Empl. trans.

A. -

"Établir le nombre de, dénombrer, compter"

1.

Nombrer qqc. (un ensemble) "Dénombrer, compter" : Car tout le menre guerredon De qu'elle te puist faire don, Dont elle a sans fin et sans nombre, Vaut cinc cens fois, s'a droit le nombre, Plus que desservir ne porroies, Se tu l'amoies et servoies, Nom pas tous les jours de ta vie, Mais autant com la monarchie De ce monde porra durer (MACH., R. Fort., c.1341, 59). Ne qu'on porroit les estoiles nombrer, Quant on les voit luire plus clerement, Et les goutes de pluie et de la mer, Et l'areinne seur quoy elle s'estent, Et compasser le tour dou firmament, Ne porroit on penser ne concevoir Le grant desir que j'ay de vous veoir. (MACH., L. dames, 1377, 209). Et nientmeins humblement vous merci Par plus de fois qu'on ne porroit nombrer, Car vous et vos enfans moult esclarci M'avez ces fais que j'ay a ordener (MACH., Prol., c.1377, 5). ..."le prince si a mangié la grappe amere et verte, et lez dens du pueple sont agassez". Le roy David pecha en nonbrent son pueple, et pour ce quatre vinz mille du pueple perirent, conme il a esté dist. (Songe verg. S., t.1, 1378, 240). Car de gens si grant quantité Sommes c'on ne nous peut nombrer (Mir. Clov., c.1381, 264). ...lesquelz [françois], quant il les apercevoit, il nombroit à son povoir, et raportoit ausdis Engleiz le nombre qu'il estoient (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 123). Et puis fist nombrer ses gens et les autres, tant du maistre de Rodes que du cappitaine, et trouva que sur tout ilz povoient estre de IX. a X. mille combatans. (ARRAS, c.1392-1393, 108). Et fut leur ost nombré environ XXIJm. que arbalestiers, que archiers, que gens d'armes. (ARRAS, c.1392-1393, 221). ...et estoient, qant il furent tout asamblé et nombre [l. nombré], .XII.M. hiaumes. (FROISS., Chron. D., p.1400, 822). Mais la grant quantité pleniere Qui y est, sanz estre encombree La place, ne pourroit nombree Estre, ne nul n'en scet le compte (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 87). Quant a la temporalité de la chose publique c'est certain, selon toutes hystoires des rommains qui parlent de ce temps, que paix universele fut donnee par tout le monde qui estoit lors subject a l'empire de Romme, comme le segnifie l'evangile qui dit que Augustus Cesar Octovien manda que tout le monde fust nombré et descript (GERS., Noël, p.1404, 300). Elle ot avec soy, comme pour son principal capitaine, Orgueil, le fol presumptueux, traite de Dieu, son droiturier seigneur ; et ne fut pas seul : avec luy estoit la maudicte compaignie de tous les Vices lesquelz je ne pourroye nombrer né que le sablon de la mer. (GERS., Noël, p.1404, 303). ...meismement se courrouça Dieu à David, son sergent, pour ce que par arrogance voult faire nombrer son peuple (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 147). Numenius fut en ce temps moult souverain calculateur ès corps celestes et pour ce moult aprecié à Romme et fut lui qui eut la charge de nombrer les citadins de Romme, ce qu'il fist moult veritablement (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 71 v°).

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"Compter (de l'argent)" : ...en bonne peccune bien comptee et bien nombree (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1337, 74). ...en bonne monnoie bien nombree et bien comptee (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1351, 171). ...mès tout l'argent qu'il print en icelui coffre est en la tasse de laquelle il a esté trouvé saisy, en laquelle ont esté trouvez et nombrez en sa presence, en blans neufs de VIIJ d. et de IIIJ d. parr. la piece, XXVIIJ s. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 116). Car en celle baniere ardant A plus de cent mille useriers Qui nombrent mailles et deniers, Et si sont pendu maint herite, Maint bougre et maint sodomite. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 241).

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À tout nombrer. "En tout, au total" : ...c'estoient gens de fait et de grant emprise, quant si pou de gent emprenoient a contrester contre l'effort du soudant qui avoit plus de cent mille Sarrasins. Et a tout nombrer, Uriiens n'avoit pas, parmy les gens du maistre de Rodes, plus de IIIJm. combatans. (ARRAS, c.1392-1393, 92).

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Bien nombrer qqc. "Bien compter qqc." : Le VIme. [planette], qui bien le nombre, Jupiter le mettoit en nombre (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 102).

