C.N.R.S.
 
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     MENTIR     
FEW VI-1 mentiri
MENTIR, verbe
[T-L : mentir ; GD : mentir ; GDC : mentir ; AND : mentir ; DÉCT : mentir ; FEW VI-1, 741b : mentiri ; TLF : XI, 655b : mentir]

A. -

[Idée de déloyauté]

 

1.

Empl. trans.

 

-

Mentir sa foi/son serment (à/envers qqn). "Manquer à sa parole, à ses engagements (envers qqn)" : Or en y avoit qui prioient Toutes les dames qu'il trouvoient, N'il ne vosissent pas avoir Tous biens d'Amours et recevoir, Se ne s'en peüssent venter, Par foi mentir et crëanter. Rien ne doubtoient escondire, Ne chose qu'on leur peüst dire ; Ne portoient foy a nelui ; Il n'amoient eaus ne autrui, Einssois des dames se ventoient Meintes fois, dont il se mentoient. (MACH., D. Lyon, 1342, 212). LE ROY. Avis m'est que passée est l'eure Qu'a ma gent devoie venir. Il me convient ma foy mentir, Se de moy n'est ceste journée Ma treschiére amie espousée, Que plevi ay. (Mir. femme roy Port., c.1342, 178). DIEU. Gabriel, va t'en sanz delay Au conte Amis (...). Et li dy que mesel sera Pour ce qu'il a sa foy mentie (Mir. Amis, c.1365, 44). "Il vaut trop mieux à mentir no serement devers le duc d'Ango que devers le roi d'Engleterre, no naturel seigneur, qui nous a tant de biens fais." (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 15). ...Et j'ay apris à connoistre m'amie, Car elle m'a sa foy à tort mentie. Dont je voy bien par droite experiance Qu'amour de femme a pou de conscience. (MACH., App., 1377, 642). Je [Remondin] vous ay [Mélusine] par mon faulx venin trahie. Helas, vous m'aviez mediciné de mon premier crueulx venin. Or le vous ay je crueusement mery, quant je vous ay trayee et menty ma foy envers vous. (ARRAS, c.1392-1393, 243). Trop comparras ta foy mentie ! (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 135). ...attendu l'onnesteté de la forte guerre qu'il [Coriolan] leur avoit faite en laquelle oncques ne fust par luy une seulle promesse ne foy mentie ! (LA SALE, Sale D., 1451, 104). Quelle vengence et quelle pugnicion doit on prendre d'un homme qui a menty sa foy ? (LA SALE, J.S., 1456, 12). Se il a contrait avec la seconde [femme] par paroles de present et de futur et aussi ensieuve copule charnele, il doibt arrester avec la seconde et faire penitance de la foy mentie a l'aultre. (Sacr. mar., c.1477-1481, 70). "Monseigneur, voicy André Trolop qui n'est homme digne de combatre Jacques de Guyté qui cy est, car je l'ay prins et ay eu sa foy, laquelle il m'a mentie..." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 356).

 

-

Estre enchu/atteint de foi mentie : Et, ou cas que il avoient che fait et voloient perseverer en che meffait, il estoient enceu et ataint de foi mentie. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 269).

 

-

[Qualificatif (fonctionnant comme adj. ou comme subst.)] Foi menti(e). "(Celui) qui a manqué à sa promesse" : ...je te faiz savoir que jamais je n'avray mercy de toy ne de ta gent, ne je n'en prendray nulle raençon fors que la teste de chascun par tout ou je vous porray trouver, comme de traïtes foy mentie, ne ja n'aiez fiance en nully qui te puist aidier. (Bérinus, I, c.1350-1370, 126). De tous lez les encloent, lez paiens foy menti (Cip. Vignevaux W., p.1400, 146). Dont je en appelle Dieu, Nostre Dame et monseigneur saint George, le bon chevalier, a tesmoings, comme faulx, trayttre, murtrier ou foy mentie que tu es, selon le cas. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 220).

 

-

Mentir un scellé. "Ne pas respecter un accord officiel" : ...il les renvoya (les émissaires) confusement, disant que leur duc et eulx avoyent menti leur scelléz de ainsy soustenir ses traitres, rebelles et desleaulx subgetz de Ferrette (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 128).

