C.N.R.S.
 
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     RETRAIRE     
FEW X retrahere
RETRAIRE, verbe
[T-L : retraire ; GD : retraire ; DÉCT : retraire ; FEW X, 341a : retrahere ; TLF : XIV, 1042a : retraire]

I. -

[Idée d'extraction (au propre ou au fig.), de mise à part (pour mettre à l'écart, pour éloigner, pour mettre en lieu sûr, pour retenir, pour recouvrer...)]

A. -

Empl. trans. Retraire qqn ou qqc.

 

1.

Retraire qqn ou qqc. (qq. part)

 

a)

"Mettre qqn à l'écart (qq. part), éloigner qqn" : ...ilz ne se desisteroient ou departiroient de leur entreprise jusques à ce que on leur eust baillié et delivré certain nombre de prisonniers que on avoit retrait en la bastide Saint-Anthoine (FAUQ., I, 1417-1420, 150). Mainctenant tu me veulx retrayre Et du tout en tout me desfaire. (Pac. Job M., c.1448-1478, 344). ...puis commanda retraire son ost dedens la forest affin qu'ilz ne fussent perceuz des Rommains (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 354).

 

b)

"Faire revenir, ramener qqn, mettre qqn à l'abri (qq. part), recueillir qqn (qq. part)" : Nul n'est qui m'ose retraire Et qui ne me soit contraire ; Destruis sont tous mes vassaulx (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 175). ...il se douloit de leur eslongement, et pour retraire Bethidés son filz qui comme par maltalent s'estoit parti de sa court... (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 327). ...elle y avoit retrait et ramené ce tant de gens qui estoient eschappez de mort (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 911). ...larrons l'on y retrait [dans les églises] Pour les saulver de leur meffait (GARIN, Compl., 1460, 124).

 

-

"Cacher qqn (qq. part)" : Il me plaist bien que vous le retraiez [le chevalier] en aucun lieu moult secret (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 95).

 

c)

"Amener, mettre qqc. à l'abri (qq. part) ; mettre qqc. de côté" : Mais qui veult faire saigement De loing se pourvoye et se gart Qu'il ait retrait aucunement Au moyms dez fevez et du lart. (Recueil galant. V.-B., c.1350-1400, 82). Et en tel cas homs par dehors doit faire Provisions (...) ; Femme les doit dispenser et retraire Et gouverner hostel par bon moyen (DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 105). ...il estoit en ladite eglise à Chasteauleraut, en laquelle les gens du pays retrayent leurs biens pour la guerre (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 7). ...leurs aides retrairont et mectront en garde le seurplus en corbeillons et corbeilles en huche fermant (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 187). Car tous s'amassoient en beaulx lieux et delicieux et illec retraioient leurs biens comme bestail et autres choses, car le paÿs estoit grant et plentureulx. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 289).

 

d)

Retraire une riviere qq. part. "Détourner une rivière qq. part" : ...par congié de nous (...) pour retraire la riviere de Meuze près des murs de lad. ville (Trés. Reth. L., t.4, 1387, 331).

 

2.

Retraire qqn ou qqc. (de)

 

a)

Retraire qqc. (de qq. part). "Retirer qqc. (de)" : Li espée adont descendi Sus l'espaule dou chevalier ; Si entra ens bien .I. quartier. Melyador retrait l'espée, Qui toute estoit ensanglantée. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 103). ...mais retraire Ne pot de soy la fleche dure. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 37). ...et feri le cerf de sa corne si perilleusement en retraiant qu'elle le tronca tout en deux pieces, et le cerf cheut mors [en retirant sa corne (par un mouvement vertical) la bête blesse le cerf mortellement]. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 84).

 

-

Inf. subst. : ...dedens l'englume le fut frappans, qui tout trenchat jusquez la terre ; et au retraire le brisat piet et demy (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 51).

 

-

Au fig. Retraire qqc. de qqc. : S'aucunlx te dit s'entencion, Enten bien et respon raison, Si que nulx malx n'en soit retrait. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 114).

 

.

Retraire qqc. : En tout honneur et en maintieng, vous dure Le(s) bien mondain qu'amant saroit retraire (Recueil galant. V.-B., c.1350-1400, 105).

 

b)

[P. oppos. à attraire] Retraire qqn. "Chasser, repousser qqn (de qq. part)" : ...parlez a li doulcement ; Car lait parler chace et retrait L'enfant, mais doulx parler l'attrait S'autrement ne se veult donter (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 279).

 

c)

Retraire qqn (de). "Faire revenir qqn (de), retirer qqn (de)" : Et le Danoit vat sa gens retraiant (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 144).

 

-

Retraire un chien./Retraire un chien arriere. "Faire revenir un chien, l'obliger à quitter une mauvaise trace pour une bonne" (synon. retourner) : ...et toutes fois que ton limier faudra a sa seute, si le retrai arriere (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 38). ...si ne doit mie le veneur qui les sieut empaindre plus avant, mais les doit retraire (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 41). La est des veneurs la maistrie Des ["à propos des"] fous chiens saigement retraire Et des saiges chiens laissier faire Tout bellement, sans les haster. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 381).

 

d)

Au fig. Retraire qqn de qqc. "Éloigner, détourner qqn de qqc." : Or gardez que nulz De ceste foy ne vous retraie Pour biau parler qu'il vous retraie, Ne pour menace. (Mir. st Panth., 1364, 332). C'est le peuple vouloir retraire De la loy de son crëateur (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 260). ...ma voulente, ou je ne pouls attaindre, car meilleur que moy men a rettrait. (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 78).

 

-

"Éloigner, préserver qqn (ou son coeur) de qqc." : ...et nous est signifié par les persuasions et par les increpacions ou blasmes et par les imprecacions ou preeres qui sont faites par les amis pour retraire aucun de mal. (ORESME, E.A., c.1370, 144). Car ainsis puet retraire de foleur Le bon servent son seigneur, et attraire A Dieu amer (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 376). Pour les humains d'enfer retraire Souffri vo fil mort a vilté (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 62). Le .IXe. et derrenier article est que se vostre mary s'essoie de foloier ou foloie, que sans rigueur, mais doulcement, saigement et humblement, vous l'en retraiez (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 4). Ung homme qui tresexcellentement amoit son filz, pour le retraire de une foursenee et non loisible amour de une femme de laquelle la hantise estoit tresperilleuse, sy lui pria que, ainchoiz qu'il allast devers celle que il tant amoit, que il usast de une aultre femme (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 29). Lazer, mon amy, mon bon frere, Comme sçavés, nous devons ayder Es grans pecheurs pour les retraire De mal et a bien les tirer (Pass. Auv., 1477, 133). ...il commist fornicacion et autres vices, dont le pere l'en cuida retraire par le chastoier et par moult de supplices. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 115). SAINCT MARTIN. Il vous est chose neccessaire De laisser ces pencees volles Et du tout vostre cueur retraire De ces grans deablesses d'ydolles : Se sont statures fryvolles Faictes de plomb, cuyvre ou estain, Qui pouoir en leurs prothocolles Ont aultant c'un festu d'estrain. (LA VIGNE, S.M., 1496, 294).

