C.N.R.S.
 
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     USAGE     
FEW XIV usus
USAGE, subst. masc.
[T-L : usage ; GD : usage ; DÉCT : usage ; FEW XIV, 84b : usus ; TLF : XVI, 846a : usage]

I. -

"Action d'user de qqc., d'appliquer qqc. à tel ou tel besoin, de l'utiliser ; possibilité d'utiliser qqc."

A. -

"Utilisation de qqc."

 

1.

[À propos d'une pers.] Usage (de qqc.). "Emploi, utilisation que l'on fait de qqc. (dans une situation donnée ou habituellement)" : ...le residu de l'argent et debtes de ladicte execution sera delivré et baillié par la main de la Court aux freres du Carme à l'usage ordonné par ladicte Perrenelle (BAYE, I, 1400-1410, 9). Point ne gastent en mauvaiz usaiges les biens que tu leurs as prestez. Divisez sont en trois parties : l'une pour le temple et tes ministres, l'autre pour les povres, la tierce pour leur gouvernement. (GERS., Concept., 1401, 396).

 

-

À tel usage : ...d'une mesme masse de terre ou de plonc ou d'argent, tu puez faire ung vaissel a beau [u]saige et ung vaissel a vil [u]saige (GERS., Trin., 1402, 163).

 

.

À son propre usage. "Pour soi-même" : ...et lequel lingot il qui depose, depuis ce, porta en la ville de Bourges en Berry et illec la vendi à un marchant changeur qu'il ne congnoist la somme de XJ frans qu'il en ot et receut, et yceulz appliqua à son usage et proufit. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 450).

 

-

En tel usage : Et ainsi, maleureuse forsennee creature que tu es, te semble que Dieu, qui a donné le temps a toute personne pour employer en bon usage, t'ait donné auctorité de le passer en oyseuse plus que un autre ? (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 17).

 

-

Avoir usage de qqc. "Se servir, user de qqc." : ...on feroit hastivement coper et abatre les bois du Roy environ Saint-Cloud (...) afin que les ennemis de ce royaume n'en puissent avoir usage à leur aisement ou besoing pour grever ladicte Ville (FAUQ., I, 1417-1420, 253).

 

2.

En partic.

 

-

[À propos d'une chose comestible] "Consommation" : Le second remede est fuyr usage de vins fors et de chaudez viandez. Anciennement, comme dit Valere, usaige de vin estoit defendu a femme sur peine de mort. (GERS., Annonc., a.1400, 237). La tierce [cause] entens par long usage De vicieux et faulx bevrage, Mesmement d'eaue corrompue, De sa purté privée et nue. (LA HAYE, P. peste, 1426, 48). ...Qu'ils voulurent espoïre Que usage de vin pourroit nuire En la maladie actuele, Qui descent de chaleur cruele, Plus qu'en celle par aventure Qui prent cause de pourreture. (LA HAYE, P. peste, 1426, 99). Et, s'il avenoit que l'usage De vin aigre feroit dommage À l'estomac pour sa froidure, Ou autrement par aventure, Il fauldroit rompre sa malice [Par] cynamome à ce propice (LA HAYE, P. peste, 1426, 125). Fut celui qui deffendit l'usage du pavot, en tant que touche les maladies qui peust venir aux yeux et aux oreilles. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 74 r°).

 

-

MÉD. "Utilisation, application de qqc." : ...au lieu ou l'apostume est confermee, l'usage du froit fait les membres noirs, aide a l'apostume de herisipille non vulneree, il nuist a celles qui sont vulnerees. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 83).

 

-

[Dans le domaine du langage] "Utilisation habituelle, normale, d'un élément linguistique" : Et quel mot est neutre genre ? Cil que parle de chose que par nature ne resemble mye ne a masle n'a femmelle, si come un bank, un huis, un cuilier, un cene et ainsi des autres. Mais icy sçachez que chescun mot que par nature est neutre genre non obstant ce toutez vois est parlé en françois come il fust un masculin ou femenyn selonc ce que leur usage demande, come il apert aux exemples avant ditz. (DonatOxf., p.1400. In : Th. Städtler, Zu den Anf. der frz. Grammatikspr., 1988, 131). ...en lieu dez genitif dez quelx soulont le commune usaige... (GramM3, c.1450-1500. In : Th. Städtler, Zu den Anf. der frz. Grammatikspr., 1988, 142).

