C.N.R.S.
 
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     GRÂCE     
FEW IV gratia
GRACE, subst. fém.
[T-L : grace ; GDC : grace ; DEAF, G1109 grƒce ; AND : grace1/gracedeu ; DÉCT : grace ; FEW IV, 245b : gratia ; TLF : IX, 383b : grâce]

I. -

"Bienveillance qui se manifeste par des faveurs, par le pardon accordé ; reconnaissance pour ces faveurs"

A. -

"Ce qui est accordé par la bienveillance de qqn"

 

1.

"Faveur accordée à qqn ; réputation faite à qqn"

 

a)

"Faveur"

 

-

Bien de grace. "Faveur, don (accordé par la nature)" : Las, j'ay esté fort envieux D'acomplir le peschié d'envie, Des bien d'aultruy fort desireux, Soit bien de grace ou de vie. (Prisonn. desconf. C., c.1488-1489, 24).

 

-

De/par grace speciale : Et encores, par grasce especial, li rois, qui les voloit attraire à amour, lor envoia celle souffrance durant, des vivres bien et largement pour leurs deniers raisonnablement. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 109). Mais le roy, de grace especialle, à la requeste de monseigneur de Bourbon, du conte de Dampmartin et autres seigneurs, donna des biens dudit Jaques Cueur à ses enfans, comme la Chaussée, la maison de Bourges et autres heritaiges. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 159).

 

-

Pour la grace de. "Dans l'intérêt de, en faveur de" : Et par ce appert que semblablement nous devons cuider que lez plantes, ce est assavoir, herbes et arbres, sunt ordenés de nature pour la grace et pour la vie des bestes et dez hommes quant il sunt en parfait eage. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 61). Et donques comme verité soit que nature ne fait quelcunque chose pour nient ne qui soit imparfecte, il est neccessaire que nature ait fait toutes choses pour la grace des hommes et pour lez hommes. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 61).

 

-

[Formule pour solliciter l'indulgence] Sauve la grace de qqn. "Avec la permission de qqn, sauf le respect de qqn" : Et ne convient diviner ne assigner autre cause ne autre response a la question proposee, salve la grace d'Aristote. (ORESME, C.M., c.1377, 510). ...ladite prisonniere fu faitte venir en jugement sur les carreaux, par devant les dessus dis. Li demandé et requis que, sur la deposicion d'icelle Marion, qui li fut leue, elle deist verité. Laquele prisonniere respondi que, sauve la grace de la deposant, il n'en estoit riens, et que oncques oudit jour de jeudi elle n'avoit esté esdites estuves (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 264). ...[il] cogneut et confessa par serement que verité estoit qu'il, durant le mariage dudit feu Jehan Le Teillier et Perrete, sa femme, dessus nommez, il avoit eu par plusieurs fois compaignie charnelle avec icelle femme, laquelle, sauve sa grace et deposicion cy-dessus escripte, il ne feri, bati ou navra oncques jour de sa vie, en quelque maniere que ce feust (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 274). Par ma foy, non ay, dist le François, sauve vostre grace (C.N.N., c.1456-1467, 55). Par ma foy, sauf vostre grace, madame, dit il, se je le sceusse je ne le demandasse pas. (C.N.N., c.1456-1467, 280). Sauf vostre grace, pere, nous vous y vismes couché (C.N.N., c.1456-1467, 371).

 

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[Formule de politesse] C'est la grace de qqn. "Avec la permission de qqn, comme le veut qqn" : On demande : Et que fais-tu ? On respond : C'est vostre grace. (Sav. Calb. T., c.1475-1500, 14).

 

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[D'un seigneur] Acquerir la grace de qqn. "Gagner l'attachement, l'affection (de ses sujets)" : ...il fit les coeurs froids contre luy, et acquit peu de grâce de ses subgets nobles et non nobles (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 273).

 

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Avoir grace. "Être aimé, estimé" : ...ce chancelier avoit eu grâce par toute France qu'en sens n'avoit son pareil (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 329).

 

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Avoir/gagner (la) grace de qqn. "Obtenir la faveur de qqn" : Li rois d'Engleterre (...) qui bien avoit entendu le grant nombre de gens qui l'attendoient à Calais pour avoir grasce et grans bienfais de lui (...) eut doubtance de ce que dessus est dit. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 191). Quand nostre bourgois (...) eust gaigné la grace du compaignon, bien pou se soucya de pervenir a l'amour de sa femme. (C.N.N., c.1456-1467, 24).

 

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"Avoir la permission de qqn" : Lesquelx [sergens] le prindrent, et (...) le menerent ès prisons dudit evesque (...) par devant maistre Robert de Denis (...) lequel lui dist que il estoit parti de la court de leans sanz faire aucune composicion, et que se ses amis eussent voulu qu'il estoient riches et poissans, et eussent bien composé à lui, disans que jamaiz de leans ne partiroit s'il n'avoit grace d'aucun grant seigneur ou dame. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 82).

 

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Avoir qqn en grace. "Manifester de la bienveillance à qqn" : ...il sembloit, tant les hot en grace Fortune, que (...) Fussent droiz signeurs du paÿs (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 73). ...qui que les loast [les Cordeliers] et eust bien en grace, les femmes estoient du tout données a eulx (C.N.N., c.1456-1467, 216). ...elle (...) mettoit peine d'entretenir le mesnage selon le desirier de son mary, qui a ceste cause l'avoit beaucop en grace (C.N.N., c.1456-1467, 289).

 

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Avoir qqn mal en grace. "Tenir qqn en disgrâce" : Il aroit son senglant gibet : Noz seigneurs l'ont trop mal en grace. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 269). ...Les Scribes et les Pharisïens L'ont tres grandement mal en grace. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 377).

 

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Avoir la grace de + inf. "Obtenir la faveur, la possibilité de" : ...il se rendirent a mesire Carle et devinrent si honme et li fissent feaulté et honmage. Mais messires Joffrois de Malatrait eut grace et conduit de aler deviers la contesse (FROISS., Chron. D., p.1400, 549).

 

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Avoir tant de grace que de + inf. : La dame vint jusques à lui, et le trouva logiet sus les camps : se li pria que elle peuist avoir tant de grasce que d'aler jusques à Poitiers parler au duch de Berri. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 115).

 

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Demeurer en la bonne grace de qqn. "Continuer à bénéficier de la bienveillance de qqn" : ...esperant, comme dit est cy-dessus, que se le pays de Limosin, par le traittié de la paix que l'en espere qui se doit faire entre les deux roys, est rendu aus Engloiz ou au duc de Lenclastre, que tousjours il, par ce, demourast en sa bonne grace et amour (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 202).

 

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Donner à qqn telle grace que. "Donner à qqn telle faveur que" : ...se tel grace lui donnoit Que roys fust, il l'acertenoit Que son temple rediffier Feroit (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 236).

