C.N.R.S.
 
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     FENDRE     
FEW III 549a findere
FENDRE, verbe
[T-L : fendre ; GDC : fendre ; DEAF, F237 fendre ; AND : fendre1 ; DÉCT : fendre ; FEW III, 549a : findere ; TLF : VIII, 747b : fendre]

I. -

Au propre

A. -

Empl. trans.

 

1.

"Séparer qqc. en deux parties par un instrument tranchant (hache, couteau, épée...)"

 

-

Fendre du bois, une planche... : En la cuisine a une hache, Pierre, ou coingnie ; alez la prendre, S'en alez de la buche fendre (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 273). ...devant les degréz d'assielles d'Anemarche fenduez en deux (Doc. 1395. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 658).

 

.

Fendre sa coustume. "Fendre le bois de coutume" : Item, ont et pevent faire prendre et lever par coustume en ladicte forest coings pour fendre leur coustume, pourveu que la teste soit faicte avant que le forestier les voie ou treuve (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 248).

 

-

Fendre un tissu, un vêtement, un sac... : Mon grant tabart en long je fens, Sy vueil que la moictié s'en vende (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 105). LE SAVETIER. Sus, villain, boutés vous dedens. LE SERGENT. Helas, ma femme et mes enfans ! LA LAICTIERE. Se le sac tout au long ne fens, Nous te garderons bien de courir (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 36).

 

-

[Du chirurgien, de la sage-femme] : Et se un cirurgien fendoit ou trenchoit aucun membre pour garir .I. homme et il le occioit et se aucun vouloit monstrer a un autre comment champions se doivent combatre, et en ce faisant, il le ferist par quoy il le bleçast malement contre son entencion. (ORESME, E.A., c.1370, 182). Jugement de ville que dit, se une femme grosse muert et que la baile la fandoicet et elle dit qu'elle ait veu vie en l'enffant que la mere ait on ventre, que l'enffant enherite le pere. (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, [1355], 333).

 

-

Fendre (un animal tué) : Puis doit fendre le cerf depuis endroit la guele tout au long par dessus le ventre jusques au cul, et puis doit prendre le cerf par le pié destre devant et enciser tout entour la jambe au dessoubz de la jointe du pié et le doit pourfendre o la pointe du coutel par dessus la jambe tout au long (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 178). Et doit fendre le cuir sus le vit et fendre tout au tour en escharrie de deux dois de chascune part, puis doit tirer le vit a soy et le descharner jusques la bas ou les coullons estoient, et la le doit il couper. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 187).

 

-

Fendre la terre. "Séparer la terre en deux, en la creusant, en labourant" : Trop est de put afaire, trop a la main escherse ; N'a si mauvais villain de Paris jusqu'en Perse. De Dieu soit il maudis et tués d'une herse, Ou decopez par pieres com la terre c'on herse, Et com le laboureur la fent, quant il la berse, Ou pendus au gibet de la ville de Merse. (MACH., Compl., 1340-1377, 266). Elle enseigna a ses subgiez a compter et aprivoisier les buefs et a les coustumer a estre acoupplez au jouc ; trouva aussi la charue et leur monstra la maniere comment fendroyent et partiroyent la terre avec ferremens et tout le labour qui y appertient. (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 743).

 

2.

En partic. Fendre qqn (ou une partie de son corps, surtout au combat) : Einsois la teste li fendi, Si que la cervelle espandi. Apres il li copa la gorge D'un coustel de mauvaise forge, Que mal fust il onques forgiez... (MACH., P. Alex., p.1369, 270). ...et lui donna si grant coup de l'espee, qui fu pesante et trenchoit comme un raseoir, que il le fendy jusques en la cervelle, et le Sarrasin chiet mort. (ARRAS, c.1392-1393, 228). ...et ly fendirent la teste de jusarmes, puiz que fu abatu de son cheval, et ly firent espendre la cervelle de la teste sur le pavement (BAYE, I, 1400-1410, 206). ...n'y ait homme ne femme qui se meuve ne dye mot, car qui fera le contraire je lui fendray la teste jusques aux dens ! (LA SALE, J.S., 1456, 294). ...je luy fendray la teste jusques aux dens (C.N.N., c.1456-1467, 50). LA LEICTIERE. Sus, sus, il le fault deppescher, De tous poins c'est trop attendu. Il fault qu'il ait le test fendu Autrement il ne moura mye. LE SERGENT. Par ma foy, je suis mort, m'amye (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 36). ...par tiranie le fist pendre et non estrangler et depuis fendre son ventre et bruller ses entrailles devant lui (...) et, jaçoit que devant ses yeulx se vist fendre le ventre et tirer ses boyaulx, touteffois quant le bourel lui demanda s'il vouloit boire, respondit : "Non, tu m'as osté où je le devoye mectre" (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 150 r°).

