C.N.R.S.
 
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     FEUILLE     
FEW III 677b folium
FEUILLE, subst. fém.
[T-L : fueille ; GD : fueille ; GDC : fueille ; AND : fuille1 ; DÉCT : fueille ; FEW III, 677b : folium ; TLF : VIII, 810b : feuille]

A. -

"Feuille, lamelle verdoyante d'un végétal" : Se toutes les foeulles qui sont En esté sur toute la terre (...) Pour lieu une seulle y meïst.... (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 143). ...en un praielet m'embati. S'ot en mi lieu un arbrissel De fleurs et de fueilles si bel, Si bel, si gent, si aggreable, Si trés plaisant, si delitable Et plein de si trés bonne odour Que nuls n'en aroit la savour... (MACH., D. verg., a.1340, 15). Lors plus de dis fois ou de vint Resgardai entour la haiette, Mais je ne vi riens fors herbette, Arbres, fueilles, fleurs et verdure. (MACH., R. Fort., c.1341, 107). ...li buisson (...) Que Moyses vit ardoir et esprendre Sanz verdeur perdre en branche ou feuille tendre (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 246). Et de grans fueilles de figuier Couvrirent leur humanité [Genèse 3, 7] (Liber Fort. G., 1346, 120). Item saint Ambrose sur l'Euvangile saint Luc : "Les foeulles, ce dist il, sans fruit me sont suspectes..." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 14). Nostres Sires y mist un flueve, Si comme Genesis le prueve, Plus bel ne puet on deviser, Pour amoistir et arrouser La terre, et cils flueves la duit A porter fueille, fleur et fruit, Herbes, arbres, racine et greinne Pour vivre creature humeinne. (MACH., P. Alex., p.1369, 191). Après lesqueles responses ainsi faites par icellui hermite, et pour ce aussi qu'ilz trouverent en icelle boiste plusieurs feuilles d'erbes, ne scevent queles, et que ilz orent de rechief demandé audit hermite à quoy faire elles estoient bonnes et queles vertu elles avoient (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 312). Lequel Richart, après ce qu'il ot icelles veus à grant diligence, rapporta que en la boiste où lesdites herbes estoient, il a trouvé VJ fueilles d'erbe, c'est assavoir : une fueille de jacia nigra, et une de plantain ront, appellé en latin plantago minor, et les quatre sont de lasseron, appellé en latin rosti poterugni ; et dit que la fueille de jatria nigra est venimeuse, et ès autres il n'y a quelque venin que il qui depose sache. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 313). Item, a le boul hors boullaie, le marsaux et le carme semblablement, mais que l'en n'en voie sept d'une veue, et se l'en en voit sept, il en paie au pris du mort boiz. Et si a le genest, l'espine noire, la genievre, la feugiere et la faulle, hors deffens, sans amende. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 64). Belle Heleine, qui de vers fueilles Avoit chappel... (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 64). Et dessuz semer volentiers Des roses et fleurs d'aiglentiers O feuilles d'ongle cabaline, Qui est herbe moult froide et digne (LA HAYE, P. peste, 1426, 82). Aprés le demi heaume venoit messire Anguerrant armé de toutes ses armes excepté du chief, ouquel il portoit un tresbel chappellet de diverses fleurs et feulles (LA SALE, J.S., 1456, 114). ...tout a coup, me vint ung soudain appetit de menger une fuille d'oseille (C.N.N., c.1456-1467, 128). ...il monte sur ce beau poirier qui estoit large et ramu, tresbien vestu de fueilles et de poires (C.N.N., c.1456-1467, 307). PREVOST. (...) Et tout du long des preaux vers, Bocaiges de fueilles couvers, Chascun de vous preigne bien garde. (LA VIGNE, S.M., 1496, 305).

 

-

Vert comme une feuille

 

Rem. Prov. H., 113 [F76].

 

-

Agacer de la feuille d'ierre. V. agacer

 

Rem. Cette feulle percée permet de produire des sons qui imitent les cris de la chouette ; HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 299 (la feulle d'ierre perchiee).

