C.N.R.S.
 
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FEW III 479a ferus
FIER, adj.
[T-L : fier ; GD : fier2 ; GDC : fier2 ; AND : fer2 ; DÉCT : fier ; FEW III, 479a : ferus ; TLF : VIII, 846a : fier2]

A. -

[D'une chose ; valeur négative]

 

1.

[D'une chose, d'un lieu] "Sauvage" : [Polyphème à Galatée] Si vendroies o moi manoir En la cave ou j'ai mon manoir, Assise el pendant d'une roche En un grant mont qui pas ne hoche, Tant est le lieu et fier et fort ; Tant qu'on n'i puet trouver effort De soleil tant comme esté dure, Ne ne crient en yver froidure. (MACH., Voir, 1364, 634). Et [Remondin] chevaucha tant que la nuit le prist et que il fu myenuit. Et arriva sur une fontaine nommee la Fontaine de Soif, et aucuns la nommerent la Fontaine Faee, pour ce que mainte aventure y est avenue du temps passé et avenoit de jour en jour. Et estoit la fontaine en un fier et merveilleux desrubaux, et avoit grans rochiers au dessus et belle praierie au long de la valee, oultre la haulte forest. (ARRAS, c.1392-1393, 23). ...une riviere De pierres, fort courant et fiere ["impétueuse"] (GARIN, Compl., 1460, 126).

 

2.

"Dont la sensation est dure à supporter, qui est rude"

 

a)

[Du vent, du temps qu'il fait, de la saison...] "Rude" : ...une grant tempeste et tonnoirre se leva, que le vent d'aquillon amena, qui fu si fort, si fier et si froit que la belle dame (...) se trova toute admortie, flaistrie et comme toute angelee (MÉZIÈRES, Epistre lamentable C.P., 1397, 226). ...l'iver est trop fiers. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 351).

 

b)

[D'une chose qui pique] : Cueillir fleurs sur les espines Fait delaissier les racines, Car les pointures sont fieres Et aspres en leurs manieres (MICHAULT, Procès honn. F., p.1461, 84).

 

c)

[D'une boisson, en partic. du vin.] "Qui est âpre au goût" : ...en croix le doit l'on pendre ; La bouche (...) But un boyvre si fyer que nul nel peut entendre. (Pleur ste âme B., c.1375-1425, 76). ...et furent les vins si fyers, que à penne en povoit ons boire (AUBRION, Journal L., 1480, 116). ...après la vendange, n'y avoit guère de nouvelz vins ; et estoient fiers, et n'en vendoit on nulz (AUBRION, Journal L., 1494, 349). Et puis au temps qu'il convient rasyner, Premierement ung peu fier et aygret, Il faict croistre le verjust en l'aigret (LA VIGNE, S.M., 1496, 332).

 

3.

