C.N.R.S.
 
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     MAUDIRE     
FEW VI-1 83a maledicere
MAUDIRE, verbe
[T-L : maudire ; GD : maldit1/maudisant ; GDC : maldire ; AND : maldire ; DÉCT : maudire ; FEW VI-1, 83a : maledicere ; TLF : XI, 519b : maudire]

I. -

[Idée de malédiction ou de blasphème ou bien, p. ext., d'exécration]

A. -

[Dans un langage sinon dans un esprit religieux]

 

1.

[D'un être céleste] Maudire qqn. "Vouer qqn à la réprobation éternelle, frapper qqn de malédiction" : Dou memoire des hommes degradés Et des livres, où il a esté mis, Maudis de Dieu, de tous sains condampnés, De la clarté des estoiles bannis Puist estre li mois de Mars Et de mal feu d'enfer brulés et ars, Li et si jours et sa puissance toute, Quant il m'a fait avoir en piet la goute. (MACH., L. dames, 1377, 222). Bieneureuse est l'ame qui ces trois faulx traitres peut de soy debouter, et, par le contraire, elle est maudicte et indigne de saluer Nostre Dame et d'estre saluee, s'elle les retient avecques soy ! (GERS., Annonc., a.1400, 234). Je prie à Dieu qu'il vous mauldie (Gens nouv. P., c.1461-1500, 331).

 

-

[Dans une formule d'imprécation] : ..."Damps clers, li corps Dieu vous maudie..." (Flor. Rome W., c.1330-1400, 198). Et la vielle, que Dieu maudie, fut bannie de Romme, car elle estoit du linage a la marrastre Berinus, et pour ce ne la volt mie le roy mettre a mort. (Bérinus, II, c.1350-1370, 136). Vers les estans de Sicanie A Pluto sa voie acueillie. Dyane li volt contrester, Mais ne le pot pas arrester, Car li maufez, que Dieus maudie, Sot trop de mal et de boidie : L'iaue fiert, et la terre s'uevre. Par la vuet achever son ouevre, Car ce fu sa voie et s'entree En la tenebreuse valee. (MACH., C. ami, 1357, 88). Mais li poetes qui chantoit Les roches dures enchantoit, Si que nul mal ne li faisoient, Mais devant li s'amolioient. Lors les femmes, que Dieus maudie, Feïrent trop grant renardie, Car elles feïrent ensamble Si tres grant noise, ce me samble, Qu'on ne pot oïr le chanter Qui les roches sot enchanter (MACH., C. ami, 1357, 92). Bons roys entendant, Ne te feray nulle mensonge, Et ço que diray n'est pas songe. Le grant Caraman de Turquie, Qui est un Turc que Dieux maudie, A ton chastel de Courc assis. Tous ceuls qu'il trueve sont occis, Bien a XLV. mil Turs (MACH., P. Alex., p.1369, 135). Taisiez, vielle ; Dieu vous maudie ! (Mir. Berthe, c.1373, 176). Que as tu fait ? Mahomeit toy maldie ! (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 149). Mort, dure Mort, Dieu te maudie ! (CHART., L. Dames, 1416, 215). Jupiter te puisse mauldire ! Mars te puisse envoyer la rage ! Appollo te vueille interdire ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 292). Ilz sont cy je ne sçay quelz gens que je ne puis laisser. Dieu les maudye ! [Formule exprimant ici l'impatience du personnage] (C.N.N., c.1456-1467, 269).

 

.

