C.N.R.S.
 
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     GAGE     
FEW XVII 441 *waddi
GAGE, subst. masc.
[T-L : gage ; GDC : gage ; DEAF, G25 gage ; AND : gage1 ; DÉCT : gage ; FEW XVII, 441 : *waddi ; TLF : IX, 10b : gage]

A. -

"Garantie"

 

1.

Au propre "Ce qu'on met ou laisse en dépôt, comme garantie d'une dette, du respect d'un accord, de l'exécution de qqc." : Car se un rent a l'autre son gaige ou son depost, non pas de volenté mais pour paour, l'en ne doit pas dire que il face juste operacion fors tant seulement par accident. (ORESME, E.A., c.1370, 307). ...j'ay gages es mains Des Juifs, et se hui ne sont rains, Ils sont miens perduz vraiement. (Mir. march. juif, c.1377, 188). ...sui tout apresté De toy prester assez avoir, Mais que j'en puisse plaige avoir Ou gage, amis. (Mir. march. juif, c.1377, 190). ...il est de coustume à Dijon que, se aucun congnoist par devant le maieur, ou son lieutenant, aucune debte et il demandoit sept nuys de dilacion, il les aura ; et, les VII nuys passées, lui, qui a promis à faire satisfacion, baillera gage ; et cellui à qui il seront bailliéz les pourra vendre au plus prochain marchié après les VII nuys, s'il veult. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 145). Et se li debteres li resqueust yceux gaies [sic], et il soit sceu que li sievans ait moustré le rescousse, li rescoueres doit estre à soissante lb. au pourfit du seigneur, dont eschevins ont cinc s. (Hist. dr. munic. E., t.2, 1334, 87). L'office doncques de cestui preudomme auctorisee de la royale mageste sera de prester ladicte monnoye aux pauvres gens de sa dyocese ou de sa chastellenie qui sero[n]t en grant neccessite, et sus bon gaige ; c'est assavoir qui(l) vaille plus que l'argent qu'il[z] recoivront. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 287). ...une houpelande que Robin Vasselin, sergent à verge, avoit prinse pour et en nom de gaige (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 354). Item, à un Juif semblablement fist droit d'un tort et extorsion, que un crestien lui avoit faitte, et fu de lui avoir baillié un faulz gage pour bon (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 61). Mais ainsi que il et son executeur les contraingnoient et justicoient, ilz rescouirent leurs namps et gaiges a cry de haro (Chancell. Henri VI, L., t.2, 1428, 88). ...en faisant paction que [se] dedans certain temps on ne le rachecte, que le gaige sera au marchant (JUV. URS., T. rever., 1433, 78). Gaige est une chose meuble baillée du debteur à son crediteur en seureté de la chose prestée. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 411). TOUTLIFFAULT. Gallans, vous querez advantaige, Je le voy bien a voz mynois. TROISIESME LARRON. Gaigné n'avons argent ne gaige Ne chose qui vaille une noix. (LA VIGNE, S.M., 1496, 265).

 

-

Gage mort. "Produits fournis par un bien mis en gage et perçus par la personne qui a reçu ce gage, sans qu'il les déduise de la somme due" : ...et est à dire gaige mort quant le presteur prent et perceit les fruiz de la chose à lui engaigée, et non pas en rabbat de la somme baillée ; si comme aucun baille son heritaige à autre en gaige pour dix livres, tout ce que le presteur prent et perceit de la revenue dudit heritaige et n'est en rabat de ladicte somme de dix livres est repputé pour usure. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 218).

 

-

Gage plege

 

.

[En cas de conflit de possession] "Procédure mettant en séquestre et en main de justice un bien litigieux, pendant le temps d'un procès" : ...ce qu'il ne povoient ne devoient faire, si comme il disoit, à cause de ce eust esté prins et levé de la partie dudit de Laval un gaige plège pendent ès assises d'Arques (Cartul. Laval B., t.2, 1394, 343).

 

.

