C.N.R.S.
 
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     NAGER     
FEW VII navigare
NAGER, verbe
[T-L : nagier ; GD : nagier1 ; GDC : nager ; DÉCT : nagier ; FEW VII, 61b : navigare ; TLF : XI, 1299a : nager]

I. -

Empl. intrans.

A. -

"Naviguer"

 

1.

[D'une embarcation] : ...pour les gens estanz en 16 bateaux nagens devant 4 nefs et une barge et de 338 fames qui aidierent a tirer hors lesdites nefs avec les diz bateaux et lamans pour issir hors du hable de Dieppe (Clos galées Rouen M.-C., t.2, 1347, 118). Sy choisy venir de loings ung petit bringantin que moult fort venoit nagant devers le port de Courfou (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 61).

 

-

Faire nager. "Faire naviguer (une embarcation et ceux qui s'y trouvent)" : Et quant il [le roi] fu bien consilliez, Bien aprestés, bien abilliez, Il fist nagier tout droit au port, Et là se combati si fort, Que maugré tous est descendus. Tant en y ot de pourfendus Et de tuez, qu'il s'en fuirent. (MACH., P. Alex., p.1369, 213).

 

2.

[D'une pers. embarquée] "Naviguer (en partic. en ramant)" : ...nous avons l'aisement de nagier pour mener à nef la widange de nos bois parmey le cour de la riviere de Bar, appartenant ausdiz religieux, sans troubler ne empeschier lesdiz religieux en la pescherie (Trés. Reth. S.L., t.2, 1345, 48). Puis s'en ala par mer nagent En larrecin, lui et sa gent, Qu'onques puis Dydo ne le vit. (MACH., J. R. Nav., 1349, 209). Ch'est la pierre des maronniers, car elle monstre a euls, par une aguille, les partyes que il quierent parmi les partyes de la mer ou il vont nagant. (MANDEVILLE, Lap. M., c.1350-1390, 184). ...Prians et tuit si affin, Fors aucuns qui en eschaperent, Qui par mer nagent s'en alerent En essil, querant aventures Qui leur furent pesmes et dures. (MACH., F. am., c.1361, 201). Depuis nagames une espasse, Et ensi qu'une wage passe, Par le force dou vent divers No nef fist tourner a revers. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 123). Que fist il la seconde année Que coronne li fu donnée ? Il s'en ala, lui et sa gent, Parmi la haute mer nagent, Tant qu'il vint devant Satalie, Une cité qu'est en Turquie, Grande et puissant, et ferme, et forte (MACH., P. Alex., p.1369, 20). Quant en Chypre furent venu, Tantost li gros et li menu Furent mandé par le royaume. Il n'i ot Gautier ne Guillaume En toute la mer d'environ, S'il sot nagier d'un aviron, Qu'il ne mandassent pour eaus dire Qu'il apareillent leur navire ; Car le roy einsi le commande. (MACH., P. Alex., p.1369, 54). Li jours fu biaus, la mer fu quoie, Chascuns à bien nagier s'emploie ; Car li vens estoit couvenables, Bons et dous, cois et profitables. (MACH., P. Alex., p.1369, 67). Lors se parti et si s'adresse Vers Chypre, la plus droite adresse. Tant a nagié qu'en Chypre vint, Et là sejourner le couvint Pour ses gens d'armes reposer. (MACH., P. Alex., p.1369, 217). LE MAISTRE MARINIER. (...) Tant com le temps nous est propices Alons nous ent. LA PELERINE. Ja l'acors, sire ; ysnellement, Maistre, nagez. (Mir. emper. Romme, 1369, 290). ...si comme de medicine la fin est santé, de faire navie la fin est aler par eaue et en nageant, de chevalerie la fin est victoire, et richesces sont la fin de yconomie. (ORESME, E.A., c.1370, 103). Sy se mit en un petit batelet (...) et s'en alla nageant à rièmes ["à la rame"] sur la Gironde bien avant (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 197). ...le duc s'estoit allé esbanoyer, celle matinée, sur le port, en petits bottequins, vaucrant et nageant çà et là (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 402). Par vent marin (...), Il vous convint (...) Nager en mer (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 346). ...et fut maistre de navire (...). Quant il eut nagé par la mer quelque peu de temps... (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 70).

 

-

Nagier / voguier : Lors s'esquippent en mer parfonde, Et tant nagierent et voguerent, Qu'en Rodes briefment arriverent. Quand li bons roys sceut leur venue, Il ne demoura pas en mue En sa chambre ; ein couri au port, à grant joie et à grant deport. (MACH., P. Alex., p.1369, 56). Li jours fu biaus, la mer fu quoie, Chascuns à bien nagier s'emploie ; Car li vens estoit couvenables, Bons et dous, cois et profitables. Si ont tant nagié et vogué, Parmi la mer, qui a po gué, Qu'au viez port, devant Alixandre, Vint li bons roys sans plus atendre, En un juedi, ce m'est avis, Jour de la feste St. Denis (MACH., P. Alex., p.1369, 67).