Au passif Estre maudit (de Dieu) : De Dieu soit il maudis et tués d'une herse, Ou decopez par pieres com la terre c'on herse, Et com le laboureur la fent, quant il la berse, Ou pendus au gibet de la ville de Merse. Dyables en ait l'ame ; ja Dieus ne la renterse. (MACH., Compl., 1340-1377, 266). Et, ces parolles dites par ledit Breton, il qui parle, lesdiz Blancpain, Girouys et Bourgois, lui dirent que maudit feust-il se il ne disoit la verité. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 545). Lors vint la lictiere ou le conte estoit dedens mort. Quant ses hommes le virent, si commencierent a crier : Haa, maudit soit celui qui ceste chace nous annonça. (ARRAS, c.1392-1393, 28). Aveugle Fortune, dure, sure et amere, bien m'as mis du hault siege de ta roe ou plus bas et ou plus boueux et ort lieu de ta maison ou Jupiter abeure les laz, chetifs, doulereux et maleureux. Tu soies de Dieu maudite. Par toy fiz je le grief forfait de mon tres chier seigneur. Or le me veulz faire comparer. (ARRAS, c.1392-1393, 243). JUDAS. (...) De malle heure suis je neyssus, Maudicte soye celle que m'a porter ! Mieulx auce valus que je fusse crevé Aut vantre qui m'a porter. (Pass. Autun Roman F., c.1400-1500, 188). Que mauldite soit la cabasse ["putain"] Qu'est cause d'ung si grand peché ! (Pass. Auv., 1477, 100). Tu soyes mauldit de Sabahot (Pass. Auv., 1477, 122). Premier(e) je soys de Dieu mauldicte Et mengée de chiens et de loups ! (Deux hommes deux femmes T., c.1500, 434).

 

-

Part. passé en empl. adj. "Qui mérite la malédiction de Dieu, réprouvé de Dieu"

 

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Maudit + nom/subst. : Et quand ce fut fait, ce gentilhomme malade, a deux heures près de sa fin, s'en vint a celle qui luy avoit baillé le cop de la mort, et a son compaignon aussi, et la trouva celuy qu'il y avoit amené, et luy dist : "Maudicte femme !..." (C.N.N., c.1456-1467, 350). O quelle offense oultrageuse et acherbe Maledicte Eve apporta en ce monde ! (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 450). Luccifer, maudit Cerberus, Ouvre moy ; je te porte proye ! (Pass. Auv., 1477, 249). SAINCT NICOLAS [à Sathan]. Mauldit serpent, remply d'envie, Va t'en d'icy, laisse ceste ame ! (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 145). Regardez, voy la l'estandart De ceste maudicte sorciere ! Je congnois qu'elle est ceste part Et est la premiere en frontiere. Se nous est ung grant vitupere, Se de par nous n'est confondue, L'orde, vile, faulce, lodiere ; Elle deust tenir la charrue. (Myst. Siège Orléans H., c.1480-1500, 454).

 

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Nom + maudit : Oez vous point hurter a vos taudis Les Turcqz maldis accourans les grans cours ? (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 145). Diable mauldit, laisse se corps ! (Pass. Auv., 1477, 159).

 

-

Part. passé en empl. subst. "Celui qui est réprouvé de Dieu ; damné" : "Rumpez, Sire, dit saint Augustin, ceste surdité !" Certes qui n'obeira a ce son, il oïrra l'orrible tonnoirre de la sentence si tres doloreuse : "Ite maledicti in ignem eternum, alés vous en, maudis, ou feu perdurable !" (GERS., Pent., p.1389, 79). Mauldit, plain [l. plein] de malignité, Tu te ventes pour nous confundre ! (Pass. Auv., 1477, 121). Et Saint Mathieu l'evvangeliste dist en la personne de Jhesu Crist : "Alez, les mauldis, au feu eternel." (Somme abr., c.1477-1481, 176).

 

2.

[D'une pers.]

