C.N.R.S.
 
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     PENSER     
FEW VIII 194a pensare
PENSER, verbe
[T-L : penser ; GD : penser ; GDC : penser ; DÉCT : penser ; FEW VIII, 194a : pensare ; TLF : XIII, 17a : penser1]

I. -

[Marque une activité de l'esprit, appliquée ou non à un objet]

A. -

[Activité de réflexion]

 

1.

Empl. intrans.

 

a)

"Se livrer à la réflexion" : En l'omme sont deux sens lesquelz laborieusement doivent estre excercitéz en doctrine, c'est asscavoir oÿe et veue et, par dedens, engien et entendement. L'escolier dont doit excerciter son oÿe en escoutant, sa veue en lisant, son engien en enquerant, et son entendement en pensant. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 39). Et, finablement, par l'advis et deliberacion des gens dudit Conseil, monsegneur le Chancelier encharga aus dessusdis que plus à plain ilz voulsissent penser pour adviser et trouver manieres promptes et prouffitables d'avoir finances selon le contenu desdictes lettres, et eulz assembler (FAUQ., I, 1417-1420, 211). ...et fault bien penser avant que on die son opinion (JUV. URS., Nescio, 1445, 469).

 

-

Prov. : Pour nient pense qui ne contrepense. (E. LEGRIS, Anc. prov. fr., p.1400. In : Bibl. Éc. Chartes 60, 1899, 592).

 

-

[Avec un adv. de temps ou de quantité] : Quant le duc de Bretaigne ot oy parler l'evesque de Lengres, il pensa ung petit, et bien y ot cause qu'il fust pensieus, car les parolles dictes et monstrées faisoient bien à gloser (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 15). ...après qu'il eut ung peu pensé, affin d'estre de son yvroigne despeschié (...) il saisist et prent le cousteau (C.N.N., c.1456-1467, 62). ...je veil bien que vous sachez que j'ay bien cause de beaucop penser (C.N.N., c.1456-1467, 200). Tant penserent et contrepenserent qu'ilz s'arresterent a faire ce qui s'ensuyt. (C.N.N., c.1456-1467, 238). Tant pensa et advisa qu'elle conclud de luy envoyer [un poisson] par une vieille qui savoit de son secret. (C.N.N., c.1456-1467, 261).

 

-

Penser tout environ. "Faire le tour d'une question" ( (Éd.)) : Et pour ce que j'ai par oultrage Mal usé de franc arbitrage, et qu'ai par fole induction Empirié ma condicion, Et qu'ai besoing pour mon meschief D'estre dispensé derechief, Quant j'ai pensé tout environ, Je retourneray ou giron De Sainte Eglise nostre mere. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 116).

 

-

[Avec un adv. indiquant à quoi s'applique la réflexion] Penser dessus : Or ça, bailli, le roy vous a envoié par devers moy, pour une telle chose dont je le mercie humblement, de quoy il lui en plaist prendre tel soing. Je vous ai dit que je penseroie dessus et m'y emploiroie volentiers sans nulle fiction et désirez bien à en avoir response. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 25). Le seigneur de Croy musa un petit en cest offre, et par semblant il difficulta fort de y respondre, car craignoit fort l'accepter leégèrement, et pesa le refuser non moins ; enfin toutesvoies il respondit et prit délay jusques au lendemain, car vouloit penser dessus, ce disoit, celle nuyt, et le jour venu, il en feroit response. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 186).

 

-

Empl. pronom. Se penser : Hanibal estoit pour passer la riviere du Rosne ; sy n'avoit pas batteaux grans et souffissans pour passer ses elinphans ; dont estoit moult en soussy comment ilz passeroient. Sy se penssa et fist venir ung gladiateur de ses gens, qui nagoit merveilleusement bien (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 51). Et quant Madame l'eust enttendu, se penssa ung bien peu, et puis lui dist... (LA SALE, J.S. E., 1456, 406).

 

-

À l'impér. [Suivi d'une interr. directe, pour amener l'interlocuteur à s'interroger] Or pense/pensez : Or pense, amis, ay je assez de meschiés ? Foy que tu dois Amours, qui est mes chiés, Pleure avec moy et complain ma dolour (MACH., Compl., 1340-1377, 252). Or, pensés doncques, quel dueil est ce A ung prince chevallereux Qui, soy moustrant plain de prouesse, Se voit desemparé de ceulx Qui lui doyvent service et foy, Dont il est et chief et seigneur ? (CHART., D. Her., p.1415, 429).

 

b)

En partic.

 

-

"Être absorbé dans des rêveries amoureuses" : Quant il ot merencolié, Pensé, musé et colié, Tant qu'il ne savoit mais que dire, Tantost fist une lettre escrire. (MACH., P. Alex., p.1369, 228). Et quant penser le remort, Par plaisance il s'i endort Si longement Qu'on li feroit painne et tort, Qui li torroit le ressort De pensement. Car en pensant il s'oublie Et deduit et esbanie, Et se ne sont si penser Aresté sus nulle envie, Mes en toute reverie, Qui me fait dire et chanter : Je ne sui etc... (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 50). Un entre les autres y vy, Qui souvent aloit et venoit, Et pensoit comme homme ravy Et gaires de bruit ne menoit. (CHART., B. Dame, 1424, 334). Et quant les pansses furent comme remplies, a l'eure que les langues commencent a deslyer, damp Abbé se commença a resveillier et dist : "Ho ! monseigneur de Saintré, resveilliez vous ! resveilliez ! Je boy a vostre pensee, et qu'est ce cy ? Vous ne faites que penser" (LA SALE, J.S., 1456, 276). Le pouvre mary, voyant sa femme ung peu muser et ententivement penser, et ne savoit a qui ne a quoy, la regardoit tresfort (C.N.N., c.1456-1467, 184).

 

.

P. anal. [D'un animal] : [A propos des cerfs en rut] Et illeuc demeurent, qui ne leur fera annuy, toute la saison jusques a la fin d'aoust. Et lors commencent a muser et a penser et eschaufer, a errer et remuer de la ou il auront demouré toute la sayson pour aler querir les bisches. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 60).

 

-

"Être absorbé dans des pensées douloureuses" : Par ma foy, il s' est mis a matin a table, mes il n' y a oncques coulé de viande, quar, quant il avoit mis ung morcel de viande en la bouche, il ne le pouoit avaller et le gitoit, et puis il se prenoit a penser sur la table en se merencolliant, et est auxi palle et deffiguré comme ung homme mort. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 109). Plus penser que dire Me couvient souvent, Sans moustrer comment N'a quoy mon cueur tire. Faignant de sousrire, Quant suis tresdolent, Plus [penser que dire Me couvient souvent.] En toussant, souspire Pour secrettement Musser mon tourment. C'est privé martire, Plus [penser que dire !] (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 315).

 

2.

"Appliquer sa réflexion à un objet, y réfléchir"

 

a)

[Avec une sub. interr. indir.] "Réfléchir pour savoir..."

 

-

[Avec une sub. interr. indir. totale] Penser si : En ce tourment de doleur que j'avoye, Je m'esveillay, puis a pencer me prins Se lors songay ou si je le veoye Ou que c'estoit, dont ainsi fu seurpins. Lors a pencer de nouveau entreprins Se vray estoit, et au lyt me remy. (DU PRIER, Songe past. D.-M., c.1477-1508, 103).

 

.

Empl. impers. N'est pas à penser si. "Il est évident que" : ...apprès les amiables parolles et salus, luy deist : comme nous sommes venus et laissient nostre ost pour venir a son ayde, et qu'il me mande par vous se il vuelt que je voise a lui, de jour ou de nuit, et se il vuelt que je face nouvel logis dehors le scien ou se logerons en ung ost. De laquelle nouvelle n'est pas a pensser se Livius fut tresjoieulx ; car a celle journee Hasdrubal estoit venus logier, a tout sa grant puissance, devant luy. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 43).

 

-

[Avec une sub. interr. indir. partielle] : Elle [Marie] pensa donc quelle estoit ceste salutacion, dont il avint que quant li anges vit qu'elle pensoit, il la conmença a conforter et a confermer ce dont elle doubtoit (Mir. nonne, 1345, 314). Adonc en un anglet me tray De la chappelle et si pensay Que c'estoit, et a merveillier Me pris forment (Mir. ev. N.D., c.1348, 84). ...en son dormant, comme il se seoit et lisoit, lui fut avis que deux fenmes assés belles vinrent seoir emprés de lui, l'une a dextre l'aultre a senestre ; lesquelles, a l'occasion de sa chasteté, quant il les perchupt, se commencha a mervillier, pensant qui elles estoient ne quel chose lui voloient. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 85). Lors que je euz assez escouté De la valeur, de la bonté Dë icelle dame Nature, Sy mis, des lors, ung pou ma cure A penser que ce povoit estre ; Et pour sçavoir plus de son estre Luy dis... (COURCY, Chem. vaill. D., 1406, 10).

 

b)

Empl. trans. indir.

 

-

Penser à qqc. : Li aubre qui le lieu parfont, Qui bien y vuet penser parfont, Ce sont toutes bonnes vertus Dont ses cuers doit estre vestus. (MACH., D. Aler., a.1349, 399). Je me puis bien comparer a l'orloge, Car quant Amours, qui en mon coer se loge, M'i fait penser et mettre y mon estude, G'i aperçoi une similitude. (FROISS., Orl., 1368, 83). Doncques la creature ne se doit pas pener par oultrageuse presumpcion que les jugemens et fais de Dieu vueille comprendre en son entendement, mais y penser et soy esmerveillier ; et, en soy esmerveillant, considerer comme il saiche doubter et glorifier Cellui qui si celeement juge. (ARRAS, c.1392-1393, 2). Vrayement qui bien penseroit a ces deux manieres de mors, il maudiroit la mort des pecheurs et beniroit celle des sains en desirant comme Balaam : Moriatur anima mea morte iustorum (GERS., P. Paul, a.1394, 491). ...elle eut temps et loisir de se confesser et penser a ses pechez (C.N.N., c.1456-1467, 327). N'as tu honte, par ton serment, Quant tu voy tes moynes meffaire, De si tost et legierement De leurs pechez pardon leur faire ? Se bien tu pence a ton affaire, Tu congnoistras en verité Que cella te fera retraire Enffer a perpetuyté. (LA VIGNE, S.M., 1496, 484).

 

.

Sans y penser : "Et comment ?" dist maistre Julien a damps Abbés, "Madame va elle chassier volentiers ?" - "Volentiers ?" dist damp Abbés sans y penser "oy, deux ou trois jours la sepmaine, que a cheval que a pyé, puis a une chasse puis a l'autre." (LA SALE, J.S., 1456, 259).

 

.

Y penser sus : ...ce que je vous dis est vray. Et vous dis encore une autre fois que vous y pensiez sus ; et je vous donne an et jour d'y penser. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 117).

 

-

Penser de qqc. : Cilz fait plus acceptable chose a Dieu qui pense de la grandeur de ses pechiés et de la petitesse de ses vertus et com loing il est de la perfection des sains, que celui qui dispute de leur majorité ou de leur petitesse. (Internele consol. P., 1447, 260). Alors du cas dont se vit accusé Pour repliquer, ung bien petit pensa. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 157).

 

-

Penser en qqc. : Pensez en ce que j'ay compté, Ma Dame, car en verité Mon cueur de foy vous requerra, Quant temps et besoing en sera. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 50). Or pense es choses deuant dictes qui ont ete assez desclairees, et sans toy remuer de ton lieu, tu verras la terre que Dieu ta donnee et contempleras par dilatacion et eslargissement de pensee sur ton corps. (CIB., p.1451, 186). Sy se party du roy tout gros de coeur et laissa le roy penser en ses paroles, tout reconforté en ce qui s'y pouvoit entendre. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 117). Monseigneur, et vous, Monseigneur, j'ay parlé avec aucun mon bon amy et pensé en la matière dont vous me parlastes hier de par le Roy (BUEIL, II, 1461-1466, 163).