[De ce qui arrive, de ce qui se constate, d'un fait] "Qui est dur à supporter, rude, cruel, redoutable, terrible" : Ton moustier voy et ta maison Menacié d'abatre et d'ardoir (...). Las ! vezci chose orrible et fiére ! (Mir. emp. Julien, 1351, 181). Et bien sai, Sire, qe celuy coer ensi fait serroit toutdis fermement pensant et remenbrant de la fere passion et de seynt lieu dont il issi. (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 187). Roys, se je l'ay bien retenu, En l'escripture a contenu Trois mos : "Mane, techel, pharès." Ne sont pas mos de cabarès, Car chascuns mos porte sa glose Grant et fiere, qui bien la glose. Si que la declaration Saras, sans nulle fiction. (MACH., C. ami, 1357, 32). Et si m'est venue une telle ymaginacion que je face un arbre de dueil au commencement de mon livre ouquel tout premierement au dessus vous povés veoir les regens de sainte Eglise en tresfierre tribulacion tant que oncques plus fiere ne fust (BOUVET, Arbre bat. R.-B., c.1386-1389, 33). ...vous verrez fieres nouvelles. Les premisses n'en sont pas belles, Quant l'eglise est ainsy noire Et les Sarrazins ont victoire (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 7). Pour savoir les causes à droit De la boce qui lors régnoit, Et aussi pour y obvier à si grant mal, mortel et fier (LA HAYE, P. peste, 1426, 12). De quoy vindrent en mainte terre Epidémie et fière guerre, Et maint autre dangier grevant Le Royaulme nommé devant (LA HAYE, P. peste, 1426, 12). Et encor vouldray je bien veoir Qui pourra paier si fier gaige ["si fort, si dur à supporter"]. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 41). Vecy fier ouvraige (...) ! Voicy tous noz grans dieux tumbéz Et renverséz les piéz dessus ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 102). Par cas de feu ou de fortune fiere. (MART. D'AUV., Mat. Vierge L.H., c.1477-1483, 48). ...comme plus tarde a venir, de tant plus est la vengeance fiere. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 255). ELIACHIM. (...) ...sur nous vient crüellement L'armee des Assirïens (...). BENJAMYN. (...) ...il est necessaire D'en esmouvoir le populaire, Veu ces nouvelles tres fieres (Myst. Judith Holofernés R., c.1490-1500, 121).

 

-

Estre fier à qqn : ...Tant m'est et oultrageuse et fiére Ceste amour qui si me demaine (Mir. abbeesse, 1340, 69). A l'un est doulx [le temps], a l'autre fier (Abuzé D., c.1450-1470, 42).

B. -

[D'une pers., d'un aspect de la pers., de son comportement, ou bien d'un animal ; valeur négative, idée de violence, d'agressivité]

 

1.

"Impétueux, agressif" : ...un escuïer ou chevalier, ne scet lequel, nommé Guïot, de surnom duquel elle ne se recorde, qui estoit fier et orguilleux, et plain de grant beuban (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 284). Si dit on que messire Jehan, Son frere, aussi est prisonnier, Et a Orleans, je le say bien, Y sont soigneusement gardez Par voz princes et voz subjectz, Qui ont pour le present corage Plus fier que n'aroit le sanglier Qui chacé est ou vert boucage. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 586).

 

2.

"Féroce, cruel, impitoyable" : [De la mort personnifiée]Si que tantost, sans plus attendre, Pour justice et vengence prendre, [Dieu] Pour justice et vengence prendre, Fist la mort issir de sa cage, Pleinne de forsen et de rage, Sans frein, sans bride, sans loien, Sans foy, sans amour, sans moien, Si trés fiere et si orguilleuse, Si gloute et si familleuse, Que ne se pooit saouler Pour riens que peüst engouler. (MACH., J. R. Nav., 1349, 149). Avec ces paroles diverses, En leurs diversetez perverses, Me moustra elle une maniere Aspre, crueuse, male et fiere, En signe de grant mautalent, Pour moy faire le cuer dolent Et mettre ma pensée toute En effroy, en soing et en doubte. (MACH., J. R. Nav., 1349, 165). ...le bon duc Guerin dont je fois mencïon Si avoit engendray en sa regnacïon, Hunault le damoysel qui fut fier et felon. (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 4-5). ...les grandes commocions et les fieres felonnies... (BOUVET, Arbre bat. R.-B., c.1386-1389, 37). Et aux piez de la tombe [Présine] mist une ymage d'albastre de son hault et de sa figure, si bel et si riche que plus ne povoit, et tenoit la dicte ymage un tablel d'or ou toute l'aventure dessusdicte estoit escripte. Et estably un jayant fier et horrible, qui gardoit ce lieu, et tenoit tout le païs en subjection et pactiz. (ARRAS, c.1392-1393, 14). ...si comme on treuve En escript, par certaine preuve, Du philosophe de renom, Qui Philometor ot a nom, Qui au fier roy Emiradés De Babiloine, qui adez Ne cessoit des gens faire occire (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 44). L'on me tumbe dedans ung puiz ["Que l'on me jette dans un puits"] Si je n'y voy ou fier ou faille [Éd. : "bon gré mal gré" ; littér., on peut le comprendre ainsi : "si je n'y vais ou hardiment ou que j'y faille (que je cherche à y manquer)"] (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 46). A ! Viellesse felonne et fiere, Pourquoy m'as si tost abatue ? (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 52). Ha ! Faulse Mort ! Assés entens Tes euvres fieres et subites ! (DU PRIER, Songe past. D.-M., c.1477-1508, 119). La cruelle et fiere Attropos... (Cene dieux, c.1492, 129). ...et, pour ce que Alexandre devint fier et cruel, et que jà, par sa cruaulté, avoit occiz Amicheas, son cousin et Cleopatras, sa marastre et ses freres (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 63 r°). ...il s'esbaïssoit comment une mauvaistié si fiere avoit occupé le couraige du duc de Bourgoigne de traÿr le roy auquel il estoit tenu tant que plus ne pourroit. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 217).