 

a)

Maudire un être céleste. "Blasphémer un être céleste" : Achimenides, qui le vit [Polyphème], Disoit comment il se chevit Quant de son oeil fu defferrés : Jamais dÿable ne verrés Si forsené, si enragié De son oeil qu'on a arragié. Ne portoit perches ne bastons, Ainçois aloit a atastons, Querant les voies et les sentes A ses ordes mains et senglentes. Souvent au[s] roches se hurtoit, Dont li sans de li degoutoit. Lors maudissoit dieus et deesses, Auters, moustiers, prestres, prestresses, Et menassoit tous ceulz de Grece. (MACH., Voir, 1364, 626). Qu'est ce d'estre dampnee ? La Saincte Escripture dit que c'est estre privee a tousjours sans fin de la vision de Dieu, en tenebres espouentables en la compagnie des horribles deables, anemis de nature humaine, avec les ames dampnees qui gettent voix et cris et plains terribles, maudisant Dieu, leurs parens et eulx meismes en tourment inextimable en feu ardent (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 21). ...les dampnez maudissent Dieu et les sauvez le beneissent (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 187).

 

b)

Maudire qqn. "Vouer qqn à la malédiction de Dieu, vouer au malheur" : Et lors senty descendre sur lui, aussi dru que pluie chiet du ciel, coups et horions d'un costé et d'autre, et fu moult defroissiez de coupz orbes, et puis fu tirez moult vilainement hors de la forteresse, et traynez tout hors de la barriere, et la fu laissiez. Et sachiez qu'il ne pot oncques veoir pié de ceulx qui ainsi le servoient. Lors se redrece au mieulx qu'il puet, et maudist cellui qui lui apporta les nouvelles de ceste adventure, et l'eure qu'il y vint oncques. (ARRAS, c.1392-1393, 306). "Ne dit on pas que je gouverne bien ? Mes gens me dient que tout va bien." Le prescheur respondi que tout le contraire estoit vray, quer on le maudissoit de toutes pars, quer luy ou ses officiers pilloient tout, ravissoient tout, ne laissoient riens, tant par prises comme par tailles, comme par imposicions et gabelles et gens d'armes (GERS., Annonc., a.1400, 236). ...ilz ne sceurent oncques tant faire qu'ilz fussent en grace, dont ilz passerent maintes nuiz, a Dieu scet quelle peine, maudisans puis Fortune, puis Amours, et tressouvent leurs dames (C.N.N., c.1456-1467, 362). Son hostesse (...) grand plaisir prenoit a le veoir menger, trop plus que le varlet et la meschine, qui entre leurs dens le maudisoient [D'un moine qui a trop d'appétit] (C.N.N., c.1456-1467, 487). Et s'il avient qu'on te mauldie En disant: ... (Path. D., c.1456-1469, 150). Alphasar roy en champ sur sa baniere Ruay [Fortune] jus mort. Cela est ma maniere : Ainsi l'ay fait, ainsi le maintendray, Autre cause ne raison n'en rendray. Holofernés l'idolastre mauldiz, Qu'occist Judic - et dormoit entandiz - De son poignart dedens son pavillon. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 65). Item, a maistre Jehan Cotart, Mon procureur en court d'Eglise, Devoye environ ung patart - Car a present bien m'en advise - Quant chicaner me feist Denise, Disant que l'avoye mauldicte. Pour son ame, qu'es cieulx soit mise, Ceste orroison j'ay cy escripte. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 101). O diable, que tu m'as grant tort ! Et moult fort Maudire je te devroye, Car ton envïeux remort Mist accort L'omme premier en ta voye (Pass. Auv., 1477, 245).

 

-

Maudire qqn de + inf. "Vouer qqn à + inf. passif" : Scez tu plus doulcement parler Que ainsi me maudire de ardre ? (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 31).

 

3.

Empl. abs.

 

-

Maudire. "Proférer des malédictions" : Ne il ne savoit que il peüst faire ne dire, et sur ce il se departi de Prudent, jurant et maudisant, et s'en vint tout alumé de courroux aux .VII. sages et a ses barons, et leur compta l'aventure du larron qui sans teste avoit esté trouvé en la cuve plaine de glux. (Bérinus, I, c.1350-1370, 406). Lequel quant il estoit du peuple mauldit pas ne maudisoit, quant il souffroit pas ne menechoit, mais se donnoit a chelui qui injustement le jugoit. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 201). De la langue que puis-je dire ? Souvent tance par mauvaise ire, Maudit, jure, ment et renye Et tout remplist de genglerie ; Moustier, escole et tout empesche Qui sagement ne s'en despesche ; Promesse fait et puis de veu Compte n'en tient ne que d'un neu (Coeur sens M., a.1433, 83).