 

-

[Avec valeur minimale] : Vostre pouoir ne prise maille, Nom pas la fueille d'une ronce (Mir. Oton, c.1370, 322). Mais a paines est nul qui vueille De mathematique la fueille, Car tous communement enclinent Aux ars qui le gäaing propinent. [Cf. éd. note 189, p. 452 : Avec valeur minimale] (LE FÈVRE, Vieille, trad. De vetula H., a.1376, 147).

 

-

[Avec une idée d'inconstance, de versatilité (la feuille paraissant trembler sur l'arbre, au vent)] : Se vous diray ce qui m'i fait doloir : Dame, il me samble Qu'une chose qui se part et assamble En pluseurs lieus, et avec c'elle tramble Et n'arreste ne que fueille de tramble, Et n'est estable, Eins est toudis changant et variable, Puis ci, puis la, or au feu, a la table, Et puis ailleurs, c'est chose moult doubtable... (MACH., J. R. Beh., c.1340, 97). Il se muet et tourne plus que fueille de popelier. (GERS., Réf. roy. G., 1405, 1152). Que esse que de mettre en famme aucune amour qui, comme la fueille se tourne au vent, ainsi luy tourne le cueur mille foiz le jour... ? (BEAUVAU, Troyle B., c.1455, 562). SAINTE BARBE. Point je ne suis comme la feuille Qui tremble et se tourne à tout vent Et puis se retourne souvent Avec un fort vent quand il vente, Constante suis et patiente (Myst. ste Barbe P., 1493, 41).

 

.

[Par peur, dans l'émotion...] Trembler comme une feuille : En ceste gent dont je vous conte Demouroient Paours et Honte ; Car einsi com la fueille en tramble Contre le vent fremist et tramble, Leur trambloit li corps et les james En la presence de leurs dames, Voire, dès le piet jusqu'en chief, Tant avoient il de meschief... (MACH., D. Lyon, 1342, 196). ...le corps me tremble Aussi conme la fueille ou tremble (Mir. mère pape, c.1355, 391). Car puis n'a mengié ne beü, Eins li fremissent tuit li membre Toutes les fois qu'il se remembre De la main, et li corps li tramble Plus que ne fait la fueille en tramble. (MACH., C. ami, 1357, 26). En tressaillant, sur ce point m'esveillay, Tremblant ainsi que sur l'arbre la fueille (CH. D'ORLÉANS, Songe compl. C., 1437, 102). Le cueur tremblant come la feulle en l'arbre, Pensant jamais estre sauvé a temps... (Compl. lion G., c.1470, 296). Oncques mais je ne fuz sy las Ne senty douleur sy tenant, Ainsy que je faiz maintenant ; Je tremble tout comme une feuille Et n'ay membre que bien me veuille, Tant suis mat et aventuré. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 831).

 

Rem. Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 244, v.3879. Prov. H., 113 [F75].

 

-

[P. métaph. ou dans un cont. métaph.] : Son droit lés est dous [de Fortune], l'autre cuit ; Le droit porte fleur, fueille et fruit, L'autre est desert, brehaingne et vuit Des biens terriens ; Le droit moult clerement reluit, L'autre samble a l'oscure nuit... (MACH., R. Fort., c.1341, 41). Mais je qui sui leur droite mere Leur doing une clarté si clere, Si a point, si bien ordenée, Que la racine qui entée Est dedens leur cuer d'amours germe Fleur, fueille, fruit et nouviau germe, Et les fais plus cointes vint tans Que la terre n'est au printemps. (MACH., R. Fort., c.1341, 81). Celle damoiselle jolie Qui estoit a ce clerc amie, C'estoit li ente faitissete Comme une douce pucelette, Ou grant vergier d'Amours plantée. La pot estre si eslevée Et de branches si estendue Et de fueilles si bien vestue, De fleurs si cointement parée, Comme estre aus milleurs comparée. (MACH., J. R. Nav., 1349, 223). La verge de discipline ou de correction flourist par la souef flairant recordation ou ramembranche de soy, elle a foeulles par la joieusse et agreable relation ou raport de soy. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 209).

