C.N.R.S.
 
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     PAIN     
FEW VII panis
PAIN, subst. masc.
[T-L : pain ; GD : pain ; GDC : pain ; DÉCT : pain ; FEW VII, 543b,544 : panis ; TLF : XII, 790a : pain]

A. -

"Aliment fait de farine pétrie et cuite"

 

1.

[En tant que substance continue ; déterminé par le partitif ou un déterminant à valeur générique] : Un prophete avoit en Judee, Abacuc, qui, une journee, Avoit fait viande en un pot D'orve et de lait au mieus qu'il pot, S'avoit dou pain en sa louvette Et de l'iaue en une cruchette, Pour porter ceaus qui labouroient Aus champs pour moissons qui estoient. (MACH., C. ami, 1357, 41). Messe oïsmes entierement, Bien et bel et devotement, Et puis nous alames mengier Ou nous heümes sans dangier Quanque solas et cuers demande De pain, de vin et de viande. (MACH., F. am., c.1361, 241). ...avons ordené et accordé que (...) ne deverons ne porrons (...) donner ou assigner à quelcunque personne que ce soit, pain, prouvende ou mansion en quelcunquez maison, maladrerie ou hospital ne ensement donner ou assigner quelcunquez office dont le ville ait ou puest avoir le donnison, gouvrenance ou administration (Hist. dr. munic. E., t.1, 1356,,, 361). Amenez selles et estriers, Roncins, courciers et bons destriers ; Pain, vin et planté de vitaille (MACH., P. Alex., p.1369, 53). ...laquelle qui parle leur bailla du fromaige et du pain et du vin, et fist ledit prisonnier fondre ledit fromaige, et firent des souppes dedens, lesqueles ledit prisonnier menga à la pointe de son coustel (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 559). Et [les ouvriers] trouvoient pain, vin, char et toutes choses propices que il leur failloit, par grant habondance. (ARRAS, c.1392-1393, 46). Et lors [la dame] fist chargier pain et vin, poulaille, foings, avoines, et envoier a Gieffroy, qui oncques n'en retint rien, mais bien souffry que qui en voult avoir pour son argent, en eust. (ARRAS, c.1392-1393, 210). Or povez sentir en quel estat estoient povres gens qui n'avoient ne pain, ne vin, n'argent, ne busche, et qui avoient povre mestier et foison d'enfans. (BAYE, I, 1400-1410, 213). ...pour conferer sur les advis qui avoient esté fais pour mettre pris raisonnable au pain et au harenc que on vendoit à Paris. (FAUQ., I, 1417-1420, 347). ...Et soit le pain levé et cuit Moyennement, autrement nuist, Nompas trop vielx, n'aussi trop froiz ; Mais cuit d'un jour, ou deux ou troiz, Contenant un pou par manière De bren ou orge en sa matière (LA HAYE, P. peste, 1426, 89). Alors par la destresse des vivres, les patrons envoyerent le escripvain de la nave dedens le palescarme et escript audit messire Nicolle (...) soy merveillant que par l'omme qu'il avoit envoyé n'avoit de lui plus nulles nouvelles, et que seurement mandast largement de pain, de vin et d'aultres vivres (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 157). Il [Françoys Villon] donna tout, chascun le scet, Table, tresteaux, pain, corbillon. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 142). Cestui predist sur la revolucion de l'an la longue famine et la calamité de plusieurs ans et les grans maulx qui par icelle viendroient, car les plus fors tolloient le pain aux febles et se firent grandes incensions et les riches furent fort vexés par les pouvres. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 113 v°).

 

2.

[Considéré comme substance discontinue] "Masse déterminée de cet aliment de forme et de poids variables" : Petites gens prant a ses las, Qui emblent par force de rage Un pain, un pot ou un frommage, Ou vivres pour la faim qu'ilz ont, Et puis tantost pandre les vont. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 150). ...et dit qu'il lui semble que le sac où il le print estoit aussy gros, pour cause de ce qui estoit dedens, comme un pain de deux deniers ou environ. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 445). ...[ils] demanderent une choppine de vin, laquelle choppine ledit homme prisonnier ala traire, et elle leur bailla un pain de deux deniers. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 558). ...Jehan Bard, sergent et boulengier, prisonnier en la Conciergerie pour occasion de certaines faultes par lui faictes en son mestier de boulengerie en faisant trop petit pain (FAUQ., I, 1417-1420, 285). Il sera dit que la Court a moderé et modere les arrerages du temps passé desdiz IIJc grans pains blans, dont chascun pain doit peser XXXXIIJ onces cuyt (FAUQ., III, 1431-1435, 51). Audit de Mante, ledit jour, cinq solz, pour petit pain que on a fait toucher au chief de saint Jehan, pour l'envoier à la royne (Comptes roi René A., t.2, 1451, 389). Ung pain tant noir, gras et recuict. (Sots, c.1480-1500, 271).

 

3.

[Avec des qualificatifs divers (selon la farine utilisée, selon le mode de cuisson, selon la destination...)]

 

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Pain alis. "Pain sans levain" : ...doit il fuyr pain alis, vin trouble et expesses, lentilles faves et tous léguns fromage vieulx, char de beuf et toutes choses melancoliques et qui sont moult accetouzes (GORDON, Prat., c.1450-1500, II, 18).

 

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Pain azyme : ...et mengerent icellui aygnel auec pain azime (c'est pain sans leuain et auec ius de lettus champaitres), lequel pain nous profigure que l'en doit faire le sacrement de la messe sans leuain. (BÉTHENCOURT, Canarien G., c.1490, 81).

 

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Pain biscuit. "Pain passé deux fois au four" : ...avoir fait molre, petrir, cuire et convertir en pain bescuit pour le bescuit du passage de la mer, six neuf muis de blé. (Clos galées Rouen M.-C., t.1, 1386, 304).

 

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[La couleur du pain (du blanc au noir) est fonction de la pureté de la farine] Pain blanc : Je vous donrray a grant foison Rost et pastez, poisson, blanc pain (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 242). ...je vous pri qu'au retourner Un chantiau me faciez donner De bon blanc pain. (Mir. st J. Paulu, c.1372, 131). ...illec les garda et nourrit tant de mie de pain blanc comme de lait de femme (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 335). ...en lieu qu'on le souloit servir de pain blanc, il fist mectre du pain bis. (C.N.N., c.1456-1467, 331). Et lendemain qui fut vint et deuziesme Fut a Rivole, puis a Suze logé, Tres bien receu, doulcement hebergé, Ses gens traictez de tres bonne façon Tant de gibier, de chair que de poisson, De vins, vïandes, de pain blanc et pain brun. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 321).

 

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Pain bis. "Pain courant de qualité inférieure" : ...mais que la personne se garde des contraires, comme il fu dit dessus en l'art de medecine, et souverainement au prendre le Gastelet alis ["l'hostie"] qui donne vraye santé plus que ne fait le pain bis. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 302). ...et toutesfoiz il sembla que le monde et par espicial les crestiens catholiques, facent la sourde oreille et soyent ennuyez de blanc pain. Et pource est il expedient que le pain bis qui est lassatif, c'est assavoir cestui foible dicte, de nouvel leur soit presente (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 97). Et nonpourtant, quoy que elles soient nourries conmunement de pain bis, de lait, de lart, de potage, et d'eau abruvees, et que assez de peine trayent, est leur vie plus seure et meismes en plus grant souffiance que de telles qui sont bien hault assises. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 218). ...en lieu qu'on le souloit servir de pain blanc, il fist mectre du pain bis. (C.N.N., c.1456-1467, 331). De groz pain bis vivent [Franc Gontier et Hélène], d'orge et d'avoyne, Et boyvent eaue tout au long de l'annee (VILLON, Test. M., 1461-1462, 118).