 

2.

Empl. trans. indir. Mentir de une promesse. "Ne pas tenir sa promesse" : Je ne say si me mentira De sa promesse. (Mir. nonne, 1345, 311). Grandement feroit a prisier Esperance, qui fait aysier Tel, qui peu en a l'aisement, Mais elle ment communement De ce qu'elle plus fort promet (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 93).

 

-

En mentir : RAPHAEL. Il te fault aux limbes venir, Ame sancte, a Dieu plaisent (...). SATAN. Voere, dea, voere, voere, voere, Raphael, tu en mentiras, Ains d'icy te despartiras ; Et je l'apportarey [l'âme] en enfer ! (Pass. Auv., 1477, 251).

 

.

Au passif : Ne ja maiz rien ne me feroies, Non pas se morir me faisoies, Que je ne souffre voulentiers, Et telz est mes vouloirs entiers : Ja par moy n'en sera menti. (Gris., 1395, 38).

 

3.

Empl. pronom. réfl. "Manquer à sa parole" : Rien ne doubtoient escondire, Ne chose qu'on leur peüst dire ; Ne portoient foy a nelui ; Il n'amoient eaus ne autrui, Einssois des dames se ventoient Meintes fois, dont il se mentoient. De parler d'eaus ne me puis taire, Car tant estoient de pute aire Et tant faisoient a blamer Que dela mer ne desa mer N'avoit gent qui fust si maudite, Plus vil, pieur, ne plus despite. (MACH., D. Lyon, 1342, 212). Theseüs qui se parjura Ses dieus et sa loy li jura Que jamais ne li fausseroit Et qu'envers li loiaus seroit. Il se menti, li renoiez. Pour quoy ne fu en mer noiez ? (MACH., J. R. Nav., 1349, 231).

B. -

[Idée d'induire en erreur]

 

1.

Empl. intrans. (ou pronom.) "Affirmer ce que l'on sait être faux" : Pour ce sarez Ma pensée qu'a savoir desirez. Mais tout avant, vous me prometterez Que sans mentir la vostre me direz. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 61). Et je dy certes que tu mens Et te prouveray le contraire A m'espée (Mir. marq. Gaudine, 1350, 165). "...Mais di sous quel arbre il estoient, Quant veïs qu'ensamble parloient." Cils respont : "Sous un lentillier." - "Tu mens, voir !..." (MACH., C. ami, 1357, 15). Item, encore dit il plus volentiers verité la ou il a tele difference, et la cause est car il craint et redoubte mentir (ORESME, E.A., c.1370, 268). Laquelle Margot persevera et continua ès negacions par elle autres fois faites, disant et affermant par son serement, et sur la dampnacion de son ame, qu'il n'en estoit riens, mais avoit menti et mentoit mauvaisement et faussement icelle Marion, en li offrant et baillant son gaige de bataille (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 344). ...a dire sanz mentir, Ne sembla pas bien honorable Celle paix (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 272). Ledit Guillemin respondit à ladicte Marion (...) qu'elle mentoit comme faulse putain, maquerelle prestresse qu'elle estoit. (Ch. VI, D., t.2, 1408, 190). Et vous avez double peché, comme de faulser vostre veu et de mentir a esscient (C.N.N., c.1456-1467, 205). Vous mentez, ribauld, dist le bailly (C.N.N., c.1456-1467, 450). Barrabam, parle sans mantir Et jure que diras verité Si tu as fait a la cité Le murtre, ainsi que trouvons Par tesmoigns leaulx et bons preudoms, Com il appart par ton procés. (Pass. Auv., 1477, 172). Cestui aussi predist le jour de la mort dudit pappe Paulle, dont le pappe fut moult malcontent et le fist mectre en prison et garder jusques au jour qu'il avoit assigné, voulant dire que s'il mentoit, il lui cousteroit la vie, à cause de quoy plusieurs aloient visiter ledit Pierre, affin qu'il se desdist (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 159 v°).

