C.N.R.S.
 
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     TONDRE     
FEW XIII-2 tondere
TONDRE, verbe
[T-L : tondre1 ; GDC : tondre ; DÉCT : tondre ; FEW XIII-2, 24b : tondere ; TLF : XVI, 318b : tondre]

Empl. trans.

A. -

Tondre qqn / la tête

 

1.

"Couper les cheveux à qqn, le raser" : Adonc cil unes forces prist Et pres de li venir en fist Aucuns que tantost tondu a (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 27). Il s'en vint devant le seneschal, tout sifflant et sa massue paumoiant entour son chief tondu en croix, piez nuz et mauvaisement vestuz (Bérinus, I, c.1350-1370, 90). Sanson li fors qui tant par ot vertu, Qui par raison deust bien femme assouir, Ne fu il pas par Dalila tondu Qui tant fut chaude qu'il l'en covint fouir. (MACH., App., 1377, 644). Ne quier veoir la biauté d'Absalon Ne d'Ulixès le sens et la faconde, Ne esprouver la force de Sanson, Ne regarder que Dalila le tonde, Ne cure n'ay par nul tour Des yeux Argus ne de joie gringnour, Car pour plaisance et sanz ayde d'ame Je voy assez, puis que je voy ma dame. (MACH., Bal., 1377, 560). Les forces emprés que voyez, Sont celles, tout seur en soyez, Dont Sanson eut rongné le chief De quoy puis morut a meschief, Car tant desprisoit par sa force Amours, que puis tondu a force Fut par Dalida faulcement (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 164).

 

-

Se faire tondre la teste. "Se faire couper les cheveux courts" : Mais je vous diray que ferons Et comment nous gouvernerons. Toutes nous ferons tondre en somme Les testes, et puis d'abis d'omme Nous vestirons ; En ce point les visiterons [les prisonniers], Et nul ne s'en prandra ja garde. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 136).

 

-

Part. passé en empl. subst. : Je donne autant des rez que des tondus : Car quant courroux me frapa ou hëaulme, Tel coup senti de sa cruelle paulme Que mieulx me fust avoir esté pendus. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 13).

 

2.

[Comme marque de dégradation (on tond les cheveux des condamnés, des fous...)]

 

a)

Au propre : (Se) forcilliez et tondus estes (Aus) si com folz dessus les testes... (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 27). Et assez tost lui furent les forces apportees, sy fist tondre ses cheveux et sa barbe en guise de fol, si que tuit cil qui le veoient en faisoient grant risee, combien qu'il fussent a meschief. (Bérinus, I, c.1350-1370, 75). Se le fenme, dist il, n'est veulee, elle soit tondue (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 383). Car nulz ne doit estre tenuz pour sage Qui femme croit se ce n'est sur bon gage. Je l'aperçoy à ce que deceü En ay esté pour croire le parler De celle qui m'a comme fol tondu Fait longuement en son regart muser Et m'a apris c'on ne doit pas cuidier Et que faillir doit celui par usage Qui femme croit se ce n'est sur bon gage. (MACH., App., 1377, 641). Le roy commanda que on l'ostat hors de devant lui et qu'il fust tondu et merqué comme fol et sot et mené parmy Paris en cel estat (Chron. Valois L., c.1377-1397, 258).

 

Rem. Cf. DU CANGE, Capillorum detonsio, II, 107.

 

-

[Comme terme de dérision] Tondu. "Fou" : Alés sire evesque tondu, C'on vous puisse desglavïer ! Vous deussiéz les gens advoyer, Et vous ne sçavés que vous dictes. Vous estes ung faulx ypocritte Et se n'a en vous sans ne lectre, Et Dieu avés fait a mort mectre. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 229).

 

-

[Dans une formule d'affirmation forte] Je veux qu'on me tonde/Je suis content qu'on me tonde/Tondez moi. "J'accepte d'être tenu pour fou (si...)" : PREMIER BERGIER. He ! sire, je vueil qu'on me tonde Se vous n'estes un fol cornart, Qui par ce cuidiez avoir part En honneur plus que je n'aray. (Gris., 1395, 46). Pour ce, je vueil comme fol qu'on me tonde Se plus pense, quoy que voye a venir, Qu'a vivre bien et bonne fin querir (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 378). ...si j' en desmarche, je veil qu'on me tonde en croix (C.N.N., c.1456-1467, 519). Vanter ? Il n'en a talent. Il s'en reva la coue au cul, (...) tondés moy s'il nen ["en"] sonne mot. (Pipée R., c.1470-1480, 206). Si s'en scet maintenant fouÿr, Je suis content que l'en me tonde. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 709). EMPEREUR. Or que l'on commande Au portier de fermer la porte, Car, affin que bien l'on m'entende, Certain suis que rien ne m'aporte. PREMIER. S'il parle a vous et il n'emporte De voz biens, je veulx qu'on me tonde ! SECOND CONSEILLIER. De l'avoir fault qu'on se depporte ; C'est le plus grant bigot du monde. (LA VIGNE, S.M., 1496, 502).