 

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Donner grace à qqn. "Ajouter foi à ce que dit qqn" : Sy donna-on grâce à ce bastard que, de ses paroles ainsi semées, tout le pays en devint plein, et s'y arresta tout homme (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 107).

 

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Estre en la grace de qqn. "Être en faveur auprès de qqn" : Et la royne, quant elle le sceust, lui en fist donner IIJc et une piece de damas, et fut Saintré tellement en la grant grace du roy et de la royne qu'il n'y avoit nul escuier qui y fust tant, et tout ce par le bon conseil et moien de Madame qui par l'espace de VIJ ans l'avoit amé. (LA SALE, J.S., 1456, 78). Cellui Boussicault, voiant Saintré, qui tant estoit en grace du roy et si avant, plus que des autres s'en accointa. (LA SALE, J.S., 1456, 142).

 

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Male grace. "Mauvaise humeur, hostilité" : Car, qui belle n'est, ne perpestre Leur ma(s)le grace [des hommes], mais leur rie (VILLON, Test. T., 1461-1462, 135).

 

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(Estre) en la male grace de qqn. "Être en défaveur auprès de qqn" : - Madamme, je vous requiers que vous me diez se vous estez courroucee à moy pource que je voy bien que je suis en vostre malle grace. (Cleriadus Z., c.1440-1444, 466). ...elle fut ad ce menée que s'elle ne vouloit estre en la male grace de pere, de mere (...) qu'elle ne tiendroit la promesse qu'elle avoit faite a Gerard son serviteur. (C.N.N., c.1456-1467, 170). ...et estoit ce chevalier au conte de Saint-Pol, encore en la male grâce du duc. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 434). Et reviendrons à parler comment se conduisit le filz en soy veant en la male grace de son pere, qui s'en alla à Termonde, luy et son estat, escoutant et attendant nouvelles de son pere (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 418).

 

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Mettre qqn en la male grace de qqn. "Susciter contre qqn la violence de (la foule)" : Et toutes ces choses faisoient dire et publier contre lui pour le mectre en la malle grace du peupple (LE BOUVIER, Chron. Ch. VII, C.C.J., c.1451-1455, 57).

 

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Faire (une) grace à qqn : Et là le vinrent veoir cil de Tournay, lesquelz li rois reçut liement et vei très volentiers, et leur fist grasce, pour tant que si bellement et si vallamment il s'estoient tenu et deffendu contre leurs ennemis (...) Le grasce qu'il leur fist elle fu tèle qu'il leur rendi leur loy que perdu avoient de grant temps. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 84). "Et vous presterai tout ce que il vous besongnera jusques à ce temps que nous serons en Castille." - "Par mon chief, respondi li rois dans Piètres, si me ferés grant grasce et grant courtoisie." (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 208). Dist li dus : "Il ne pooient plus demorer. Et se il m'euissent requis : nous en volons aler salve nostres cors et le nostre, je lor euisse bien fait celle grace et legierement. Car ce sont cas d'armes que on doit faire l'un a l'autre a ceuls qui tiennent garnisons sus les frontieres." (FROISS., Chron. D., p.1400, 657).

 

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Faire grace à qqn de qqc. "Faire don à qqn de qqc." : ...pour la beauté dont nature lui avoit fait grace, il estoit amez et desirez de dames et de damoiselles en tous les lieux ou il repairoit. (Bérinus, I, c.1350-1370, 115).

 

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Faire grace à qqn (que) de + inf. "Accorder à qqn la faveur de" : Et leur fu demandé pourquoi il vuidoient ; il respondirent que il n'avoient de quoi vivre. Adonc leur fist li rois grasce que de passer et aler parmi son host sauvement. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 3). "Le roy de Castille a fait grace aux Anglois de venir reposer et eulx arroier en son pays et en ses bonnes villes..." (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 113).

 

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Faire qqc. (en cause) de grace/de sa (bonne) grace. "Faire qqc. par bienveillance, par faveur, sans y être obligé" : Mes l'en pourroit dire que teles choses ont esté faites en nostre lay selon la forme du legislateur humain, et le divin legislateur les souffroit ou octroioit estre ainsi faites de grace (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 312). Et fist li dis rois d'Engleterre, en cause de pité et de grasce, tous les corps des grans signeurs, qui là estoient demoret, prendre et oster desus le terre et porter en un monastère priès de là. (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 191). Quartement il voloient que nulz rois de France, si hoir ne si successeur, ne peuissent mettre ne assir sus yaus ne sus leurs masniers taille ne sousside, gabelle, ayde ne imposition nulle ne fouage ne cose qui le ressemblast, se il ne l'acordoient ou donnoient de grasce. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 82). Et aussi, mes chiers seigneurs, vous m'avez envoié, de vostre bonne grace et franchise, le roy d'Ausaiz, mon ennemy, dont plaise vous assavoir que je ne suiz mie celle qui vueille ne doive prendre pugnicion de lui ne lui retenir prisonnier ; mais il en appertient a vous d'en faire vostre bon plaisir, qui avez eu la peine et le peril de le conquester (ARRAS, c.1392-1393, 166). Vous m'avez fait de vostre grace, non pas que j'en soye digne, une si haulte et honorable promesse (C.N.N., c.1456-1467, 168). ...requerant en conclusion qu'elle luy veille de sa grace jour et lieu assigner [Dans une lettre d'amour] (C.N.N., c.1456-1467, 257). Droit la a l'yssue des graces se vint ruer a genoux ledit messire Henry devant le duc en luy disant : "(...) vous prie que de vostre grace il vous plaise avoir pour recommandé ma povre personne." (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 160).

 

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Faire à la grace de qqn. "Agir en faveur de qqn" : Et ce mesme jour, je requiz à messeigneurs dessus nommez que, comme par la grace de Dieu, du Roy et de sa Court, eusse servi ceans et exercé l'office de graphier par l'espace de seze ans tous entiers et continuez, car par lesdis XVJ ans onques n'y avoie failli jour, exceptez VIIJ jours, ores avoit XJ ou XIJ ans, que j'avoie esté malade au lit et telement que je cuidié morir, et eusse exercé mondit office le plus loyaument et le plus diligemment que j'eusse peu selon ma fragilité et plus loyaument que sagement ou gracieusement, car, en office si publique que est ledit office, n'estoit pas bien possible faire à la grace d'un chascun, si comme miex le savoient, et y me deust suffire d'avoir servi oudit office si longuement (BAYE, II, 1411-1417, 273).

 

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Faire qqc. de la grace de qqn. "Faire qqc. par suite de la bienveiillance de qqn" : Mon maistre, je vous sers, de vostre grace, non tant seulement pour gaigner vostre argent (C.N.N., c.1456-1467, 494).

