C.N.R.S.
 
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     NE1          NE2     
FEW VII non
NE, adv. de nég.
[T-L : ne1 ; GD : ne1 ; AND : ne1 ; FEW VII, 183b : non ; TLF : XII, 35a : ne]

[Adv. "non prédicatif" (c'est-à-dire toujours lié à un verbe fléchi) marquant une orientation négative]

I. -

[Ne, d'orientation négative, est "redondant" : la proposition (p) qui le comporte reste positive (elle reste vraie) ; ne suggère seulement qu'il aurait pu se faire qu'elle ne le soit pas ou qu'à un certain point de vue elle ne l'est pas]

A. -

[Il aurait pu se faire ou il serait souhaitable que la proposition ne soit pas vraie]

 

1.

[Après certains subst., adj., verbes, loc. conj.... exprimant la crainte, l'inquiétude... où peut se mêler le désir du contraire] : SECOND DYABLE. (...) mettons nous a la voye : S'ay ge grant paour que Maroye Ne la debate [l'ame]. PREMIER DYABLE. Que dis tu ? C'est nostre advocate, Au mains en ceste plaidoirie. (Mir. ev. arced., c.1341, 138). ...ce qu'il a dit, ce a esté par force, crainte, paour et doubte qu'il ne feust questionné, et pour evader icelle question. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 86). Si doubta le mary que, s'elle passoit, que la paour mesmes ne la feist cheoir (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 74). ...dont elle doutoit que son seigneur et mary à tousjours ne la tinst à despecte et contre-coeur (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 341). ...il craignoit (sy faisoit chascun) qu'on ne la détenist par force [la fille du duc] et par un contregage, jusqu'à tant que le duc auroit tout consenti et accordé ce que l'on voudroit avoir. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 277). Je tremble de peur (...) Que le proditeur Judas (...) ne concite la fureur Des Juifz pour nous faire mourir. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 293).

 

2.

[Dans certaines tournures qui marquent l'imminence d'une chose et où se mêle soit le désir ou la crainte qu'elle ne se produise pas, soit la satisfaction ou le regret qu'elle ne se soit pas produite] : Ainsy qu'il estoient a tel desconfort, uns homs maigres et descharnez entra coiement en leur nef sanz mot dire, et estoit moult richement vestus et atournez comme se ce fust le corps d'un roy, mais il avoit si grant fain qu'a pou qu'il ne transissoit, sy s'apensa qu'il emporteroit de leur viande. (Bérinus, I, c.1350-1370, 217). Et Anthoine boute l'espee ou fourreau et l'ahert par le millieu du corps et le tire jus du cheval et le gecte si rudement a terre que a pou que il ne lui a crevé le cuer ou ventre. (ARRAS, c.1392-1393, 162). ...si grand paour avoit que a pou qu'il ne mouroit. (C.N.N., c.1456-1467, 51). Toutesfois il s'en faillut bien peu qu'ilz n'en vinsent à leur intencion. (COMM., I, 1489-1491, 155).

B. -

[À un certain point de vue la proposition n'est pas vraie]

 

1.

[Avec une conj. de l'antériorité (à considérer l'avant du moment en cause, p est faux)] : LE DRAPPIER. Je vous pry que vous me baillez Mon argent dez que je y seray. PATHELIN. Feray. Et ! par Dieu ! non feray Que n'ayez prins vostre repas Tres bien (Path. D., c.1456-1469, 78). TARQUIN. Ains que je ne fusse aux assaulx, J'engageroye mon terraige. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 80).

 

2.

[Avec un verbe marquant l'idée d'empêchement, de réserve, d'interdiction (empêcher p, c'est faire que non p)] : Item, en ce qui touche isnelleté de parolle, c'est que on se garde bien que trop tost ne soit menée (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 168). Adonc le dit suppliant se mist entre deux, pour garder que ladicte chamberière ne feist cheoir ledit Gibaut (Doc. Poitou G., t.9, 1453, 347). Si deffendit incontinant a ses gens qu'ilz ne dissent a personne qu'il estoit, si non qu'il avoit nom Jehan de Paris (Jehan de Paris W., 1494-1495, 27). ...le roy, adverty que au moien des committimus qui passim se baillent, aviennent plusieurs inconveniens et en est le peuple fort travaillé, lui a defendu n'en bailler plus, fors aux officiers commensaulx (Lettres Ch. VIII, P.M., t.5, 1498, 168).