 

-

[D'une chose] : C'est la premiere raison a la conclusion maintenant mise, car vertu nous doit actraire a bonnes oeuvres et retraire de mauvaises (ORESME, E.A.C., c.1370, 152). [Le monde] ...par ses delis nous retrait De l'amour du regne celeste (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 96).

 

-

Retraire qqn de + inf. "Empêcher ou dissuader qqn de" : Femme plainne de mal affaire Fait en tout par tout le contraire De quant c'on li prie et deffent. S'aulcuns hons la cuide retraire Pour chastïer de folie faire, Adonc en a plus grant talent. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 149). La par sa predicacion A voie de salvacion Plusieurs du pais attraira, Et de servir les retraira Aux faulx ydoles. (Mir. st Val., c.1367, 134). Et semblablement, ilz honorent ceuls qui font bonnes operacions, aussi comme se ilz vousissent par ce les bons atraire et conforter en bien et les mauvais retraire de mal faire et leur deveer. (ORESME, E.A., c.1370, 197). Vueilliez ou non, et nous et vous Le devons servir a genous, Sur tout amer et obeïr, Et pour ly en fuiant [l. ensivant (?)] heïr Parens et amis, quelz qu'ilz soient, Qui de ly servir nous retraient. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 143).

 

-

Empl. abs. Retraire qqn. "Préserver, convertir qqn" : Tu dois courtoisement monstrer A ton amis, a tes privez Sens, honneur et entendement. Tu les dois retraire et blasmer, S'il sont mehuz a mal errer (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 206). Item, pour ce que scet sa Bille Madamoiselle de Bruyeres, Donne prescher hors l'Euvangille A elle et a ses bachelieres, Pour retraire ces villotieres Qui ont le bec si affilé, Mais que ce soit hors cymetieres, Trop bien au Merchié au fillé. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 119).

 

-

Retraire qqn de qqn. "Détourner qqn de qqn" : Il a tant le peuple ceduyt Qu'on ne le peult de luy retraire (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 224).

 

3.

Retraire qqn / qqc.

 

a)

Retraire qqc.

 

-

"Quitter qqc." : Dame sans bien, sans foy, sans loyaulté, A tort vous ay de cy bon cuer amee, Car fait m'avéz si grant desloyaulté C'onquez Jason ne fist tant a Medee : Pour ce doy bien retraire ma pensee Et regretter le jour que je vous amay. (Recueil galant. V.-B., c.1350-1400, 34). Pour ce ne vueil ma voulenté retraire (LANNOY, WERCHIN, Ball. P., 1404, 349). SAINCT MARTIN [à Satan]. (...) Garde n'as de ton vueil parfaire De mon ame, quant partira, Car quant il la fauldra retraire, Es haulx cieulx elle s'en yra ; Toy ne aultre part n'y aura Fors que mon Dieu, mon Createur, Lequel es cieulx la recepvra Comme de son bon serviteur (LA VIGNE, S.M., 1496, 563).

 

-

"Supprimer, retirer, écarter qqc." : Quant l'estat de la maladie est continu, l'en doit continuelment user de tres forte diete ; quant l'estat est plus tardif, ou temps de l'estat et un pou devant, l'en doit retraire la viande (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 55). J'ay müé le dit du juge De mon bon filz que pent en croix, Lequel a dit a haulte voix Que tu soyes mon filz, moy ta mere. Mes motz fault müer et retraire. (Pass. Auv., 1477, 221).

 

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Sans rien retraire. "Intégralement" : MICHIEL. Puis que chanter nous esconvient, Gabriel, disons ce rondel Qu'apris avons tout de nouvel, Sanz riens retraire. (Mir. nonne, 1345, 324).

 

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Sans retraire. "Sans rien qui fasse défaut" : Cilz qu'a puissance de tout faire (...), Qui doit les mors resusciter, L'on le doit servir sens retraire. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 108). ...Et me reçoivre en son tresdoulx hommage : Si seray siens a tous jours sanz retraire (Recueil galant. V.-B., c.1350-1400, 90). Ains vueil toudis vo doulx service faire Tresloyaulment, tant com pourray durer Com vrays amis, qui vous vueil sans retraire Servir, celer, cherir et honorer (Recueil galant. V.-B., c.1350-1400, 129). Et aions touz en la vierge fiance, S'arons honneur et joye sanz retraire. (Mir. prev., 1352, 278). Encore Te veul je conter sans retraire Lesquelz... (COURCY, Chem. vaill. D., 1406, 84).

 

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"Entraver, modérer, empêcher qqc." : Retrais ton boire et ton mengier. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 204). ...afin que l'en ne retraie nature de son operacion (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 332). Mais, puis que les choses se font Par la providence divine, Jamais Dieu mon vouloir n'encline Que ce soit pour ton vueil retraire. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 640).

 

-

[Du soleil] "Retirer, retenir (ses rayons)" : ...le soleil commença a retraire ses rais. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1009).

 

b)

Retraire qqc. (à qqn). "Enlever, retirer qqc.(à qqn)" : Ce qu'elle [Fortune] donne a une main, De l'autre a soy tost le retrait (ROBINET, Compl. François H., p.1420, 146). ...il m'estoit advis que le Dieu de Nature retraisist les biens qu'il administroit a la creature qui encores gisoit ou ventre de sa mere (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 51).

 

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Retraire les yeux à qqn. "Détourner les yeux, le regard de qqn" : ...Et la dame nommeement Qui li retret soubtivement Ses yeux, pour lui mieux enbraser. (Dit prunier B., c.1330-1350, 58). En tout ce, grant bien je perchoi Et, s'il n'y avoit nul contraire, Que ses yeux me vosist retraire Et que de moi ne fesist compte... (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 71).

 

c)

"Retenir qqn ou qqc."