 

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Impartir sa grace à qqn. "Accorder sa faveur à qqn" : Si nous ont fait humblement supplier que, ces choses considerees (...), nous lui vueillons sur ce faire et impartir nostre dicte grace (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1375, 457). ...par quoy ilz sont en voie d'estre desers de corps et de chevance et de mourir par longue detencion en prison, se nostre grace piteable ne leur est sur ce impartie, si comme ilz dient. (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1400, 777). ...laquele chose se ainsi estoit lui tourneroit ... tres grant prejudice, vitupere et dommaige se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace (Paris domin. angl. L., 1420-1435, 295). ...Je m'en vois a Angers. Puis qu'el ne me veult impartir Sa grace ne me departir. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 13).

 

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Impetrer une grace de qqc. devers qqn. "Introduire une demande de faveur pour qqc. auprès de qqn" : "Biaus filz, faites ce que vous poés : il vous fault combatre ; ne je ne puis nulle grasce impetrer d'acort ne de pais devers le roy de France." (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 30).

 

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Prendre grace à qqn. "Éprouver de la sympathie, de l'attachement pour qqn" : ...sa personne n'estoit belle, ne révérende, ne n'avoit moeurs en luy, ni parole par quoy homme y prist grâce (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 26).

 

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Rappeler qqn en sa grace. "Redonner sa faveur à qqn" : ...et rappela en sa bonne grace le duc de Bourbon, et le traicta bien, pour aux aultres donner à entendre que ceulx qui se rendroient à luy seroient amiablement traictez et receuz. (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 32).

 

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Recommander qqn à la grace de qqn. "Demander la bienveillance de qqn pour qqn" : ...auquel il fist telle responce : "Je vous prie, recommandés moy très humblement à la bonne grace de monseigneur le duc de Bretaigne..." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 337).

 

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Retraire/revoquer une grace. "Supprimer (une faveur, un privilège)" : ...li rois d'Engleterre tint a amour les Flamens et ne lor osta nulles des grasces faites ne donnees en devant, mais les amplia tousjours en bien pour euls (FROISS., Chron. D., p.1400, 641). Si revoca chis papes toutes gracez en devant faites. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 54).

 

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Se recommander à la grace de qqn (un supérieur). "Demander la bienveillance de qqn pour soi" : ...et, sur ce, furent faictes lettres dont la teneur s'ensuivent : "Mon souverain seigneur, je me recommande à vostre bonne grace tant et si très humblement comme je puis..." (BUEIL, II, 1461-1466, 132). Et, quant ilz y furent, le cappitaine de Crathor lui fist la reverence et lui dist : "Sire, le Jouvencel et tous voz bons subjectz et serviteurs qui sont à Escalon, tant gens de guerre que gens de la ville, se recommandent très humblement à vous et à vostre bonne grace..." (BUEIL, II, 1461-1466, 140). ...desquelles la teneur s'ensuit : "Sire, nous recommandons à vostre grace tant et si très humblement que nous povons..." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 220).

 

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Venir en la grace de qqn. "Gagner la sympathie de qqn" : ...par icelle [sa "libéralité"] vint en la grace des princes, seigneurs et aultres gens de tous estaz. (C.N.N., c.1456-1467, 23).

 

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Prov. Tant vaut bon bruit que grace acquise : Tant vault bon bruyt que grace acquise (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 52).

 

b)

En partic. [Dans les rapports amoureux] "Faveur"

 

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"Faveur que fait une femme à un homme, en répondant à son amour" : ...pour acquerir par l'amant la tres desiree grace de sa dame, se efforcera d'estre doulz, humble, courtois et gracieux (LA SALE, J.S., 1456, 17). ...pluseurs gentilz hommes (...) se vindrent accointer de Katherine, desirans sur toutes aultres sa bienveillance et sa grace (C.N.N., c.1456-1467, 169). Ung gentilhomme (...) devint amoureux, a Rouen, d'une tresbelle damoiselle, et fist toutes ses diligences de parvenir a sa grace. (C.N.N., c.1456-1467, 207). ...vous savez que j'ai fait pour vostre grace acquerir (C.N.N., c.1456-1467, 345).

 

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[D'une femme] Accueillir (un homme) en grace. "Accueillir favorablement les avances (d'un homme)" : Si prye [Paris] qu'en grace l'acueille [Hélène], Car rien n'est que tant avoir vueille. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 66).

 

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Avoir la bonne grace de qqn. "Avoir les bonnes grâces (d'une femme)" : Tres chiere dame, autre chose quier je bien. Et quoy ? dist elle. Dittez hardiement. Ma chiere dame, puisqu'il vous plaist, je le vous diray. Je desire tant que nulle autre chose plus, d'avoir vostre bonne amour et vostre bonne grace. Par ma foy, dist la dame, a ce n'avez vous pas failly, mais que vous n'y pensez fors toute honneur, car ja homme n'aura m'amour en soingnentaige. (ARRAS, c.1392-1393, 9).

 

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(Estre) en (la) grace (d'une femme). "(Être vu) avec bienveillance par (une femme)" : Et se vos cuers le faisoit Autrement, il m'ociroit, Car tant vous aim que vivre ne porroie, Douce dame, s'en vo grace n'estoie. (MACH., L. dames, 1377, 168). Ce bon musnier, en la tresbonne grace de madame après la tresdesirée conclusion de sa haulte entreprise, part de leans (C.N.N., c.1456-1467, 46). ...a l'heure de mon partement j'estoie bien avant en la grace d'une tresbelle, bonne et noble fille, que je laissay a tresgrand regret (C.N.N., c.1456-1467, 177). ...tant estoit en la grace de la royne du pays qu'elle estoit son demy lit (C.N.N., c.1456-1467, 192). ...il cuidoit tant estre en grace que merveilles ; si ne savoit que dire ne penser. (C.N.N., c.1456-1467, 230). Il fut assez bien en grace pour ung temps, mais non pas si avant qu'il eut bien voulu. (C.N.N., c.1456-1467, 343).

 

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Estre avant dans les graces (d'une femme) "Obtenir les faveurs (d'une femme)" : ...si avant fut en la grace de la fille qu'il couscha avec elle. (C.N.N., c.1456-1467, 68).

 

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Se recommander à la grace de qqn. "Demander, implorer la bienveillance de qqn" : Si me recommende a vostre grace, car vous savés que je ne vous puis bonnement veoir ne parler a vous s'il ne vient de vous ; et, mon doulz cuer, je n'ai mie si bien personne pour envoier a vous come j'avoie puis ne vous vi je. (MACH., Voir, 1364, 314). "Ma dame," dist il froidement, "elle se recommande tres humblement a vostre bonne grace et dist que l'avrez briefment," lors ly presenta sa lectre et puis sa creance dist, et comme saige pour lors ne lui dist plus avant. (LA SALE, J.S., 1456, 261).