 

-

Fier à qqn. "Dur, impitoyable vis-à-vis de qqn" : Haa ! emperiére, sire chier, Conment m'estes si dur et fier Qu'a mort me mettez sanz raison ? (Mir. emper. Romme, 1369, 280). Et s'il [mon mari] m'estoit fier ne rigoreux, certes ma douloreuse vie finiroit briefment. (LA SALE, J.S., 1456, 5).

 

.

Empl. subst. : Soyez aussi, sans estre varïable, Cruel aux fiers, aux doulx humilïable (LA VIGNE, S.M., 1496, 174).

 

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Fier contre qqn : Humbles et dous est et pleins de franchise A ses amis, Fiers et crueus contre ses anemis. Et, a briés mos, de sens, d'onneur, de pris En porte adès au dit des bons le pris, Quel part qu'il veingne. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 106). Nature porte sa baniere, Qui contre Chastee est fiere, Si a juré Sainte Marie Qu'elle li fera villenie (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 265). Atant se tirerent chascun appart, fiers et esmeus l'un contre l'autre pour les parolles qu'ilz avoient eues enssamble. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 37).

 

-

[D'un animal] "Féroce" : Lors vint vers moy tout belement Li lion, aussi humblement Com se fust un petit chiennet. Et quant ce vi, je dis : "Bien est." Si li mis ma main sus la teste. Mais plus doucement qu'autre beste Le souffri et joint les oreilles, Dont j'avoie trop grant merveilles Comment une beste si fiere Estoit de si douce maniere. (MACH., D. Lyon, 1342, 170). Mais riens n'i vausist fer ne fust, Se belle Adriane ne fust, Qui oublia Minos, son pere, Et Androgeüs, son chier frere, Sa terre et ses charnels amis, Pour Theseüs, ou elle a mis Son cuer, si qu'elle li moustra Comment occis le fier moustre a, Pour lui delivrer dou servage ; Et li donna son pucelage Par si qu'a femme la penroit Et qu'en son païs l'en menroit Avec Phedra, sa chiere suer, Qu'elle ne lairoit a nul fuer. (MACH., J. R. Nav., 1349, 231). Je ne te puis mie tout dire, Que devint son chief et sa lire, Et comment Phebus le sauva Dou fier serpent qui le trouva, Et comment son ame en enfer Ala, et comment Lucifer D'Erudice la compaignie Li bailla, sa femme et s'amie... (MACH., C. ami, 1357, 93). ...Atheleüs avoit maniere Tele qu'en une grant riviere Se muoit ou en un serpent Qui tenoit de terre un erpent, Ou tor sauvage se faisoit Toutes les fois qu'il li plaisoit - Si se mua en un fier tor. Herculès par le destre cor Le prist et si fort le hacha Qu'il li rompi et arracha, Dont Atheleüs desconfis Fu et son cor pris et confis. (MACH., C. ami, 1357, 95). Caneüs si tresbien chantoit Que les montaignes enchantoit (...) ; Retourner faisoit les rivieres ; Les bestes sauvages et fieres Faisoit a son chant arrester Ne n'i pooient contrester (MACH., Voir, 1364, 618). Ou nom de Jhesu, beste fiére, Requier que mort en toy se fiére Qui te cravante. (Mir. st Panth., 1364, 318). Quant d'un lion fier et estoux A fait un aignelet si doux Et si humble, loez soit Diex ! (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 34). ...sy fist ferir le plus fier et le plus orguilleux de tous ses elinphans (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 51).