 

4.

Part. passé en empl. subst. "Malédiction" : ...Car il doubte, c'est chose clere, Que se le pere le trouvoit Sanz peulz et pour faulx l'esprouvoit, Qu'il n'en eüst indignacïon Et que sa benedicïon Ne fust en maudit convertie, Quant ses mains ne trouveroit mie Velues si com devoient estre (LE FÈVRE, Vieille, trad. De vetula H., a.1376, 195).

B. -

P. ext.

 

1.

Maudire qqn

 

-

"Détester, exécrer, condamner qqn" : Pour ce maudi Fortune et son faus tour, Li lieu, le jour, la bataille et l'estour, Par qui je pers la douce compaingnie, Amis, de vous, à qui Dieus doint honnour Et moy la mort, que trop dure ma vie. (MACH., Compl., 1340-1377, 254). Et se tu fais forgier monnoie, Pour Dieu, fai la tele qu'on oie Dire qu'elle est de bon aloy. Car je te jur, par saint Eloy, Qu'il n'est chose, grant ne petite, Dont personne soit tant maudite, Car chascuns la tient et manie, Si n'i a celui qui n'en die Sa maleïçon bas ou haut, Quant on y trueve aucun deffaut, Sus les signeurs, sus les facteurs, Sus les vallés, sus les acteurs. (MACH., C. ami, 1357, 136). Car Gautiers me dist que sa mere Fu de la traïson commere, Qu'en Chypre en queurt la renommée, Dont elle est maudite et blasmée. (MACH., P. Alex., p.1369, 254). Le medecin n'est pas scient Et est digne qu'on le maldie Qui guerir cuide ung patient Et il accroist sa maladie. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 132).

 

-

"Manifester de la colère contre qqn, injurier qqn" : De ma main ma face couvri, Quant je le vi, mais j'entrouvri Mes dois pour la mieus aviser Et pour mieus celle part viser, Car si volentiers le vëoie Qu'au vëoir trop me delitoie, Et les autres le maudissoient, Nompourquant elles en rioient (MACH., F. am., c.1361, 203). Quant li corbiaus vid l'avoutire [de Coronis], Il les commença a maudire Et si jura grant serement Qu'il yroit dire ynelement A Phebus la grant lecherie Qu'il a veü en son amie. (MACH., Voir, 1364, 688). Et s'il avenoit Nuls ne soustanroit Amours n'ameroit, Dont elle perdroit Assez de son droit Et de son noble renom, Qu'on la maudiroit Par tout et diroit Dou pis qu'on porroit, Car on doubteroit Son point et fuiroit Plus que d'un escorpion. (MACH., Les lays, 1377, 381). Doit on bien l'amant maudire Qui souspire En doleur et en martire Et languist en desconfort, Quant d'espoir ne fait son mire, Qui desire Donner pais, sans contredire, Santé, leesce et confort ? (MACH., Les lays, 1377, 457). ...ycellui Dymenche lui a donné congié, si comme elle a oy dire, pour ce que il ne se povoit tenir de la maudire pour ce qu'elle ne faisoit pas bien la besongne aval l'ostel. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 528).

 

2.

Maudire qqc.