 

c)

Grace expectative. "Ordre du Pape de donner à tel clerc le premier bénéfice vacant" : ...et n'est pas l'intencion des dessusdis de conseillier que les bulles et graces expectatives faictes et expediez du temps de Pape Jehan XXIIIe cessent et demeurent sans effect de cy en avant. (FAUQ., I, 1417-1420, 50). ...fut derechief conclud que ladicte ordenance, datée du XVIIJe jour de fevrier l'an IIIc et six, seroit mise à execucion, reservées les graces expectatives dudit Pape Jehan quant à ung benefice tant seulement. (FAUQ., I, Pièces diverses, 1418, 90).

 

Rem. Cf. F. Lot, R. Fawtier, Hist. des instit. fr. au Moy. Âge, t.3, 1962, 174, 253

 

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[Dans un cont. métaph.] : Et disoit que de long temps il fut nommé par l'université d'Amours aux premiers benefices qui vacqueroient au dyocese dont ceste dame cy estoit et que encore d'abondant il avoit obtenu grace expectative pour accepter la premiere qui seroit sans amy (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 25).

 

d)

"Réputation faite à qqn" : Li preudons a cui grace est tres bien alleuee Qu'il se lieve a matin enchois l'aube crevee, Il poet hardiement dormir grant matinee. (Bât. Bouillon C., c.1350, 50). ...Et si dira chascun qui parler en orra : "Il est preux et hardis." Ainsi vo noms croistra (...), Ja homs n'est avanciés se heur et grace n'a. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 271). Et ensi doient li bon faire [servir leur seigneur, jusqu'à la mort], Qui voelent leur grace parfaire. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 40). ...et pour ce qu'il tenoit que ledit Hennequin feust Englès, et que sa renommée et grace estoit autre que bonne, et pour doubte que ledit Hennequin ne feust là venus pour espier ou porter damaige à ladite ville de Saint-Quentin et au royaume, il manda audit Hennequin [ceci] (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 381). Et Paresce est laide, nice et vilaine, Despourveue, non sachant, incertaine, Qui los, ne pris, ne grace ne desert. (CHART., B. Nobles, c.1424, 403). Honnouré frere, nous nous recommandons a vous et vous faisons savoir que nagaires par aucuns a esté baillie aux dames certaine requeste qui grandement touche voustre honneur et le desavancement du tresgracieux los et bonne grace que vous avez tousjours acquis vers elles. (Lettres Chart., 1425, 360). Qui veult avoir bon nom et bonne grace Face tost dont ce qu'il doit et s'acquitte (TAILLEV., Psaut. vil. D., a.1440, 121). ... [ilz] sont miroirs encor aux successeurs Par leurs graces et bonnes renommees Acqises par glorieuses labeurs (TAILLEV., Ress. relèv. hôt. D., p.1440, 276). ...ma dame, veez cy pouvre nouvelle, quant pour bien faire je doy estre pugny, qui vous ay tant et si loialment servie, mis mon cuer, corps, honneur et vie pour vous obeyr, et ores que je cuidoie en vostre service faire mon devoir, acroistre vostre grace et mon honneur, fault que je perde celle a cui je suis tant actenu ? (LA SALE, J.S., 1456, 234). Et sembloit, parce que ce messire Tristan portoit grâce d'avoir esté tout son temps mauvais Bourgongnon et haineux contre luy, que le roy l'y envoiast encore tout propre à intention telle. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 17).

 

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Donner grace et los à qqn. "Louer, vanter qqn" : ...et se portoient tellement [des gentilshommes] que tout le monde leur donna grace et los. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 215).

 

e)

[Titre donné à un grand personnage] Vostre Grace : Et lors Saintré tres humblement lui dist : "Nostre souverain seigneur, il a pleu a Vostre Grace estre content que je portasse l'emprinse de ce bracelet pour acomplir armes a cheval et a pyé que vous veistes par escript, si vous vien tres humblement supplier que vostre bon plaisir soit moy donner congié tel que le XVe jour du mois de juillet, Messeigneurs mes freres et mes amis qui cy sont, qui de leurs courtoisies me veulent accompaignier, puissons a l'aide de Dieu, de Nostre Dame et de monseigneur Saint Michel l'Ange, partir et commencier mon voaige." (LA SALE, J.S., 1456, 94).

 

2.

"Bonté de Dieu, faveur, assistance accordée par Dieu"

 

a)

Grace de Dieu/grace divine/sainte grace : Mais comment pourroit ce estre raisonnablement, s'il n'estoit en ton invisible jugement [de Dieu], quant par congnoissance humaine que nulz homs pourroit avoir bien et haulte honnour par mal faire ? Et non contretant, je voy par la haulte science et art dessus dit, que par ta saincte grace m'as presté, qu'il est ainsi. Si en suy moult esmerveilliez. (ARRAS, c.1392-1393, 19). Vrays Dieux, comment sont les merveilles que tu as laissiees ca jus en la vertu de ta chamberiere nature, merveilleuses et diverses en leur expedicion, se tu n'y espandoies ta grace divine, et especialment de ceste merveilleuse aventure que je voy ou cours des estoilles que tu as lassus assises dès le commencement du ciel, par haulte science d'astronomie dont tu m'as presté une des branches...? (ARRAS, c.1392-1393, 19). Et quant le roy la voit, si lui a dit : Ma fille, merciez ces nobles hommes du secours qu'ilz ont fait a moy et a vous, et a nostre royaume, car, se ne feust la grace de Dieu et leur puissance, nous estions tous destruiz, et, au mieulx venir, exilliez de nostre pays. Et celle s'agenoille devant les freres, et les mercie humblement. (ARRAS, c.1392-1393, 119). Car ceulx qui sieuvent leur sensualité ordoient leur conscience, et perdent la grace de Dieu. (Internele consol. P., 1447, 272). Car l'homme prouffite plus et dessert plus ample grace la ou plus il vaint et mortefie soy mesmes en esperit. (Internele consol. P., 1447, 353). Fay de moy tout ce qu'il plaist, combien que, si n'estoit ta large grace je ne suys pas digne d'executer ung si grand euvre. (C.N.N., c.1456-1467, 102). ...ce vient non pas de noz propres vertuz, mais de la seulle large et liberale grace de noste benoist redempteur (C.N.N., c.1456-1467, 223). Advint qu'elle fut malade tresfort et au lit de la mort acouchée ; si eut tant de grace qu'elle eut temps et loisir de se confesser (C.N.N., c.1456-1467, 327).

 

-

P. personnif. : Ceste Grace est une lumiere supernaturele et ung especial don de Dieu, et signacle proprement des esleux et loier de salut eternel, laquelle eslieve l'omme des choses terriennes a amer les celestes, et d'homme charnel fait espirituel. (Internele consol. P., 1447, 242). En ce languaige proposant, comme vous avez ouy, ladicte dame Grace Dieu presenta une de ses douze dames, et la premiere, qui avoit à nom Foy. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 374).