 

3.

"Fait de recourir à qqc. (d'abstr.)" : ...car tele justice est usage de toute vertu quant est vers autre et injustice est usage de toute malice vers autre. (ORESME, E.A., c.1370, 282). Et n'est pas doubte que meilleurs en seroient les besongnes du roy et les communs prouffis, quoy qu'il semble à ceulx qui l'ont acoustumé que meismes merchandise et tous autres affaires ne puissent estre frequentées sans l'usage de menterie, laquelle chose n'est autre riens ne mais coulourer de faulceté, tricherie et barat par dire mençonges par grans sermans parjurés afermeement. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 165).

 

4.

[À propos d'une chose] "État de ce qui est disponible et utilisable (dans une situation donnée ou habituellement)"

 

-

[D'un vêtement] À usage de qqn. "Destiné à être porté par qqn" : ...sondit pere et lui, estant en ladite ville de Chatres, fu mis par sondit pere en gaiges sur les juifs un blanchet fourré de connins à usage de femme (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 217). ...il passant par les Champeaux de Paris, print à l'estal d'un mercier deux petites sainturetes de cuir à usaige d'enfant (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 72). En laquele taverne fu lors prinse par ycellui compaignon une houppelande sengle de drap marbré à usage d'omme (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 470). ...Guillaume de la Heuce s'est constitué acheteur d'une hopellande à usage de femme, de drap vert, doublée de cendail noir (FAUQ., II, 1421-1430, 346).

 

-

En usage : ...oultre plus il composa le Kallendrier et Nombre d'or, lesquelles choses n'avoient esté ainsi devant lui faictes, ne si bien ordonnées, et que nous tenons encores en usage. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 3 v°). ...lequel livre ay veu au Colliege du roy Charles le Quint en la librairie de astrologie à Paris, jouxte le Livre des IX Juges, bien correct et approuvé et, par ce, incathené et en usage à qui en veult. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 82 r°).

 

-

Hors usage : ...et, pour chacune diversité de maladie, mist epithaphes et tiltres, pour advertir que l'un ne se print pour l'autre. Mais l'envie des escoles de Salerne fist rompre iceulx epithaffes, à cause de quoy sont hors usage. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 70 r°).

B. -

"Possibilité, capacité de se servir de qqc." : Et en justice legal est contenue toute vertu ensemble et est vertu mesmement parfaicte, pour ce que par elle a l'en usage de vertu parfaicte, laquelle est parfaicte en ce et par ce que celuy qui le a en peut user quant a autre ou en regart d'autre et non pas tant seulement a lui meïsme. (ORESME, E.A., c.1370, 279). Car les habiz naturelz sont en enfans et en bestes, mais quant il sont senz entendement et senz bon usage de raison, il semble que il sont nuisibles (ORESME, E.A., c.1370, 358). Toutesvoies, teles choses ne contraingnent a mal faire nul homme qui ait en soy usage de raison, se il veult au commencement resister et soy acoustumer au contraire. (ORESME, E.A.C., c.1370, 198). Encores n'est pas(t) chascune humaine creature disposee souffisamment pour veoir icy Dieu en telle maniere : les aucuns pour l'empeschement du corps qui oste l'usaige de raison, soit a cause de aage comme es enfans, soit a cause de maladie comme es demoniaques et hors du sens (GERS., Trin., 1402, 153). ...ne sçay quelle chose je doye maintenant dire, respondre, ne proposer a voz raisons ; ainsi m'avez tollu et privé l'usage de parler. (C.N.N., c.1456-1467, 565). ...affin, Sire, que, quant ilz vous auront privé de l'usaige et du fruit d'icelle, vous ne puissiez plus estre adverty des faulses et perverses entreprinses, qui contre vous ou vostre royaume se pourroient bien faire ou machiner (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 5 r°).