 

-

Penser sur/sus qqc. : Si avoit bien le conseil de France grandement à faire, à penser sus ces besoingnes, car elles estoient moult grosses. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 182). Tu tesleueras a contempler plus hault par la congnoissance que tu aras de toy selon estat moral, et subleueras ta pensee quant tu congnoistras ce qui a este dit en la seconde partie : quant tu penseras sur la iustice de Dieu quil excerce en homme pour la cause de pechie (CIB., p.1451, 187). Mais au regart du pris que me adjugiés, si treshumblement que puis je vous supplie que sur ce vous plaise trop mieulz penser et bien adviser comment monseigneur mon frere qui cy est me a de sa haiche bien festoié (LA SALE, J.S., 1456, 128). Ce bon seigneur pensa ung peu sur l'advis de sa fille et en parla a madame sa femme. (C.N.N., c.1456-1467, 171). ...comme il fut parvenu a l'eage dessus dicte, ainsi que une foiz pensoit sur son estat, voyant qu'il avoit despendu tous ses jours et ans a rien aultre chose faire que cuillir et accroistre sa richesse (C.N.N., c.1456-1467, 554). Monseigneur, pensez sur ce que vous je dis et sentez si je vous dis vray. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 117).

 

-

[Le compl. est le relatif ] : ...et encores avroient actente de voustre secours et que Bel Acueil et Doulx Actrait les remeissent sus, se ne fust qu'il est venu a leur congnoissance que aucuns ont escript en vers rimés certaines nouvelletez ou ilz n'ont gueres pensé. Et puet estre que Envye, rebutement d'amours ou faulte de cuer qui les a fait demourer recreuz en chemin et laissier la queste qu'ilz avoient encommenciee avecques nous les fait ainsi parler et escrire. (Lettres Chart., 1425, 361).

 

c)

Empl. trans. dir. "Examiner" : 6 Et premierement les choses que nature a creés il enquierent et demainent soubtillement et determinent maintenant comment elles sont en leur parties, maintenant enquierent comment elles sont composees de matiere et de forme ; 7 et, afin que plus legierement le puissent faire, il pensent les forces et vertus des cinq sens et mesurent et poisent la vertus de l'entendement. (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 158). Penses a toy, car tu as trop musé, Et advise le bien que je te nomme ; Et puis regarde si je t'ay conseillé, A ton advis, l'onneur de ta personne. Prens tous ces poins et les gecte a somme, Et, par ma foy, se tu les scez penser, Tu n'auras pas parfait courage d'omme, S'il ne te prent grant voulenté d'amer. (GARENC., Poésies N., 1389-1415, 66). Ou se il avient cas que aucun prince voisin ou estrangier vueille movoir guerre pour aucune chalenge a son seigneur ou que son seigneur la vueille mouvoir a aultrui, la bonne dame pesera moult ceste chose en pensant les grans maulx et infinies cruaultéz, pertes, occisions et destruction de païs et de gent qui a cause de guerre viennent, et la fin qui souventes fois en est merveilleuse (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 33).

 

-

En partic. [Examen d'ordre spirituel] : Ne me delaisses, doulz Sires, croistre en ma ignorance, et ne me laisses multiplier mes defaillimens. (...) Trop de biens m'as fais, les quieulz seroit a moy doulce chose touz temps parler et touz jours penser et touz jours fere graces,par quoy je te puisse davant touz les autres biens loer et amer de tout mon cuer et de toute m'arme. (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 61). Tu vois l'esperit et ou va et ou vient et ou est, et, certes, en toutes choses regardes plus l'entention que l'uevre. Et, quant toutes ces choses diligentement je pense, Sire Dieu mien terrible et fort, de paour et de tres grant vergoigne je suy confondu. (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 62). ...premierement tu doiz penser la vilté et l'ordure dont tu es engendree en pechié (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 40). Je t'enseigneray, dist Verité, quelz choses droiturieres sont plaisans devant moy. Pense tes pechiez en grant paour et desplaisance, et ne repute jamais rien estre pour bonnes euvres. (Internele consol. P., 1447, 73). Ainsi est lame qui par contemplacion en ce pelerinage vient iusques a penser, a mediter et a veoir en esperit la grant gloire du vray salomon en sa maison de paradis (CIB., p.1451, 190). Tu trouueras en toy matiere et cause dumilite quant tu penseras la fragilite de nature humaine. Tu trouueras matiere de magnanimite quant tu penseras la dignite de humaine nature. (CIB., p.1451, 196).

 

-

Au passif : Et si peut on dire que clemence, bien prinse, pensee et consideree, est en ung prince plus honnorable, et se monstre mieulx et plus apparanment vicaire de Dieu que justice. (JUV. URS., Verba, 1452, 308).

B. -

[Marque la mobilisation de l'attention sur un objet préexistant]

 

1.

"Tourner ses pensées vers qqc. ou qqn"

 

a)

Empl. trans. indir.

 

-

Penser à qqc. : Car les vertus ne se oublient pas si tost comme font les sciences. Et est verité que un bon homme geometrien avroit plus tost oubliee sa geometrie que il ne avroit oubliee le bien ou delaissié a bien faire. Et la cause est car continuelment tant come il vit, il vient matiere de bien faire et non pas de penser a geometrie. Et pour autre cause, car il se delite plus en telles nobles operacions de vertu que en nulle autre chose. (ORESME, E.A.C., c.1370, 134). Que diray je de Gloutonnie qui fait l'ame toute yvre de vins et de viandes, tellement que elle oublye Dieu et soy meismes, et tourne tout a fable et moquerie tout ce que on luy dit des joyes de paradis et des peines d'enfer, car a riens ne peut penser fors a sa panse ? (GERS., Purif., 1396-1397, 65). Pencés a la gloire des cieulx ; Laissés ces tristes passïons (Pass. Auv., 1477, 257).

 

.

Avoir autre chose à penser. "Avoir des préoccupations plus importantes" : Et a ces paroles vint un chevalier, que les dames envoierent, qui leur dist : Beaulx seigneurs, ne le rigoulez pas, car sachiez qu'il a bien autre chose a penser. Par foy, dist le conte de Poictiers, je croy bien que vous dictes voir. Et ly chevaliers leur dist : Beaulx seigneurs, admenez Remondin, car les dames le demandent. Sa partie est toute preste. (ARRAS, c.1392-1393, 41).

 

.

[Dans certains cont. nég.] "Ne pas/plus avoir présent à l'esprit" : ...et aprouchierent [les combattants] Saint-Fagon et entrerent en la ville sans nul gait que les chitoiens firent sur eulx ; car ilz n'y pensoient plus et cuidoient bien que tout fust oubliet et que jamais ne se deust le maltalent renouveler (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 130). Et pour ce entreprist il le dit voiage si liement, et ne resongnoit painne ne peril qui li peuist avenir. Aussi il n'i pensoit point, et estoit et fu toutdis ens ou vassiel la roine d'Engleterre et de son fil. (FROISS., Chron. D., p.1400, 71). "Monseigneur, dit le Jouvencel, ilz estoient allez à la ville et ne pensoient en riens à l'escarmouche et, quant ilz ont veu le bruit, ilz sont sailliz..." (BUEIL, I, 1461-1466, 196). Ne pencés plus ad ce tourment, Ma doulcete tante Marie, Je vous en prie doulcement, Car vous abregés vostre vie. (Pass. Auv., 1477, 253).

 

-

Penser de qqc. : Ce dit il pour aucuns qui sont de si perverse nature, ou perverse acoustumance, que il ne pensent en rien de felicité. (ORESME, E.A.C., c.1370, 108). ...et n'estoit pas, creez, son engin oiseux, mais labouroit a toute force pour fournir la promesse a son serviteur ; maintenant pensoit d'un, puis maintenant d'un aultre, mais rien ne luy venoit a son entendement (C.N.N., c.1456-1467, 183).

 

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En partic. "Se préoccuper de trouver une solution au problème que pose qqc." : "Ma dame, au regart de vostre corps je le treuve tresbien disposé mais vostre cuer ne l'est pas qui a en soy aucune grant doleur secrete que se pourveu n'y est briefment vous tumberez en une grant langueur tres forte d'en garir. Et pour ce, ma dame, ostez de vous ceste doleur et je penseray du surplus." (LA SALE, J.S., 1456, 241). ...car avecques propre peur sentoient leur maistre craintif encore plus, et par ainsi visans à la seurté de lui qui n'estoit pas légère à trouver, pensèrent ensemble de leur refuge qui donroit asseurance à tous deux. Et s'avisèrent, ne sçay de qui conseil mus, ou de Dieu ou d'autre, de eux embler à privée maisnie, et de venir secrètement en Bourgogne... (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 168).

 

-

Penser en qqn/qqc. : Car com usaige fait bon maistre, Et non usaige le fait tristre, Cuidiez vous que pour estuver, pour doux vivre, pour deporter, Pour penser tousjours en veandes, Pour mengier les choses friandes... (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 24). [Phrase inachevée] ...eulx assis a table, firent bonne chere sans penser en leur male adventure. (C.N.N., c.1456-1467, 375). Or laissés ces plaintes mondaines, Ma bonne seur ; pensés es cieulx, Ou Jhesus a joyes aultaines (Pass. Auv., 1477, 254). A ta deïté ce jour pence Pour avoir de joye le pris. Si en toy, pere, plus fort pence, Je varrey avec toy mon filz. (Pass. Auv., 1477, 279).

 

-

Penser sur qqn. : . Et faisant ceste visitacion, l'empereur estoit present et dis a Fyrebras : "Se devant toy estoit Olivier et les aultres personnes, nous serions bien contens." Et se tint la Charles courroucé, assis et marris, moult fort penssant sur ses barons qui estoient pris, plus qu'il n'en faisoit ne demonstroit semblant. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 69).

 

-

Penser pour qqc. : Beau sire, respondy le preudhomme, je fus en mon jenne eage bachelier comme vous estes et estoie en mon pais homme riche, mais en mes anciens jours je demouray vef de femme et d'enffans. Et quant je me trouvay ainsi esseulez, ymaginant que j'avoye esté assez au monde et qu'il estoit desoremais temps de penser pour l'ame, je prins lors de mes biens et m'en vins en ceste forest (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 238).

 

b)

Empl. abs. [Avec un adv. de lieu indiquant à quoi s'applique l'attention du sujet] : LE ROY. Chastellains, amour me semont De vostre fille en foy amer, Car tant me plaist a regarder Son cler vis et sa doulce chiére Et sa gracieuse maniére Que surpris m'a. LE CHASTELLAIN. Mon seigneur, ne pensez pas la. Bien sçay que vous truffez de nous ; Ce n'est pas femme encontre vous : C'est cler a voir. (Mir. femme roy Port., c.1342, 160). Se j'ai pensé plus haut qu'a moi n'afiere Ne que tailliés ne soie de venir, Pardonnés moi, pour Dieu, ma dame chiere, Se j'ai pensé [plus haut qu'a moi n'afiere] ; Car vostre aquoel et vo frisce maniere Et vo gent corps m'ont donné ce desir, Se j'ai pensé [plus haut qu'a moi n'afiere Ne que tailliés ne soie de venir]. (FROISS., Rond. B., c.1365-1394, 71). Douce dame, que j'aim tant et desir, Que je ne pense ailleurs ne nuit ne jour, Je ne vous vueil prier ne requerir Que me donnés merci ne vostre amour (MACH., L. dames, 1377, 20). Qui parle a moy, je l'escoute et me tais Et pense ailleurs s'a force ne me vains. (CHART., Compl., 1424, 326). Illes sont tres belles et gentes, Demourant a Saint Generou Prez Saint Julïen de Voventes, Marche de Bretaigne a Poictou. Mais i ne dis proprement ou Yquelles pensent tous les jours ; M'arme ! i ne suy moy si treffou, Car i vueil celer mes amours. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 91).

 

2.

P. ext. "Evoquer, faire venir à l'esprit qqc. ou qqn"

 

a)

Empl. trans. indir.

 

-

Penser à qqn

 

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[Cont. religieux] : Avis m'est que le voy [l'ermite] seoir, Le chief hors de sa fenestrelle ; Je croy qu'a la vierge pucelle Pense forment. (Mir. ev. N.D., c.1348, 64).

 

.