 

-

[La grâce est un don de Dieu mais l'homme doit participer avec sa volonté pour qu'elle soit efficace] : Face chascun ce qu'il doit envers Dieu et son amour, sans resister a sa grace et a son mouvement secret, et il perfera le demourant. (GERS., P. Paul, a.1394, 498). ...ne grace sans voulenté, ne voulenté sans grace. Et en ce est le merite, que voulenté s'accorde a grace. (GERS., P. Paul, a.1394, 498). Vous veés en [en] saint Pol, que tantost a la vocacion ou prevencion de Dieu il respondit en ouvrant l'uys de son consentement : «Sire, que veulz tu que je face ?» Il adjousta doncques a grace bonne voulenté. (GERS., P. Paul, a.1394, 498).

 

-

Grace habituelle. "Don de Dieu reçu au baptême et qui demeure" : ...quant une personne indigne le reçoipt [le saint Sacrement] et nulle grace habituele ne luy est infuse ne donnee, encores est ce sacrement delectable pour la merveilleuse misericorde quy est manifestee en ce qu'il se daigne tant encliner que soy donner aux indignes (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 151).

 

-

Grace infuse. "Grâce qui est répandue (dans le corps ou dans l'âme)" : Mais je croy qu'adés pou en use De la grace de Dieu infuse, Car les vertus sont bestournees Adés et en vices tournees (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 32). Com plus doncques Nature est deprimee et vaincue, tant est plus grant Grace infuse, et est journelement l'omme interiore reformé de nouvelles visitacions selon l'ymage de Dieu. (Internele consol. P., 1447, 242). Mais quant Force tient incluse, Non intruse, Premunie de grace infuse, C'est l'escluse Qui a tel grace comprise. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 69).

 

-

[À propos de Marie] Aumosniere/tresoriere de grace. "Celle qui distribue la grâce de Dieu" : Si devons avoir bonne fiance, o devotes gens, que en ceste grande feste nous ne soyons point escondis, ou sont apellez et requis, telz deux aumosniers honnourables du souverain Roy, saint Pierre et saint Pol, et l'aumosniere de grace et de misericorde, nostre Dame. (GERS., P. Paul, a.1394, 484). Et car vous estes, o Vierge tres digne, mere de misericorde, tresoriere de grace, fontaine de pitié, vous estes celle qui au jour d'uy nous amenastes et offrites et presentastes misericorde ou temple materiel, vous estes mesmement le vray temple de misericorde (GERS., Purif., 1396-1397, 60).

 

-

[P. oppos. à biens de nature et biens de fortune] Biens de grace. "Ce qui aide à vivre selon la loi de Dieu" : ...et les denrees sont les biens que Dieu adonne a homme et a femme, c'estassavoir les biens de nature, les biens de fortune, et les biens de grace. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 21). ..et les biens de grace sont vertus et bonnes euvres. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 22).

 

-

La Dieu grace. "Avec l'aide Dieu" : Quant il furent tuit en la place, Il leur dist : "Signeurs, la Dieu grace, Nos annemis sont desconfis, Et ceste ville avons conquis..." (MACH., P. Alex., p.1369, 100).

 

.

Par la grace de Dieu : Or advint que par la grace de Dieu que fortune se leva en la mer, et uns orages et tempeste si horrible que Sarrasins furent moult esbahiz. Et les departy tellement la tempeste que ilz ne scorent en gueres de temps que bien VIIJ. de leurs vaisseaux furent devenus. (ARRAS, c.1392-1393, 128). ...actendant que par sa grace enseigner me voulsist cest estat, ou aultre plus seur, pour saulver ma pouvre ame. [D'un ermite à Dieu] (C.N.N., c.1456-1467, 170). ...[elle] prioit Dieu (...) que par sa grace luy voulsist ses pechez pardonner (C.N.N., c.1456-1467, 423).

 

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[Formule employée par les rois dans leur titulature] : Lors fu Mirame irez, quant il entendi la menace, et adont ne leur respondi mie, ains prist le brevet et lut ce que dedens estoit, et parloient les lettres en telle maniere: "Nous, Agriano, par la grace de Dieu, roy de Gamel, a Mirame mon subget, non salut." (Bérinus, I, c.1350-1370, 126). Et pour ce, le roy donna povoir et auctorité audit grant maistre de traicter avec ledit de Nemours et luy envoya ses lettres patentes, desquelles la teneur s'ensuit : "Loys, par la grace de Dieu roy de France, à tous ceulx qui ces presentes lettre verront, salut..." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 242). En la confiance de l'aide de Nostre Seigneur Jhesu Crist, du commandement de tres noble et tres excellent prince Charles, par la grace de Dieu roy de France, je propose translater de latin en françois aucuns livres lesquelx fist Aristote le souverain philosophe (ORESME, E.A., c.1370, 97).

 

-

Sans la grace de Dieu : ...il me semble que il seroit bon pourveoir de remede aincois tost que tart, car l'estable est bien fermee a point avant que le cheval soit perdu. Et ceulx ont respondu : C'est verité. Mais nous n'y veons qui y puist remedier, sinon la puissance de Dieu. Non, par foy, dist cellui gentilz homs, sans la grace de Dieu ne puet on gaires faire, mais avecques ce se fait il bon aidier qui puet et qui scet. (ARRAS, c.1392-1393, 148).

 

-

Donner la grace de + inf : ...Dieu me donna la grace et le loisir (...) d'avoir la cognoissance de hauls princes et seigneurs, tant en France comme en Angleterre. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 3). Lors toutes dames et damoiselles commencerent a loer Saintré et faire veux et prieres que Dieu lui donnast grace de a grant honneur retourner. (LA SALE, J.S., 1456, 92).

 

-

Donner la grace que. "Accorder la faveur que" : Beaulx seigneurs, ferez du plat, et ne me donnez ja tant de loz, car je ne suiz mie cellui que vous pensez. Vous me recongnoissiez pour cellui aux armes blanches, mais ce ne suys je pas. Je vouldroye bien que Dieu m'eust donné la grace que je feusse si bons. (ARRAS, c.1392-1393, 41).

 

-

[Dans la théorie de la prédestination] Estre justifié par grace/estre eslu pour avoir la grace de Dieu. "Être élu parmi les justes/être élu pour parvenir au salut éternel" : Et par ce appert que les bons qui par grace sont justifiéz ne sont seulement congneus eternelement de Dieu, mais aussi sont esleuz pour avoir grace. (Somme abr., c.1477-1481, 171). Les pecheurs qui ne sont pas justifiéz par grace ne sont pas esleuz ne preordenéz de Dieu a la coulpe, mais seulement sont presceus que pas n'auront grace et que ilz seront relenquis a leur nature. (Somme abr., c.1477-1481, 171).