C. -

DR.

 

1.

"Usufruit, droit d'user personnellement d'une chose dont la propriété est à un autre" : ...ledit Jaques en les troublant [Alard et sa femme] en leurs drois, usages et possessions gardées et observées de tout temps, a perseveré oultre et s' est efforcié et efforce à l'occasion dessusdicte de traictier et tenir en procès lesdis conjoins Court (FAUQ., II, 1421-1430, 298). Et pour ce comme dessus requierent et supplient à la Court qu'elle les laisse joïr et user de leurs dessusdis usages, privileges, coustumes et possessions (FAUQ., II, 1421-1430, 299).

 

2.

En partic. [À propos d'une forêt]

 

a)

"Droit d'exploiter une forêt" : Les religieux, abbé et couvent de Notre Dame de l'Ille Dieu ont es forestz de Lions (...) usage à ediffier, ardoir et reparer, par livrée, à cause de leur dicte eglise. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 1). Les religieux, abbé et couvent de Saint Wandrille, à cause de leur hostel de Saint Estienne, ont en la forest de Rouveroy usage à congniez, la branche volage, arbre froissié dessus terre, sans amende, hors deffens. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 55).

 

-

Coutume et usage. "Règle du droit coutumier applicable dans dans l'exploitation d'une forêt" : Rogier Suhart, escuier, a en la forest de bris en la verderie de Vallognes, à cause de son fieu du Vast, et tous les hommez du dit fieu soubz le dit escuier, en la dicte forest le vert boiz en gesant et le sec en estant selon la coustume et usage de la dicte forest, tant pour lui que pour ses dis hommes du dit fieu. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R.B., 1398-1402, 131).

 

Rem. Doc. 1338 (en uxaiges de bois et de rivieres) ds GD VIII, 119a.

 

-

Mettre en communs usages. "Laisser à la libre exploitation de la communauté" : Pres de ces villes a une grant forest (...) Qui de bien loing evidamment parest Pour la haulteur des fueilles et branchaiges, Laquelle n'est mise en communs usaiges. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 229).

 

b)

"Droit de ramasser du bois (pour son propre usage, sans la possibilité de le revendre)" : Item un bichet d'avoine et une geline que doit chascun an à sa vie Domanget Petit, pour usage du bois en ce lieu (Comté Champ. Brie L., t.2, 1341, 454). De Mielot de Besu, prise par III fois en batis, où elle n'a point d'usage, pour ce, XV s. (Comté Champ. Brie L., t.3, 1347-1348, 397). Ou finage d'entre la Roupte Saint Fyacre, le Chasne de la Devise et la Male Maison où pluseurs gens ont usage, c'est assavoir : Dou bois ou lieu dit Gallende... (Comté Champ. Brie L., t.3, 1348, 375). Pour lezquellez droiturez et usagez prendre et avoir en ladicte forest, lezdis habitans sont tenus rendre et païer au roy notre sire ou à ceulx qui de luy ont cause, pour chacunes masurez onze boisseaux d'avoine, XII guerbez de blé, une gueline, un pain à Noël, X oeefs à Pasquez ; item, chacun feu, une gueline en may et II oefs (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 16). ...plusieurs droiz appartenans à la dite ville, tant de pasturaiges, usaiges de bois et de rivières (Chartes communes Bourg. G., t.1, 1408, 320).

 

-

Jours d'usage. "Jours où ce droit peut s'exercer" : Dou fil la Sourde de la Riviere, qui fu pris coppent bois vif es batis, hors des jours d'usage, par II fois, VI s. (Comté Champ. Brie L., t.3, 1347-1348, 397).

 

c)

"Droit de pâture" : ...reservé les pors qui n'y ont point d'usage. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 15).

 

Rem. M. Devèze, La Vie de la forêt fr. au XVIe s., I, 1961, 108.

 

3.

Usage d'armes./Usage de guerre. "Droit d'user des armes"

 

Rem. Ph. Contamine, Guerre, Etat et soc. à la fin du Moy. Age, 1972, 187 et 523 (doc. 1484, usaige de la guerre).

