C.N.R.S.
 
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     TANCER     
FEW XIII-1 *tentiare
TANCER, verbe
[T-L : tencier ; GD : tencer1 ; GDC : tencier ; DÉCT : tencier ; FEW XIII-1, 228a : *tentiare ; TLF : XV, 1348b : tancer]

A. -

"Quereller, injurier qqn" : Se male est et de durs accors, Et qu'elle me riote et tance, Ce sera trop dure sentence, Paine et travail non supportable, Vie a moi et a lui dampnable, Car Salemon dit en appert Que mieulx vault il vivre en desert Qu'avec male femme habiter (DESCH., M.M., c.1385-1403, 25). C'est trop plus nostre aventaige D'estre sans sa compaignye, Car tousjours nous tanse, et crye, Et nous porte grand dommaige (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 458). PROSERPINE. N'est il en nous d'y mectre resistence Sans qu'en ce poinct villaynement nous tence ? Qu'aus fourches soit ton villain corps pendu ! LUCIFFER. Ha, orde lisse, pugnais poiltron fendu, Se coste toy j'estoye dessendu, Tu congnoistroie ta follie parfaicte ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 351).

 

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Tancer à qqn. "Chercher querelle à qqn, l'injurier" : Pierre d'Aunay, le dimanche ensuiant sur le tart, en la cohue du dit lieu de Fontenay, commença à tancer et rioter aus diz exposans, (...) disant au dit Guillaume que il estoit larron (...) et à sa dicte femme que elle estoit putain et que elle alast soy faire trayner par les mareschaussies à ses valez (Doc. Poitou G., t.4, 1369-1376, 378). ...et si dit que elle a veu plusieurs fois tencier ladite Marguerite audit Hennequin et à sa femme ; et plus n'en scet. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 258). Le herault le trouva tançant A ung bon homme de villaige, En l'appellant " Villain püant ", Cuidant faire beau vasselaige (CHART., D. Her., p.1415, 422).

 

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Empl. abs. "Chercher querelle, quereller" : Et cilz qui a sens et mesure Ne doit tencier ne ramponner. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 118). PREMIER PRESTRE. (...) Meffait m'as, a briez moz conclus ; Dont (...) t'en denonce par appel Esconmenie de sentence De canon. Je m'en vois. Or tence A ton desir. (Mir. parr., 1356, 13). Et commande aussi les oeuvres de mansuetude, si comme non batre ou ferir et non tencier ou mesdire. (ORESME, E.A., c.1370, 278). ...en doi je estre blasmés, Se de tels vassaus enflamés Et apparilliés de tenchier Sçai les parolles retrenchier Par yauls aparler douchement ? (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 207). Et ilz batent, tancent ou noisent (DESCH., M.M., c.1385-1403, 70). Et vous estes celluy qui grongne Au revenir, tance et menace ! (DESCH., M.M., c.1385-1403, 122). ...la gardera de parler a ses femmes et a ses servans malgracieusement ne en tençant ne disant villennie, ains les enseignera doulcement et les reprendra de leurs deffaulx accoiseement, les menaçant de les mettre hors s'ilz ne se corrigent, ou de les punir par quelque aultre maniere, mais toutesvoyes le parler d'elle sera tousjours coy et sans villennie dire, car la villenie yssue de bouche de dame ou de quelconques femme retourne plus a elle meismes que a ceux a qui elle la dit (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 45). De la langue que puis-je dire ? Souvent tance par mauvaise ire, Maudit, jure, ment et renye Et tout remplist de genglerie (Coeur sens M., a.1433, 83). Nostre bon compaignon (...) s'en vint a l'hostel, ou il trouva pou paisible sa femme toute preste a tanser (C.N.N., c.1456-1467, 543). Quel menton forché ! Vrayement c'estes vous tout poché, Et qui diroit a vostre mere Que ne feussiez filz vostre pere, Il auroit grant fain de tancer. Sans faulte, je ne puis pencer Comment Nature, en ses ouvraiges, Forma deux si pareilz visaiges (Path. D., c.1456-1469, 62). L'yreux tence, l'yreux menace, Impatience le maine a ce. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 47). Je ne scay se je suis tenu De lui refaire la besongne Pour neant, et sans nulle eslongne, Je dis que point ne les feroie Ou de plus paié en seroye, Et tout sur piez, sachés de voir, Qu'elle a fait si bien son devoir De tencer, qu'il n'y a que (de) ri[re] (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 33). Je la cuide tous jours atraire Par beau parler et debonnaire, Mais sans cesser el tensera. (P. Jouh. D.R., a.1488, 38).