 

-

[Dans le champ d'une principale nég.] : S'a moy tu viens en la bataille, Ne quier que contremant ne faille ["ne t'attends pas à ce que une excuse dilatoire vienne à manquer"] (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 123). Et le Chevalier Doré (...) ne se peut oncques contenir que son cheval ne choppast a celui de son ennemy, tellement qu'il trebucha (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 233). ...[il] ne fut pas si peu hardy qu'il ne luy comptast tout du long son cas. (C.N.N., c.1456-1467, 293). Sy ne fait à douter que maintes dures escarmouches ne se fissent souvent, là où les rades et vaillans hommes d'un lez et d'autre se monstroient en leur vertu... (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 155). ...ne ne fut pas le pin si pres d'eulx qu'il ne fust nuyt toute obscure avant qu'ilz y peussent venir. (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 88). ...quand un noble homme venoit en eage compétent de porter armes, jamais ne cessoit, non doutant péril de corps, peines, ni travaux que advenir luy pust, qu'il n'allast enquérant les hauts faits d'armes et les beaux voyages d'outre-mer et autre part (Faits Lalaing K., c.1470, 2). ...ce n'est pas vray semblable que ce ne soit sans grant sens ne entendement (Jehan de Paris W., 1494-1495, 47).

 

3.

[Dans un système comparatif (où le plus et le moins sont indissociables)] : Aussi li frois, li vens qui vente Qui plus errache qu'il ne plante... (MACH., Voir, 1364, 644). ...il me samble miex que je voie bouteurs et pilleurs que je ne fais juges (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 417). ...ilz regardent plus a la personne qui leur est presentee pour faire justice, civille ou criminelle, qu'ilz ne font a la verite de la cause ne a la vertu de justice. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 472). Et aussi une lisse chastree dure plus chassante et en sa bonté que ne font deux lisses qui ne le sont mie ou au moins une et demie. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 112). ...Aprés tout ce, tu me appelles de plus grant valeur que je ne suis (CHR. PIZ., Déb. R. Rose H., 1401-1402, 148). Se tu me fais atormentez Pource que tes dieux point n'adore, Cuide tu que pour ce encoire Je laisse a dire verité ? Nany, voir, car plus tormanté Tu es que ne me cuide faire. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 128). Item, je laisse a mon barbier Les rongneures de mes cheveux Plainement et sans destourbier ; Au savetier mes soulliers vieulx, Et au freppier mes habitz tieulx Que quant du tout je les delesse ; Pour mains qu'ilz ne cousterent neufz Charitablement je leur lesse. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 26). ...la conclusion (...) est plus plaintive et condoléant ceste povreté survenue en ce royaume, qu'elle n'est corrective, ne répréhensive de la malignité du mésus (CHASTELL., Vérité mal prise K., c.1460, 306). Toutes les provinces flourirent soubz Anthoine et le confisquement des biens fut plus tardivement fait que oncques ne fut soubz autre (MAMEROT, Romuleon D., 1466, 373). ...et me trouvay tousjours ce jour avecques luy, ayant moins de craincte que je n'euz jamais en lieu où je me trouvasse depuis, pour la jeunesse en quoy j'estoye et que n'avoye nulle congnoissance du peril (COMM., I, 1489-1491, 28).

 

-

Autrement que ne : ... tout autrement les preisent q'ils ne valent (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 119).

II. -

[Ne, d'orientation négative, est employé seul : il marque la négation (la proposition qui le comporte est négative, elle est fausse), mais cet emploi suppose un contexte de virtualité, de possibilité]

A. -

[Dans des situations qui tiennent à la fois du positif et du négatif]

 

1.

[Dans une proposition interrogative (où la réponse est potentiellement positive ou négative)] : N'as tu es escrips des payens ["ne lit-on pas dans les écrits des païens..." ("on lit bien dans...")] que leurs dieux ne secourent aux lasches et aux paresceux ? (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 102). N'est elle bien jolye ? (Jeu quatre pers. L., a.1465, 193).