II. -

"Fait d'en user de telle ou telle manière, de se comporter de telle ou telle manière, comportement, pratique, habitude (d'une personne)"

A. -

"Comportement, manière de se comporter, manière de faire ou d'être" : Cilz maistres par malvais usaiges ["manières de faire"], Par argent ou par heritaiges Soffrent tropt de malvaises gens (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 69). Sa proëce et son vacelaige, Sa bonté, son san, son ussaige ["sa manière d'être, son comportement habituel"]... (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 352). Sire, est ce ore en mauvais usage Que je m'emploie ? (Mir. march. larr., c.1349, 96). Le clergé se esbat en truffes, et l'usage du chevalier ["la manière d'être du chevalier"], les jeunes et les viex, villains, et toute personne, de quelconque sexe il soit, prent son esbatement en truffes, soient riches, soient povres sergens ou nobles. (FOUL., Policrat. B., I, 1372, 91). Toutes choses viennent en l'usage de sage personne et, quelconque chose soit faicte ou dicte, il y treuve matiere de vertueusement ouvrer et labourer et de vertu hanter. (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 133). ...jamais en nul autre usage Je ne pense ma vie user Que Dieu servir (Mir. st J. Paulu, c.1372, 125). Cuer, corps, pouoir, desir, vie et usage En vous servir, douce dame, mis ay, Pour ce que tant avés plaisant et sage Cuer, corps, pouoir, desir, vie et usage ; Mais c'iert toudis, sans penser nul oultrage, Car certeins sui que bien emploieray. (MACH., L. dames, 1377, 89). Si que, s'il est vrais amis Et en l'amoureus servage Vuet mettre vie et usage De cuer, com loyaus sougis, Folour feroit et oultrage De plus voloir ; ce m'est vis. (MACH., Lays, 1377, 385). Et vecy un tres grant deffault, C'est usaige ["façon de faire, comportement"] qui riens ne vault (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 35). JUSTICE. Se j'ay ce que je dois avoir, Ne vous poise : c'est mon usaige ["ma façon d'être habituelle"] (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 41). ALORIS [berger]. (...) Nostre simple usaige Vueilles en gré recevoir Roy puissant et saige, Car de corps, d'ame et d'avoir Te rendons hommaige. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 77). ...a maintenir en vertu et usage ["comportement, manière d'être"] de preudefemme (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 99). Nabugodonosor (...), par pugnition de vergue de Dieu pour son orgoeul, fu mué comme en usage de beste par oubli de soy mesmes (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 109).

 

Rem. Scheler, Gloss. Geste Liège, 303 (v. 11365 : Usage aveis por estre mis à perdition, "conduite, manière de vivre").

 

-

"Comportement sexuel" : ...leurs femmes avoient mué leur usage en usage qui est contre nature, et leur masles et les hommes avoient delaissié le naturel usage de femme et estoient touz enflambéz et ardans de leurs desirs en faisant ensemble leur laidure hommes sur hommes (FOUL., Policrat. B., III, 1372, 240).

 

-

En moult d'usages. "De beaucoup de manières" : Ja soit ce que de leurs affaires Lui eussent fait en moult d'usaiges Plusieurs griefz maulx et grans dommages... (TAILLEV., Moral. D., 1435, 104).

