C.N.R.S.
 
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     TEMPÊTER     
FEW XIII-1 *tempesta
TEMPESTER, verbe
[T-L : tempester ; GD : tempester ; GDC : tempester ; DÉCT : tempester ; FEW XIII-1, 178a : *tempesta ; TLF : XVI, 36b : tempêter]

A. -

Au propre

 

1.

Empl. intrans. [De la tempête, de la mer, du vent...] "Être tempétueux" : Et si avoit de bons courciers, Plus tost courans que nuls chevaus, Pour courir les mons et les vaux, Si comme l'onde se demeinne De la mer, quant li vens la meinne, Et la tourble et fait tempester, Si qu'on ne la puet arrester. (MACH., P. Alex., p.1369, 58).

 

Rem. GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 11421.

 

2.

Empl. trans. [De Dieu, de Jupiter, de Fortune...] "Infliger la tempête à" : Car Fortune, qui les tasta, Si durement les tempesta Que de leur vie pou d'espoir Orent ; souvent de leur avoir Perdirent moult, et nefs et gens (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 171). ...mais le dieu Jupiter, oyant les clameurs des creatures par lui offensées, en parfin le bouy fouldroia et tempesta cellui fol qui entremis s'estoit par arrogance d'autrui ensonniement et de ce qu'à lui n'appartenoit (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 81). C'est merveillez que Dieux et le Vierge Marie Ne vous font tempester des fourdre resongnie. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 687).

 

-

[Du vent] : Quant il a vent qui le tempeste [l'arbre]... (Paraboles Maistre Alain H., 1493, 94).

 

-

[Cont. métaph.] : L'un mueurt par un cas d'accident, L'autre muert par un incident Du mangier chose qui lui nuit, L'un muert de jour, l'autre de nuit, L'un muert juene, l'autre vieillart, L'un est pandu et l'autre s'art, Li autres est decapitez : Ainsi par ce flum tempestez Sont les cuers de ceuls qui s'aerdent Aux biens mondains, et tous les perdent. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 208).

B. -

P. anal.

 

1.

Empl. intrans. ou pronom.

 

a)

[D'une pers. ou d'une chose] "Faire du bruit, s'agiter, hurler" : Il rechigne, il tempeste, pos et henas reverse, Et par mi son celier va et vient et traverse, Comme tous forsenez, quant son service exerce ; Et respont à chascun toudis à la traverse, Comme homs plus eschaufés c'un verras que l'en berse. (MACH., Compl., 1340-1377, 266). Ilz vinrent en son hostel de Corasse, là où il se dormoit en son lit dalez sa femme, messagiers invisibles qui commencièrent à buchier et à tempester (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 174). En son lit plus ne sejourna Li roys et moult tost s'atourna, Pour venir veoir que c'estoit, Qui si tres fort la tempestoit. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 300). SATHAN. (...) Et tous les jours nous t'amenons Tant de muldriés et de larrons Sy que ne cessons jour ne nuit De tempester et mesner bruit, Ou faire muldre et desrober, Ou par trahir, autre gaber, Ou par barat ou tricherie (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 109). ...lequel (...) commença a crier et a tempester dedans la maison (TARDIF, Facéties Pogge D.H.-P., c.1490, 104).

 

b)

[D'une pers.]

 

-

Se tempester. "S'agiter frénétiquement" : PRINCE ["Lucifer"]. (...) (Il crie et se tempeste et ne disent encore mot les aultres deables.) Ou estes vous, traistres, villains mastins ? Que faictes vous, detestables mutins ? Quoi ? Dormez vous maintenant ? Qu'esse cy ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 137).

 

-

"S'agiter furieusement, manifester violemment sa colère" : JOSCET. Tu ne diz mie quelz presens Ly porterons. GUIOT. Raffardes que nous li dirons Et moqueries. JOSCET. Alons men, mais que tu ne ries : Tu le verras ja tempester. (Mir. st Alexis, 1382, 347). ...plus l'en parloit on, et plus s'en tempestoit. (WAUQUELIN, Manequine C.T., a.1448, 161). Vrayement ilz ont bien tempesté, Je croy qu'ilz ont le cueur dehait. (Rapp., c.1480, 60). Et s'il advient que ung seul mot D'aventure ysse de mes dens, Vous direz qu'elle est hors du sens : Elle jure, elle tempeste, Elle me gecte a la teste Tout ce qu'elle treuve en sa voye. (P. Jouh. D.R., a.1488, 39).