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Bien nombré. "Bien compté" : Je ne doubte homme pour chanter Chant de mesure bien nombré. (P. moyne, a.1500, 48).

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Nombrer le nombre de. "Compter le nombre de" : Si i eut fait che jour plus de quatre cens chevaliers, et fu par les biraus nombrés li nombres des chevaliers, que li rois eut devant Bourbourc, à noef mille et set chens chevaliers. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 134).

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Empl. pronom. réfl. [De pers.] Se nombrer. "Se compter" : Et dissoient en Paris, quant il se nombroient, que il estoient bien gens, et se trouvoient par paroces, tant que pour combatre de eux meïsmes, sans autre aide, le plus grant signeur dou monde. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 212).

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Empl. pronom. à sens passif [De choses] "Pouvoir être compté" : Fusees ou fisellé est vne mesme chose se non de difference de nombre car fusees se nombrent et fisellé n'a point de nombre (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 506).

2.

Empl. abs. "Exprimer par nombres" : Cils Dieus qui tout paist et gouverne Le centre dou ciel et le cerne, Le soleil tient haut en ardure Et la lune bas en froidure, C'est li sires qui si bien nombre Qu'il scet des arainnes le nombre Et combien la mer a de goutes Et le nom des estoiles toutes. (MACH., C. ami, 1357, 48). ...et, ad ce que j'ay ouy nombrer, avant qu'ilz peussent repasser le pont qu'ilz avoient faict, il y en eust plus de trois mille occis et tuez en la place (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 241). Nombrer si est le nombre en l'entendement conceu par figures communes artificielement representer ou de paroles perceptiblement exprimer (NIC. CHUQUET, Triparty M., 1484, I, 593).

3.

Nombrer (tel nombre). "Être tant en nombre, être au nombre de" : Au dehors de Paris la se furent monstrant. Et par dit de heraux furent ce jour nombrant Cent et .L. mille tous a cheval montant. (Cip. Vignevaux W., p.1400, 137). Les passions des dens sont nombrés (...) V. ou VI. comme douleur, corrosivez, congellacion, dormitacion, limosité ou fetide, casus seu commotio. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VI, doct.2, chap.2).

4.

Nombrer à tant. "Évaluer à tant" : L'ost de Flandres, qui estoit avoec messire Robert d'Artois, fu par connestablies et fu nombré à cinquante-cinq mille, sans les caretons. (Hist. chron. Flandres K., t.1, c.1342-1383, 391). ...si les avisèrent (...) et les nombrèrent à sis mille hommes d'armes (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 267). On nombra les honmes d'armes, chevaliers et esquiers, a siis mille honmes, et les archiers a chienqante mille. (FROISS., Chron. D., p.1400, 209). Li rois Phelippes de France avoit la tout le monde de gentils honmes ; et furent nombrés les baneres en son hoost a .CC. et .LX. barons. (FROISS., Chron. D., p.1400, 331). ...moult grand nombre de chevalliers, escuiers, gens de commun et autres qui estoient nombrés à vingt mille combatans (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.1, c.1437-1464, 49). ...et bien luy sembla que toute la crestienneté ne estoit paz souffisante a contrester a son armee, laquelle fu nombree a cent et dix mille hommez (Comte Artois S., c.1453-1467, 81).

B. -

P. ext.

1.

