C.N.R.S.
 
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     JOUTER     
FEW V *juxtare
JOUSTER, verbe
[T-L : joster ; GD : joster ; GDC : joster ; DEAF, J597 joster ; AND : juster ; DÉCT : joster ; FEW V, 98 : *juxtare ; TLF : X, 768b : jouter]

A. -

Au propre

 

1.

Empl. intrans.

 

a)

[Dans un tournoi] Jouster. "S'affronter à cheval, d'homme à homme, avec des lances (ou des glaives)" : Or en y avoit d'autre port Qui moult amoient le deport De jouster et de tournoier, De caroler, de festoier, De mener joie, de chanter, De souvent leurs dames hanter. (MACH., D. Lyon, 1342, 201). Ceulz qui vouldrent jouster se mirent sus les rens. (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 475). Huez n'ot que XVI. ans, soy prist à contoiier Et à servir lez armez, jouster et tournoiier. (Hugues Capet L., c.1358, 2). ...pour faire fourbir II paire de plates, un heaume à jouster de fer de glaive et une espée de parement pour Monseigneur (Compte Navarre I.P., 1367-1371, 391). Li roys forment se travilloit, Et li dus pensoit et veilloit Comment li roys fust bien armez, Bien parez et bien acesmez, Par quoy li rois si bien joustast, Que devant tous le forjoustast. Et il le fist si vaillanment, Si bien, si honnourablement, Si bien jousta et tournya Que mieus faisant de li n'i a, Si que l'onneur li fu donnée Et le pris de ceste journée. (MACH., P. Alex., p.1369, 46). Et celui qui jouste d'une lance ferree et agüe et cuide qu'elle soit senz fer et ronde au bout devant, et par ce navre son amy (ORESME, E.A., c.1370, 181). Mais li dis Chanonnes, en joustant de son glave et montés sus son coursier, recula tous chiaus qui là estoient et rebouta en le ville. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 152). ...nous povons mettre exemple en deux personnes qui luytent, qui tournaient ou qui joustent, pour soy exerciter et pour essaïer leur force et leur vertu corporele. Teux ebas puent estre appellés une maniere de champ de bataille et sont assez lysibles, selon Droit civil, pour soy exerciter et pour la recreacion du pueple (Songe verg. S., t.1, 1378, 353). L'ystoire dit que la feste fu grande soubz Lusegnen et y jousta on moult bien ; mais sur tous les jeunes damoisiaux Regnault et Anthoine le firent le mieulx, au dit des dames et des heraulx. (ARRAS, c.1392-1393, 149). Des uns tout leur desir est de chasser ou vouler, des autres de jouer d'instrumens, des autres noer, dancer, ou chanter ou jouster (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 88). ...ce dit, il embracha l'escu, apointa sa lance pour jouster, brocha le destrier aigrement en recommandant son corpz en la garde de Dieu, se fery entre lez Castelains de tel radeur que ce sembloit fouldre et en abaty a la jouste telz quatre dont ly plus eureux n'en releva oncquez depuis (Comte Artois S., c.1453-1467, 31). Tressouvent joustoit, faisoit mommeries, bancquetz et generalement tout ce qu'il pensoit qui peust plaire a sa dame (C.N.N., c.1456-1467, 343). Et quant le roy de Thebés eut donné a Herculés l'ordre de chevalerie, lors chauldement uns et autres coucherent les lances et se prindrent a jouster par tel party que pluseurs en y eut de portez par terre, par especial tous ceulz que Herculés encontra. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 127). Et, le dimenche precedent, qui fut le VIIIe jour dudit moys de may, se firent aussi à Bruges en Flandres autres joustes devant monseigneur le duc de Bourgongne, qui furent aussi moult triumpheuses, esquelles aussi ung enfant de Paris, nommé Jerosme de Cambray, serviteur dudit mons. le duc, jouxta, et ilec se porta si vaillamment qu'il en emporta l'onneur de ladicte jouste. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 205). ...et n'estoit nouvelles que de dancer, de mommer, de jouster et de faire grant chiere. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 52). ...et à celle jouste fit le duc preparer son seul filz et heritier monseigneur Charles, conte de Charrolois, pour jouster pour sa premiere fois, et lequel n'avoit que seze à dix sept ans d'eage (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 214). ...le roy, voyant le bruit, y alla en personne et appaisa tout. Puis jouxterent comme davant et fut necessité que le roy y allast ; et furent finees les dictes jouxtes par monsieur du Dunoys, cousin du roy a cause de sa mere, et par l'escuyer Galliot, a present capitaine. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 261).