 

Rem. DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 80 ; Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], gloss.

 

.

Part. passé : ...comment ils sont tempesté, Pour les tempestans rebouter (Pastor. B., c.1422-1425, 140).

 

-

Se tempester à qqc. "S'opposer, résister de toutes ses forces à qqc." : Prince, il fault que m'umilie Plus ne m'y puis tempester. Amours trop me contralie, Pouoir n'ay de m'en oster. (CHR. PIZ., Cent ball. amant dame C., c.1409-1410, 53-54).

 

2.

Empl. trans. Tempester qqn/qqc.

 

a)

"Frapper, malmener" : Certes, sire, c'est pour le corps L'evesque qu'avons cy trouvé. Veez com le vis a tempesté De grant martire. (Mir. ev. arced., c.1341, 115). L'en commende au peuple soy courir sus l'un a l'autre et de heurter et tribouler le monde et tempester (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 322). Je suis de tous le plus petit Et ay esté en angleterre Ou j'ay fait fere tant de guerre De tempter et tampester terre Que le tiers de toutes les gens Je les feray venir ceans Et les mettrons en la chaudiere (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 98). Icy la batent et tempestent toute, puis elle s'en fuyt en enffer. (LA VIGNE, S.M., 1496, 482).

 

Rem. GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 10955 ; 11949. GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 4557 ; Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 40/221...

 

-

Tempester un animal : On ne peut abrever deument Les chevaulx en les tempestant, Traicter les fault moderément Pour boire, non pas en batant (Paraboles Maistre Alain H., 1493, 90).

 

-

En partic. "Frapper par l'artillerie" : ...aprés disner les canonniers et bombardiers saichant le roy ou il estoit, et qu'il les povoit veoir et adviser, se parforcerent si tres depiteusement a tirer et tempester la dicte place du Chasteau Neuf (...) que environ trois heures aprés disner, ceulx de dedens voyans l'enorme baterie qu'on leur faisoit de toutes pars, le roy en propre personne illecques present, furent contrains de rechief a parlementer (LA VIGNE, V.N., p.1495, 252).

 

b)

"Malmener qqn ou qqc., le mettre en danger, le secouer violemment" : ...elle [la Vierge] doit bien estre loée : Car la tempeste a tempestée, Dont nous estions tuit tempesté ; D'iver nous a mis en esté. (Mir. emp. Julien, 1351, 202). Mais il sera en tel parti, Einsois qu'il soit prime de jour, Qu'il n'ot onques si grant paour ; Qu'en mer leva une tempeste Qui toute l'esmuet et tempeste, Et qu'il n'i ot voile ne mast Que la tempeste ne tumast. (MACH., P. Alex., p.1369, 113). Cil bon chevalier... furent tant et si dur tempesté de mer que onques gens sans mort ne furent en plus dangier ne peril (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 135). ...l'anemi qui te tempeste (THOMAS MAILLET, Prov. Alain H., c.1375-1400, 90). Jupiter estoit figurés a la semblance d'un noble roy (...) et a l'autre main dextre il gettoit foudre aval et toutes manieres de tempestes, de quoy il tempestoit et foudroit les gayans ["géants"] de la terre (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 76). LUCIFER. (...) Je vueilz que tout leur laboraige Soit tempesté, ou par oraige, Ou par gresle, ou par gelée, Ou par fouldre ensemble meslée. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 7).

 

-

Part. prés. en empl. subst. : ...comment ils sont tempesté, Pour les tempestans rebouter (Pastor. B., c.1422-1425, 140).

