C.N.R.S.
 
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     LANCER     
FEW V lanceare
LANCER, verbe
[T-L : lancier2 ; GD : lancier1 ; AND : lancer ; DÉCT : lancier3 ; FEW V, 155a : lanceare ; TLF : X, 958a : lancer1]

A. -

Au propre [Idée de mouvement imprimé à]

 

1.

Empl. trans.

 

a)

"Jeter (un objet quelconque)" : Et quant j'eus tout cela veü, Ymaginé et conceü, J'en os en moy moult grant frëour Pour le feu, doubtance et paour, Qu'adès vraiement me sambloit Que vers moy lancier le voloit [le brandon de feu]. Pour ce ne savoie que faire, D'aler avant ou d'arrier traire. (MACH., D. verg., a.1340, 20). Et fist incontinent une longe table lancier hors des fenestres, et là amener trois chevaliers et un escuier, que il tenoit prisonniers (...) si les fist monter sus celle table l'un apriès l'autre, et par un ribaut coper les tiestes. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 159). Et lors ledit Pierre se partit et ala audit lieu et fontaine de ladite porte, et regarda que nul ne le vit, sy comme il dit, et tantost mist et lança celui noët ["Linge noué pour en faire un sachet"] en ladite fontaine (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 472). Les vainqueurs une grant merveille Firent, onques mais de pareille, Je croy, homme n'oy parler, Car, sanz plus avant oultre aler, Toutes les pierres et l'avoir Prisdrent des Rommains, riens avoir N'en daignent, si les despecierent Par pieces, et puis les lancierent Ou Rone (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 2).

 

-

"Faire jaillir qqc." : Sire, en quans lieux souffris cestuy vaissel percier ! Quant je le pens, tout sent mes cheveux hericier, Quar de ton corps voulsis sang et eaue lancier : L'eaue pour moy laver, le sang pour resaner. (Pleur ste âme B., c.1375-1425, 70).

 

-

Lancer (une embarcation à l'eau). "Mettre à l'eau" : "Se nous aviens deus ou trois bacquès, se les fesissiens lanchier en celle rivière dou Lis au desous de Commines à le couverte (...) nous seriens tantos une grant quantité de gens mis oultre." (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 10).

 

.

Lancer une embarcation en une autre embarcation. "Envoyer une embarcation contre une autre" : ...et ces vaisseaulx alumez et embrasez doit-on lancer ès nefz et gallées des ennemiz, et tantost est temps de les assaillir fort, affin que loysir n'ayent d'estaindre le feu. (BUEIL, II, 1461-1466, 57).

 

-

Lancer son bras sur qqn : Ançois s'avança parmi la table et lança son brach dessus le roy de Navare et le prist par le kevèce, et le tira moult roit contre lui, en disant : "Or sus, traittres, tu n'i es pas dignes de seoir à la table mon fil..." (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 178).

 

-

[D'un élément naturel] "Précipiter (des insectes) qq. part" : ... .I. vent les lança [les sauterelles] en la mer (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 262).

 

b)

En partic. [À propos d'armes, de projectiles]

 

-

Lancer qqc. (une arme...). "Jeter, projeter (une arme de jet, des projectiles quelconques)" : Là ot mainte teste copée, Grant brait, grant bruit et grant huée, Quant ceuls qui estoient dessus Veirent leurs gens einsi confus, Mors et bleciez et affolez Et de Crestiens defoulez. Ils lançoient pierres, caillos, Mangonniaus, sajettes, garros Plus dru que la noif ne la gresle Ne chiet quant il nege ou il gresle. (MACH., P. Alex., p.1369, 152). A ces mos, il li lança sen espée sur lui et le bouta si roidement qu'il li embara ou corps. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 231). ...lors quant noz gens congneurent que c'estoient Sarrasins, et les Sarrasins apperceurent que les autres estoient crestiens, lors commenca ly effroiz grans et de l'un costé et de l'autre. La commencierent a traire de canons et d'arbalestres, et a l'approuchier, a lancier dars si fort et si dru que ce sembloit gresil des viretons qui vouloient ; et fu la bataille dure et forte. (ARRAS, c.1392-1393, 129). ...messires Henris de Flandres (...) tenoit son glave a un petit pennon de ses armes, et le lançoit a la fois dedens et puis le retiroit a lui. (FROISS., Chron. D., p.1400, 322).

