A. -

"Racler, retourner superficiellement (la terre) avec un instrument approprié" : ...Se voise souvent esbatre aux champs veoir comment ilz labourent, car assez en est qui volentiers se passeroient de grater sans plus la terre dessus pour eulx delivrer se ilz cuidoient que on ne s'en prenist garde (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 154). S'on le povoit, par fort bien lamenter, Resusciter et mettre en son corps l'ame, Vous verriez gens plourans le regretter, Terre gratter, fouyr et palloter, Pour le jecter hors de tombe et de lame. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 398).

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Empl. abs. [D'un animal] "Racler (le sol, une surface, une partie du corps ) dans un mouvement de va-et-vient (de la patte)" : ...quant il [le cerf] est si viel qu'il ne peut plus, sa nature li donne de querre une fourmiliere, ou il a dessous une coulleuvre blanche, si grate et espart tant la fourmilliere que il la treuve, puis la tue du pié et la transgloutist toute entiere (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 118). Aprés li faut deus sonnetes, affin que il [le faucon] les amorde et que on le puisse oïr remuer et grater. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 178). De courir estoit moult engrans ; Il [le lion] faisoit les saus si trés grans Que durement m'en mervilloie. Bien vi qu'il avoit trop grant joie. De ses ongles gratoit en terre. Il prisoit moult petit la guerre Des bestes qui li vuelent nuire Et qui le pensent a destruire ; Qu'elles l'espioient de long. (MACH., D. Lyon, 1342, 176). Maugis vient a l'estable, Bayart y va trouvant Qui gratoit de ces piés (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 311). Et aussi aucune foiz les boucs ysarus ne veulent grater en mi les cuisses de leurs cors et boutent aucune foiz si fort qu'ilz les se mettent par les fesses et ne les peuent retirier (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 72). Si devise des maladies des chienz et de leurs curacions. (...) Prenez dou jus d'une herbe qui s'apelle clere [var. esclarisse] et autrement celidoine et meslez avec poudre de gingembre et de poivre et metez tout ensemble trois foiz le jour dedanz l'ueill, et ne l'i lessiez pas froter ne grater d'unne grant piesce. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 118). ...il clingat l'oireilhe et ovrit la geulle, gratte des piés et puys sy at hennit. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 80).

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Prov. Tant gratte la chevre que mal gist. "À force de gratter (le sol), la chèvre est mal couchée" : Tant grate chievre que mal gist. (MACH., Voir, 1364, 696). Tant grate chievre que mau gist ; Tant va le pot a l'eaue qu'il brise ; Tant chauf'on le fer qu'il rougist (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 52). Tant gratte chievre que mal gist. (S. fol, c.1480-1490, 8).

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Ou gist la chievre, il convient qu'elle gratte : Ou gist le chievre, il convient qu'elle gratte. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 647).

B. -

"Frotter (une partie du corps, une plaie)" : Jupiter regarde le foye Et l'estomac aus yeux convoie. Saturne, qui sa barbe grate, Voit et regarde sur la rate. Les nerfs sensieux voit et demaine Le witime chiel, qui o soy mainne Les belles estoilles luisans (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 36). ...laquelle passion est comme une roigne, car plus la gratte on et plus croist. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 410). Verpus (...) : le doibt moien qui grate le cul. (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 524). Chascun va gratter son poitron Au carbon de toreille (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 727). ...L'ung torque son nez d'ung soullon, Et l'autre gratte son coullon, Quand le cul luy cateille. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 727). Qui vous monstreroit le chemise d'une vielle et la chemise d'une jenne, a quoy cognoistriez vous l'une de l'autre ? - Celle de la vieille doit estre plus uzee par derriere, et celle de la jenne par devant : l'une par gratter son derriere, et l'autre par gratter son devant. (Devin. R., c.1470, 138).

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Loc. prov. Gratter qqn au talon quand la teste lui desmange : Ne aultre chose n'estoit senon la grater ou talon quant la teste luy demengeoit, car d'elles n'avoit elle point de pensement [de ses amies], mais seulement de Troyle lequel elle laissoit. (BEAUVAU, Troyle B., c.1455, 606).

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Gratter qqn où il lui pique. "Dire à qqn ce qu'il lui plaît d'entendre, aller dans le sens de qqn" : Je faiz tenir jeunes les vieulx Disant qu'ilz ont des biens largesse Ne que nulz aultres je ne vieulx Car j'ayme tres bien leur sagesse. Combien que ne suis pas clergesse Contens les fays par abroquars [var. je les contente de broquars ; par biaux brocars] Et leur dy que [trop] grant charge esse D'aymer jamais jeunes coquars. Dont sont joyeux et m'ayment lors Car je les grate ou il leur picque (VAILLANT, Oeuvres D., c.1445-1470, 133).

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Se gratter (une partie du corps) : He ! les puces me mordent fort et me font grant mal et damage, car je m'ay gratee le dos si fort que le sang se coule ; et, pour ce, je comence à estre roignous, et tout le corps me mange tres malement ; et, pour ce, je m'en irai demain pour estre estufee sans plus targer, car j'en ai grant necessité. (Man. lang. G., 1396, 86). ...ainsi que nous veons es anciens ou chief quant se gratent ou en tout le corps quant ilz sont au soleil et au feu et ilz se gratent ilz en yssent resolucions ainsi que farine (GORDON, Prat., c.1450-1500, II, 5).

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Si tu te sens ripeux si te gratte. "Si tu te sens teigneux alors gratte-toi" : Se tu te sens ripeuse, se te grate. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 190).