 

-

Retraire qqn qq. part. "Faire rester qqn (ou un animal) qq. part ou laisser qqn (ou un animal) qq. part" : La levriere se cuida rendre, quand il fut heure, en la chambre de sa maistresse, comme elle avoit accoustumé ; mais celle qui l'avoit condemnée dehors la fist retraire en la chambre au plus près. (C.N.N., c.1456-1467, 193). Aprés certain temps que il eut congneu la legiereté et inconstance des ungz et la constante stabilité des aultres, il chassa confusiblement hors de sa court ceulz qui, en prevarication de leur loy, avoient sacrifié aux ydoles et retint [var. retrahit] ceulz qui estoient demourez fermes et immobiles en la loy christienne (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 154).

 

-

Retraire qqc. "Retenir, contraindre qqc." : ...les muscles sont retraiz et contrains dedens (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 332). Et quant le ventre n'est retrait par droicte ordre de abstinence, toutes les vertus sont en lui noyees. (LA SALE, J.S., 1456, 26).

 

d)

"Recouvrer qqc." : Et volons et agreons, pour et ou nom de nostredit seigneur, auxdiz marchans, leurs compaignons, leurs hoirs, leurs maisnies, et à chascun d'eulx, qu'il puissent demourer dessoubz nostredit seigneur, comme dit est, un an apres lesdictes années passées, en telle garde et franchise (...) pour leurs biens recueillir et retraire ens (Trés. Reth. S.L., t.2, 1378, 257). ...lequel [Marquant] a demandé delay de faire ledit serement pour savoir se pendant ycellui delay il pourroit retraire et recouvrer aucuns de ses biens estans en la ville de Provins. (FAUQ., III, 1431-1435, 128).

 

-

Retraire un lieu. "(Re)gagner un lieu" : BURGIBUS [à saint Martin]. (...) N'as tu honte, par ton serment, Quant tu voy tes moynes meffaire, De si tost et legierement De leurs pechez pardon leur faire ? Se bien tu pence a ton affaire, Tu congnoistras en verité Que cella te fera retraire Enffer a perpetuyté. (LA VIGNE, S.M., 1496, 484).

 

e)

En partic. DR. FÉOD. "Exercer son droit de retrait sur un bien vendu à un tiers" : L'an durant que les prouchains du lignaige ont de retraire l'eritaige vendu par leurs parens, les achateurs ne pevent deteriorer ne empirer la chouse (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.3, 1463, 415).

 

-

Part. prés. en empl. subst. masc. "Celui qui exerce son droit de retrait" : Et pour ce, je qui achete puis, sanz prejudice du retraiant, donner à mon vendeur recours et temps de recouvrer son heritage qu'il m'a vendu, toutes foiz qu'il me plaist, soit en faisant le contraulx de la vendue, soit aprés, mais qu'il soit fait avant ce que la retraitte me soit demandée ; car aprés, ne le pourroie je faire ou prejudice du retraiant. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 194). Et si l'achepteur respond qu'il luy plaist recevoir ledit retraiant audit retraict... (Vieux cout. Poitou F., c.1451-1454, 134).

B. -

Empl. intrans. ou pronom. (Se) retraire

 

1.

Se retraire (qq. part)

 

a)

"Se retirer qq. part, se rendre qq. part (pour y être à l'écart)" : DEUXIESME SERGENT. (...) Des gens ma dame n'a ci nulz, Homme ne femme. PREMIER SERGENT. Par aventure que ma dame A ses damoiselles attraictes Et se sont en chambre retraictes Toutes ensemble. (Mir. fille roy, c.1379, 18). ...au soir se retraïoit en l'ostel d'une sienne mere, femme Marin Loquet, couvreur de tuile, demourant en la rue des Poulies, près de la porte Barbete (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 334). ...pour ce qu'il ne povoit estre païez, il, environ le mois d'aoust derrenierement passé, laissa à ouvrer de sondit mestier de charpenterie audit lieu de Villebon, et se retrait avec sa femme et enfans, et en son mesnaige, en ladite ville de Nogent le Roy. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 405). La royne se fu retraicte En une tour (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 34). Cedit jour, à heure de X heures, s'est retraicte la Court au Conseil pour certeinnes lettres que le grant maistre d'ostel a monstrées à la Court (BAYE, I, 1400-1410, 253). ...et doit le dit chief enquerir se ilz se pourroient retraire quelque part prochainement, se quelque affaire leur survenoit. (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 227). ...pluseurs (...) s'estoient retrais hors de Paris pour leur seurté ou autrement durant le temps seditieux qui a esté (BAYE, II, 1411-1417, 95). Retrayez vous soubz l'estandart De Nonchaloir, sans plus attendre (CH. D'ORLÉANS, Chans. C., c.1415-1440, 234). ...il se retrahy en refuge sur la tour de Thebes (MIÉLOT, Spec. hum. Salv. L.P., 1448, 155). L'oste prend congé de luy et se retrait en sa garderobe (C.N.N., c.1456-1467, 75). ...et puis, ce fait, s'alla retraire au pamais joingnant là où il estoit logé, et chacun pareillement au lieu où il devoit retraire (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 55). Et lors monseigneur le conte de Nevers et Joachin Rouault, mareschal de France, et estans pour le roy dedens la ville de Peronne à tout bien IIIIm combatans, se retrahirent à Noiom et Compiengne et laisserent audit lieu de Peronne, pour la garde d'icelle, des nobles de France et cinq cens frans archers. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 46). Et, incontinent après, vindrent de trois à quatre cens lances desditz Flamens et Picars devant la ville et chastel de Bouchain, dedens laquelle n'y avoit en garnison pour le roy que XVI lances, qui se retrahyrent dedens ledit chastel pour ce qu'ilz apparceurent que les habitans dudit Bouchain avoient deliberé de mettre lesditz ennemys du roy dedens leur ville incontinent qu'ilz y seroyent arrivez, ce qu'ilz firent. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 86). Atant se leva messire Henry (...), et, vuidant la chambre, se retraÿ en son logeis en l'abbaye de Saint Jehan la ou logié estoit (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 160). Lesquelz ayans receuz la responce du duc, celle qu'il y seoit, se levarent et se retrayrent en leur pavillon ; et la se commença a armer messire Jehan de Rebremettes. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 162). Parquoy lesdis chevaliers et Toyson d'or, aprés avoir fait leur devoir selon la charge que avoient de leur maistre et par l'ordonnance du roy, se retrayrent a Tours, attendans la son bon plaisir et le jour de leur delivrance. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 188). Il fault donc croire seurement Que si je guaryz demoniacle, Qu'en moy est Dieu que fait miracle, Qui est plus fort que l'enemy, Qui contre moy est jour et nuyt. Ha, si au diable n'estoye contraire, Tantost s'en tourneroit retraire Es corps desqueulx je le mectz ors. (Pass. Auv., 1477, 165). Et quant je la voy ainsi braire, Je me tais, et m'en voys retraire En ung coing, et la laisse la. (P. Jouh. D.R., a.1488, 38).