B. -

"Exercice, pratique (de qqc.)" : Et couvient avoir grant husage A ainsi muer son langaige (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 390). Par nature engien proufite, il est aidié par usage, par labeur immoderé est rebouté et par attempré excercice est aguisié. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 37). ...mais maintenant, si tost que l'ame est conjointe au corps, elle est corrumpue et ne peut excercer ses proprietés, jusques autant que par usage et par experienche esvillie par doctrine elle commenche a avoir congnoissance. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 63). Et celle puissance, nous l'eüsmes senz aucun usage ou operacion precedent (ORESME, E.A., c.1370, 147). Et avecques ce, il a en ses mains une qualité acquise par usage, par quoy il les demaine legierement selon cel art. (ORESME, E.A.C., c.1370, 145). ...car tout art a son commencement de nature et par nature, et son procés de usage et raison (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 156). Car il convient determiner et reguler la quantité des possessions non pas seulement quant a la souffisance qui convient as usages politiques... (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 93). Decheoir pas ne le lairay [ce lieu] ; Mais de maintenir l'ostellage, Com l'ai fait puis douze ans d'usage, C'est bien m'entente. (Mir. roy Thierry, c.1374, 325). ...Aprandre a parler par usaige Et poursuir de beau langaige (DESCH., M.M., c.1385-1403, 102). ...et te prouveray Par loy, par droit et par usaige ["par la pratique, l'expérience que l'on peut avoir du mariage"] Que mieulx puez par vrai mariage Avoir et acquerir la vie De l'ame qu'en aultre partie (DESCH., M.M., c.1385-1403, 321). ...car en toutes choses usaige rent les homes seurs et hardiz et arrestez en leurs oeuvres. (CHART., Q. inv., 1422, 31). [V. infra Prov.] ...Ou mué le sens de la letre Autrement qu'il ne déust estre, Ou escript en rude langage Par défault de sens et usage (LA HAYE, P. peste, 1426, 164). Et, pareillement, ses filles fist instruire et aprendre a ouvrer en laynne affin que, se, par aventure, il avenoit, oultre leurs esperances, que fortune les jettast en extreme povreté, elles, par leur art et science peussent leurs vies soustenir, car elles n'avoient point seullement l'art de vendre, de tistre et de couldre les vestemens ne de les composer, mais en avoient aussi l'usaige ["la pratique habituelle"]. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 182).

 

-

[Le compl. en de est une apposition] Usage de qqc. "Pratique qui consiste en telle ou telle chose" : Adont parla, ce m'est avis, Li bons princes, que Dieus confort ! Et sa gent amonnestoit fort, Qu'il fussent preudomme et vaillant Et qu'il ne fussent pas faillant À ce besong ; car qui fuiroit Vraiement il se destruiroit ; Car il ne saroit pas l'usage Ne dou païs ne dou langage, Et si ne saroit où fuir. (MACH., P. Alex., p.1369, 164). Mais selonc le commun usage de parler, la ou elles [ces .III. dimensions] sont inequales, la plus grande est appellee longitude, et l'autre apres latitude, et la plus petite est dicte spissitude. (ORESME, C.M., c.1377, 48). Car les debaz font vostre gent Savoir l'usaige de guerroyer (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 21). Lez sens et crainte dez vaillans parens se espart et communique a leur generation par usage de bien endoctriner, et par frequentation de haultes oeuvres. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 69).

 

-

Usage de nature. "Pratique conforme à la nature" : Mais contre nature sont les choses qui se font contre l'usage de nature, toutevoies elles se terminent et conforment selon nature, comme de illuminer et faire veir ung aveugle. (Somme abr., c.1477-1481, 162).

 

-

Avoir qqc. en usage. "Pratiquer qqc. habituellement" : ...Ulixes le sage, Qui prudence avoit en usage Et science (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 224).

 

-

Avoir usage à + inf. "Avoir le comportement qui consiste à" : ...son oeil ne se peut garir si n'est que son aultre oeil soit caché, car l'usage qu'il a a regarder empesche la garison de l'autre malade. (C.N.N., c.1456-1467, 504).

 

-

Prov. : Car bien peu vault art sans usage (MILET, Destruct. Troye S., c.1450-1453, 249).

 

.

Usage fait mestier / fait bon maistre / rend maistre : Car homme dist qe usage fait mestier [var. fait le mestre]. Tresdouz Sires, de cele mestier [var. mestrie] ai jeo tant apris qe jeo sai de voir sanz doute qe jeo siu dignes a estre perduz sanz recoverir (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 78). ...usaige fait bon maistre (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 24). ...car, ainsi qu'on dit, usaige rent maistre et fait l'omme prest et habille (BUEIL, II, 1461-1466, 71).