 

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Pain bourgeois. "Pain de qualité un peu inférieure au pain blanc" : ...essay qui fu fait bien notablement en la presence d'aucuns Examinateurs de nostre dit Chastelet, et d'aucuns Eschevins, Bourgoiz, Talemeliers et autres de nostre Ville, l'en avoit fait faire pain blanc de Chailly et pain bourgoiz d'un denier et de deux deniers de taille (Ordonn. rois Fr. S., t.5, 1372, 500). ...ou moys de mars ensuivant (...) fut crié par les carrefours de Paris (...) que chascun boulenger feist bon pain blanc, pain bourgois et pain festiz a toute sa fleur, et de certain poix dit ou cry. (Journal bourgeois Paris T., 1419, 122).

 

Rem. Cf. F. Lecoy, Mél. A. Lombard, 1969, 101-107, pour un certain nombre des pains cités..

 

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Pain brun : Du dit Philippot, 1000 pains bruns, 3 d. le pain (Clos galées Rouen M.-C., t.2, 1347, 86). Et lendemain qui fut vint et deuziesme Fut a Rivole, puis a Suze logé, Tres bien receu, doulcement hebergé, Ses gens traictez de tres bonne façon Tant de gibier, de chair que de poisson, De vins, vïandes, de pain blanc et pain brun. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 321).

 

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Pain buleté. "Pain fait avec de la farine passée au tamis à bluter" : ...Donnez moy .V. saudeez de vo pain buletez Et wardez ce surcot tant que l'argent arés. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 128). ...De le table saisy .I. blanc pain buleté Et le cuisse plus grande d'un gran capon lardé (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 509).

 

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Pain cendré. "Pain cuit sous la cendre" : Helye aussi fist penitence Par jeune ; mais quant il entra Au desert, l'ange lui monstra Ung pain cendré dont il repeut (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 36).

 

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Pain chapelé. "Pain sans croûte" : BAGATHAN. Moy, que feray je ? AMAN. Desservez. BARATHA. Moy, quoy, Aman, prevost notable ? AMAN. Du pain chapelé sur la table. THARÈS. Vecy les entremès tous prestz. (Myst. Viel test. R., t.6, c.1450, 6).

 

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Pain croisé : Tirez tousjours le pain croisié Tant que vous durra la jonesse ; Quant vostre vis sera brisié, Certes vous n'aurez plus de presse. (MARTIN LE FRANC, Champion dames III, F., 1440-1442, 174).

 

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Pain coquillé. "Pain dont le dessus est boursouflé, en forme de coquille" : Item, la paste du pain d'un denier coquillé pese six onces cinq estellins ; et cuit cinq onces et demie. (Ordonn. rois Fr. L.S., t.2, 1350, 352).

 

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Pain demain(e). "Pain fin, proche du gâteau" : Primer le pain dont ert servis Falt buleter par tieu devis, Qe tout le plus meillour du grain Ert la substance de son pain : Tartel, gastel et paindemain [l.pain demain], Et pain lumbard a son avis, Et puis les gafres au darrain (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 91). Quiconque ceste file meine [Abstinence] Ne se delite en paindemaine [l. pain demeine], Ainz mangut pain d'une autre paste, Ne par delit bon vin asseine (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 189).

 

Rem. Cf. AND V, 486a : «Panis dominicus qui dicitur "demeine"» (Pain du seigneur qu'on appelle "demeine")

 

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Pain faitis. "Pain un peu moins fin que le pain blanc" : ...l'en avoit fait faire pain blanc de Chailly et pain bourgoiz d'un denier et de deux deniers de taille ; et pain faitis d'un denier de taille (Ordonn. rois Fr. S., t.5, 1372, 500). ...ung pain festierz [l. faitis] à Noël, quatre ouefs à Pasques, un froumage en may, et une geline à la my aoust, tout à celui qui tendra le ramage de ladicte forest. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 221). Et pour ce sont tenuz païer chacun an iceulx paroissiens au terme de la saint Remi un boessel de blé, un pain fetiz à Noël, IIII eufz à Pasques. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 223). ...lesquelz dirent audit suppliant qu'ilz vouloient aller ou pays d'Aulnis gaigner argent à labourer ès vignes, et il leur respondit qu'il iroit volentiers avec eulx. Et alors il print son fessouer et deux pains fetiz en ung sac pour sa provision de la sepmaine ensuivante (Doc. Poitou G., t.11, 1469, 177).

 

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Pain froid : Aux perilz de la mer s'offri : En galée fut et en lins, Et fist pluseurs divers chemins, De froit pain pluseurs foiz manga, Mais ains pour ce ne se changa : Tousjours fut folz, juenes et vers. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 31).

 

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Pain noir : Jamais ne vivray fors de fruiz Et de noir pain. (Mir. st Guill., c.1347, 43).

 

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Pain sec : Jeuner lui fault dimenches et merdiz, Dont les dens a plus longues que ratteaux ; Aprés pain sec, non pas aprés gasteaux, En ses boyaulx verse eaue a groz boullon, Bas en terre - table n'a ne tresteaux -. Le lesserez la, le povre Villon ? (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 69).

 

Rem. Thiry, 294.

 

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Pain second. "Pain bis, où le blé n'entre que pour moitié" (Éd.) : Povrement ay esté peuz : De pain secont vivoit mon maistre, Et cellui dont me faisoit paistre Fut presque quart ["n'ayant qu'un quart de blé"], nel vueil noier. (DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 222). ...il [Auguste] appetoit pain second, petis poyssons menus, frommage de vache, figues verdes et mengoit en tous lieux et temps que son estomach le desiroit (MAMEROT, Romuleon D., 1466, 301).

 

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Pain tosté : Ilz doivent prendre et boire, au main, Un peu de vin, plaisant et sain, Qui de bonne oudeur soit doté O un petit de pain tosté. (LA HAYE, P. peste, 1426, 100).

 

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Pain à/aux chiens. "Pain grossier pour les chiens" : ...item, les autres doivent porter le blé au moulin pour fere le pain aux chiens, et les autres doivent fourner le pain (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 98). ...pain a chiens : (...) catabrum (LAGADEUC, Catholicon G., 1499, 17).

 

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Pain de bouche

 

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"Pain léger et délicat" (d'apr. FEW VII, 544a) : Et quant j'eu mengié et beu, Ausi bien me sentis-je peu Comme s'à feste éusse été Ou j'éusse eu à grant planté Mouton, buef, poulaille et paons, Pastés et tartes et flaons, Pain de bouche et estrange vin Bourgouing, Gascoing et Angevin (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 38). ...LXXII aulnes de treillis (...) 2 s. 8 d. p. l'aulne, à faire XXIIII sacs, pour mettre pain de bouche et de commun (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1383, 225). LUCAS. Marchiez ung pas ! Vendez vous point vin et vïande ? HOSPES. J'en ay de bonne et de bien friande, Et pain de bouche et vin bastard (Myst. Résurr. Angers S., 1456, 581).