 

-

[En incise] Sans mentir : - "Moult voulentiers, mais que vous m'escoutez, Et que vo cuer de tristesse gettez, Par quoy toute vostre entente mettez A moy oïr." - "Certes, sire, po me puis resjoïr. Mais j'en feray mon pouoir, sans mentir." (MACH., J. R. Beh., c.1340, 67). Je n'i say autre conseil mestre, Se je ne vueil l'amer demestre. Mais c'est chose qui ne puet estre, Car sans mentir, Se tous ceaus que Dieus a fait nestre Estoient tout aussi grant mestre Com Seneques d'art et de lettre, Li deguerpir Ne me feroient pour morir (MACH., R. Fort., c.1341, 47). Miex me vausist estre nés, sans mentir, Sans yex qu'amer dame, où tant truis contraire, Quant loyauté ne meint en son viaire. (MACH., L. dames, 1377, 69). ...moult merveilleuse aventure Y avint, com dit l'escripture, Car, si com dorent assembler, Le temps se prist si a troubler, Obscurcir, touner, espartir Et fort pleuvoir que, sanz mentir, Il sembloit que tout deust cheoir (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 220). Telle douleur m'en fault sentir Et tel mal sur moy comporter Qu'il me fauldra, sans poinct mentir, Avec luy en terre porter. (LA VIGNE, S.M., 1496, 568).

 

-

Mentir par la gorge : Et lors Guillaume Villain, prestre, qui estoit homme de dissolue et deshonneste vie, fort et puissant de corps, lequel et aussi Guillaume Galant, prestre, et Guillaume Bouchier estoient, au desceu du dit Beufmont, ou celier du dit hostel et illecques buvoient, dist à icellui Beufmont qu'il disoit les dictes paroles pour cause de lui et qu'il mentoit par la gorge, et qu'il feist mieulx d'aler garder sa femme (Doc. Poitou G., t.7, 1418, 327). Pour ce que mentez par la gorge, Vella mon gaige de bataille ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 521).

 

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Mentir faussement parmi la gorge. "Mentir d'une façon éhontée" : - He ! tu mens fausement parmy la gorge. Quelle heure est il maintenant ? (Man. lang. G., 1396, 67). - Par Dieu ! mon signeur, je n'y fu pas. - Tu mens fausement parmy la gorge ; je le sai bien que tu y fus. (Man. lang. G., 1396, 74).

 

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Mentir parmi sa teste : "...Mais di moy, quant tu la preïs [Susanne], Sous quel arbre tu les veïs Parler ensamble et consillier." Cils respont : "Dessous un yllier." - "Certes, tu mens parmi ta teste ! Et vesci la sentence preste De l'angle de Dieu, qui par mi Copera ton corps tout par mi." (MACH., C. ami, 1357, 14).

 

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(Se) mentir parmi ses dens/la bouche. "Mentir d'une manière effrontée" : Biaux niez, il ment parmy la bouche. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 164). Gentils sires et nobles roys, Ne le crees contre vos gens, Car il se ment parmi ses dens. C'est uns Angles deshonnourez, Faus, mauvais, traïtres, couez. Il est parjurs et s'est infames, Diffames d'ommes et de fames, Si ne le deves de riens croire. (MACH., P. Alex., p.1369, 251).

 

-

[Dans une formule d'affirmation solennelle] Que (je) ne mente (pas). "Puissé-je ne pas mentir, sans mentir, je vous assure" : La, chacun le sert par grant cure, Mais de gent d'eglise n'a cure, Vers lui ne mettroient le pas, Mais, que je ne vous mente pas, Bien oÿ dire que d'Espaigne En y avoit en sa compaigne, Toutes fois n'y en vi je nulz De sa court, n'en tous les venus N'y choisi chanoines, ne prestre, Loing de lui les fait trestous estre. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 35). Cil qui le nombre en extima Y compte bien, que je ne mente, .IXc. ans et .II. et .XL. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 143). Biau Sire Dieux, je m'esbahis que c'est, Car devant moy croix ne se comparest, Sinon de bois ou pierre, que ne mente (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 51).