 

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[De plusieurs pers.] "Se quereller, s'injurier" : Et à ceste occasion se meut parolles entre ledit Richart et ledit Molieme, et commencèrent à tanser de parolles, et à se appeller l'un l'autre paillart et s'entreprendre aux colletz de leurs prepoins (Doc. Poitou G., t.10, 1456-1464, 100). J'oy sus Gaultier moult grant deluge, Il m'est advis que l'on y tence, Aler m'y fault, sus, je m'auvence. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 32).

 

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Inf. subst. "Querelle" : "...Me venriés vous point secourir, Compains, se chil troi m'acoelloient Et au tenchier me recoelloient ?" (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 127). Trayez vous sa, faux Apostoles, Laissiez ester vostre tancier, Il ne vous puet rien avencier (Jour Jug. R., c.1380-1400, 237).

B. -

"Disputer, réprimander qqn, faire des reproches à qqn" : C'est pour li rendre sa desserte De ce qu'elle [l'abbeesse] orains me tença. (Mir. abbeesse, 1340, 77). Il me plaist bien que ci desploies Et dies ce qu'as empencé. N'en seras batu ne tansé (Mir. mère pape, c.1355, 385). Car ens ou point ou ja fui pris, Sui et serai, qui qui me tence. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 92). "Par ma foy, Guillaume et biau filz, vous estes ung fol, et demouront plus de vos cuidiers à acomplir qu'il ne s'en achieveront." Or vous dyray pourquoy le duc de Jullers tansoit ung petit son filz (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 177). Et, pour ce, nous lysons que un philosofe avoit une tres male fame et laquelle le tancet tousjours. (Songe verg. S., t.2, 1378, 218). ...elle ne povoit nullement à sondit mary, pour cause de lui qui parle, et ne la faisoit chascun jour que blasmer, tencer et rioter (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 275). ...cuidant que ce feust par mal de saint ou autrement, et bien marry du piteulx gouvernement d'icelle, et sans la batre, tancier ou mal fere, esperant qu'elle retournast en son bon sens et advis (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1423-1426, 182). Et lors Madame en la grant chambre de parement ou tous estoient revint, et quant ses femmes furent venues Madame comme tres couroucee les tenssa, disant : "Et ! d'ou venez vous ? ..." (LA SALE, J.S., 1456, 257). S'il avoit bien tansée et villannée sa femme auparavant, encores recommença il plus dure legende (C.N.N., c.1456-1467, 52). ...ne demoura gueres qu'il ne vint en Haynau devers son compaignon, et luy pria qu'ilz allassent veoir sa dame, et qu'il la veult trop bien tancer et luy dire la lascheté et neanté de son cueur. (C.N.N., c.1456-1467, 345). ...n'est ce pas bien raison que avec tout le mal que j'ay eu d'amasser et espergner (...) je soye reprochée, lesdengée et tencée ? (C.N.N., c.1456-1467, 463). Aprendre me convient mestier Et besongner de bonne guise, Affin au moins, s'elle m'advise, Que je ne soye pas tencé. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 30). Et puis, Johan, seray je tansee ? (P. Jouh. D.R., a.1488, 34).