 

-

[Contexte métaph.] : Einsi est, puis que tant t'assers A Fortune que tu la sers Et yes mis en sa servitute, Il couvient par force que tu te Mettes a nagier et a rime, Selonc ce qu'elle nage et rime, Et qu'a ses meurs tu te conformes En tous cas et en toutes formes, Puis que tu yes de ses maisnies. (MACH., R. Fort., c.1341, 95). Or, Dieu loué moult haultement, J'ay tant nagié et telement Que ma nef, par temps esgarée, Par force de vent et marée, Est arrivée droite voie À port de salut et de joie (LA HAYE, P. peste, 1426, 161).

 

-

Nager sans aviron : Tu veulz nagier sans aviron ! (Cycle myst. prem. mart. R., c.1430-1440, 75).

 

-

Nager sur mer. "Voyager par mer" : ...celuy qui doit naigier sur mer, devant qu'il entre dedans la navire, doit mesler en son vin par aulcuns jours de l'eaue marine ; et icelluy remede est pour les riches. (Rég. santé corps C., 1480, 57).

B. -

[D'une pers.] "Se déplacer à la nage, nager" : Un message preux et expart Par mer nagent de l'ost se part ; .II. grosses bouteilles avoit Aux esselles, dont mieulx nouoit (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 12). [Ou est-ce le sens A ?] Sy se penssa et fist venir ung gladiateur de ses gens, qui nagoit merveilleusement bien (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 51). ...et [le flegmatique] songe souuent de inundacion de eaue et aucunesfois quil est en leaue et quil se naye, ou quil nage, et toutes telles choses, car il a les condicions de leaue. (CIB., p.1451, 219). ...et fut en grant aventure de noyer, car il ne savoit rien nager ; mais la radeur de l'eau l'emporta jusques à la herse, et là il se retint (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 232). Mal fait nagier en lieu parfont Ou l'on ne peut le font veoir. (GARIN, Compl., 1460, 59). [Ou est-ce le sens A ?] Doris en oultre et ses filles y estoient ensemble, dont l'une partie nageoit, c'est-à-dire nouoit (Ovide mor. B., 1466-1467, 79). [A. Henry, Romania 77, 1956, 344] Alors ceulx du chasteau se sauvoient le mieulx qu'ilz povoient : et en ce faisant, ung des gens du roy naigea au travers de la mer depuis le seige jusques au dit chasteau de l'Ouve pour veoir leur contremyne (LA VIGNE, V.N., p.1495, 256).

 

-

Nager des mains. "Essayer de ne pas se noyer en remuant les mains" : Quant Bruiant fut en l'eaue cheu, il ala jusques au fons, combien qu'il fist tant qu'il revint amont, mais ce ne fut point sans boire. Lors se print a nagier des mains ce qu'il peut, escriant ses gens qu'il fust aidié. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 323).

 

-

[P. méton. du sujet ; prov.] : Menton soustenu souef naige. (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 146).

 

Rem. Prov. H., 174, N1 (Celuy peut hardiment nager à qui l'on soustient le menton). Cf. Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 352 (Et chuis noe bien aise ... Cui on tient le menton).

 

-

[D'un animal] : ...la mule, quand elle eut beu son saoul, naigea tant par le Rosne qu'elle trouva la rive (C.N.N., c.1456-1467, 313). Les brochés (...) nagerent dedens les roix (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 147). ...voyant un jour nagier l'escrevice a la rive d'un palus ou elle habitoit (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 159).

C. -

[D'une chose] "Rester ou venir à la surface de (de l'eau ; d'un liquide quelconque), flotter" : Quant aucunes choses issent par la egestion, et elles ne sont meues, se il appert aussi comme rasure de bouel qui nage par dessus, et elle soit petite, c'est signe que la maladie soit petite (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 103). ...ce qui nage par dessus (...) ; le foye qui nagoit et flotoit tousjours (...) ; nue existent ou nagant ou haut de l'orine (...) ; les superfluitez nagans par la bouche de l'estomac (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 308). Se nous voulons savoir s'il y a eaue en vin ou en moust, prenez deux poires crues ou, selon aucuns, moures, et les gettez ou vin ou en moust. Se elles vont au fons, il y a eaue ; et se elles nagent, le vin est pur. (Rustican H., 1373-1374, 99). Le vin aussi est gueri, se un sac estroit plein de pain chault de pannic est mis ou vaissel par la bouce, et nage sur le vin (Rustican H., 1373-1374, 110). ...tout ainsi comme la littiere venoit en l'air comme s'elle nagaist (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 14). Ainsy nageoit sur l'eau ce piteux corps (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 180). ...escripvit la nature du figuier de Egipte, les branches ou bois duquel, gectées ès l'eaue, prennent le fons et ne nagent point sur l'eaue, comme autre bois (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 24 r°).