 

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[Dans une compar.] : Fors et grant ert, fiers com serpens, Despit ot nom (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 27). Or a cils ses maus alegiés Qui en ce point en est vengiés. Tout autel di je que li homs Doit estre fiers com uns lions Contre aucun tort, s'il li est fais. (MACH., J. R. Nav., 1349, 195). ...Poittevins sont fors et durs, aspres et fiers comme lyon (ARRAS, c.1392-1393, 161).

 

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[Du visage] "Farouche" : ...combien que son frere [Guion] n'ait pas si fiere phizonomie si semble il bien homme de haulte emprise. (ARRAS, c.1392-1393, 117). Quant Estonné, qui avoit une fiere et aspre chiere, se trouva devant le capitaine des Rommains... (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 361).

 

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Empl. subst. [Valeur de neutre] "Caractère farouche, cruauté" : O humble Hester, lamente la prudence, Voy ton maintien et grace en decadence Par le fier de son mortel passaige (LA VIGNE, Epit. Royne M.R., 1514, 123).

 

3.

"Méprisant, hautain, orgueilleux" : Beauté de corps n'est que peinture, C'est .I.. fraile bien qui pou dure, Et si nuist en double maniere, Quar souvent plus fier et plus fiere En est qui l'a ou plus s'en prise. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 87). Mais partout ou elle s'embat, De ses gieus telement s'esbat Qu'en veinquant dit : "Eschac et mat !" De fiere vois. Einsi m'a fait, ce m'est avis, Fortune que ci vous devis. Car je soloie estre assevis De toute joie. (MACH., R. Fort., c.1341, 43). Et quant Ernault les voit en fïer contenant, Il a dit a Hunault : "Vecy gens mescreant, Qui ceste ydole cy vont ainsi festoiant..." (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 19). ...Du fier orgueil ou tu te lies Si fort qu'onques ne t'umilies (Mir. parr., 1356, 12). ...Comment siens sui, et les mortels annuis Que pour li porte. Einsi porra savoir comment je l'aim, Comment son oueil a mon cuer pris a l'ain Par son resgart qui n'est fier ne villain, Se li dieus veut Et Morpheüs, qui fera tout certein Son cuer dou mien et li dira de plain Comment toudis pour s'amour me complain... (MACH., F. am., c.1361, 169). N'est pas orgueilleuse ne fiére, Mais humble a touz. (Mir. ste Bauth., c.1376, 83). Mais Amours en li conjoit Un fier desdaing, et le grand desir voit Qui m'ocira ; si croy que cil troiz font Qu'adès la pri et riens ne me respont. (MACH., L. dames, 1377, 184). Car quant en vous de pité point Ne truis, n'à point Amours me point D'un si dur point Que de joie tout me despointe Et d'un fier desdaing le cop oint, Qui mat m'empoint, En angle point, Dont la mort à mon cuer s'apointe. (MACH., Les lays, 1377, 289). LE SOT. (...) Dieu soit ceans, Dieu vous gard maistre, Que faictes vous icy de bon ? MAISTRE PIERRE. Que je foys ? Vecy bien pour paistre. Mais, dictes le a ce mignon. LE SOT. Que vous estes fier, pourquoy non ? Je viens cy pour voustre prouffit. MAISTRE PIERRE. Il suffist, je n'en dy rien don. (Dorib., p.1480, 246).