[Cont. amoureux] "L'avoir présent à l'esprit" : Si qu'en escoutant le deduit Des oisiaus, Amours qui me duit A faire son trés dous plaisir De fin cuer et de vray desir Me fist a ma dame penser Bonnement, sans villain penser (MACH., D. Lyon, 1342, 166). Et le Chevalier du Papegau chevauche, luy et sa compaignie, pensant a la dame moult (Chev. papegau H., c.1400-1500, 44). Si ne dormoit ne nuyt ne jour, de force de penser a sa dame (C.N.N., c.1456-1467, 315). Et quelque chose que on die, je ne croyray jamaiz que les nobles qui font faulte aux armes, soient descenduz des bons et vaillans peres dont ilz portent le nom ; et fault dire que leurs meres pensoient à quelques paillars, quant elles les engendrerent, ou l'ont fait de fait. (BUEIL, II, 1461-1466, 82). Pechié est fait en cincq manieres entre l'homme et la femme ensemble joincts et mariéz, comme il appert par cest mettre : Premierement en temps deffendu, secondement en pensee, comme en pensant a aultre femme que la sienne... (Sacr. mar., c.1477-1481, 46).

 

.

Faire penser à qqc. : Par foy, dist Anthoine, se j'eusse eu voulenté de leur porter contraire, je leur eusse fait savoir. Et aussi je n'ay pas cause de le faire, car je ne scay pas que ilz m'aient riens meffait, ne aux miens, combien que ilz m'y font penser quant ilz se deffient de moy qui oncques riens ne leur meffiz. (ARRAS, c.1392-1393, 175).

 

-

Penser en qqc. : LUCIFFER. Deables remplis d'oultrecuidance, Miserables, maulditz paillars, Je meurs, j'enraige quant je pence, Tout par moy, en voz villains ars. (LA VIGNE, S.M., 1496, 514).

 

b)

Empl. pron. Se penser de qqc. "Se souvenir de qqc." : ...par quoy il se penssa de la faulse subtillité que Titus Livius traitte ou second livre de la fondacion de Romme (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 35).

 

c)

Empl. trans. dir. Penser qqc. : Mere, ce seroit beau cop [l. beaucop] mieulx Que ne pancessiés plus ces paines. (Pass. Auv., 1477, 254).

C. -

[Marque la mobilisation de l'attention sur la réalisation de qqc.] "Se préoccuper de qqc. (dont la réalisation est à venir)"

 

1.

[Avec un subst.]

 

-

Penser à qqc. : "Mon seul desir et toute ma pensee, jour et nuyt je ne cesse de penser a l'acroissement de vostre honneur, et me suis appensee que a tant d'armes que avez faites, ne vous estes encore point fait cognoistre aux Anglois..." (LA SALE, J.S., 1456, 173). ...[il] se vint rendre aux piez d'elle (...) l'ammonnestant de penser au sauvement de son ame. (C.N.N., c.1456-1467, 515).

 

.

[Avec un subst. signifiant l'évaluation morale d'un comportement] (Y) penser à mal/à vice/à fausseté... : Et ce vergier ci baptisa Qu'il fust appellez a tous jours : "L'Esprueve de fines amours", Pour ce qu'il n'est nuls qui compasse Si bien son erre qu'il y passe, Puis qu'a fausseté penseroit, Et li loiaus y passeroit ; Car nuls n'i vient qui ne se prueve Tous tels comme il est, sans contrueve. (MACH., D. Lyon, 1342, 222). Et li dieus d'Amours, qui mes sires Est et des maus amoureus mires, Vuet que j'aie bonne Esperance, Dous Penser et douce Plaisance En faisant son trés dous service Bonnement, sans penser a vice (MACH., Prol., c.1377, 6). Et quant elle ot esté un petit par ville en cest estat, porta icelles herbes aumousniere en l'ostel d'icelle Margot, sans ce que lors elle pensast à aucun mal (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 339). Haa, folz, ce dist ly contes, se tu savoies la grant et riche et merveilleuse adventure que je voy, tu en seroies tous esbahiz. Resmondin, qui n'y pensoit a nul mal, lui respondy : Mon tres redoubté seigneur, plaise vous a moy dire que c'est, s'il se puet faire, et aussi se c'est chose que je doye savoir. (ARRAS, c.1392-1393, 20).

 

-

Penser en qqc. : Parquoy, ma treshonoree dame, Fille du roy treschretien, Ne me vueillez tourner a blasme Ce que j'ay faict pensant en bien. (BRÉZÉ, Chasse T., c.1481-1490, 48).

 

2.

[Avec un inf.]

 

-

Penser à + inf. : Et quant l'instruction fu faite, Li roys, qui ne pense ne gaite Fors à ses annemis destruire, Fist beccuit et vitaille cuire ; S'en fist leur galée garnir Largement jusqu'au revenir. (MACH., P. Alex., p.1369, 127). En mon temps j'ay trop peu pensé A amasser, dont je suis nice, Helas, se j'eussë amassé A present me fust bien propice (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 12). Entre lesquelles [choses] lui dist [l'esprit] qu'il se gardast de jamais ne entrer en Florence et que il y devoit morir. Par laquelle chose comme deceu, pensant a tousjours a la mort fouir, oncques puis ne approucha de Florence. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 171). Se tu veulx bien penser a toy congnoistre tu trouueras en toy grant tresor pour forger larche de sapience. (CIB., p.1451, 195). ...[il avait vécu] sans jamais avoir eu ung seul moment ou minute de temps ouquel sa nature luy eust donné inclinacion pour penser ou induire a soy marier (C.N.N., c.1456-1467, 554).

 

-

Penser de + inf. : Tu dois panser et travaillier, Des qu'ilz sont nez d'eux adrecier, Quart tu ne scez ton finement. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 207). Quoy qu'il me fust joieusement, Me couvint il songneusement Penser, viser et travillier De ma besongne apparillier. (MACH., D. Aler., a.1349, 265). Je t'avoie fait chevalier, Pour ce que les maulx delaissasses Et que de bien faire pensasses (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 3). ...laquele lui dist qu'elle ne se souciast de sadite fille et qu'elle l'avoit bien mise en ladite eglise, et qu'elle pençast de gaignier pour la nourrir. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 532). ...elle dist a ses femmes en riant : "Je croy que nous perdrons bien nostre temps, et qu'il n'a point encores tant de sens que il entende d'avoir dame, ne que il pensast onques d'estre amoreux ; mais au moins nous en avons ris, et encores rions." (LA SALE, J.S., 1456, 51). ...a tant se part et s'en va, et sa dame aussi, chacun pensant et desirant d'achever ce qui est proposé. (C.N.N., c.1456-1467, 193). ...tantdiz que le seigneur de leens pensoit et s'efforçoit de faire finance de pluseurs choses pour festoier son hoste, l'oste se devisoit a sa dame (C.N.N., c.1456-1467, 247).

 

.

À l'impér. : Pense donc de toy affaittier, Car maintenant nous en yrons... (Mir. nonne, 1345, 333). Cousine, avant, sanz plus cy estre. Pensez de vous mettre a chemin ; Alez, devant, alez, cousin, Appertement. (Mir. enf. ress., 1353, 79). Pense d'amer et de celer, Endure et sueffre par tel voie Que tout mien te doie appeller Et qu'à toy tout seul estre doie (MACH., App., 1377, 652). Or vous en alez, et pensez de bien faire, que j'aye bonnes nouvelles de vous, et a Dieu soiez. (LA SALE, J.S., 1456, 50). Or pensez bien de vous defendre, car vous estes venue a la bataille [Cont. érotique] (C.N.N., c.1456-1467, 156). Et j'ay grant paour que, se nous sejournons plus, nous pourrons changier coustumes. Et pour ce, messeigneurs, je vous prie, pensons d'aller dehors et de travaillier. (BUEIL, I, 1461-1466, 150). SECOND CHEVALIER. Pour le vouloir de l'empereur parfaire, Gentil portier, pence de bien traictier Ce chevalier ; entens a son affaire, Car retourner nous fault sans arrester. (LA VIGNE, S.M., 1496, 247).

 

.

[Avec un inf. subst.] : Gentil seigneur, si bien savez la voie Par ou vous vintes, pensez du retourner ; Ne m'y venez point icy rigoler ; Allez vous en, que jamès ne vous voye. (Chans. XVe s. P., c.1430-1500, 56).

 

-

Penser + inf. : LA MERE. (...) Ne pence plus aultre dieu subvertir, Mais a eulx tous veille toy convertir Et en ton cas n'y aura que reprendre. (LA VIGNE, S.M., 1496, 145).

 

-

Empl. pronom. Se penser de + inf. : Et pour ce que n'ay pas assez Gens contre lui, me sui pensez D'aide vous venir requerre (Mir. Oton, c.1370, 328).

 

3.

[Avec une sub.]

 

a)

[Avec une sub. en que au subj.] "Veiller à ce que telle chose se produise" : Et vous savez tout ce qu'il faut à tel fait. Pour ce vous en charge De tous poins et si m'en descharge. Mais pensez souvereinnement Qu'armez soie seürement, Et aussi que ma monteüre Soit bonne et belle et bien seüre. (MACH., P. Alex., p.1369, 235). ...Nostre Seigneur ne dit mie que sez Apostres ne deüssent labourer, mez dist que ilz ne devoient mie penser que ilz mangassent. (Songe verg. S., t.2, 1378, 229). Or pensons bien que nul ne se forvoye, Que l'ennemy en ses las ne nous lye, Pensons y bien ou nous ferons folie. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 179). Mon ami et mon cuer, je apparçoy que Monseigneur et Madame, la merci Dieu, aussi, vous ont bien en grace. Il nous fault penser que vous vous y puissiez bien entretenir, laquelle chose est en court tres forte par le faulz parler des envieux (LA SALE, J.S., 1456, 71).

 

b)

[Avec une interr. indir.]

 

-

[Avec une interr. indir. totale au futur ou au futur du passé] Penser si : Alors elle commença a penser s'elle se donneroit a cognoistre a lui tant seullement. Mais elle delibera et conclut qu'elle le serviroit encores en tel estat (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 268). Adont elle pensa s'elle iroit plus avant, car bien sçavoit que la voie estoit sceure, jassoit ce qu'elle sambloit perileuse a regarder. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 553).

 

-

[Avec une sub. interr. indir. partielle]

 

.

[Le v. de la sub. est au futur ou au futur du passé] : Quant je le vi, je m'arrestay, Et pensé en mon arrest ay Un petitet, que je feroie, Ne comment je me cheviroie. (MACH., R. Fort., c.1341, 112). Moult pensa la dame a qui aucunement pourroit descouvrir son fait, si les declaira a aucuns maistres qui en celle science estudioient (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 523). En pensant de laquelle [jeune fille] il diroit, ainsin que nature desire et actrait les cuers a son semblable, se appensa de nommer une josne fille de la court en l'aige de dix ans (LA SALE, J.S., 1456, 15). Ta grand richesse et tes comblés thesors sont bien vains, lesquelx soubz perilleuses adventures, en peines dures et sueurs, as amassé et amoncelé, et pour lesquelx tout ton temps a despendu et usé, sans avoir oncques une petite et passant souvenance de penser qui sera celuy qui, toy mort et party de ce siecle, les possidera et a qui par loy humaine les devray laisser en memoire de toy. (C.N.N., c.1456-1467, 556). Qui voeult eschever les aguets et perilz de son chat quant il est mascle, si lui coupe tout jus une paulme de sa queue ; car aprés que il a quatre ans, il pense nuyt et jour comment il pourra son maistre estrangler. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 137).

 

.

[Le v. de la sub. est au subj.] : Pour ce en doubtant, Leurs raisons ensemble adjouxtant, Me taisoie en les escoutant Comme elles aloient comptant ; Et n'entendoye Qu'a penser que dire j'en doie. (CHART., L. Dames, 1416, 274). Mon frere, je vous prie que a ceste chose furnir pensons comment en puissons venir a chief, adfin que de tout l'empire soyons les gouverneurs (Flor. Octav., a.1454. In : Chrestom. R., 142).

II. -

[Marque l'élaboration par l'esprit d'un objet]

A. -

[Le compl. désigne un obj. préexistant dont on n'a pas la connaissance directe] "Se représenter qqc."

 

1.

[Le plus souvent en phrase nég.] Penser qqc.

 

a)

[Avec un subst.]

 

-

[En phrase nég.] Ne pas pouvoir/savoir penser qqc. : Nulle dolour ne se puet comparer, Ce m'est avis, à la moie dolour N'il n'est nulz cuers humeins qui puist penser La detresse de ma dure langour (MACH., L. dames, 1377, 118). ...quar chascune [chose] a parties et ne puet l'en dire ne penser si grant nombre de ses parties que encore ne soit il plus grant (ORESME, C.M., c.1377, 46). La ot si grant foison de mors Qu'on ne pot passer, pour les corps Occis, et tous jours, sanz cesser, Occioient ; ne nul penser Ne pourroit la confusion, Qui la fu, ne l'occision ! (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 248). ...je ne sçauroye ne ne pourroye dire, proferer ne penser ta royalle Majesté plaine de bonté, de si grant et bienheuré renom que nul homme, nul roy, nul prince ne nul seigneur vivant en ce monde ne peult attaindre ne approcher. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 297).