 

-

Jouer au roi qui ne ment. "Jeu de société dans lequel un roi élu (ou une reine) pose une question à chaque joueur, à laquelle il faut répondre, après quoi chaque joueur pose une question au roi" (d'apr. E. Langlois, Rom. Forsch. 23, 1906, 163-173) : La dame, qui savoit maint tour Pour ung jone honme enamourer, Les fist entour lui assambler Pour juer a Roi qui ne ment, Ung jeu qu'on appelle autrement Par ung second langage enneux. (Dit prunier B., c.1330-1350, 62). Car tuit li autre assez longnet Estoient mis en un congnet Et s'esbatoient bonnement A jouer au "Roy qui ne ment". (MACH., R. Fort., c.1341, 28). Aussi en cest avenement Jeuiens nous au roi qui ne ment, Aux barres et a l'agnelet (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 55).

 

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C'est menti "C'est un mensonge" : Or vont disant que c'est trop bien menti. (MACH., L. dames, 1377, 207).

 

-

Prov. Mieux vaut mentir pour avoir la paix qu'estre battu pour dire vrai : Sauves toutes bonnes raisons, Mieulx vault mentir pour paix avoir Qu'estre batu pour dire voir (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 375).

 

-

[D'un être céleste, dans une formule consacrée] : Se cil qui fist Adan ne ment, Mar furent pecheur d'Adam né Se par pechié sont condampné. (Mir. femme roy Port., c.1342, 189). ...mére au doulx roy qui ne ment, Grant peuple en ceste ville sommes, Tant de femes, d'enfans con d'onmes, Qui ton filz conme Dieu creons, Qui toy con sa mére aourons, Et qui tenons par vraie foy Que nulz n'est escondiz de toy. (Mir. emp. Julien, 1351, 192). Experience clerement Et l'Escripture qui ne ment De ce [que la Sainte Vierge est l'avocate des hommes] tesmoigner ne cesse. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 35). Li dieus qui point ne faut ne ment, Qui n'a fin ne commencement, Qui est fermes, justes, estables, Regnans sans fin et pardurables, A veü et congnut les ouevres De quoy tu as ouvré et ouevres. (MACH., C. ami, 1357, 32). ...chascuns selond sa desserte Sera jugiez au jugement Par le doux fils Dieu qui ne ment, Qui les mors resuscitera Et de corps et d'ame fera Par vraye resurreccïon Une insoperable vision. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 216). Li mauvais angelz ensement, Dit l'escripture qui ne ment, Vouldrent ou ciel mouvoir jadis Guerre, quant Dieux de paradis Les tresbucha par leur orgueil, Et ne voult plus que jamais vueil Venist a angel de pechier Depuis ceulx qu'il fist tresbuchier, Dont oncques puis cellui mesfait Nul pechié ne fu ou ciel fait. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 19). Entendez l'enseignement Du Crëateur qui ne ment, Qui pardonna largement Et vous fait commandement, Par loy et par testament, De vivre paisiblement. (CHART., L. Paix, a.1426, 416).

 

2.

Empl. trans. indir.

 

-

Mentir à qqn : Par ta foy, or ne me mens mie, Mais dy voir... (Mir. abbeesse, 1340, 68). Tant qu'il avint qu'en une compaingnie Ou il avoit mainte dame jolie, Juene, gentil, joieuse et envoisie, Vins par Fortune, Qui de mentir a tous est trop commune. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 68). Mais encor plus me deceüsse Assez, se menti li eüsse ; Car mentir ne doit a sa dame Amans pour mort de corps ne d'ame, Eins li doit toudis dire voir Au plus près qu'on le puet savoir. (MACH., R. Fort., c.1341, 27). Or vous vueil je dire en appert En quels manieres elle appert, En aucunes, nom pas en toutes ; Et si ne faites nulles doubtes Des paroles que j'en diray ; Car de riens ne vous mentiray. (MACH., J. R. Nav., 1349, 271). N'est pas raisons que je vous mente. L'an mil CCCIIII. et sexante, De novembre l'onsime jour, Cils roy, à qui Dieux doint honnour, Vint et arriva à Venise, Où on l'aimme forment et prise. (MACH., P. Alex., p.1369, 47). Je vous di que aucunes couvenances les queles vous m'aviés, vous m'avez menti faussement et mauvaisement. Et se vous volez dire le contraire, je le vous prouveray par mon corps contre le vostre, par devers le roy d'Engleterre, mon seigneur, ou par devant monseigneur le prince de Guienne, son fil, ou par devant le roy de France, le quel que vous vorrez de ces IIJ. (MACH., P. Alex., p.1369, 230).