 

-

[Dans une proposition qui gouverne une interr. indir.] : Pour moy sont mort de gent tant que n'an sai le nombre [je ne sais quel en est le nombre] (Gir. Ross. H., c.1334, 251). Je ne sçay pourquoy a fait Dieu Tant de gent mal avisagié. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 68).

 

-

[Dans ne croire que] : Je ne croy qu'il soit nuls qui bien peüst soffire (Gir. Ross. H., c.1334, 279).

 

2.

[En alliance avec l'impér. (où l'ordre donné ou le souhait formulé ne sont que potentiellement réalisés)] : S'a moy tu viens en la bataille, Ne quier que contremant ne faille ["ne t'attends pas à ce que une excuse dilatoire vienne à manquer"] (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 123). Ne doubtez, non, c'on me repreuve Que je fuie (Mir. marq. Gaudine, 1350, 164). Dame pour Tiervagant, Laissiés vostre muser et n'y allés penssant... (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 160). ....si vous mettrons nous touz Bientost a merci, n'en doubtez. (Mir. ste Bauth., c.1376, 140). Mectez peine de contenter vos subjectz et ne vous souciez, car vous trouverez des amys. (COMM., I, 1489-1491, 179). N'acoustumez voz cueurs et voz couraiges A tieulx exces et belliqueux oultraiges (SAINT-GELAIS, Enéide VI, B., c.1500, 367).

 

-

[En emploi impératif, ne peut se substituer à non devant le verbe "vicaire" faire] : Ne ferez, Dieux ! (Path. D., c.1456-1469, 150). [Aussi 174, v.1406]

 

3.

[Dans les tournures où un inf. positif est de fait négatif en raison du verbe nég. qui le construit (si ne fait à douter que : douter positif est négatif dans le champ de si ne fait à)]

 

-

Ne faire à + inf. : Sy ne fait à douter que maintes dures escarmouches ne se fissent souvent, là où les rades et vaillans hommes d'un lez et d'autre se monstroient en leur vertu... (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 155).

 

-

[Avec laisser] : Benoist soit le Seigneur, qui ne me laisse donner au Diable comme beste aus laz des chasseours. (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 63).

 

-

Ne laisser de /ne cesser de : Il ne cessera huy de braire (Path. D., c.1456-1469, 176). ...lequel ne laissoit de continuer la poursuyte du mariage (COMM., I, 1489-1491, 218).

 

-

[Avec savoir] : ...mais icelli Breton ala gesir en un autre lieu en icelle ville, lequel il ne scet nommer (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 542).

 

-

En partic. [En alliance avec un "auxiliaire de mode"]

 

.

[Avec pouvoir] : Mais je ne poy a vous, humble par fette, Dire mes maulx ne mon tronc arreger (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 288). Chascun de nous est si lassez De fain que ne se puet porter. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 231). Confesse maintenant ce que tu ne peus denyer (...) et requier Dieu qu'il te pardonne ton aveuglement et ta folie (CHART., Q. inv., 1422, 28).

 

.

[Avec vouloir] : ...lesdites chandelles ne vouloient ardoir parce qu'il y avoit trop de limegnon ["lumignon"] et de gros bourras (Mét. corp. Paris L., t.1, 1428, 552). Et ce fol la blee ralue ; L'amasser ne se veult bouter, La prendre, savourer et gouster. (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 728).

 

-

[Avec devoir] : Bien dictes vous, dame ; il me tarde Que desja soient mes cheveulx Tondus et absiz [éd. obsiz], car pour eulx Ne debvons laissier de bien faire (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 136). Et c'est vos liegez hons, ne le devez boisier (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 435). Les fais et advenues louables ne se doibvent des bons souffir extaindre, mais collegier et mettre par escript (LA MARCHE, Mém., IV, Pièces annexées, p.1468, 95).

 

.

[Avec oser] : ...les pescheurs n'osoient entrer en la mer ne peschier pour la doute des ennemis (Mand. Ch. V, D., 1369, 328). Laissez Baude buissonner, Le vieil Briquet se repose, Desormais travailler n'ose, Abayer, ne mot sonner (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 519).

B. -

[Dans des situations qui par nature relèvent du possible]

 

1.