"Mentionner un à un, énumérer" : Et qui se vorroit entremettre De savoir ou d'en escript mettre Le nombre de ceuls qui moururent, Tous ceuls qui sunt et ceuls qui furent Et tous ceuls qui sont a venir Jamais n'i porroient venir, Tant s'en sceüssent encombrer ; Car nuls ne les porroit nombrer, Ymaginer, penser, ne dire, Figurer, moustrer, ne escrire. (MACH., J. R. Nav., 1349, 151). Et se tu de la moie aumaille Me requiers que je la te nombre, J'en ai tant que n'en sai le nombre : Povres est cilz qui puet savoir Tout le nombre de son avoir. (MACH., Voir, 1364, 636). Car, si com j'ay oy retraire, Si grant planté en y avoit, Que home nombrer ne le saroit. (MACH., P. Alex., p.1369, 56). En outre pourquoy on nombre VII dons du Saint Esperit, et de quoy ilz servent ? Pourquoy on atribue au Saint Esperit clemence et bonté ? Et ainsin de telles questions que je laisse. (GERS., Pent., p.1389, 84). ...et en yceulx [larcins] perseveré par tant et diverses journées, de nuit et de jour, que, pour la multiplicacion d'iceulx, il ne les sauroit nombrer ne enseigner. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 108). Aprez, par ordre et sextement, Povons nombrer congruement Grosses vapeurs et grans fumées Par dedens la terre engendrées, Yssans dehors subitement, Par la force du mouvement (LA HAYE, P. peste, 1426, 55). Aussi entre les médicines Qui sont cordiales et fines, Doit on nombrer sans nulle fraude La très précieuse esmeraude, Comme triacle gracieux À tout venim pernicieux. (LA HAYE, P. peste, 1426, 133). Jaçoit ce que soyent nombrees ["enumérées, distinguées"] plusieurs maladies des paupieres, non obstant aulcunefoys conviengnent en ung : comme nous dirons de pruritu et ardeur et rougeur et griefveté, de inflaction, verdigenet, sulac, xere, de formica, de ulceracion et leurs semblables car toutes celles sont le plus souvent en scabie. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VI, doct.2, chap.2). ...Jacques, plastrons, voulges et albardes, Grans coulevrines, arbalestes, guindaiges, Ars, flesches, dars et tant d'autres bagaiges Pour ung pays ou ung ost encombrer, Qu'il n'est possible de les sçavoir nombrer Si brief en vers comme on feroit en prose. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 251). Mon createur ie vous mercie (...) Car tant mauez fait de plaisirs Que nul ne les scauroit nombrer (Myst. st Martin K., a.1500, 362).

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"Mentionner avec une numérotation" : Item, toute foys que en la glose est quoté ou nombré aucun chapitre, ce est a entendre en celuy mesme livre parcial, se un autre ne est nommé et quoté. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 45).

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P. ext. "Mentionner qqc., l'évoquer" : ...Si dolent et irés qu'om ne pourroit nomber (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 11).

2.

"Fixer par nombres, mettre en nombres" : Or te diray, sans plus attendre, Comment tu dois "mane" entendre : "Mane", c'est proprement a dire Que ton roiaume et ton empire A Dieus nombré et acompli Et si l'a conclus en tel pli Que jamais il ne croistera, Mais toudis amenuisera, Qu'il est en son plus haut sommet. (MACH., C. ami, 1357, 32).

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Nombrer tel nombre de. "Fixer tel nombre de" : L'escuyer savoyen nombra et demanda sept coups d'espée, lesquels se devoient faire à trois pas de démarche et retraite. (Faits Lalaing K., c.1470, 232).

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"Fixer par mesure" : Pour quoy nous devons considerer que les mettres et les rimes sont une maniere de paroles nombrees et mesurees de certaine mesure, maiz c'est diversement. Car il convient es mettres qu'il y ait certain nombre de piez et de sillabes dont ilz sont composez et, avec ce, qu'il y ait certain temps et certaine demeure a elles prononcier selon ce qu'elles sont longues ou briefves de leur droite nature. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 70).

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Neant nombré. "Au-dessus de toute mesure" : ...c'est signe de bonté grant et nient nombrée, quant l'en fait grace a celui qui ne l'a pas gangnié. (Mir. prev., 1352, 232).

3.

"Prendre la mesure de, mesurer, évaluer" : Et comment seroit il possible de nombrer l'excés de bonté et la clarté de beaulté qui sont en vous ? (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 146). Environ deux jours devant, on m'avoit parlé que je allasse parler à eulx (car la craincte commençoit à venir aux plus saiges) et que avecques moy menasse quelqu'un pour bien nombrer et congnoistre de leur affaire. (COMM., III, 1495-1498, 171).

C. -

Nombrer avec/entre. "Mettre au nombre de, au rang de, compter parmi" : Certes les vierges qui par telz manierez de ars se gasteront, je ne cuide pas que entre les vierges beneurees elles doient estre nombrees (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 378). ...mais se un autre bien, ja soit ce que il soit tres petit, est ajousté et nombré avecques elle [la felicité], tout ensemble sera plus eslisible. (ORESME, E.A., c.1370, 119). Et ainsy le puissons nous faire par les merites et intercession de celuy duquel nous parlons, affin que nous soyons nombrez entre les amis de Dieu, et par luy dignement honnourez ! (GERS., P. Paul, a.1394, 498). Neemyas et Esdras pevent en cest endroit estre nombrés entre mes feables (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 136). Car je ne suis pas digne de aymer damme ne damoiselle, tant soit petite, jusques à tant que Dieu me ait donné loysir de faire chose par quoy je puisse estre nombré avec et en la compaignee des bons. (Cleriadus Z., c.1440-1444, 24).

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Nombrer qqn des siens

Rem. Chasse am. W., a.1509, 2091.