D. -

Au fig.

 

-

Nager dans un certain état. "Être dans la plénitude d'un certain état" : O sentence pleine de rage, Munie de furieux oultraige, Garnye de venimeux langaige, Portant en paincture l'ymage De la mort, pour qui tu es faicte, Tant tu porteras de dommaige Et d'exil sur l'humain lignage, En faisant mourir avant aage Jeunesse, qui en plaisir nage, Ains (,) qu'elle soit en aage parfaicte. (Cene dieux, c.1492, 124).

 

Rem. Cf. aussi, en contexte métaph. : Rescouez ces deux povres yeulx Qui tant ont nagé en Plaisance Qu'ilz se nayent sans recouvrance (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 336). Me couvient ilz tousjours ou plus parfont De Dueil nager, sans venir a bon port ! (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 446).

 

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Nager entre deux eaux. "Se tenir entre deux partis en ménageant l'un et l'autre" : Ainsy vouloit le dit duc de Brabant nager entre deux yauues (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1352-1356, 136).

 

Rem. V. eau. Prov. H., 174, N2. DI STEF., 278b-c, s.v. eau. G. Roques, Trav. Ling. litt. 20, 1982, 41-42.

 

-

Nager selon le vent qui court. V. vent

 

Rem. DI STEF., 876b, s.v. vent.

II. -

Empl. trans.

A. -

"Mettre dans l'eau, noyer" : Si ne say que tu li demandes ; Qu'elle a acompli tes demandes Et fait plus que tu ne voloies De ce que tu li requeroies. Mais chien qu'on nage, en lieu de paie, Quant il est passez, il abaie. Biaus dous amis, einsi fais tu, Et tout ce ne vaut un festu, Car il n'est chose si perdue Com bonté qui n'est congneüe. (MACH., R. Fort., c.1341, 62).

B. -

"Transporter par voie d'eau"

 

-

Nager qqn : Mais se tele gent y venoient, Comment que molt cler semé soient, Toudis leur seroit au devent La nacelle pleinne de vent Et d'aviron pour eaus nagier, Tant qu'il fussent en ce vergier. Car tout aussi com l'aïmant Attrait le fer, attrait l'amant Et l'amie celle nacelle, Quant loiauté leur est ancelle. (MACH., D. Lyon, 1342, 190). ...lequel Houf commanda audit Martin que il le nagast par ladite riviere, savoir se il trouveroit cellui qui avoit peschié ladite bresme, et le contraigny a ce. (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1423, 51). Toutefoiz lendemain, (...) vint pour passer Seine, à tout huit petites nacelles, dedens lesquelles il se mist en l'eaue, acompaigné de son filz, aagé de quinze ans, de soixante combatans et un seul cheval chargié de petis canons et autres habillemens de guerre, et se fist nager en une petite ysle qui estoit ou milieu de l'eaue (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.3, c.1425-1440, 276).

C. -

"Traverser à la nage ou dans une embarcation (une étendue d'eau)" : Mais iceulx mauvais garsons frapperent dessus, en meurdrirent à leur volenté, et ceulx qui peurent eschapper nagarent le fossé. (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 291). Car pas ne croy que sans divin numine Pres de tel fleuve ta parsonne chemyne, Ne que tu puysses la stigie palude [var. stigie et pallude] Nager sans dieu par grant sollicitude. (SAINT-GELAIS, Enéide VI, B., c.1500, 321).

 

Rem. Sans doute le compl. de lieu est-il en empl. abs. ds l'ex. suiv. (nager qq. part) : Et en tous joieus parlement, Nagierent la riviere amont (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 27).

 

-

Nager le monde. "Traverser le monde en naviguant" : S'elle [la femme] meurt tost et se tost nage Ce monde, ceste mer courant, Se tost fait son pelerinage, Jhesus lui est plus secourant. (MARTIN LE FRANC, Champion dames II, D., 1440-1442, 65).

III. -

Part. prés. en empl. adj. "Relatif à la navigation" : Pere et seigneur du nagent exercice, Palimirus, qui tant fustes propice Que de la nef troyenne et dardanide Feustes patron en si seure police Que leurs voyles... (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 172).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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