[Dans les situations qui appellent le subj. (mode du virtuel, du possible)] : Et d'esqualettes vont pluiseur esqualetant, C'on n'y oïst tonner le tonnoile bruiant (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 253). Et se il est ainsi trouvé que lesdiz forains ou aulcun d'eulz, aient en bachoe, en sac, en corbeille ou en charrette, autre pain meslé qui ne soit de la valeur de quatre deniers, et tout d'un pois, d'une farine et d'une mesme substance, se ce n'est pain du pris de deux deniers, il perdra le pain et sera donné pour Dieu (Mét. corp. Paris L., t.1, 1367, 200). Car fondement qui est fondé sur clipce [éd. "éclisse" ; gloss. "osier"] Ne puet souffrir ne pierre ne mortier, Qu'il ne conviengne cheoir et despecier (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 165). ...et ne facent persecucion aus innocens par fausses calumpniacions (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 403). Alez en, que je ne vous coigne (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 121). ...il aimme mieux avoir le quief du buz party Qu'il ne se voist vengier du glouton maleÿ ["plutôt qu'il n'aille pas se venger..."] (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 152). Item, a Thibault de la Garde... Thibault ? je mens : il a nom Jehan, Que lui donrai ge que ne perde ? - Assez j'ay perdu tout cest an, Dieu y vueille pourvoir, amen ! (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 109). Pour eulx n'est riens que je ne face (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 102).

 

2.

[Dans les situations hypothétiques] : Tiex conars se puet bien vanter Que punis en sera griement, S'il ne vient a amendement. (Best. lap. Rosarius S., c.1330, 100). ...Dont mourir a honte prouchaine, Se je ne fail, feray ma bruz (Mir. roy Thierry, c.1374, 262). Item, que nul ne puisse faire garnison de bouterolles à cousteaulx, se elles ne sont bonnes et loiaux et si fors (,) qu'elles puissent souffrir le limer (Mét. corp. Paris L., t.2, 1397, 558). ...et s'il ne lui plest mectre les diz pors, il a et doit avoir sur la revue du dit pasnage autant d'argent comme neuf pors coustent aux avagans à tenir du dit pasnage. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R.B., 1398-1402, 71). ...en cas que ils ne se corrigeront desdites excessivetez et ne mettront leurs vivres et denrées, manouvres, journées et ouvriers à juste pris et raisonnable, nous... (Très anc. cout. Bret. P., Textes divers, 1425, 387). Item note que quelconque tempeste qui vienne a la femme ou dehors ou dedens, se les mammelles ne agrelissent on ne se doit point doubter en nulle maniere d'avortir, mais s'elles agrailissent elle avortira. (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 15).

 

-

[Avec qui dans un sens hypothétique] : Prenés .ij. drames d'aloes cicotrin ; safran, mirre, de chascun une drame ; et soient ces choses poudrees et encorporees avec jus de buglose ou de bourroches ou avec l'iaue de la bugloce, qui ["si on"] ne trouvera le jus. (Textes méd. fr., éd. R. Arveiller, c.1350. In : Romania 94, 1973, 162). ...il enseignoit (...) la biauté de parole estre vaine et casse qui n'est [si elle n'est] confermee par fermeté de euvre (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 310).

 

-

[Avec quand proche de "si"] : ...car quant l'enfant est parfait au ventre de la mere, et fourmé et acreu, et le nourrissement ne lui vient souffisant pour lui nourrir, il recalcitre et s'efforce, et aide la vertu expulsive de la marriz ad ce qu'elle le boute hors (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 115).

 

-

[Dans une tournure comme assez pour... "de manière suffisante pour, qui a ainsi la possibilité de"] : ...le conte du Maine ne se sentant assez fort pour les combattre... (COMM., I, 1489-1491, 20).

 

3.

[Dans les situations qui supposent un parcours de possibles]

 

a)

[En alliance avec un subst. employé sans article (il n'avoit armee avec lui "aucune armée quelle qu'elle soit" ; l'ensemble des objets du monde désignables par armée est ainsi potentiellement parcouru)] : Ne portoit perches ne bastons, Ainçois aloit a atastons, Querant les voies et les sentes (MACH., Voir, 1364, 626). Si ne vestent chemises (CHR. PIZ., Dit Poissy R., 1400, 168-169). N'est brebisette au parcq qui n'ait disette (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 73). ...car il n'avoit armée avecques luy (COMM., I, 1489-1491, 178).