"Droit du seigneur d'obliger un vassal qui n'est pas demeurant sur son fief et n'en a pas payé les rentes, de donner un garant qui demeure sur son fief et qui s'oblige de les payer" : De nobles personnes, Fouques de Campront, escuier et damoiselle Katherine son espouse, seignours et dame de la Mare et du Mesnil Saint-Jehan, à cause de ladite damoiselle, auxquielx lieux ilz tiennent franchement et noblement à simple gaige-pleige, court et usage (Cartul. Hôtel-Dieu Cout. L., 1478, 323).

 

Rem. Cf. Fr. Ragueau, E. de Laurière, Gloss du dr. fr., 1969 [1704], 259.

 

-

Avoir qqc. en gage. "Avoir qqc. en sa possession à titre de garantie" : ... sauf tant que celui marchant qui a eu le cheval noir lui doit encor XXXV s., dont icellui corratier est respondant, moyennant un peliçon de connins qu'il a de lui en gaige. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 379).

 

-

Bailler qqc. en gage. "Remettre qqc. à titre de garantie" : ...icellui son mari li dist que par ledit de Frainville li avoit esté baillée en gage de cinq frans qu'il lui avoit prestez une sainture d'argent par sondit mari vendue à Jehan Pigart, orfevre, et que icellui prisonnier avoit promis à sondit mari venir racheter icelle sainture (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 477).

 

-

Bailler qqn en gage. " Livrer qqn comme otage" : Li roys (...) Demestrien, son filz, en gage Couvient qu'il baille, pour ostage (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 237).

 

-

Ne croire que sur gage. "Ne croire (ou ne prêter) que moyennant une garantie" : Mais il sont pluseurs gens en che siecle regnant, Qui ne croient en Dieu, le pere roy amant, Se che n'est sus bon gaige qu'avoir voelent devant (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 125). ...Car nulz ne doit estre tenuz pour sage Qui femme croit se ce n'est sur bon gage. (MACH., App., 1377, 641). Maistre, je vous diray ung point, Certes bien devés estre aise, Car je viendz de la terre d'Aise Et de la terre de Europpe Ou je faix faire a Dieu la loppe, Et ausy les Juïfz d'Auffricque Joueront de ly a la clicque, Il ne le croie que sur bon guaige. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 150).

 

-

Laisser qqc. en gage. "Laisser qqc. à titre de garantie" : ...en passant parmi la ville de Saint-Vincent de Loroir, à IIIJ lieues dudit lieu de Tours, pour ce que alors ilz n'avoient de quoy païer leur escot et ce qu'ilz avoient despendu, ledit Paradis laissa en gaige de dix soulz icelles deux tasses (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 268). Or parle SEINT JAM. Quar suis echapé, bien me vet, Mieulx me vaut que je aye leycer Mon mantel en gage, Que se j'euse leyssé l'arme. (Pass. Autun Roman F., c.1400-1500, 185). [Réf. à Marc 14, 51-52]

 

-

Lever gage de qqn. "Prendre caution d'un débiteur" : ...Jehans Parens, connestables des tainteriers, fist lever wage de Ghillain Seuwart et de Hanin Jehan, de Hemin, dit Faroul, tainteriers de Wede, por paiier leur part des frais con fist en le voie de Hartaing et de Deneng (Drap. Valenc. E., 1363, 32).

 

-

Mettre qqc. en gage. "Remettre qqc. à titre de garantie" : ...pour lequel cens et amande, se elle y escherroit, bien vendre et payer, si comme dit est, lidis conjoints vendeurs obligarent et mirent en waige envers ledit chapitre le dessus dite maison et pourpris (Trés. Reth. S.L., t.2, 1346, 72). Se je devoie mettre en gage Ma terre toute, treschier sire, Si feray je sanz contredire Ce que dites. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 33). Et requeroit ledit sire Hemon que certains joyeaux (...) qui avoient esté miz en gage par maistre Jehan Salant audit sire Hemon, pour la somme de CCCC escus fussent vendus (BAYE, I, 1400-1410, 55). ...pour ossi le fret de warder en prison à le perche par 3 jours et 3 nuis le dit Jaquemon Quadebouche, pour cause de che que il estoit coustumiers de mettre en wagez as uzures l'ouvrage que il avoit des boines gens (Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3, 1364-1365, 33). ...et les paternostres d'argent, qu'il mist aussi à Paris en gaige sur un autre Juif duquel il ne scet le nom (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 33). Lesquelz [vestemens] biens ainsi par eulx prins ilz mirent partie en gaignes sur aucuns marchans lombars demourans en ladite ville d'Avignon. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 249).