 

.

[D'une personnif.] : Qu'en son douls servage, Sans partir entray, Quant sa douce ymage Premiers resgardai ; Si qu'adont je me navray Dou mortel dart Qui de mon cuer ne se part. Si prent la venjence De m'outrecuidence Amours qui me lance Le mortel fer de sa lance (MACH., Les lays, 1377, 377).

 

.

Lancer (aprés) de qqc. (d'une arme) : De glaves et de dars li lanchoient souvent (Flor. Rome W., c.1330-1400, 166). "Au passer nos gens qui estoient en deux helles et qui lançoient de dardes afillées, dont ilz en meshaignierent pluseurs, leur donnoient grant empeschement." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 286). Et là fu moult bons chevaliers li contes Derbi, et s'avança de premiers si avant qu'il fu, en lançant de glaves, mis par terre. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 137). ...les assaillans les oppressoyent fort et lançoyent aprés de darts et d'espieux (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 319).

 

-

Lancer un coup : Meïmon, le loyal cousin Hector, qui lui estoit voisin, Quant Achillés lança ce coup, Sur lui sault comme enragié loup (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 106). Traist sa misericorde qui au costé lui pent, A Gerame lança ung coup hideusement (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 285). ...lui qui estoit grant et corsu et de grant force leur lançoit si tres grans coups que tous les detranchoit (Bouciquaut L., 1406-1409, 109).

 

-

Empl. abs. : Et tenoit un glave roit et fort à un lonch fer bien aceret, et desous ce fier avoit un havet agut et prendant : si ques, quant il avoit lanciet et il pooit sachier, en fichant le havet en plates ou en haubregon dont on estoit armet, il couvenoit c'on en venist ou c'on fust reversé en l'aigue. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 63). Li sires de Biaugeu (...) tenoit une lance enferree d'un bon fier, et au fier avoit .I. crocet par quoi, qant il pooit, en lançant, assir le croq et atachier, il tiroit a lui par telle maniere, car il avoit fors bras, que il convenoit que il s'en alast deviers lui. (FROISS., Chron. D., p.1400, 425). A l'endemain, de rechief on vint as bailles lancier et escarmuchier (FROISS., Chron. D., p.1400, 514).

 

.

Traire et lancer : Pour traire et pour lancer s'est chascun apparus, Mais Robastre leur dist: "Seigneurs ne tirez plus, Car vecy cy endroit voz amis et vo drus." (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 51). A la ville ne font ne traire ne lancer Car les bourgois ont fait les trevez acorder (Ren. Gennes D.B., c.1350-1400, 99). Li Sarrazin tant s'efforcerent Que les galées aprocherent. Tant y ont trait et tant lancié, Que pluseurs des nos ont blecié, Qui bien et bel se deffendoient, Des galées où il estoient. (MACH., P. Alex., p.1369, 68). ...chascuns rue et lance et trait Par tel guise et par tel effort Qu'onques ne treïrent si fort. N'onques si viguereusement, Ne si tres orguilleusement On ne vit Sarrazins combatre. (MACH., P. Alex., p.1369, 74). Là missent li François piet à terre vaillaument, et apoignèrent les glaves et aprochièrent leurs ennemis, et li Gantois eux, qui estoient grant fuisson. Là commenchièrent il à traire et à lancier l'un contre l'autre. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 201). Lors commencent les Cipriens qui gardoient le pas, a traire et a lancier de grant maniere, et la ot mort et occiz grant foison de Sarrasins. (ARRAS, c.1392-1393, 106). Archieres y a a l'ouvert Pour lancer, trairë et deffendre. (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 153). ...ses anemis (...) pensserent qu'ilz venissent comme ennemis, furent contrains de lancer et de traire a eulx (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 54).

 

.