 

-

N'avoir cure de / mestier de... : ...il ne ont cure de correption. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 184). D'avoir fillette jone et bloie N'ay mestier pour eschaufement. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 15).

 

b)

[En alliance avec un indéf. (qui, quelque...), suggérant l'idée d'un parcours de possibles] : Mais n'est qui pain ne compernage Luy donne en sa necessité [qui que ce soit qui] (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 66). ... car ens ou ban n'estoient li acrouppit mis a quelques pris. (Arch. Nord, B 10360, 1406, fol. 45). Et ne trouvay depuis Leve jusques cy ung tout seul arbre... [un arbre quel qu'il soit] (LA BROQUIÈRE, Voy. Outr. S., c.1455-1457, 106). ...parce que on ne treuve a qui les vendre (Comté Porcien R., 1459, 263). MAISTRE ALLIBORUM. Elles [les femmes élégantes] monstrent souventes fois Leurs denrees comme les tripieres Car d'echeter il ne chault gueres Qui ["à qui, quel qu'il soit"] ne vend ab hoc et ab hac (Sots Magn., a.1488, 196).

 

-

[L'idée de parcours peut être dans l'antécédent du relatif] : Et nostre adversaire sans doubte, Quant il a l'ame d'omme prise Es roiz saillans de convetise, Tantost les yeulx du cuer li cille, Par quoi il trebuche et escrille, Com homme [quel qu'il soit] qui ne voit la voie (Tomb. Chartr. Dix-huit contes K., c.1337-1339, 136). Les sieges loyaulx d'environ, Ou mainte nave a aviron, Va a leur ayde contre ceulx, Qui en armes ne sont parceux [ceux qui, quels qu'ils soient...] (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 22). Et bientost après monseigneur le mareschal de Bretaigne fist crier que tous ceulx qui n'estoient deliberez d'attendre le siege s'en allassent ["tous, quels qu'ils soient"] (GRUEL, Chron. Richemont L., c.1459-1466, 56). Le dessus dit apologue veult innuer et donner a entendre que ceulx [quels qu'ils soient] qui ne sont cohercés, increpés, reprins et chastiés de leurs petis vices au commencement de leurs meffais sont plus hardis et plus prompz d'entreprendre a faire grans et dannables pechés et se asseurent et habituent a mal dire et a mal faire. (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 87).

 

-

[En alliance avec un dém., suggérant l'idée d'un parcours de possibles] : ...il n'est aujourd'hui celle Dedans Paris [quelle qu'elle soit], soit Dame ou Damoiselle, Qui n'ayt desir trancher de la bragarde (MAXIMIEN, Avocat dames Paris M.R., c.1485-1490, 9).

 

-

[L'idée de parcours peut tenir à l'indéfinition de l'objet] : ...ne de vostre argent je n'en ay que faire (Jehan de Paris W., 1494-1495, 43).

 

-

[L'idée de parcours peut tenir à la généralité de l'énoncé] : ...li menteur [quels qu'ils soient] ne seront desblamé, Ainçois aront honte, paine et tourment (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 135).

 

c)

[Avec l'idée de "si peu que ce soit", de "pas même"] : ...et ainssi est la dite cohue si ruyneuse et decheue que ad present ne seroit rapareillie pour [pas même pour] mil cinq cens livres (Doc. Poitou G., t.3, 1354, 177). ...venin de cicute [pas même le venin de cigüe] N'est si prilleux que baras d'omme. (MARTIN LE FRANC, Champion dames D., t.2, 1440-1442, 170). Comme il passoit rasibus du chastel, veismes les archiers de la garde du roy devant la porte, qui ne bougeoient [si peu que ce soit]. (COMM., I, 1489-1491, 30).

 

-

[En alliance avec un "pas même un..."] : Et de tous biens il n'emporte une meure Vaillant, sinon le bien faire et mesfaire (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 102). Et je croy que noz conscïences S'en trouveront si acquittees Que les reprouches recitees Par vous, sire evesque Caÿphe, Ne nous chargeront d'une biffe ["pas la moindre"]. (Myst. Résurr. Angers S., 1456, 508). Comblé de dueil, pour faire chiere lie De tous esbas je ne donne une alye, Mais treuve paix grandement encombreuse (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 15).

 

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Ne de + subst. : Et combien que il soit sec et senz branches, il ne porte neentmains pour ce de vertu (MANDEVILLE, Voy. L., p.1360, 265).