 

-

Prendre gage en/sur qqc. "Prendre qqc. comme caution" : ...et en saisine et possession de gaigier et prendre gaiges en la dite maison et vendre ou faire vendre a leur proufit toutes fois que aucuns arreraiges de leur dite rente ou crois de cens leur en estoient deuz (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1339, 81). ...de gaigier et prendre gaiges en et sur la dite maison toutes foiz et quantes foiz que ycelle avoit esté et estoit trouvee ouverte et garnie souffisamment de biens exploittables (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1354, 196).

 

-

Prester sur gages. "Prêter (de l'argent) moyennant un bien laissé à titre de garantie" : Et, pour ce, cuidant bien faire (...) lui qui parle, non ayant cognoissance aucune à personne demourant à Paris qui sur ledit gaige lui volsist prester aucun argent, saichant que les juifs prestoient sur gaiges, ala en la rue des Juifs ... (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 132). ...la maniere des marchans est enclinee a grant gaigne ou a faire quelque chose deshonneste ; comme a prester a usure en plusieurs et diverses manieres, en prestant aucunement sur gaige en faisant paction que [se] dedans certain temps on ne le rachecte, que le gaige sera au marchant (JUV. URS., T. rever., 1433, 78).

 

-

Prester sans gage : On scet comment cil Lombart ont a nom, Et sil qui preste sanz guaje il aprent Que mais payeur ont de jour, veuille ou non, A l'andemain [du jour du jugement]. (Recueil galant. V.-B., c.1350-1400, 97).

 

2.

[P. métaph. ou dans un cont. métaph. à propos du coeur, de l'âme...] : Avec mon cuer y ha bon gage, Car mes corps en est en ostage, Qui jamais jour ne cessera Jusques atant que fais sera. (MACH., F. am., c.1361, 144). Il laist son cuer navré d'amoureus dart Qui demeure gage de revenir (MACH., L. dames, 1377, 195). ...ceux qui estoint avec Sathan Astaroth et Levïatan Qui ont laissé perdre ung gage [en laissant baptiser le païen Genis que le diable considérait comme promis à la damnation] (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 76).

 

-

Donner le gage du Saint Esprit. "Donner le Saint Esprit comme garantie" : Item les parfais rechoivent le Saint Esperit pour le saintefier et justifier, comme dist l'apostle en l'epistle aux Rommains : "Qui nous a donné le gage du Saint Esperit." (Somme abr. M., I, c.1477-1481, 31).

 

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Laissier qqc. en gage. "Abandonner qqc. (comme preuve de sa fidélité)" : Sans nul sejour Et loyaument, belle, vous ameray Et mon vray cuer en gage vous lairay. (MACH., Compl., 1340-1377, 258).

 

-

Retenir qqc. en gage : ...Mais d'un regart me reparti Si vray et d'un si dous langage, Qu'elle retint mon cuer en gage. (MACH., R. Fort., c.1341, 150).

 

-

Tendre son gage. "Promettre" : J'ameroye mieulx moy desdire Qu'estre haï pour fol langage. Dieux le scet et j'en tens mon gage, Qu'envers femmes je n'ay haïne Ne rien n'en di par attaïne, Fors pour mon propos coulourer. (LE FÈVRE, Lament. Math. V.H., c.1380, 85). [cf. G. Hasenohr, M.fr. 14-15, 1984, 258]

B. -

P. anal. "Pari" : "...voulez faire un gage a moy ? - Oy vraiement, dit il, quel sera il ? - Je gageray a vous, s'il vous plaist, pour une demye douzaine de bien fines chemises encontre le satin d'une cotte simple, que nous vous bouterons bien dedans..." [Dans un coffre] (C.N.N., c.1456-1467, 184). Encore fut il bien si sot Qu'il alla dire a Guillemin, A petit Jehan et Phelipot, Et y mist gaige avant la main ["à l'avance"]. Il monte ; j'entendy le train, Je saulx et quis mon advantaige. L'ung leve le botheau de faing - Povre Charlot perdit son gaige ! (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 295).