 

-

Jouster à/avec/contre qqn : Mais einsois grans joustes crierent, Car il le vuelent festier De jouster et de tournier. Briefment, il jousterent ensamble Et l'emperere, ce me samble, Jousta avec les autres roys, Qui estoient en grans arrois. (MACH., P. Alex., p.1369, 42). "Brandebourch, dist messires Robers, a il là dedens nul homme d'armes, vous ne aultre deus ou trois, qui volsissent jouster de fers de glaves contre aultres trois, pour l'amour de leurs amies ?" (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 111). ...le roy lui demanda comment il lui print de garder la tombe Darnant et qu'il devint depuis qu'il eut jousté a Malaquin. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 63).

 

-

Inf. subst. "Participation à une joute, la joute" : Quant j'eus finé mon rondelet, Je me mis en un sentelet Qui me mena en une marche Ou toute joie maint et marche, D'armes, d'amours, de festoier, De jouster et de tournoier, Et de toute autre bonne vie. (MACH., R. Fort., c.1341, 151). S'en y avoit qui renoier Le jouster, ne le tournoier, Le dancier, ne le caroler Ne pooient, ne le baler, Mais si forment se delitoient Qu'en tous lieus ou elles estoient Ne leur chaloit d'autres reviaus (MACH., D. Lyon, 1342, 216). Se Madame estoit aise il ne le fault point demander, et en verité aussi estoient le roy, la royne et tous autres de la court, eulz donnant merveilles de son eureux jouster. (LA SALE, J.S., 1456, 88). Il n'est riens qui tant plaise aux dames Que le behourt et le jouster (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 617).

 

-

Part. prés. en empl. subst. "Celui qui participe à une joute" : "Sire, dist le bastart, entendés mon semblant. Demain au droit souper, je le vos acreant, Doy tenir court planiere que trestout ly joustant Seront cy retenu." (Tristan Nant. S., c.1350, 230).

 

-

Jouster à la foule. "Combattre sur un terrain où la course des chevaliers n'est pas guidée par une barrière ou une toile tendue au milieu de la lice, où les coups peuvent donc être portés par devant, par derrière, de côté" : Et icelles courses faites et leurs lances rompuez, [le bastard bourguignon et Guillame de Moullon] commencerent a jouster a la foule eux et [et] XV ou XVI moult asprement l'un contre l'autre, tous housséz et abilléz de soye nouvellement (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 131).

 

-

Jouster à la toile. "Combattre dans une lice séparée au milieu par une toile qui guide la course des chevaliers, de façon qu'ils ne puissent se porter des coups que par devant" : ...et fut le cry tel, que le chevalier au Signe, serviteur aux dames, faisoit assavoir à tous princes, chevaliers et nobles hommes, que le jour que mondit seigneur feroit son bancquet, lesquelz banquectz se faisoient l'ung après l'aultre, l'on le trouveroit en ladicte ville armé de armes de joustes, en selle de guerre, pour jouster à la toille, de lances de mesure et de courtois rochetz à l'encontre de tous ceulx qui venir y vouldroient (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 341).

 

-

P. anal. Jouster à/contre la quintaine. "S'entrainer à la joute contre un mannequin de joute" : Jouxter vois contre la quintaine. (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 400). Nous arons en nos quarantaines Dix roys joustans a leurs quintaines. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 542).

 

-

P. plaisant. Jouster contre un verre : LE GAUDISSEUR. Quant je me treuvë en la guerre, Je tue, je gette par terre Comme fait le boucher ung veau. LE SOT. Voirë a jouster contre ung verre, Puis se laisser chëoir par terre Et s'endormir comme ung porceau. (Gaud. sot, c.1450, 8).

 

b)

[Dans une guerre]

 

-

Jouster (à/contre qqn). "Se mesurer à qqn dans un combat singulier" : Dessus l'eaue du Rosne (...) Feust l'ost de Charlemaine le gentil et le ber, La sont les praieres belles pour bien jouster (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 137). Et sachiez que je [le soudant] m'en venoye coyement de la bataille et cuidoie venir querre le secours, mais le deable au grant dent m'apperceut, et me convint jouster a lui. Mais sachiez que je ne senty oncques si rude coup comme de lui. Car sachiez qu'il rua moy et mon cheval par terre si durement que je n'oy ne entendy, et juz long temps a la terre tous estourdiz. (ARRAS, c.1392-1393, 234). Luy regardant que nul ne venoit, a haulte voiz commence crier : «Roy de Paris, cohart sans hardiesse, envoye jouster contre moy aulcuns de tes barons de France, des plus fors et les plus hardis, comme Roland, Olivier, Tierry ou Ogier de Dannoys, et je te jure mon dieu Mahon que je ne feray reffuz jusques a six ou sept qu'ilz ne soyent par moy soustenuz." (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 29). Et puis dist a Garin son escuyer qu'il luy fist apporter ses armes, car il se vouloit armer pour aller jouster contre celluy Sarrazin. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 35). Il est vray que de la partie Des François sont deux compaignons (...) Auquieux leur est pris volanté De deffier deux de voz gens, Et selon leur faculté Ainsi comme eux, qui sont servent ; Et si m'ont dit eux deux present, Soit de hache, d'espee ou lance, Deux contre deux, voloir justant, Disant que ce soit a oultrance. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 309).