 

-

[En phrase affirm.] : Et la trouva la tresbonne royne Marie de Betaigne, sa mere, qui fille estoit a monseigneur saint Charles de Bloys ; dont chascun doit pensser la grant joye que elle en eust. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 189). Et se tu le diz a tel seigneur, a tel ou a tel encores, aucun d'eulz pourroit penser la cause. (LA SALE, J.S., 1456, 65). La response qu'il eut de prinsault, chacun la peut penser et savoir (C.N.N., c.1456-1467, 163).

 

-

À l'impér. : Pensez la belle pacience que ceste bonne femme eut (C.N.N., c.1456-1467, 276).

 

b)

[Avec une interr. indir. partielle] : Et si tost qu'elle dit le m'ot, Je n'eüsse dit un seul mot Pour toute l'empire de Romme ; Car nuls cuers ne penseroit comme Je perdi maniere et vigour (MACH., R. Fort., c.1341, 26). Item, en velocité, car l'en ne pourroit penser comme ce est grande admiracion de considerer la velocité ou ysneleté du mouvement du ciel, attendue la grandeur de lui et du tour ou circuite que il fait en un jour. (ORESME, C.M., c.1377, 282). Mais moult souffrirent de griefté Par ycelle voye au passer, Car il n'est nul qui peust penser Comment ce chemin est estroict, Combien qu'il soit et hault et droit, Ne qu'il ne soit lait, ne terrible, Mait tant est roite et penible Qu'a peine est il nul qui se peine De monter par la (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 120).

 

c)

[Avec le pron. neutre le] : Deus dames de tele fasson Qu'il n'est ne peintre ne masson Qui leur biauté peüst escrire, Ne bouche qui le sceüst dire, Ne cuer qui penser le peüst (MACH., F. am., c.1361, 199). Et avoit Alain de Quemeniguingamp et ses deux filz si grant joye que nulz ne le pourroit penser. (ARRAS, c.1392-1393, 66). Et quant le soir fut venus il [Saintré] ouvry le preau et la actendi Madame qui ne tarda pas longuement. Et lors la chiere fut entr'eulz telle qu'il n'est cellui ne celle qui penser le peust se amours ne leur eust fait savoir (LA SALE, J.S., 1456, 69). Des tresdouces et amiables chieres aussi que Madame a lesir lui fist ne fault plus escripre ne demander, car chascun le puet et doit bien penser (LA SALE, J.S., 1456, 173). Si la tira a part et luy demanda, comme assez on le peut penser, dont elle venoit en cest estat (C.N.N., c.1456-1467, 69).

 

2.

[Le compl. est effacé, penser se trouvant en compar.] : Qant il furent la venu, si travilliet et si fourmenet que casquns puet penser, il passerent outre la riviere a gué, moult a malaise (FROISS., Chron. D., p.1400, 132). Finablement, les delis mondains y sont telz que cuer porroit [pensser] ne langue dire, qui ne sont deveés a nulles personnes de leans. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 97). ...[il] sceut a la porte que le mary de sa dame estoit arrivé, dont il fut aussi joyeux que vous povez penser. (C.N.N., c.1456-1467, 480).

 

3.

[Dans des tours de sens passif] : ...[les deux amants] firent ce pourquoy ilz estoient assemblez, qui mieulx vault estre pensé des lysans qu'estre noté de l'escripvant. (C.N.N., c.1456-1467, 186). De quoy leurs propos furent, il se peut assez penser. (C.N.N., c.1456-1467, 418). JHESUS. (...) Quant la grant peine considere Par laquelle me fault passer, J'ay tel paour qu'i n'est a penser. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 682).

 

-

Être merveille à penser : Et i ot tant de nobleces, ce jour, que mervelles seroit a penser ne a recorder. (FROISS., Chron. D., p.1400, 181). Et fu tous li pais pilliés, courus et robés, selonc la marine, et avoient cargiet lor navie de si grant avoir de draps, de pennes, de lainnes, de filles et de vassielle que mervelles estoit a penser (FROISS., Chron. D., p.1400, 680).

B. -

"Imaginer, concevoir par l'imagination"

 

1.

[Un obj. concret] Penser qqc. "Inventer qqc. au terme d'une réflexion" : Ne hurtez plus [a l'uis de ma pensee, Soing et Soussi, sans tant vous traveiller.] Pour la guerir Bon Espoir a pensee Medecine qu'a fait apareiller (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 462).

 

2.

[Un obj. abstrait]

 

a)

[Avec un subst.]

 

-

Penser qqc. : Puet on penser chose plus digne Ne faire plus gracieus signe Com d'essaucier Dieu et sa gloire, Loer, servir, amer et croire, Et sa douce mere, en chantant (MACH., Prol., c.1377, 9). Et de toutes ces choses tu dois dire en ta confession : Sire, en toutes ces choses que j' ay cy devant nommees j' ay moult grandement pechié ; car de mon cuer je l'ay pensé et de mon mauvaix ouvraige je l'ay fait, et de ma faulse bouche je l'ay dit et semé ou j'ay peu. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 27). Et ce en avint que li dus de Bretagne pensa et imagina en son temps. (FROISS., Chron. D., p.1400, 464). Tu scez bien, mon Ame, que nostre Dieu doit avoir toute puissance et toute perfection car il doit estre la tres plus parfaicte chose que on puisse penser ou trouver : Maius quo cogitari non potest. (GERS., Trin., 1402, 159). ...et se par aucune occasion que je ne sçay ne puis penser de vostre promesse me defailliés, je me tenroye de mon veu pour tres honnestement et honnorablement quicte et delivré. (LA SALE, J.S., 1456, 107). Ha dya, Jehanne, gardés que vous dictes ; ja penser pourroit on quelque chose entre elle et moy. (C.N.N., c.1456-1467, 370). ...comme ung cheval ou ung cerf, qui, de sa voulenté, saulte une haye ou ung fossé ou rochier là où il se met ung pal ou ventre ou se romp le col et les membres pour saillir de hault en bas sans penser le peril qui lui en peult advenir. (BUEIL, II, 1461-1466, 22).

 

.

Au passif : Car li mondes est si divers, Si mesdisans et si pervers Et pleins de si fausse contrueve Qu'au jour d'ui on dit et contrueve Ce qui onques ne fu pensé. (MACH., R. Fort., c.1341, 154). "Sire, nous creons que tu ez une chose tele que plus grande ne puet estre pensee" (Somme abr., c.1477-1481, 30). Pour recompense en ton cueur soit pencee Aulcune chose dont vouldras amender, Et ta personne sera recompencee, Se tu la veulx ou daigne demander. (LA VIGNE, S.M., 1496, 255).

 

-

Penser qqc. + relative déterminative : ...je ne sçay penser ne lieu ne place ou ce se puisse faire (C.N.N., c.1456-1467, 306). ...en toute la cité je n'ay sceu penser homme qui soit plus ydoine que vous, car vous estes jeune et sage. (C.N.N., c.1456-1467, 573).

 

-

Penser qqc. + comme : [Un homme soupçonne son voisin, qui lui rend souvent visite, d’être amoureux de sa femme] Si n'estoit pas bien a son aise, et ne savoit penser comment il se pourroit honnestement de luy desarmer, [car] luy dire la chose comme il la pense ne vauldroit rien. (C.N.N., c.1456-1467, 331).

 

b)

[Avec une interr. indir. totale] Penser si

 

-

À l'impér. [Pour attirer l'attention du lecteur] : ...tout ce veoit a l'oeil son pouvre mary par une petite treille. Pensez s'il estoit a son aise ! (C.N.N., c.1456-1467, 320).

 

c)

[Avec une interr. indir. partielle]

 

-

À l'impér. : ...monseigneur est de trop legier somme, et ne s'esveille jamais qu'il ne taste après moy ; et s'il ne me trouvoit point, pensez que ce seroit ! (C.N.N., c.1456-1467, 247). Or pensez que c'eust esté si ung aultre que moy vous eust trouvez ! (C.N.N., c.1456-1467, 433).

 

-

Rare [En phrase assertive affirm.] : Elle pensa tantost ce qui estoit. [Des indices permettent à une femme de comprendre ce qui se passe] (C.N.N., c.1456-1467, 275).

 

-

[En phrase nég.]

 

.

Ne pas penser : Pour ce que Guerles n'est pas ung trop riche pays, ne si grant comme est la ducié de Brabant, ce conte [de] Guerles vint à sa terre et seignourie, joenne homme et de grant voulenté pour bien despendre, et ne pensoit point à quelle fin ses besoingnes pourroient traire fors que à sa plaisance accomplir (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 144). Sy en vinrent les plaintes au duc de tant de lieux et par tant de fois que constraint s'argua et s'avisa de remède, et fit mettre en sa main tout ce que ledit conte tenoit de luy. Lequel adverty du cas s'en donna merveilles, car ne pensoit pourquoy. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 340).

 

.

Ne pas savoir/pouvoir penser... : Pour ce ne sçay penser que je feroie, Douce dame, s'en vo grace n'estoie, Fors tost morir (MACH., L. dames, 1377, 169). Sus ceste parole, li signeur d'Engleterre se consillierent ensamble et ne pooient penser ou ceste baniere se vodroit traire (FROISS., Chron. D., p.1400, 149). Dieux ! Aussi, quant m'en souvient, Je ne puis penser dont il vient A chevaliers et nobles gens D'estre ore si tres diligens De grans delices pour leur corps Avoir ! (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 33). ...[il] ne scet penser de quel courage, ne a quel propos elle part. (C.N.N., c.1456-1467, 294).

 

-

Empl. pron. : ...si vous ne le me feistes [un enfant] au partir, je ne sçay moy penser dont il peut estre venu (C.N.N., c.1456-1467, 128).

 

d)

[Avec une complét. en que] : En ce temps estoit le roy encores en Florence ; et s'il eust trouvé resistance à Viterbe, comme ilz cuidoient, ilz eussent envoyé des gens, et à Rome encores, si le roy Ferrande fust demouré dedans, et n'eussent jamais pencé qu'il eust deü habandonner Rome (COMM., III, 1495-1498, 123).

 

e)

[Avec un pron. interr.] Ne savoir que penser : Elle ne voit point son filz si ne scet que penser. (C.N.N., c.1456-1467, 129). ...il trouva ses bons disciples sur le bord d'un fossé qui l'attendoient, qui ne seurent que penser quand ilz le voyent ainsi atourné. (C.N.N., c.1456-1467, 158). ...il cuidoit tant estre en grace que merveilles ; si ne savoit que dire ne penser. (C.N.N., c.1456-1467, 230).

C. -

"Former en soi (un projet)"

 

1.

Penser qqc.

 

-

[Avec un subst. désignant une entreprise ou le moyen de faire qqc.] : Se pensay pluseurs autres voies Non samblables, et toutes voies Seur une voie m'arrestay (MACH., D. Aler., a.1349, 259). Car Sextus Tarquinus, qui eust indignacion de ce que son pere par force ne povoit vaincre la cité de Sabine, sur laquelle estoit assiegé, cestui Sextus penssa maniere qui plus vallut a la prendre que force d'armes (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 37). Lequel, pour [y] trouver expedient et convenable remede, pensa tel moien que je vous diray. (C.N.N., c.1456-1467, 441). ...devint maistre moyne amoureux d'elle, et ne cessoit de penser et subtilier voies et moiens pour pervenir a ses attainctes (C.N.N., c.1456-1467, 534). Neantmoins que le Jouvencel, luy estant prisonier, projecta et pansa la prinse de Sablé sur le sire de Raiz, ce qu'il fit. (TRING., c.1477-1483, 284).