C. -

En partic. "Gant ou tout autre objet personnel dont l'envoi constitue la garantie que l'on appelle à un combat singulier (à l'origine l'adversaire, en signe d'acceptation, ramasse le gant) ; le combat même"

 

1.

Au propre : Sire, sire, vezci mon gage ; J'en demande champ de bataille Encontre li (Mir. Amis, c.1365, 27). ...Devant tous, et en audience, Et dist qu'il s'en voloit combatre à IJ. ou à IIJ. ou à quatre, En IIIJ. jours l'un apres l'autre, Teste armée et lance seur fautre. Et seur cela bailla son gage Au roy, devant tout le barnage, Qu'autre prueve n'i trouveroit, N'autrement ne le prouveroit. (MACH., P. Alex., p.1369, 251). Mais contre li baille mon gage, Present tout ce noble barnage, Et l'appelle de traison (Mir. Oton, c.1370, 376). J'ay mieulx gardé de mon costé Que vous et de meilleur party. Et qui m'en donra charge aussi, Je l'appelle en champ, vela gaige. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 843). Nous entrerons en ceste matière par demander que c'est de gaige de bataille. A ce je respons (...) que c'est ung offensé qui requiert son offenseur (...) et vient demander droit devant le juge, et gecte son gaige d'ung gand ou chapperon. Lequel gaige doyt estre caucionné, par pleiges souffisans, de comparoir au jour qui sera ordonné au demandeur, pour fournir sa bataille ; et si le deffendant lieve le gaige, il se fera semblablement caucionner de comparoir au jour. (LA MARCHE, Avis gage bat. P., c.1494, 23).

 

-

Gage de bataille. "Objet que l'on jette à terre pour engager un adversaire au combat singulier" : Je ly ay tout nyé le fait ; Mais du prouver si fort se fait Qu'il y a gage de bataille (Mir. Amis, c.1365, 33). Cedit jour, à matin et après disner, a esté plaidoiée une cause de gage de bataille sur la mort de feu messire Bernard de Castelbayart, chevalier, entre messire Bertran de Terride, d'une part, et le sr de Castelbayart, nepveu du feu de Castelbayart. (BAYE, I, 1400-1410, 140). ...le duc de Bedford, regent, fist assembler en la sale sur Saine ou Palais les prelas, baillis et autres du Conseil du Roy, pour veoir et oïr discuter la matiere du gage de bataille dont avoient esté paroles entre le duc de Bourgongne, d'une part, et le duc de Glocestre, d'autre part. (FAUQ., II, 1421-1430, 185). Et de ceste question fut un grant debat entre le Saint Pere pape Urbain, Ve en celli nom, et le bon roy Jehan de France de un gaige de bataille que il tint de deux chevaliers (LA SALE, J.S., 1456, 31). Gaige de bataille ne peut estre entre deux keurfreres, se tous deux ne s'i consentent, mais sera de leurs differens jugié par les keuriers. (Hist. dr. munic. E., t.1, 1469,,, 251). Voyla le gaige de bataille, Qui est jolis, plaisant et beau ; Vous leur porterez, comment qu'il aille ; Fait faire l'avons tout nouveau. Vous voyez c'est ung rossigneau Qui tout melodieusement chante. Presenter leur ce bel joyau ; La chose si est belle et gente. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 308). Et pour ce que le gaige est jecte et caucionné, on l'appelle gaige de bataille, c'est-à-dire que ce gaige doibt estre racheté par la bataille tant de l'appellant que du deffendeur. (LA MARCHE, Avis gage bat. P., c.1494, 23). ...et qu'il avoit dit en plain Parlement que l'on ne povoit justement fere tel jugement, sans sçaver que vauldroit dire le bon roy Richard, pour ceste cause fut il mis en prison de ce pas à Saint Alban et ses biens qu'il avoit furent pillez, et furent audit Parlement gectez plus de XL gages de batailles. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 149 r°).