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[En signe de regret, de repentir] Gratter sa teste de qqc./se gratter la teste de qqc. : Face après ma mort à son appétit de ce qu'il trouvera, mais il pourroit bien faire tellement que chier trouveroit rendu mon desplaire, et que tous ceux et celles qui l'auroient mis en ce train, en gratteroient leur testes. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 287). Or je te promet par ma foy Qu'il s'en fait trop plus pour richesse Ou par argent ou par noblesse Que pour amour ne pour plaisir, Que puis aprés, a beau loysir, S'en grattent bien souvent la teste. (Lord. Tart Ab. L., a.1465, 172). JOIEULX SOUDAIN. Suis je en bruyt ? BEAUCOP VEOIR. Je en gratte ma teste... (B. veoir, p.1480, 14). SOULDOUVRER. C'est grant maleur. TOUTLIFAULT. Maleur, dea, j'en grate ma teste. (LA VIGNE, S.M., 1496, 263).

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Se gratter les yeux. "Se frotter les yeux ; rester inactif" : LE PREMIER. Flamans couscheront sur le feurre, Ne buront ne mengeront beurre Jusques Sainct Omer sera prins. PROPTER QUOS. Et ont ilz cela entreprins Les Flamans ? pleust au roy des cieulx Qu'ilz se deussent grater les yeulx Jusques ad ce que sera fait. (Rapp., c.1480, 67).

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Gratter un animal : Dist le chien [au cheval] : "Tu te dois bien plaindre ! Ains qu'on puist la chandele estaindre, On te frote, grate et estrille, Et te cuevre on pour la morille ["pour éviter les coliques"], Et si te nettie on les piés..." (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 173).

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Prov. Trop parler nuit, trop gratter cuit : ...Com on dit que trop grater cuit Et aussi que trop parler nuit. (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 22). Et si comme trop grater cuist Et tout ainsi trop parler nuist (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 139). Trop parler nuict, trop grater cuyt (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 198). Il couvient que trop parler nuyse, Se dit on, et trop grater cuise (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 322). Trop parler nuist, trop grater cuist. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 199). Et, pour ce, trop parler nuyst et trop grater cuist. Pour ce, donne toy garde de trop parler affin que tu ne t'en repentes. (MACHO, Esope R., c.1480, 151).

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Inf. subst. "Action de gratter" : Fame nice mout a homme nuit. Qui vieut prendre de lui deduit Plus que tegnieus ["s'il était teigneux"] grater li cuit. (Propr. choses Rosarius Z.S., c.1330, 149). Et aduient que quant vng oysel qui a nom strofillos veult auoir charongne pour mengier il se boute en la bouche du corcodrille et le gracte tout bellement tant qu'il lui oeuure toute la gorge pour le delit du grater (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 490). Socrates, quant sa jambe enflee Par les fers et les ceps gratoit, Il l'eust volentiers esrifflee, car le grater trop lui plaisoit. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I, D., 1440-1442, 56).

C. -

P. ext.

1.

"Caresser, chatouiller qqn, une partie du corps de qqn" : ...elle commença a grater mon chief pour moy plus tost endormir. (Percef. I, R., t.2, c.1450 [c.1340], 684). ...Ains je m'endors, tout en vice alité, Au beau giron de Sensualité, Qui m'apignaude et me grate la teste, Et si me fait une privee feste (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 174).

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Au fig. "Flatter qqn, chatouiller (la vanité de qqn)" : On voit que femme qui fornique Seult faire a son mari la nique ; Bien le scet chuer et flater Et aplanoyer et grater, Et, en decevant, par coustume Le blandist et oste la plume (LE FÈVRE, Lament. Math. V.H., c.1380, 74).

2.

"Écorcher qqn, lui déchirer la chair" : PREMIER SERGENT. (...) Assez tost li feray doloir L'os de l'eschine. DEUXIESME SERGENT. Ygnace, sanz avoir meschine, Cy endroit despoullier vous fault, Si vous graterons sanz deffault. (Mir. st Ign., 1366, 97).

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P. anal. Gratter qqc. "Grignoter, détruire peu à peu qqc." : L'autre main est tenant ung baston crochu duquel elle la main houe et mine et fouit, et ceste appartient aux prelatz de l'Eglise qui gratent et minent et prennent les biens de l'Eglise a tort et a travers, ce que peuvent sans riens y mettre. (Déclar. Hyst. S., a.1449, 161).

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Au fig. "Irriter, provoquer qqn (?)" : Le dit suppliant, allant tousjours son droit chemin vers la maison du dit barbier, lui respondi : "quel mal avez vous eu de ma parolle, ne souffist il point que m'avez injurié sans cause et dit que suis ung faulx traittre, fault il que encoires, par dessus ce, vous me venez gretter de parolles, allez vous ent, je ne vous demande riens." (Arch. Nord, 1481, B 1703, f° 27, IGLF).

3.

"Raturer" : Se du roi fust descommandé Ce quë il avoit ordené, Du livre aussi fust ostee S'ordenance et hors gratee (GUILL. DIGULL., Livre pèler. vie hum. E.M., 1355, 560).

4.

[D'un oiseau] "Racler qqc. avec le bec" : Et aduient que quant vng oysel qui a nom strofillos veult auoir charongne pour mengier il se boute en la bouche du corcodrille et le gracte tout bellement tant qu'il lui oeuure toute la gorge pour le delit du grater (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 490).