 

-

Mentir de qqc. "Tenir des propos mensongers à propos de qqc." : "Certes", ce dist Achars, "je l'ay moult bien desservie, car j'ay villainement mesdist et parlé du plus sage, du meilleur et du plus courtoiz chevalier qui soit en tout le monde, de quoy j'ay menti de tout le blasme et de la villenie que je lui ay mise sus." (Bérinus, I, c.1350-1370, 348). Aultre part dist Aristote que "euvre de scachant est de non mentir des choses dont il a congnoissanche, et pouoir magnifester ou demoustrer chelui qui ment". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 152). Il se tournèrent ossi et devinrent englès, et jurèrent que il le demorroient à tousjours, mès il en mentirent. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 148). Et dit sur ce requis que le maçon et tailleur de pierre par lui cy-dessus accusé n'est en riens coulpable desdites saintures et argent prins oudit hostel mons. de Bourbon ne d'autre crime quelconque qu'il sache ne dont il ait congnoissance aucune, et que ladite accusacion il a fait sanz cause et contre raison et qu'il a de ce menti. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 486). ...[il] luy respondit qu'elle estoit morte, dont il mentoit. (C.N.N., c.1456-1467, 285). Ha ! ribauld, je sçay bien que vous mentez de tout ce que me dictes. (C.N.N., c.1456-1467, 311).

 

-

[Dans une tournure plus ou moins figée] : Tenez, ma dame : Je vous promet par ma foy et par m'ame Que le penser qui m'esprent et enflame Et qui souvent mon cuer mort et entame Vous gehiray De chief en chief, ne ja n'en mentiray. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 61). S'i fis grant piece mon repaire Par moy tout seul, sans autre paire, Jusqu'a un jour que je diray, Et croy que point n'en mentiray. (MACH., D. Aler., a.1349, 256). Mais finablement il conclurent Que tuit ensamble aidier li durent, Si que la response diray De chascuns ; jà n'en mentiray. (MACH., P. Alex., p.1369, 40). Mercy te pry, noble baron: Mon meffait tout regehiray, Ne ja de mot n'en mentiray. (Mir. Oton, c.1370, 382). Mais que secret vous le tenez, Voisin, dont je vien vous diray, Ja de mot ne vous mentiray. (Mir. march. juif, c.1377, 185). Gobin, ja ne t'en mentiray : L'estat est bon, n'en doubtez point. (Mir. march. juif, c.1377, 209). J'ay bien veu L'omme que vous me conmandastes A garder, puis que m'en chargeastes Faire ce que je vous diray, Ja de mot ne vous mentiray (Mir. st Alexis, 1382, 361). "Je vous diray," Dist il tantost, "et ja n'en mentiray". (CHART., D. Fort., 1412-1413, 165).

 

-

Sans mentir de mot de qqc. "Avec une absolue vérité quant au propos tenu" : ...[ils] dirent tous ensemble, sans en mentir de mot (C.N.N., c.1456-1467, 205).

 

-

Ne mentir de rien. "Dire vrai" : Biaux filz, or ne me mens de riens (Mir. pape, 1346, 357). Disons en oultre pour la louange saint Pol que celuy ne mentira de riens qui appellera saint Pol le bel cler soleil du monde, et qu[i] cest honneur luy [baillera]. (GERS., P. Paul, a.1394, 498).

 

3.

Inf. subst. "Action de mentir, mensonge" : Biaus amis, par merencolie M'avez tenté de moquerie De bourde, et de parole voire, Quant vous me donnastes a croire Ma dame loing par bel mentir. Il me plut moult bien a sentir Le vray de ce que vous mentistes, En ce qu'après le voir deïstes, Que ma dame estoit assez près. (MACH., J. R. Nav., 1349, 161). Veoir puez que la manterie Fut en ces deux juges perie, Et que verité au derrain Par le vray juge souverain Obtint encontre le mentir. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 149).