 

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"Se replier, se réfugier qq. part" : Et partie d'iceulx, cuidans eulx saulver, s'en alerent et retrairent dedens l'eglise dudit lieu de Neelle, où depuis lesdiz Bourguignons alerent les tuer tous et murdrir. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 270). Ou moys de janvier LXXIIII, advint que aucuns larrons bourguignons, sans maistre ne adveu, se mirent sur les champs et vindrent courir es pays du roy et jusques près de Compiengne, où ilz prindrent et tuerent gens, et puis voulurent edifier une place pour eulx retraire près de Roye, nommée Arson, où ilz amenerent grant quantité de pionniers. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 321). Item, donne [quelque chose, ici : un poème] a ma povre mere, Pour saluer nostre Maistresse, Qui pour moy ot douleur amere, Dieu le scet, et mainte tritresse - Autre chastel n'ay ne forteresse Ou me retraye corps ne ame Quant sur moy court malle destresse, Ne ma mere, la povre femme (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 78). J'estoie en certain espoir de prouffiter audit Rouen, du moins pour avoir passage ; mais toute la puissance des ennemys estans en ceste frontière où est ledit grant maistre, dont je faitz aucune doubte pour la loyaulté dont il est garny, se retrahit illec et n'a pas la chose encores peu sortir son effect. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 310).

 

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Se retraire à / en / vers / devers. "Se rendre à, aller à, se diriger vers" : ...li dit maronnier (...) Ne se porent en mer retraire, Car il avoient vent contraire (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 70). Retrayons nous devers le temple (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 112). ...il nous fault retraire A la nave [;] si pescherons Quelque chose dont nous arons Pour soustenir la povre vie. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 146). Retraire me vueil vers le temple Pour Dieu merciër de cueur lyé (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 168). ...le jenne prince (...) prepara ses besongnes pour soy retraire vers le royaume d'Escoce (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 160).

 

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Au fig. : Des deux choisir as la puissance, Vers le meilleur te vueilles retraire ! (GARIN, Compl., 1460, 75).

 

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Faire retraire qqn (qq. part). "Obliger à se retirer, faire aller (qq. part)" : ...mais furent reculez par les gens d'armes du duc de Bourgongne et dez gens armés de la ville de Paris, qui survindrent en grant nombre et lez firent retrayre dedens ladicte Bastide (FAUQ., I, 1417-1420, 131). Et après la Court a fait retraire ledit maistre Bernart en la Tournelle, où il a escript de sa propre main une cedule contenant ce que s'ensuit :... (FAUQ., II, 1421-1430, 239). Lesquelz contes, aprés qu'ils eurent fait retraire ung petit cely de Clugny et que ung peu avoient tenus conseil ensamble, lors cely de Dunois, par l'adveu du conte du Maine, dist... (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 57).

 

-

(Estre) retrait qq. part. "Être retiré qq. part" : ...par force d'armes recouvrerent et prindrent la ville de Jargueau-sur-Loyre, en laquelle estoient retrais en garde et garnison le conte de Sulfok et autres gens de guerre anglois (FAUQ., II, 1421-1430, 312). Et pour plus tost donner fin a sa volenté, estant madicte dame retraicte au chastel de Cappouarre de Napples (...) il [le roi d'Aragon] manda querir messire Jehan Caraz (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 196). ...pour ceste heure estoit en sa chambre retraicte puis le souper (C.N.N., c.1456-1467, 183).

 

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[D'une chose] : La nuctricion et digestion se fait mieulx en dormant, car les esperilz et la chaleur sont retraiz dedenz. (ORESME, E.A.C., c.1370, 142). Tous fleuvez entrent en la mer, Soient doulz ou soient amer ; Tous s'i retraient a grant onde (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 54). ...en l'homme triste la challeur naturelle premierement se retraist aux membres de par dehors (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 178).

 

b)

Se retraire à / vers / devers / par devers / sur qqn

 

-

Se retraire à qqn

 

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"Aller en direction de qqn, aller vers qqn" : ...si se retrestent toutes ses gens a lui [au roi Modus qui vient de sonner la trompette] (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 173).

 

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"Trouver refuge chez qqn" : O femme, de Jehan seras mere ! Au monde n'aras aultre enfant ; A celluy te fauldré retraire. Or doncques pour ton filz le prent ! (Pass. Auv., 1477, 220).

 

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"Avoir recours à qqn, s'en remettre à qqn" : ...et que les marches de deçà Paris jusques au pays d'Artois pussent avoir à qui retraire... (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 96). Je ne pourroye avoir pis ; Je ne scey a qui me retraire. Maulditz soyent les palhars Juïfz ! (Pass. Auv., 1477, 167). C'est mal pourveu a vostre amie, Si me semble, mon filz, mon pere, De la laisser ainsi marrie, Sans avoir soulas ne repere. A vous, prince, me viens retraire. Las, ayés de moy souvenance ! (Pass. Auv., 1477, 220). Punit serey Du mal commis ; - a Dieu je (ne) me puis retraire (Pass. Auv., 1477, 276).

 

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[À Dieu] : Or laissons tous autres dieux et deesses et nous retrayons dont a lui [au Dieu Souverain] (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 73).

 

-

Se retraire vers / devers / par devers / sur qqn. "Aller en direction de qqn, aller vers qqn" : ...[ils] alerent celle nuit esbatre parmi la ville de Paris, sanz fere aucun mal, jusques au lendemain matin qu'il fu grant jour, qu'il se retrahy sur son maistre, demourant en la grant rue Saint-Jaques. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 102). ...Qu'ensemble nous nous retrayons Devers noz princes souverains (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 204). Après les choses dessusdictes, le seigneur d'Argueil, filz du prince d'Orenge, qui estoit domestique et le plus prouchain dudit Bourguignon, et qui estoit marié à la seur de monseigneur de Bourbon, s'en party et embla d'autour dudit de Bourgongne et s'en vint et retraÿ pardevers le roy, qui bien le recueilly. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 246). L'amour qui m'enflemme et enlumme M'envoye devers vous retraire Por vous desclairer le contraire Que je souffre pour vous amer. (Pipée R., c.1470-1480, 200). Je suis tres bien d'oppinion, Afin qu'en ce conseil ayons, Qu'ensemble nous nous retrayons Devers nos princes souverains, Noz evesques, noz premerains, Et lors, soubz umbre pastoural, Tiendrons ung conseil general Pour tuer cest homme mauldit. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 516). BOITEUX. Il nous convient vers luy retraire Pour en avoir nostre vengence. (LA VIGNE, S.M., 1496, 516).