Il y a trait et lancé : ...il y eut trait et lanchié et en y eut de mors et de navrez d'ung costé et d'aultre (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1358, 268). Là eut à ce pont lanciet, tret et escarmuciet et fait mainte apertise d'armes. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 155).

 

-

Inf. subst. : ...onques les François ne venoient as barriers que il ne fuissent requelliet, fust au traire ou au lanchier, et moult d'apertisses d'armes i furent faites. (FROISS., Chron. D., p.1400, 652).

 

.

Au fig. Ne pour traire ne pour lancer. "En aucune manière" : Ne ja pour lancier, ne pour traire, Ne porez à garison traire. (MACH., P. Alex., p.1369, 75).

 

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[Au fig., à propos d'une pers. qui mange goulûment] Lancer de sanglier. "Précipitation, empressement" : Tu riffles comme ung droit porceaulx. Esgar quel lanssiés de sangler ! Quant sera plain vostre peut ventre ? Que male fievre vous y entre, Et mal farsin et male guoute ! (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 77).

 

-

"Pousser, enfoncer (une arme)" : Corbarans d'Oliferne tellement li lancha Sa lanche au fer d'acier que le hauberc (li) percha, Et l'auqueton aussi ; en la char mis li a Le fer par tel vertu que le coer assena (Bât. Bouillon C., c.1350, 28). Maiz en la fin, Orchas donna un tel coup au traÿtour qu'il lui lança l'espee parmi le corps et cheÿ a terre sanz arme jus du cheval. (Bérinus, II, c.1350-1370, 74). Droit a Julien s'adresça Et parmy le corps li lansa Son glaive (Mir. emp. Julien, 1351, 203). (...)[Gerars] advisant le serpent, la gorge ouverte pour l'englouttir, prist s'espee par la croisye, sy escoust le bras qu'il avoit fort et roide, et lancha son espee en la gorge du serpent (Gérard de Nevers L., c.1451-1464, 25).

 

-

Lancer qqn (d'une arme). "Frapper, atteindre qqn (d'une arme)" : ...Et li mors qui tout mort, de sen dart le lancha [le pape Clément V]. (GILLES LE MUISIT, Poésies K., t.1, c.1347-1353, 323). Chantés comment Franchois furent domptés Batus, boutés, pilliés, esparpilliés (...),Perchiés, lanchiés, despouilliés, desbilliés (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 129). Traynés seront comme chiens erragiés, Hachiés, lanciés, escorchiés, enfoys... (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 16).

 

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Au passif : ...Le conte i aportèrent, qui moult souffroit de maus : Car il estoit lanchiés, tout parmi les boïaus, D'une lanche achiérée, dont bon fu li coutiaus (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 220).

 

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[D'une personnif.] "Percer, piquer qqn (ou un organe)" : Et la mort dont sui en balance Par vo sanlance Qui fiert et lance Mon cuer sans lance Et tient en son tres dous dangier, Sans deffiance, Se j'ay fiance En esperance, Feray de moy toute eslongier. (MACH., Les lays, 1377, 288). Et s'Yre ou Despit te lance De sa lance, Recevoir Dois en bonne pacience (MACH., Les lays, 1377, 420).

 

c)

[Dans un contexte métaph., en partic., dans la rhét. amoureuse, à propos du regard]

 

-

Lancer un/son regard : Mais Fine Amour Qui vit que pris estoie par le tour De Plaisance qui m'ot mis en sa tour, En remirant son gracieus atour, Sans menacier Un dous regart riant me fist lancier Par mi le cuer, et moy si enlacier, Qu'il me sousmist en son trés dous dangier, Sans repentir. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 73). Pour quoy avez vous conscience De donner le haut don d'amie, Et se ne le demande mie ? Trop le metez en abandon, Se pour si po en faites don. S'on vous en presse, resgardez Et encor moult bien vous gardez A cui vos resgars lanceriés, Car de po vous avanceriés, S'avant donniez esperence De resgart, se par grant fiance N'estiés de li bien enfourmée Que vous en fussiez bien amée. (MACH., D. Aler., a.1349, 374).