 

c)

"Ruiner, détruire qqn ou qqc. (au propre ou au fig.)" : ...Et quant plus sont puissamment riche, Tant sont il plus aver et chiche ; Qu'avarice ardant qui d'euls vist, Com plus vivent, plus rajonnist. Et de ce la vient la tempeste Qui destruit le monde et tempeste, Les merveilles et les fortunes Qui au jour d'ui sont si communes Qu'on n'oit de nulle part nouvelle Qui soit aggreable ne belle (MACH., J. R. Nav., 1349, 140). ...elle [la Vierge] doit bien estre loée : Car la tempeste a tempestée, Dont nous estions tuit tempesté ; D'iver nous a mis en esté. (Mir. emp. Julien, 1351, 202). Quant li messagier l'entendirent Moult humblement le requeïrent Qu'il vosist laissier ceste armée, Et qu'elle fust contremandée, Car leur gent, qui sont arresté, Seroient mort et tempesté Des Sarrasins, sans nul respit, S'on leur faisoit aucun despit. (MACH., P. Alex., p.1369, 119). Et par ceste manière peut-on juger clèrement qu'il y a aucuns de voz serviteurs et officiers qui sont participans et acompaignez desdiz frais et usures illicites. Et par ainsi n'avez vous jamais croix, et sont lesdiz offices et receptes povres et obligez et tempestez. (Doc. 1412. In : MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2 c.1425-1440, 316).

 

Rem. DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 6.

 

d)

[D'une pers. ou d'une chose] Tempester qqn. "Tourmenter qqn, le mettre à mal (au propre ou au fig.)" : Sire, l'ame me soit randue ! Sire, que j'an ay cy grant joie ! Je la tourneray en la roye, Je la mectray ou puis d'enfert, Je la vous lïeray de fert, En gresle, en froidure, en tempeste, Je ly feray trop male feste, Je la tempesteray forment, Que trop de fois m'a fait torment Et hors des corps des gens chacié. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 237). Et se d'aventure ung bon evesque qui trouverra son esglise fort grevee et blessee procede a fulminer sentences, ainsi que il peut de raison, et mettre se mestier est interdis, luy et ses subgetz par diverses manieres seront tempestez, grevez et oppressez (JUV. URS., Nescio, 1445, 500). Et se le juge ecclesiastique congnoist d'une action reelle il sera bien tempesté, et toutevoye la jurisdiction laye congnoisterra leurs difficultez d'ung homme d'esglise deffendeur, soit cardinal, arcevesque ou evesque, en action pure personnelle, c'est assavoir s'il est obligié de sa cedulle signee de son seing manuel, a garnir la main se il le congnoist, et sera contrainct a proposer ses deffenses, ou il sera condempné par le juge lay (JUV. URS., Nescio, 1445, 502). LUCIFER. Avant, mesgnie malereuse ! Dyables d'enfer, que faictes vous ? Allez vous en sur mer trestous Tempesté ces gens qui s'en vont, Et les me rués ou parfond De la mer, sans riens esparnier ; N'y laissez nefz ne marinier, Que tout n'aille a perdicion Par vostre art et destruccion (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 179). ...la vielle estoit toute impaciente d'avoir le jeusne gallant, povre compaignon qui la tempesteroit a l'aventure et lui donroit dur temps en despendant le sien (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 231). SATHAN. Se je puis, [le chrétien] se parjurera Et le tempteray si tres bien Qu'en la fin [il] se rendra mien. Je ne crains que sainct Nicolas, Car la matiere est en ces las. Mais si fort le tempesteray Et vivement le presseray Qu'il sera mien, quoy qu'il attende. A Lucifer payera l'amende, Veu le train que je voy qu'il tient. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 128). LA FILLE MALADE DES FIEVRES. (...) Las, en douleur tousjours serai ge ? Hellas, le cueur ! Hé, Dieu, la teste ! Mon treschier pere, vous dirai ge ? Ne faictes plus de moy enqueste ; La grant douleur qui me tempeste M'a mys en si tresgrant destroit Que de mourir suis toute preste. Couvrez moy ; las, je meurs de froit ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 466). Par Dieu, quant elle y seroit mise Elle seroit femme perdue : Estre tempestée, morfondue, Cheminer avec la briga(r)de, Coucher vestue sur la paillade Avecques ces palefreniers. (P. moyne, a.1500, 48).

 

Rem. DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 140.

 

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Estre tempesté de qqc. "Être frappé (d'un fléau)" : Et pour leur loyauté, de quoy il sont si plains et de bonne condicion, onques ne furent tempestez de foudre, de gelee ne de pestilence nulle, de guerre, de famine ne d'autre tribulacion (Vers. liég. Livr. Mandeville T.R., c.1375-1390, 159).

 

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Tempester la cervelle à qqn. V. cervelle
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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