 

-

"Percer" : Sainte croiz (...) En qui Jhesus le roy celestre Souffri mort et son costé fendre... (Mir. fille roy, c.1379, 28).

 

-

Part. passé : Et le costé fendu avoit, Si qu'on veoit appertement Son cuer sans nul empechement (MACH., Voir, 1364, 648).

 

-

Fendre qqc. (sur une partie du corps, sur la tête) "Briser qqc. sur (comme pour fendre la tête)" : LA LAITIERE. M'as tu frappé, ord vil museau, La croix bieu, je le te rendray, Car tout en present te fend(e)ray Mon pot au let dessus la teste. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 33).

B. -

Empl. intrans. ou pronom. [D'une chose] "Se séparer en deux, se briser, rompre" : Vulca[i]ns long temps la poursuï [Pallas] Et elle tousjours le fui. Li ennemis et li maufés Fu une fois si eschaufés Que son germe en terre espandi. La terre s'ouvri et fendi Et de ce la terre conçupt Un enfant que Pallas receupt. Eurithomon fu appellés. (MACH., Voir, 1364, 692). Les pierres y sont de tele nature que au cop du martel il se fendent tortueusement, si convient pour les joindre a point et pour mectre la boce contre la fosse justement, que les maçons aient regles de plonc. (ORESME, E.A.C., c.1370, 325). Helas, helas ! a moy, vil pecheur et viel escripvain qui m'entremés sans larmes d'escripre l'entremés dont les pierres fendirent, et mon vil cuer remaint vuit de devocion, de pitié et de compassion, traitant la sainte redempcion de l'umaine generacion. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 95). Et as veu la terre croler, le solail escousser et la pierre fendre et aprés en esperit et non pas sans larmes et compassion cordiale tu pues avoir veu la grant playe de son costé ouverte du fer agu, de laquelle le precieux sang et l'yaue salirent a tres grant habondance (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 283). Tant ont feru et martellé Les dames, en lonc et en lé, Q'un grant pan du hault mur fendi (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 325). ...il fut ung grant mouvement de terre tel que (...) les roches fendoient et cheoient (LA SALE, Sale D., 1451, 68). ...et n'y failloit soir qu'il ne fist assayer tousjours nouveaux engins, grosses serpentines, veuglaires et canons à renouveller, qui menoient un bruit, telle fois fut, que le ciel sambloit fendre (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 129). La terre trambloit par esfors ; Ressussité sont pluseurs mortz. J'ay veu roches et pierres fendre ; Cheüe est une part du temple. (Pass. Auv., 1477, 274).

 

-

[De la terre] : Je m'esbahy que la terre ne fent Soubz les pechez. On vit de rap, on oste, L'un l'autre tue, freres s'entreffons, L'hoste n'est plus asseuré chiez son hoste (Cene dieux, c.1492, 114).

 

-

Geler à pierre fendant : De parler de froidure, c'estoit trop grant honte a luy, car jamais amant ne doivent avoir froit soit qu'il gelle a pierre fendant (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 20). [Autre ex. p.154]

 

-

[Des lèvres] "Se fendiller, se gercer" : ...et tant que les levres de ma bouche en fendirent. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 105).

C. -

Part. passé en empl. adj.

 

1.