 

-

Gant du gage : ...le mareschal, par nostre ordonnance, yra vers le millieu du champ, qui portera le gant du gaige en sa main. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 221).

 

2.

P. ext.

 

a)

"Engagement à combattre convenu entre deux personnes pour vider un désaccord, une querelle" : ...Au neant le gage metez, Et que forment vous repentez De ce que tant en avez fait, Et pardon querez dou meffait. Et vueil que vous li amendez à genous, et plus n'atendez... (MACH., P. Alex., p.1369, 242). ...fu dit par le jugement de quatre chevaliers (...) que gaige y chéoit. Et pour ce, furent mises par escript les paroles dudit gaige, en une cédule signée de la main dudit bailli. (Ch. VI, D., t.2, 1388, 133). La secunde cause est que le cas soit tel que mort naturelle s'en doye ensuir, excepté cas de larrecin, a quoy gaige ne chiet point (LA SALE, J.S., 1456, 32).

 

-

Gage mortel./gage de mort. "Défi mortel" : ...un champ de bataille en Valencines par manière de gage mortel entre deux compagnons vallets (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 38). ...car sambleroit choses estrange à maintes nations que deux vallets (...) dussent combattre en gage de mort (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 38).

 

-

Appeler qqn à/de/en gage (de bataille). "Appeler qqn en champ clos" : Si li dist moult courtoisement : "Perceval, vous savez comment Florimons de gage m'apelle, Qui est mervilleuse nouvelle Et pleinne de moult grant desroy, C'uns chevaliers appelle un roy..." (MACH., P. Alex., p.1369, 234). Vous li avez escript paroles Qui sont rudes, nices et foles, Et mauvaisement contruvées, Que mar fussent elles pensées. Vous l'avez appellé de gage, Sans nulle cause, par outrage ; Si que vous vous en desdirez, Et devant chascun li direz Qu'il est preudons, justes, loiaus, Et qu'onques ne fu desloiaus... (MACH., P. Alex., p.1369, 242). Il prist lettres de no saint pere, Ad fin qu'à tous jours mais appere Qu'il estoit purs et innocens, Et li autres avoit po scens Et tort, qui appellet l'avoit De gage, chascuns le savoit. (MACH., P. Alex., p.1369, 245). Et ne doit on souffrir, (...) que nulles personnes, quelles que elles soient, puissent, par lesdites années, appeller de gaige de bataille, ne fourmer champ de bataille contre lesdis marchans (Trés. Reth. S.L., t.2, 1378, 255). ...là où il apperra evidemment homicide ou autre grief malefice, du quel peine de mort se devroit ensuir, estre fait, excepté le crime de larrecin, soit que ce a esté fait en traïson ou en repost, si que cellui qui l'auroit fait ne peust estre convaincuz par tesmoins ou en autre maniere souffisante, nous voulons que, en default d'autre prouve, l'en puisse cellui ou ceulx qui par indices ou presumpcions vraysemblables seroient de telx cas et faiz soupeçonnéz appeller à gaige de bataille (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 300). ...respondit que ce n'estoit pas cas appartenant, ni à consentir à nul prince, qu'un chevalier d'honneur (...) dust combattre un meurdrier, ni que un meurdrier dust trouver tel support, ni faveur que pour appeler un autre net homme en gage, ains le devroit-on, cy pris, là pendu, faire combattre au gibet (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 459).

 

.

Appellant de gage. "Celui qui provoque un combat judiciaire" : Ou si le demandeur ou appellant de gage se depart ou desiste, il n'y a amande que de soixante solz, mais ondit cas que l'accuseur ou appellant de gage se depart sans consentement du deffendeur... (Vieux cout. Poitou F., c.1451-1454, 255).