 

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"Pain destiné au prince (et non à ses hôtes)" : Le garde linge doit garder le linge, et le delivrer pour le prince et pour les estatz ; le porte chappe, ès grans assamblées, doit porter une nappe nouée à son col plaine de pain, et le doit asseoir sur les tables pour le commun, et doibt recevoir le pain par compte de la main du boulengier, pour servir les estatz ; mais le pain de bouche se doibt recevoir par ung sommellier de la paneterie, et non par autres. (LA MARCHE, Mém., IV, Pièces annexées, 1474,,, 30).

 

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Pain de brode. "Pain fait de seigle et de froment" : ...le pain blanc appellé pain de Chailly de deux deniers de taille, pesera enm paste trente onces, et tout cuit pesera vingt cinq onces et demie ; le pain bourgois de la dite taille pesera en paste quarante-cinq onces, et tout cuit pesera trente sept onces et demie ; et le pain de brode d'un denier de taille pesera en paste quarante deux onces, et tout cuit trente-six onces. (Mét. corp. Paris L., t.1, 1372, 202). ...le pain faitis que on dit de brode, d'un denier de taille, pesa en paste 28 onces (Ordonn. rois Fr. S., t.5, 1372, 500). Lors le povre pescheur lui donna de son pain tel comme il estoit : et estoit droit pain de brode, et noir a merveilles. Et a grant paine en peust avaller Apolonie, car il avoit aprins a l'avoir meilleur (Apoll. Tyr Z., c.1400-1500, 83).

 

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Pain de cour. "?" : ...ledit Concierge (...) prend et doit prendre chaque jour (...) un septier de Vin, douze Pains de Cour et un de bouche... (Ordonn. rois Fr. S., t.3, 1358, 313). Henri de Cellier (...) por VIII verges grandes de terre (...) I cap. et unc pain de court (Terre Jauche D., 1444, 142).

 

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Pain de couvent. "Pain de qualité supérieure" : Item, sont tenus païer un septier d'avoine à l'ancienne mesure, cinquante harens, cinquante chandelles de cire de demi pié de long, XXV pains de couvent, un septier de vin de couvent, et ne les doivent fors une fois l'an (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 4).

 

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Pain de froment : Pain d'orge veult et pain de soille, Pain de froment (DESCH., M.M., c.1385-1403, 127). Vous aurés des biens largement, Bon vim et bon pain de forment, Bonne char salée et char freyche, Et d'aultre vivres a largesse, Selon le pays de montaignie. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 37).

 

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Pain de mai : L'OSTE. Sa, ceste broche, rostisseur ! Puis me va querre ung pain de may. (LA VIGNE, S.M., 1496, 203).

 

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Pain de noix : ...et le plus de pouvres gens ne mangeoient que pain de noix. (Journal bourgeois Paris T., 1405-1449, 136).

 

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Pain d'orge : Il m'a fait de pain d'orge feste. (Mir. emp. Julien, 1351, 178). A ma char vestiray la haire Aspre et poingnant dès ores mais, Ne ne viveray d'autres mais Que de pain d'orge et de racines (Mir. st J. Paulu, c.1372, 94). Pain d'orge veult et pain de soille, Pain de froment (DESCH., M.M., c.1385-1403, 127). S'il avenoit que aucune cohorte guerpist son ost en bataille, il les faisoit jeuner en pain d'orge (BUEIL, II, 1461-1466, 226).

 

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Pain de seigle : Il n'avoit pas tous ses aviaus, Car souvent mangoit des naviaus, Des feves et dou pain de soile, D'un haran, d'une soupe a l'oile, Par deffaut de bonne viande. (MACH., C. ami, 1357, 104). Pain d'orge veult et pain de soille, Pain de froment (DESCH., M.M., c.1385-1403, 127).

 

4.

Loc. prov.

 

a)

Loc.

 

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Aller/venir d'un pain à l'autre. "Avoir de quoi manger" : ...mais nonpourtant que les mestiers soient plus honnestes les uns que les autres, si comme orfevre, brodeur, ameurier, tapissier et autres, plus que ne sont maçon, cordouanier et tieulx semblables, a toutes apertient que elles soient tres soigneuses et diligentes, se chevance veulent avoir par honneur, de soliciter leurs mariz ou leurs ouvriers de eulz prendre matin a la besoigne et tart laissier : car sans faille il n'est nul si bon mestier que qui n'y met diligence, a peine puist on aler de pain a autre. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 205). Venir ne puis d'un pain a autre. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 199). Ung povre homme n'est jamais riche ; Povreté le tient en ses las Et le contraint tant d'estre siche Qu'il n'a plaisir ne soulas, Car quant il a prins son repas A disner d'ung costé ou d'aultre, A son soupper il n'advient pas De l'ung des pains a l'aultre. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 73).

 

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Avoir cuit/mangé son pain. "Avoir terminé une partie de sa vie" : Qui m'a si tost amené Et donné .XXX. ans ? Mon aage est finé De jeunesce ; ay cuit mon pain ; Viellesce d'ui a demain S'a tout mon temps cassé (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 185). Mes jours s'en vont comme fumée Helas ! je seche comme fain ["foin"] ; Aussi je pers le renommée Du monde transitoire et vain : Mais ne m'en chault, roi souverain, Maishuy de honneur terrienne, Car j'ay presque mangé mon pain : Mais donne moy la vie haultainne. (Prisonn. desconf. C., c.1488-1489, 56).

 

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Avoir son pain cuit. "Être pourvu de ce qu'il faut" : Il n'y a tel que (...) Estre galant et tousjours bon compain, Chanter, mener la vie soir et main. Mon pain est cuit : jamais n'y puis faillir. Je sçai assez. Quant je voudrai servir Nostre Seigneur, tout a temps y vendray Quant ma jonesse toute passée aray. Adonq sera temps d'entendre a bien faire (BAUDOUIN, Instruct. vie mortelle M., c.1431-1439, 541). Vente, gresle, gesle, j'ay mon pain cuyt. Je suis paillart, la paillarde [la Grosse Margot] me suyt. Lequel vault mieulx ? Chacun bien s'entressuyt, L'un vault l'autre, c'est a mau rat mau chat. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 126).

 

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Connoistre qqn comme pain tendre. "Bien connaître qqn" : Dieux ! Que vous estes grant flatart ! Je vous congnois comme pain tendre. Allons ! Dieu nus vueille desfendre (Myst. Résurr. Angers S., 1456, 291).

 

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Emprunter un pain sur le temps à venir. "Faire quelque chose avant le moment prévu ou autorisé pour cela" : Advint que ce fiancé, désirant très-fort prévenir le jour des nopces et emprunter ung pain dessus le temps advenir, espia ung coup que la mère de la fiancée n'estoit point à la maison. (TARDIF, Facéties Pogge D.H.-P., c.1490, 232).

 

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Prester un pain sur la fournee : ...Si aura elle si dur courage Qu'elle ne luy vouldra journee Prester ung pain sur la fournee Combien qu'il soit tousjours aprés. (Serm. maux mar. K., c.1500, 354).

