C.N.R.S.
 
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     TROP     
FEW XVII thorp
TROP, quantif.
[T-L : trop ; GD : trop ; GDC : trop ; AND : trop ; FEW XVII, 395b : thorp ; TLF : XVI, 669b : trop]

I. -

Adv.

A. -

[Idée d'excès] "À l'excès, trop"

 

1.

Trop + adj. : ...et que ycelle grange, pour ce que elle estoit trop petite et trop feble et vielle et que les diz religieus n'y povoient pas bien mettre toutes leurs dittes dismes ne garder y ycelles seurement ne sauvement, les diz religieus... (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1330, 24). Car ly fruis est en son venir Trop durs et amerz a sentir (Dit prunier B., c.1330-1350, 41). Lors descendy du cheval, pour ce que il ne feist trop grans escroiz... (ARRAS, c.1392-1393, 6). Tu m'as demandé ung point et passaige qui m'est troup difficile a octroyer (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 6).

 

-

Trop + adj. ... pour : ...vous (...) estes trop grant pour estre paige (LA SALE, J.S., 1456, 65).

 

-

Ne... pas trop + adj. "Pas assez" : ... belle niepce, sachiez que vous n'estes pas trop bonne pour avoir si noble homme a mary comme Regnault de Lusegnen... (ARRAS, c.1392-1393, 189).

 

-

Par trop + adj. : ...il seroit par trop lait a voir En son visage (Mir. ev. arced., c.1341, 116). Moult sont les choses fortunees De ce monde par trop muables (Gris., 1395, 85).

 

.

Trop par est + adj. : Trop par est fiére. (Mir. mère pape, c.1355, 396).

 

-

Un peu trop + adj. : Se je me plains, dame, j'ai bien de quoi, Car vo regart me sont un peu trop fier : Adouchiés les, quant les jettés sur moi. (FROISS., Rond. B., c.1365-1394, 82).

 

2.

Trop + adv. : Vous en avez trop tost parlé, Dame : cest enfes cy est miens. (Mir. enf. diable, c.1339, 13). Car cils de s'onneur trop dechiet Qui par trop folement parler, Ou par mauvaisement celer, Ou par sa hastiveté pert La joie et le bien qu'il dessert. (MACH., D. verg., a.1340, 46). ...je fais muser la hors Mes deux sereurs trop longuement (Mir. abbeesse, 1340, 66).

 

-

Trop peu. V. peu

 

-

Trop tard. V. tard

 

-

De trop près. V. près

 

3.

Trop + verbe : Quar trop envers li mesprenoit Si nel vouloit plus consentir. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 82). Car j'aroie trop a souffrir De vous, s'il le me retoloit (Mir. enf. diable, c.1339, 16). Car travillier Le volez trop, et dou tout essillier. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 129). ...les un parlent trop, les autres parlent peu. (ORESME, E.A.C., c.1370, 266). ... pardonnez moy l'injure et la vilenie que j'ay fait envers vous, car certes j'ay trop mesprins... (ARRAS, c.1392-1393, 25). Je parle trop, et me tais a grant paine (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 156).

 

-

Par trop + verbe : Par trop vous estes subvertie De ce grant dueil que vous portés. (Vig. Trib., c.1480, 227).

 

-

Un peu trop + verbe : ...messire Anguerrant, pour la fureur de son destrier froiz, haulsa un peu trop sa lance (LA SALE, J.S., 1456, 118).

 

-

Ne... pas trop : ... il a ung oeil plus haut que l'autre un pou, et ne lui messiet pas trop. (ARRAS, c.1392-1393, 97).

 

-

En faire trop : ...car quant les mariz voyent qu'elles discontinuent leurs services et montent en dominacion, et qu'elles en font trop, et que du souffrir mal en pourroit bien venir, elles sont a ung coup, par la voulenté du droit de leurs mariz, tresbuchees comme fut Lucifer qui estoit souverain des anges de Paradiz, et lequel Nostre Seigneur ayma tant qu'il tollera et luy souffry moult de ses voulentez, et il s'enorguilly et monta en oultrecuidance. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 104).

 

-

(Ne) ... que trop : Et tant demora a venir en Bretagne et a demander son droit que trop, car li contes de Montfort se fortefia tant en toutes manieres et acquist tant d'amis que trop forte cose euist esté a bouter hors de sa posession, car trop vault la condition dou premier posessant (FROISS., Chron. D., p.1400, 474). Ce vaillant roy Philippe Auguste, dit Dieu donné ou le Conquerant, aprez les conquestes que il eut faictes et victoires obtenues, fonda l'abbaye de La Victoire emprez Senlis ; je ne veulx pas dire que le faciez, car il n'en y a que trop, mais advisez une aultre chose que il ordonna, c'est assavoir argent pour reparer et mettre sus les esglises qui avoient esté destruittes durant sa guerre. (JUV. URS., Verba, 1452, 198).