 

d)

[Avec l'idée de "à quelque moment que ce soit"] : Aussi en cest avenement Jeuiens nous au roi qui ne ment, Aux barres et a l'agnelet (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 55). ...mais toujours l'infernal qui ne dort, soubz couverture de defidence, malicieusement renouvellée par les malheurtez advenues et passées, rompit et eslongea ceste bienheurée et salutaire oeuvre (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 251).

 

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Ne garder l'heure : Or laissez celle baverie ! Il viendra, nous ne gardons l'eure (Path. D., c.1456-1469, 92).

 

Rem. Cf. T-L IV, 149-150 ("nous n'avons pas à regarder l'heure, elle est déjà arrivée").

 

4.

[Dans diverses situations où s'allient plus ou moins nettement la possibilité positive et la possibilité négative]

 

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[Avec autre ou autrement, qui suggèrent une possibilité différente] : ...Et si fist mander un cadis, Moult sage homme en fais et en dis ; Cadis, c'est un clerc en leur loy [des Sarrasins], Autrement appeller ne l'oy. (MACH., P. Alex., p.1369, 133). Tu as deserviz ung chevestre. Aultre paye ne t'apartient. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 181).

 

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[Avec l'idée de "il y a lontemps" (il y a longtemps p ; depuis longtemps non p)] : ...yssy dehors et regarde la cité, car grant temps avoit que ne l'avoyt veüe. (Cardenois C., c.1380-1400, 148).

 

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[Avec possible ou avec un adj. en -able] : ...les deffailles ne sont vallables et doyvent estre rejectées... (Cartul. Laval B., t.3, 1452, 157). ...et que de demourer là sans vivres entre Paris et le roy n'estoit possible (COMM., I, 1489-1491, 36). Il n'est creable la hayne que avoient ces deux villes l'une contre l'autre (COMM., I, 1489-1491, 95).

 

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[Avec chaloir impers. (où se superpose ce qui est à ce qui pourrait ou devrait être)] : Ne m'en caut a qui il desplaise, Fors que tant seulement bien plaise A Dieu, et au vaillant proedomme Pour qui je le fais [mon livre] sans mesaise (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 25). Il ne chaut du bien communal (...) Tout est reversé contreval. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 274). Mais qu'on te froye nuyt et jour ton brodier, Il ne t'en chault (LA VIGNE, S.M., 1496, 351).

 

-

[Parfois, il y suffit de l'imparfait (dont l'imperfectivité situe dans le possible le terme du procès)] : ...Saincte Veronne, qui comme les Juifz menoient Jesuscrist au mont du calvaire pour le crucifier, tout plain de sueur et de crachatz que les faulx Juifz lui avoient craché au visaige, tellement qu'on ne le congnoissoit, luy bailla unc couverchief pour se essuyer (Pèler. D., 1486, 340). ...et n'estoit si forte comme elle est à présent (COMM., I, 1489-1491, 16). Quant ceulx qui estoient contre luy veïrent sa dissimulation et qu'il n'estoit fort, executèrent leur entreprinse et meïsdrent ceulx du roy dedans. (COMM., I, 1489-1491, 177). Pardonnez moy, sire, car je ne vous congnoissoye (Jehan de Paris W., 1494-1495, 72).

C. -

[Dans une proposition où plusieurs des facteurs ci-dessus évoqués se combinent] : ...et se estre n'y povoient... [auxiliaire de mode + proposition hypothétique] (Titres Bourbon H.-B., t.1, 1347, 431). ...se je ne puis mieulx faire, je criray à l'arme sur le bort du fossé [auxiliaire de mode + proposition hypothétique] (BUEIL, I, 1461-1466, 68). ...que (...) ne vueillent requérir gaige de bataille ne l'accepter [subj. + subst. sans article]. (HARDOUIN DE LA JAILLE, Formulaire des gaiges de bataille, 1483. In : B. Prost, Traités du duel judiciaire, Paris, 1872, 191).