 

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"Distant" : ...a ceste occasion se tenoit nostre compaignon bien fier, et encores autant eureux. [Le "compaignon" est invité par son voisin, le bourgeois, à tous ses repas ; la grande satisfaction qu'il éprouve d'être ainsi traité le conduit à avoir un comportement distant à l'égard des autres] (C.N.N., c.1456-1467, 24). ...s'il avoit d'elle esté bien amoureux avant la joissance, encores en fut il trop plus feru depuis, dont elle se parcevoit et donnoit tresbien garde. Si s'en tenoit trop plus fiere, et se faisoit acheter. (C.N.N., c.1456-1467, 414).

 

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[D'une femme] : Je ne cesse de prier A ma dame chiere Que mes maus vueille aligier. Mais si se tient chiere Et tant la truis dure et fiere, Sans amolliier, Qu'adoucir de ma priere Ne puis son dangier. (MACH., Les lays, 1377, 406). Car s'elle n'est la plus fiere des autres, pour un tel bien jamais ne le reffusera. (LA SALE, J.S., 1456, 231).

 

-

Estre fier à qqn : Si n'est pas bon que plus demeures, Que vers ta dame ne te traies. Mais garde bien que ne t'esmaies ; Car ja ne te sera si fiere Qu'elle te laidenge ne fiere, Se ce n'est de ses trés dous yeus Rians, attraians et soutieus. (MACH., R. Fort., c.1341, 104). ...Que vaut uns homs de tel affaire ? En voie me mes de retraire Par ta maniere. Et ja soit ce que bien affiere Que je me tenisse plus chiere, Je ne te vueil pas estre fiere, Mais debonnaire, Ne ja ne te seray doubliere, Ains t'ameray d'amour entiere. (MACH., F. am., c.1361, 231). Amours me soloit estre Douce, courtoise et po fiere, Et de ses dous biens repaistre, Com vraie amoureuse mere. (MACH., L. dames, 1377, 68). Belle, et comment que bien affiere Qu'à moy soit fiere Vo douce chiere, Qui tant m'est chiere, N'est drois, quant elle ha sans demi M'amour entiere... (MACH., Les lays, 1377, 286).

 

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Estre fier vers / envers qqn : ...de bon cuer riant, a lie chiere, Me dist : "Amis, vesci t'amie chiere Qui plus ne vuet envers toy estre fiere ; Qu'Amours le vuet, Qui de bon cuer ad ce faire m'esmuet..." (MACH., J. R. Beh., c.1340, 80). Las ! dolens, et sa douce chiere Que tant desir, que tant ay chiere, Qui tant me plaist, qui tant m'est chiere, A grant dolour M'ocist, quant vers moy est si fiere Qu'oïr ne deingne ma priere, Pour ce qu'elle ha sans parsonniere Toute m'amour. (MACH., Compl., 1340-1377, 243). Douce dame, je vous requier mercy Qu'au retourner devers vo dous viaire D'aucun dous mot ou d'un regart joli Ou d'un dous ris vueilliés mon cuer refaire ; Car, selon ce que j'aimme sans retraire, Se vous estes envers moy fiere, Oncques amour ne fu si chiere. (MACH., L. dames, 1377, 132). Las ! si ne say que je face ; Car sa bele face Tout mon bien efface, Quant envers moy seul est fiere, Et Dangiers qui me manace Vuet que sa manace De fait me defface Cuer, corps, pouoir et maniere. (MACH., Les lays, 1377, 323).

C. -

[Avec une valeur plutôt positive]

 

1.