 

-

Faire/envoyer une grace à qqn : Beaulx seigneurs, nous sommes cy assemblez pour soustenir la foy de Jhesucrist, et de laquelle il nous a regenerez. Et savez comment il a premierement souffert la crueuse mort pour nous racheter des paines d'enfer. Dont, veu qu'il nous a fait ceste grace, nous ne devons pas ressoingnier la mort ou l'adventure qu'il lui plaira a nous donner, pour soustenir les sains sacremens qu'il nous a administrez pour le salut de noz ames, combien que nous ayons a forte partie a faire, car noz ennemis sont bien dix contre un de nous. (ARRAS, c.1392-1393, 108). Or retournons a la bataille dont je parloie presentement, et recordons conment elle se persevera, et la grace que Dieus fist ce jour as Englois (FROISS., Chron. D., p.1400, 780). "...se Dieus m'a volut consentir si grant grace que il m'a volut envoiier et mis entre mes mains le roi d'Escoce, et je l'ai conquis en bataille par fait d'armes, on n'en doit point avoir envie ne ranqune sus moi. Aussi puet bien Dieus envoiier sa grace sus un povre baceler de bonne volenté que il fait sus un grant signeur." (FROISS., Chron. D., p.1400, 790).

 

b)

L'an de grace (nostre Seigneur) n. "Telle année de l'ère chrétienne" : ...ce fu environ l'an de grace mil et cinquante et VII. (ORESME, C.M., c.1377, 566). ...en l'an de grace Nostre Seigneur mil IIIcIIIIxx et ung, ou mois de juing (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 155). ...sus l'an de grace Mille trois cens (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 3). Et commencay ceste hystoire a mettre en prose le mercredi devant la Saint Cleyment en yver l'an de grace mil CCCIIIJxx et XIJ. (ARRAS, c.1392-1393, 2). ...l'an de grace mil CCCC et .III. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 3). Donné à Tours le dixiesme jour de decembre l'an de grace mil quatre cens trente et cinq, et de nostre regne le quatorziesme. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 238). Et laquelle a esté escripte l'an de grace mil cinq cens et deux, le vendredi de devant Noel, vingt troisieme jour de decembre, par la main de Jehan Lebourg, natif lés Vallongnes, ou pays de Coustantin. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 400).

 

-

Temps de grace. "Ère chrétienne" : Avant la loy, et ou temps de la loy et ou temps de grace, une loy a obligié et touz temps oblige toute personne : gardes que tu ne faces a autre ce que tu ne veulz que l'en ne te face pas, et fais a autrui ce que tu veulz que l'en te face. (FOUL., Policrat., IV, 1372, 68). Mais en ce temps nouvel, qui se nomme de grace, le hault empereur mua son juge, quia lex per Moysen data est, gratia et veritas per Jesum Christum (Joannis primo), car en lieu de Justice il intronisa Misericorde doulce et piteuse (GERS., Purif., 1396-1397, 61). Venons au temps de grace, et a la revelation dez divins secretz jadis muciez et couvers soubz les cerimonies du viel Testament (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 31). Sy trouvons es histoires anciennes que ou tamps de grace sainct Patris habita en l'isle ou Passelyon fut prins et en ce temps meismes. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 756).

 

-

La loi de grace. "Doctrine chrétienne, évangiles" : Et puis qu'amans sert Amours liement, Il doit le fil de la vierge aorer, Qui fu table clouée fiérement, Ou Pitié fist nostre debte pleinier Et escripre de vermeille escripture Loy de grace, de paix et de droiture En la pierre d'amour appareillie, Qui fu a cops merveilleux entaillie (Mir. st J. Paulu, c.1372, 150). Et cestuy est le Penthateucon de Moyse, qui fut la figure et l'ombre de la loy de grace, dont la lumiere resplendissoit eternelement en la divine predestination des le commencement du monde. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 27).

 

c)

"Situation, état de l'homme qui conserve la faveur de Dieu"

 

-

Estre en la grace de Dieu : Dont par ainsi vivrez par cours de nature tres longuement et serez en la grace de Dieu au regart de ce pechié (LA SALE, J.S., 1456, 26).

 

-

Estat de grace. "État de celui qui n'a commis aucun péché mortel ou qui en a été absous" : Une personne qui n'est en estat de grace puet elle faire chose a la delivrance des ames ? (GERS., Déf., 1400, 234). ...tous estans en estat de grace comme il appartenoit a tous bons crestiens (LA SALE, J.S., 1456, 214).

 

-

[De Dieu] Tenir qqn en sa grace

 

.

En apostrophe : Dieu le tiengne en sa grace ! (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 134).

 

d)

[Plante] Grace de Dieu. "Gratiola officinalis" (FEW) : Et les trois verges coveneront estre lieez ensemble d'un herbe q'omme appelle la grace de Dieux, et celle herbe si crest en fontaigne sicom le cresson. (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 113). Gracia Dei, grace Dieu ; c'est une herbe qui croist es prés, en lieux moites, et a feules qui ressemblent a mirtes, c'est l'arbre qui pourte les mirtilles, mais encoires sont les feules plus gresles et pus estroites (Grant herb. C., c.1450, 116).

 

Rem. FEW : «mfr. nfr. grâce de Dieu (15. jh. - Miege 1677)» ; DEAF : «mfr. grace Dieu f. "plante herbacée médicinale, gratiole (...)" (mil. 15e s.-1553)». Cf. A. Arveiller, Mél. A. Lanly, 1980, 411.

 

3.

- "Cause à laquelle est attribuée une situation favorable" : ...avecque lequel [Aristide] toute la grace s'en ala : c'est a dire, qu'il ne demoura au pays plus nulz biens de sainteté (LA SALE, Sale D., 1451, 261).

 

4.

[À propos d'une chose] Estre de sa grace. "Ne pas dépendre de qqc., être autonme" : Ceste science seule entre les aultres est liberale, car elle est seulment de sa grace et ne vient pas de aultre science (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 107).

B. -

"Pardon, indulgence"

 

1.

"Pardon de pers. à pers."

 

-

[De Dieu, d'un être céleste] : Pourquoy il fait grace et remission plus a aucuns que aux autres entre ceulx de [de] l'umain lignaige qui sont generalment emprisonnez en la chartre de pechié, au moins de pechié originel ? (GERS., Trin., 1402, 163).

 

-

Dame/mere de grace : Il est fait si conme avez dit, Dame de grace. (Mir. mère pape, c.1355, 398). Dame, prie ton filz que plaire Lui vueille m'ame, ou trop iert lasse, Marie, qui mére es de grace Et de concorde sanz ostacle. (Mir. parr., 1356, 31). Souveraine mére de grace, Vostre poissance vertueuse Tresexcellent et precieuse Soit loée, quant par la nue Deignez ça jus estre venue Moy visiter acompagnie De si glorieuse mesnie Par votre benigne plaisir. (Mir. parr., 1356, 57).

 

-

Donner sa grace à qqn. "Pardonner à qqn" : ...vostre grace me soit donnée, et me pardonnez ma folie. (C.N.N., c.1456-1467, 30).