C. -

"Habitude" : Aussi faisoit il autre chose Dont s'ame Dieu prise et alose, Et je le tesmongne encor tel, Qu'onques en un pechié mortel Ne se volt couchier ne armer. Devoit on bien tel homme amer ? Fai einsi, si feras que sages, Car c'est uns bons et biaus usages, Et cils qui a Dieu souvent compte, Il li rent bon et juste compte. (MACH., C. ami, 1357, 122). ...car il [le magnifique] ne despent pas grandement en son usage cotidian, mais il le fait volentiers en choses communes. (ORESME, E.A., c.1370, 245). Et qui veult lors de vin user Le doit choesir sans abuser, Tel qu'il soit cler et odorant, Soubtil et meur et savorant, Fort ou foible jouxte l'usage De son vivre, s'il est bien sage (LA HAYE, P. peste, 1426, 99).

 

Rem. Cf. aussi Romania 30, 1901, La dame leale en amour, c.1425-1430, éd. A. Piaget (...mentir est vostre usage).

 

-

D'usage. "Par habitude" : Le bon mary d'usage demouroit tressouvent aux champs, en une maison qu'il y avoit (C.N.N., c.1456-1467, 507).

 

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"Habituellement, régulièrement" : S'en avient, on le voit d'usage, Qu'amant qui poursuit a oultrage Sa dame en la tenant, forfait Vers elle et son eür desvoie. (Cent ball. R., c.1388-1396, 158).

 

-

En usage. "Habituel, banal" : ...vostre plaisant language De doctrine plain et non en usage (SAINT-GELAIS, Eurial. Lucr., c.1490. In : Chrestom. R., 259).

 

-

En / selon son usage. "À son habitude" : Quant ce vit Rebecque le sage, Viande fit a son usage, Et par Jacob le fist porter. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 118). ...l'enffant se detordy et fist une chiere hideuse selon son usaige (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 199).

 

-

Par usage. "Habituellement, régulièrement" : ...il y avoit ja des nuis vint ["vingt"] Que par usage a mon couchier Morpheüs aloie priier (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 81). C'est bien raisons que je vous baille Matere pour vous resjoïr : Par usage voelliés oïr A parler de Sainte Escripture, Car c'est la droite noureture De l'ame (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 124). Et m'a apris c'on ne doit pas cuidier Et que faillir doit celui par usage Qui femme croit se ce n'est sur bon gage (MACH., App., 1377, 641). ...et qant la lune se renouvelloit, il avoit par usage le chief moult dolereus (FROISS., Chron. D., p.1400, 780). Se tu es homme, par usage, Consideres que es mortel (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 28). Or, sçavez vous, notable dame, Que la loy baille par usaige, Quant deux gens viennent a mesnaige, Avant qu'ilz conviennent ensemble, Doivent vacquer, comme il me semble, En oroison ung certain temps ; Si seroye assez consentens Que nous tenissions ceste rigle. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 51). Et l'en voit aussi par usaige Telz seducteurs regner ung temps, Soit quatre, cinq, six ou sept ans, Mais, en fin, vient Justice vraye Qui de leur desserte les paye (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 181). ...oncques ne trompay homme (...). Ceux vous diront (...) Si je trompe gens par usaiges ["Si j'ai l'habitude de tromper les gens"] (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 760). Hotin estoit en tout passage Cognut et aimé par usaige, Sy tost qu'on veoit son visaige, Chascun rioit et sot et saige. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 763).

 

-

Pour usage. "Par habitude" : Et plusors hantent bien l'eglise Qui n'y vont pas pour le servise Mais pour esbat ["pour se distraire"] et pour usage. (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 46).

 

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Avoir l'usage de + inf. "Avoir l'habitude de" : ... diligenment Soiez armez, et aussument Trestous nous subgetz de Cartaige Qui d'armes pourté ont l'usaige (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 43).

 

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Avoir coustume et usage de + inf. : Par ce point me pris a servir, Nom pas de mon corps asservir En subjection de servage, Mais d'avoir coustume et usage De savoir la gent honnourer, Pour eaus a moy enamourer (MACH., D. Aler., a.1349, 319).