 

-

Demeurer pour les gages. "Subir un dommage, être pris, maltraité" ( (HUG.)) : François estoient X contre ung Et pensions entre nous Anglois Morir tous ensemble en commeung Par les mains des tristres François. Et disent tous a une vois Que pour nous n'estions pour leurs pages ; Mes eulx tous, ducz, contes et roys, Y demeurerent pour les gaiges (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 572). Je suis vendu, se je ne cloche, Et pour les gages demouré. (Prisonn. desconf. C., c.1488-1489, 5).

 

Rem. Cf. DEAF G, 26 : laissier (le) gage "faire une perte, y perdre".

 

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Donner gage : Et ceulz qui donnent gaige pour a oultrance en champ de bataille combatre sus aucune querelle soit droit ou tort, je te promet, sont en ce cas par moy deceuz, car vers Dieux mesprennent et pechent grandement (CHR. PIZ., Avision R.D., 1405, 85).

 

-

Entrer en gage contre qqn. "Livrer contre qqn un combat judiciaire" : ...ledit accusant se presenta à entrer en gage contre lui et de le combattre sur ceste querelle (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 459).

 

-

Faire le gage. "Relever le défi" : AMILLE. Sire, ordonnez donc que li gages Se face cy presentement De nous deux sanz delaiement. (Mir. Amis, c.1365, 29). AMIS. (...) Pour vous iray faire le gage. N'est homme nul, tant ait science, Qui sache mettre difference De moy a vous. (Mir. Amis, c.1365, 34).

 

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Garder les gages. "Ne pas déclarer bataille" : Par Appolin qui fit la nue, Mieulx vous valust garder vos gaigez. (Pac. Job M., c.1448-1478, 268). Quoy qu'i soit de guerre ou tempeste, Je suis contant, pour tous potaiges, Seulement de garder les gaiges Et regarder le jeu de loing (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 352).

 

-

Jeter son/les gage(s). "Provoquer un combat judiciaire" : ...se aucune des parties se departoit de nostre court apprès les gaiges gettez et receuz, sans nostre congiet, icellui partant voullons et ordonnons qu'il soit tenu et prononcié pour recreant et convaincu (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 212). ...et gecte son gaige se il sent qu'il ait bon droit. (Traité hérald. H.G., c.1435-1450, 493). ...et le congé obtenu, jetteroit son gage devant le roy, disant que s'il y avoit homme au royaume de France qui voulsist charger son pere... (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 432). ...et vient demander droit devant le juge, et gecte son gaige d'ung gand ou chapperon. (LA MARCHE, Avis gage bat. P., c.1494, 23).

 

-

[Dans un cont. métaph.] Laisser son gage. "Déclarer la bataille" : [Satan à Lucifer.] Il n'y a ville ny cité Ou je n'aye bien visité, Chasteau ny ville ny villaige Ou je n'aye lessé mon gaige. Tout le pahyz ay conquesté. (Pac. Job M., c.1448-1478, 224).

 

-

Lever le gage. "Relever le défi" : LE MARESCHAL. (...) Vous ne sauriez cest oultraige Reparer, mes vez la mon gaige Que je gecte en cestuy lieu (...). LE TIERS ARMÉ. Puisqu'ainssi est, je suis d'acort Et le leve pour m'escuser. Point ne me veulx gabuser De dire que c'est traïson ; Je le leve o condicion D'avoir bon droit, mes sans doubtance Nous deulx combatrons a oultrance (Pac. Job M., c.1448-1478, 298). Sy fut levé le gage et les deux personnes furent mises en arrest et en main de justice pour decider au droit de chascun. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 42). ...et si le deffendant lieve le gaige, il se fera semblablement caucionner de comparoir au jour. (LA MARCHE, Avis gage bat. P., c.1494, 23).

 

-

Prendre le gage. "Relever le défi" : Adonc fut Malaquin de tous poins esbahis, Il a livré son gaige, et le bastart l'a pris. (Tristan Nant. S., c.1350, 568).