 

-

Requerir grace à qqn : ...ma trehaulte deesse sans per, tant et si treshumblement que je sçay et puis, grace, pardon, marcy et misericorde vous requier. (LA SALE, J.S., 1456, 233).

 

2.

"Remise accordée par l'Église de la peine temporelle due aux péchés"

 

-

[Du pape] Ouvrir les graces : Chils rechut la papalité et fu nommés Urbains li sisimes, et ouvri grasses ensi comme usages est. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 144). Clemens ouvri grasses et fist à tous clers qui avoir les vorrent, et segnefia son nom par tout le monde. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 146). Li papes, li cardinal et toute li cours furent grandement resjoi de la venue dou roi de France (...) et furent graces ouvertes a tous clers qui empetrer voloient. (FROISS., Chron. D., p.1400, 241).

 

3.

DR.

 

a)

"Remise partielle ou totale d'une peine, pardon" : ...des prisons duquel evesque il avoit esté delivré par les graces de la royne. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 88). Tous lesquelz delibererent et furent d'oppinion que, consideré la grace et remission à lui ottroyé par le roy nostre sire, pour raison du hanap d'argent dont dessus est faite mencion (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 188). Et ne sera jà sceu ou prouvé contre lui que aucun autre fait ou crime il ait commis, en quelque maniere que ce soit, que ceulx dessus dis, par lui cogneuz, requerant que de ce ledit lieutenant voulsist de lui avoir pitié et lui extendre sa grace. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 227). ...attendu aussi que aus graces faittes pour cause de la nativité mons. le Dauphin qui à present est, icellui Jehannin, lors estant prisonnier ou Chastellet, et accusé d'avoir mal prins et emblé un mantel dont il avoit esté trouvé saisi, fu par lesdites graces delivré et mis hors de prison (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 498).

 

-

Lettres de grace : ...par lesquelles [lettres] l'en enjognoit auxdiz procureurs de pranre et requerir lettres de grace à plaider par procureur (BAYE, II, 1411-1417, 197). ...que toutes les lettres de grace, de justice, de finance et autres qui desjà ont sorty leur effect et qui ne seroient contraires ou prejudiciables à l'ordonnance de la dicte paix, expediées par la chancelerie de nostre dit filz soient vallables (Doc. Poitou G., t.7, 1419, 342). ...attendu que ledit procès principal estoit contesté et que, après contestacion en la court dudit seneschal de Xaintonge, estoit acoustumé faire eslargissement à tous ceulx qui demandoient l'enterinement de lettres de grace et remission en cas de omicide. (Doc. Poitou G., t.10, 1462, 348).

 

-

Avoir grace. "Être gracié" : Et le roy lui dist qu'il confessast la verité de la querele, et, par adventure, il pourroit bien avoir grace. (ARRAS, c.1392-1393, 64).

 

-

Donner grace et remission à qqn : Pareillement il donna grace et remission à ung nommé Jehan de la Roche, escuyer, de ce qu'il avoit occis ung homme auquel il avoit donné ung cop en la cuisse d'un espée, dont il morut. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 250). Semblablement donna à ung nommé Pierre Favette sa grace et remission de ce que, en cuidant getter une pierre à ung chien, il tua ung enffant. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 250).

 

-

Faire grace à qqn. "Gracier qqn" : Et quant du pere, pour ce que je le voy vieil et fresle, de ma part, sire roy, s'il vous plaist a faire lui grace, je vous en requier, par tant que je raye mon heritaige. (ARRAS, c.1392-1393, 65).

 

-

Faire grace à qqn (de/sur qqc.). "Pardonner qqc. à qqn, ne pas entreprendre de poursuite contre qqn à propos de qqc." : Requise la cause pourquoy elle fu prisonniere oudit Chastellet au temps que la royne vint nouvelment à Paris, dit que ce fu pour ce que elle fu accusée d'une bourse à femme, que l'en disoit que elle avoit vendue en la rue de la Viez-Peleterie, à Paris, et que de ce ladite royne li fist grace et pardon, jà soit ce que elle n'en ait aucunes lettres. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 323). Et autre chose ne plus ne scet de larrecins qu'il ait commises ; et, pour ce, requiert lui estre sur ce faite grace et misericorde par ledit mons. le prevost et conseil, qui presens estoient. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 161). ...et que lui, saichant la venue de la royne faite en la ville de Nogent, se rendi illec prisonnier ; duquel cas, en son joyeux avenement, elle lui fist grace et remission (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 400). Veez cy telle femme, dist il, qui de vous se complaint de force. Est il ainsi ? L'avez vous efforcée ? Gardez que vous diez verité, car, si vous faillez, vous estes mort ; mais si vous dictes vray, on vous fera grace. (C.N.N., c.1456-1467, 160).

 

-

Impetrer graces. "Demander des lettres de rémission" : Princes nommez, ancïens, jouvenciaulx, Impetrez moy graces et royaulx seaulx (VILLON, Poésies diverses T., c.1456-1463, 294).

 

-

Vouloir grace de qqc. "Demander la miséricorde (de qqn) pour qqc., obtenir le pardon de qqn" : ...depuis qu'il [Glaude] commenca a desobeir a monseigneur vostre pere, qui estoit son seigneur naturel et le nostre, nous n'en doubtons ne Dieu ne homme que nul de nous meist sur son corps piece de harnoiz, ne yssist de son hostel pour lui ne pour son fait ; ne ce ne sera sceu ne trouvé ; et s'il est autrement, si nous faictes pugnir selon raison, car nous n'en voulons ja grace, mais droit. Donques, s'il n'y a autre cause que aucuns ait sur nous adevinee par envie ou par haine, je dy que par droit vous ne nous devez vouloir nul mal, nous qui sommes hommes et vrais subgiez et obeissans de nostre droit seigneur naturel Remond de Lusegnen (ARRAS, c.1392-1393, 211).

 

b)

"Action de remettre ou d'assigner un délai pourune obligation" : En touz contraltz de heritaige vendu à grace perpetuelle de rapporter l'argent, a retraict aux lignaigiers du vendeur et aux seigneurs du fié, et y a ventes. Mais en autres grace de I, II, III, IIII, V, VI, VII, VIII et IX ans n'a point de ventes telles graces durans, quant le vendeur ou ses hoirs se recouvrent par vertu desdictes graces. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 293).

C. -

"Action de reconnaître un bienfait reçu, remerciements"

 

1.

Vertu de grace. "Gratitude" : Laquelle vertu de grace ou de regraciacion est une espece de justice contraire au vice de ingratitude. (ORESME, E.A.C., c.1370, 293).

 

2.