 

c)

Empl. abs. [D'une pers.] (Se) retraire. "Se retirer" : Et ledit Fastolf se retrahy et retourna devers le duc de Bedford, estant lors à Corbueil. (FAUQ., II, 1421-1430, 313). Je me seray retroicte Incontinent, s'il vous agrée. (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 285). ...et pour la nuyt qui survint fut besoing a nos gens de retraire et d'eulz loigier sur le marois d'un estang (LA SALE, J.S., 1456, 221). ...tantost après la feste faillye, que les jeunes gens furent retraiz et qu'ilz eurent prins congié du sire des nopces et de sa dame, la bonne mere, les cousines (...) prindrent nostre dame des nopces et la menerent en la chambre (C.N.N., c.1456-1467, 496). Alons nous en retraire, Tous nous aultres, en Capharnaon. (Pass. Auv., 1477, 124). Elle [Marie-Madeleine] fait bien de soy retraire. Philipe, or en dy ton soit ? (Pass. Auv., 1477, 155).

 

-

[En partic. pour gagner un lieu privé] : Si ne tarda gueres que le roy se retraÿ et que la royne a dormir se mist. (LA SALE, J.S., 1456, 56). Après les tresgrandes cheres et du souper et du bancquet (...), il fut heure de retraire, la bonne nuyt donnée (C.N.N., c.1456-1467, 75). Atant se teut le roy et se retraÿ. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 68). Sus, mes enfans, diligenment Alons nous en en Gualilee, Chacun a son mas et contree, Car je me veulx ung peu retraire. (Pass. Auv., 1477, 166).

 

-

RELIG. "Se retirer du monde" : SAINCT MARTIN. (...) Jhesus, Redempteur tout passible, Digne Trinité immuable, Ta grace me soit amÿable Affin que je me puisse traire Devers ce bon preudons fïable, L'evesque de Poitiers, Hillaire. Or est il temps de me retraire ; Temps est il d'un aultre estat prandre, Qui a cestuy sera contraire. (LA VIGNE, S.M., 1496, 256).

 

-

Se retraire à repos. "Se retirer pour se reposer" : Laissiez acquerre encore au chevalier loz, honneur et triumphe afin que, quant il se retraira a repos, qu'il soit amé, cremeu, redoubté et obeÿ (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 199).

 

-

(Estre) retrait : ...Quant je te voy retrait ainsi seulet, Con povre chien tapi en reculet. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 70).

 

-

Se retraire arriere. "Se retirer" : Ly .iiii. s'en fouÿrent et retraient arrier (Tristan Nant. S., c.1350, 222). D'ore en avant m'en vueil retraire ariere. (Recueil galant. V.-B., c.1350-1400, 70). Atant sont noz Françoys arier retrais. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 41).

 

-

Inf. subst. "Action de se retirer" : ...en leurs pays ou sont leurs retrais et leurs reffuges ou ilz [les Romains] tendent a leur retraire avant que souffrir le paine des cops (LA SALE, Sale D., 1451, 39).

 

d)

Empl. abs. [D'une chose] "Se retirer"

 

-

[De la mer] : Quant la mer fu retraicte... (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 28).

 

-

[Des yeux, du regard] Retrayant. "Qui se baisse, se retire (du regard de l'autre)" : Yeux simples, vairs et attraians Et trop sagement retraians (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 73).

 

-

Au fig. "Se retirer, disparaître" : Met en ton cuert bonne astinance, Jeunes, travalx et penitence, Quart ce fait luxure retraire. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 195).

 

e)

"Se tenir en retrait, se dérober, hésiter" : VIVANT. Se le grant Dieu me gart d'essoine, Je leur voiz compter cest affaire. MARQUIN. Et je ne me vueil pas retraire ; Alons, je vous y vueil conduire. (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 113).

 

-

Sans retraire. "Sans hésiter, sans tarder" : Quar il eüst esté martir De sa personne sans retraire, Qui a ce l'eüst voulu traire (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 10). LE ROY. Alez me querre sanz retraire La fille du roy, Sanceline (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 289). Escoutez : s'avez voulenté De moy rien conmander a faire, Si le me dites sanz retraire : Je le feray. (Mir. femme, 1368, 194). LE PREMIER ANGE. Mon ami, nous irons disant Ce rondel ci sanz retraire. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 62). Sy te fault aler, sans retraire, Ou il est, tres isnellement (COURCY, Chem. vaill. D., 1406, 25).

 

2.

Se retraire de qq. part

 

a)

"Se retirer de qq. part" : PREMIER CLERC. Alons, car Dieu ne nous het pas, Quant pour nous a s'amour attraire Nous fait du monde si retraire Et esloingnier. (Mir. ev. arced., c.1341, 141). De Judee me fault retraire Pour fouÿr mes persecuteurs. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 206). Faictes ces chevaliers retraire Et vuider du parqués grant amble (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 402).

 

-

[D'une chose] : Et se ceste intelligence qui ainsi meut les planetes ou cas desus mis est en leurs cielz, posons donques que ce jour soit passé et que leurs mouvemens propres recommencent ; ceste intelligence ne s'en fuira pas pour ce ou se retraira de leurs cielz. (ORESME, C.M., c.1377, 318).

 

-

Se retraire de qqc. "Sortir de qqc., se libérer de" : Se celle que jadiz servoye De si bon cueur et loyaulment, Dont tant de maulx et griefz j'avoye Et souffroye tant de tourment, Se dit m'eust au commancement Sa voulenté, mais nennil, las ! J'eusse mis paine aucunement De moy retraire de ses las. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 66).

 

-

Se retraire de qqn. "Quitter, fuir qqn" : On ne doit point a chascun croire, mais des faulx se convient retraire. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 179). J'ay en effect Delaissé mon maistre au besoing Et l'ay veu happer par le poing Et puis de luy me suis retraict. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 292).

 

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"Se défaire de qqn" : Or sont d'aucuns apothicaires Qui font les malvais lectuaires, Faulses herbes, males espices. De ceulx ne me puis ge retraire, Quart tropt sont de malvais afaire. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 74).