 

b)

"Engagement du mariage (jeu sur la polysémie "engagement" et "bataille")" : ...or est cilz plus meschans Qui entre avec femme en ce gaige, Car l'en voit bien un mariaige Durer souvent .XXX. ans et plus. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 21). En mal an est cellui entré Qui se veult mettre en tel servage, Et qui ne scet pas en ce gage Qui vaincra ou sera vaincus ! (DESCH., M.M., c.1385-1403, 24). Remission ne s'en puet faire, Ne tel gaige ne puet deffaire Juges mortelz que Dieu conjoindre A voulu : homs ne puet desjoindre, Car c'est escripture divine. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 22).

D. -

P. méton. au plur.

 

1.

"Somme payée pour un service à la suite d'un engagement ; solde, salaire, appointements" : LE FIL COME FOL. (...) La sailloient les povres gages D'un asne qui n'ot que menger (Mir. parr., 1356, 15). ...et peut icelui sergent fere tous exploix que sergent à gaigez peult fere en ladicte forest sans avoir aucuns gaiges du roy. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 49). ...ledit d'Aigny se disoit avoir lettres, par lesquelles le Roy lui donnoit les gages de clerc de la Chambre des Comptes que tenoit maistre Raoul Witart (BAYE, I, 1400-1410, 23). ...en la chambre de ses comptes Ot (...) Cardinaulx et papes avecques, Qui la leurs gages desservoient (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 65). Ce jour, la Court a ordonné et consenti que maistre Jehan Rommain, conseillier de Parlement, puist prendre et avoir ses gaiges de conseillier sans venir ceans, durant sa maladie. (FAUQ., I, 1417-1420, 300). ...la somme de trois mille escuz, de 40 gros vielle monnoye de Flandres chascun escu, en deniers payez à monseigneur de Courtivron, chancellier de mondit seigneur le duc, sur ce que par mondit seigneur lui peut et pourra estre deu à cause de ses gaiges ou pensions qu'il prent de lui (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1419, 13). ...ces choses considerees et que pour lesdictes charges ne pourroient vacquer a faire leurdit office et servir ladicte eglise esdictes heures et que aussi leurs gaiges sont tres petiz (...) il nous plaise lesdiz deux bastonniers affranchir et exempter de ce que dit est... (ODART MORCHESNE, Formulaire G.L., a.1427, 397). ...aura ledit receveur ung autre livre ou papier, ouquel escripra toute la despense du grant voiage qui se fera en la dicte montaigne de Pampalieu, tant en gaiges et salaires de maistres niveleurs, apoieurs, ouvriers, maneuvres, prisfaiz, despences de bouche, bois, charbon, fer, acier et autres choses nécessaires oudit voiage. (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 351).

 

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Estre aux gages et service de qqn : ...comme aussi l'Istoire de Alexandre que de Ptholomeus, ne discordent en riens ad ce qu'il dit et, j'ay qui parle, ay oy dire à plusieurs estans aux gaiges et service du bon roi Regné, roy de Sicille et duc d'Anjou, que chacun an aloient en très loingtain pays par mer et par terre, qu'il fut très veritable et sage. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 133 v°).

 

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Estre payé à gages menagiers. "Être payé en restant chez soi mais prêt à intervenir en cas de besoin" : Or vous voyez les choses qui se dressoient pour courir sus audict duc, lequel en fut adverty, et mist sus ung grant nombre de gens payéz à gaiges mesnaigiers, ainsi l'appelloit-on. C'estoit quelque peu de chose qu'ilz avoient pour se tenir prestz en leurs maisons. (COMM., I, 1489-1491, 176).

 

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Casser qqn des gages./Casser qqn aux gages. "Priver qqn d'un emploi appointé, le chasser" : Li roys li deffendi l'entrée, Et dist que ja n'i entreroit Avec li, einsois demorroit, Car des gages estoit quassez, Et s'avoit gens d'armes assez. (MACH., P. Alex., p.1369, 225).

