456-1467, 101). "...Comment ! quelle chose y a il ? dist le bon mary. - Quelle chose ? vray Dieu de paradis ! dit elle ; helas ! les sergens ont esté ceans plus de deux heures..." (C.N.N., c.1456-1467, 508).

 

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[Du Christ] : Vray filz de Dieu, doulx, de bon aire Cest homme estoit qu'on a desfait ! [Réf. à Matth. 27, 54] (Pass. Auv., 1477, 234).

 

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Vrai Dieu, vrai homme : Mais Dieu (...) print Corps humain et la mort soustint Pour les siens hoirs d'enfer jecter, Resuscita et voult monter En paradis, vray Dieu, vray home. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 122).

 

-

Vrai hoir. "Héritier véritable, héritier légitime" : ...ayans fil, vray hoir (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 93).

 

-

Vrai courage. "Âme authentique, sincère" : ...Que le saint Esperit, nostre pere, Doit inspirer et occupper Les vrays couraiges des humains (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 451).

 

b)

[D'une chose concr.] : Au canter n'estoit pas escars D'une vois vraie Li rosegnols en ses douls ars. (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 131). ...il est de coustume de mectre en toutes lettres de saufconduit : Reservé tout vray habillement de guerre (C.N.N., c.1456-1467, 55). ...agillettes sont vray habillement de guerre (C.N.N., c.1456-1467, 55).

 

Rem. Cf. aussi Scheler, Gloss. Geste Liège, 310.

 

-

[De reliques, de la croix...] : ...et y ont esté portez la vraie croix et le chief de saint Loiz. (BAYE, II, 1411-1417, 75). ...et fu portée la vraie crois à ladicte procession, qui avoit esté ordonnée et faicte pour la paix de ce royaume. (FAUQ., I, 1417-1420, 116). ...du baiser je n'en fineroye neant plus que de la vraye croix ? (C.N.N., c.1456-1467, 317). ...plusieurs pierres precieuses et grans camahieux qui sont à Saint Denis lez Paris, desquieux la vraie Croix et autres reliques sont decorées. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 103 r°).

 

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"Authentique, avéré" : La vraye tiercaine, s'elle est jugee en VII periodes, est dicte tres longue. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 77).

 

-

MÉD. Costes vraies. "Côtes non flottantes" : De la partie du costé, en chascun costé sont douze costes, c'est assavoir sept vrayes et cinq faulces ou mendoses car ilz ne sont pas entieres comme les aultres dessusditz. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.5).

 

c)

[D'une chose abstr.] : ...par le verai pardon (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 329). La doit tendre humaine pensee Ou touz vroiz biens sunt a plenté. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 102). ...Riche proffit et glore vraie. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 120). ...par justice Juste et veraie est il en paine. (Mir. prev., 1352, 252). ...vray repoz (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 355). Toutesvoies, ceste vertu differe de vraie amisté, par ce qu'elle est quant est de soy senz ce que celui qui a telle vertu ait passion et senz ce que il ait dileccion a ceuls a qui il parle ou deresne ou converse. (ORESME, E.A., c.1370, 264). Et entent prosequcion de bien vrai ou apparant et fuite de mal semblablement. (ORESME, E.A.C., c.1370, 332). Et se l'auctorité ne vous souffist, eslevez, je vous pry, les yeulz de vostre pensée et regardez en la lumiere de vraye foy la gloire des sains et sainctes (GERS., Déf., 1400, 220). ...et par especial pourveez bien et diligemment au fait de nostredicte ville, en faisant qu'elle soit et demeure tousjours en nostre bonne et vraye obeyssance (BAYE, I, 1400-1410, 250). ...et qui plus est, [par l'excellence] de ceste vertus et heritaige, Justice originele, l'omme eust toudis vray jugement sans errer (GERS., Concept., 1401, 397). ...vraie amistié et concorde. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 181). ...et de adviser toutes manieres de parvenir à bonne et vraie paix generale entre tous les subgiez du Roy (FAUQ., I, 1417-1420, 255). ...nous, et ung chascun de nous, jurons et promettons estre et demourer, tant comme nous vivrons, en bonne et vraye amour, fraternité et union les uns avecques les autres (FAUQ., II, 1421-1430, 95). Encor veul et vous commande que fermement vous creez les VIJ sacremens de l'Eglise ; c'est assavoir : au saint baptisme, en la sainte confirmacion, en la vraie penitence (LA SALE, J.S., 1456, 40). ...sa dame fut mariée a ung ancien chevalier, qui gracieux et sachant homme estoit, qui tout son temps avoit hanté a court, et pour vray dire estoit le vray registre d'honneur. (C.N.N., c.1456-1467, 246). ...seul il vault sans aultre aide, voire accompaigné de vraye foy. [Du sacrement de baptême] (C.N.N., c.1456-1467, 428). ...je vous promectz de ceste heure, de courage ferme, arresté et estable opinion, d'actendre le jour de vostre revenue en vraie, pure et entiere chasteté de mon corps (C.N.N., c.1456-1467, 566). O bon Jhesus, a qui je croy Par vraye foy, Treshumblement je t'en rens graces. (Pass. Auv., 1477, 131). Jamais ne comdempne aucun hastivement, mais espreuve devant jugier et puis aprés juge selon ta vraye enqueste. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 142). Rectourne a Dieu et le salue Par confession vraye et bonne (Cene dieux, c.1492, 137). OFFICIAL. Vraye congnoissance avons heu Que c'est ung homme en Dieu parfait. (LA VIGNE, S.M., 1496, 553).