"Prière dite après le repas afin de remercier Dieu, les grâces "

 

a)

Les graces : Si ne fait besoing de raccompter maintenant les haulz et grans barrons qui ce soir vindrent veoir le duc en sa ville de Valencines (...). Mes a l'yssue du souper, droit au lever des tables, y vint messire Henry Sasse (...). Droit la a l'yssue des graces se vint ruer a genoux ledit messire Henry devant le duc (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 160).

 

-

Après graces : Atant se taist Remondins, et lors apporta on mès a si grant planté que c'estoit merveilles a regarder. De ce ne vueil tenir long plait. Les nappes furent ostees, et laverent. Après graces print la dame Remondin par la main et le mena rasseoir sur la couche, et chacuns se tray en sus. (ARRAS, c.1392-1393, 30).

 

-

Dire les graces : Après ce que ilz orent disné et que les tables furent levees et graces dictes et que ot servi d'espices, pluseurs s'en alerent armer et monter. (ARRAS, c.1392-1393, 40). Or les avoit semons [les ambassadeurs du duc de Bourgogne] le cardinal d'Avignon, legat en France, pour disner avec ly (...). Dont aprés les graces dictes, commença ledit cardinal les arraisonner (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 42).

 

.

Rendre (les) graces à Dieu : Ce disner se passa. Et quand vint a dire graces, monseigneur se mist en son reng, et madame print son quartier. (C.N.N., c.1456-1467, 281). Après commenda que la table fust ostée, et incontinent graces rendues, appella son beau filz (C.N.N., c.1456-1467, 371). Si fit seoir a sa table et disner aveuc le conte de Dunois et ly ledit de Clugny, lequel, aprés graces rendues a Dieu, prinst congié desdis contes (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 57).

 

b)

Action de graces. "Témoignage de reconnaissance à Dieu" : Et se tele doulceur de devotion nous est donnee, on la doibt recepvoir avec devote action de graces et soy raisonnablement en elle exercer (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 161).

 

c)

Sacre de graces. "Cérémonie de remerciements" : Et pour ce, les bons font prestement le sacre de graces afin que retribucion soit faite. (ORESME, E.A., c.1370, 293). Sacre de graces, c'est rendre graces et remercier ceuls de qui l'en a receü bien. Et est appellé sacre pour ce que l'en y parle aucunes fois de choses saintes comme en disant, "Dieux le vous rende," ou ainsi. (ORESME, E.A.C., c.1370, 293).

 

3.

Donner/rendre graces (à Dieu, à qqn) (de qqc.). "Remercier (Dieu, qqn) pour qqc." : Et doit l'en rendre graces a ceulz qui treuvent de nouvel aucunes bonnes choses. (ORESME, C.M., c.1377, 408). La les receupt la royne Hermine moult liement et conjoy moult le roy son mari et Guyon son frere et le maistre de Rodes et tous les barons. Et rendy graces a Nostre Seigneur Jhesucrist de la victoire qu'il leur avoit donnee. (ARRAS, c.1392-1393, 140). Mais de ses biens et de ses graces La doy louer et rendre graces (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 26). Je demande dont quelle grace lui devons nous rendre pour sa justice (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 221). Je doy bien donner et rendre graces infinies a madame Fortune, qui aujourd'huy me donne tant d'eur (C.N.N., c.1456-1467, 574). Or ça, mon vray amy, je vous rends telles graces et remercie comme je puis du grand honneur et bien que m'avez faiz (C.N.N., c.1456-1467, 578).

 

-

[Sentence] Celui n'est pas digne qu'on lui donne qui ne sait rendre grace des choses à lui donnees : Cellui n'est pas digne que on lui donne qui ne scet rendre grace des choses a lui donnees. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 162).

D. -

[Calque de lat. causa (à l'ablatif) "pour l'amour de, à cause de, en vue de"]

 

-

Pour grace d'exemple. "Par exemple" : Et pour declairer ce que m'en samble, je di que aucunes choses sont d'une espece tres especiale, si comme touz honmes ou touz buefz et telles choses ; mais, quant a propos, autres choses sont d'une espece presque tres especial et toutevoiez, elles sont de diverses especes tres especialz, si comme pour grace de exemple sont les pommes dont les unes sont de Pepin et les autres de Blancdurel ou d'autre complant (ORESME, C.M., c.1377, 460). [Cf. lat. exempli gratia]

 

-

Pour grace de qqc. "En vue de qqc." : Et est pour grace et a fin d'avoir honeur et de eviter reprouvier et laidure. (ORESME, E.A., c.1370, 211). Item, il fait teles choses non pas pour grace de bien ne pour bonne fin, mais pour monstrer et magnifester ou magnifier des richesces. (ORESME, E.A., c.1370, 247). ...ce est assavoir homme et femme, masle et femele qui sunt combinees ensemble pour grace et afin de generation. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 46). Et cité est pour grace de ceste fin (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 132).

II. -

"Agrément" : Du second dist Plin ou proheme de son livre de l'Ystoire naturele : "Ch'est chose haulte de donner aux choses anchiennes nouvellité, aux choses nouvelles auctorité, aux choses soullies blancheur, aux choses obscures lumiere, aux choses annuieusses grace, aux choses doubteusses foy". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 135). On list ou III° chappittre des Proverbes : "Garde la loy et le conseil des saiges et ce te sera vie pour ton ame et grace en tes levres." (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 268).

 

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"Charme, élégance" : Et encor des biens de nature Avoit la noble creature Gente maniere, loiauté, Faitis port, debonnaireté, Grace, douceur et courtoisie, Dont elle estoit moult embelie. (MACH., J. R. Nav., 1349, 182). Dame, de moy tres loiaument amée, Sans repentir, de cuer et de voloir, Vo grant bonté, vo biauté fassonnée, Vo noble corps, vo grace et vo savoir Aveuc amours font que, sans decevoir, Je suis vos sers, comment qu'il m'en aveingne. (MACH., L. dames, 1377, 104). Biauté parfaite et bonté souvereinne, Grace sans per et douçour esmerée Me font languir en contrée lonteinne En desirant ma dame desirée. (MACH., L. dames, 1377, 132).

 

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"Ensemble de qualités, à la fois physiques et morales" : Dame, de grace pleinne, Mais vo haute valour, Vo bonté souvereinne Et vo fine douçour En vostre dous demeinne M'ont si mis que m'amour, Sans pensée vilainne, Meint en vous que j'aour, Comment qu'à moy lonteinne Soiez, dame d'onnour. (MACH., Ch. bal., 1377, 586). Aveuc ce vous est donnée Si tres noble destinée Qu'il n'est, sans doubtance, Grace, tant soit affinée, Qui devant vous ait durée, Qu'en vostre presence Biauté laidist et s'oscure, Maniere n'i a mesure, Douceur samble amere et sure -- Ja n'iert tant loée -- Joie y pert envoiseüre Et, à regarder droiture, Tout samble ouevre de rasture Qui soit empruntée. (MACH., Ch. bal., 1377, 604).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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