 

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[Dans un cont. métaph.] : Portant harnoys rouillé de Nonchaloir, Sus monture foulee de Foiblesse, Mal abillé de Desireus Vouloir, On m'a croizé ["rayé d'une croix de la liste"](,) aux montres de Liesse, Comme cassé des gaiges de Jeunesse. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 168). Acquitté me suis, comme doy, Il a ja plusieurs ans passés, Sans avoir mez gagez cassés. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 407). Et cil ne seroit pas cassé Aux gaiges de Haulte Noblesse Qui averoit en son temps passé L'examen de haulte prouesse. (TAILLEV., Songe thois. D., 1431, 70).

 

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Payer qqn de ses gages. "Le récompenser". : En ceste meisme saison, avint que cilz chevaliers messires Brokars de Fenestrages, qui avoit estet de l'ayde le duch de Normendie et des François encontre les Englès et les Navarois (...) avoit esté mauvaisement paiiés de ses gages (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 184). ...ils seront bien paié de leurs gages, car ils en auront le royaume du Ciel (MÉZIÈRES, Epistre lamentable C.P., 1397, 195).

 

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[P. antiphr.] : Vous n'avés pas esté coart, Fau cornart, De dire vous fellons oultrages. Se Mahom me gart, Poyés en serés de vou gages (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 194). Il est maintenant bien payé (...) De ses gages n'est pas donc sire (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 90).

 

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Retenir qqn à gages. "Payer qqn pour ses services" : Et l'esperance que ledit bon roy de sa promesse lui avoit donnee d'asseoir pour lui et ses hoirs cinq cens livrees de terre et assez d'autres biens, dont la faulte du ramentevoir au bon roy et la mort qui trop tost vint ne souffry ladicte promesse sortir son effait, non obstant que des princes gouverneurs fu retenu a gaiges malement amendris et mal paiez. (CHR. PIZ., Avision R.D., 1405, 99).

 

2.

En partic. "Somme payée en échange d'un service militaire" : ...gaiges d'officiers selon leur taxation et le temps qu'ils auront servi (Clos galées Rouen M.-C., t.2, 1369, 154). ..il est expedient que, (...) ses gaiges du chevetaine soient ordonnez pour son estat maintenir, et gouverner les gens d'armes de sa charge (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 403). La compaignie de gens d'armes et arbalestriers que nostre mareschal de Sancerre y a continuelment tenue et encores tient à noz gaiges. (Ch. VI, D., t.1, 1387, 84). ...connestables d'arbalestriers et gens de traict à gaiges en nostre service (Ch. VI, D., t.2, 1420, 83). ...et a l'amender envers nous du quadruple par retenue sur ses gaiges et, se ilz ne souffisent, par arrest et explectacion de ses autres biens exploittables (Chron. Mt-St-Mich. L., t.1, Pièces div., 1425, 228). ...considerans la grant chierté de tous vivres qui est a present et l'affoiblissement et empirence des monnoyes, par quoy lesdictes gens d'armes, portiers, canonnier, artilleur ne pourroient pas vivre des gaiges anciens et ordinaires, voulons et ordonnons par ces presentes que... (ODART MORCHESNE, Formulaire G.L., a.1427, 351). Sy sceut certainement que il avoit en son ost IIIIm Galz qui avoient ordonné enssemble de eulx en aller devers le consulle de Romme, Octalius, pour ce que de leurs gaiges n'estoient pas bien paiez. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 60).

 

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Avoir qqn à gages : Mes as despenses du pueple ; car il convient que le tirant ait tousjours gens d'armes estranges a gages. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 245).

 

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Aux gages et soldees de qqn. "En étant rétribué par le chef de guerre au service duquel est tel combattant" : ...bien est vray que (...) vindrent au service dudit roy et a ses gaiges et souldees, a ladicte recouvrance de Normandie, pluseurs chevaliers et escuiers et aultres subgéz du roy, tant des pays de Picardie que d'ailleurs (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 199).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Hiltrud Gerner

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