 

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[Du regard, des yeux] "Jeter ( des dards, des éclairs)" : Mais leurs regars, Merci donnant par samblant, aus musars N'estoit mie folettement espars ; Car quant lancier voloit un de ses dars, Si sagement Le savoit faire et si soutivement Que nuls savoir nel peüst bonnement, Fors cils seur qui il chëoit proprement. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 70). Car je vi de moy departir Ses trés dous yeus, et autre part Traire et lancier leur dous espart ; Et ne sceus se ce fu a certes ; Mais j'en fui près de morir, certes (MACH., R. Fort., c.1341, 152).

 

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Estre lancé et trait d'un regard : Si faut qui veut estre vaillans clamez Qu'il ait desir d'amer ou d'estre amez. Dont .J. tel cuer est de ligier atrais En bon amer, quant par fine douçour Est d'un regart riant lanciez et trais, Nessans son vis paré d'umble colour, A corps gent, joint, joli et droit Car lors li faut estre soit tort ou droit Par plaisance telement enflamez Qu'il ait desir d'amer ou d'estre amez. (MACH., App., 1377, 639).

 

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Lancer et traire : Ce n'est pas fort se vous m'avés conquis, Mes ce seroit pour moi uns grans deduis Se regarder en pité me dagniés Et se mes mauls telement adagniés Qu'il peuïssent estre par bien amer Reconforté en doulç de leur amer, Et que vo oeil, qui tant sont gracïeus, De douls regars, simples et precïeus, Qui si a point scevent lancier et traire, Me vosissent un peu a euls attraire. (FROISS., Orl., 1368, 109).

 

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Empl. abs. : L'ueil qui est li droit archier D'amours, pour traire et lancier Mignotement, N'a pa peü bonnement Mon cuer blecier. Et s'aim de fin cuer entier Tres loyaument. (MACH., Ch. bal., 1377, 626).

 

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Prov. Entre le lancer et le traire il advient souvent moult de meschiefs : Entre le lancier et le traire Avient souvent moult de mesciés : Dou tret fu li uns des grans chiés Qu'il euïssent navrés a mort. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 128).

 

d)

P. anal. Lancer qqn/un animal/qqc. (qq. part)

 

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"Précipiter qqn qq. part" : Quant Aigres entendi le cuvert, sy fu espris de grant aïr, et aerdi le traïtour par grant maltalent et le lança en la mer et dist en ramposnant: "Puis que ainsy est que tu desires tant a noyer, je t'acompliray ton desir". (Bérinus, I, c.1350-1370, 213). Justice soudainement te lença et tresbuscha en [l']orrible prison d'enfer, de si hault si bas. (GERS., Purif., 1396-1397, 61).

 

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"Envoyer, mettre qqn qq. part" : Hé ! Jhesu, plain de grant vaillance, Lance moy en bonne balance, L'ame [l. lance] me donne fort et bonne Pour resister a deesperance (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 135).

 

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Lancer qqn en terre. "Enterrer qqn" : Et le franque roÿne commanda en oyance C'on prende Savari et qu'en terre on le lance (...) Et lez autrez qui furent ochis par leur beubance (Hugues Capet Lab., c.1358, 111).

 

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[Du soleil] "Darder (son regard, ses rayons)" : Car, se le Soleil s'arrestoit Sans mouvement en un endroit, Tousdiz seroit jour celle part Où il lanceroit sans [l. son] regart Et les choses qui là seroient, Vivre ne durer n'y pourroient (LA HAYE, P. peste, 1426, 6).

 

-

En partic. CHASSE "Lever, faire débusquer (un animal) de son gîte" : Aprés, quant il commence sa suite et il n'a guaires suy, il l'orra ou verra lancier devant luy et saura bien que c'est son droit, et les chiens vendront au lit et seront illec descouplez touz, sanz ce que nul en aille acouplé, et toute la meute l'aquieudra bien. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 55).