 

-

[Avec un subst. signifiant l'évaluation morale d'un comportement] Penser folie/outrage... : Or vueille Dieu que ja si ne m'ahonte Qu'en li servant pense outrage ne honte (MACH., F. am., c.1361, 180). Certes, grant folie pensastes Quant a li plegier vous boutastes (Mir. Amis, c.1365, 35). Ha ! frére, conment fuz tu tel Que pensas telle tricherie Pour acomplir ta lecherie ? (Mir. emper. Romme, 1369, 308). ...a tort, dame, Sui accusée de meffait Qu'onques ne pensay ne n'ay fait (Mir. Oton, c.1370, 354). Jugez, amans, et voiez ma dolour ! Comment Amours et ma dame ensement M'ont fors bani de leur plaisant sejour Et esloigné de merci durement, Sans avoir fait ne pensé Envers ma dame que bien et loyauté (MACH., App., 1377, 653). Devant celledicte cité, furent lesdiz Freres .VIJ. ans a sieige, et prendre ne la povoient par engins ne par assaulx, par iceulx .VIJ. ans. En la fin les Freres penserent ung grant malice contre icelle cité (Voy. Jérus., c.1395, 92). O trechiere Enee, sedicieux et tres cruel, comment as tu eu le cueur tant desloyal de pencer une si grande traïson comme de t'en vouloir aller de ma terre soudainement, sans me le dire ? (Eneydes, 1483. In : Chrestom. R., 231).

 

.

Y penser folie/outrage... : Et, salve soit la grace de monseigneur et de messeigneurs ses oncles et de leurs consaulx, que jou aye pour la prise de Olivier de Clichon rompu ne brisiez le voyaige de mer, de ce me vueil-je bien escuser, que nul mal je n'y ai pensé ne ne pensoye au jour que je le pris ; car partout doibt-on prendre son ennemy là où on le treuve. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 17). Si que despuis l'ay cherie Et servie De cuer, de corps, de vigour, Loyaument, sans tricherie, Qu'eins folie N'i pensay ne vilonnie Fors honnour. (MACH., Ch. bal., 1377, 609). Car sans sejour ay mise ma pensée à bonne Amour faire ce qui agrée, Ne à nul fuer n'i pensasse folage (MACH., Motés, 1377, 491).

 

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Prov. Qui (y) pense mal, bien ne lui vienne/mal lui vient : Qui pense mal, bien ne lui vieigne Dieu doint a chascun sa desserte ! (CHART., B. Dame, 1424, 344). LE PREMIER JUIF. Aman, nostre ennemy, Est dedens sa maison pendu Au gibet qu'il avoit esleu Pour Mardochée, il me souvient. LE SECOND JUIF. Par commun proverbe conclu : Qui mal y pense, mal luy vient. (Myst. Viel test. R., t.6, c.1450, 177). LE MOUTON. (...) Tondés moy dont a souhaidier, Et despoulliés ma garnison, Et puis me donnés garison, Sans mal engin, quoy qu'il avienne. LE LOUP. Qui mal y pense, mal lui vienne. Se je faulx, ne me crois jamés (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 664).

 

-

Empl. pron. Se penser de qqc. : Car bien savoit qu'en petit d'eure Lui courroient les femmes seure (...) Si se pensa de grant boisdie : Les tables commanda a mettre Es tentes et par la champestre De vins et viandes chargier, Et asseoir fist au mengier Ceulx de l'ost (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 203).

 

2.

[Avec un inf.]

 

a)

Se penser de + inf. "Former e projet de faire qqc." : Menno, le roy de Rodes, avoit plus et de meilleurs gens de cheval que ses anemis n'avoient. Lesquelx il ne povoit combattre, pour les montaignes ou ilz se tenoient. Sy se penssa de les vaincre, s'il povoit. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 53). Dont cestui Hasdrubal, de qui ceste histoire fait mencion, tenoit le siege a Vesasius, preffect des Rommains, au chastel de Tarente. Lequel Vesasius se penssa de decepvoir son anemi Hasdrubal (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 61). ...madamoiselle, qui actendoit son curé, ne savoit que penser qu'il tardoit tant ; si se pensa d'y envoyer sa chambriere, affin de le faire avancer. (C.N.N., c.1456-1467, 354).

 

b)

Penser (à) + inf. "Avoir l'intention de"

 

-

Penser + inf. : Li ennemis s'est envais Contre moy et m'a fait pechier, Mais voir je le pense trichier. (Mir. Theod., 1357, 86). "Dame, il est temps que nous nos metons a voiage, car ceuls que je pense amener avoecques nous en Engleterre, sont tout prest et nous atendent au pasage." (FROISS., Chron. D., p.1400, 70). Tieulx sont ses tours, ou n'a repos, Ce fait assez ! A mon propos, Si vueil oultre l'istoire escripre, Mais ne pense pas toutes dire Leur serimonies et [leurs] fais, Car mes dis n'yert jamais parfais (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 186). Plus avant ne pense je pas me bouter es debas de ceste matiere et m'en rapporte a ceulx qui ont les faiz publiques a conseillier d'en acquitter leurs loiaultez plainement. (CHART., Q. inv., 1422, 63). Et, pour ce que aise ne se peult souffrir, il y eust quelque filz de bonne mere qui dist au Jouvencel, pensant mettre quelque grant brouilliz et quelque grant debat entre le roy Amydas et lui, et lui remonstra comment il estoit trompé et que le roy Amydas avoit ung petit filz (BUEIL, II, 1461-1466, 252).

 

-

Penser à + inf. : Non feray, dame, car je pense A moy faire assez tost seignier. (Mir. abbeesse, 1340, 83). Ne le pourray j'a mechief mettre ? Oil, car je pense une lettre A faire, plaine de desroy, La quelle mesdira du roy... (Mir. st J. Cris., c.1344, 293). Nequedont que chil de Bruges, d'Ippre et de Courtrai lor fuissent contraire et rebelle, il pensoient bien tant a esploitier, et dedens briefs jours, que li pais seroit tous en une unité. (FROISS., Chron. D., p.1400, 262). Je ne pense pas tout a dire, Quanque la Bible nous tesmoigne, Trop emprendroye grant besoigne ! (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 139). Helas et pourquoy ne comment La me veult Fortune fortraire ? Je ne say qu'elle pense a faire Mais, s'elle m'est tousjours contraire, Je ne puis vivre longuement (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 382). ...et aussy le mect Frontin en son livre des estrantegemens, duquel j'en pensse a mettre et reciter pluiseurs en la fin de ceulx icy (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 38). Ilz commençoient, quant je partiz, à fortiffier contre la ville et rompre les saillies là où ilz descendoient leur artillerie ; et de là pensoient à batre la ville. (BUEIL, I, 1461-1466, 169).

 

-

Penser de + inf. : Icy feray ma fin, plus ne pense d'escripre, Si prie tous ceulx qui ce livre vouldront lire Que pardonner me vueillent s'il y a a redire (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 168). Ilz seront plus de dix mil et cinq cens Contre toy seul : que pence tu de faire ? Montez, bardez, armez, fors et puissans, Assez pour l'ost de l'empereur deffaire. (LA VIGNE, S.M., 1496, 247).

 

c)

P. anal. [D'une chose] : ...et là se agenoilha et, toute la nuyt furent en oroison, requerant le Dieu inmortel que icelle mer se pense retraire affin de passer et, à sa priere, la mer se retira de IX piez, tant que lui et son banage fust passé. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 102 v°).

 

3.

[Avec une sub. en que dont le suj. est coréférent au suj. de penser] "Décider de faire qqc."

 

a)

Penser que : Madame, qui de tout ce estoit tres aise, et tant plus quant le veoit si humble et innocent, l'amoit trop mieulz, pensant que se elle pouoit par bonne façon en son service l'acquerir, que elle le mectroit bien a son ploy (LA SALE, J.S., 1456, 13). ...et pour ce pensa qu'il le diroit a messire Pierre de Pruilly, auquel moult se fioit (LA SALE, J.S., 1456, 138).

 

-

Penser en soi-même que : Le roy se teust a ceste foiz et pensa en lui meismes qu'il lui vouloit aidier, et quant il fut revenu en sa chambre manda querir son tresorier et ordonna que Saintré eust Vc escus. (LA SALE, J.S., 1456, 78).

 

b)

Empl. pron. Se penser que : Si se pensa qu'il partiroit De son païs et qu'il iroit En France, pour honneur acquerre. (MACH., P. Alex., p.1369, 16). Sy ne sceust [le prêtre] que faire, de aller apprès ou de les attendre, comme ilz le avoient tresintanment requis et aussy il leur avoit promis. Sy se penssa qu'il attenderoit encore ung peu (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 84). Ceste dame, comme dit est, aiant emprins, pour quelconque occasion que ce fust, de jamais plus soy marier, et non obstant ce, elle aiant son cuer en diverses pensees, entre lesquelles par maintes fois se pensa qu'elle vouloit en ce monde faire d'aucun josne chevalier ou escuier un homme renommé, et en celle pensee s'arresta totalement. (LA SALE, J.S., 1456, 6). Qui fut bien mal content, ce fut nostre homme, qui se pensa (...) qu'il jouera d'un tour. (C.N.N., c.1456-1467, 122). ...[il] se pensa qu'au plus tost qu'il pourroit il courroit a Romme (C.N.N., c.1456-1467, 285). Il [Lahire] alla courir devant, ainsi que souvent luy et ses gens faisoient, et pour ce que les Bourguignons saillirent hors de leur place bien avant, Lahire se pansa qu'il iroit courir devant (TRING., c.1477-1483, 272).

 

4.

[Avec un pron.]

 

-

[Avec un pron. rel.] : Sire, il a grant paour qui tremble. Cilz chevaliers, je croy, cuide prendre les grues en voulant. Par foy, il fauldra bien a ce qu'il pense. On ne prent pas tels chaz sans moufles. Sire roy, je vous dy qu'il a menty de quanqu'il vous a dit, car mon pere est preudoms et loyaulx. (ARRAS, c.1392-1393, 59).

 

-

[Avec le pron. neutre le] Mar/mal le pensa. "Il a eu tort de concevoir ce projet" : Et comment diable, dist Gieffroy, mes deux freres et moy avons tant fait que nous avons treu du soudant de Damas et de ses complices, et ce mastin puant, qui est tout seul, tendroit le pays de mon pere en patiz ! Par mon chief, mal le pensa, car il lui coustera moult chier, car ja n'y lerra autre gage que la vie. (ARRAS, c.1392-1393, 239). ...et luy fut compteit a son hostel que le roy Charlez sy aloit prendre l'enffant Ogier, le filz Gaufroit, son frere ; et luy comptat tout le fait. Quant Doon de Natuele entendit ce, tout taint de coroche et escrie ses hommez : "Or sus tantost ! Ma[r] le pensat le roy trahiteur puelent !" (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 27).

 

5.

Au passif : "Ne fut oncques par moy penseit : les Sarasins diroient que trahis avroie leurs gens, sy seroye deshonoreiz. Maiz aultre foy, avray bien aultre volenteit." (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 59). LA MOUNYERE. Les maistres de nostre moulin Sont fort amoureulx de mon corps. Sy vous faignyés aler dehors Environ vingt jours ou un moys, Nous aurions des escus de poys En leur faisant la ruze acroyre. Et puys revenés sur vostre erre, Quant de l'argent serés muny. (...) LE MOUNYER. Par la mort bieu ! c'est bien pencé. (Gent. moun. T., c.1500, 341).

 

6.

Empl. abs.

 

-

Bien / mal penser. "Avoir de bonnes, de mauvaises intentions" : Car honneur, pris et loiauté, Largesse, prouesse, bonté Avoit, avec tout ce qu'il faut A preudomme sans nul deffaut, N'il ne se pot onques lasser De bien faire et de bien penser, Car toutes bonnes gens ama, Les mauvais haï et blasma (MACH., D. Lyon, 1342, 220). Bien penser, bien dire, bien faire Et eschuer tout le contraire, Cils .IIII. poins, je n'en doubt mie, Attraient toute bonne vie. (MACH., D. Aler., a.1349, 239).

 

-

Penser contre qqn. "Intriguer contre qqn" ( (Éd.)) : ...mais comme comme le duc guerlois avoit pensé contre luy et empris de la mettre en meschief, s'avisa de la contre-pensée et de rompre tout et en petit d'heure ce qu'avoit brassé et forgié avecques les villes, et mesmes le feroit honteux et confus du mesme baston dont il le cuidoit menassier (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 176).

 

-

Prov. Fol pense et Dieu ordonne : Et avoient juré que ilz feroient le roy Uriien mourir en croix crucifié, et sa femme ardoir et ses enfans, mais, comme dit le saige : Fol pense et Dieu ordonne. (ARRAS, c.1392-1393, 213).

D. -

[Verbe d'opinion]

 

1.