 

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Tancer à qqn : Par doulz moz aux autres tença, Et lermëoit Si fort que ses beaulx yeulx nëoit Tant en plours qu'a paine vëoit (CHART., L. Dames, 1416, 274).

 

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Tancer qqn de qqc. : ...[il] commence a tenser sa femme de ce qu'elle avoit souffert le plaisir de l'archier. (C.N.N., c.1456-1467, 51). ...[le mari] s'en alla a la taverne, dont il ne fut pas tensé au retourner (C.N.N., c.1456-1467, 529).

 

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Tancer qqc. à qqn. "Reprocher qqc. à qqn" : ...je veul dormir, et de chose que je vous tansse devant les gens, comme je vous ay dist, ne vous esbaïssez. (LA SALE, J.S., 1456, 60). Quand elle vit qu'il la fuyoit ainsi, et qu'elle n'avoit a qui tencer ne monstrer sa devoiée maniere, elle se mist en la queste de luy (C.N.N., c.1456-1467, 489).

 

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Tancer sa conscience. "Se reprocher qqc., faire un examen de conscience" : Chascun sa conscience en tence Et nectoye avant le depart (CHAST., Temps perdu D., a.1450, 25).

 

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Que veux-tu que je tance ? "Quelle dispute veux-tu que j'engage ?" : Tu as trente ans ! - C'est l'aage d'ung mulet. - Est ce enfance ? - Nennil. - C'est donc foleur Qui te saisist. - Par ou ? Par le collet ? - Riens ne congnois. - Si faiz. - Quoy ? - Mousche en lait : L'ung est blanc, l'autre noire, c'est distance. - Est ce donc tout ? - Que veux tu que je tence ? Se n'est assez, je recommenceray. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 70).

 

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Tancer (une certaine somme) "Pénaliser qqn en lui faisant payer (une certaine somme)" : Item, se aucun [escorcheur] est semons par devant ledit maistre et jurez a certaine journée et il ne vient ; pour le deffault que il deffaudra, il pourra estre contrains a paier dix-sept soulz six deniers ; et tant en pourra demander l'achateur ou le fermier de ladicte juridicion ; mais selon ce que les maistres et jurez le verront obeissant, il tansseront pour le premier deffaut douze deniers, et pour second deffault deux solz, pour tiers deffaut dix-sept solz six deniers (Mét. corp. Paris L., t.1, 1381, 267).

C. -

P. ext.

 

1.

"S'opposer"

 

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Tancer contre qqn. "S'opposer à qqn" : Pour ce n'est mie cellui sage Qui lesse le bien qu'il commence, Se le monde contre li tence. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 114).

 

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Tancer ensemble. "S'opposer, s'attaquer" : ...et vit ces .IIII. armeiz tenchanz ensemble (JEAN LE LONG, Voy. Odoric A.M., 1351, 13).

 

2.

Tancer à qqn. "S'en prendre à qqn" : Paings en ton cueur la vertu de constance, Tance a toy seul contre folle plaisance (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 20).

 

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Se tancer. "S'en prendre à soi-même" : Aprés s'en repent et s'en tence (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 364).

 

3.

"Engager un dialogue (avec qqn)" : ...je m'en iray en ma chambrette la derriere tancer a ["avec"] Dieu. (C.N.N., c.1456-1467, 271).

 

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Empl. abs. "Soutenir son point de vue, discuter" : Qui mieulx scet plaidier et tencier... (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 07). La premiere [Dialectique] enseigne contendre, Tencier, disputer et entendre A questions former et mettre En ordre (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 129).

 

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Inf. subst. Au tancer. "Dans la discussion" : Aussi ces povres famelettes Qui vielles sont et n'ont de quoy, Quant ilz voient ces pucellettes Empruncter elles a requoy, Ilz demandent a Dieu pourquoy Sy tost nacquirent n'a quel droit. Nostre Seigneur se taist tout quoy, Car au tancer il le perdroit. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 52).

V. aussi tenser
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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