 

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Faire/rendre/servir de tel pain soupe à qqn. "Rendre la pareille à qqn, rendre à qqn la monnaie de sa pièce" : Après ce fait Devers Amours Loiauté se retrait, Et dist einsi, que riens n'eüst meffait, Se d'autel pain li eüst soupe fait. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 125). Mais aux maris en est la coulpe, Et s'elles leur faisoient souppe D'autel pain, cause y averoient, Mais a nul fuer ne le feroient: Bonnes femmes soufrent toudis Les injures de leurs maris Pacianment, et c'est raisons (DESCH., M.M., c.1385-1403, 291). A elle tort ? non, par Saint Pierre, S'elle [la femme] lui fait de tel pain souppe [à son mari]. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 250). De tel pain souppe fault servir, A trompeur trompeur et demi (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 383). Sire chevalier, vous avez prins pour vostre lit trop grant guerdon, mais encores l'avrez vous plus grant, ou je vous renderay de tel pain souppe ! (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 194).

 

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Faire grand pain de peu de paste : Je prens une nouvelle mode, Nouveau train, nouvelles façons, Marchant fier comme ung roy Herode, Plus ne veulx digeste ne code, J'ay bien apprins autres leçons, Voylà comment nous tracassons Soubz Esperance, qui nous haste A faire grant pain de peu de paste. (SAINT-GELAIS, Séj. honn. J., c.1490-1495, 120).

 

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Manger du pain de qqn. "Être en bon rapport avec qqn" : ...leur fu dist par ledit Simonnet, frere dudit Thiebaut, (...) que lui qui parle et les autres varlés de sondit frere ne mengeroyent d'ores en avant de son pain, se lui qui parle ou les autres varlés de sondit frere ne le vengoyent dudit sergent qui avoit injurié et villené très-grandement sondit frere. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 183).

 

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Mettre qqn au pain menu. "Mettre qqn dans l'embarras" : "Prince, dist le benoict saint, De la fortune me poise. Mais par le Dieu qui tout vainct J'apaiseray ceste noise, Et la gent barbarinoise Je mettray au pain menu." (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 212).

 

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Piller le pain dans le four. "Être particulèrement cupide et rapace" : ...Il n'y a champ ne boys Que tu ne robes Quant tu treuves ton tour. Tu pilleroys le pain dedens le four Et le callice dessus l'autel saint Pol, Se ce n'estoit de grant doubte, et de paour Que tu n'en fusses estranglé d'ung licol. (GAGUIN, Déb. labour. T., c.1480, 364).

 

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Savoir plus que son pain mangier. "Être très habile, vaillant" : La fu li princes et ses freres, Li sires d'Absur, et li peres À la dame, et le tricoplier, Qui scet plus que son pain mengier ; Et si estoit li amiraus, Qui veoit faire tous ces maus, Et puis le conte de Rohais, Et maint autre, dont je me tais, Car trop embesongniés seroie (MACH., P. Alex., p.1369, 262). ...Fromon qui savoit plus que son pain mengier Pour le doubte Jourdain qu'i nel puist enterchier Ot les armez guerpi dont se sot contoiier (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 396).

 

-

Se nourrir du pain d'autrui. "Se nourrir aux frais d'autrui" : Cas Ablatif est cousin de pillaige Et si se veult de l'aultruy pain nourir (MICHAULT, Doctr. temps prés. W., 1466, 23).

 

-

Demeurer à un pain et à un vin. "Vivre ensemble" : ...lesquelz Meschin et Garnaulde, lui, sa dicte femme et mesnaige, ont toujours demouré a ung pain et ung vin bien et doucement, sans avoir aucune rumeur ensemble (Doc. 1447. In : P. Rézeau, R. Ling. rom. 78, 2014, 427). [Archives hist. de la Saintonge et de l'Aunis]

 

-

[Formule de serment] Ne pas manger de pain tant que telle chose ne sera pas arrivée : ...par la foy que doi saint George, Jamais de pain en ceste gorge N'enterra ne ne mengeray Tant que de li vengié seray. (Mir. Theod., 1357, 106). Jamais ne mengeray de pain, En verité le vous puis dire, S'aray offert leur pois de cire A l'eglise de nostre dame. (Mir. Amis, c.1365, 66). Ne mengeray ne pain ne paste, Ne ne buvray de vin aussi, Tant que l'aray amené cy, Ce sachiez, dame. (Mir. st Alexis, 1382, 300).

 

-

[Expression d'une valeur minimale] : Qui est mors, il est mors ; on le boute en quavain ; Ne on ne laisse au monde frère, fil, ne germain, Qui en donnast pour l'ame une pièche de pain (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 26).

 

b)

Prov.

 

-

À l'enfourner fait on le pain cocu/cornu. "Telle erreur commise au début d'un processus ne peut se rattraper par la suite" : ...On dit souvent qu'à l'enfourner Font li fournier les pains cornus. (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 36). On fait des pains cokus, quand mal sont enfournet (GILLES LE MUISIT, Poésies K., t.2, c.1347-1353, 244). A l'anfourner fait on les pains cornus (E. LEGRIS, Anc. prov. fr., p.1400. In : Bibl. Éc. Chartes 60, 1899, 573). Guerre engloutit comme un viel sathanas Cheval, harnas, homme, lance et espee ; Nobles, vilains, marchans et tous estas Mengüe a tas ; mille pour ung repas Passent le pas, ains que soit bien souppee : Sa gueule bee a mainte gent happee ; S'est eschappee entre ses dens agus : A l'enfourner fait on les pains cocqus. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 70). ...Et maintenant par le [sic] guerre qui hongne Le cerf vollant y plante son escut [dans l'Escut de Bourgogne] : A l'enfourner fait on le pain cocquut. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 167). On dit par experience : L'anfourner fait les pains cornuz. (Myst. Siège Orléans H., c.1480-1500, 434). Le bon commencement Doit faire bien finer, Se fol gouvernement Ne fait desterminer. Pour exemple donner A gros et a menu : Certes a l'enforner Se fait le pain cornu. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 67).

 

-

C'est une pauvre chose quand il faut manger son pain en estant soumis à autrui : .fortune fait les ungs grans, Les autres servans a sa guise, Et par ou le seigneur devise Il fauldra le servant aller : Homme n'en oseroit parler. Puis qu'a servir il est estraint, Par force il y sera contraint. Nulluy secours ne luy fera ; Seul de ses gens se trouvera. Serviteurs de court sont meschans : Mieulx vauldroit labourer aux champs. C'est povre chose quant menger Fault son pain en autruy danger. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 134).

 

-

De tout s'avise à qui pain manque. "Celui qui a faim réfléchit à tous les moyens de se procurer de la nourriture" : Je suis tresbien assis a table, Mais j'ay tresgrant faulte de pain, Qui n'est pas chose proffitable, Principalment quant on a faim ; Mais que j'aye le ventre plain De fruite ou d'herbes ne m'en chault ; Mengier couvient, il est certain : De tout s'avise a qui pain fault. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 70).

 

-

Il vaut mieux vivre sans pain que sans justice : Il devroit souvenir aux patrons du proverbe des vieilles des Sarrazins qui dient ainsi communement, Il vault mieulx vivre sans pain que sans justice. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 589).

 

-

Le pain au fol est le premier mangié : Folle largesse pour croire faux semblant M'a dessaisi du miex de ma chevance Par doulz regart qui va maint cuer emblant Où fausseté s'embat par decevance Avec biauté qui est de s'aliance Dont povreté m'a fait donner congé. Le pain au fol est le premier meingé. (MACH., App., 1377, 644).

 

.