 

a)

"Exécrer, haïr, détester qqc." : Je maudi l'eure et le temps et le jour, La semainne, le lieu, le mois, l'année, Et les .IJ. yeus dont je vi la douçour De ma dame qui ma joie a finée. (MACH., L. dames, 1377, 192). Et si maudi mon cuer et ma pensée, Ma loiauté, mon desir et m'amour, Et le dangier qui fait languir en plour Mon dolent cuer en estrange contrée. (MACH., L. dames, 1377, 192). Et m'esperence est morte sans retour, Qu'en souvenirs me monstre à descouvert Qu'en lieu de bleu, dame, vous vestez vert. Pour ce maudi les yeus dont je vous vi, L'eure, le jour et le tres cointe atour, Et la biauté qui ont mon cuer ravi, Et le plaisir enyvré de folour, Le dous regart qui me mist en errour (MACH., L. dames, 1377, 219). Tous les jours estoit ce a reconmenchier. Dont ce venoit et tournoit a ces barons et chevaliers de Gascongne, a trop grande desplaisance, et maudisoient l'orgoel de France (...) et se departoient de Paris malcontent (FROISS., Chron. D., p.1400, 622). La veissiez plours et maudire leurs vies quant onques s'estoient armez. (LA SALE, J.S., 1456, 299). Je doy bien maudire l'heure et le jour qu'oncques j'eu vostre accointance (C.N.N., c.1456-1467, 233). Et toy aussi, faulce Pucelle, Qui au deable tu t'est donnee, Tu en auras froide nouvelle, Et en maudiras la journee, Voire, de quoy tu fuz onc nee Et le pere qui t'engendra. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 569).

 

-

En partic. [Pour exprimer le regret qu'une chose ait eu lieu, principalement le fait d'être né] Maudire sa naissance/le moment de sa naissance/de la naissance de qqn. : En monde n'a si belle dame Que, s'elle se jette en diffame Tant qu'en perde sa renommee Par son deffaut, que mains amee N'en soit et souvent mains prisie, Et que on ne la hee et maudie L'eure et le jour qu'elle fu nee, Quant elle s'est ainsi portee (MACH., Voir, 1364, 324). Je hez mes jours et ma vie dolente, Et si maudis l'eure que je fu nez, Et a la mort humblement me presente Pour les tourmens dont je suy fortunez. (DESCH., Art dictier R., 1392, 274). Et la [Remond] se commenca a dementer et faire si griefz lamentacions qu'il n'est si dur cuer ou monde qui n'en eust pitié. Il a bien maudit mille foiz l'eure que Gieffroy fu nez ne oncques engendrez. (ARRAS, c.1392-1393, 253). La royne ses enfens pleure, De sa naiscence maudit l'eure. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 129). O filhes de Jherusalem, Par verité vous dy "Amen", Q'ung temps sera que vous arés Tant de maulx que vous mauldirés Vostre naiscence et vostre vie. (Pass. Auv., 1477, 190). LA FEMME DU CRESTIEN. (...) Mauldicte journee, L'heure que fus nee Pour estre en ce point ! Faulse Destinee, Fortune obstinee Qui trop fort nous point ! (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 75). Que sur eulx feray telle chace Qu'i maudiront l'eure et le jour De leur naissance et leur entrace, Ne dont sur nous fisent estour. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 570).

 

-

[Dans une imprécation] : D'autre part jamais n'ara joye, Car sa femme plourra toudis Et dira : "Li jours soit maudis Que je fus onques mariée...!" (DESCH., M.M., c.1385-1403, 59). Maudit soit le regret qui t'amonneste de vouloir perseverer ta vie pour te verser entre tant de tempestes et de abhominations miserables, car tes meillieurs jours et ton joieux temps est le premier passé (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 20). ...maudicte soit l'heure qu'onques monseigneur mon pere, a qui Dieu pardoint, les accoincta ! (C.N.N., c.1456-1467, 221). ...que maudicte soit l'heure qu'oncques je vous cogneu, et que l'alyance fut de moy avec vous, pour ainsi a tort estre suspicionnée de ce que mon cueur ne sceut oncques penser. (C.N.N., c.1456-1467, 444).

 

b)

"Blâmer, condamner qqc." : Le tiers remede est considerer au vif et par soy la povreté de Nostre Dame et de Nostre Seigneur, et son humilité et la gloire presente et bonne renommee. Par le contraire on maudit tous outrageux estaz tant es roynes comme es roys. Notez comment par bonnez roynes et veritables, chastes et humbles les biens sont venuz a divers royaulmes (GERS., Annonc., a.1400, 239).