 

-

[En lien avec l'idée de conséquence] "Trop pour qu'il en soit autrement" : Et tant demora a venir en Bretagne et a demander son droit que trop, car li contes de Montfort se fortefia tant en toutes manieres et acquist tant d'amis que trop forte cose euist esté a bouter hors de sa posession, car trop vault la condition dou premier posessant [trop pour qu'on en tire une conséquence autre que ce qui est] (FROISS., Chron. D., p.1400, 474). Et quant Sedicion eust finé saditte parole elle se despartist d' Angleterre et vint a France, qui estoit en ung petit logis a part oudit carrefour estoit logee, et la salua. Et quant France la vit elle fut moult espoventee ; elle la cognoissoit trop, car par Sedicion estoit elle ainsy desolee et destruite (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 219).

 

-

[Avec un inf. subst.] Le trop manger. V. manger

 

-

[Dans le temps] "Plus longtemps qu'il ne faudrait" : ...trop avez dormy (Mir. abbeesse, 1340, 75). ... se vous promettez aucune chose, ne la faictes pas trop attendre, car longue attente estaint moult la vertu de don. (ARRAS, c.1392-1393, 85). Or est temps d'esveillier ceste mastinaille, qui ont trop dormy. (ARRAS, c.1392-1393, 228).

 

4.

[Dét.] Trop de + subst. sing. ou plur. : Il avoient trop de meschié (MACH., D. Lyon, 1342, 210). Et dit trop de grosses injures (Mir. st Guill., c.1347, 23). ...le roy Absalon l'avoit fait pendre comme traïstre desloial qui m'avoit fait trop de honte et de maulx (Bérinus, I, c.1350-1370, 334). Et bien besongna a Bietune que droite gens d'armes i fuissent et entendesissent a euls, car par trop de fois, la ville euist esté prise, se lor bonne pourveance et diligense n'euist esté (FROISS., Chron. D., p.1400, 796). Ont aussi esté trop de gens mors es prisons de Chastellet en cest yver, qui avoient esté priz, tant à la besoigne qui fu à Saint Cloud environ la Saint Martin, que ailleurs et à Paris, souspeçonnez et attains d' avoir esté du cousté desdis enfans d'Orleans, desquelx pluseurs l'en laissoit morir de fain (BAYE, II, 1411-1417, 85).

 

-

[Sans de] Trop + subst. : ... ilz orent trop vaisseaux et pou de gent... (ARRAS, c.1392-1393, 130).

B. -

P. ext.

 

1.

[Avec une valeur superlative] "Très"

 

a)

Trop + adj. : Et s'y ot on de trop boins mos. (Dit prunier B., c.1330-1350, 51).

 

b)

Trop + adv. : Et cel Vaudeis en son vergier Trop volentiers se delitoit Et souvente foiz visitoit Son gardinier en son repaire Pour voier comme il savoit faire Le mestier ou commis estoit. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 114). Remondin (...) estoit trop durement beaulx et gracieux... (ARRAS, c.1392-1393, 15).

 

-

Trop bien : ... bataille n'ay je pas eue, mais j'ay trop bien esté batuz... (ARRAS, c.1392-1393, 306).

 

-

Trop forment bien : ...bien XL.. mille estoient, Trop forment bien appareilliez. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 81).

 

2.

[Construit avec un adv. compar.]

 

-

Trop mieux. "Beaucoup mieux" : Tu ez niches et negligens, Sy vaut mieux en escuerie Faire niceté ou folie Qu'en chevalerie, c'est cler, Car on le poeut trop mieux celer. (Dit prunier B., c.1330-1350, 70). Gent de malvaise conscïence Se deulent mains corporelment Et du monde communelment Joïssent trop mielx que les dignes. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 94). J'ayme trop mieulx a mourir que de souffrir ainsi martirier ma gent. (ARRAS, c.1392-1393, 162). Trop mieulx leur fust en pacience Eulx estre tenuz a Orleans, Que avoir monstré leur vaillance A antre nous icy devant. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 345).

 

-

Trop plus. "Beaucoup plus" : ...trop plus aroit a faire A ung nice coquart atraire Qu'a ung honme sage et courtois (Dit prunier B., c.1330-1350, 52). Trop plus magres estes, beau sire, Que n'estiez quant premierz vous vy ! (Dit prunier B., c.1330-1350, 67). Tu dis trop plus que tu ne sces ! Dame, bien savés jargonner ; L'en ne puet un seul mot sonner Devant vous en ce consistoire. (Myst. Adv. N.D. R., c.1360-1365, 65). ... ma doulce amour, vous avez trop plus fait pour moy que je n'ay pour vous... (ARRAS, c.1392-1393, 192). Mais il me fault premierement Avoir cordes ung grant fardeaul, Car il nous sera trop plus beaul Que ce qu'en soyons desgarniz. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 72).

 

.

Trop plus que tant. "Plus que tout" : RONDEL. Dame, par qui grace et merci Acquiérent li cuer repentant, Qui vraiement sont lamentant Des deffaultes qu'il ont fait ci, Puis qu'a vous en sont dementant, Dame, par qui grace et merci Acquiérent li cuer repentant, Nous savons bien qu'il est ainsi, Ne nulz n'en doit estre doubtant ; Car vous pouez troplus que tant, Dame, par qui grace et merci Acquiérent li cuer repentant Qui vraiement sont lamentant. (Mir. st Val., c.1367, 135).