[Rappel plaisant du prov.] : DEMANDE. Lequel d'une compagnie de bribeurs est le plus fol ? RESPONSE. Cellui duquel le pain est le premier mengié. (Devin. R., c.1470, 72).

 

-

Le pain mussé est plus doux. "Ce qui est caché paraît meilleur, plus digne d'intérêt" : Ceste curiosité souvent engendre heresies en cheulx qui s'efforchent oultre mesure d'enquerir les secretes choses de la foy, dont es Proverbes ou .IXe. chapitre est dit : La fenme fole, plaine de noise, qui segnefie heresie, appelle les passans et aux foursenéz parle en criant : «Les eaues emblees sont doulces et le pain muchié est plus doulx». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 95).

 

-

Mieux vaut noir pain fraindre et manger Qu'estrange blanc querre à danger. "Il vaut mieux rompre et manger du pain noir que de chercher à avoir du pain blanc à volonté (ou en courant des risques) ; il vaut mieux vivre de privations en amour que de satisfaire ses désirs librement (ou en courant des risques de perdre son amour") : Long demourer amy changier Fait plusieurs fois et estrangier Mais le bon cuer envis l'estrange : Mieulx vault noir pain frandre et mengier Qu'estrange blancq querre a dangier. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 275). [Pour la compréhension du contexte, pour la traduction, cf. M. Plouzeau, R. Lang. rom. 94, 1990, 148-149]

 

-

N'avoir qu'un pain au four. "N'avoir plus longtemps à vivre" : ...que pourray je dire de ceulx (...) qui sont viés et anciens, plains d'ans et de jours mauvais, qui sont ja sur leur fosse, qui n'ont comme on seult dire que ung pain au four, et neantmoins ilz ne veullent penser ne considerer a leut fin qui tant approche, a la mort qui les tient et suit de sy pres (GERS., Cendres G., c.1402, 583).

 

-

On s'ennuie d'un pain manger. "On se lasse de toujours faire la même chose, de toujours voir la même personne..." : Ou soit au champs ou en chambre ou en lit, Estrange femme veult chascun à li traire, Soit vielle ou jeune, d'estat grant ou petit : Estrange dame ne puet à nulz desplaire ; Mais de privée se veult chascun retraire : D'un pain mangier se puet l'en ennuier, Ce dient ceulz qui femme ont en grenier. (MACH., App., 1377, 643). Car on dist communement que tousjours manger dun [l. d'un] pain ennuye. (Gil. Tras. W., c.1450, 92). Car on dit communement que on s'ennuye d'un pain mangier. (BUEIL, I, 1461-1466, 48). ...ung Foullon de Angleterre fust marié à une assez belle femme ; toute foys on se ennuye de ung pain manger. (TARDIF, Facéties Pogge D.H.-P., c.1490, 284).

 

-

On se tanne bien de pain blanc. "On finit par se lasser même des bonnes choses" : On se tenne bien de blanc pain (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 197).

 

-

Qui se veut de tout venger, son pain ne peut en paix manger : Saches souvent la vois dou pueple Quel parole de toy il pueple. S'elle est bonne, ren Dieu loange ; S'elle est mauvaise, ne t'en vange, Car qui se vuet de tout vangier, Son pain ne puet en pais mengier, Mais t'amende, eins que on te somme, Si feras ouevre de preudomme. (MACH., C. ami, 1357, 127).

 

-

Si on n'avait pas la paste on ne feroit jamais le pain. "Pour fabriquer qqc. il faut des matériaux ; ici, pour raconter une histoire il faut la matière complète" : Chius qui l'istoire fist Godefroi le baron, I oublia à mètre tout le mellieur coron ; Mais chascuns si n'a mie chens et avision. Des matères enquère ne tien pais à fachon : Jamais qui n'aroit la paste le pain ne feroit-on ; Né tarte sans estoffe ne vaut mie .I. bouton. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 305).

 

-

Tel a peu de blé qui a assez pain cuit. "Il n'est pas nécessaire d'amasser quand on a ce qu'il faut" : Ne vous chaille de tendre a amasser, Mais ne pensez qu'a mener bonne vie ; Qu'en amassant puet on son corps casser Et acquerir courroux, merencolie, Dont venir puet crueuse maladie Qui maintefois a l'ame et au corps nuit ; Qui a santé, pour Dieu, ne se soussie : Telz a pou blef qui a assez pain cuit. (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 293).

 

-

Tel pain mange-t-on qu'on enfourna. "On récolte ce qu'on a semé" : Povre temps passé pleure et plaint, Pleure sepmaines et pleure ans Qu'il a gasté et se complaint Que Mort ne clot ses yeux plourans Et het les jours mal coullourans Esquelz fait mollin ne four n'a : Tel pain menge on qu'on enfourna. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 144).

B. -

En partic.

 

1.

[Références bibliques]

 

a)

Pain du ciel. "La manne" : ...et illec leur envoyoit Nostre Seigneur chascun jour le pain du ciel par ung corbeil, dont ilz estoient eulx deux repeuz. (Voy. Jérus., c.1395, 73). Ou desert, ou vous habitastes Par .XL. ans (...) La, Dieu vous fasoit tel service Car du pain du ciel vous vivéz (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 43).

 

-

Pain de proposition. "Pain qu'on dépose au Temple pour la nourriture des sacrificateurs" : Vous lisiez ou viel Testament Des pains de proposicion Dont les prestres tant seulement Prenoient leur reffection. (MARTIN LE FRANC, Champion dames V, D., 1440-1442, 38).

 

-

[Dans la prière du Notre Père] Le pain quotidien : Donne nous pain cothidïen Chascun jour, car il le fault bien. Quicte nous noz debtes plusieurs, Comme quictons a noz debteurs. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 389).

 

-

[Institution de l'Eucharistie] : DEUS. (...) Ce pain que tenir me veéz, C'est mon corpz, ainsin le croiéz (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 171).

 

-

Fraction (du pain). "Action de rompre le pain" : Si vous supplions, dame royne, que tout ainsi que le dit pelerin ou chemin reconforta les deux disciples et fu recogneu en la fraction du pain, tout ainsi au propoz il vous plaise [a] reconforter noz cuers (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 117). Et droit la eusmes congnoissance De lui et de sa grant puissance Quant il fist benediction Sur le pain, puis fist fraction Si comme sa coustume estoit Quant avecques nous conversoit (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 268). Moult de gens sievent Jhesucrist jusques a la fraction de son pain, mais peu en est qui le sieuvent jusques au boire le calice de sa Passion. (Internele consol. P., 1447, 39).

 

Rem. Il est question de l'apparition du Christ ressuscité aux disciples d'Emmaüs, et de la façon dont il se fit reconnaître d'eux en rompant le pain.

 

-

[Épisode de la multiplication des pains] : Apres la grant refection, Qui par tout est de grant renon, Fist [Jésus] de .II. poissons et .V. pains A .Vm. hommes, dont remains Fu si grant, quant säouz furent Que touz plains en requellurent Ses deciples .XII. cophins A son commandement enclins. (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 233). «...Et .V. mile personnes alastes saoullant De .V. pains seulement, (...) Aveucquez deux poissons, et relief y ot tant Que .XIJ. corbellons, telx fu le demourant...» (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 354). «...V mille créatures à ung mengier donna V pains et IJ poissons, et tous les saoula, Et XIJ corbilles de relief demora...» (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 296).