[D'une partie du corps, d'un trait de physionomie (en partic., yeux coupés en amande, fossette au menton)] : [La brebis] L'ongle a fendu et si rumine (Best. lap. Rosarius S., c.1330, 31). Mais si dui oueil (...) Furent riant Nom pas moult vair, pour estre plus poingnant Et plus agu, dous, humble et attraiant, Tous pleins de las pour loier un amant En amour pure ; Et s'estoient clungnetant par mesure, Fendus a point, sans trop grant ouverture, Tout acquerant par leur douce pointure ; N'a l'entrouvrir Ne se peüst nuls homs qui soit couvrir Qu'en mi le cuer ne l'alassent ferir, S'il leur pleüst, et pour euls retenir. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 69). ...Les dens avoit blans, sarrez et menus, Et ses mentons estoit un po fendus, Votis dessous et rondez par dessus. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 70). D'un dous ueil vairs, rians, fendus, Et d'un dous ris, fait par mesure, Suis je par mi le cuer ferus, Dont je sens sans plaie pointure... (MACH., L. dames, 1377, 99). S'un petit ay esté mus, Je n'en puis mais, Car pris sui et retenus Et au cuer trais Tout en un lieu de .IJ. trais D'un yex fendus, Vairs, dous, poingnans, ses, agus, Rians et gais. (MACH., Les lays, 1377, 425). Et ceulx qui ont la bouche grande et fendue ["large"], sont signe de ire et hardement. (Comp. kal. bergiers, 1493. In : Chrestom. R., 267).

 

2.

[D'un vêtement] "Divisé, ouvert dans le sens de la longueur, qui présente une fente" : ...pour fourrer une cote hardie à chevaucher, et un mantel fendu à un costé, d'une escarlatte vermeille (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1352, 101). ...Pierre Le Tessier (...) est vestu d'une robe de gris camelin, manteau sangle de mesmes, fendu au costé de la longueur de ladite cotte, qui est longue jusques au gros de la jambe, fendue par devant (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 463). ...les deux qui se disoient jacobins (...) en portoient l'abit, c'est assavoir que ilz estoient vestus de leurs chappes noires, fendues devant, et dessoubz vestuz de blanc. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 464). Voirement, ces robes de nuit Qui sont de bout en bout fendus, Noz bourgoises en sont vestus, C'est une nouvelle façon. (Sots Magn., a.1488, 195).

 

3.

Chemin fendant. "Voie qui s'écarte d'une autre après une partie commune" : YSABEL. (...) Prenons ce chemin ci fendant, Anne m'amie. ANNE. De marchier ne nous faingnons mie (Mir. fille roy, c.1379, 103).

D. -

Part. prés. en empl. subst. Fendant. "Tranchant" : Je l'ay rembarré du fendant De ma hache comme ung mouton. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 20).

II. -

P. anal.

A. -

Empl. trans.

 

1.

"S'ouvrir un chemin à travers qqc."

 

-

"S'ouvrir un chemin à travers (la foule)" : Alons nous y ferir bonne erre Et la presce derompre et fendre (Mir. fille roy, c.1379, 75).

 

-

Fendre une rue / le pays... "Faire son chemin dans" : ...tousjours fendant les rues en son arroy, vint descendre en un logis envers la porte du Dam (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 395).

 

Rem. Scheler, Gloss. Geste Liège, 151 (v.25999 : Disant qu'il vorat vir liqueis oserat tendre Son treit dedens sa terre, ne le sien paiis fendre).

 

-

[D'un oiseau] Fendre l'air : Quant li corbiaus vid la maison De Phebus, l'air fend et depart, Et tost s'en vole celle part. (MACH., Voir, 1364, 700).

 

2.

HÉRALD. "Barrer"

 

Rem. Scheler, Gloss. Geste Liège, 151.

B. -

Empl. intrans. ou pronom. Fendre à travers. "Traverser" : Item la rue de Mauconseil, d'un costé et d'autre, par devers ladite Grant Rue jusques au puis des estuves as hommes, qui est en la meson Hebert d'Ivry, et parmi la meson qui fu mestre Thierri d'Ayre, jadis evesque d'Arraz, en fendant a travers jusques tout droit audit puis, devant la rue de Tirevit. (Doc. 1331. In : A. Lombard-Jourdan, Bibl. Éc. Chartes 134, 1976, 375).

III. -

Au fig.

A. -

Empl. trans.

 

-

Fendre la teste à qqn. "Rendre qqn fou" : Jaques d'Angiers fut en ce temps, lequel descouvrit la faulce entencion que avoient les deux Augustins qui fendirent la teste au roy Charles VIe, disant le guerir et iceulx ignares en medicine, ne rien sçavans en cyrurgie, ainçois apostés par le duc de Bourgongne Philippe, comme l'on dit pour fere son chef devoré (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 148 v°).