 

3.

Part. passé en empl. adj.

 

-

[D'une lignée, d'une pers] "Haïssable, détestable" : Maiz je ne sçay si hardi en monde qui l'oiseroit penser envers vous, qui eistez (...) une sy ville personne du plus maldit lingnie et miserable qui soit en monde. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 26). ...n'estoit en la puissance de Malebouche, de Dangier, ne d'aultres telles maudictes gens, de leur bailler ne donner destourbier. (C.N.N., c.1456-1467, 92). ...le mauldit bigot faignoit aussi s'en esjoir, mais il en enrageoit tout vif. (C.N.N., c.1456-1467, 104).

 

-

[D'une chose concr. ou abstr.] "Affreux, horrible, exécrable" : Lors dist en beaulx et piteux termes, Aiant aux rïans yeulx les lermes, Qui de plorer furent enfermes : "Haa, Destinee Tresdure, et maudicte journee Douloureuse, mal fortunee Qui toute ma joie as tournee En desconfort... !" (CHART., L. Dames, 1416, 214). NOSTRE DAME. Jhesus, mon enfant est perdu : Sont ce nouvelles bien mauldictes (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 126). La XIe nouvelle, par Monseigneur, d'un paillard jaloux qui, après beaucoup d'offrandes faictes a divers sains pour le remede de sa maudicte maladie, fist offrir une chandelle au deable qu'on mect communement/ desoubz saint Michel (C.N.N., c.1456-1467, 3). ...[les médecins] veullent veoir la patiente ensemble, et les parties du corps au descouvert ou ce maudit mal de broches s'estoit, helas ! longuement embusché. (C.N.N., c.1456-1467, 33). Pendant le temps que la mauldicte et pestilencieuse guerre de France et d'Angleterre regnoit... (C.N.N., c.1456-1467, 54).

 

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"Détestable" : Pour telz a esté trouvé che maudit proverbe : «de jone saint, vieille dyable». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 166). Mais regarde de rechief ou te boute et empaint ce maudit orgueil, pour ce que il te fait accroire que tu passes les aultres en grandeur et auctorité. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 17). ...si n'estoit il pas encores bien asseuré, tant estoit fort feru du maudit mal de jalousie. (C.N.N., c.1456-1467, 256). EMPEREUR. Hellas ! En toute humilité Mercy te supplie en presence Affin que par ta saincteté J'aye de mes maulx allegence. O tresmauldite oultrecuydance, Tu m'as trop longuement deceu Par orgueil et par arrogance ; Je l'ay maintenant aperceu. (LA VIGNE, S.M., 1496, 507).

II. -

[mal- est un préfixe équivalent à mes-] "Médire"

 

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Maudire qqc. "Dire à tort qqc." : Verité tout vaint et pour ce Ne craindras parolles mauldictes. (GARIN, Compl., 1460, 80).

 

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Maudire de qqn : ...et jusques la vint Puis que dix ans Ot que par mauvaiz mesdisans, A verité contredisans, De lui et des siens maldisans, Fut moult blechié Son honneur, dont ce fut pechié, Car il est si bien entechié Et a tout honneur adrechié Qu'il est loué De tous les bons et advoué De vertus largement doué. (CHART., L. Dames, 1416, 232).

 

-

Maudire sur qqn. "Dire du mal de qqn" : Haa ! Amours, maldict ay sur vous, merci vous en prie ! (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1075).

 

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Part. passé en empl. subst. "Celui qui médit" : ...qu'il reprende les maldisans, qu'il abaisse les trop parlans et qu'il corrige les deffailans. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 28). ...je vous en racomperay l'aventure pour aucunement vous oster de merancolie adfin que les maldisans ne vous puissent informer du contraire. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 340).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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