 

-

[Souvenir de la formule biblique : "tu mangeras ton pain à la sueur de ton front"] Manger son pain en peine et en sueur : Nulle creature n'est exempte de passion, et tous mengeuent leur pain en peyne et sueur, comme Nostre Seigneur leur promist dès ce qu'il fit l'homme, et loyaulment l'a tins à toutes gens (COMM., III, 1495-1498, 258).

 

-

L'homme ne vit pas seulement de pain : SATHAN. (...) Se fils es de la majesté (...) Convertis ces pierres en pain (...) JHESUS. (...) Li homs ne vit point seulement Du pain qui est fait de froument, Mais de la parole anoncie De la bouche Dieu (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 80).

 

b)

[Liturgie chrétienne]

 

-

[Le pain utilisé pour célébrer la messe] : Mais il n'est nul esbatement Qui se puist penre nullement A celui qui son heritage Garde et s'onneur par vasselage, Après l'esbatement divin Qu'on fait de pain, d'eaue et de vin. (MACH., C. ami, 1357, 134). Elle fait toutes les karoles Par bours, par citez, par escoles, Ou on fait l'office divin Qui est fais de pain et de vin. (MACH., Prol., c.1377, 9).

 

-

Pain à chanter/à celebrer. "Pain bénit, pain consacré, hostie" : ...pour achater froment à faire pain à celebrer, quarante soulz parisis de rente annuelle et perpetuele... (PHIL. VI VALOIS, Doc. paris. V., t.1, 1332, 160). Raoulet le Gay, sommelier de chappelle le Roy, pour pain à chanter achatté par lui pour les messes dudit Seigneur ou voyage de Languedoc (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1389, 255). Item, que feme quelle qu'elle soit n'y puisse faire pain a chanter ne a celebrer en esglise (...). Item, que feme oubloyère senz mary oubloyer ne puet prendre apprentiz audit mestier de l'oubloyère. (Mét. corp. Paris L., t.1, 1397, 372). Et avecquez ce doivent [les religieux] avoir deux foux par an à Noël en l'office du secretain du lieu pour le pain à chanter en ycelle église. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 298). Deux boittes d'argent à mectre pain à chanter (Comptes Lille L., t.2, a.1467, 15).

 

-

Pain benit. "Pain distribué aux fidèles au cours de la messe, pour symboliser l'union qui doit régner entre eux" : Jehan Huitasse, pour le pain benoit de la parroiche en la maison, où il et les autres genz du Roy demorent à Londres, 5 d. ob. (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1359-1360, 233). Dit encores que maistre Jehan Truquan a emporté du pain benoit, trois fueilles de pervenche, un charbon et deux brins de senevé, qui ont esté trouvé dedens sa couste (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 340). ...quant aus eschaudez et pain que l'en dit benoit, iceulx eschaudez sont de la Cesne de deux ou trois jeudiz absolus que elle a gardé, ainsi comme femmes ont acoustumé de faire, et samblablement dudit pain benoit est de celui qui leur fu donné à leurs noces (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 341). ...laquele femme avoit cedit jour de dimenche fait le pain benoit en l'eglise de ladicte ville (Chancell. Henri VI, L., t.2, 1432, 228).

 

.

Loc. C'est pain bénit de + inf. "C'est une très bonne chose de" : Et avoit le cueur ouvert à tous vices et clos à toutes vertus, et disoient aucuns que c'estoit pain beneist de l'avoir effacé de la terre des vivans. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 212).

 

-

Pain celeste : RAISON. Crois tu qu'en ce digne sacrement est donné le pain celeste contenant en soy toute doulceur, toute delectation et toute saveur de suavité ? CONSCIENCE. Quy se doubte de cela sinon l'incredule et infidele ? (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 148).

 

-

Pain sacré. "Pain eucharistique" : ...et par leur grant charité prenderont garde [le prieur et les frères], quant il sera tamps qu'il soit repeus du pain sacré celestial qui donne vie as angeles (MÉZIÈRES, Test. G., 1392, 315). Dame plaisant, (...) vous apportastes benignement L'encens c'on peut en pain sacré gouster. (Mir. st Val., c.1367, 172).

 

-

Pain de vie : Il est lié qu'il seit a de certes Que l'ennemi a fait .II. pertes, Quer le moine lui a tolu Et de paine l'a absolu Par la prise du pain de vie, Et va en pardurable vie. (Vie st Evroul S., c.1350, 96). ...car le Createur de toutes creatures singulierement avoit creé cestui noble vaissiau pour recevoir et herbergier en lui le Pain de Vie qui donne vie aux angres et aux hommes, c'estoit son propre corps, en cestui vaissiau precieux. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 128). ...Beau Filz, tu doys recevoir le saint sacrement de l'autier, le pain de vie qui donne vie aux anges et aux hommes et a toutes les creatures, pour le remede de ta fragilite et de tes pechiez quotidiens (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 263). ...especiaument a l'eure que par grace il devera recevoir le pain de vie, le Saint Sacrement de l'autel (MÉZIÈRES, Test. G., 1392, 311).

 

-

Pain de sapience : Lors li metras la table de sobresse, la chandelle de vray[e] foy, le pain de sapience, le vin de compunccion, le sel de discrecion, le fruit de bonnes oeuvres. (GERS., Pent., p.1389, 84).

 

-

[À propos du Christ, panis angelicus] Pain des anges. "Pain eucharistique" : ...car ainsi ceste amie Nous vint du pain des anges recreer. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 247). GABRÏEL. O enfant de noble nature, Pain des anges bien eüreux, Tu rendras les humains joyeux En leurs donnant saincte paisture ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 216).

 

2.

[Dans des régimes alimentaires particuliers]

 

a)

[Régime carcéral]

 

-

Demeurer/estre/mettre au pain et à l'eau/à l'aigue : A ce jour i tenoit li contes de Flandres ostagiers, et estoient au pain et à l'aighe en diverses prisons (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 251). Et se apres lesdits trois jours sont trouvez oyseux ou jouans aux dez ou mendians, ilz seront prins et mis en prison et mis au pain et a l'eaue (Mét. corp. Paris L., t.1, 1351, 2). ...nous voulons et ordenons (...) qu'il soit et demeure en ycelle prison à un moys au pain et à l'eau. (Ch. VI, D., t.2, 1382, 231). Puisque la chose est approuvee A ta villayne mesprison Et qu'au vray la chose est trouvee, Je te condempne a la prison Pour y demeurer la saison, Au pain et a l'eau, de trois moys (LA VIGNE, S.M., 1496, 531).

 

-

Pain de douleur et eau de tristesse/d'angoisse/estre au pain de douleur et à l'eau de tristesse : Si fu condempné (...) à courre la ville de Paris par les rues et quarrefours sus I tumerel, liez en sa teste une coronne de parchemin où la cause de sa condempnation estoit escripte de grosses lettres roiges (...) ; et puis [fu condempné] à estre perpetuelment et morir en chartre perpetuele au pain de douleur et à l'aye de tristece (Conf. Jug. Parlem. Paris L.L., 1344, 156). Puiz a esté declaré estre attaint et conveincu de crime de lese magesté (...) et condempné en chartre perpetuel à pain de doleur et eaue d'angoisse (BAYE, II, 1411-1417, 249). ...et qui a cause de ce avoit depuis esté constitué prisonnier par sentence du prevost de Paris, fut condampné à estre batu par les carrefours de ladicte ville et privé de toutes offices royaulx, et à estre ung mois encores en prison au pain et à l'eaue. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 82). ...le jeudi ensuivant, le grant prieur de France, pour ledit cas, acompaigné de plusieurs autres seigneurs de leurdit ordre, [vint] pour faire le procès dudit frere Henry, qui depuis fut par eulx condempné à demourer prisonnier en lieu tenebreux et d'avoir ilec pour pitance, tant qu'il y pourroit vivre, le pain de douleur et eaue de tristesse. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 176).