 

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Empl. abs. : PREMIER CHEVALIER. (...) Sire ; dites nous : quant sera ce Que vous conmancerez la chace (...) ? LE ROY. (...) En l'eure nous irons lancier, Se suis monté. (Mir. Berthe, c.1373, 229).

 

2.

Empl. intrans. ou pronom.

 

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"Se jeter en avant, s'élancer" : "En non Dieu" fait Renart, "quant je treuve ou la biche a faonné, je vois au dessous du vent et me couche et me traine tant que je vieng si pres que je puis veer qu'elle n'est pas ovec. Et je lance hastivement et l'estrangle au plus tost que je puis..." (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 154). Se le roy dort, oultre passez [l. passez,] Près de ma fille vous lancez, Et n'obliez pas li requerre Que de la chambre ysse bonne erre Et vous y laisse. (Mir. Berthe, c.1373, 173).

 

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(Se) lancer arriere : L'aultre cop referit. La feust l'aultre mort tout froit, quant il arier lansat et en sa chambre musa[t]. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 178).

 

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"Se jeter, se précipiter qq. part ou hors de qq. part" : Et pour elle rasseürer, il l'ala embrassier entre ses bras, mais l'ymage se remist entre eulx deulx, et lors que la dame la senti, elle se lança de paour hors du lit et Grinus print l'espee et l'entesa pour l'ymage ferir (Bérinus, II, c.1350-1370, 28). Et vous dy que Aigres et Galopins furent tout esbaÿ de l'orribleté du cry, et Moreau mesmes en fu si effraiez, qu'il rompi le chevestre de quoy il estoit atachiez et commença a courre et a saillir et se fust lanciez dedens le boys, quant Galopin le prinst et aerdy viguereusement et le relia. (Bérinus, I, c.1350-1370, 275). Mais quant le jayant vint en la montaigne, il trouva un pertuis, et tantost se lance dedens. (ARRAS, c.1392-1393, 264). Et qui adont veist gens lancier sus ce pont et tresbuchier l'un sus l'autre, diis ou douse en un mont, et qui veist ceuls de la porte d'amont, as desfenses, jetter pieres et blechier honmes, il peuist de toutes ces coses avoir grant mervelle (FROISS., Chron. D., p.1400, 667). Un grant feu il [Hercule] fist apprester, Pour sa lasse mort plus haster, Et aprés grans regrais et plains, Et ses lais, dont il en fist mains, Et qu'a son escuier loyal Philotetés, son bon feal, Ot laissié son arc et ses fleches, Qui ont vaincu maintes breteches, Ne jamais jour ne seront traictes De tel main, n'en tel lieu attraites, Ou feu se lança par grant rage. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 24). Par dedens une chambre radement se lança. (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 95).

 

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Se lancer aval : Aval se voult lancer la pucelle au corps gent, Mais IIII chevaliers (...) L'ont tantost retournee et menee a garant (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 193).

 

-

"S'enfoncer qq. part" : Amours a qui de leur pouoir ne chault Leur fait sentir un desir trop plus chault Que feu de pailles, Qui entre ou cuer et dedens les entrailles, Parmy fossez et espesses murailles, Tout au travers de l'ost et des batailles, Et se lance par ces harnois de mailles Ou plus profont, Dont cuer et corps frit souvent et defont Par tel party qu'ilz ne scevent qu'ilz font, Car ce penser tous les autres confont. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 161).

 

-

Se lancer à qqn. "Se jeter sur qqn" : ...par grant courroux il se voult lancier au chevalier la ou il l'oyoit parler, mais le gentil chevalier se destournoit, comme legier et habille qu'il estoit. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 117).

 

-

Se lancer chez qqn. "Se jeter, se diriger promptement vers qqn" : LE CONTE. Pour Dieu, laissons ceste sornecte Et pençons de nous avancer. LE MARQUIS. Chelz Margot, Bietrix ou Pernecte, Gayement je m'yray lencer. LE DUC. Allons ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 182).

 

-

[D'un animal] Se lancer à qqc. "Fondre sur qqc." : Et quant il [l'alérion] se voloit lancier A sa proie pour lui haper, Elle ne pooit eschaper. Car quant proie prendre voloit, Si asprement après voloit Que jamais ne li eschapast, Qu'a son plaisir ne la hapast. (MACH., D. Aler., a.1349, 334).