 

b)

Empl. abs.

 

-

"Revenir (au point de départ, de là où l'on est)" : ...et que tu faces des brisiees pendans des arbres par ou tu iras cachant ["chassant"], affin que tu saches retraire par ou tu seras alé (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 42). ...il [les chiens] ne veulent revenir ne retraire (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 70).

 

-

"Fuir, s'échapper (de là où l'on est)" : Toy, tres laide beste, ne te vueilliez retraire, car tu ne me peulz eschapper. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 159).

 

3.

Se retraire (de qqc.)

 

a)

"Se retirer de qqc., renoncer à qqc." : Cilz vice est de tel nature Qu'il pense en toute aventure ; Moult est saige qui s'en retrait. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 130). Et la cause est car pour la ferveur et chaleur de leur aage il vivent, ou sont enclins a vivre, selon leur passions et desirs et a souvent pechier. Mais il en sont deveéz et s'en retraient souvent par vercunde. (ORESME, E.A., c.1370, 273). Il a touz les larrons tué Qu'il avoit en sa compagnie, Pour ce que de leur roberie Il ne se sont voluz retraire, Ny a eulz repentir atraire. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 35). ...et pour soy retraire de son pechié de fille de vie, ouquel elle avoit esté par long temps, s'estoit de nouvel et environ Pasques derrenierement passées un pou après promise encouv[en]encié et fiancé (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 508). ...lors chascun se retraira par amours ou par crainte ; et se aucum desordonné ne s'en retraioit, a cellui le bon seigneur doit francement remonstrer que nul malfaire ne luy plaist (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 19). ...combien que sa volunté fust plainement deliberée et resolue de soy retraire et revenir a son dit premier mestier, toutesfoiz le [celoit] il a sa femme (C.N.N., c.1456-1467, 559). La chouse luy doit bien desplaire, Car amere Est la mort d'un homme parfait, Juste, sanct, doulx et debonnaire, Qui retraire Les pecheurs de leur mal faisoit. (Pass. Auv., 1477, 109). Mais, quant il eut entendu l'estat de la vie religieuse et contemplative, il differa et se retrahit d'icelle, disant : ... (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 174). ...et, se, par adventure, par aucun pou de tempz ilz s'en retraient ou abstiennent, certes, le plus tost qu'ilz peuent, ilz retournent a leur pechié acoustumé (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 200).

 

-

Empl. abs. "S'amender, se convertir" : ...car par substencion de aide pecuniel, il se chastieroit ou retrairoit ou feroit moins de mal. (ORESME, E.A.C., c.1370, 451). O ame, bonne ame, ne le relinque point et tu congnoistras combien il t'ayme. Il ne te veut point perdre, mais par maintes grans pasciences il atent et suratent et te appareille maintes reparacions, et non point par une foilz, mais par maintes et plusieurs termes. Et ses dons te itere et reitere, ce tu te veulx retraire et reparer (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 285). Par faulx honneurs et faulx langaiges Sont maintes mises a hontaige, Et a peine se peut retraire Femme qui est mise a mal faire. (GARIN, Compl., 1460, 107). [Ou est-ce un empl. pronom. de sens passif ("on ne peut corriger, remettre dans le droit chemin une femme qui...") ? Cf. supra retraire qqn de qqc.]

 

-

Se retraire de + inf. "Renoncer à" : Et pour ce n'ont pas peu se taire Ne de mesdire eulx se retraire (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 105). Mais pour ce que ne te retraies D'aler pour la dame combatre Me sui je cy venue embatre, Qui sui de paradis royne. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 159). Et se par ceste voie [le faucon] ne se veut garder et retraire d'aler au change, nous te dirons que tu feras (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 192). Je ne me doi retraire de loer La flour des flours (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 147). La tierce mesaventure si est de celluy qui scet le bien et chastie les autres et si ne se retrait de mal faire. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 67). Quant mon cueur d'amer se retrait... (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 22). De convoitier des biens d'aultruy A peinne se peult-on retraire. (Prisonn. desconf. C., c.1488-1489, 22).

 

b)

"Renoncer au combat, battre en retraite" : Et, audit passage faisant se y trouva Salezart et aucuns de la compaignie de Joachin Rouault pour cuider empescher ledit passage, mais ilz n'estoient que peu de gens et sans artillerie, et les ennemis du roy en avoient largement, par quoy les convint reculer et retraire. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 78).

 

-

Inf. subst. "Fait pour une armée de se retirer, de se replier, de renoncer au combat ; retraite" : Or y avoit il une montaignette au dos des Anglés et doutoient François que derriere ycelle ne peust avoir aulcune grant puissance embuchiee pour les ruer jus. Si craignoient de tirer avant a l'emprise de leurs ennemis, et jugoient le retraire plus honnourable (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 294).

C. -

Retraire à

 

1.

Retraire qqn à qqc. "Amener qqn à qqc." : SAINCT MARTIN [à Proserpine]. (...) T'est il advis, se tu t'es fait pourtraire En telle forme qu'a moy tu te presente, Qu'a nul peché tu me puisse retraire ? Nenny, nenny ! Va t'en sans plus d'actente, Faulx Ennemy, que plus tu ne me tempte ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 481).

 

-

Retraire qqn à + inf. : A toy couvrir me faict retraire Maternelle amour [sujet de retraire] voluntaire. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 399).

 

-

Retraire qqn à soi. "Gagner qqn à sa cause" : ...ses feu pere et Mathi Marchez, escuïer, son frere, et autres ses amis, ont tous les jours de leurs vies tenu le parti du roy nostre sire et de son royaume, au veu et au sceu dudit Merigot, lequel ilz n'ont aucunement peu retraire à eulx (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 206).

 

-

Retraire qqc. à qqc.

 

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Retraire qqc. à scrutin. "Soumettre qqc. à un vote dans les formes requises" : Et ou lieu de maistre J. Charreton, conseiller du Roy aux Enquestes de ceans (...) a esté esleu communi concordia en la Chambre sans ce retraire à scrutine maistre Adam de Cambray (BAYE, II, 1411-1417, 94).

 

2.

Retraire à qqc. "Retourner à qqc." : ...mais a sa nature Sperticus retray, sanz faille (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 194).

 

-

Se retraire à qqc. "Aller vers qqc., se diriger vers qqc." : A grant honneur se retraira Cilz qui sa vie amendera (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 125). Qui (...) A tel us se vaulsist retraire Qui ["qu'il"] eüst abstinence prinse... (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 65). ...le fol se retrait tousjours a sa massue et le saige aux bonnes oeuvres (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 127).