II. -

[Nominal ; idée d'excès] "Une quantité excessive de choses ou de personnes"

A. -

[Dans des loc. verbales]

 

-

Estre trop. "Être en nombre excessif" : Ne sommes pas trop, ce me semble, Pour le garder. (Mir. fille roy, c.1379, 29). ... nous eussions, entre nous quatre, admené de gens assez, combien que nous ne sommes que trop. (ARRAS, c.1392-1393, 283). Et ce vient par ce qu'ilz sont trop, et y en a nombre excessif de ordinaires que extraordinaires (JUV. URS., Nescio, 1445, 529).

 

.

C'est trop. "C'est excessif en quantité, en importance..." : Mais on dit - et c'est veritez - Qu'adès les deus extermitez, C'est trop et po. (MACH., J. R. Nav., 1349, 237). ...et vous aurez VIII rasieres (...). - J' en suis content, dit il, mais, par ma foy, c'est trop, ad ce que le blé est cher. (C.N.N., c.1456-1467, 291). PATHELIN. (...) Vingt et quattre solz ? Saincte Dame ! LE DRAPPIER. Il le m'a cousté, par cest' ame ! [ Autant ] m'en fault, se vous l'avés. PATHELIN. Dea, c'est trop ! (Path. D., c.1456-1469, 70).

 

-

Mettre trop. "Mettre trop de temps, perdre son temps" : ... S'il en est nouvelles quelxconques, Dictes m'en, vous y mettez trop. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 987).

 

Rem. Déf. proposée par J. Dufournet, R. Lang. rom. 91-2, 1987, 329.

B. -

De trop

 

1.

"À l'excès, de manière excessive" : Et je ne di mie qu'il ne naissent aucuns plus tost et aucuns plus tart de trop, selon ce que les causes et raisons y sont, mais je parle comunement, et aussi fais je des autres choses. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 60). Et pour ce ycelz Marle et Boschet rappellez, fu dit par ledit monseigneur le Chancellier que, attendu que ledit Boschet estoit bien aagiez et foible et maladiz, et ledit Marle fort et laborieuz, si estoit esleu par la plus grant partie de trop, nonobstant que toute la Court eust moult pour recommendée la personne dudit Boschet, attendue ses suffisances de science, de vertus et autres graces dudit Boschet, pour quoy seroit recommendez au Roy à ce que en autre maniere l'eust pour recommendé. (BAYE, I, 1400-1410, 64). ...car la chose publique n'en vaudroit pas mielx mais piz de trop (JUV. URS., Loquar, 1440, 380). Mais combien qu'il fust bien sage, il s'abusoit de trop. (C.N.N., c.1456-1467, 279).

 

-

Num. + subst. + (de) trop : Faulte de bon conseil, les feït sejourner une nuyt trop, où ilz furent assiegéz et prins d'assault (COMM., II, 1489-1491, 268).

 

2.

P. ext. [Avec une valeur superlative] "Considérablement" : Car, sans nulle doubte, le roy en sens le passoit de trop, et la fin l'a montré par ses oeuvres. (COMM., I, 1489-1491, 189).

 

-

[Dans une comparaison] "De beaucoup" : Et les Englois n'avoient point trop grande affection a la bataille, car il ne se veoient point tant de gens d'armes de trop que li François estoient (FROISS., Chron. D., p.1400, 591). Cedit jour, a esté le Chancellier ceans et a esté faicte election par voie de scrutine ou lieu de maistre J. Juvenel, nagueres advocat du Roy, et à present chancellier de Guienne, et a eu plus de voix de trop maistre Guillaume Le Tur, et pour ce m'a esté commandée sa lettre par monseigneur le Chancellier dessusdit. (BAYE, II, 1411-1417, 137). ...je ne dy mie que vous devez arrester, car vous avez de trop et plus notable conseil que n'est le mien. (JUV. URS., Loquar, 1440, 371).

III. -

Empl. subst. Le trop. "L'excès" : Et encore la coutume de bonnes choses, se elle chiet sur le trop, elle devient mauvaise. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 74). Et en parlant pensez que riens ne ysse qui ne doye yssir, et que la bride soit devant les dens pour refraindre le trop. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 105). Et pour ce, qui bien en toutes choses veult cheminer et faire bonnes oeuvres couvient que soit par discrection, laquelle est moienne entre le pou et le trop. (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 35). Ainsi le trop qui va d'une part n'a point de contrepois, si ne peut la balance soy tenir droicte ne la mesure estre gardee. (CHART., Q. inv., 1422, 51).

 

-

C'est sur le trop. "C'est excessif" : Les assiectes et metz s'ensuivent: garnache, deux quartes (c'est a deux personnes une choppine ; maiz c'est sur le trop, car il souffist a troiz une choppine, et que les seconds en ayent) (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 183).
 

DMF 2020 - Synthèse de mot grammatical Robert Martin

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