 

Rem. Expr. faisant réf. au passage de la Bible, Is. XXX, 20 : «Le Seigneur vous donnera du pain dans l'angoisse Et de l'eau dans la détresse». Cf. J. Trénel, L'Anc. Testament et la lang. fr. du Moy. Âge, 1904, 444.

 

b)

[Régime de pénitence]

 

-

Pain et eau : Ne quier (...), Ne menger delicieux mès, Fors pain et yaue, si j'en ay, N'en lit de plume ne gerray. (Mir. parr., 1356, 11).

 

-

Pain de douleur et eau de tristesse : L'EVESQUE. (...) Jamais de lui [l'abbesse] ne mesdirez, Car toutes deux mises serez Maintenant (...) au pain de doleur Et a l'iaue aussi de tristesce. (Mir. abbeesse, 1340, 95).

C. -

P. ext.

 

1.

"Nourriture"

 

-

À pain et à pot

 

.

Demeurer ensemble à pain et à pot. "Demeurer avec qqn en ayant tout en commun" : Si plusieurs personnes coustumiers estrangiers mectent indivisement leurs biens meubles avecques personne noble, et semblablement y ait ses biens, et demeurent ensemble par an et par jour et plus à pain et à pot à une despence commune, ceste compaignie n'acquiert point de communicté es biens l'un de l'autre pour raison de la noble personne qui auroit esté estrange, laquielle n'acquiert point de communicté (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 231).

 

.

Tenir une femme à pain et à pot. "Entretenir une femme (en tant que maîtresse)" : Entre les aultres chevaliers de Bourgoigne ung en y avoit nagueres, lequel, contre la coustume et usage du païs, tenoit a pain et a pot une donzelle belle et gente (C.N.N., c.1456-1467, 454).

 

.

Tenir qqn à son pain, à son pot. "Offrir le couvert à qqn, nourrir qqn (ici une apprentie)" : ...Et ne pourra ladicte Maistresse tenir aprentisse, se n'est à son pain, à son pot, en son hostel, et sur son oeuvre et fil propre, et couchante et levante en l'ostel de ladicte Maistresse (Ordonn. rois Fr. S., t.6, 1403, 608).

 

-

Avoir son pain. "Être nourri, hébergé" : ...vous requier (...) que me facez avoir mon pain en quelque monastere devot (C.N.N., c.1456-1467, 94).

 

-

Chercher/demander/prier/querir (son) pain (pour Dieu). "Mendier" : Tous ceus qu'il voloit eslever, Nuls homs ne leur pooit grever ; Ceaus qu'il voloit humelier, Il les metoit au pain prier, Et ceaus qu'il haoit jusqu'a mort, Il estoient en l'eure mort. (MACH., C. ami, 1357, 29). Quant j'ay mestier d'aucun conseil, A moy meïsmes me conseil ; Ne jamais n'iray pain querant, Quant je sui fils au Roy Priant, Einsois aray toudis assez (MACH., F. am., c.1361, 219). ...par vertu des quels dons tous les biens meubles et heritaiges de la dicte exposante ont esté pris, occupés, donnez et distribuez, aussi bien ceulx de son chief comme autres et telement que il ne li est rien demouré dont elle et son dit [filz] puissent vivre, et pour ce soit en aventure de querir son pain (Doc. Poitou G., t.4, 1372, 161). Douceur, charité ne confort Ne truis en homme de l'eglise ; N'i a celui qui me confort, Ne que se j'estoie de Frise Venus tous nus en ma chemise, Querans mon pain de jour en jour. (MACH., L. dames, 1377, 234). ...depuis lequel temps, il est alez et venuz parmi Paris, despendu son argent, quis et serchié son pain pour Dieu parmi la ville de Paris (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 313). Ausquelx il qui parle respondi qu'il feroit voulentiers ce qu'ilz vouldroient, et que l'en ne lui donnoit riens, ne aux autres mendiens et querans leur pain et vie comme lui qui parle. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 453). ...[il] vit et apperceut l'uys d'un hostel qui estoit ouvert, ouquel hostel il entra, faignant qu'il demandast du pain pour Dieu. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 278).

 

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[Sentence] Celui doit mourir de faim qui n'ose demander du pain à celui peut le donner : Aussi n'est ce pas de mervoille : Celuy doit bien mourir de fain Qui n'ose demander du pain A celluy qui le peut donner. (Narcissus, p.1426, 289).

 

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Maints par follement donner sont venus au pain demander : Maiz raison mie ne t'aprent Que le tien donnez follement, Car maint par follement donner Sont venu au pain demander. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 118).

 

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Mettre qqn au pain querre. "Réduire qqn à la mendicité" : Et suppose qu'il [le pauvre plaignant] ait sentence pour lui les commissaires pour eulx et pour les notayres en emporteront cent francs, et conviendra que cellui qui a eu la victoyre en parlement de son plaint soit desert et aucunesfoiz mis au pain querre. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 502). Lequel Servier et ledit suppliant burent ensemble avant de partir et dirent adieu l'un à l'autre, et après le departement dudit Servier, ladite femme dudit suppliant dist à icellui suppliant que ledit Servier le menaçoit de le mettre au pain querre et de vendre ladite boucherie (Doc. Poitou G., t.10, 1457, 24).

 

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Pain querant. "Mendiant" : Et aprez [Sénèque] met ung aultre example de l'avarice de Anthiogus roy auquel un pain querant demanda aumosne d'un besant (LA SALE, Sale D., 1451, 215).

 

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Estre du pain et de la table de qqn. "Faire partie de la domesticité de qqn" : Item, ont pasnage en ladicte forest pour leurs pors pour leurs garnissemens et de leurs servans qui sont du pain et de la table des moynes. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 90).

 

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Estre du pain et vin de qqn : Nota que homme qui emble à son seigneur, puix qu'il est de son pain et vin, est pendable, car c'est traïson. (Très anc. cout. Bret. P., Textes divers, 1400-1500, 506).

 

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Estre hors du pain du pere ou de la mere. "Ne plus être nourri par ses parents, être hors du toit familial" : Encore est-il ordenet que nuls ne nulle n'ait que 2 estaus dou plus en le ditte halle, et l'un d'ales l'autre. Et plus n'en puet-on acquerre pour nul de ses enfans, se anscois n'est li enfes hors dou pain dou pere u de le mere. (Drap. Valenc. E., 1344, 267).

 

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Gagner son pain. "Gagner sa subsistance" : DEMANDE. Ou est l'aumosne en tous temps la mieulz employé : ou a une vielle mendiant, ou a une fillette d'estuves ? RESPONSE. A une fillette d'estuves, car elle ne poeult son pain gaingnier par honneur. (Devin. R., c.1470, 148). Helas, chetifz, je suis Longin, Gaignier ne seroye pain ne vin, Pouvre creature que ne voit goute, Despreveuz suis de force toute. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 111). BRIET, aveugle. (...) Viengne la mort qui me confonde, Quant je ne puis gaigner mon pain ! (Myst. st Laur. S.W., 1499, 199).