 

-

Jouster contre qqc. "S'attaquer à qqc." : Quant li rois d'Engleterre, qui estoit en sa nef, en vei la manière, si adreça sa nef contre une nef espagnole qui venoit tout devant, et dist à celui qui gouvrenoit son vaissiel : "Adreciés vous contre ceste nef qui vient, car je voeil jouster contre li." (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 92). Dont regarda li rois la nef contre qui il avoit jousté, et li plaisi grandement et dist : "Acroqons nous a celle nef et entrons dedens ; elle est plus forte que la nostre." (FROISS., Chron. D., p.1400, 885).

 

2.

Empl. trans.

 

a)

Jouster qqn. "Frapper qqn" : ...Basin ot grant doleure, Ilh chaiit en genos, et Radus a honeure Le joste enmi le pis de trestout son poieure (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 684).

 

b)

[Avec obj. interne]

 

-

Jouster un coup. "Porter un coup au cours d'une joute, d'un combat" : "Vés me chi tout aparilliet pour issir hors armés de toutes pièces, montés à chevaulx, jouster trois cops de glave, ferir trois cops de hache et trois cops de dage." (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 272). Et la veissiés lance sur faultre Baissier et maint bel coup jouster ! (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 15). ...A Johara jousta .I. cop mervelle fier Que tout parmy le cors li fist le fier glacier (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 806).

 

-

Au passif.

 

.

La feste est bien joustee. "Il y a de belles joutes à cette fête" : Là ot une feste si noble Que de Mes en Coustentinoble N'ot depuis C. ans la pareille, Plus gracieuse ne plus belle, Ne qui fust si très bien joustée, Ne si cointement karolée. (MACH., P. Alex., p.1369, 45). Et fu la feste bien joustee et bien dancee, et menerent moult joyeuse vie, et moult amoureusement furent ensemble. (ARRAS, c.1392-1393, 46). Celle feste fu bien joustee et bien festee. (FROISS., Chron. D., p.1400, 564).

 

.

La jouste est bien joutee/les joustes sont bien joustees : Et furent ces joustes très belles et très bien joustées et continuées, et en ot le pris uns jones chevaliers de Hainnau, qui s'appelloit Jehans. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 195). Si furent ces joustes bien festées et dansées, et par quatre jours joustées. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 218). Et fut la jouste bien joustée, et certes les pompes et parures de lors n'estoient pas telles que celles de present (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 268). Lesquelles joustes furent joustées très bien (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 379).

B. -

P. anal. [D'animaux] "Combattre" : Jacques, de la sausserie, pour 1 coc acheté du commandement monseigneur Philippe à faire jouster, et pour 2 annètes, pour 1 malart vif qu'il avoit pris en rivière, 2s. 8d. (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1359-1360, 234).

C. -

P. métaph.

 

-

Jouster ensemble. "Avoir des relations sexuelles" : [Une femme nouvelle mariée pousse un cri quand elle voit son mari vaciller sous le coup de son adversaire]... dont tous les seigneurs et dames commencerent a rire. Lun [l. l'un] disoit a lautre [l. l'autre] : Ceste nouvele dame a eu bien cause de crier pour son mary car se daventure [l. d'aventure] il eust este [l. esté] blecie [l. blecié][,] la nuit neussent [l. n'eussent] peu jouster ensemble. (Gil. Tras. W., c.1450, 89).

 

-

[Dans un contexte grivois ; métaphore filée avec escu] : ...el est contente qu'il entre vers elle, mais qu'elle sente et sache premier de quelles lances il vouldra jouster encontre son escu. (C.N.N., c.1456-1467, 107).

 

.

Jouter un coup de lance : Quant ung homme n'a les rains fermes Pour jouster ung coup de lance, Ce n'est riens que de sa puisance A l'encontre d'ung bon escu. (P. moyne, a.1500, 49).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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