 

-

"Conforme (à ce qu'il doit être)" : Au second cas le mariage est vray et tient, quant ilz sont tous deux infideles. Au tiers cas, se l'un des mariéz est convertis a la foy et l'aultre demeure en son infidelité, de cohabiter ensemble ilz ne doivent estre compelléz ne urgéz et contrains, combien que tant que la femme durera et vivera, elle ne se porra marier (Sacr. mar., c.1477-1481, 64).

 

d)

ASTR. [De la position d'un corps céleste] "Qui indique le degré de sa longitude écliptique" : ...le vray orient est le point de l'orizon ou lieu qu'est le soleil quand il est au commencement d'aries ou de libra, et le vray occident est le point ou ilz se couchent en l'orizon, adoncques briesvement parler par 2 poins sont en l'equinocial trenché et intersequé vers orient et vers occident. (FUSORIS, Astrolabe P., c.1407-1412, 118). Cestui fist aucunes tables selon le vray mouvement des planettes que j'ay veues, et sont bien recommandées. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 117 v°).

 

Rem. Cf. E. Poulle, Un Constructeur d'instruments astron. au XVe s., 1963, 18.

 

2.

[Valeur négative]

 

a)

[D'une pers.] : Monseigneur l'official, voyant que c'estoit ung vrai trompeur, et qu'il se trompoit de luy, fist venir le barbier (C.N.N., c.1456-1467, 532). CLAUDE. (...) Monsieur, il est bien verité C'un usurier vray et parfait, Par sa mauldite iniquité, A la court adjourner m'a fait (LA VIGNE, S.M., 1496, 524).

 

b)

[D'une chose] : Les raysons dessus mises sont pour la plus grant partie de logique et de methaphisique et generales a toutes choses, soient substances ou accidens, mais ceste est selonc science naturelle et de choses qui ont commencement par vraie generacion ou fin par vraie corrupcion. (ORESME, C.M., c.1377, 252).

B. -

"Qui est réel, qui existe incontestablement ; qui est incontestable" : Et pour ce que longue chose seroit reciter les opinions, reprobacions, alteracions des causes que pluseurs assignent en ce, je suppose premierement une experience que je cuide estre vraie, et est ceste : que se un corps ferme est meu tres isnelement de quelcunque mouvement local, chaleur n'est pas pour ce causee es parties de ce corps qui sont en parfont dedens lui se n'est, par aventure, bien pou par l'eschaufement des parties de lui qui sont vers dehors. (ORESME, C.M., c.1377, 436). Et dit, sur ce requis et par son serement, que les larrecins cy-dessus escrips, par lui cogneuz et confessez, sont vrayz, et qu'il a faiz et commiz iceulx par la fourme et maniere que cy-dessus sont escrips (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 136). ...et ne nyent fais ou coustumes notoires, ou qu'ilz sauront veritablement estre vrais ou notoires (FAUQ., II, 1421-1430, 255). Et s'il y a aucuns articles contenans divers fais ou poins, confessent ou ne nyent pas ce qu'ilz verront de l'article estre vray ou notoire. (FAUQ., II, 1421-1430, 255). ...elle me ramentoit ung vray cas, ja pieça advenu (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 27). S'il en est encores de telz, ils se doyvent mirer a cest exemple, qui est notoire et vray et advenu depuis nagueres. (C.N.N., c.1456-1467, 181).

 

-

"Effectif" : ...vraye terminacion de la maladie (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 355).

 

-

Au vrai./De vrai./En vrai./Pour vrai. "Effectivement, réellement" : Diex oublier pas ne me volt Quant cy m'amena tout de vray (Mir. parr., 1356, 51). Ce fut d'amour le signe qui les derrains attaindre Fist les premiers de vray et le hault au bas joindre (Livre Rossignol. N., c.1400-1420, 69). En vray, le dyable y ait part En la belle chevalerie ! (Pac. Job M., c.1448-1478, 214). ...il est ressucité pour vray (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 390). ...quant (...) elle le recognut au vray, elle festoia honnestement le chevalier (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 193).

 

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Tout pour vrai : ...il est venu tout pour vray. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 133).

 

-

Mettre qqc. en vrai. "Faire voir la réalité de qqc." : ...si vous requier que punission en soit faite selon le cas, et se il [Sathan] le nye, je veul mestre en vrai chen ["ce"] qui me suffira. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 22).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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