"Fougueux, hardi, intrépide (en partic. dans le combat)" : Si qu'il estoient si vassaus Es batailles et es assaus, Si hardi, si entreprenant, Si viguereus, si avenant Et si fier en trés tous fais d'armes Que les nouveles a leurs dames De leurs entreprises venoient, Dont assés plus chier les tenoient. (MACH., D. Lyon, 1342, 207). Quar quant on les tenoit pour tels Qu'il estoient en fais mortels, Es batailles et es assaus, Fiers, hardis, puissans et vassaus, Sans riens doubter ne ressongnier Qui fust, eins s'aloient baignier En sanc, en sueur, en cerveles, Tels ouevres leur estoient belles ; C'estoit tout ce qu'elles voloient ; Autre chose ne demandoient. (MACH., D. Lyon, 1342, 217). Moult est chascun bonne personne De vous .iii. [les trois soldats qui doivent garder le tombeau] [,] hardie et fiere. Moult y pert bien a vostre chere (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 239). Bertoulet avoit non, mont fu et grant et fier (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 205). Mez Dieu pour li sauver fist lever .j. ourage Si crüel qu'i n'ot honme u vessel, tant fust fier, Qui n'eüst a sele oure grant doute de noier [var. si felon ne fyer]. (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 143). ...Herculès ot en un estor Leomedon destruit et mort. Prians fu roys après sa mort ; Toute Ayse avoit a justicier. Moult fist roys Prians a prisier ; Moult fu fiers et de grant corage. (MACH., F. am., c.1361, 212). ...il fu plus fiers De moy, plus fors et plus vassaus. Il me conquist (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 182). Sur les murs sailly li primiers Alixandres, com preux et fiers (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 39). ...s'il ne fust plus fiers et plus hardis de nul autre, il ne m'eust osé touchier (Chev. papegau H., c.1400-1500, 36). Vous n'y entrerez ceste fie, Et fussiez plus fiers que lions, Se vous despechiez les gons Des portes j'a n'y entrerez. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 242). Fier et courageux se partit Et vint comme ung lyon bravant (DU PRIER, Songe past. D.-M., c.1477-1508, 126).

 

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[Du courage, du comportement] : Vallet, va querir en message Centurïon au fier courage. (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 219). "Oncques mais je ne vi bataille durer tant." "Sire," dist Guanelon, "c'est par le fier bobant De Roulant vo nepveu..." (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 200). Issiez hors en faisant ung fier contenement, Pour vo gent esbaudir et donner bon tallent (Hugues Capet L., c.1358, 48). Quant li gentils rois Peleüs Fu ordenez et esleüs D'avoir Thetis en mariage, Mere Achillès au fier corage, Par qui Troie fu mise a fin... (MACH., F. am., c.1361, 201). Li nobles roys au fier corage Estoit outre mer davantage Et eu pays des Sarrazins. (MACH., P. Alex., p.1369, 212). Lors se part Gieffroy entre lui et l'escuier. Mais la ot ung chevalier qui l'ot nourry et doctriné, qui bien congnoissoit son fier couraige et comment il ne ressoingnoit nulle rien du monde. (ARRAS, c.1392-1393, 198). Car j'estaindray la louange et le bruyt De ce lÿon par ma fiere chaleur (Lyon cor. U., 1467, 47).

 

-

Empl. subst. : Atlas, li grans, li fiers, li fors, D'Ayse la grant, par ses effors, Fu roys et regna longuement, Bien et bel et hardiement. Une fille ot, ce dit la lettre, Qui estoit appellee Eslectre. (MACH., F. am., c.1361, 211).

 

2.