 

-

[Dans une représentation iconographique] : ...ung très grant camahieu, comble, où il a deux figures, dont l'une est d'une femme séant et ung homme nu tenant ung flacon en sa main, assiz en une verge d'or où, en chascun costé, a une fieulle, carrée. (Invent. mobilier Ch. V, L., 1379-1391, 100).

 

.

Feuille de chesne. "Ornement, décoration représentant une feuille de chêne (sur un objet d'orfèvrerie)" : Un petit reliquiaire d'or, carré, où il a une couronne d'un costé et une fueille de chesne d'autre (Ch. VI, D., t.2, 1418, 330).

 

-

Prov. : Nulz qui a paour des fueilles ne doit aler au bos (WAUQUELIN, Faits conq. Alexandre Hé., a.1440, 110).

B. -

P. méton.

 

1.

[Valeur collective] "Ensemble de feuilles (p. ex. de feuilles mortes) ; feuillage" : ...quant les bestes noires ont remué la fulle soulz les chesnes ou soulz les foux (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 73). ...quant la feulle est cheue des arbres et que il [les écureuils] ne treuvent que mangier es arbres... (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 166). Ainsi com je [Polyphème] n'ai c'un seul oeil N'a il en ciel c'un seul soleil, Au monde quë une rondesse. Pour ce, se le poil me redresse, Ne me dois tu pas desprisier : Petit voit l'en l'arbe prisier Quant il a perdue sa fueille. (MACH., Voir, 1364, 640). ...le boys est plus cler, quar la fueille en est cheüe (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 244). Si prins la fueille pour livree (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 86).

 

2.

P. ext.

 

a)

"Branchage" : Et doit on prendre en noz bois fuille pour chaufer ledit four (Trés. Reth. S.L., t.2, 1347, 85).

 

Rem. Cf. DU CANGE III, 537c, s.v. foilliata.

 

b)

"Herbe" : ...uns hom en ala en le commune pasture de le ville pour assanler fuille qu'il avoit faukie (...). Et li dist li eschevins qu'il mentoit et qu'il n'avoit mie le fuille faukie (Vie urbaine Douai E., t.4, c.1325, 332).

 

c)

"Herbe médicinale, médecine (?)" : N'est art, medecine ne foeulle Dont vous puissiez si bien joÿr Comme du tout en tout fuÿr. (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 69). ...et avoec chou, doit-elle avoir [une femme veuve admise à l'hospice, moyennant divers dons] sen vivre ou dit hospital, tout le cours de se vie, de boire, de mignier et de fuille (Vie urbaine Douai E., t.4, 1334, 230).

 

3.

Feuille de mai. "Époque de renouvellement des feuilles" : Item, pasturage et pasnage pour toutes ses bestes de sa nourreture, et auxi achettées au devant de la fieulle de may, sans riens païer. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 173). Item, les habitans de ladicte parroisse, ou fieu chambellenc de Muchedent, ont franc pasnage pour leurs pors de leur nourretture, de devant la fieulle de may. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 184).

 

4.

"Accroissement annuel (d'un végétal)"

 

-

Sixieme, septieme... feuille. "Sixième, septième... année de crue (d'un taillis)" : ...et auxi doivent avoir l'erbage de la vente de la septiesme feulle rendue par le verdier de Saint Sever ; tout franchement. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R.B., 1398-1402, 91). Voulons et octroyons que nostredit homme et habitant de nostredit Chastel et Ville de Grancey et leurs hoirs, puissent champoier et mener à tousjours-mais toutes bestes grosses et menues, exceptey chievres, en tous noz bois et forez de Grancey, la sisainme fuille passée, exceptey leur pors (Ordonn. rois Fr. S., t.9, 161).

 

Rem. FEW III, 682a : folium : sens att. pour la Lorraine.

C. -

P. anal.

 

1.

[Désignant des objets minces, à surface plane]

 

a)

"Feuille de papier, page" : ...et sera mise table pour icelles choses ligerement trouver, selon la denumerance des fueilles et des temps qu'elles ont peu advenir et estre. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 10 r°).