 

.

"En venir à qqc." : Je voel atant ce pourpos clore Et a cheli me retrairai Par le quel a moi attrairai Moult de coers loyaus et entiers (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 75).

 

-

Se retraire à qqn. "S'en rapporter à qqn" : Sans mi n'est nus, bien l'oç jehir, Dingnes de dingnité tenir Et on ne fait, bien m'i apoi, A le Court nul prelat sans moi, Car de tout çou qu'elle a a faire Se doit li Cours a moi retraire (BRIS., Plait Ev. Dr. K., a.1340, 58).

 

3.

Retraire à / sus

 

-

Retraire à qqn. "Ressembler à quelqu'un" : Il [l'aveugle guéri par Jésus] retraict bien a sa personne Et, a veoir son contenement, Je dis que c'est il proprement ; Et n'y metz quelque difference, Fors que l'autre estoit en carence Et cestuy cy voit bel et bien. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 447).

 

.

[D'animaux] : Dame Nature oeuvre sy bien Que (...) Retrait la mulle a l'estallon. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 80).

 

-

Retraire sus qqc. "Ressembler à qqc." : ...combien que elles [les fumees] ne soyent mie de tieu maniere, quar elles retreent, quant elles sont fourmees, sus la fourme des fumees d'un bouc ou d'une chievre privee (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 70).

II. -

[Idée d'extraction d'une image, idée de représentation]

A. -

"Dessiner, représenter" : Aux deux costez du chevet de son lit On avoit mis deux grans carreaux d'or tret ; Et soubz son lit, pour singulier delict, Deux d'autre sorte d'une figure eslit Qu'onque au pays de telz n'en fut retrect. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 168).

B. -

"Représenter par le discours"

 

1.

"Dire, exposer, évoquer qqc." : Nulles brayes n'ont, ce oy retraire (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 57). Et les deablies que ilz dirent, Qui sont horribles a retraire... (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 32). La maniere de la vengeance, Comment et quant et ou fu faicte, Si com assez l'ay ja retraicte... (Tomb. Chartr. Souvain S., c.1337-1339, 38). Aux ancïens l'oï retrere Et pour ce ne le vout pas tere. (Vie st Evroul S., c.1350, 72). En l'eglise qu'oëz retrere, La reïne si a fet fere Deus autex en belle maniere (Vie st Evroul S., c.1350, 85). Croi fermement que le contraire Oras tu temprement retraire ! (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 138). Car en tel cas seult on dire et retraire : Ainsi dit on, mais on ne le fait mie. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 62). C'est grant horreur de ta vie retraire : Tyrannie ne fut onc en saison. (DESCH., Oeuvres Q., t.6, c.1370-1407, 145). ...le beau livre De lui vous command a faire Et le miracle au long retraire (LE PETIT, Champ d'or L., c.1388-1392, 102). En telle beaulté me fist estre, Qu'el ne pourroit estre pourtraitte Ne de bouche d'homme retraitte (COURCY, Chem. vaill. D., 1406, 38). Car j'ay tousjours ouÿ retraire : Qui bien aime tart oblye. (Pac. Job M., c.1448-1478, 336). O createur de tout bien exemplaire, Bien increé, que on ne sçaroit retraire... (Myst. Incarn. Nat. L., t.1, c.1454-1474, 113). Tu es preste a tous biens taire, A tous maulx dire et retraire (MICHAULT, Procès honn. F., p.1461, 84). [Autre ex. p.69, v.158] C'est une chose nompareille Que d'oyr ce qu'il veult retraire. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 46).

 

-

Retraire qqc. à qqn. "Dire, exposer qqc. à qqn" : Je vous ay cy retrait et dit Ce que maint bons preudoms ont dit (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 23). ...souffrez Qu'avecques vous me puisse traire En un lieu secret, ou retraire Ma voulenté toute vous puisse (Mir. abbeesse, 1340, 70). Vray Dieu, je ne puis refuser Vostre conmandement a faire : Je li vois mot a mot retraire Tout maintenant. (Mir. ev. arced., c.1341, 135). Pour ce vous voel raconter et retrere La grant doleur (,) qu'avoit le chevalier (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 127). JUDAS. Et quant mon ame se traira Vers la doulce vierge Marie Et sa douleur luy retraira, Requerant mercy, je varye Qu'a son filz grace m'acquerra (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 292). Allons luy conter et retraire Ceste nouvelle nonpareille (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 179).

 

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Retraire des paroles. "Prononcer des paroles, tenir des propos" : Mais Envie est toudiz si able A males parroles retraire Que nullement ne s'en puet taire. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 164). Or gardez que nulz De ceste foy ne vous retraie Pour biau parler qu'il vous retraie, Ne pour menace. (Mir. st Panth., 1364, 332). Lors sans autre rien forfaire, Ne retraire Aucun mot, levé me suis. (...) Et depuis Enquestay de cest afaire (Cent ball. R., c.1388-1396, 197).

 

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Retraire la verité. "Dire la vérité, le vrai" : Et a la verité retraire Prouesce n'est que de bien faire. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 74). En viellesse [,] qui voir retrait, Vieulx homs n'a plus cure de jus ; Il est tout mouillié et retrait Et s'a tout vendu son vert jus (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 150).

 

-

Retraire de. "Parler de" : Tieulx homs te pourra bien retraire Des deduis, se tu le veulz croire (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 125). Jason, dont j'ay devant retraict (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 48). Aprés retraire Veuil d'Abacuc, ce bon prophete (Myst. Incarn. Nat. L., t.1, c.1454-1474, 119).

 

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Retraire que : Mais j'ay oy pour voir retraire Que de deux folies emprendre Doit on pour soy la meilleur prendre. (Mir. femme roy Port., c.1342, 185). Sathan, tu as ci bien veü La distinctïon que t'ay faicte. Tu as une cause retraicte Que tu restabliz estre doyes, Supposé or que lierres soies. (Myst. Adv. N.D. R., c.1360-1365, 66). Car on pourra, aprés ma mort, retraire Que je mouru pour amer loyaument. (GARENC., Poésies N., 1400-1415, 3).

 

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Se retraire que. "Se dire que, se convaincre que" : Et grandement sougneus estoit De moi remonstrer et retraire Que je me vosisse avant traire Pour parler a ma droite amour. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 126).

 

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Retraire + interr. indir. : Pour che (...) Ai je voloir de retraire Comment il m'est (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 164).