 

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Avoir qqc. d'usage : Mais ainsi qu'il prenoient leur reffeccion, commenserent a venir tres grant quantité d'escorpions pour boire a cest estang comme d'usaige avoient. (WAUQUELIN, Conq. faits Alexandre, c.1448. In : Chrestom. R., 107).

 

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Avoir d'usage + inf. : Pres du chasteau a ung lieu aussi large Que peullent estre les Halles de Paris, Et tout couvert, auquel on a d'usaige Faire bateaux de sumptüeux ouvraige (LA VIGNE, V.N., p.1495, 204).

 

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Avoir d'usage que + subj. : ...j'ay d'usage Trop bien que souvent d'avantage Boive et pour nient. (Mir. prev., 1352, 235).

 

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Avoir de coustume et d'usage que + subj. : Et s'Amours a de coustume et d'usage Qu'elle face morir pour li amer Ceulz qui sont sien et en son doulz servage Et qui vers li ne saroient fausser, Ce poise mi vraiement ; Car je sui cilz qui sui siens ligement A tous jours mais. (MACH., L. dames, 1377, 91).

 

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Avoir en usage de + inf. : ...j'avoie en usage De lui saluer humblement (Mir. nonne, 1345, 345).

 

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Estre usage. "Être habituel" : Biaus dous amis, que te diroie De Fortune ? Ne t'en saroie Plus dire que tu en dit as En ta complainte que ditas, Fors tant que jadis fu usages Que li ancien deus visages Li faisoient sa en arrier, L'un devant et l'autre darrier. Ce te demoustre chose clere, Que Fortune est douce et amere (MACH., R. Fort., c.1341, 87).

III. -

"Pratique que l'ancienneté ou la fréquence rend normale dans une société donnée, manière traditionnelle de procéder, coutume"

A. -

"Manière habituelle de procéder, pratique habituelle, tradition, coutume" : Je scé de leur loy [des crestiens] tout l'usage. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 282). Conment arez char si osée Que de vous je soie adesée Conme il est de conmun usage Es assemblez en mariage ? (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 13). Vint avant les plaidoiries le cardinal de Pise, legat a latere du Pape es provinces de Sens, Reins et Rouen, en la Chambre et print pro themate les paroles de l'Evangile de dimanche prouchain selon l'usage de Court de Romme (BAYE, II, 1411-1417, 208). ...en quoy lesdis greffiers ont fait nouvelleté et entreprise contre l'usage, stile et commune observance de la Court (FAUQ., III, 1431-1435, 2). ...et se le cas advenoit que, au XXXe jour après les IIIc jours il ne voulloit saillir, les usaiges de leans estoient de ne jamaiz plus saillir. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 95). ...et pource, madame, l'usaige de ceste vostre abbaye ne devez pas reffuser. (LA SALE, J.S., 1456, 251). ...paiez loyaument les dismes a Dieu, comme de fruiz de poulles, d'aigneaulx, de cochons, et aultres telz usages accoustumez. (C.N.N., c.1456-1467, 224). ...[un chevalier] contre la coustume et usage du païs, tenoit a pain et a pot une donzelle belle et gente, en son chasteau (C.N.N., c.1456-1467, 454). Rifflart, on doit garder l'usaige. Se tu veult, trop bien t'aprendray La maniere comment je voy, Quant je vueil aller à confesse (C. Riffl., c.1480-1520, 58).

 

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À l'usage de. "Selon la tradition, la coutume de" : Nous yrons diner chiez le page, Qui le nous fera a l'usage De son pais. (Mir. st Panth., 1364, 325).

 

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D'usage. "De tradition" : Adont s'est Foy en piez drecie Comme sage et bien adrecie De droit, de coustume et d'usage ; S'a dit : "Guillaume, le musage Avez bien paié ci endroit, Par dehors la voie de droit, Au mains en aucune partie..." (MACH., J. R. Nav., 1349, 216). Car au partir de vous en droit servage Laissai mon cuer en vostre compaignie, Comme vos sers qui de droit et d'usage Le doy faire, sans penser villonnie. (MACH., L. dames, 1377, 36). Jusqu'a l'eglise en ce point fut conduyt Ainsi qu'il est de coustume et d'usaige (LA VIGNE, V.N., p.1495, 202).