 

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Se lancer contremont. "Sauter, bondir en l'air" : Mais quant ilz parvindrent dessus [la Fontaine Venimeuse] et qu'ilz veirent l'eaue boullir hors de terre et les poissons terribles et espantables a voir lanchier contre mont, ilz en furent tous esmervilliez. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 680).

 

-

Se lancer à qqn. "Se joindre à qqn" (Éd.) : SATAM. (...) Se tu te vues a moy lancier, Je te feray le plus grant homme Qui onques fust (Jour Jug. R., c.1380-1400, 224).

 

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[D'un élément naturel] Estre lançant. "Souffler violemment" : Vers Inde le majour, ès désers Abrahans, Se fiqua li dromons dont je vous suis contans. Li vens fu si oribles, qui en l'air est lanchans, Que, pour coze c'on fust le voile jus getans, N'ariesta li dromons (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 298).

 

3.

Part. prés. en empl. adj. Serrure lançant. "Serrure avec pêne à ressort" : À maistre Clais, filz Guillaume, serurier, pour au dessus dit nouvel huys fait oudit mur avoir fait et livré deux paires de pendans de fer, une serure lanchant et deux clefz à icelle servant (Comptes Etat bourg. M.F., t.3, 1418-1420, 624).

B. -

P. anal. [À propos de mouvements physiologiques]

 

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[Du sang] Lancer au coeur à qqn. "Affluer au coeur, faire battre le coeur plus vite" : ...Dous Dieux, et que porai-ge dire, Quant encouru ay tant vo ire En tous estas très mon enfance ? Li sans au coer souvent m'en lance De hides, de peur et de doubte (GILLES LE MUISIT, Poésies K., t.1, c.1347-1353, 49).

 

.

[Du coeur] Lancer à qqn. "Causer une douleur"  : Dieu, pour l'amour de vous j'endure Ceste grant peine, en esperance Que ce temps gueres ne me dure.Si par toy je pry c'om s'avance De moy aidier ; le cuer me lance Puis ça, puis là, par desconfort. Je ne scay plus ma contenance, Car plus voy, plus m'agrave fort. (Concil Basle B., 1434, 89). Mon corps tressault, le cueur me point et lance : Les uns voy mors, les autres abatus. (DU PRIER, Songe past. D.-M., c.1477-1508, 97).

C. -

Au fig.

 

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Lancer qqc. (une chose abstr.) "Émettre qqc. (un avis, un propos)" : "Et quant a ce Hardemens me moet si, Me vodrai tres bonnement avancier, Car il m'est vis que, se je puis lancier Un doulç parler, et je vous troeve en point, Ma besongne en sera en millour point." (FROISS., Orl., 1368, 100). Quant nostre advis eusmes lancé, Tous fusmes d'une entencion (LA VIGNE, S.M., 1496, 400).

 

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[D'une chose abstr.] Lancer qqn au coeur. "Toucher qqn au coeur" : ...Et le belle crioit qui moult avoit pesansse. Quant Huëz l'entendy, de chevauchier s'avance, Tant qu'il vit lez larons, que Dieux otroit grevance ! Et le belle qui fu en moult grande ballance De perdre la endroit s'onneur sans recouvrance. Quant Huëz voit la belle, pité au cuer ly lanche. Lors broche le destrier et s'abesse ly lanche (Hugues Capet Lab., c.1358, 91).

 

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Lancer qqn en qqc. "Pousser qqn vers qqc." : Ja voi ge que Fortune si est de mon aidance Qui me poroit enfin donner moult noble escanche. Pour ce voay le veu en hautainne esperance, Car j'ay ung desirier qui en amour me lance Et de grant hardement me donne connoissance. (Hugues Capet Lab., c.1358, 139).

 

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Empl. abs. "Presser" : ...Tous fils de roy, u dus, u cuens de grans valhanche, Puissent aleir en arme quant li besongne lanche (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 76).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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