III. -

[Ne, d'orientation négative, marque la négation en alliance avec un "auxiliaire de nég." (avec un "forclusif" ; le "forclusif" apporte, par un parcours de possibles, l'élément virtualisant nécessaire à la négation du m. fr.) ; ou bien il marque la négation en alliance avec un élément exceptif, qui induit, tout comme un "forclusif", une nég. pleine, mais qui l'inverse pour l'élément excepté]

A. -

[Ne marque la négation en alliance avec un "auxiliaire de nég." (avec un "forclusif") qui tient dans la proposition une fonction nominale (p. ex. ne... rien), adverbiale (p. ex. ne... ja ou ne... jamais), ou déterminative (p. ex. aucun + subst. ne) ; ou bien en alliance avec ne "ni" ; ces "forclusifs" sont cumulables]

 

1.

[En alliance avec un "forclusif" à fonction nominale]

 

Rem. V. personne "aucune personne, quelle qu'elle soit" ; rien "aucune chose, quelle qu'elle soit"...

 

2.

[En alliance avec un "forclusif" à fonction adverbiale ; v. jamais "à aucun moment quel qu'il soit", ja, oncques...] : Et toutesfois aux pauvres condempnez a mort ne fu oncques restraint le sacrement salutaire de confession. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 283). Mes freres, regardez la face De nostre maistre clarissant ; Oncques soleil resplendissant Plus clerement ne resplendy. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 177).

 

-

[Avec encore au sens de "pas encore"] : ...ensemble trois autres tours garniz de leurs torilhons et cercles, qui encores ne sont en euvre (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 263).

 

3.

[En alliance avec un "forclusif" à fonction déterminative]

 

Rem. V. aucun "aucun quel qu'il soit", nul...

 

4.

[En alliance avec ne "ni" ; v. ne2] : ...il n'estoit venuz ne ne s'estoit comparuz par devant euls (Doc. Poitou G., t.1, 1330, 354). Quant aux puisnez masles qui succèdent comme bénéfacteur, et ne sont héritiers de père ne de mère... (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.1, 1411, 477).

 

5.

[Ces "forclusifs" sont cumulables] : ... icelle personne ne puet jamais estre copulee a aucun des filz de son pere espirituel. (Sacr. mar., c.1477-1481, 58).

 

-

[Ils peuvent aussi se présenter dans les situations de virtualité décrits ci-dessus] : Mais faisons tout et vivons comme se jamais ne deussions mourir. (GERS., Dial. spirit. G., c.1407, 162).

B. -

[Ne marque la négation en alliance avec un "auxiliaire de nég." (avec un "forclusif", comme pas, point ou mie) qui n'a pas d'autre rôle que de parfaire la négation ; ces "forclusifs" ne sont pas cumulables]

 

Rem. V. pas1, point2, mie3.

 

-

[Ces forclusifs apparaissent de plus en plus même dans les situations de virtualité décrites ci-dessus : on s'achemine ainsi vers l'état moderne où l' "auxiliaire de nég." s'impose quasiment partout] : Deffendés vous hardiement, Et si ne vous esmaiiés pas [avec l'impératif] (BRIS., Plait Ev. Dr. K., a.1340, 66). Les enfans qui ne voloient pas mengier de che qui estoit a la table du roy de Babilone... [avec vouloir + inf.] (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 115). Et par ces membres que Ypocras nous explique yci, povons nous entendre les autres dont il ne fait point de mencion [avec de + subst.] (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 169). [Jésus demande aux apôtres de prier en secret] ...quant vos orez, ne vueilliez mie moult parler si comme font les ethniciens qui cuident estre essauciez en moult parler [avec le subj. de valeur impérative] (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 350). Madame, il n'est pas raison de me soir en vostre siege [avec un subst. employé sans article]. (Ponthus Sidoine C., c.1400, 20). ...doncques soit eleu lait de chievre, laquelle ne soit pas trop prochainne ne trop loing du temps d'avoir chevroté, et nourrie en bonne pasture [avec le subj.]. (Rég. santé corps C., 1480, 20).

C. -

[Ne, d'orientation négative, marque la négation en alliance avec un élément exceptif, qui induit, tout comme un "forclusif", une nég. pleine, mais qui l'inverse pour l'élément excepté ("ne ... quoi que ce soit, si ce n'est")]

 

1.