 

-

Fendre le coeur (à qqn). "Causer à qqn une grande souffrance morale" : Pour ce, dame, je vous demant Qu'a moy vueilliez dire commant Je me porray de li deffendre, Car si gieu sont pour un cuer fendre, Mais qu'il soit de loial amant, Et fust plus dur que dyamant, Et s'aus autres est si diverse Et de nature si perverse Comme a moy, qu'elle eüst occi, Se Dieus ne vous eüst tost ci Amenée, pour moy destordre Dou mors dont elle me volt mordre. (MACH., R. Fort., c.1341, 87).

 

-

Fendre un vice. "Briser, détruire" : Romp mon orgueil et vanité [,] Purge et fen ma charnalité (Prières saints R., t.2, 1400-1500, 328).

B. -

Empl. intrans. ou pronom.

 

1.

[D'une pers.] "Se briser (sous l'effet d'une grande douleur morale)" : Quant roy Nicolas l'entendy, A peu de despit ne fendy (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 108). Quant li chevalier l'ot, de grant pitiet l'en ffant [croisement de fendre et de le coeur lui fend] (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 742). Et bon mary, qui de dueil se creve et fend, ne scet que faire (C.N.N., c.1456-1467, 464).

 

2.

[Du coeur] V. coeur : ...C'est ma viande ; Mes appetis plus ne vuet ne demande, Ne, par m'ame, riens n'est a quoy je tende Fors seulement a ce que mes cuers fende. Einsi Amour Croist en mon cuer au fuer de ma dolour, Ne ne s'en part, ne de nuit, ne de jour, Eins me compaingne en mon dolereus plour Par sa bonté... (MACH., J. R. Beh., c.1340, 86). Et ou darrein point contenoient Que s'amie estoit mariée Au plus vaillant de la contrée, Et estoit ja grosse d'enfant. "Haro !" dist il, "li cuers me fent. Hé ! Mors, que ne me viens tu prendre ? A po que je ne me vois pendre !" Lors prist ses cheveus a tirer, Et puis sa robe a dessirer. (MACH., J. R. Nav., 1349, 215). Li messages n'atendi pas, Eins s'en ala plus que le pas Au chevalier et tout li conte Ce que devant ay dit en conte. Quant li chevaliers l'entendi, A po li cuers ne li fendi, Car il ot paour que sa dame Honte pour li n'eüst ou blasme. Si dist : "Amis, foy que li doy, Avuec l'anel ara mon doy, Car ja par moy n'en partira." (MACH., J. R. Nav., 1349, 236). ...quant par memoire recors Comment soustenis grant oultrage En croiz, (...) Le cuer me fent, mon sens se pert, Si que je ne scé que je face. (Mir. st Alexis, 1382, 322). Pour t'amour, mon cuer fent par my (CHR. PIZ., Cent ball. amant dame C., c.1409-1410, 110). ...de dueil le cueur me fent (NESSON, Lay guerre P.D., c.1424-1429, 67). En escripvant ceste parolle, A peu que le cueur ne me fent. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 36). Mon cuer fent, tant est anoieulx Pour Quentin mon filz que j'amoie, Toujours je souspire et larmoye En regretant sa dure perte. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 58). Tant que le cueur luy cuyda fendre (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 65). ...a peu que le ceur ne luy fendit en deux pars de pitié et de compassion (LA VIGNE, V.N., p.1495, 312).

 

-

[En tournure factitive] : Mais ce qui fait mon cuer partir et fendre, C'est ce que je ne me say a qui prendre De mon anui. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 84). Helas ! si ne puis aprendre, Ymaginer ne tour prendre Qu'il ne me conveingne prendre Mort pleinne de desespoir ; Ne je ne m'en puis deffendre, Car elle fait mon cuer fendre, Quant elle n'est vers moy tendre ; C'est ce dont me desespoir. (MACH., Les lays, 1377, 320).

 

-

[Contexte métaph.] : Cueur, fendés vous ou percez d'une broche Et ne soiez, au moins, plus endurcy Qu'au desert fut la forte bise roche Dont le peuple des Juifz fut adoulcy ; Fondez lermes et venez a mercy (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 76).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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