 

Rem. Cf. DI STEF., 841c.

 

b)

Au fig. "Humilier, abaisser, anéantir qqn" : Car sans faute, ce qu'elle [Fortune] fait Moult soudeinnement le deffait, Car en li n'a estableté, Amour, pité, ne fermeté, Einsois est toudis sa coustume Que ceaus qu'elle fait tonde et plume Et sousmette en subjection Tele come a destruction. (MACH., R. Fort., c.1341, 33). En un chastel s'alla respondre, Car Fortune le vouloit tondre Et rongner du tout (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 13).

 

3.

"Pratiquer sur qqn la tonsure cléricale" : Ilz veulent qu'om le face tondre, Comme un clerc ou bien comme un prestre (DESCH., M.M., c.1385-1403, 264). ...il avoit veu et diligemment visité le signe de tonsure que ledit prisonnier avoit sur sa teste, lequel n'avoit point esté rez ou tondus par main de barbier (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 204).

 

-

Haut tondu. "Tonsuré" : Seigneurs, je vueil c'on me voit querre Ce hault tondu maleureux [saint Laurent ; à moins qu'il ne s'agisse plutôt de "tondu haut" (nuque et cou dégagés) comme le suggère, pour d'autres ex., Mario Roques (Romania 42, 1913, 142)]. (Mir. st Lor., 1380, 172).

B. -

Tondre un animal

 

1.

"Couper à ras le pelage d'un animal" : ...1 roucin, tondu à moitié, sor bay (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1359-1360, 252). ...et passasmes le flun du Nil atout .IV. asnes tondus, beaux et grans, pour aler veoir les greniers Pharaon qui sont quatre lieues oultre Babiloine d'aultre part le Nil. (Voy. Jérus., c.1395, 65).

 

2.

En partic. [Le pelage des brebis] : Les brebiz fault tondre (DESCH., M.M., c.1385-1403, 62). La laine des brebis tondoit, Esau les peulz arrechoit Inutiles des sauvagines (DESCH., M.M., c.1385-1403, 223). A bon pastour apartient ses berbis tondre et non mie escorchier. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 69-70).

 

-

Prov. : ... une toison d'une annee est plus prouffitable que celle qui est tondue trois foiz. (ARRAS, c.1392-1393, 86).

 

-

Empl. abs. : De ceste main si taille et tont Quë au taillier j'esrache et ront, Et au tondre et au forcellier J'escorche tout sans riens laissier (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 294).

 

-

[Cont. métaph.] : Les pauvres brebiz chetives et toutes affames de leur[s] pasteur[s] tondues, et escorchees et reses de l'une part et de l'autre du scisme, pour le zel de l'eglise leur mere et desir qu'ilz ont de l'union d'icelle, se combatent ensemble, cuidans bien faire chacun de sa part. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 354). Il respondist que son interest estoit et est a la chose publique d'avoir subgés riches, et que il n'estoit pas tousjours temps de brebis tondre, et quant on les tonderoit il vouloit que ce feust si hault audessus de la peau et que il demourast assés layne pour leur aider et conforter (JUV. URS., Verba, 1452, 271). D'une part vous et vos officiers les non mye seulement tondez mais escorchez, en leur ostant layne, peau, char et sanc jusques aux os, et ce petit qui demeure pour ronger, les pasteurs ecclesiastiques le suschent et emportent la mouelle (JUV. URS., Verba, 1452, 393).

C. -

DRAP. Tondre les draps. "Couper les poils des draps pour égaliser la surface" : ...10 aunes et demie d'un blanc lonc, de Broixelles, moillié et tondu, à faire pour le Roy 2 cotes sengles et un seurcot (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1352, 84). Jehan de Beauvez, tondeur, pour tondre, mouiller et retondre les diz bureaux (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1380-1381, 98). ...fu attaint et fait venir Jehannin de Pois, prisonnier detenu oudit Chastellet, pour souspeçon d'avoir mal prins et emblé un certain drap escru, mouillié, et à tondre et retraire, de couleur de tenné, contenant environ XVJ aulnes (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 172). Requis quantes aulnes de blanchet il a oudit fardel, et s'il est tondu et prest, dist et par serement qu'il ne scet pas proprement quantes aulnes il y a, ne s'il est prest ou non (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 275). ...à Jehan Bernard, baillé VII gros, tant pour avoir fait tondre le drap de la robe et hocqueton du contremaistre de la nef de monseigneur, que pour ruban de soys pour faire des croix de Jérusalem audit hocqueton (Comptes roi René A., t.1, 1478, 174).
 

DMF 2020 - Synthèse des lexiques Robert Martin

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