[Opinion résultant d'un raisonnement]

 

a)

[Avec une compl. en que]

 

-

Penser que + v. à l'ind. : Et aviserent [les Français] que il departiroient lor hoost en quatre parties (...) ; car il pensoient que li desfendant ne poroient porter si grant faix que pour soustenir la painne toute jour ajournee, et pour estre en armes sans reposer, boire ne mengier, ne euls rafresqir. (FROISS., Chron. D., p.1400, 661). Deux gisoient en une couche, Dont l'un veilloit qui fort amoit ; Mais de long temps n'ovrry (sic) sa bouche, En pensant que l'autre dormoit. (CHART., D. Rev., a.1424, 306). ...il s'esveilla, et regarda que son compagnon estoit levé ; si pensa qu'il estoit tard (C.N.N., c.1456-1467, 180). ...quand vous penserez que la royne sera couchée, vous viendrez tout secretement (C.N.N., c.1456-1467, 193). Et, quant ilz furent venuz, il marcha, luy et toute sa compaignie, jusques à quatre lieues de là, et se arresta pour attendre aucuns seigneurs qui venoient aprez luy, lesquieulx lui manderent qu'il les attendist ; et, de paour de leur faire desplaisir et qu'ilz pensassent qu'il voulloit attribuer tout l'honneur à lui, il dissimula ce jour et fit grant folye. (BUEIL, II, 1461-1466, 115). Aussi, quant le serviteur voit que le maistre ne se veult servir de lui, il peult bien penser que le guerredon qu'il en aura sera petit. (BUEIL, II, 1461-1466, 260). Quant ungs homs fait sa jument copuler de estalon, si tost qu'il pense qu'elle a retenu, on la doibt mener en lieu ou elle voie de beaulz chevaulz et hardis, affin que sa portee prende plus vigeureuse inclination. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 139). ...lesquelz donnerent et chargerent sur le bagaige, tellement que les ennemys pensoyent que la dicte bataille se descamperoit et mettroit en desarroy, en conformant et adjouxtant foy ad ce que par autres foys ilz avoyent ouy dire des Françoys : c'est assavoir que les Françoys tenoient aux champs la plus mauvaise ordre que toutes nacions du monde. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 284).

 

.

Penser en soi (même) que : ...elle, de ce advertie, pensant en soy que elle pourroit avoir en ce villenie et deshonneur (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 300). ...le bon compaignon sault dedans la chambre, pensant en soy que aucun mistere y avoit, qui devant l'huys l'avoit retenu. (C.N.N., c.1456-1467, 25). Elle pensoit bien en soy mesmes que si elle accordoit au prestre sa requeste, son maistre (...) s'en donneroit bien garde (C.N.N., c.1456-1467, 454).

 

-

Penser que + v. au subj.

 

.

Je ne pense pas que : Monseigneur, dist il, je vous ay ja dit comment il en va, et je ne pense pas qu'elle dye au contraire. (C.N.N., c.1456-1467, 161). ...j'ay bien tout regardé, je ne pense pas que ma langue eust la puissance de descouvrir la tresgrand infortune que j'ay si longuemen portée. (C.N.N., c.1456-1467, 93).

 

.

[Penser sous la nég., à une autre pers. et/ou un autre temps] : Ainsi fut la ville gaaignié, ne oncques deffense n'y eubt, car les hommes de la ville qui point ne pensoient que Franchois deussent faire telle emprinse estoient encoires en leurs lis. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 194). Je ne pensasse nullement, Vraiement, Que muer peüst einsi Son cuer et que departement Si briefment Feist de moy et de li. (MACH., Ch. bal., 1377, 586).

 

.

[En phrase interr., souvent rhétorique] Pensez-vous que..., Doit on penser que ? : Pensez vous que ceulx qui ont eu les grans dons de vous et les grans pourfiz, les vous doient rendre ? Mes Dieu, nennil ; mais vous defuiront (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 144). Et pensés vous pour ce, se nos rois a a fenme la serour dou roi d'Engleterre, que nous en doions mieuls valoir et estre deporté a non estre guerriiet, mais Dieus, nennil ! (FROISS., Chron. D., p.1400, 221). Quant un amant est si estraint, Comme en resverie mortelle, Que force de mal le contraint D'appeller sa dame crüelle, Doit on penser qu'elle soit telle ? Nenny, car le grief mal d'amer Y met fievre continüelle Qui fait sembler le doux amer. (CHART., E. Dames, 1425, 269). En verité, vous poursuyvez et faictes grand diligence d'obtenir ce que a droit ne sariez fournir. Et pensez vous que je ne sache bien par oyr dire quelz outilz vous portez ? Croiez que si faiz. Il n' y en a pas pour dire grans merciz. (C.N.N., c.1456-1467, 106). "...Comment, dit il, et pensez vous que je soye yvre ? - Ma foy ouy, dirent lors et le curé et les aultres..." (C.N.N., c.1456-1467, 262).

 

.

[Hors de la nég. et de l'interr.] : ...et pour ce que elle qui parle pensa que [icelli] Miserelle eust hayne aucune à elle depposant, ala par devers lui et lui dist : Miserelle, pourquoy ne daigniez-vous parler à moy ? (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 62). Je vi le temps que je souloye Vivre en espoir d'estre joyeux, Et pensoye qu'il m'en fust mieulx ; Mais je pers ce que j'actendoye. (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 379). Je pense que ores Lesignien le herault soit la. Et par aventure pour moy delivrer je le trouveray sur le chemin. (LA SALE, J.S., 1456, 90). Quant damp Abbés, qui per a per de Madame estoit, vist chevaulz courir, qui fut seur ne fut il pas, car il pensa que fussent aucuns parens de Madame qui se fussent advisez de leurs amours et lui voulsissent son abit fourrer (LA SALE, J.S., 1456, 272). Monseigneur mist assez longue espace a soy deshabiller tout a propos, pensant que desja madame fust endormie (C.N.N., c.1456-1467, 75). "Mon tresbon maistre, il est vray que jasoit que pluseurs gens et vous aussi pourriez penser que je fusse homme naturel comme ung aultre, ayant puissance d' avoir compaignie avecques femme, et de faire lignée, je vous ose bien dire et monstrer que point je ne suis tel, dont, helas ! trop me deulz." (C.N.N., c.1456-1467, 94).

 

-

Empl. pron. Se penser que + ind. : Un ymage d'or moult notable Chut adont tout devant la table ; Dont Daire a plourer commença, Car moult doubta et se pensa Que c'iert male signifïance, Car en l'image avoit fïance. (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 44). ...quand il vit ce, il se pensa qu'il estoit heure de jouer son jeu. (C.N.N., c.1456-1467, 238). Elle veoit, durant sa maladie, ses enfans trotter devant elle, qui luy bailloient au cueur tresgrand regret de les laisser. Si se pensa qu'elle feroit mal de laisser son mary chargé de la pluspart d'eulx, car il n'en estoit pas le pere (C.N.N., c.1456-1467, 327). Si la [la vache du Capitaine] print et emmena, sans ce que ceulx de Verset y peussent donner aucun remede. Et, quant le cappitaine sceut ceste adventure, il en fut moult doullant ; car sa femme en avoit du lait pour soy nourrir et son enfant. Si se pensa qu'il la failloit rachetter (BUEIL, I, 1461-1466, 25).

 

b)

[En constr. imbriquée] : Car il est vostres tous entiers, Et si fait bien et volentiers Tout ce qu'il pense qui vous plaise (MACH., D. Lyon, 1342, 320). ...lequel Guillemin (...) il feri d'une massue en la teste, dont il le tua, en entencion d'avoir l'argent qu'il pençoit que ycellui Guillemin portast sur soy (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 11). J'ay voulu avoir et user de vengence et avoir pugnicion de ceulx que j'ay seulement pensé qui m'avoient voulu mal ou mal fait, et en ay voulu avoir haultement et estroitement mon desir acomply, feust tort ou droit, sans les espargnier ne avoir d'eulx aucune mercy. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 26). Item, le samedi aprés venant, nous eumes tant allé par le met que je fuy a la vehue de le ditte cipté de Saragoce ou je ne pance qu'il eusse plus de .X. milles (CAUMONT, Voy., p.1420. In : Chrestom. R., 72). Et fist cercher par toutes les compaignies les vielles gens et ceulx qu'il pensoit qu'ilz ne peussent soustenir la peine, pour les retenir à sa requeste (BUEIL, II, 1461-1466, 168). Comment pensez tu que ma puisance doye sourdre suz et se relever, qui en tel et si bas lieu est enchainee et detenue ? (MICHAULT, Doctr. temps prés., 1466. In : Chrestom. R., 200).

 

-

[Avec ellipse de la 2e sub., dans une formule de dénégation] Je ne suis mie celui que vous pensez : Et Remondin leur respond tous honteux : Beaulx seigneurs, ferez du plat, et ne me donnez ja tant de loz, car je ne suiz mie cellui que vous pensez. Vous me recongnoissiez pour cellui aux armes blanches, mais ce ne suys je pas. Je vouldroye bien que Dieu m'eust donné la grace que je feusse si bons. (ARRAS, c.1392-1393, 41).

 

c)

[Avec une prop. inf.] Penser qqn/qqc. + inf. : Et le mena es lieux qu'il pensoit estre les plus dangereux. (BUEIL, I, 1461-1466, 203). GUILLOT. Que je l'ay dict, il n'est pas vray. Jamais n'en parlis, mon maistre. LE MARY. Vertu bieu ! que pence cy estre ? Je l'ay ouy de mes horeilles. (Retraict T., c.1490, 227). ["Que penses-tu (...) qui soit ici ?" "pour qui me prends-tu ?" (Éd.)] Et quant ledit conte sceut les nouvelles, comme soy pensant estre pur et innocent de tous crimes, esperant que justice et raison luy seroit faite, se vint rendre en la Conciergerie du Palais, à Paris, non obstant que ce fust contre le gré d'aucuns de ses amys, pour ce qu'ils savoient que ses ennemys avoient grant auctorité envers le roy, lesquelx injustement l'avoient accusé. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 156).

 

d)

[Avec un inf.]

 

-

Penser + inf. : Et quant au fait de la lettre en la quele je vous estoie tenus, je la pense bien avoir acomplie tellement comme je doy (MACH., P. Alex., p.1369, 229). Le duc ne refroida pas de sa parolle, mais mist clers en oeuvre et envoya devers ceulx desquelx il pensoit estre servis et aydiez. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 162). ...cuidant, par ces causes et moyens, estre remis à son premier estat et obeissance dudit roy de France, non pensant ou saichant en ce aucune chose avoir mal fait, ne en aucune maniere offendu contre ledit roy de France (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 188). ...lors commença en son cuer la joye telle qu'il ne pensoit pas estre mains riche que le roy. (LA SALE, J.S., 1456, 51). Et l'aultre, qui ne pensoit point avoir compaignon, en avoit tout au long du bras (C.N.N., c.1456-1467, 228). ...si ne savoit que dire ne que faire ce pouvre homme, sinon qu'il pensoit estre a son derrain jour. (C.N.N., c.1456-1467, 452).

 

-

Penser à + inf. : Et tous les signeurs manda et pria li rois de France, desquels il pensa a estre aidiés, car ce estoit se intension que il leveroit le siege et combateroit les Englois, et pour tant faisoit il si grandes pourveances. (FROISS., Chron. D., p.1400, 822). Et ne sui pas consilliés dou tout faire a sa devise ne a se aise, ne de eslongier ce que je pense a avoir conquis, et que je ai tant desiret et comparet. (FROISS., Chron. D., p.1400, 831).

 

e)

[Avec un subst.]

 

-

Y penser mal : ...luy sembla qu'elle pourroit aller veoir son chanoine accompaignée de sa voisine, sans qu'on y pensast mal ou suspeçonnast. (C.N.N., c.1456-1467, 521).

 

-

Penser le contraire : Car sans li [Dieu] ne se porroit faire : Homs ne doit penser le contraire. (MACH., P. Alex., p.1369, 38). Si vouloient aler d'aultre part pillier, car le conte d'Armignac leur prommettoit qu'il les menroit en Lombardie, et le conte de Foix, qui n'est mie legier à decepvoir, pensoit tout le contraire. Tout quoys se taisoit pour veoir la fin de ceste besoingne (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 188).

 

.