[D'un combat, d'une attaque, d'une action guerrière... (dont la réussite suppose la fougue si ce n'est la violence)] "Acharné, terrible" : Leur deffense petit valu, Tant fu l'assault fier et cremu. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 195). A ycelle parolle conmencha li estris, Entre Grigois fu grans et fiers li paletis (Flor. Rome W., c.1330-1400, 161). Adonc Ernault oÿ qu'on fait si fier assault, A la fenestre vint a guise d'amirault (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 6). La commenca fort le bouteiz de lances. Uriien fiert un Sarrasin de la lance tellement par my le piz qu'il lui perce le foye et le poumon. La veissiez fier touilleiz ; mais en la fin Sarrasins perdirent le pont, et en chey pluseurs en la riviere. (ARRAS, c.1392-1393, 102). ...grant assault ont livré Si fier et si horrible et de tel cruaulté Qu'ilz n'orent point loisir d'estre bien adoubé. (Cip. Vignevaux W., p.1400, 15). Tant Longuement se vont combatant, Et moult y ot fiere escremie (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 16). Une lance emporta par si tres fier randon... (Galien D.B., c.1400-1500, 21). Adonc s'entraprocherent de si fiere random, Que de leurs escus percherent le blason. (Galien D.B., c.1400-1500, 80). Et [Charles] chevaucha par mout fiere aramie (Galien D.B., c.1400-1500, 107). Lors recommença le tournoy encores aussi fier qu'il avoit esté par avant (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 66). ...quant le roy vey l'estour tant fier et sy mal parti, il escrya ses ennemis et dist : ... (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 213). Et de l'une partie et de l'autre y eust moult fiere bataille (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 366). ...lez Sarasins (...) leur moustrerent fire [l. fi[e]re ?] deffence et resistence (Comte Artois S., c.1453-1467, 93). Et lors fut la bataille dure et fiere qui dura moult longuement sans savoir qui eust du meilleur. (LA SALE, J.S., 1456, 184).

 

-

[Contexte grivois] : Monseigneur, qui la voit effraiée, sans plus parler luy baille ung fier assault (C.N.N., c.1456-1467, 117).

 

3.

"Qui a le sens de sa dignité ; digne, noble" : ...il est encores miedre que tu n'aye dit. Je cognois toute sa nation, et n'at en monde plus fiert prince de luy. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 9). Le IIIIe filz de monseigneur Tancred fut monseigneur Guilleme, homme moult prudent, vertueulx et fier ; et par sa merveilleuse force fut surnommé Guillaume Bras de Fer. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 166). Passelyon, fier bras, a toy est envoyé cestui coffre. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 269).

 

-

[Du comportement] : "Signeur", ce dist li rois o fier contenement... (Flor. Rome W., c.1330-1400, 148). "Sire," ce dist Girart a la fiere pensee... (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 11). Il choysi une hermite de fiere contenance, Hault et fort et membru en tresbelle ordonnance. (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 24).

 

4.

[D'une chose] "Qui sort de l'ordinaire, voire qui est exceptionnel" : Je faisoie ore cançonnetes, Car j'en sui si fort abuvrés Que mes cuers en est aouvrés Toutdis ; c'est une cose fiere. (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 48). Sy tost comme Julius eut entendu l'ancien preudhomme, il en eut fieres merveilles ["il en fut très étonné"] (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 685). Aussi tost que les gens l'orront Appeller macquereau, siffler, Par mon ame, ce sera fer ! [rime "normande"] (Obstin. femmes T., c.1480-1500, 49).

 

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"Qui a une certaine importance ou une certaine noblesse" : Si tost que les huit nobles barons eurent veu la congnoissance de l'escu, ilz dirent que jamais ilz ne avoient veues plus fieres armes et qu'elles appartenoient tresbien a cellui a qui elles estoyent envoyees. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 275). Avançons-nous car je voy les murailles, Les haultes tours et fieres antiquailles, Des grands Ciclopes l'eminent ediffice (SAINT-GELAIS, Enéide VI, B., c.1500, 347).

 

5.

[De la saison] "Plein de vitalité" : Ce fut en ce printemps de esté, Que le temps de yver eut esté Et venue la saison nouvelle, Que toute chose renouvelle ; Que les fleurs sont en arbres vers, De fruitz porter font leurs devoirs, Et que la terre est fiere et gobe, Si se vest de nouvelle robe (COURCY, Chem. vaill. D., 1424-1426, 2).

REM. Forme wallonne fire pour fier et fiere : Scheler, Gloss. Geste Liège, 154.
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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