 

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Inf. subst. : Car plaisance avoie au retraire Les fais d'amours (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 58).

 

2.

Retraire qqc. à qqn. "Reprocher qqc. à qqn" : ...elle ne le amera jamés, ne lui elle, et se aidera de tout ce qu' elle pourra. D'aultre part, il lui retraira souvent son fait et a l'aventure la batra, ne jamés bon mesnage ilz ne tendront ensemble. Mais non obstant il est en la nasse dont il ne eschappera point (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 89). [Autre ex. p.9 (1, 103)]

 

3.

"Mettre qqc. par écrit, consigner qqc." : Et pour avoir retroit et redige [l. redigé] en un grant papier les taux et amandes des papiers ordinaires de la dite court.... (Comptes Lamballe C.-L., 1465-1468, 255).

III. -

[Idée de contraction, de rétraction, de rétrécissement]

A. -

[Idée de contraction, de rétraction] "Contracter qqc." : ...c'est le mal dont tu es plains Qui les nerfs t'a retrait sanz doubte. Je te di tu as une goute Que nous appellons palasine (Mir. st Panth., 1364, 331).

 

-

Empl. intrans. [Des nerfs] "Se rétracter" : Et si ne peut [le cheval atteint d'estive] prendre sa viande de terre se en grant haste non. Il vient de trop grant fés porter sus les espaules et de ce que li nerf retraient. (Chir. chevaux P., c.1325-1350, 381).

 

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Part. passé : Ha ! sire, je qui sui despis De touz pour ce que sui contrait Et que li nerf me sont retrait, (...) Vueillez regarder mon meshaing (Mir. st Panth., 1364, 336). Par maladie est touz contraiz, Les nerfs a come touz retraiz (Mir. st Val., c.1367, 132).

B. -

[Idée de rétrécissement]

 

1.

Empl. intrans. ou pronom. "Rétrécir" : ...iceux bancs estofféz et foncés de planches de chesne seiches et curées, affin qu'elles ne retraissent (Trés. Reth. S.L., t.2, 1409-1410, 622). [De vêtements exposés à la pluie] ...plusieurs aultres fourrures (...) c'estoient retraictes pour l'amour de l'eaue, et le lendemain eussiez veu le drap que floctoit sur lesdictes forrures qui estoient gastees et retraictes. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 39).

 

2.

"Rétrécir qqc."

 

-

DRAP. "Rétrécir artificiellement (un drap) par mouillage" : Willaume Hartscene, tonderres, privés à tousjours de se bourgoisie et de sen mestier, pour che que il avoit usé de oster pièches hors de draps entiers, dont li draps acourchoit, et puis faisoit le grant part du drap retraire avoec le liste ostée pour che que li draps apparust entirs ; et pour cest meisme fait fu une pièce d'un tel drap ars devant se maison et il banis à tousjours, sour l'orelle . (Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3, 1333-1334, 290). ...trois manieres de draps : les milleurs de 15 quartiers, excepté les escarlates, qui doivent estre de plus grant largheur et valeur ; item, de le moiene laine, draps de 13 draps ; item, de le tierche laine, draps ou demi-draps de 11 quartiers. Et tout le pieur des laines, on en fra blanquit, retrait, sans liziere et eswart. (Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3, c.1350-13, 329). ...que nuls draps ne soit tondus, s'il n'est retrais (Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3, 1383, 338). ...que nus detaillieres ou detailleresse de draps (...), vende ne fache vendre par lui ne par autrui, en appert ne en couvert, nuls draps enthirs ne piece de draps quelzconques qu'il soit retrais et retondus, se par avant il ne l'ont aporté ou fait aporter à l'eswart des maieurs de le perche pour yceulx singner (Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3, 1384, 26). ...fu attaint et fait venir Jehannin de Pois, prisonnier detenu oudit Chastellet, pour souspeçon d'avoir mal prins et emblé un certain drap escru, mouillié, et à tondre et retraire, de couleur de tenné, contenant environ XVJ aulnes (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 172). Et que aucun marchant faisant draps (,) ne soit si hardi de retraire, tondre et esvanquier le mantel desdis draps... (Ordonn. rois Fr. S., t.8, 1399, 336). ...que tout ouvrage tant de chausses que d'escafignons ou chaussons, qui sera trouvé fait de drap qui ne seroit moillé et retraict, sera prins et bruslé et celuy [qui aura fait] ledit ouvrage sera amandable de vingt solz (Doc. Poitou G., t.11, 1473, 357).

C. -

Part. passé en empl. adj. [D'une pers. ou d'une chose]

 

1.

[D'une pers.] "Ratatiné, rétracté" : De tieulx y a et de malades, A grant foison, a couleur fades, Des avugles et des contrais Et d'autres de goute retrais (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 99). En viellesse [,] qui voir retrait, Vieulx homs n'a plus cure de jus ; Il est tout mouillié et retrait Et s'a tout vendu son vert jus (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 150). Compte moy ung pou de ton fait, Car je t'ay veue si parfaite ! Comment es tu ansi retraite, Ci blassée, si desronpue ? (OLIOU, Mess. Arg. A., c.1470, 490).

 

2.

[D'une chose] "Rétréci, ratatiné, rétracté" : Cil qui voit en songe que son ventre soit retrait ["rétréci, amaigri"] autrement qu'il n'estoit acoustumé, signifie la mort de ses filz et souffretté de pecune (Expos. songes B., 1396, 105). Ne pour chose que ses physiciens lui dissent il ne voulloit menger ne prendre aucune réfection, et jucques à ce que ses fusiciens lui dirent que s'il ne mangoit il estoit mort. Et adonc mist paine de menger, maiz ne peult, car ses conduits estoient jà tous rettraitz. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.3, c.1437-1464, 113). Les piéz [du Christ sur la croix] sont tant retraiz Qu'ilz ne se peuent atirer Jusqu'au trou. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 332). [MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 400] ...le viaire lui estoit appaly, retrait et froncié, qu'autreffois avoit veu plain de char et vermeil (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 539). ...le malheureux ne fut gaires eslongie de la cite quant vne forte maladie le surprint, si quil ne poult aler auant, tant furent ses membres retraiz. (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 47). Mamelles, quoy ? toutes retraictes, Telles les hanches que les tectes (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 56). Il n'a ja besoign que tu'n ayes ; Je croy que ta cher est retraite ! (Pass. Auv., 1477, 213). ...Les jambes aussi menuettes Comme fuseaulx, les joues retraictes. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 275).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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