C. -

[Idée d'être dans l'erreur]

 

1.

"Se tromper" : A ce ci ne m'acort je point, Car je say bien un autre point Qui ce point ci dou tout desment, Dont cils qui le maintient se ment, Et tantost li reprouveray, Car selonc raison prouveray Pour moy droit et contre lui tort, Car de la verité se tort. (MACH., D. Aler., a.1349, 301). Qui le contraire cuide, ment. (CHART., L. Dames, 1416, 269). Pour ce que souvant juge ment Par deffault d'une bonne enqueste, Or allons sur le monument De celuy qui a fait la debte Et a Dieu je feray requeste Qu'il nous doinct sur ce congnoissance. (LA VIGNE, S.M., 1496, 528).

 

2.

"Être contredit par les événements, se trouver confronté à une situation contraire à ses espérances, à ses promesses" : Il avoit là un amiraut, Qui estoit venus à l'assaut. Il dist au roy : "Viens-tu conquerre Nostre païs et nostre terre ? Je te moustreray ta folie, Ton outrage et ta cornardie." Lors donna au roy tel colée, D'une fort lance bien ferrée, Qu'il le fist reculer IIJ. pas. Li roy li dist : "Tu ne scez pas Encor comment m'espée taille, Mais briefment le saras, sans faille." Il passe avant ; si li rendi Tel cop que tout le pourfendi, Et dit : "Cuvert, vous mentirez ; N'à roy jamais ne metterez La main qu'il ne vous en souveingne." Quant li autre de sa compaingne Virent ce cop, il reculerent Pour le roy, que trop fort doubterent. (MACH., P. Alex., p.1369, 71). JHESUS. Diables maudis, vous mentirez Car maintenant je briseray Voz portes et se enmenray L'humain linage malgré vous. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 242).

D. -

[D'une chose ; idée de non conformité]

 

-

"Être faux, n'être pas conforme à la vérité" : Ainsi tout chevauchant est en la salle entrés, Et si fu conjouïs ainsi com vous orrés, Se l'istoire ne ment et vous bien m'escoutés. (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 41).

 

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[D'un nom] "Ne pas correspondre (à celui qui le porte)" : La .XV.e persuasion puet estre fondee en nom, le quel s'il est bon tu pues ainsi dire : il a bon nom et bon seurnom, lesquelz si signifient qu'il fera du bien finalement, car c'est moult fort se son nom doit mentir (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 100).

 

-

"Ne pas être le reflet de qqc." : Pour tant que je vous sçay discret Et saige, je le vous diray : Mon amy joieux, il est vray Que vostre excellente beaulté, Doulceur et gracïeuseté Ont mis l'amoureuse estincelle En mon cueur, qui point ne se selle, Car le semblant ["l'apparence"] n'en peut mentir. (Narcissus, p.1426, 297).

 

-

Prov. Bon sang ne peut mentir. "Le sang est conforme à celui de la lignée" : VERTUS. Jamés bon sang ne poelt mentir. France est ta fille legitime [de Renomée] ; Se tu n'as les yeux esblouis Tu vois que Charles le septisme Redoubla sa gloire en centime ; Sy fit son filz, le roy Loÿs, Ainsy que dire je l'oÿs (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 198). ...Cent mille benedictions Arés de toutes nations Et de Dieu le souverain maistre. Petis enfans aincoire a naistre Le grand fruit en porront sentir : Jamès bon sang ne poeult mentir. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 252).

 

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P. ironie [À propos de Bourguignons qui ici se livrent à une farce de mauvais goût] "Les Bourguignons sont fidèles à eux-mêmes"  : ...mais, ainsy que bon sang ne poelt mentir, l'ung des .IIII. Bourgoignons, qui avoit pourchassé l'ouverture [de la porte de la ville], commencha à dire : "Cloez, cloez la porte vistement, nous sommes trahis". (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 151).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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