Penser du contraire : ...en tele maniere que n'en y avoit nul qui ne cuydast que la nef et toux quans estions dens fussions perilz et noyés et qui jamais penssace eschaper a vie. Et gens qui eussent peu veoir le maniere comment nous alloyt ne eussent pancé du contraire (CAUMONT, Voy., p.1420. In : Chrestom. R., 72).

 

-

Penser autrement : HANNEQUIN LE VALET. A iceulx [les chevaux] seray bien traictable, De cela ne vous soucïez : Avayne et fain ay proffitable ; Du surplus fïance faciez. Et si aultrement pencïez, Tenez, regardez se je mens (Il luy monstre de l'avayne en ung crible.) Je veulx bien que vous congnoissiez Que se n' est pas grain a jumens. (LA VIGNE, S.M., 1496, 201).

 

2.

[Sans idée de raisonnement] "Tenir pour vrai ou probable"

 

a)

[Avec un complét. en que]

 

-

Il fait à penser que + v. à l'ind. "Il faut croire que" : Il fait assez a croire et penser qu'elle ne souffrit pas la volunté de l'Escossois pour plaisir qu'elle y prensist (C.N.N., c.1456-1467, 53). Or est chacun logé, monseigneur avec sa chambriere, et son hoste avec madame. Et fait a penser qu'ilz ne passerent pas toute la nuyt a dormir. (C.N.N., c.1456-1467, 250).

 

-

À l'impér. Pensez que + v. à l'inf.

 

.

[Dans le dialogue entre personnages] : Pensez que s'il me fust possible, vous estes celle que sur toutes je doy le plus obeïr (LA SALE, J.S., 1456, 234). Tout aussi a haste qu'il vint au monde, aussi soudainement en est party. Et pensez que j'en fuz et suis bien desplaisant. (C.N.N., c.1456-1467, 130). ...s'il est en moy de vous faire autant de service, pensez que j'aray cognoissance de ceste courtoisie. (C.N.N., c.1456-1467, 258).

 

.

[De l'auteur au lecteur (pour attirer l'attention sur un point important, en particulier dans l'économie du récit)] : ...il regarda [la malade] tout a son beau loysir, et se fist fort de la garir. Pensez qu'il fut tresvoluntiers oy (C.N.N., c.1456-1467, 34). ...il s'en vint a son seigneur et luy compta tout du long le cas du disme, comme il est touché cy dessus. Pensez qu'il fut bien esbahy (C.N.N., c.1456-1467, 221). "...Ha ! dist l'escuyer, par la mort bieu ! vous dictes voir. Saint Anthoine arde la louve !" Et pensez qu'il n'estoit pas bien content. (C.N.N., c.1456-1467, 253).

 

.

Ne pensez pas que + v. au subj. : Je me metz en vostre mercy, Tresbelle, bonne, jeune et gente, On m'a dit qu'estes mal contente De moy, ne sçay s'il est ainsi. De toute nuit je n'ay dormy, Ne pensez pas que je vous mente ; Je me [metz en vostre mercy,] Tresbelle, [bonne, jeune et gente.] (CH. D'ORLÉANS, Chans. C., c.1415-1440, 231). Ne pensez pas que nous soyons si bestes que nous avez tenuz jusques cy. (C.N.N., c.1456-1467, 239). Ce que je pourroye faire pour vous, dist elle, ne pensez pas que je ne m'y employe de tresbon cueur. (C.N.N., c.1456-1467, 258).

 

-

[Avec effacement de la conj.] : L' ERMITE. Mes amis, de voulenté grande Iray, puis qu'il m'envoie querre. Alons. Que me veult il requerre ? Dites le moy. SECOND SERGENT. Biau pére, je pense, par foy, C'est pour conseil. (Mir. pape, 1346, 371).

 

b)

[Avec une prop. inf.] : Le clerc, pensant sa femme estre morte et la cure de sa ville vacquer, conclud en soy mesmes qu'il happera ce benefice (C.N.N., c.1456-1467, 286).

 

-

[Avec effacement de être] Penser qqn + compl. de lieu : Or avint que, le quatrime jour au matin que li Englés orent la esté logiet, il regarderent par deviers la montagne ou il pensoient les Escos, si ne veirent nului, car il s'en estoient parti a la mienuit. (FROISS., Chron. D., p.1400, 146).

 

.

Ne pas être où on pense. "Ne pas être arrivé à ses fins" : Pierre le Sourt ? A, quel briffault ! Encor n'est il pas ou il pence ; Puisque si soubdain il m'assault, Il fault pourvoir a ma deffence. (LA VIGNE, S.M., 1496, 513).

 

c)

[Avec un pron.]

 

-

[Avec le neutre] : Il n'en est rien, non, dit monseigneur, et estes vous bien si fole que de le penser ? (C.N.N., c.1456-1467, 113). "Et que diriez vous, dit l'autre, si vous aviez compaignon ? - Compaignon ! dist il, quel compaignon ? En amours, je ne le pense pas, dit il..." (C.N.N., c.1456-1467, 230). LE TESMOING. (...) Mais sy vous dirai-ge, sans rire Et sans mentir, que sy on faict D'oeuvre des noces en effaict Comme on faisoyt au temps passé, Tout en est moulu et cassé. Je je jure certainnement. L'OFFICIAL. Tu le pense donc vrayement ? LE TESMOING. Ouy, monsieur, et sy le tesmoingne, Sy on faict ainsy la besongne Comme on faisoyt quant je fus né. (Mère Ofic. T., c.1500, 118).

 

-

[Avec ce neutre] : Par ce point sera il murdriz (...) Et ainsi evesque seray, Ce pense je (Mir. ev. arced., c.1341, 112). Demain, ce pens, aousterons, Si me vueil de gens pourveoir. (Mir. femme, 1368, 191). Trop bien luy jugeoit le cueur que ceste assemblée ne se despartiroit point sans conclure ou procurer aucune chose a son prejudice ; dont il n'avoit pas tort de ce penser et dire. (C.N.N., c.1456-1467, 253).

 

d)

[Le compl. est effacé]

 

-

[En compar. exprimant la conformité] : Tu iés assés bien coustumiers De faire un lay, sicom je pense. Or y met bonne diligense (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 64). Si cogneut bien tantost que sa voisine avoit eu afaire de son corps, comme elle pensoit bien. (C.N.N., c.1456-1467, 265). ...pour ce que ce qu'elles avoient dit me sembloient choses toutes sans aucune raison ou bonne consequence, comme j'avoie au commencement pensé (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 116).

 

-

[En compar. de disparité] : Mais ces ici qui sont ignorans et deceüs, si tres tost que la chose est autre que il ne cuidoient ou pensoient, adonques il s'en fuyent. (ORESME, E.A., c.1370, 216). ...[ils] demourerent a Envers plus qu'ilz ne pensoient quand ilz partirent de la court (C.N.N., c.1456-1467, 397). ...si je vous aideray ; si feray par Dieu, et me deust il couster plus que vous ne pensez ! (C.N.N., c.1456-1467, 536).

 

-

[Pour rejeter l'opinion de l'interlocuteur (?)] Ne pensez pas : [Le mari reproche à son mari d'avoir cédé à un Ecossais épris d'elle] Et ne pensez pas, j'eusse trop mieulx amé la mort que d'avoir de moy mesmes consenty ne acordé ce meschef. (C.N.N., c.1456-1467, 52). [Seul ex.]

 

3.

Empl. abs. "Avoir une opinion"

 

-

Bien penser de qqn. "Avoir une bonne opinion de qqn" : ...et ne sera nul qui de tel prince puisse pensser que bien et dire. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 13).

 

-

Ne/n'en penser pas moins : "...Comment, dit il, et pensez vous que je soye yvre ? - Ma foy ouy, dirent lors et le curé et les aultres. Nous n'en pensasmes aujourd'uy mains..." (C.N.N., c.1456-1467, 262). ...il se tira ung peu en arriere sans dire mot, mais en son cueur n'en pensa pas moins. (Doolin de Mayence V, P2., a.1500, 100).

 

.

"Avoir sa propre opinion, que toutefois on n'exprime pas" : Sus ces parolles ne respondy point le conte de Foix, mais se tourna d'aultre part, et rentra à ses gens en aultres parolles et, pour ce, ne pensa il pas moins et retouilla couvertement et grandement la besoingne (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 139). Et en devisant avec damp Abbés il vist en son doy le tresbel et gros rubi balay qu'il avoit a Madame autrefoiz veu porter, si n'en dist mot, mais ja pour tant n'en pensa mains. (LA SALE, J.S., 1456, 260). Il ne sceut ce faire si celeement que sa femme ne s'en donna tresbien garde, qui n'en pensoit pas mains (C.N.N., c.1456-1467, 264). ...[il] fist une grand brassée a sa femme, et luy donna le bon jour ; et aussi fist elle a luy. Et pour ce ne pensoit point mains. (C.N.N., c.1456-1467, 369).

III. -

[Marque la présence ou la venue à l'esprit d'un contenu prop.]

A. -

[Avec une complét. en que]

 

1.

Penser que + v. à l'ind. : Le roy, qui moult l'amoit, le regarda en sousriant, comme esmerveillié en pensant que un si josne homme et de assez menue façon avoit cuer a si fortes armes emprendre a un si grant et puissant homme comme ce chevalier poulain estoit (LA SALE, J.S., 1456, 147). Mon cueur s'employe A panser qu'il me fault morir. (Pass. Auv., 1477, 110). L'homme content Par droit n'entent Trop despenser, Mais doit pencer Que Mort l'actent (DU PRIER, Songe past. D.-M., c.1477-1508, 131). Je me remembre en moy mesmes et pense Que au jugement dernier l'assistence Dieu destruyra par feu toute machine (Cene dieux, c.1492, 120). Puisque, moyne, suis divisé Du monde, conte je ne foys, Car, quant je pence maintes fois Qu'il fault aller a pourriture, L'ame me tremble plusieurs foys De sa perilleuse adventure. (LA VIGNE, S.M., 1496, 415).

 

-

À l'impér. Pensez que : Laissez aigreur et faiz contencïeux, Orgueil, fierté, vouloir ambicïeux, Affettïons, appetit vicïeux, Pensez que tout n'est que une vanité, Et que les durs et les presumpcïeux Vivent dolens et melencolïeux (CHART., L. Paix, a.1426, 420). Mere, ce seroit beau cop [l. beaucop] mieulx Que ne pancessiés plus ces paines. Pencés qu'il est Dieu glorïeux Et qu'il a graces souveraines. (Pass. Auv., 1477, 254). La fin tousjours couronne mal D'estre en degré seigneurïal. Pencez que l'Ennemy ne dort poinct (LA VIGNE, S.M., 1496, 405).

 

2.

Empl. pronom. Se penser que + v. à l'ind. : En Egipte ala et trouua illec vng homme solitaire, qui menoit droictement vie angelicque, au quel homme il recita son cas. Cest homme se pensa que en Alexandrie estoit vng homme saint et deuot, qui estoit merueilleusement bien en la grace de la vierge Marie. Cest homme cy reputoit toute folie la science du monde (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 18).

B. -

[Avec une sub. en comme/comment] : Mais quant je pensay ensement Comment je l'aim trés loyaument, Et elle n'a cure de moy, Einsois me fait peinne et anoy Et me fait en dolour languir (...) J'eus tel doleur, a dire voir Que nuls n'en porroit concevoir La moitié toute ne demie (MACH., D. verg., a.1340, 17). Si que la merencolioie Tous seuls en ma chambre et pensoie Comment par conseil de taverne Li mondes par tout se gouverne (MACH., J. R. Nav., 1349, 138). Pense comment tu dois a jour morir ne scez quant, ou t'ame yra. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 40). Mais, or m'esteut la grant griefté Dire de sa mort [la mort d'Hector] et li termes De sa fin, dont piteuses larmes A peu me font le cuer fremir, Quant je bien pense et remir A la valeur de si noble homme, Si fort et si preux, pensant comme Fortune est decevable et dure (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 104).