 

Rem. Doc. 1496 et 1498 ds L. Wolf, Terminol. Untersuchungen zur Einf. des Buchdruckes, 1979, 193.

 

-

Feuille de papier : A Jehan Senineau, orfèvre du roy nostre sire, le Xe jour de may, quatre vings neuf livres cinq deniers tournoys, par les mains de sire James Loue, à lui deue pour les causes applain déclairées, en deux fueillez de papier, signez de la main de Philippe de Lénoncourt, son escuier d'escuierie, lesquelx ont esté renduz sur le précédent compte (Comptes roi René A., t.1, 1453, 304).

 

-

En feuille. "Sur les seuls feuillets du bréviaire (?)" : L'oroison qui est toute en fueilles et en paroles sanz devocion de cuer ne plaist point a Dieu [ou la feuille représente-t-elle ce qu'il y a de plus extérieur ?] (FRÈRE ROBERT, Chastel perill. B., c.1368, 429).

 

b)

"Lame plate et mince de métal" : ...et sont les loyens et croissans desd. useries assavoir à bossotes et sont pandues à bons gons mis ou mur à plont, tout estamey de feule (Invent. mobiliers ducs de Bourg. P., t.2, 1387, 271). ...achapt fait de dona Jaumone de Tres, premièrement à cause d'ung balon de claveaulx, broudés d'estaing de cinq milliés, à raison de dix florins, par convertir en aucunes portes et fenestres du palaix dudit seigneur, à cause aussi de douse fueilles, aussi broudés d'estaing, à cause de convertir au couvert des pomeaulx de la-d-vis du palaix dudit seigneur (Comptes roi René A., t.1, 1459, 78).

 

Rem. Doc. 1395 et 1481. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 672.

 

-

Feuille de fer : ...pour une fueille de fer et deux crochetz aussi de fer, le tout prins par Adam, pour le fourneau que a esté fait au jardrin d'Aix (Comptes roi René A., t.1, 1479, 22).

 

-

Feuille d'or : Au secont, je di que la laine ou le or ne poise en rien plus pour la compression, mais devant le aer legier estoit enclos en la laine et le fueille de or ne peust pas si isnelement descendre pour sa plate figure comme se elle estoit ronde comme une pomme. (ORESME, C.M., c.1377, 634). Et, pour garder d'infection Vostre noble confection Et que sa force mains tost passe, Couvrez de fait toute la masse De belles fueilles de pur or, Et mettez en vostre trésor. (LA HAYE, P. peste, 1426, 157).

 

Rem. Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 226, v.3411.

 

-

En partic. "Mince lame de métal placée sous une pierre précieuse, pour lui donner plus de reflet et d'éclat" : A luy, pour ung gros d'or qu'il a mys pour habiller le gros anneau d'or pontifical et pour avoir mis de la fueille neufve soubz le saffir (Comptes roi René A., t.1, 1453, 300).

 

c)

"Plaque de bois, planche mince"

 

Rem. Doc. 1417 et 1419. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 672.

 

-

"Battant d'un tableau" : ...ung tableau à deux cloans à l'image Nostre Dame, et ès fueilles, chascun trois ymages d'albastre. (Comptes Lille L., t.2, a.1467, 28).

 

2.

"Enveloppe des testicules" : Sanz couillons, sont nommees cuides - Quant les fueilles des escouilliez Des leurs couillons sont despouilliez (LE FÈVRE, Vieille, trad. De vetula H., a.1376, 183).

 

3.

Arg. [Comme une chose qui pend] "Bourse (qui pend à la ceinture)"

 

Rem. VILLON, Ball. jarg. T., c.1455-1460, 337 ; 349 ; 351. Cf. aussi MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 263 : Devant qu'on s'y soulle, Ces gros fonceront a la foulle Et force d'aubert grupperon ; ou autre mot, sur fouiller ? Cf.. TLF VIII, 1144b, s.v. fouille 2

 

4.

[Comme une chose qui pousse] De basse feuille. "De petite extraction" : Mais homme de si basse fueille N'est pas taillé d'estre amoureux. (Chev. dames M., c.1462-1477, 61).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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