[L'exception est marquée par que] : ...il ne faisoit que plouvoir toute celle septmaine, pour quoy selles, paneaulx et contrecengles furent toutes pourries et derouptes (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1352-1356, 60). Tafforesse est un vaisseau de mer qui va a vingt ou a trente advirons et porte de XVI a XX chevaulx. Et a le dit vaisseau une grant porte en la poupe et ne lui fault que deux ou troys paulmes d'eaue. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 435). ...sa bastie n'estoit close que de menus pauls du gros d'ung bras, et le hault d'ung homme (CABARET D'ORV., Chron. Loys de Bourb. C., 1429, 79). ...et estoit tout plain de vices et murdrier d'ames et de corps, et acomplisseur de tous maulx, nulz biens ne faisoit que de apparence et pour decevance. (Nouvelles inéd. L., p.1452, 35). ...ce ne sont que blanchissemens et paroles polies de langaige, lesquelles tourneront a nul effect. (Chron. conq. Charlem. G., t.1, 1458, 413). Item, les wynages dudit lieu (...)souloient valoir trois queuez de vin et de present ne vallent que une queue. (Comté Porcien R., 1459, 311). Plusieurs sont quant en oyent dire Quelque miraicle ou belle histoire, Qu'ilz ne s'en font entr'eulx que rire (MART. D'AUV., Mat. Vierge L.H., c.1477-1483, 121).

 

-

[Ne ... que alterne avec ne pas ... que, ne point ... que, ne jamais ... que, ne mais ... que, ne rien ... que..., sans qu'il y ait d'incidence sur le signe de l'énoncé (le champ négatif que l'exception induit est confirmé par pas, point, jamais, mais, rien...)] : Et ainsi le tesmoingne Job qui dit : Vie d'omme sur terre ce n'est mais que une chevalerie ["ce n'est rien d'autre que"]. (Mir. st Val., c.1367, 123). Car lors a rien je n'ay tendu Qu'a conquester foison Lyesse, Tant ay largement despendu Des biens d'amoureuse richesse ! (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 511). ...et [Venise] n'est point fermée que de mer (LE BOUVIER, Descript. pays H., p.1451, 63). ...elle estoit non pareillez aux plus bellez de ce tempz et, se de beaulté estoit la damoiselle garnie, sy fut elle de beau et rasis maintieng et tant que riens n'eust jamais fait que par apoint (Comte Artois S., c.1453-1467, 5). Vous sçavés que nostre place est close d'eaue et n'y a point d'entrée que par la porte (BUEIL, I, 1461-1466, 68). ...une vielle qui n'avoit mais que un dent... (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 98).

 

-

[Dans une question, ne ... que appelle la réponse confirmative non] : A dya, dit le curé, je vous entens bien, il ne vous fault que de l'argent. - Par ma foy non, dit il. Si j'en eusse comme aultresfoiz ay eu, je luy querroye tantost une femme ["il ne vous manque que de l'argent (pour marier votre fils). - Par ma foi, oui..."]. (C.N.N., c.1456-1467, 296).

 

2.

[L'exception est marquée par fors] : [En Caldee] Les femmes ne portent fors une povre et meschant cotelette, pendant jusques aus genoulz, et les manches si largez que elles viennent jusques a terre. (JEAN LE LONG, Voy. Odoric A.M., 1351, 7). Car peut estre que en ce païs et en ce temps, il ne appelloient roys fors ceulz qui tenoient monarchie barbarique. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 150). Et a ce ne couvient touchier fors au coustel (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 240). Charbuncle et andrac sont d'une mesme maniere et d'une mesme espece. Et ne different fors seulement celon plus ou moins intens (PREVOST, Cir. Guill. Salicet, 1492, I, 59).

 

-

Ne fors que : ...le Roi voet que, de temps en temps, les communes femmes et autres raskailles, qui ne font fors que destrure vitailles et faire contek et riote, soient oustéz de la dite ville. (Hist. dr. munic. E., t.2, 1347, 358).

 

3.

[L'exception est marquée par sinon, si ce n'est...] : ...quant a moy, je n'ay m'entente mise, Se n'est en vous (CHR. PIZ., Cent ball. amant dame C., c.1409-1410, 122). Quand ung potier voit son pot fait, Du remenant ne scet qu'il face, Sy non que souvent il en fait Ung marmouset d'estrange face. (MARTIN LE FRANC, Champion dames III, F., 1440-1442, 162).
 

DMF 2020 - Synthèse de mot grammatical Robert Martin

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