 

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Par usage. "Par tradition, traditionnellement" : Je suis comparez a la mort, Car je pren le foible et le fort, Que nuls ne m'en puet eschaper, Qu'il ne le couveingne passer Par mes las ou par mi mes mains. Mais de cela soiez certeins Que j'y ay un bel avantage, Que j'ay par droit et par usage ; Car adès pren je li premiers, Et de ce suis je coustumiers, Et puis la mort si prent après Sans riens espargnier loin ne près. (MACH., D. verg., a.1340, 24). Ces Escos portent haces par usage, dont il donnent et frapent trop biaus horions (FROISS., Chron. D., p.1400, 781). Car avant n'estoit q'un lengage, C'estoit hebrieu, que par usage Et par nature Juïfs parlent (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 154). Et combien aussi que la congnoissance des testamens seulement doit appartenir a la court ecclesiastique, et au roy, par usaige, et non a aultre, toutevoye les gens du roy seuffrent que les aultres justiciers et officiers lays en congnoissent comme le roy (JUV. URS., Verba, 1452, 380).

 

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Selon l'usage : ...et par ce n'avoient lesdiz compaignons aucun droit ne auctorité de en prendre ne en emporter [du bois], ains estoient admendables envers ledit seigneur de Monstereul Bonin et leurdiz charrète et beufs confisquez à ladicte seigneurie et chastellenie par et selon l'usaige et coustume qu'on garde en icelle seigneurie et chastellenie et que de toute ancienneté on y a gardée (Doc. Poitou G., t.12, 1483, 596). ...Pour recevoir un grant roy par honneur, Selon l'usaige du pays et la guyse (LA VIGNE, V.N., p.1495, 159).

 

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Commun usage. "Pratique habituelle" : Vous savez, c'est ung commun usaige, que nul ne paie voulentiers ne sacque argent hors de sa bourse, tant comme il le puist amender. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 24).

 

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"Tradition" : ...disons plainement, ainsy comme le dit et tient le commun usaige, que le benoilz Filz de Dieu de sa propre, bonne et france voulenté il s'est offert au Pere, car il a ainsi voulu sans contraintte. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 250). C'estoit ung Pline ou Arquias le saige, Maistre de Tulle comme en escript on voit, Ung Tibulle qui matieres trouvoit Tresnouvelles, hors de commun usaige (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 171).

 

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De commun usage. "De pratique habituelle, de tradition" : Je me recorde avoir oÿ dire a mon hoste de Plaisence, qui estoit de tous costéz noble de sanc et moult sage selon le monde et qui craignoit Dieu, que c'estoit chose sollempnelle et de commun usage es citéz d' Ytalie que, tant que il aiment pais et gardent justice et se tiennent de parjurer, il sont en si grant joie et franchise et pais qu'il n'est rien en ce monde qui leur repos oste ou appetice ou leur trouble en quelconque maniere, mais touz asseurs sont jour et nuit. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 80). Si est la response pour ce que nous supposons que ja elle en soit bien, si que il apertient a princepce a estre, et que c'est plus de commun usage que les barons et nobles elle frequente. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 66).

B. -

Au plur. "Ensemble des pratiques d'un groupe social donné, coutumes" : Alez avant en vostre plait, Guillaume, par voie deüe, Sans naturel descouvenue. S'ensieuez d'avis les usages, Par mon los, si ferez que sages. (MACH., J. R. Nav., 1349, 212). Dit aussi qu'elle est povre femme seulle, desnuée de sondit mary, laquelle l'espousa en la ville d'Avignon, IIIJ ans a passé et plus, non sachant les usages de la ville de Paris (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 42). Tenir se doit simplement d'abit et d'atour selon les usages des païs ou elle est (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 89). Soit toute enseignee et aprise des usages, drois et coustumes du lieu (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 150).

 

Rem. Sur la différence entre usage "pratique habituelle" et coutume "contrainte que cette pratique impose", cf. J. Gilissen, La Coutume, Brepols, Turnhout, 1982, 24.
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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