 

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Gagner du pain à qqn. "Assurer la subsistance de qqn" : UN VILAIN. (...) De vostre fille a vous me plain : N'avoie pour gangner du pain A mes enfans et a ma fame Q'un povre cheval, chiére dame, Que tolir m'a fait par ses gens (Mir. Berthe, c.1373, 206).

 

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Manger le pain de qqn. "Être nourri par lui (en tant que serviteur)" : Mon maistre, je vous sers (...) pour gaigner vostre argent, menger vostre pain, faire bien et garder vostre honneur et vostre dommage empescher (C.N.N., c.1456-1467, 494).

 

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Oster le pain de la main de qqn : Et dura chils affaires bien .I. an, dont grans murmurations estoient parmi les bonnes villes de Flandres, et disoient toutes gens : "Chil de Gagant nous ostent le pain de la main." (FROISS., Chron. D., p.1400, 271). Car par ainsi faire entre vous, femmes, trouveriez assez de gens sans pitié qui le pain vous osteroient de la main (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 192).

 

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Manger son pain en son sachet. "Manger sans joie, manger dans son coin" : Car j'estoie tous arrudis Et d'oÿr leesce assourdis ; Et, perdu mon entendement Et mon amoureus sentement, En ma bouche n'avoit loenges De dames privees n'estranges (...). Mon pain en mon sachet menjoie Sans avoir leesce ne joie ; Et aussi(s) moult me desplaisoit Tout ce qui aus autres plaisoit. Et tout ce vint par une perte Qui fu pour moy trop mal aperte, Car depuis que je la perdi Leesce a moy ne s'aherdi, N'onques puis ne fis chiere lie (MACH., Voir, 1364, 104). Il mange son pain en son sacq. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 195).

 

2.

"Argent ou dons de toutes sortes" : Item, que toutes et quantesfois que il aura aucun pain vacant desdictes quatorze prebendes, il sera a donner par nous et nosdiz successeurs, contes ou contesses de Flandres, fondeurs dudit hospital. (Ordonn. Ph. le Hardi, Marg. de Male B.-B., t.2, 1401, 531).

 

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Arg. : Coqueurs de pain et plommeurs affectez, Gaigneurs aussi, vendengeurs de costé... (VILLON, Ball. jarg. T., c.1455-1460, 343). Item, je laisse aux Mendïans, Aux Filles Dieu et aux Beguines, Savoureux morceaulx et fryans, Chappons, flaons, grasses gelines, Et puis prescher les .XV. signes Et abatre pain a deux mains. Carmes chevauchent noz voisines, Mais cela, ce n'est que du mains. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 26). L'ACTEUR. Cocquart qui va mengeant les crucefix En barbetant par ces monstiers toudiz, Il cuide bien nostre Dieu tromper Par sa mauvaise et faulse ypocrisie (...). L'ACTEUR. Tel ne fait point, tant qu'a nous, a reprendre, Dieu scet trop bien a quel fin il veult tendre. Aucunz le font pour abbattre le pain Et, a la foiz, il donnent bonne exemple Aux ignoranz d'aourer Dieu en son temple, Posé qu'ilz font a Dieu barbe d'estrain. (Coquards P., a.1481, 186).

D. -

P. anal. au fig.

 

1.

P. anal.

 

a)

"Masse d'une certaine substance comparée à un pain"

 

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Pain d'argent : Le roy des Romains donna, au partir, au legat, venant de ses mines, .VII. pains d'argent de .XX. mars la piece et ung de cent mars (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 553).

 

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Pain de cire : ...fu fait venir Jehannin de Soubz le Mur, dit Rousseau, prisonnier oudit Chastellet, pour souspeçon d'avoir mal prins et emblé, en l'ostel Gaultier de Ressons, espicier, demourant à Paris, en la grant rue Saint-Denis, un pain de cire pesant environ livre et demie (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 50).

 

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Pain de fusil. "Métal précieux moulé en forme de fusil et mis en relief sur un tissu" : Item IJm de penoncheaux pour lances, de bouquerran, moittié noir et moittié bleu, pains de fusilz et flambes dorées d'or party et les pierres d'argent et le champ emply de flambettes vermeilles faites à manière de feu (Comptes Lille L., t.1, 1421-1422, 184).

 

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Pain (de noix). "Masse compacte (de noix)" : ...quand les huilliers de Paris font quelques huilles pour le peuple, ils ou aulcuns d'eulx retiennent et aplicquent a leur prouffit les tourtes ou pains de noix, pavots, chenevis et autres matières que le peuple leur baille pour faire huille, et les vendent bien chères, et neantmoins se payent de leurs sallaires de faire ladite huille, laquelle chose est contre raison. (Mét. corp. Paris L., t.1, 1431, 554).

 

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Pain de sucre/sucre en pain : [Dans une recette de sirop]...vinaigre blanc .III. onces ; aigue rose une livre ; pain de succre une livre (Textes méd. fr., éd. R. Arveiller, c.1350. In : Romania 94, 1973, 163). ...16 livres de sucre en pain, 17d. livre, valent 22s. 8d. (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1359-1360, 206). ...huit pains de sucre fin pesant dix livres dix onces (Commerce marit. Rouen F., Pièces justif., 1474, 367).

 

b)

Pain d'espices. "Gâteau fait avec de la farine, du miel et des épices" : ...wardeiz vous [ceux qui ont la goutte] de maingier toutes viande faites de paste, c'est a dire de toutes paistes queutes an viandes ou en browas (...), ensi com pain d'espice que en appelle aweclique. (Doc. 1390. In : P. Meyer, Romania 15, 1886, 181). La couleur aussi fort amende Pain d'espices, bonne vyande, Que les petitz mercerotz vendent, Qui à ce boire les gens tendent (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 109). ...Jehan Regnart, faiseur de pain d'espices (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1451-1453, 783).

 

c)

Pain à/de coucou. "Plante des bois à petites fleurs blanches rayées de rouge" : Alleluya c'est ung herbe que l'on appelle pain a coqu. Ceste herbe croist en tous lieux, et par especial en hayes et en boys et au pie [l. pié] des paroiz. Et a telle fueille comme trieffle ; mais elle a la saveur aigre comme oseille, et a la fleur jaune. (Grant herb. C., c.1450, 76). J'ay roses, glays, pensees, fleurs de lys, Ancollies, lavendes affinees, Et tu n'as riens que meschans pichoilis, Pain de coucou, grattecons peu jolis, Bleux tournecus et gringaudes fenees (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 614). ...se d'aventure il entre en ung jardin, il soit gardé de soussies, d'ameres ancollies, de vieze pensees, de touchier surelle, une herbe nommee grattecon et souverainement de mengier du pain de cucu (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 887). [Dans les ex. de Molinet il y a jeu entre "cocu" et "coucou" non différiencés phonétiquement.]

 

2.

Au fig. "Méchanceté, coup tordu, sale tour" : Je n'en voulroye pas manger, Mon seigneur, s'il estoit possible. Tieulx pains font les gens estranglier ; Maulvaistié est tousjours nuysible. (Pass. Auv., 1477, 112).

 

Rem. V. gasteau.
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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