C. -

Penser + discours direct : ...adonques l'incontinent prent la proposicion singuliere senz la seconde universele, en disant ou pensant : "ceste chose est a gouster," et ainsi il oeuvre selon ce et gouste. (ORESME, E.A., c.1370, 374). Et Dieux scet les envies qui pour ceste cause sourdent et les mautalens, et meismement en laissent, pluseurs y a, a accointier l'une l'autre et faire amistiéz ensemble pensant : se je accointoye ceste la, il convendroit que je alasse au dessoubz d'elle, et que devant moy fust mise ; si ne le pourroit mon cuer souffrir : pour ce n'yray point en sa compagnie. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 160). Mais le povre jouvencel, qui ne pensoit pas a ce ou Madame vouloit venir, ly promist et en ce faisant pensoit : "Las ! et que ay je fait ? Mes que sera ce cy ?" (LA SALE, J.S., 1456, 7). On s'entr'ayme tant à la guerre. On pense en soy-meismes : Laisseray-je ad ce tirant oster par sa cruauté le bien d'autruy, où il n'a riens. (BUEIL, II, 1461-1466, 20). En ce lieu estoit mon filz avec ceulx qui amoyent Crisis, et tres souvent se donnoit garde du corps, tout triste, et aucuneffoiz plouroit, et touteffoiz cela me pleut bien, et pensoye ainsi : Cest enfant pour cause d'un pou d'acointance et d'acoustumance porte la mort de ceste femme tant familierement ; que est i fait s'il l'eust amee ? Helas ! que fera il pour moy qui suis son pere ? (RIPPE, Andrienne, a.1466. In : Chrestom. R., 208).

D. -

[Avec un pron.]

 

-

[Avec un pron. interr.] : Hé ! lasse moy doulante, et que as tu fait, ne que pensoies tu quant tu conseillas et mis en voye de telz perilz cellui que en ce monde plus amoyes et que sur tous et toutes l'en devoies desmouvoir ? (LA SALE, J.S., 1456, 149). Dont vient cecy ? Que deable pence tu ? Veulx tu avoir a ton pere debat ? A quelle fin de venir entens tu ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 169).

 

-

Empl. pronom. : Maiz pour donner couleur a aucuns enseingneurs ou autres qui ceste matiere ont trouvee fault il dire aucune raison pour laquelle on puisse excusser cestui debat et question, et veez cy que ["ce que"] je me pense (BOUVET, Arbre bat. R.-B., c.1386-1389, 406).

 

-

[Avec un pron. rel.] : Certes, et je leur respondoie Moult long de ce que je pensoie, Car toudis leur fis dou blanc noir (MACH., R. Fort., c.1341, 142). Ma dame a fait faire ce beau bourc et cette belle tour puis que vous partistes, et veez la ca ou elle vient contre vous. Adont fu Remondin moult esbahiz, et ne dist pas quanqu'il pensoit. Mais quant il lui souvint comment elle avoit fait le fort de Lusignen et chastel en si pou de temps, si ne s'en donna plus de merveille. (ARRAS, c.1392-1393, 77). Qant li evesques de Lion les vei en celle volenté, il ne dist pas tout ce que il pensoit quoique ce fust li plus grans de euls tous et li mieuls enlinagiés (FROISS., Chron. D., p.1400, 525). Si ne doit avoir difference De ce qu'il [l'amant] dit a ce qu'il pense (CHART., L. Dames, 1416, 278).

 

.

Prov. : Et ainsi qu'il vaucroit par la marine et cuidoit bien estre eschappez du peril des mains des crestiens ; mais de ce que fol pense la plus grant part en demeure le plus de foiz (ARRAS, c.1392-1393, 139). Mais assez remaint de ce que fol pense (BUEIL, I, 1461-1466, 163).

E. -

Empl. interj. : JOYEULX. Et dea, de quelque grant ribault Eust monté après toy en hault Pour cuider avoir la coquarde ? BEAUCOP. Pensez, j'eusse eu belle vesarde, Il estoit jà de moy sué. (B. veoir, p.1480, 17). Pensez, on m'a bien gouverné Depuis vingt ans sans mesprison. (Sots, c.1480-1500, 278).

IV. -

"S'occuper de quelqu'un ou de quelque chose"

A. -

Empl. trans. dir. V. panser

B. -

Empl. trans. indir.

 

1.

Penser de qqc. : "Sire, dist li contes, pensés de vostre santé, et ne vous merancoliiés point, tant que vous en valés mains..." (FROISS., Chron. D., p.1400, 785). Sire, a ce que je voy, trois de noz compaignons s'en vont en leurs affaires pour penser de leurs besongnes, combien que je ne soye point sy meschant que je n'aye bien autre part a besoignier. (Percef. II, R., t.2, c.1450 [c.1340], 10). "Ma dame," dist maistre Hues, "j'espoir en Dieu que oy. Et je vois penser de ses viandes et d'aucuns laituaires confortatis." (LA SALE, J.S., 1456, 243). Quant une femme nourrit ses enffans, quant elle pense de son mesnage ou elle propose a le faire pour l'amour de Dieu... (OLIVIER MAILLARD, Serm., 1475. In : Chrestom. R., 220). PREMIER. Allons pencer de la besongne Et sçavoir s'il viendra plus rien. (LA VIGNE, S.M., 1496, 280).

 

-

Se Dieu n'en pense : Et au regard de moy, je n'eus oncques depuis aucune joye au cuer, car tant est fiere, orguilleuse et de mauvaise nature et mal pensant que d'elle ne vendra aucun bien ; et par ce sera tout le royaume deshonnouré, se Dieu n'en pense. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 503). Certes, se voir dire vous vueil, Prevost, c'est nostre mort escripte ; Car, se d'ardoir on les respite, Et ne faisons son mandement, Mourir nous fera laidement ; Se nous les ardons, mal sera, Car le peuple sur nous courra : Ainsi n' y puis je regarder Que de mort nous puissons garder, Se Dieu n'en pense. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 56).

 

2.

Penser d'un animal : Marie toy, mieulx en vauldras ; Femme scet bien buer et cuire, Draps filer, maisgnée conduire, Penser des bestaulx, s'elle en a (DESCH., M.M., c.1385-1403, 287). Item, que ladicte dame Agnes vous fachiez principalement et songeusement et diligemment penser de vos bestes de chambre : comme petis chienectz, oiselectz, de chambre. Et aussi la beguine et vous pensez des autres oiseaulx domesches (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 130). Et elle meismes yra, se elle est sage, souventes fois ou toit a tout une de des femmes veoir comment on les [les bêtes] ordonne, et par ainsi sera le bergier plus soingneux qu'il n'y ait que redire. En fera bien penser ou temps que devront agneler, et prendre grant soing des aigneaulx, car souvent se meurent par faulte d'en penser. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 155). ...quatre tres beaux et puissans destriers, que quatre beaus petis paiges chevaucheront tout le pas, conduiz par deux varlez a cheval qui les conduiront et en pensseront (LA SALE, J.S., 1456, 89).

 

3.

Penser de qqn

 

a)

"Prendre soin de qqn" : Plus bel enfant pieça ne vi. Si convendra penser de lui Et la garder treschierement. (Gris., 1395, 49). Or luy faictes, dit il, de bon feu, pour soy chaufer, car il en a bon mestier ; et en pensez comme du vostre. (C.N.N., c.1456-1467, 360). L'OSTE. De vous si bien on pencera Que vous vous en contenterez, Mais, tandis que tout se fera, Ung petit vous esbaterez. (LA VIGNE, S.M., 1496, 207).

 

-

Penser de soi : Par droit nous devons entramer Et amis l'un l'autre clamer. Ne vous di plus, pensez de vous. Je m'en vois ; a Dieu, sire doulx ! (Mir. emper. Romme, 1369, 261).

 

b)

En partic. "Donner des soins à (un malade, un blessé)" : Li roys moult volentiers les vit Et moult amiablement dit À ses chevaliers et à tous : "Biaus signeurs, rafreschissiez vous, Car vous estes forment grevez, Et faites penser des navrez, Si tres bien qu'il n'i ait deffaut, Car certeinnement il nous faut Avoir conseil par quele guise Ceste grant cité sera prise." (MACH., P. Alex., p.1369, 79). L'autre [chose] si est que se l'un de vos serviteurs chiet en maladie, toutes choses mises arriere, vous mesmes pensez de luy tresamoureusement et charitablement, et se le revisetez et pensez de luy ou d'elle tresamoureusement en avançant sa garison (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 136).

V. -

Part. prés. en empl. adj. Pensant

 

-

"Absorbé dans ses pensées, songeur" : Par devant chou moult desiroit Que cause eüst de demourer, Or s'en desiroit a raller Pour voye trouver et querir De ses chevalliers devenir. Moult estoit tristres et pensans. (Dit prunier B., c.1330-1350, 69). Mais tout einsi, com je me delitoie En son trés dous chanter que j'escoutoie, Je vi venir par une estroite voie, Pleinne d'erbette, Une dame pensant, toute seulette Fors d'un chiennet et d'une pucelette (MACH., J. R. Beh., c.1340, 59).

 

-

Mal pensant

 

.

"Qui a de mauvaises pensées" : Et, quant il est a l'ostel, encore est il moins oyseus et moins mal pensant doit estre, quar il a assez a fere de penser de souper et de soy aysier, lui et son cheval, de dormir et de reposer, pour ce qu'il est las, de soy ressuier ou de la rousee du boys ou par aventure de ce qu'il aura pleü. Einsi di je que tout le temps du veneour est sanz oyseuseté et sanz mauveises ymaginations et pansementz. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 54). Autrement pour seur vous tenez Que de gage je vous appelle, S'a Leauté ne vous rendés. Vous estes tous temps mal pensant Et plain de faulse soupeçon ; Ce vous vient de mauvais talant, Nourry en courage felon. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 66). Les cheveux noirs et crespes segnefient homme melencolieux, luxurieux, malpensant et fort large. (Comp. kal. bergiers, 1493. In : Chrestom. R., 265).

VI. -

Part. passé en empl. subst. masc. Pensé

A. -

"Ce que l'on a en tête" : Quant le varlet senti le cop, si fu tous esbaÿs et se mist tantost a la voye, courrouciez et enflez, ne pas n' en osa dire son pensé. (Bérinus, I, c.1350-1370, 17). ...et puis dist Berinus: "Se m' aït Dieux, sire Gieffroy, je ne lairay mie que je ne vous die mon pensé. Veritez est que je sui moult entreprins et sanz raison, pour quoy je vous jure sur l' ame de moy que, s' il estoit nulz en qui je m' osasse fïer et qui tant fust sagies qu' il me peüst delivrer de l' empeschement ou je sui, je devendroie ses hommes liges a tousjours, et vouldroye qu' il fust sire de quanque j' ay" (Bérinus, I, c.1350-1370, 59-60). Et se tu scez lire, tu vois Que Socratès deux femmes ot, Et si leur fist le mieulx qu'il pot (...) Mais sanz cause et sanz tenir bride De raison, par leur foul pensé Depuis qu'elles l'orent tencé, Pour ce que po les poursuioit Et que trop l'estude suivoit, Et fait a lui pluseurs reprouches Et villenies de leurs bouches, Combien que riens ne leur fausist, Fallu Socratès s'en fuist (DESCH., M.M., c.1385-1403, 84).

B. -

En partic.

 

-

"Intention" : Pour ce te vueil mon cuer ouvrir Et tout mon pensé descouvrir. Je voulsisse de ta cousine Faire en lieu de Berthe royne. (Mir. Berthe, c.1373, 162). CLOTILDE. (...) Mon seigneur a fain de venir A baptesme et veult devenir Crestien (...). L'ARCEVESQUE. (...) m'en vois devers li le pas Dire li ce qu'ay empensé, Puis que dit m'avez son pensé Et son courage. (Mir. Clov., c.1381, 271).

 

.

Avoir qqc. en pensé : De le dire en pensé avoie. (Mir. Berthe, c.1373, 226). De quoi li rois de France qui faisoit son amas de gens d'armes, en envoia grant fuisson en garnison a Saint Omer, a Lille et a Bietune et par tous les chastiaus, sus les frontieres d'Artois et de Boulenois, car on ne sçavoit que les Flamens avoient en pensé (FROISS., Chron. D., p.1400, 825).

 

-

"Sentiment" : Et je me vois a genouz mettre Devant l' image nostre dame A qui j'ay donné corps et ame A lui servir, et mon pensé. (Mir. nonne, 1345, 317). Et si sachiez : Mon cuer y est si atachiez Et mes pensés tant enlachiez, Noz biens, noz maulx entrelachiez Que, sans mentir Et sans jamaiz s'en repentir, Bonne amour me fait consentir A pareilz maulx ou biens sentir Que sont les siens (CHART., L. Dames, 1416, 233).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Corinne Féron

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